* Les dessins sont assez approximatifs. Les couleurs correspondent, les formes globalement mais c'est pas parfait. Des dessins d’enfants de 5 ans quoi xD
Assise à la table du salon, tasse de thé en main, Rosie étudie soigneusement les annonces immobilières de Washington postées en ligne. Tout en conservant son petit appartement, elle était venue s'installer officiellement avec Lucian et Sasha – de toute façon la plupart de ses affaires se trouvaient déjà chez eux – mais après discussion ils avaient conclu qu'ils seraient sans doute plus à l'aise ailleurs. Une petite maison de banlieue semblait être l'idéal, alors Rosie s'était mise en chasse pour trouver la perle rare tandis que Lucian avait été obligé de sacrifier son jour de repos pour une mission de dernière minute. Sasha restée avec elle, la jeune femme prend son rôle de tante d'adoption très à cœur, soucieuse du bien être de la petite fille. Il n'est pas toujours évident de le remarquer, mais Sasha reste très perturbée par la perte presque simultanée de ses deux parents, un traumatisme que Rosie connaît malheureusement trop bien. Les dieux soient loués, l'enfant ne conserve aucun souvenir de sa vie dans le paradoxe temporel, faute de quoi elle aurait dû faire le deuil de ses parents deux fois. Comme Rosie, qui a beaucoup de mal à s'en remettre malgré une attitude détendue qu'elle espère convaincante en présence de Sasha. De temps en temps, elle jette un coup d'œil dans sa chambre pour s'assurer que tout va bien, et constate avec soulagement que la pile électrique de la maison est trop occupée à jouer avec ses peluches et à dessiner pour broyer du noir. Parfois, Rosie s'aventure dans son esprit pour s'assurer qu'elle va bien, consciente qu'il est difficile pour une si petite fille d'exprimer clairement ce qu'elle ressent. Mais Sasha est plus forte que son jeune âge ne le laisse suggérer, et si Lucian et elle sont encore un peu maladroits, elle ne semble pas leur en tenir rigueur. Quand elle vient la retrouver dans le salon en quête d'un crayon égaré, Rosie lui adresse un sourire. « Hm... Tu as regardé sous le canapé ? La dernière fois que tu as fait du coloriage, c'était sur la table basse du salon, il est peut-être tombé dessous. » Au grand désespoir de Lucian qui aurait préféré qu'elle parvienne à convaincre Sasha de regarder autre chose, Rosie maîtrise plutôt bien le sujet de la Reine des Neiges. En revanche, elle perd le fil dès que Sasha commence à lui parler de Salamèche, Carapuce et compagnie. Elle fait en sorte de ne pas trop le montrer pour éviter une salve de questions, mais elle a passé tellement d'années enfermée que les éléments culturels de plusieurs générations lui échappent encore beaucoup trop. « Dis-moi... Tu ne préférerais pas aller faire de vrais copains à Olaf ? » Elle se lève et va prendre Sasha dans ses bras, pour la soulever à la hauteur de la fenêtre et lui montrer Washington recouverte de plusieurs centimètres de neige. « Regarde, il a neigé cette nuit. Tu veux qu'on aille au parc ? On pourrait faire des bonhommes de neige et aller boire un chocolat chaud au dinner juste à côté. Tu sais, celui où nous avons été la dernière fois avec Lucian ? Celui où tu as eu des pancakes en forme de licorne. » Rosie fait de son mieux pour s'occuper de Sasha aussi bien que possible. Mais ce n'est pas toujours évident, elle a perdu sa mère trop tôt pour qu'elle puisse devenir un exemple à suivre. Elle tâtonne encore plus que Lucian, soucieuse de bien faire et inquiète à l'idée de faire le moindre faux pas. « Tu pourras terminer tes dessins ce soir, si tu veux. Et si vraiment on ne parvient pas à remettre la main sur ce crayon orange avant de partir, on passera au supermarché acheter une nouvelle boite avec encore plus de couleurs, d'accord ? » Déjà peu habituée à prendre des décisions concernant sa propre personne, Rosie est rarement sûre d'elle quand il s'agit de Sasha, malgré les encouragements réguliers de Lucian. Aucun parent – ou tuteur – n'est à l'abri de faire des erreurs, mais cela ne l'empêche pas de les redouter. « Alors, qu'est-ce que tu penses de ce programme ? Promis, on sera rentrées à temps pour dîner avec ton oncle et tu ne rateras pas ton dessin animé préféré. »
