Barbara | I can’t be who you are...

Encore une longue et ennuyeuse journée pour le jeune Wayne. Une journée banale, au collège. Refuser d'entrer dans les Teen Titans n'est pas resté sans conséquences. La volonté de Bruce que Damian apprenne des choses lui faisant cruellement défaut est restée vivace. Alors il a fallu trouver autre chose et le garçon n'a pas eu d'autres choix que de se plier à une scolarité normale pour expérimenter les règles imposées aux enfants de son âge et des relations sociales adaptées. Mais Damian ne s'y retrouve pas. Au milieu de gamins tous plus stupides les uns que les autres, les journées sont très longues. Ses seuls avantages ? Son nom inspire l'envie. Personne ne cherche à s'en prendre à lui. Au contraire, c'est plutôt lui qui règne sur ce collège qui est le sien ayant détrôné les plus populaire sans le moindre souci. Son intelligence lui permet de ne pas réellement suivre les cours. Les professeurs les plus intéressants lui donnent du travail plus adaptés à ses capacités. Les plus idiots ont au moins la décence de le laisser tranquille. Ainsi, il peut lire et potasser des cours plus avancés, trouvés sur des serveurs universitaires divers. Il y en a bien eu, au début, qui ont tenté de l'astreindre à leurs cours dénués de sens. Mais Damian n'a pas eu trop de mal à trouver comment les faire céder. Chantage. Menaces. Agitation. Chacun a trouvé sa limite dans le regard arrogant du jeune Wayne. Les journées sont longues, mais elles pourraient être pires. Damian ne trouve probablement pas vraiment ce que son géniteur souhaitait qu'il trouve puisqu'il adapte les règles selon ses besoins et sa volonté. Mais il se tient relativement tranquille. Le petit prince n'a pas besoin de s'agiter pour obtenir ce qu'il veut et peut s'épanouir relativement pleinement. Sa soif de savoir n'est pas limitée à ce que l'on attend d'un enfant de 13 ans. Mais le collège est derrière lui, du moins pour aujourd’hui. Les choses reprendront dès le lendemain. Damian a laissé tomber ce fichu uniforme et enfilé son uniforme de Robin pour patrouiller. Gotham… La ville qui ne dormait jamais vraiment. En plein jour comme en pleine nuit, les criminels commettaient leur méfait. Après deux heures passées à garder un œil sur les rues de la ville et une altercation un peu musclée, il a regagné l’horloge. Abandonnant son costume pour un jean et un tee-shirt, Damian a ensuite préparé le café. Une légère contusion à la pommette et une grande tasse de café noir devant lui, il s’est installé pour travailler à des affaires plus calmes, sortant ses dossiers favoris.

Il y a des concepts qui échappent un peu au jeune Wayne. Notamment le concept de vie privée. Et même s'il doit reconnaître que Barbara est très forte pour cacher ce qu'elle veut cacher, Damian n'est pas du genre à baisser les bras. S'il a respecté son intimité lors de son séjour en Afrique du Sud car lui-même était bien trop occupé à faire ses propres recherches pour se dépêtrer de la réalité alternative dans laquelle ils avaient été tous plongés, il a finalement assez vite abandonné le respect. Il aurait probablement souhaité pouvoir la soutenir un peu plus dans ce parcours initiatique, mais il n'a pas bronché, comprenant en partie pourquoi elle souhaitait faire cela seule. Alors il n'a pas franchi la ligne. Cela a été difficile, mais il est resté concentré sur autre chose. Mais lorsque Barbara est rentrée et a commencé à faire des allers retours réguliers à Star city, cela a piqué sa curiosité. Il s'est cantonné à son explication dans un premier temps puis s'est mis à fouiner sans aucun remord pour découvrir ce qui pouvait bien l'attirer là-bas. Force a été de constater qu'elle s'entraînait bien avec la personne évoquée la première fois. Un boxeur possédant sa salle de sport. Le reste a un peu plus intrigué le gamin qui a fouillé un peu plus pour trouver des choses. Titus est le premier à entendre l'arrivée de la propriétaire des lieux. Il relève la tête et déjà les deux chats se relèvent pour s'étirer. Lorsque la porte s’ouvre et que la principale concernée par ses pensées entre dans l’appartement, il la salue sans quitter son dossier des yeux : « Barbara ». Damian relève finalement les yeux sur la rousse qui s’avance dans son chez elle. Il referme les dossiers qui concernent les orphelins et reprend la parole : « Bienvenue chez toi. As-tu fait bon voyage ? ». Les dossiers qui concernent les activités de la rousse, eux, sont ouverts. Des photos, des plannings. Il ne s’en cache pas. Il se moque bien qu’elle le découvre ou qu’elle ne s’énerve. Damian était intrigué. Inquiet peut-être. Il n’en est pas certain. En tout cas, les déplacements réguliers de Barbara à Star city étaient notables et incitaient à s’y pencher. Alors il l’a fait, sans trop se soucier des règles et limites à ne pas franchir. Il ne se rend pas compte que ce n’est pas … la bonne chose à faire. D’autant plus que Barbara a la gentillesse de l’héberger de façon régulière et que d’une certaine façon, il a été très heureux de pouvoir profiter de la tranquillité de l’horloge en l’absence de son occupante principale. Cela lui a permis de régler ses petites affaires tranquillement. Retrouver les orphelins. Surveiller les allées et venues de sa mère pour préparer sa vengeance. Trouver de nouvelles idées pour faire plier son père et le pousser à être moins… Et de fouiner un peu, pour vérifier que la femme qui lui fait face n’avait pas d’ennui. Il l’admire et ne doute pas qu’elle saurait se défendre. Mais cela ne l’a pas empêché de vouloir être sûr qu’elle allait bien. Barbara étant la seule personne de cette famille avec laquelle il est agréable de discuter, Damian n’a pas réellement envie de la voir disparaître ou s’installer ailleurs… Alors, peut-être qu’il s’est intéressé d’un peu trop près à ce prof de l’université de Star city autour duquel Barbara semble tourner. Il ne comprend pas bien si c’est une simple curiosité professionnelle ou s’il y a autre chose. C’est encore difficile pour lui de discerner correctement les intentions et sentiments des gens. « Il y a du café si tu veux et le frigo est plein… ».  A l’exception de quelques-unes de ses affaires traînant ici et là, l’endroit est resté le même. Damian ne touche que peu aux affaires de Barbara. Il a même fait les courses pour qu’elle n’ait à se soucier de rien pendant son séjour à Gotham. Il se doute qu’elle repartira. Il ne sait pas quand, simplement. Lui se contente de manger des sandwichs ou ce genre de choses quand Alfred ne lui apporte pas de repas décent. Il survit plutôt bien, même s’il ne se nourrit pas réellement convenablement. Il a d’autres choses à penser.

