Music give a soul to our hearts and wings to our thoughts. Il y a quelques jours, alors que je me baladais dans les rues de Gotham, je suis tombée sur une affiche qui indiquait la venue d'une DJ que j'aime beaucoup. Feather. Elle touche à l'électro, enfin plus précisément à la trance. C'est un style dérivé de l'électro, un peu plus doux, qui me fait la plupart du temps voyager. Les rythmes et les mélodies utilisés nous font partir dans un autre monde, comme l'indique la catégorie. Je sais que pas mal de personnes aiment prendre des stupéfiants lorsqu'ils écoutent ce genre de musique, mais personnellement, je me laisse emporter par le son et l'effet et quasiment le même. Je n'ai personne avec qui y aller, mais ce n'est pas grave, je trouverais bien du monde à qui parler une fois sur place. Les gens qui écoutent des musiques pareilles ne sont pas farouches, et ils sont tous dans le même état d'esprit : profiter.
Je me prépare donc à y aller, le concert se passe dans un bâtiment désaffecté, pour avoir un grand espace mais surtout pour ne pas déranger la population à cause des basses. Je regarde l'heure : 20 heures. Il me faut un peu plus d'une demie-heure pour m'y rendre, alors je ne traîne pas trop. Je me dirige vers le métro, et constate que pas mal de personnes ont l'air de s'y rendre aussi. Je souris en voyant les jeunes, excités par ce qui doit probablement être leur premier concert. Enfin, je dis concert mais on peut tout aussi bien considérer ça comme une rave party. Quelque chose entre le réel et l'imaginaire. Je monte dans la rame, et m'adosse aux portes de sortie. Lors du trajet, je visse mon casque sur la tête, et lance la playlist du groupe histoire de me mettre dans le bain. Le temps passe rapidement, et nous arrivons avec quelques minutes d'avance. Les portes doivent ouvrir à 21 heures, alors je prends le temps de me fumer une cigarette. Je me dirige vers l'ancienne usine, et constate que le groupe a ameuté une foule pas possible. Je ne pensais pas qu'autant de personnes étaient fan d'eux. Je souris alors que j'entends déjà les basses vibrer dans la salle. Les derniers ajustements je suppose. Je jette un coup d’œil rapide à l'assemblée avant de me diriger moi aussi vers les portes d'entrée. La soirée promet d'être bonne.
Raven regardait incrédule la scène qui se déroulait devant ses yeux ; ses lèvres s'étaient plu à s'entrouvrir de quelques millimètres sans qu'elle ne s'en rende compte et ses sourcils s'arquèrent pendant que tombait maladroitement une mèche brune sur son front ; elle venait de secouer subitement son visage de sorte à défaire le semblant de coiffure dont elle avait pris un relatif soin à ordonner quelques heures plus tôt. Un mélange de réponse affirmative et négative avait à ce moment secoué son visage. De ses yeux, s'ajoutaient des nuances d'incompréhensions et ses mains s'étaient élevées comme pour prendre le verre qu'elle pensait sien ; un verre qu'on retira malgré tout avant qu'elle ne l'atteigne, faisant tomber le long de son corps des mains ballantes qu'elle ne savait où poser désormais.
Pourtant, elle avait été convaincu – le temps d'une seconde – que cette bière lui appartenait quand la barmaid en face d'elle lui avait énuméré la liste des boissons servies et les différentes variétés de bières proposées. Elle n'avait pourtant pas murmuré la moindre réponse, se contentant de plisser les yeux et de regarder le visage de la femme qui se tenait face à elle en espérant qu'elle saurait trouver, naturellement, une boisson à lui servir sans qu'elle n'ai à bouger ses lèvres. Mais cela ne sembla pas fonctionner.