Loin du quartier général d'A.R.G.U.S, et surtout d'Amanda Waller, Rosie a presque l'impression de mener une vie normale. Les préoccupations de Sasha sont les mêmes que celles de tous les enfants de son âge, alors en sa présence elle est bien obligée de laisser tous ses tracas de côté. Malgré son jeune âge, elle est déjà bien perspicace et remarque toujours très vite lorsque quelque chose ne va pas. La seule chose qui la préoccupe pour le moment est la disparition de son crayon de couleur, et Rosie compte bien s'assurer que rien de plus sérieux ne vienne la perturber. Lucian réquisitionné pour une mission de dernière minute, c'est à elle que revient la responsabilité du bien-être de la petite fille et elle compte bien s'en assurer au moins jusqu'à son retour. « Ne t'en fais pas pour ce crayon, nous irons t'en acheter une nouvelle boite. » Enfant et orpheline, Rosie aurait donné n'importe quoi pour qu'on lui offre une simple boite de crayons de couleur. Pour qu'on s'intéresse vraiment à elle, pour qu'on lui donne ne serait-ce qu'une seconde d'attention. Au lieu de cela, une fois ses parents décédés, elle avait été promenée de famille d'accueil en famille d'accueil et finalement abandonnée dans un hôpital psychiatrique. Personne ne s'était soucié de ce qu'elle ressentait, personne ne s'était soucié de son bonheur. La roue n'avait commencé à tourner que lorsqu'elle avait rencontré Lucian. « Tu as raison, avec toute cette neige il faut que tu te couvres bien ! Il ne faut surtout pas que tu tombes malade. » Toujours souriante, Rosie la repose sur le parquet pour qu'elle puisse aller se préparer, puisqu'elle veut le faire comme une grande. Rosie fait de même, enfilant un manteau épais et enroulant une écharpe autour de son cou. « Tu es prête ? » Elle s'agenouille devant Sasha pour réajuster le col de sa veste, puis va chercher son sac à main resté sur le salon. Avant de quitter l'appartement, elle envoie un message à Lucian pour le prévenir de leur sortie et surtout pour lui demander si tout va bien. Elle ne déteste rien de plus qu'être séparée de lui et le savoir en train de risquer sa vie à des centaines de kilomètres. Même en sachant que son heure n'est pas encore venue, ça ne l'empêche pas de se faire un sang d'encre. Elle n'est rassurée que lorsqu'elle reçoit une réponse, peu de temps après l'envoi de son message. Elle sourit quand elle lit les mots ; il sera lui aussi rentré à temps pour le dîner. « Allez, princesse, c'est parti ! » Rosie tend la main à Sasha, puis elle quittent toutes les deux l'appartement. Il fait froid mais l'air est doux, et la couche de neige étouffe le bruit de leurs pas. Vêtue de blanc, le paysage de Washington est plus appréciable. Rosie n'aime pas les villes, leur chalet en Alaska et surtout le calme de cette région lui manquent déjà. Mais sous cette épaisse couche de neige, la capitale est transformée, comme endormie. La main de Sasha toujours dans la sienne, elle fait attention où elle marche et entraîne la petite fille dans son sillage pour qu'elle ne risque pas de glisser sur une flaque de neige fondue ou une plaque verglas. « Est-ce que Lucian t'a dit que nous allons bientôt déménager ? » Elle lance un regard bienveillant à Sasha. Le changement peut être difficile pour les enfants ayant vécu un drame, mais elle espère que tout se passera pour le mieux. « Pas très loin, ne t'en fais pas. On voudrait acheter une jolie maison, peut-être avec un jardin. Ce serait chouette d'avoir un jardin, tu ne crois pas ? Peut-être même que tu auras une chambre plus grande, pour mettre toutes tes peluches et toutes tes poupées. Et tu sais quoi ? On pourrait même essayer de convaincre ton oncle ne nous laisser adopter un chien ou un chat. »
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Spoiler:
Après que tout (ou presque) soit revenu dans l'ordre après le paradoxe temporel, Lucian, Rosie et Sasha sont partis en vacances en Alaska Tant pis pour ARGUS et pour l'école
