Une chute dans les escaliers. Une voiture l'ayant renversé. Une agression dans la rue. Un vulgaire vol de sac à main. Un banal accident de vélo. Son esprit, encore embrumé par le manque de sommeil, était focalisé sur la recherche d'une excuse raisonnable et valable. Car il était évident qu'une simple organisatrice en événementiel ne pourrait présenter de telle blessure sans une explication réelle. Surtout par cette Wilde qui ne faisait aucun cadeau aux autres. Plongé toute entière dans l'eau chaude et bercé par le silence de sa salle de bain, Maze réfléchissait. Un accident de voiture était trop facile à vérifier et donc, à réfuter. Tout comme l'agression, même si dans une ville telle que Gotham, cela lui semblait être plausible. L'accident de vélo semblait être sa meilleure idée du moment. Un peu de travail à la maison, beaucoup de maquillage, de bonne dose de médicament et la mascarade pourrait reprendre. Parce qu'il était là le véritable enjeu de cette fausse justification, tout était de maintenir ce voile entre ses deux vies, cacher l'incontestable vérité.
Il lui était si facile de masquer ses émotions, d'exprimer de la joie alors que son seul souhait était de froncer les sourcils, d'être incroyablement douce pour camoufler sa soif d'autorité. Maze était douée pour se déguiser, devenir une autre personne, ou même n'être qu'un visage parmi tant d'autres. Elle n'était qu'une ombre, une inconnue qu'on apprécie, mais qu'on oublie dès qu'elle disparaît. Elle était là la vérité, ce qui se cachait derrière ce sourire de façade, n'était qu'un cœur froid aux pulsions meurtrières et ses contusions sur son visage en était l'indigne démonstration. Songeuse, la Wilde en oublia presque la douleur qui pulsait dans sa cuisse, le moindre de ses mouvements étaient pénibles. Au travers de l'eau qui ondulait sous ses yeux, elle voyait déjà un hématome se former.
Miléna se laissa glisser tout au fond de son bain, se privant de tous ses sens. Elle n'appréciait pas réellement ce manque de contrôle, aucun son ne parvenait à ses oreilles, pas une seule odeur... Juste le néant. Un rien reposant, mais lorsqu'elle ré-ouvrit les yeux, elle vit une forme ondoyer au-dessus de sa tête. Une personne normale, aurait sans doute paniqué, mais Maze n'était pas comme toutes les femmes. Elle sortit délicatement sa tête de l'eau, plaquant ses cheveux en arrière et se rendit alors compte que cette forme n'était pas inconnue.
- J'ai laissé une fenêtre ouverte ? Dit-elle le sourire aux lèvres.
À cette hauteur, il n'y avait vraiment que les vibrations du vent contre son corps qui pouvait la sortir de ces pensées. La voleuse était, à la normale, pas du genre à se remettre en doute les ordres des hiboux, elle agissait tout simplement. Si elle était incapable de tuer, elle avait d'autres utilités, mais à présent, le doute s'immisçait en elle, comme un vilain poison. Devait-elle rapporter ce qu'elle avait vu à la cour ? Il lui ordonnait d'observer cet homme, de rapporter tous ces faits et gestes. Son rôle n'était pas de porter un avis, car beaucoup savaient que les avis de Luz pouvaient sortir de l'ordinaire, mais là, elle était sûre d'elle, cet homme n'était pas humain, puis ce non-humains était venu l'aider. Pourquoi venir l'aider ? Qu'est-ce qu'il pouvait bien attendre d'elle ? Personne n'agissait ainsi sans arrière penser, l'histoire de sa propre vie lui avait bien prouvé ce fait. Tous ses doutes l'avaient emmené à se réfugier, non dans le cimetière, lieu où l'ordre pourrait facilement la localiser, mais au plus haut d'un immeuble face à celui de sa sœur. Elle attendait un signe de sa part pour venir la retrouver, pour venir lui parler de cet étrange homme.
Les deux jeunes femmes ne vivaient plus ensemble, depuis bien longtemps. Deux styles de vie trop différents et Luz avait besoin de solitude et de vie simple, là où sa petite sœur avait besoin de luxe. Mangeant une barre de chocolat, elle retrouva dans sa poche une balle avec des billes. Un enfant au cimetière, ce jour, lui avait troqué pour obtenir le droit de prendre de l'eau au robinet public du cimetière. Luz pouvait être dur en affaires, même avec ce qui lui appartenait pas. Serrant la balle anti-stress, comme l'avait dit le gosse, un sourire vint à éclairer son visage en voyant la lumière prendre place dans l'appartement de sa sœur.