Le surnom qui franchit ses lèvres écorche mes oreilles et me tire un grincement de dents tout en me faisant serrer les dents. Elle sait que je déteste ce sobriquet stupide qu'elle m'a donné mais n'hésite jamais à l'utiliser. Le côté provocateur de la rousse m'agace à bien des égards mais qui suis-je pour le lui reprocher quand je passe mon temps à me moquer des autres. Et puis, contrairement à moi, ce n'est pas méchant. Cela me fait cependant relever les yeux sur elle. D'ailleurs, elle me signale qu'elle devrait me faire payer un loyer. Je souris en coin, arrogant. « Je suis riche... ». Pas seulement de l'argent de Bruce, cela va s'en dire. Peut-être le sait-elle, peut-être pas. Il ne s'en est pas vanté. Ce larcin qu'il a commis en volant son grand-père ne concerne que lui. « Enfin... Miaou a été content d'avoir de la compagnie pendant ton absence, j'imagine que c'est un paiement suffisant ». Il lui adresse un clin d'œil. Le ton est léger. Il n'est pas mécontent d'habiter ici quand il en a marre du manoir et de son géniteur complètement à côté de la plaque. Il est toujours en colère contre Bruce de ne pas l'avoir cherché, de ne pas avoir essayé de le récupérer. Damian s'est senti abandonné. Ce genre de sentiment, il ne sait pas le gérer. Parce qu'il ne voulait pas s'attacher en arrivant et qu'il se rend bien compte que ce sentiment provient bien de quelque chose qu'il n'explique pas réellement. Il tait tout ça. Bruce le frustre trop. C'est inexplicable et insupportable. Incompréhensible. Il préfère ne pas en parler. Même si parfois, une ou deux questions lui échappent. Toujours à son intention à elle. Uniquement à elle, puisqu’elle ne le juge pas. Barbara s'avance et s'installe. Elle attrape le dossier qui la concerne. Il la regarde faire, sans chercher à l'en empêcher. Les seules choses qu'il ne souhaite pas qu'elle voit sont fermées maintenant. Il signale qu'il reste du café et que le frigo est plein. Il note la surprise de Barbara. En même temps, il n'est pas surprit lui-même : il déteste faire les courses. Les gens dans les magasins l'horripilent : ceux qui passent des heures devant les rayons pour choisir s'ils prennent du riz basmati ou du riz basmati, ceux qui marchent lentement en prenant toute la place, ceux qui sont au téléphone, ceux qui se trompent d'article et qui bloquent une caisse le temps d'aller changer... Bref, le simple fait d'y penser lui hérisse la peau d'agacement. Elle lui demande s'il a fait un raid dans le cellier du manoir. Il sourit un peu amusé et dit : « Je plaide coupable... ». Alfred devra aller faire les courses... encore. Damian ne culpabilise pas, même pas un peu. Après avoir tenté de trouver une friandise auprès de Barbara, Titus revient vers lui, posant la tête sur la table. Le dogue est immense. Suffisamment grand pour le faire. Le garçon lui gratouille le museau avant de le repousser lui rappelant qu'il n'a pas le droit de faire ça. Le chien se plie à la volonté de son maître avant de retourner à son panier, tentant de se faire une place à côté d'Alfy qui s'étire pour lui signaler que la place est déjà prise.

Pendant ce temps, elle repousse le dossier et se contente d'un commentaire assez neutre. Damian l'observe un instant. Il la détaille, cherchant à percer ses émotions au travers de ses grands yeux émeraude. Elle ne semble pas en colère. Ni surprise. Damian ne peut qu'imaginer qu'il n'est pas le seul à faire ça. Bruce doit le faire. Peut-être même les autres Robin. Même s'il doute de leur intelligence et qu'il doute de leurs capacités à trouver la moindre information utile. Il reprend la parole pour dire : « Assez oui... Cette ville ne dort jamais il y a toujours quelque chose à faire... Quelques types à envoyer en prison ». Ou à l’hôpital avec quelques côtes cassées dans le meilleur des cas… Il marque une pause et reprend : « J'ai eu des A+ en mathématiques et en biologie... Trop facile... Et on a visité le palais de justice… Comme si le système judiciaire était efficace… ». Il roule des yeux agacés. Rien de très stimulant. Heureusement qu’il avait quelques cours de physique quantique pour se tenir compagnie. Volontairement, se contente de banalités, parce qu'il sait très bien que ce n'est pas ce qu'elle veut savoir. Il la regarde, adossé à sa chaise, croisant les bras avec une certaine arrogance. Il reste silencieux un instant avant de finalement demander : « Il paraît que tous les profs d'université sont ennuyeux à mourir... Qu'est-ce que tu lui trouves à ce mec ? ». Il est curieux, il doit bien l'avouer. Il se demande pourquoi elle est retournée le voir, ce qu'elle lui voulait. Probablement intelligent, ils ont probablement dû avoir des conversations un peu plus stimulantes que les quelques mots échangés avec le reste de leur famille. Damian aussi peut lui apporter ça, mais Damian n'a que 13 ans. Peut-être Barbara recherchait la compagnie d'un adulte. Il ne sait pas trop. C'est étrange. Damian ne comprend pas tellement ce qui l'a attiré aussi longtemps à Star City. Alors, il demande, avec son tact et sa gentillesse innés. Il reste égal à lui-même, même si son regard est bien moins froid avec elle qu'il ne peut l'être avec les autres. Et qu'il semble vraiment intéressé par la réponse. « Est-ce que tu repars ? ». La question est presque anxieuse. Il n'aime pas quand elle n'est pas là parce qu'il se retrouve tout seul, sans personne pour rester avec lui quand il en a besoin. Même si la plupart du temps, il n'a besoin de personne, parfois, il a juste envie d'un peu de compagnie. Et Barbara n'est jamais contre passer du temps avec lui. Elle n'est peut-être pas la plus affectueuse des femmes, mais comparé à ce qu'il a toujours connu, c'est presque le paradis. Enfin... c'est l'image qu'il s'en fait. Et puis, même s'il sait que ça n'a pas existé, l'indéfectible loyauté des orphelins de l'autre côté lui manque. Et l'étrange attachement qui s'était établi entre eux. Il ressent la même chose pour Barbara, même s'il ne l'avouera jamais à voix haute.  