La bonne humeur de Sasha est communicative. Avec elle, difficile de penser à autre chose qu'aux bonhommes de neige et au coloriage. Les préoccupations liées à Amanda Waller et à la magie sont oubliées au moins pour un temps, remplacées par des pensées bien plus légères. « Tu sais, si Lucian veut bien qu'on prenne un chien, il faudra qu'on s'en occupe tous les trois... C'est beaucoup de responsabilités. Un peu comme un bébé. Il faudra faire très attention à lui. Tu es d'accord ? » Rosie doute que Sasha refuse, apparemment il n'est jamais trop tôt pour faire comprendre aux enfants le sens des responsabilités. Enfin, d'après le livre acheté à la hâte et avec une certaine dose de panique juste après qu'elle se soit installée avec Lucian et elle. Elle rit quand Sasha lui parle des abeilles, avec son langage parfois un peu approximatif d'enfant. « On appelle ça une ruche, Sasha. Je suis sûre que nous pourrions en installer une petite dans un coin du jardin. Comme ça, les abeilles seraient sauvées et même temps, elles nous feraient du miel. Est-ce que la maîtresse t'a expliqué comment vivent et travaillent les abeilles ? Une ruche, c'est un peu comme une ville pour elles. Ou plutôt un royaume ! Les abeilles ont une reine, tu le savais ? » Rosie est prête à parier que d'ici peu, Sasha les suppliera pour avoir un livre sur les insectes. Alors peut-être qu'elle prendra les devants et le lui prendra en même temps que sa nouvelle boite de crayons de couleur, et tant pis si Lucian râle un peu parce qu'elle la gâte trop... « Les papillons n'ont pas vraiment de maison, ou plutôt... C'est le monde entier qui est leur maison. Mais ils aiment beaucoup les fleurs, si on en plante dans le jardin je suis sûre qu'ils viendront à chaque printemps. Tu as une fleur préférée ? Moi, j'aime beaucoup les roses. » Ce qui explique leur présence un peu partout dans l'appartement, sans autre raison particulière que son attachement pour elles. Rosie retient doucement Sasha par la main avant qu'elle ne traverse sans avoir regardé des deux côtés de la route, petit réflexe à avoir et qu'elle lui rappelle avec bienveillance. Quand elles ne sont plus très loin du parc, elle lâche la main de la petite fille. Il y a déjà beaucoup d'enfants au parc, la plupart accompagnés de leurs parents. Pendant une minute, alors qu'elle observe les gens rassemblés au parc, Rosie a l'air triste. Elle est incapable de se souvenir si ses parents l'ont un jour emmenée faire des bonhommes de neige. Grâce au paradoxe temporel – ou plutôt à cause de lui – elle se souvient clairement des visages et des voix de ses parents, mais les souvenirs de son enfance ne sont pas plus limpides. Ni Sasha ni elle n'auraient dû devenir orphelines si jeunes, ce n'est pas juste. Peu importe que ce soit le destin ou le hasard, ce n'est pas juste. Sans Lucian elles seraient toutes les deux perdues, à la dérive quelque part. Rosie se force à repousser toutes ces pensées sombres dans un coin de son esprit – elle ne veut pas que Sasha remarque sa tristesse, même si elle sait que la petite est bien moins naïve qu'elle ne semble l'être. Elle lui désigne un petit monticule de neige, juste à côté d'un banc lui aussi recouvert d'une fine couche de flocons. « Tu me montres comment tu fais les copains d'Olaf ? Il faut que tu fasses les plus beaux des bonhommes de neige, comme ça je pourrai prendre une jolie photo et l'envoyer à ton oncle. Tu sais, il travaille dur pour que tu puisses avoir tout ce dont tu as besoin, c'est pour ça qu'il ne peut pas venir avec toi au parc autant qu'il le voudrait... Mais voir tes beaux bonhommes de neige, je suis sûre que ça lui ferait vraiment plaisir. » Rosie s’accroupit à côté de Sasha, et commence à rassembler un petit tas de neige pour l'aider. Pas de magie pour le moment, peut-être qu'elle jettera un petit sort pour animer leurs créations une fois ces dernières terminées. « Il va nous falloir des brindilles et des petits cailloux pour leur faire des yeux, un nez, une bouche et des bras. Tu crois que tu peux trouver ça ? »
