Un article signé Vicki Vale

Automne 1994

« Maman? Maman? Reviens maman... »

Sanglotait la petite Vicki Vale. Frigorifiée, terrifiée, abattue, Victoria était blottie contre un arbre au beau milieu des feuilles mortes. Le décor était beau, un véritable tableau de couleurs automnales, somptueux. Elle avait à peine six ans et sa mère l'avait abandonné seule dans cette forêt. Pourtant, la journée avait si bien commencé, comme toutes les autres. Réveil en douceur, petit déjeuner dans la cuisine avec un peu de musique à la radio, la toilette du matin, le brossage des dents, l'habillage et puis le départ à l'école avec son petit cartable jaune. Vicki s'en souvenait encore aujourd'hui, elle se souvenait de chaque détail, de chaque seconde de cette horrible journée. Sa mère l'avait installé dans le siège auto à l'arrière de la voiture et tout le long du trajet, Vicki n'avait cessé d'admirer la sublime chevelure rousse de sa mère. Elle la trouvait tellement belle. Ce jour là, comme tous les jours, Clarisse Vale avait pris le chemin de l'école. Rien ne laissait présager que tout allait basculer mais la fillette avait tout de même que quelque chose n'allait pas lorsque sa mère ne s'arrêtait pas sur le parking de l'école maternelle. Étrangement, Clarisse avait continué sa route.

« Je ne vais pas à l'école maman? »

Avait-elle demandé sans vraiment être inquiétée. Elle était avec sa mère après tout, pourquoi aurait-elle dû s'inquiéter? Pas de réponse. Vicki pensait alors que sa mère ne l'avait tout simplement pas entendu avec le bruit de la voiture.

« Maman? Maman? »

« Arrête de m’appeler comme ça, je ne suis pas ta mère. Tu crois que je ne vois pas clair dans ton petit jeu? »

La voix de Clarisse Vale n'était pas la même que d'habitude et cela avait coupé le souffle à la petite Vicki. Elle était restée sans voix. Cette intonation grave et sévère lui avait glacé le sang, Vicki l'entend encore parfois aujourd'hui.

« Je ne suis pas dupe, je sais très bien que tu n'es pas ma fille! »

« Mais c'est moi maman, tu ne vois pas? »

« Ferme la! Tu n'es pas ma fille. Arrête de prétendre le contraire. »

Clarisse se mettait alors à sangloter, passant d'une humeur à l'autre sans prévenir, dans le chaos et l'incompréhension la plus totale.

« Dis moi où elle est... s'il te plait, rends moi ma Vicki... »

Mais Vicki ne pouvait pas comprendre, elle ne pouvait rien faire ou dire pour raisonner sa mère. Pourquoi disait-elle cela? Pourquoi se mettait-elle dans un état pareil? La fillette était complètement perdue et déboussolée. Et là, là elle commençait vraiment à avoir peur.

« Maman tu me fais peur. »

« Tu fais bien d'avoir peur parce que je vais pas vous laisser prendre ma fille comme ça. Vous avez cru que vous pourriez m'avoir hein?! »

Clarisse s'adressait au tableau de bord comme si un micro caché à l'intérieur permettait à d'autres personnes de les entendre.

« Mais je me suis pas fais avoir, cette chose n'est qu'une pâle copie de ma belle et douce Vicki. Vous allez me la rendre ou je promets que vous ne reverrez plus celle là. »

Vicki était petite, trop petite pour tout comprendre. Cependant, elle savait sentir qu'un danger planait au dessus d'elle. Mais que faire quand celui-ci provient de la personne que vous aimez le plus au monde? Que faire quand la menace vient de celle qui vous a toujours protégé, la seule capable d'éloigner les monstres et le danger? Vicki ne le savait pas à l'époque mais sa mère était en pleine crise de psychose. Une maladie qui la rongeait depuis des années mais qu'elle était parvenue, jusque là, à contenir et maitriser. Mais depuis la conception de Victoria, elle avait cessé de prendre ses traitements et, sans prévenir qui que ce soit, elle n'avait jamais repris. Grave erreur Clarisse, tu ne te le pardonnerais jamais. Quelques kilomètres plus tard, la mère de famille se garait aux abords d'une forêt. Vicki n'osait pas bouger et restait à l'intérieur du véhicule mais sa mère l'en avait extirpé de force, la trainant par le bras.