Lorsqu'elle lui demande s'il préfèrerait qu'il n'y ait pas de système jusdiciaire, le gamin la regarde simplement. Il ne sait pas très bien ce qui serait mieux. Ne pas en avoir, ou en avoir un efficace. Damian a du mal à se projeter dans un monde où il existe un système judiciaire qui fonctionne, qui est équitable et objectif, qui est incorruptible et rapide. Peut-être qu'il existe un tel monde. Alors peut-être que Damian devrait aller y vivre. Et expérimenter également un monde sans système judiciaire. Pour se faire son avis sur la question, basé sur des expériences réelles, des moments vécus et authentiques, non biaisées par les regards de toutes les personnes lui ayant donné leurs avis. Parce que Damian en a conscience, il ne peut réellement se fier aux paroles de son grand-père. Il aurait envie de croire celles de sa mère, mais ce coup de poignard l'a quelque peu refroidi. Le garçon se méfie à présent. Quant à l'avis de Bruce, pour le moment, Damian a bien du mal à le comprendre et à l'accepter. Perdu au milieu de tout cela, il a du mal à se trouver. Alors il cogne. Et il râle. Il provoque. C'est une façon de se protéger. Il hausse les épaules et répond : « Nous pouvons au moins convenir que le système judiciaire américain est plus qu’imparfait. Peut-être qu’il mériterait d’être changé à défaut d’être supprimé ». Ceci dit, un monde sans justice pourrait être intéressant avec tous les justiciers qui parcourent le monde. Mais ont-ils réellement le droit de prendre des vies sous prétexte qu'un crime a été commis ? Un voleur de pomme qui veut juste nourrir ses enfants mérite-t-il la même sentence qu'un tueur en série ? Damian ne le pense pas. Il se rend bien compte de la différence. Même s'il n'est pas toujours capable de la percevoir, de l'entendre ou même de la chercher. Il lui arrive souvent - trop sans doute - de foncer tête baissée sans se poser de question. Il n'y a pas de système idéal. Mais peut-être que les hommes pourraient tenter de faire mieux... Ou peut-être pas. Il n'estime pas beaucoup le genre humain. La plupart des hommes sont des babouins dégénérés à peine capable de lire et de comprendre ce qu'on leur dit. Peut-être ne méritent-ils pas mieux que l'extinction. Cela bien sûr, il ne le formulera jamais à haute voix, encore moins devant Barbara.

Finalement vient la question sur le prof d'université qu'elle est allée voir à plusieurs reprises et qui l'a tenue éloignée de Gotham aussi longtemps. Trop longtemps au goût de Damian qui tolère mal l'absence des gens qu'il apprécie. Et cette question lui tire un rire. Il est un peu surpris de l'entendre rire. Il prendrait qu'elle s'agacerait au moins un peu de son manque de respect. Il faut croire que la rouquine s'est habituée. Peut-être qu'elle a compris une partie de ce que ça cache. Il la sait très maligne et capable de lire entre les lignes. Sa première phrase lui tire une grimace. Une comparaison à son géniteur et ce surnom idiot dans la même phrase. Cela a du mal à passer. Cependant, il préfère ne rien répondre, cela vaut mieux. Un intérêt professionnel. Scientifique. Mais Barbara a semblé hésiter sur le terme à employer, ce qui fait froncer les sourcils au jeune Wayne. Il plisse un peu les yeux pendant qu'elle lui dit qu'il est trop jeune pour s'occuper de ce genre de choses. Il penche un peu la tête et dit : « Scientifique ? Dis m'en plus... ». Il est intéressé. Nul besoin de le préciser. Ils ont les conversations les plus intelligentes de toutes celles échangées dans cette fichues familles. Il la regarde un moment et dit : « Tu aurais pu l'appeler Dr Heywood. Ou Nathaniel... Mais c'est Nate. Alors... j'imagine qu'il y a plus qu'un simple intérêt professionnel ». Il se penche un peu en avant en la regardant. Il la détaille longuement avant de signaler : « Je suis trop jeune quand ça vous arrange... Cela ne fait pas de moi un idiot Barbara ». Et même s'il ne comprend pas tout à ce qui se joue dans les relations amoureuses, il sait ce que c'est, et sait voir quand les choses sont différentes. Enfin, il peut le voir. Et comme la plupart des ados, il regarde des films et des séries. Alors forcément, il en connaît plus qu'elle ne veut bien le penser. Et cela l'agace que personne ne s'offusque qu'il tue des gens et porte le costume de Robin mais qu'on lui rappelle si souvent qu'il n'a que 13 ans. C'est un peu contradictoire. On lui demande d'être un adulte et quand il se comporte comme tel on lui rappelle qu'il n'est qu'un enfant. Damian en a assez de toutes ces contradictions. Son âge est une malédiction. Il se sent l'histoire d'un homme déjà trentenaire ans un corps de gamin. Et puis, son développement affectif en berne n'aide pas non plus...