Faire un bonhomme de neige. C'est sans doute l'une des activités les plus simples au monde et pourtant elle est presque inédite pour Rosie. Elle n'a pas de tels souvenirs, elle ne sait plus si elle a un jour fait un bonhomme de neige avec ses parents. Alors même si Rosie sait qu'elle ne pourra jamais remplacer la mère de Sasha, elle fera en sorte d'aider Lucian à lui offrir toutes les expériences auxquelles tous les enfants devraient avoir le droit, même les plus simples d'entre elles. Il n'y a qu'à voir la joie de la petite fille quand elle commence à assembler son bonhomme de neige pour comprendre à quel point c'est important. Rosie ne l'a pas encore avoué, mais jouer le rôle de figure maternelle pour Sasha lui plaît de plus en plus et l'aide elle aussi à guérir de ses propres blessures. Un large sourire étirant ses lèvres, elle l'aide à assembler son bonhomme de neige du mieux qu'elle le peut. Le résultat n'est pas forcément très convaincant, mais peu importe, ce n'est pas comme si elles faisaient un concours. Un simple coup d'œil autour d'elles suffit pour constater que tous les bonhommes de neige du parc ont des apparences très approximatives, aussi diverses que variées. Elle laisse Sasha mettre ses bras à leur bonhomme de neige, et puis elle l'aide à lui faire un drôle de visage avec les petits cailloux ramassés. « Hm... Il est mignon, mais la prochaine fois on prendra une carotte, pour qu'il ressemble vraiment à Olaf. » Ce détail lui avait échappé quand elles s'étaient préparées pour affronter le froid de l'hiver. Elle aide Sasha a aplatir un peu leur création pour qu'elle ressemble à son personnage préféré. « Je crois... Je crois que nous avons notre Olaf à nous ! Tu te mets à côté de lui, pour que je prenne une photo pour Lucian ? » Rosie s'agenouille devant le bonhomme de neige et Sasha, et prend une série de photos avec son téléphone. Elle termine en se rapprochant pour les photographier toutes les deux en compagnie de leur nouvel ami et une fois qu'elle est satisfaite de ses prises, elle en envoie quelques unes à Lucian accompagnées d'un message. Et puis l'air de rien, quand Sasha est occupée à regarder ailleurs, elle lance un petit sort inoffensif sur le bonhomme de neige pour lui donner vie. Elle l'anime à la manière d'un golem de pierre, à la différence que sa création n'a pour unique but que d'amuser Sasha et les autres enfants du parc. Comme une marionnette dont elle tirerait les ficelles, le petit bonhomme de neige s'agite et se met à danser en imitant grossièrement une danseuse de ballet. Il ne faut guère longtemps avant que d'autres remarquent son tour de magie, et si dans un premier temps Rosie craint que certaines personnes réagissent mal – la tolérance n'est pas partout – c'est finalement l'admiration qui l'emporte. Probablement parce que les enfants sont fascinés par le spectacle absolument inoffensif du petit bonhomme de neige animé. Rassurée, Rosie donne vie à plusieurs autres pantins glacés. Elle soupire discrètement lorsqu'elle remarque plusieurs téléphones braqués sur elle et ses créations pour filmer la scène et la diffuser sur les réseaux sociaux. Amanda n'appréciera sans doute pas, mais tant pis pour elle, qu'elle se mette en tête une bonne fois pour toutes qu'elle ne peut pas contrôler chaque seconde de sa vie. Pour une fois, ce ne sera pas une scène de carnage qui sera largement diffusée, le changement sera bienvenue après ces mois – années ? – compliquées. Rosie amuse les enfants et leurs parents pendant de longues minutes, puis elle laisse progressivement les bonhomme de neige retourner à leur état originel. Les uns après les autres, ils s'immobilisent dans de drôles de positions. Quand un petit garçon lui demande ce qui leur arrive, elle répond simplement qu'ils sont fatigués pour ne pas ruiner la magie du moment. Accroupie, Rosie tend les bras à Sasha. « Maintenant, c'est toi la reine des neiges ! »