Pourtant, elle était convaincue que ce verre était sien : on ne lui avait jamais appris qu'il fallait commander à boire avant de boire dans un comptoir tant elle était d'ordinaire réfractaire quant à l'idée de sortir se détendre, alors personne n'en avait pris la peine. Et puis il y avait ces sitcoms que l'on rediffusé depuis trente ans sur les chaînes du câble, celles-là lui avaient appris que parfois, l'on pouvait venir à un comptoir, faire un salut étrange de la main à un employé du bar et repartir avec une boisson sans que cela ne gêne personne. Et puis, il y avait l'université et sa cantine où elle mangeait souvent au moment du déjeuner, là-bas l'on ne parlait à personne, l'on se contentait de faire passer une bande magnétique dans un emplacement prévu à cet effet qui vous laissait le droit de vous nourrir et de vous abreuver pour quelques dollars ; en somme, elle aurait préféré que cela se déroule d'une de ces façons au lieu d'avoir à interagir avec quelqu'un. Et puis, le nom des bières, elle n'en avait retenu aucun au moment suivant l'énumération de ces derniers.
Alors, quand elle leva ses mains pour venir se saisir de la boisson que l'on venait de poser face à elle, elle fut embêtée quant elle vit un homme s'en emparer et assurer être le propriétaire de cette boisson. Elle ne fronça pas les sourcils mais la situation l'embêta fortement, tant est qu'une personne normale aurait eu, elle, cette moue agacée et peinée qui traînait seulement dans ses pensées à ce moment précis. Alors on lui demanda si elle désirait une Kreptofaün, qui se trouvait être la bière qui venait de s'en aller aux mains d'un inconnu, et Raven hocha la tête, sans savoir si c'était bel et bien la boisson qui lui convenait : après tout, Raven n'aimait pas la bière et si elle était venue là pour en commander une, c'était par soucis d'intégration avant tout.
Elle hocha la tête de telle sorte qu'au vu de l'inconfort que lui prodiguait la situation, l'on aurait su dire s'il s'agissait d'un oui ou d'un non : puis à mesure que les secondes s'égrainaient, son visage fini par prendre une teinte affirmative claire ; on lui servi une bière et elle s'en alla, un peu vers la scène là où les places demeuraient nombreuses, à quelques mètres à la gauche de Feather, plus particulièrement.
La scène s'était tapissée d'une lumière sombre et bleutée quand Raven était arrivée jusque là où ses pas l'avaient menés, de sorte à la laisser se plonger dans un océan de sons tendres et amers, passionnels et reposant. Il y avait de la fumée qui s'en allait de quelques endroits que ce fut disposée à travers la salle et Raven se laissait aller à son tour, au rythme des contes que quelques mélodies faisaient doucement naître en ses pensées. Feather jouait Soul of no one et l'Azarath s'imaginait des tableaux superbes. A mesure que la prestation avançait, Raven avait fini par arrêter de regarder autour d'elle et elle s'était allée à un brin de confiance, le regard absent, les paupières closes, au milieu de l'estrade et elle s'était mise à danser comme chacun en cette nuit, sans se soucier de prendre garde à quoi que ce soit.
Alors elle s'imaginait des terres noires et un ciel plus sombre encore ; elle voyait des vents circuler au travers des champs vierges de tous monceaux de verdures, faisant se lever en une mélodie parfaitement orchestrée quelques nuages terreux. Ceci semblait danser autour d'elle, alors qu'elle regardait cela. Il semblait même à Raven, pendant une seconde à peine, ne plus entendre Feather et sa poésie l'étreindre, comme si elle était arrivée à un lieu unique et paisible ; alors elle blanchit quelques peu et ouvrit les yeux, s'égarant de la musique qu'elle entendait, arrêtant d'y penser.
Elle avait eu peur, Raven. Peur d'avoir atterrie ailleurs, dans une dimension où il lui était coutumier de se rendre, d'avoir amené quelqu'un avec elle, si ce n'était plus ; peur d'avoir, pendant quelques secondes à peine, fait entrevoir à quiconque un soupçon de sa part astrale. Alors elle s'était retournée subitement, regardant où elle le pouvait, cherchant du regard des yeux surpris, fascinés ou apeurés ; elle fit d'ailleurs couler par inadvertance quelques gorgées de sa bière, une bière qu'elle n'avait d'ailleurs pas encore touché mais qu'elle tenait à la main depuis le début. Et elle vit.