Il lui demande si elle repart et elle répond que non avant de se lever pour aller à la cuisine. Très vite suivie par l'armée animale demeurant dans l'horloge en cet instant. Elle lui pose une question et il se redresse en s'étirant un peu pour faire craquer son dos. Il ouvre un dossier pour terminer de lire les informations y figurant tout en répondant : « Pas du tout... Je suis content que tu restes ». Même s'il pense retourner au manoir qu'elle puisse retrouver son chez elle et un peu de calme. Jusqu'à la prochaine tempête qui traversera le manoir Wayne et le poussera à se retrancher ici. Il referme son dossier et se lève à son tour, rassemblant les dossiers fermés en une pile et ceux concernant Nate et Barbara sur une autre après les avoir eux aussi fermés. Il se dirige ensuite vers la cuisine en disant : « Ca suffit la révolution, vous avez déjà tous mangé... ». Il braque un regard ferme sur Titus qui se couche au milieu de la cuisine en couinant un peu attristé de s'entendre dire qu'il n'aura pas à manger. Ce chien immense englouttit des kilos de nourriture. Mais ils ont déjà tous eu leur repas du soir et il est hors de question de leur en donner encore. Il la regarde se servir un café. Debout. Il l'admire d'avoir réussi ça. D'avoir traversé cette épreuve toute seule et d'en être revenue. Encore plus forte. Il doutait que cela soit possible et elle l'a fait. Si quelqu'un l'impression dans cette famille de fous, c'est bien elle. Sa présence l'apaise. Il s'appuie contre le mur et lui demande : « Il y a un garçon à l'école... Avec son père il va faire du hockey... ». Un moment de silence bref s'installe avant que je ne demande : « Pourquoi Bruce n'est pas comme ça ? ». C'est assez soudain mais... Damian a du mal à le comprendre. Peut-être que Barbara peut le lui dire elle. Et maintenant qu'il se rend compte de ce que c'est d'avoir des parents normaux, il se rend compte de ce qu'il n'a pas. Ce qui le frustre encore plus.

Plus tard. Sans aucune autre forme de procès qu'un geste de la main, Barbara écarte sa question. Elle n'y répondra pas. Elle ne donnera pas plus de détail. Il pince un peu les lèvres agacé. Il aime avoir des réponses à ses questions. Sur le vif. Avec un ton un peu sec, il demande : « Tu savais que pour s'accoupler, les escargots se réunissent par le côté de la tête ? Et qu'ils échangent leurs fluides mutuellement ? Le sperme va fertiliser les œufs qu'ils portent l’un et l’autre. Comme ils sont hermaphrodites, ils peuvent pondre des œufs tous les deux. Mais ils doivent être deux pour procréer… La nature est mal faite. Enfin, sauf si on pense à la parthénogénèse bien sûr… ». Il marque une pause, silencieux, là, à attendre, se demandant comment il va poursuivre. Puis il dit : « Rien de ce que tu n'as pu faire là-bas ne peut être aussi passionnant que mes cours de biologie... Alors ça peut attendre ». Il fronce le nez. Il déteste attendre. Encore plus quand quelque chose attire l'attention de Barbara assez pour qu'elle quitte Gotham aussi longtemps pour travailler avec quelqu'un d'autre. L'ironie est un peu agressive. Damian déteste ce collègue. Damian déteste la plupart des gens de cette ville tous plus abrutis les uns que les autres. Même Bruce est loin d'être au niveau. Il n'y a guère qu'avec Barbara qu'il se sent un peu mieux. Qu'il relève le niveau des conversations. Et Barbara a été absente très longtemps. Autant dire qu'il s'est beaucoup ennuyé. L'impression de stagner, de ramollir n'a pas arrêté de lui coller à la peau. Alors maintenant qu'il pourrait retrouver une conversation intelligente, il doit attendre. Elle le prive de ce droit. De ce besoin. Et cela ne lui plaît pas. Alors comme d'habitude, il se ferme, sec et agressif. Le regard dur, beaucoup trop pour un gamin de son âge.

Il poursuit sur l'homme qui a tenu Barbara éloignée de Gotham si longtemps. Il le déteste déjà. Il n'aime pas partager et s'est senti lésé par cette absence. Alors il ne compte pas lui faire de cadeau, même dans son discours. Elle rit. Comme si elle ne l'avait pas assez énervé. Pourtant, il montre un visage calme, lisse. Même si la colère rampe sous sa peau. Elle lui dit qu'ils ont surement fini par devenir amis. Bien sûr. Amis... Il réprime sa grimace. Toujours avec une pointe d'agressivité, il poursuit et elle ne répond rien de plus qu'une validation. Avec un sourire. Barbara est belle quand elle sourit. Mais ce qui lui plaît le plus chez elle en plus de son intelligence est sa neutralité. Sa patience. Elle essuie chacune des attaques du gamin sans jamais s'énerver. Elle se lève finalement et va dans la cuisine. Il se lève et la suit, s'appuyant contre le mur. Il abandonne sa rancœur en regardant Miaou se frotter au bras de la rouquine avant de décamper visiblement agacé par le fait de ne pas avoir de croquettes. Damian pose finalement une question. Plus neutre dans son ton. Presque trop par rapport à la question. Elle s'immobilise et le regarde. Il soutient son regard. Elle se mordille la lèvre. Elle réfléchit. Puis elle parle. Elle commence par une question. Il secoue un peu la tête de gauche à droite pour répondre. Il ne l'a pas fait. Il ne sait pas comment le faire. Il a peur de la réponse. Peut-être. Mais il ne l'avouera pas. Jamais. Elle reprend la parole. Et il écoute avec attention. Elle lui parle de l'enfance de Bruce. De ce qu'a pu faire son le patriarche Wayne. Jusqu'à ce que finalement il ne meure avec Martha, laissant le jeune Wayne orphelin de parents. Elle dit aussi que peut-être Bruce pense que ça n'intéresse pas Damian. Qu'il ne pense pas à autre chose qu'à l'entraînement. Elle propose de le lui proposer pour voir ce qu'il en pense.