Dans l'imaginaire de Sasha, Rosie est sans doute beaucoup de choses. Une fée, une sorcière, une princesse, une exploratrice... La Reine des Neiges. Des rôles que Rosie endosse avec plaisir, si cela peut permettre à la petite fille de se remettre de ses traumatismes. Tout ce qu'elle souhaite, c'est lui éviter de souffrir comme elle a souffert. À peine plus âgée qu'elle, Rosie aurait donné n'importe quoi pour être recueillie par un membre de sa famille après le décès de ses parents. Mais personne ne s'était jamais manifesté, personne n'avait jamais été trouvé. Comme si son père et sa mère étaient les uniques représentants de leurs familles respectives et étaient arrivés de nulle part. Distraite par ses pensées, Rosie sursaute quand Sasha lui envoie une boule de neige qui s'écrase doucement sur sa jambe. Elle affiche une mine faussement outrée avant d'éclater de rire. « Dis donc, petite coquine ! Attends un peu que je t'attrape ! » Et Rosie se penche à son tour pour façonner une boule de neige, qu'elle lance doucement vers Sasha. La première atteint le bonhomme de neige, mais la seconde touche sa cible. Leur bataille de boules de neige incite les autres enfants à en faire de même, et bientôt le parc entier se transforme en drôle de champ de bataille où les éclats de rire succèdent aux cris stridents de ceux qui sont touchés par les projectiles inoffensifs. Le jeu dure un moment, mais Rosie y met fin – à contrecœur – quand elle sent ses doigts s'engourdir à cause du froid malgré les gants qu'elle porte. « Tu as gagné, je m'avoue vaincue ! » Rosie fait mine de s'incliner devant Sasha, la grande gagnante de cette petite guerre de boules de neige. « Tu sais quoi ? Tout ça m'a donné faim, pas toi ? C'est l'heure des pancakes en forme de licorne et d'un bon chocolat chaud ! » Elle tend la main à la petite fille, espérant que la perspective d'un goûter pour le moins gourmand la convaincra de quitter le parc sans afficher une petite mine boudeuse dont elle a le secret, et qui a le don de faire culpabiliser n'importe qui dans la seconde. Alors, juste au cas où... « On reviendra bientôt, d'accord ? Peut-être même ce week-end, avec Lucian. » En supposant que Waller n'ait pas encore la merveilleuse idée de les envoyer en mission au dernier moment. Parfois, Rosie se demande si cette femme se souvient encore qu'elle a des enfants, une famille. C'est une question que personne à l'agence ne se risquera jamais à lui poser, instinct de survie oblige. Heureusement pour elles, le dinner qui fait le bonheur des petits et grands ne se trouve pas très loin du parc. À cette heure de la journée, il y a foule, mais la jeune serveuse qui les accueille leur trouve une table libre, éloignée de l'agitation de l'entrée de l'établissement. Au lieu de s'asseoir en face de Sasha, Rosie s’assoit à côté d'elle sur la banquette pour l'aider à lire le menu. « Alors, alors... Je suppose que tu veux toujours les licornes ? Avec un super chocolat chaud avec une montagne de chantilly ? Tu peux choisir ce que tu veux. » À condition de promettre de manger tout son dîner ensuite ? C'est sans doute ce que Lucian aurait ajouté, mais au cas où la petite fille n'aurait pas d'appétit le soir venu, Rosie assumera l'entière responsabilité de leur escapade gourmande ! « Qu'est-ce que tu veux sur tes pancakes ? Du sucre, du sirop d'érable, du chocolat fondu... ? Moi, je vais prendre un muffin aux fruits rouges et un chocolat chaud au chocolat blanc. » Peu de temps s'écoule avant qu'une serveuse ne vienne prendre leur commande, et Rosie laisse Sasha passer la sienne comme une grande. Puis elle lui adresse un sourire réconfortant tout en lui servant un verre d'eau avec la carafe qui a été déposée sur leur table. Avec un air songeur, elle observe la fillette en se demandant si elle avait pour habitude de faire ce genre de sortie avec sa mère, et avec son père lorsque celui-ci était en permission. Quelles étaient leurs rituels quotidiens, ces petites choses banales qui lui manquent peut-être terriblement. Rosie aimerait lui poser la question, mais elle ne veut pas risquer de la rendre triste alors qu'elle est de si bonne humeur. Alors elle opte pour une approche différente, plus délicate mais qui devrait satisfaire sa curiosité et son envie de bien faire. « Sasha... Est-ce qu'il y a des choses que tu aimerais faire, avec ton oncle et moi ? Ou peut-être que tu voudrais qu'on t'inscrive à... Un cours de sport ou de dessin ? Tu sais, quand j'étais petite, je rêvais de faire de la danse classique ! Je voulais devenir une ballerine. Mais si tu demandes à Lucian comment je me débrouille en danse, il te dira certainement qu'à part lui marcher sur les pieds, je ne sais pas faire grand chose ! »