Music give a soul to our hearts and wings to our thoughts. La musique emplit la salle depuis presque une heure, et la transe générale n'est pas descendue une seule seconde. Je regarde autour de moi encore une fois, et j'aperçois quelques personnes qui sont parties dans un autre univers. Beaucoup ont les yeux fermés et sont ailleurs, certainement en train de s'imaginer dans un monde meilleur. Dans un monde où la peur ne ferait pas partie constante de leur quotidien, un endroit où ils pourraient vivre sans se préoccuper de savoir si demain ils seraient encore vivants. Je dois avouer que je suis un peu comme eux, à me demander ce que serais ma vie si mes parents étaient encore en vie, si je n'avais pas été obligée d'aller vivre à Gotham, ce que je serais devenue si j'avais continué mes études comme c'était prévu depuis toujours. En quelques secondes, mon humeur se ternit, et je me renfrogne. Cependant, la vision d'une jeune femme attire mon attention et pendant un instant, je ne pense plus à rien tandis que mes yeux suivent les mouvements de son corps. Elle est brune, et son visage est doux, rien d'agressif ne semble émaner d'elle. Durant quelques secondes, je me demande à quoi elle est en train de penser, si ce qu'elle s'imagine est beau, ou si au contraire, elle s'est perdue dans la noirceur de son esprit comme j'ai pu le faire quelques secondes plus tôt.
Mes questionnements sont vite interrompus quand je la vois ouvrir les yeux. Son teint s'est blanchi en un rien de temps, et une lueur de peur envahit ses pupilles. Je ne sais pas où elle est était partie, mais ça ne devait pas être tout rose. Le temps de me retourner pour profiter à nouveau des basses de la musique, je sens un liquide couler dans mon dos. Je me retourne, mon bonne humeur retrouvée s'envolant rapidement. Je suis à deux doigts de m'en prendre à la personne ayant renversé quelque chose sur moi lorsque je me rends compte que la bêtise vient d'être faite par la jeune femme qui m'hypnotisait quelques secondes auparavant. Je ne sais pas trop comment réagir, et malgré moi, un soupçon de colère l'emporte. Je lui crache alors méchamment « Tu peux pas faire attention ? Je fais comment moi maintenant ? » Je soupire de mécontentement et descends alors de l'estrade où je me trouvais pour me diriger vers les sanitaires afin de me nettoyer au mieux. A l'odeur, je me doute que le liquide doit être de la bière, ce qui n'arrange pas mon état. Je vais embaumer le malt à un mètre à la ronde. Je fulmine tandis que je me fonds dans la masse, les personnes collées les unes aux autres me ralentissant dans ma progression.
Lorsque j'arrive enfin à destination, je me dépêche de retirer mon t-shirt. J'attire le regard des quelques femmes se trouvant aussi dans la pièce mais peu importe, je ne suis pas pudique de toute manière. J'ouvre le robinet et place la tâche sous l'eau afin d'enlever le maximum de liquide. De toute manière ce n'est que pour le reste de la soirée. C'est sur cette réflexion que je me rends compte du comportement que j'ai eu face à la jeune femme. Elle n'a sûrement pas fait exprès de renverser son verre sur moi, peut-être a-t-elle été bousculée par quelqu'un. Je me mords la lèvre alors que je passe le tissu sous le sèche main pour atténuer les dégâts. Ma réaction a été démesurée. Comme d'habitude. Il faut vraiment que j'apprenne à contrôler mon impulsivité. Je dois absolument m'excuser auprès d'elle. Je n'avais pas à être aussi méchante. J'enfile à nouveau mon t-shirt et ressort, déterminée à rattraper mon erreur. Je me dirige vers le bar afin de commander quelque chose de plus fort que la bière.