Il ne sait pas vraiment quoi répondre. Elle ne veut pas Elle reprend la parole. Il l'écoute et un tic agite ses lèvres quand elle parle de Dick. C'est sans doute celui qui l'agace le moins dans cette famille. Elle parle du cirque. Il se rappelle que c'est dans un cirque que Dick a grandi avant de devenir orphelin lui aussi, à la mort de ses parents, tombés d'un trapèze. L'homme est plus agile que les autres Robin parce qu'il l'était déjà avant même de naître. Un artiste funambule né. Peut-être bien qu'il l'admire un peu. Et qu'il l'envie aussi. Un peu. Une famille. Voilà ce qu'il s'est construit. Damian ne s'en sent pas capable. Tout est trop compliqué dans son esprit. Tout n'est que colère. Il a parfois l'impression que jamais personne ne pourra apaiser ce brasier qui le dévore. Elle conclut par une phrase. Il la regarde simplement. Bien sûr que c'est sa faute. Il s'applique à repousser les autres pour ne pas avoir à subir le nouvel affront d'une trahison. Il la regarde simplement avant de finalement détourner les yeux. « Et s'il ne veut pas ? ». La question lui brûle presque les lèvres. Il n'est même pas sûr de vouloir le vivre. Parce que si cela arrivait, cela voudrait dire quelque chose de terrible n'est-ce pas ? Cela voudrait dire qu'il est seul. Sans parent. Orphelin alors que ses deux parents vivent encore. Et ça, il n'est pas sûr de pouvoir le supporter. Il repose son regard sur elle et dit : « Est-ce qu'on peut vraiment être normal quand on est comme nous ? ». A seulement treize ans, Damian a déjà tué plus de personnes que la plupart des gens sur cette planète cumulés. Peut-il vraiment aller au parc ou au cinéma comme les autres enfants ? Peut-il vraiment regarder une fille dans les yeux et lui dire qu'il l'apprécie ? Alors qu'elle ne saura jamais vraiment qui se tient en face d'elle ? Damian se sent perdu. Il a l'impression que cette vie dans laquelle il est engagé malgré lui est une vie solitaire. Mais cela, il n'est pas sûr de le supporter.

Le gamin est toujours un peu perdu. Il est toujours sur cette corde raide. Mais Damian n'est pas toujours un bon équilibriste, d'autant plus lorsque l'équilibre implique de se frayer un chemin au milieu des émotions et des sentiments. Parce que ça, c'est quelque chose qu'il n'a jamais appris. Bien au contraire. Il a simplement appris à suivre des ordres, à tuer pour le bien de la ligue. Ou pour son propre bien. Damian sait beaucoup de choses. Il s'y connaît en gestion des entreprises, en informatique, en commerce. Mais la socialisation ce n'est pas terrible. Il fait un peu craquer sa nuque. La question l'inquiète alors qu'elle ne le devrait pas. Pourquoi devrait-il s'inquiéter de cela ? Damian est autonome. Il est grand et peut subvenir à ses besoins. Il n'a besoin de personne. Alors pourquoi cela le questionne autant ? Qu'est-ce qu'il recherche autant ? Barbara lui dit qu'il serait un idiot de ne pas vouloir. Et lui signale qu'elle sera toujours là. Toujours à ses côtés. Damian la regarde. S'il était un gamin ordinaire, il se serait sans doute approché pour la prendre dans ses bras. Mais Damian n'est pas ordinaire. Alors il se contente d'un léger sourire appuyé d'un signe de tête. Il ne dit rien de plus. Tout ça c'est très étrange. Il jette un œil vers l'arrière, regardant vers la table ses dossiers fermés. En fait, il sait. Il sait ce qu'il cherche. Et il l'a trouvé. Dans une autre vie. Mais maintenant qu'ils sont là, tous les deux, il se rend compte qu'il l'a aussi trouvé ici. Ce sentiment d'appartenance à une famille, il le ressent quand Barbara le regarde. Une famille de deux personnes. C'est peu, mais c'est déjà ça. Peut-être qu'il pourrait s'en contenter.