Utilisant les gadgets de la cour, elle n'eut aucun de mal à arriver à l'immeuble d'en face sur le balcon de sa sœur. Une fenêtre était ouverte, Luz n'eut aucun à se faufiler dans cet appartement. Frôlant de sa main, les divers objets de sa sœur, elle n'émit aucun bruit qui prouvait de sa présence. Finalement, elle pénétra dans la salle de bain, puis vint à regarder ce qui pouvait bien faire sa sœur dans sa baignoire. Ce fut à ce moment-là que Maze sorti sa tête de l'eau.
- J'ai laissé une fenêtre ouverte ?
Haussant les épaules, elle ne révélait jamais ses secrets et n'allait certainement pas dire que d'ailleurs, le meilleur moyen de se déplacer était les conduits d'aération. S'installant avec souplesse sur un des meubles de cuisine, elle vint à prendre la balle dans sa poche et là lança à sa sœur.
- C'est une balle à lancer sur les gens qui te stressent.
C'était la seule logique dans son esprit, du nom d'un tel objet. Il était rare que Luz offre un cadeau, mais là, c'était différent, elle n'avait pas volé cet objet, c'était un troc, elle pouvait donc le donner à sa sœur, car entre elles eux, c'est Maze qui fréquentait le plus les gens. Observant les blessures de sa sœur, elle vint finalement à lui demander :
- Elle avait fait du mal à un innocent...la personne qui t'a fait ça ?
Rentrer dans la maison. Couper l’alarme. Tuer la cible. Déguiser la scène de crime. Voler tout objet de valeur. Déposer de fausses empreintes. Partir. Tout ça en moins de 20 minutes. Encore à ce moment, alors qu’elle barbotait dans son bain, elle repensait à cette check-list et cherchait ce qui avait capoté. Jamais il n’aurait dû savoir se défendre ainsi. Il n’avait même pas eu peur d’elle. Incroyable n’est-il pas ? C’était le risque d’agir toujours dans l’ombre, son nom n’effrayait personne, peut-être certains traiteurs… Malheureusement pour elle, sa cible avait réussi à la blesser et elle n’avait pas souhaité prendre le moindre risque. Alors elle avait incendié la maison, détruisant toutes les preuves. C’était la frustration qui l’avait poussé à rentrer dans cette baignoire, ET surtout, enlever cette odeur de fumée. Miléna appréciait cette sensation, de sentir son corps flotter dans l’eau et d’apprécier la chaleur qui réchauffait sa peau contusionnée. C’était un vrai délice, comme une récompense à une journée compliqué. Il ne lui restait qu’à assumé les foudres des aristocrates qui ne donnait que des ordres.
Lorsqu’elle émergea de l’eau, la tête pleine de questions, Maze tomba nez à nez avec sa sœur aînée. Luz alla s’installer sur son meuble de cuisine et lui lança une balle. D’un geste vif, elle l’attrapa au vol. Arquant un sourcil, elle resta silencieuse, attendant qu’elle s’explique sur ce geste et surtout, pour qu’elle raison elle lui jetait une balle. Mais la réponse était digne de la voleuse, incompréhensible.
- Tu me lances une balle pour me dire que je te stress ?
Mélina scruta l’objet et la déposa sur le sol. Sa sœur était certes particulière, mais elle était dotée d’une fragilité peu commune. Et qui surtout, était inconnue pour la tueuse. En plus, elle haïssait réellement la routine. Elle l’ennuyait et l’ennui menait à la mort.
- Tu sais que cette balle c’est une anti-stress, tu la malaxe pour t’énerver dessus et pas sur les autres ?
Maze inspira profondément en entendant la question de sa sœur et se hissa hors de l’eau avec une grimace qui trahissait sa souffrance. La douleur physique était sans doute la seule émotion qui arrivait à lui faire ressentir quelques choses. Avançant en clopinant, elle prit son peignoir pour s’enrouler dedans et avança dans la cuisine.
- Il m’a défiguré, est-ce qu’une personne innocente ferait ça ? Dit-elle faussement outrée.
Des perles d’eau suivaient sa trace, elle dégoulinait de ses cheveux qu’elle n’avait pas séchés. Elle mit de l’eau dans sa bouilloire pour la poser sur le feu et sortie sa bouillotte.
- Personne n’est vraiment innocente Luizette, même le père Noël a des choses à se reprocher, laissa-t-elle glisser entre ses dents avant de se diriger vers le frigo et sortir une bouteille de vin et du lait.
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