Sasha est une petite fille extrêmement courageuse. Quand on la voit aussi souriante, pleine de vie et avide de découvertes, difficile d'imaginer qu'elle a perdu ses deux parents et a été déracinée de sa vie tranquille. Elle est tout ce qu'il y a de plus adorable et attachant, comme Rosie a pu elle-même le constater en se prenant très vite d'affection pour elle. Elle ne pensait pas se découvrir un instinct maternel de sitôt et pourtant avec Sasha, Rosie fait de son mieux pour être aussi attentive à ses besoins qu'une mère le ferait. Elle est bien placée pour savoir qu'elle ne remplacera jamais celle qu'elle a perdu, mais elle peut au moins essayer de rendre son absence supportable. Rosie a vécu ce qu'aucun enfant ne devrait avoir à vivre, peut-être cela explique-t-il pourquoi elle a tenu à si vite s'impliquer dans la vie de la petite fille. Ce n'était pas uniquement pour soulager Lucian, c'était pour s'assurer que Sasha ait tout ce qu'elle n'avait pas eu. À commencer par le droit d'être une enfant comme les autres malgré les drames ayant marqué sa courte vie. Et si les pancakes en forme de licorne et les chocolats chauds en font partie, Sasha en aura autant qu'elle le voudra. Mais avant tout, Rosie veut s'assurer qu'elle se sente bien et n'ait pas l'impression d'avoir perdu toutes ses marques. Elle ne connaît que très peu le passé de la petite fille, et s'il lui aurait suffi de lire dans ses pensées pour en savoir davantage, elle préfère l'entendre exprimer ses sentiments et ses envies de vive voix. En attendant que la serveuse revienne avec leur commande, elle l'interroge et écoute avec attention ses réponses, même si ces dernières ne sont pas aussi explicites qu'elle l'aurait voulu. De la pâtisserie et un peu de jardinerie, pourquoi pas, voilà qui est noté. « Tu sais, j'étais à peine plus vieille que toi quand j'ai perdu ma maman, alors je n'ai pas vraiment eu le temps d'apprendre à faire des gâteaux avec elle... Mais je serais ravie d'en faire avec toi. Quand nous irons acheter tes nouveaux crayons de couleur, nous pourrons prendre de quoi faire aussi des cookies, qu'est-ce que tu en penses ? Je ne sais pas si je serai aussi douée que ta nounou, mais nous pourrons apprendre à les faire toutes les deux. Et je suis sûre que Lucian serait ravi de nous aider ! » Dit ainsi, cela ressemble à une activité en famille parfaite. En famille... Rosie reste songeuse un instant, comme si elle réalisait pour la première fois enfin avoir sa propre famille. Lucian, Sasha et John... Après presque vingt années de solitude, elle a l'impression que c'est presque trop beau pour être vrai. Et malheureusement, ça l'est. « Est-ce que vous faites des fleurs... Comme ça ? » Rosie agite les doigts et de petites étincelles s'en échappent et se mettent à virevolter pour représenter un bouquet. Elle laisse Sasha s'émerveiller quelques instants avant de laisser les fleurs s'évaporer dans l'air. « Quand nous aurons un grand jardin, il y aura assez de place pour planter toutes les fleurs que tu voudras. Et des roses aussi, d'accord ? » La serveuse revient avec leur commande et dépose devant Sasha une assiette avec trois pancakes multicolores en forme de licorne, avec une petite bouteille de miel et une tasse de chocolat avec une montagne de chantilly. À côté, le chocolat de Rosie et son muffin font pâle figure. C'est tout ce qui fait le succès de ce dinner, leurs plats préparés spécialement pour épater les enfants. « Tu vas manger tout ça, petite gourmande ? » Le contraire serait étonnant ! Il y a toujours de la place pour les pancakes, un peu moins pour les légumes pourtant eux aussi préparés avec amour. « Tu voudrais qu'on essaye de faire des pancakes à la maison ? En commençant par quelque chose de plus simple ! Ne le répète pas à Lucian, mais la dernière fois qu'il a essayé d'en faire, on aurait plus dit des crêpes que des pancakes. » Ce qui ne les avait pas empêchées de n'en faire qu'une bouchée. Rosie porte sa tasse à ses lèvres en souriant. Après leur sortie au parc et leur bataille de boules de neige, la chaleur de la boisson sucrée lui fait le plus grand bien. Et pour une fois, ne serait-ce que pour une fraction de seconde, tout va bien dans le meilleur des mondes.