La question qu'il pose après est étrange. Mais pendant quelques instants, il se demande effectivement ce qu'il pourrait faire pour être un peu moins... étrange. Un peu moins hors norme. Mais qu'est-ce que la norme finalement ? Barbara lui répond que non. Puis, demande pourquoi il voudrait être normal. Tout en demandant ce que c'est, d'être normal. S'en suit un très long discours de la part de la rousse. Damian la regarde. Parfois, il sourit en coin. Parfois, il grimace. Parfois, il empêche un rire de remonter le long de sa gorge. Il sourit finalement un peu et dit : « On peut être différent sans être... comme moi... ». Damian a beau être conscient de ses multiples talents, il sait. Il a vu le bien. Il a vu le mal. Et il ne sait pas s'il est d'un côté, ou de l'autre. Mais si l'on devait se demander, probablement serait-il du côté du mal, n'est-ce pas ? Apprenti assassin passé maître dans l'art du crime et de la violence. Incapable de contrôler toute cette colère en lui. Incapable d'être ce Damian de l'autre réalité. Si sauvage mais si ... différent. « Nous sommes des génies, nous pouvons changer le monde... ». Sans utiliser la violence. Il sourit un peu et dit : « Sans avoir besoin de suivre tous ces moutons... ». Il grimace un peu. Peut-être qu'il grandit un peu ? Ou peut-être pas. Parce qu'il a beau se poser ce genre de questions, il ne parvient pour autant pas à se maîtriser. C'est impossible. Il ne parvient pas à juguler ce mépris, cette colère qui gronde. Il serait bien incapable de changer, il le sait. Il sait qu'il peut prétendre à des choses et les obtient lorsqu'il le veut. Il prend. Il prend sans donner en retour. Il ne parvient à comprendre que la justice soit si molle, que les choses soient si instables. Qu'il y ait tant de haine dans ce monde. Tant de gens qui souffrent. La souffrance humaine ne lui importait pas, avant. Jusqu'à découvrir sa famille, ici à Gotham. Jusqu'à se retrouver au milieu d'une famille dans les rues d'un pays de l'est. Jusqu'à plonger son regard dans les émeraudes de Barbara. Il hausse un peu les épaules et dit : « De toute façon, je ne crois pas être fait pour la vie de famille... ». Pour quoi peut-il bien être fait ? Etre Robin ? Il ne le pense pas. Il le voit bien dans le regard des policiers lorsqu'il les croise : l'horreur. Peut-être est-il trop noir, même pour cette ville. Et puis dans le fond, qu’est-ce que ça peut bien faire ? Damian finit par hausser les épaules en disant : « Je suis bien trop parfait pour ce monde ». Ce n’est pas seulement une parole pour détourner la conversation d’un sujet trop compliqué. Il le pense et cela se voit. De toute façon, c’est ce qu’il montre depuis toujours. Même si parfois il doute, même s’il a une bien piètre estime de lui. Il le dissimule bien. Et parfois, il arrive à croire à ce genre de choses. Il ne sera jamais normal. Il n’est pas fait pour la normalité. Mais une chose est sûre, il changera le monde. En tant que justicier. En tant que génie. Avec une arme ou un livre à la main, Damian sait qu’il fera de grandes choses. Damian ne sait pas ce qu’il veut. Il ne sait pas qu’il est. Le petit fils d’un démon. Un Al Ghul. Le fils de Batman. Un Wayne. On attend de lui de diriger une ligue, ou de sauver le monde. Mais lui, au milieu de tout cela, ne sait pas vraiment ce qu’il veut. Il veut être le meilleur, oui, mais de quoi ?

Il se redresse et va chercher sa tasse pour revenir dans la cuisine. Il termine la cafetière dans sa tasse et la repose, avant de reculer d’un pas pour porter le liquide à ses lèvres. Trop de café. C’est surement la seule certitude qu’il a à son sujet. Trop de café et pas assez de sucrerie. Damian n’a rien d’un enfant. Il n’a jamais rien eu d’un enfant. Même rien d’un nourrisson. Jeté dans un bassin par une mère voulant le tester… Et déjà confronté à une vie qu’il ne pouvait même pas comprendre. Adulte avant même de savoir marcher. Le regard de Damian n’a jamais rien eu d’innocent. Ici, Batman est surement le plus innocent de tous, avec ses idéaux naïfs qui exaspèrent Damian. Ce n’est pas de cela dont il a besoin. Il a besoin de gens comme Barbara, ou comme Zatanna. Qui peuvent nuancer le blanc et le noir. Qui peuvent jalonner son existence de repères pour qu’il décide finalement quelles limites il veut s’imposer. Mais ces gens, il ne veut pas qu’ils soient si vieux. Il a besoin des orphelins. Il a besoin d’un clan. Voilà ce qu’il veut. Cela ne dit pas ce qu’il veut être. Cela l’aidera à savoir ce qu’il veut être. Il aura besoin d’un appartement. Il sait qu’il n’aura aucun mal à l’obtenir et sans attirer l’attention de personne. Après tout, c’est un maître dans l’art de la dissimulation, n’est-ce pas ? Cependant, il demande : « Comment protéger les gens qu’on aime ? ». La question laisse évidemment penser qu’il puisse aimer quelqu’un qui ne soit pas en mesure de se protéger. Ce qui n’est pas le cas. Enfin, pas que le sache Barbara. Il ajoute : « Admettons qu’un jour, je rencontre quelqu’un que j’apprécie. Un ami. Une amie. N’importe quoi de plus qu’une simple amitié mais qui ne soit pas comme toi… ». Capable de se protéger. De se défendre. Plus forte que toute leur famille réunie. Le compliment est silencieux mais se lit dans les yeux de Damian à chaque fois qu’il pose son regard sur elle. Il demande : « Comment le mettre en sureté ? ». Il connaît trop sa famille pour savoir qu’il y aurait un risque. Même infime. Et cela, il ne peut pas se le permettre. S’il fait venir les orphelins à Gotham, il ne veut pas qu’ils soient exposés au danger que lui-même représente pour eux. Et Barbara a une bien plus grande expérience que lui dans ce domaine.

« Si tu n’étais pas comme toi, alors tu ne serais pas toi ». La phrase prononcée par Barbara le laisse songeur quelques instants. Effectivement, s’il était différent, alors il ne serait plus lui. Mais cela serait-il si mal ? Il ne le sait pas. Parfois, il se dit qu’il est une vraie calamité. Incapable de s’exprimer clairement, incapable de savoir ce qu’il veut. Placé dans des chaussures bien trop grandes pour lui bien qu’il ne l’admettra jamais. Et s’il fait le fier, il n’en est pas moins très fragile. Damian cache sous toute cette arrogance de si grandes failles que parfois, il a peur d’y être englouti s’il les regarde trop longtemps. Ces failles lui font parfois l’impression d’être d’immense trou noir qui aspirent tout et ne laissent rien derrière eux. Le reste de ses paroles ne nécessitent pas forcément de réponses, et d’une certaine façon, Damian est content que Barbara ne lui réponde pas d’autre phrase nébuleuse qui lui provoquerait d’autant plus d’insomnies. Il a déjà bien assez à réfléchir avec cette phrase si courte mais si longue et si lourde de sens. Des heures et des heures à tourner les propos de la rousse dans tous les sens, à y apporter tout un tas d’argument en réponse pour finalement en arriver à une simple constatation : il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse. Damian est persuadé que l’on peut être soi tout en changeant certaines choses. Ceux qui pensent que les Hommes ne peuvent pas changer se trompent. Ils peuvent apprendre de leurs erreurs et grandir. Damian sait que dans quelques années, il sera différent de l’adolescent qu’il est aujourd’hui. Et pourtant, il sera toujours lui-même. Une version évoluée et adaptée de lui-même. Mais il sera toujours Damian Wayne. N’est-ce pas ? La question est épineuse. Et il n’a pas envie de poursuivre ses réflexions alors qu’en même temps, il poursuit sa conversation – qui s’apparente plus à un monologue – avec Barbara. D’ailleurs, lorsqu’un excès d’arrogance émerge dans ses propos, la rousse rit à nouveau. D’une certaine façon, il est presque déçu qu’elle n’ait pas réagit à sa remarque sur la famille, tant un autre point de vue pourrait être nécessaire. Mais peut-être Barbara souhaite-t-elle qu’il réfléchisse d’abord à sa première phrase. Ou peut-être cherche-t-elle juste une façon de lui dire qu’il a raison sans que cela ne fasse trop de dégâts. Il n’en sait trop rien. S’il peut s’adapter à tous types de combats et s’en sort plutôt bien en interrogatoire, il a encore du mal à discerner les pensées des gens lorsqu’elles le concernent. Particulièrement s’il s’agit d’évoquer un côté affectif si problématique chez lui.