« Tu n'es qu'une petite menteuse et puisque tu ne veux rien me dire alors tu vas aller là où on abandonne les menteuses. »

En furie, Clarisse avait trainé sa fille dans la forêt. Vicki hurlait, elle la suppliait d'arrêter. Elle avait mal, elle avait peur, elle avait froid. Elle voulait sa maman, sa vraie maman. Mais Clarisse n'était plus dans son état normal et rien ne semblait pouvoir la ramener à la raison. Elle abandonnait donc sa fille à son triste sort, persuadée que celle-ci n'était qu'une usurpatrice, un monstre qu'elle devait éloigner de son foyer. Terrorisée, Vicki s'était précipitée vers sa mère pour la rattraper.

« Non! Ne me laisse pas ici s'il te plait! Pardon maman! Je ne mentirai plus jamais. »

La fillette disait ce qu'elle pensait devoir dire pour regagner l'affection de sa mère mais rien n'y faisait. Clarisse était imperturbable, intransigeante. Elle l'avait alors violemment repoussé, convaincue qu'il ne s'agissait pas de sa fille. Vicki s'écroulait sur le sol et, sonnée par la chute, elle peinait à se relever. Elle n'avait alors pas vu dans quelle direction sa mère était partie. Elle s'était mise à tourner en rond, complètement perdue. Puis la fatigue s'était emparée d'elle et elle s'était recroquevillée contre cet arbre, appelant sa mère en boucle. Son amour pour elle n'ayant été en rien altéré. Vicki était retrouvée seulement le lendemain matin par un couple de randonneurs. Récupérée en catastrophe par son père, mort d'inquiétude et de culpabilité, elle comprit que sa vie ne serait plus jamais la même. Sa mère était internée dans la foulée et elle ne reviendrait plus jamais dans le foyer des Vale. Vicki ne l'a cependant jamais oublié et n'a jamais cessé de l'aimer, même si aujourd'hui, elle craint d'hériter de cette terrible maladie et de devenir folle à son tour.

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Hiver 2017

Un pack de bières et une pizza extra large dans les mains, Vicki Vale se dirigeait enthousiaste vers cette petite maisonnette qui l'avait vu grandir. Un lieu d'ordinaire paisible, synonyme de joie et de bonne humeur. La maison qu'elle avait partagé pendant plus de treize ans avec son père, Harrison Vale. Incontestablement l'homme le plus important de sa vie. Il avait su prendre soin d'elle après le départ de sa mère. Il avait su la soutenir, l'épauler et l'aimer au fil de ses déboires et de ses crises existentielles. Oui, Harrison Vale avait été un père exemplaire. Commissaire au GCPD, il était un vrai modèle de droiture, un exemple, une fierté pour sa fille. Reconnu, respecté et estimé par ses collègues, mais aussi par les habitants de la ville, il semblait intouchable, indestructible. Entrant, comme à son habitude, sans frapper, Vicki s'était rapidement engouffrée dans la maison, son refuge depuis toujours. Jamais elle n'aurait pu imaginer ce qui était entrain de s'y tramer. C'était donc insouciante, et impatiente de s'affaler devant le match aux côtés de son père, que la jeune femme s'était précipitée dans la cuisine pour enfourner la pizza et mettre les bières au frais.

« Livraison à domicile! »

Avait-elle crié pour que son père la rejoigne. La lumière était allumée dans le garage, il devait être encore entrain de bricoler sur sa fichue bécane, avait-elle pensé. Mais lorsqu'un coup de feu retentissait, la jeune femme déchantait. Elle lâchait immédiatement le pack de bière, brisant le silence dans un fracas de verres brisés. Elle courait jusqu'à la buanderie qui donnait sur le garage. La lumière vacillait et le désordre ambiant témoignait d'une lutte brutale et acharnée. Allongé sur le sol, dans une marre de sang, Harrison Vale agonisait. Une silhouette furtive et sombre attirait alors l'attention de Vicki, l'agresseur. Sans réfléchir, sans perdre une seule seconde, la jeune femme s'emparait de l'arme de son père et tirait vers l'homme. Malheureusement, elle n'était pas aussi bonne tireuse qu'Harrison. Ajouté à cela le traumatisme, le stress et l'angoisse, vous obtenez un tir maladroit et inefficace. L'homme s'échappait mais Vicki avait largement eu le temps de l'identifier. Son long manteau noir, son masque... il ne s'agissait de personne d'autre que de ce justicier impitoyable dont la presse n'avait de cesse de parler. Ce justicier aux méthodes discutables qui ne prenait ni gants ni détours pour faire régner la justice à Gotham. Jusque là, Vicki était plutôt de son côté, désapprouvant et confrontant les détracteurs du redresseur de torts. Elle ressentait même une sorte d'admiration pour lui, rêvant de pouvoir un jour le rencontrer et pourquoi pas l'interviewer. Mais tout cela était parti en fumée à l'instant même où elle avait compris que cet homme avait pris la vie de son père. Pourquoi? Pourquoi s'en prendre à l'un des policiers les plus respectés et incorruptibles de la ville? C'était à n'y rien comprendre, à moins que la vérité ne soit trop dur à regarder en face.