Parfois, le bonheur se résume à des bonhommes de neige et des pancakes en forme de licorne. Il n'en faut pas plus pour chasser les nuages et laisser le soleil briller. Le bonheur est-il plus facile à trouver quand on possède encore l'innocence de l'enfance ? Rosie ne sait pas, elle n'en est pas certaine. Les enfants comme Sasha et elle, confrontés à tant de peine, sont-ils encore innocents ? Elle préfère ne pas s'attarder sur la question et mettre du miel sur ses pancakes comme la petite fille le lui demande si gentiment. « N'oublie pas, il faudra bien terminer ton assiette ce soir, sinon Lucian va nous gronder... » Rosie sourit. Comme si Lucian allait seulement songer à leur reprocher d'avoir passé un bel après-midi ensemble ! À son tour, elle croque dans son muffin, ne regrettant pas une seule seconde leur pause goûter un peu tardive. « Non, Sasha, ce n'est pas avec la magie qu'ils donnent de jolies couleurs aux pancakes. Ils utilisent ce qu'on appelle des colorants alimentaires. C'est un peu comme de la peinture, oui... Mais c'est de la peinture qui n'est pas dangereuse, ne t'inquiète pas. On pourra acheter quelques couleurs pour colorer nos crêpes, si tu veux. » Après les crayons de couleur, les colorants alimentaires... Sasha semble être dans une phase où elle adore tout ce qui est coloré, une parenthèse plus que bienvenue après des mois et des mois de Reine des Neiges. Rosie boit son chocolat et mange son muffin tranquillement, laissant Sasha faire de même en l'aidant à chaque fois qu'elle le lui demande. Quand elles ont terminé, elle aide Sasha à remettre son manteau et ensemble elles vont jusqu'au comptoir où Rosie règle leur commande. Quand elle jette un coup d'œil à son téléphone, elle fronce légèrement les sourcils. « On va aller au supermarché maintenant pour tes crayons de couleur et le reste, et après on rentre, d'accord ? » L'après-midi s'est écoulée bien vite, et il ne tardera plus à faire sombre et encore plus froid. Une chance pour elles, le supermarché ne se trouve pas très loin. Rosie a une sainte horreur des centres commerciaux bondés, mais elle a promis à Sasha des crayons de couleur, alors elle aura des crayons de couleur. Elle tient la main de la petite fille comme si elle avait peur de la perdre au milieu de la foule, et zigzague de façon un peu étrange pour éviter d'entrer en contact avec qui que ce soit. Une chance pour elle, le rayon de fournitures scolaire et papeterie est quasiment désert. Et le rayon consacré aux crayons est... Eh bien, disons que Sasha n'a que l'embarras du choix. « Tu peux prendre la boite que tu préfères, mais tu devra y faire bien attention, d'accord ? Il ne faudra pas les perdre. » Lui faire plaisir tout en la responsabilisant, c'est ce que Lucian pense qu'ils doivent faire. Et même si Rosie vit avec eux à présent, elle n'ose pas encore prendre beaucoup d'initiatives en ce qui concerne l'éducation de Sasha. Une éducation qui malgré tout ce qu'elle a traversé va pour le mieux, elle leur facilite la tâche en étant une enfant facile à vivre. « Tiens, regarde celle-ci, il y a plus de couleurs que dans toutes les autres. Si elle te plaît, on peut la prendre. » Et tant pis si elle est un peu plus chère que les autres. Ce n'est pas comme si Sasha passait son temps à leur réclamer cadeau après cadeau, elle est presque trop sage et raisonnable pour son âge. En revanche, aussi bien Lucian que Rosie sont incapables de lui refuser quoi que ce soit quand elle ose demander quelque chose timidement. En ce qui concerne Rosie, elle ne peut s'empêcher de se revoir, à peine plus âgée que Sasha, ballottée de famille d'accueil en famille d'accueil, sans recevoir la moindre marque d'affection avant d'être abandonnée dans un hôpital psychiatre hideux sous toutes les coutures. Elle