Il profite de son retour pour lui poser une question qui le préoccupe grandement depuis quelques jours. Il la lui pose à elle car il est presque sûr qu’il ne pourra pas faire rentrer les orphelins dans la ville sans qu’Oracle ne le sache. Même s’il les faisait simplement entrer dans le pays d’ailleurs. En effet, Oracle sait tout ce qui concerne leur famille. Elle ne passe à côté d’aucune information et aussi doué soit-il pour effacer ses traces, elle l’est encore plus pour trouver ce qu’il y a à trouver. Lorsqu’elle commence à parler, il écoute avec attention. Ne rien dire. Effectivement, c’est quelque chose qu’il a déjà entendu. Mais elle n’est pas d’accord. Elle pense qu’il vaut mieux en parler, que c’est plus facile de les protéger s’ils savent qu’il existe un danger. Ce qui ne nous empêche pas de cacher notre identité au reste du monde – et particulièrement aux criminels – bien entendu. Damian hésite sur le sujet. Pour des gens comme Bruce ou comme elle, qui luttent contre le crime d’une façon pacifique, c’est plutôt facile. Ses propres actions sont plus floues, plus sombres. S’il ne partage pas cette opinion, il sait que beaucoup de gens pensent que ce qu’il fait est mal et qu’ils le jugent. Cela pourrait donc mettre en péril une bonne partie des relations qu’il a. Enfin… pas qu’il en ait beaucoup. Donc, justement, il préfère autant éviter de trop saboter ses quelques amitiés. Quant aux jumeaux et aux autres orphelins, Damian ne sait pas comment ils pourraient réagir. Pas qu’ils soient des exemples d’honnêteté et de droiture, mais de là à tuer… non. Au-delà du danger et du jugement, il y a la question de la confiance. Et cela, Barbara le soulève à très juste titre. Il faut être sûr que la personne à qu’il souhaite révéler son identité ne le révélera jamais à quelqu’un d’autre et qu’il ne s’en servira jamais pour obtenir quelque chose. L’espace d’un instant il reste songeur. Le simple fait d’avouer être Robin à quelqu’un l’expose lui à la trahison et expose la personne recevant cette information à du danger. Comme si les criminels pouvaient savoir que certaines personnes savent mieux que d’autres comment identifier les justiciers masqués… C’est probablement un peu superstitieux de se dire cela. Mais d’une certaine façon, on peut presque dire cela. Dans tous les cas un tel secret est lourd à porter. Alors Damian ne sait pas s’il se sentirait capable de le faire porter par qui que ce soit. Cela allégera le poids sur ses propres épaules, mais dans tout l’égoïsme dont il peut faire preuve, il ne sait pas s’il pourrait le faire. Et il perdrait le contrôle. Le contrôle d’une chose importante. Et ça, il en est sûr, il n’y est pas encore prêt.

Damian sait que Barbara a raison. Il sait que les gens qui sont proches de lui sont assez grands pour faire leurs choix, prendre leurs propres décisions. Il ne peut pas tout contrôler même s’il le voudrait. Il ne peut pas protéger ceux qu’il aime de tout ce qui gravite autour de lui. Il le voudrait. Vraiment. Heureusement pour lui, il n’y a pas grand monde qu’il ait réellement envie de protéger. Et les seuls qu’il pourrait vouloir protéger savent déjà très bien quel genre de risques ils courent car ils connaissent son histoire. Mais si jamais cela devait changer. S’il rencontrait quelqu’un qui ne peut pas se protéger ? Il grimace un peu et boit un peu de café. « Révéler notre identité, c'est une énorme prise de risque... Même pour moi ». Il grimace un peu. C'est ironique. Damian prend plus de risques qu'il n'en faut. Mais là... L'idée ne l'enchante pas vraiment. C'est une sacré perte de contrôle. Un peu trop pour lui. Il hausse les épaules et dit : « M'enfin, de toute façon, je n'ai personne à qui le dire... enfin pour le moment ». Il sourit un peu. Il reste songeur pensant aux jumeaux. S'il devait le dire à quelqu'un, cela serait probablement à eux. Même si cela demanderait un peu d'évaluation, le temps de vérifier à quel point les jumeaux de cette réalité se rapprochent de ceux qu'il connaissant. Il se penche un peu pour voir Alfred le chat se frotter à ses jambes pour réclamer quelques croquettes, poussés par son estomac. Il demande : « Et si une personne n'était pas assez forte ? Vraiment. Trop fragile, ou juste... normale. Enfin... Il y a le monde extérieur et il y a le reste. Les criminels... Et tout le monde ne peut pas lutter contre eux. Je ne peux pas les empêcher de vivre mais... Il y a pas quelques astuces pour être sûr ? ». Il regarde Barbara. Après tout, elle est plus vieille, elle a forcément des astuces. Et puis... c'est Oracle. Lui aussi il sait pister des gens, retrouver des pistes. Mais protéger quelqu'un H24, c'est différent, n'est-ce pas ?