Toute tremblante et terrifiée, Vicki était revenue auprès de son père. Immédiatement, elle avait appelé les secours, peinant à donner son adresse et son identité. Elle bafouillait, elle bégayait, elle était paniquée. Elle était sous le choc et pétrifiée à l'idée de pouvoir perdre la seule personne qui comptait encore à ses yeux. Elle retirait alors son gilet pour faire un point de compression sur la plaie mais son père était déjà très pâle et affaibli. Il avait du mal à respirer et sa peau était gelée.

« Ça va allait papa, les secours arrivent...»

Vicki était agitée, elle maintenait la pression sur la plaie mais ne pouvait cesser de de parler, d'analyser la situation, de fuir le regard de son père. Elle était fébrile, elle ne savait pas gérer ce genre de situation.

« ... c'est rien du tout, il faut juste que tu tiennes encore un peu. »

Harrison Vale avait alors saisi le bras de sa fille, parvenant ainsi à la calmer, à la ramener à la réalité.

« Je ne vais pas m'en sortir Vicki. »

Ces mots, elle ne voulait pas les entendre alors elle s'agitait de nouveau, redressant son dos, réfutant d'un signe de tête les allégations de son père.

« Non non non non non non non, tais toi, s'il te plait tais toi! »

Elle essuyait alors son front y étalant au passage une trace de sang foncé. Puisant dans ses dernières forces, Harrison se redressait et attrapait le visage de sa fille pour la canaliser et ainsi pouvoir lui faire ses adieux. Des adieux aussi mystérieux que déchirants.

« Je ne vais pas m'en sortir Vicki, mais tu vas être forte, comme tu l'as toujours été. Tu es plus forte que tu ne le crois ma fille. Mais promets moi une chose, reste loin de tout ça, ne cherche pas à me venger ou à découvrir la vérité. Tu te mettrais en grand danger et tu me tuerais une seconde fois. »

Luttant pour ne pas s'effondrer en larmes, Vicki regardait, incrédule, son père, les yeux humides et brillants. Elle ne comprenait absolument rien et cela la terrifiait encore plus. Cette histoire la dépassait complètement, elle avait l'impression d'être dans la quatrième dimension. Elle avait l'impression d'être redevenue cette petite fille seule et abandonnée dans la forêt.

« Promets le moi Vicki! »

Sans réaction ni réponse de la part de sa fille, Harrison Vale avait haussé le ton, s'infligeant une terrible douleur qui lui arrachait une grimace et un râle.

« Pour ta sécurité et mon honneur, promets le moi. »

« Je te le promets. »

Avait-elle finalement murmuré après de longues et interminables secondes d'hésitation. Vicki ne savait pas le poids de cette promesse ni ses conséquences. Mais que pouvait-elle faire d'autre à part consentir à la dernière requête de son père?

« Je t'aime ma fille, n'en doute jamais. »

Harrison la serrait alors dans ses bras et Vicki lui chuchotait à l'oreille qu'elle l'aimait elle aussi. Et tandis que les sirènes de l'ambulance se faisaient entendre au loin, elle sentait la vie s'échappait de son pauvre père. Elle n'avait alors pas envie d'affronter cela en face et restait blottie contre lui, sa tête plongée dans son cou. Comme si retarder ce moment inévitable pouvait le maintenir en vie et empêcher le terrible couperet de tomber.

Un mois et des poussières plus tard...