aurait donné n'importe quoi pour que quelqu'un lui achète une simple boite de crayons de couleur, elle se serait même contenté d'un seul et de quelques feuilles de papier. Tout ce qu'elle avait eu, c'était une tentative d'exorcisme violente suivie par des années d'abus dans ce maudit établissement. Alors faire en sorte que Sasha ait un bon développement et ne manque de rien, c'est important pour elle. Si Rosie doutait posséder un quelconque instinct maternel, l'apparition de Sasha dans sa vie lui a prouvé le contraire. « Alors, tu as choisi ? Il faut encore qu'on aille chercher les colorants alimentaires. Et je crois que je vais prendre de quoi nous faire des macaronis au fromage ce soir. Ça te plairait comme repas ? »
Si ce ne sont que des crayons de couleur et quelques colorants alimentaires qui rendent Sasha heureuse, alors le bonheur tient à vraiment peu de choses et c'est tant mieux. Par miracle, elle a su conserver son innocence et son âme d'enfant malgré tout ce qui lui est arrivé, elle est encore capable de s'émerveiller devant les choses simples de la vie. Lucian et Rosie ont de la chance, la petite fille pourrait être beaucoup plus difficile à gérer – et ça aurait été tout naturel. Les crayons de couleur choisis, direction le rayon pâtisserie du supermarché. Rosie n'y connaît pas grand chose, mais elle ne tarde pas à repérer les colorants alimentaires au milieu des dizaines d'autres ustensiles et produits de cuisine. Du rose, du bleu et du violet ? Sasha le demande si gentiment et si poliment que Rosie ne peut pas les lui refuser. « Avec ça, nos crêpes auront l'air magiques ! » Et probablement un brin chimiques, mais peu importe. Cuisiner ensemble les rapprochera davantage et leur fera du bien à toutes les deux, alors ce ne sont pas quelques colorants alimentaires à la composition étrange qui vont gâcher leur plaisir. Il ne leur reste plus que les ingrédients pour le repas du soir et elles en auront presque terminé avec leur longue après-midi. Des macaronis au fromage, un grand classique de la cuisine américaine et aussi le plat qu'avait cuisiné Lucian pour leur premier rendez-vous chez eux. Simple et efficace, et apprécié des grands comme des petits. Rosie est presque amusée par la politesse parfaite de Sasha, qui est une petite fille si bien éduquée qu'on leur fait souvent des compliments. Une fois leurs courses rangées dans un sac en papier, Sasha lui demande s'il est temps pour elles de rentrer. « Nous allons rentrer, oui. Il faut bien que tu essaies tes nouveaux crayons ! Et que tu prennes ton bain et prépare tes affaires pour demain. » Mais ça, Rosie n'a pas vraiment besoin de le lui dire. Sasha a appris à faire les choses sans que Lucian ou elle n'aient besoin de lui répéter de les faire sans cesse. « Bien sûr, que tu pourrais m'aider ! Ton oncle sera ravi de rentrer et de voir que nous avons tout préparé, je suis sûre que ça lui fera très plaisir. » Une vie de famille comme les autres, au moins le temps d'une soirée... Avec un sourire, Rosie prend la main de Sasha et elles prennent toutes les deux le chemin du retour. L'air est frais alors elles se hâtent et ne sont pas mécontentes de retrouver la chaleur de l'appartement. Rosie s'occupe de ranger les courses après avoir donné ses nouveaux crayons de couleur à la fillette, ainsi que quelques feuilles de papier pour qu'elle puisse les utiliser tout de suite. Elle retourne à son roman, assise confortablement sous un plaid sur le canapé. Et quand vient l'heure de préparer le dîner, elle et Sasha se réunissent dans la cuisine. Le temps d'une journée, tout va bien dans le meilleur des mondes.
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Spoiler:
Je pense que c'est la conclusion naturelle du RP, mais si tu as envie de le relancer, n'hésite pas