Damian apprécie Barbara. Presque tout le temps. Sauf lorsqu'elle lui sort des phrases comme celles-ci qui le poussent à réfléchir de la sorte. Et cette petite phrase dans laquelle elle signale que vivre et aimer sont des prises de risque, il sait qu'elle a raison. Et c'est sans doute pour ça que c'est si compliqué pour lui de s'attacher aux autres. Parce qu'il a été si souvent déçu, si souvent poussé en dehors de ses retranchements, si souvent blessé par ses proches qu'il ne veut pas recommencer. Il ne veut pas souffrir encore. Maintenant, la seule chose qu'il souhaite c'est vivre librement. Il regarde la rousse et se contente d'acquiescer. Oui, vivre est un risque. Qui sait... lui qui passe son temps à poursuivre des malfrats, à aider Batman à combattre des criminels de bien plus grande envergure pourrait être frappé par la foudre ou simplement percuté par une voiture dans un accident aussi bête que simple. Mais Damian n'a pas peur de la mort. Dans le fond, il a seulement peur d'être seul. Alors qu'il recherche cette solitude pour ne pas être à nouveau déçu. Car à chaque fois qu'il tombe, il se fracasse d'autant plus vite sur le sol que c'est l'un de ses proches qui l'a poussé dans le dos. Il retient un soupire. Quel sens peut bien avoir une telle vie ? Une chose est sûre, ce n’est pas facile. Heureusement le gamin n’est pas du genre à refuser une épreuve ou à baisser les bras. Il se battra jusqu’à ce qu’il ne puisse plus le faire. Et seule la mort pourrait réussir à l’en empêcher. D’une certaine façon, se battre lui permet de se sentir en vie. Et peut-être un jour trouvera-t-il sa voie. Au milieu du chaos, peut-être réussira-t-il à savoir ce qu’il veut ou où il va. Et à accorder sa confiance suffisamment longtemps pour construire quelque chose. Après tout, si sa famille n’est pas idéale et ne répond pas à ses attentes, peut-être est-ce à lui de construire ce qu’il recherche.

Et même s'il nuance un peu ses propos, en spécifiant qu'il n'a personne à qui le dire, la réaction de Barbara lui indique bien qu'elle n'y croit pas. Même si en réalité, c'est vrai. Pour le moment. Les choses changeront peut-être. Il veut qu'elles changent. Mais s'il devait ramener les orphelins comme il le souhaite, il ne se confierait pas à eux sur son identité secrète avant un moment. Histoire de vérifier qu'il ne se trompe pas. Car d'une réalité à l'autre, les choses peuvent être différentes. Vraiment très différentes. Et s'il n'a pas encore été jusqu'en Russie c'est parce qu'il a peur de ce qu'il trouvera là-bas. Et s'ils ne se souvenaient pas ? Et s'ils n'étaient pas les même ? S'ils ne voulaient pas le suivre ? Beaucoup de si. Beaucoup de questions. Et aussi une incertitude : sont-ils aussi dotés de pouvoirs ? Difficile à assurer. Les questions sont difficiles à supporter pour Damian qui déteste ne pas avoir le contrôle. Mais il ne peut pas avoir de contrôle sur tout ça. Il ne pourra que se confronter à la réalité et espérer qu'elle lui convienne. Il reprend la parole et questionne. Il se demande comment protéger les jumeaux s'ils n'ont pas de pouvoir. Et Barbara lui répond. Il écoute. Elle cite deux bons exemples. Alfred semble taillé dans la plus solide des pierres, capable de survivre à tout, tout comme le père de Barbara. Oui mais... Damian n'est pas sûr qu'ils soient tous les deux considérables comme normaux... Et cela soulève bien sûr la question déjà évoquée sur la normalité. Son discours est plus encourageant. Elle parle d'adaptation et de surprises. Elle n'a pas tout à fait tort. Il ne peut pas imaginer les jumeaux sans ce caractère si fort qui les caractérise. Mais bien sûr, il ne peut pas en être certain. Sa conclusion est plus un appel à la confiance. Malheureusement, ce n'est pas son fort. Et s'il d'aventure, il finissait par faire confiance aux jumeaux pour se protéger, il ne ferait pas confiance au reste du monde. Talia. Ra's. Et tous les méchants affrontés avec Batman. Dur d'être tranquille. Et dire qu'ils ne sont même pas encore là... Il sourit un peu et dit : « On verra... Tu as peut-être raison, peut-être que je dois juste apprendre à lâcher prise ». Et ça, c'est une certitude, mais une tâche tellement difficile qu'il doute d'y arriver un jour. Accepter de ne pas avoir le contrôle sur certaines choses ne semble pas dans ses capacités. Les réponses ne lui conviennent pas toutes, mais il sait que Barbara n’a fait que lui donner ses opinions. S’il demandait à quelqu’un d’autre, il aurait d’autres réponses. Et lui doit se faire sa propre opinion sur les choses. Faire ses propres expériences pour réussir à trouver les réponses qui lui conviendront le mieux. Cependant, il dit : « Merci ». Car même s’il n’est pas tout à fait d’accord avec tout, qu’il n’est pas bien sûr d’avoir eu les réponses qu’il attendait, au moins, la conversation a eu le mérite de le faire réfléchir. Et cela, Damian apprécie. Il sourit un peu à Barbara et vient laver sa tasse avant de l’essuyer et de la ranger. Il se tourne à nouveau vers elle et dit : « Je vais surement terminer la soirée devant un film si le cœur t’en dit ». Il sourit et sort de la cuisine pour récupérer ses dossiers et aller les ranger avant de finalement, s’effondrer devant la télé comme le bon adolescent qu’il est, lassé de travaillé et fatigué d’une journée passée entre le collège et le costume de Robin. Un peu de répit est le bienvenue.