Quelques semaines après l'enterrement de son père, Vicki avait décidé de vendre la maison de son enfance. Trop de souvenirs y étaient rattachés, elle ne supportait plus d'y mettre un seul pied. La douleur était trop vive et la présence de son père trop forte. Elle savait qu'il aurait compris et approuvé ce choix. Lui même avait vendu leur première maison après l'internement de sa femme et ce pour les mêmes raisons. Vicki y avait cependant récupérer plusieurs affaires, des choses matérielles dont elle ne pouvait se séparer pour l'instant. Des objets à priori sans valeurs apparentes mais qui en réalité étaient inestimables à ses yeux. Mais au cours de ce grand ménage de printemps, qui lui avait permis, l'espace de quelques heures de se déconnecter complètement de la réalité, elle avait trouvé une mystérieuse planque sous le lit de son père. Dans cette planque, la clé d'un box et rien d'autre. Vicki avait mis plusieurs semaines à en trouver l'origine et l'emplacement. Et pour cause, ce box était loin, très loin de Gotham. Mais lorsqu'elle s'y était enfin rendue, lorsqu'elle avait enfin enfoncé la clé dans la serrure, le box était vide. Une énigme de plus à rajouter à tout ce mystère. Un mystère qu'elle ne pouvait pas clarifier car elle avait fait une promesse. Mais combien de temps encore parviendrait-elle à la tenir? L'ignorance était insoutenable, elle s'imaginait des tonnes et des tonnes de scénarios et aucun ne la réconfortait, bien au contraire. Vicki avait besoin de savoir, que lui avait caché son père, et que lui cachait-il encore depuis sa tombe? Pourquoi le justicier sombre s'en était pris à lui? Ce n'était qu'une question de temps avant qu'elle ne craque et ne rompe sa promesse, elle le savait... Mais serait-elle prête à affronter la vérité, dure et implacable? Y survivra t-elle seulement...

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Aujourd'hui...

Aujourd'hui, après de longues études et deux années à servir du café dans l'espoir de trouver le scoop qui lancerait sa carrière, Vicki Vale n'en est qu'à ses débuts de journaliste. Elle peut enfin prétendre à reprendre le flambeau de son père, ce dont elle a toujours rêvé, ce qui l'a toujours motivé à emprunter cette voie. Elle vient seulement de se faire remarquer par le rédacteur en chef de la Gotham Gazette qui croit en elle et son potentiel. Mais il lui reste tout à prouver et encore beaucoup à apprendre. Contrairement à beaucoup de journalistes de sa génération, Vicki ne se passionne pas pour les méta-humains ou les justiciers toujours plus nombreux. Non, elle, ce qui l'intéresse, c'est sa ville, ses concitoyens. Contribuer à sauver Gotham est sa seule préoccupation, sa seule motivation. Et bien qu'elle ne soit pas insensible aux derniers évènements, comme l'attaque de Zod, le générateur à particules de STAR Labs, le coup d'état raté d'Ocean Master, la découverte du Green Lantern Corps, l'attaque de Darkseid, le syndicat du crime ou encore les sept pêchés capitaux... Elle sait qu'il s'agit là d'une toute autre cour où elle n'a absolument pas sa place. Vicki compte se battre dans l'arène qui lui est destinée, là où elle pourra avoir un réel impacte et où sa voix pourra être entendue. Faire éclater la vérité, protéger les innocents, leur donner la parole, et envoyer les coupables devant la justice, tel est la concrète et modeste quête de Vicki Vale. Ni plus, ni moins. Mais ce n'est pas pour autant qu'elle fait abstraction de tout ce qui l'entoure, elle garde un oeil sur ceux que certains considèrent comme de véritables Dieux vivants et elle ne leur laissera rien passer. Méta-humains, héros, dieux, aliens, pour elle, tous doivent être logés à la même enseigne et tous doivent répondre de leurs actes. Elle n'hésitera donc pas à creuser, même loin de sa zone de confort, pour rétablir l'équilibre et la justice. Tout comme elle n'hésitera pas à faire l'éloge de ceux et celles qui le méritent.

Mais malgré ses efforts permanents, une seule affaire occupe réellement ses pensées, un seul homme requiert véritablement toute son attention. Le justicier sombre. Vicki est littéralement enchainée par son passé, par ce mystère qui entoure la mort de son père. Elle a beau tout faire pour se persuader du contraire et penser à autre chose, cette histoire l'obsède et lui pèse. Elle le sait au plus profond de son être, elle ne pourra jamais passer à autre chose ou avancer, avant d'avoir fait la lumière sur toute cette affaire.

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