Cassandra Colchis ✸ Circé

Durant ta première vie, tu as été une princesse, celle du royaume de Colchide. Rien ne te prédestinait alors à devenir la femme ambitieuse et cruelle que tu allais devenir. En tout cas, en apparence. Car derrière tes faux airs de noble effarouchée et soumise, tu rêvais déjà de te libérer de tes chaines pour devenir une femme forte et indépendante. Ton mari était faible, alors tu l'as éliminé. Tu aurais pu le faire dans la discrétion la plus totale sans être jamais inquiétée. Tu en connaissais les moyens. Mais cela ne te suffisait pas, tu voulais que ton crime soit démasqué, que ton talent et ton audace soient enfin révélés. Mais ton peuple n'a rien compris... Au lieu de te montrer sa reconnaissance pour l'avoir libéré d'un futur roi incompétent, il t'a chassé et banni de ton royaume. Tu savais alors qu'il ne s'agissait que d'une libération, d'un commencement. Ta vengeance n'aurait aucune limite. ◈ Tu es une femme passionnée Circé, tu l'as toujours été. De nombreux hommes ont pu, malgré eux, le constater. Comme Picus, le fils de Cronos, dont tu t'étais amourachée. Malheureusement pour lui, son cœur appartenait à une autre et il t'avait repoussé. Bien mal lui en avait pris... On ne te refuse pas Circé. Furieuse, tu avais transformé le demi-dieu en pic-bois afin qu'il erre pour l'éternité sur ton île, privé à tout jamais de sa forme humaine et de son grand amour, Canens, fille de Janus. Tu avais également peuplé l'île avec les formes transformées de nombreux de ses amis qui étaient venus chez toi à sa recherche. Il vaut donc mieux y réfléchir à deux fois avant de te dire... non. ◈ Le mythe dit vrai, tu as bien fait parti de l'épopée du légendaire Ulysse. Mais, certains détails ont été occultés ou déformés avec le temps. Lui et ses acolytes avaient bien échoué sur ton île. Quelle aubaine pour toi, tous ces hommes servis sur un plateau d'argent... Les compagnons d'Ulysse étaient alors partis en exploration et avaient découvert ton palais. Après avoir festoyé, bu et bien mangé, ils s'étaient tous assoupis, drogués par tes soins. Tous sauf Euryloque, cette saleté d'Euryloque qui avait flairé ton piège. Il était alors parti prévenir Ulysse, resté seul sur son bateau. Pendant ce temps, tu avais transformé tous ses compagnons en porcs, pour ton simple divertissement. Tu les dévorerais lors de tes prochains soupers. Mais Hermès s'en était mêlé et il avait aidé Ulysse à te contrer. Insensible à ta magie, grâce à la précieuse herbe Moly, il était parvenu à glisser une lame sous ta gorge et tu avais été subjuguée, charmée par cet homme au charisme et au courage sans faille. Tu acceptais alors de rendre leur apparence humaine à ses compagnons, si et seulement si, il acceptait de rester encore quelques temps sur l'île, à tes côtés. Finalement, Ulysse et ses compagnons restèrent toute une année. Et, de fil en aiguille, tu parvins à séduire le héros et à entretenir une sulfureuse liaison avec lui. Mais toutes les bonnes choses ont une fin et Ulysse avait fini par te demander de l'aider à rentrer chez lui. Il t'avait donné un fils, Télégonos, alors tu avais accepté. Tu ne le reverrais plus jamais... vivant. Car lorsque votre fils avait atteint l'âge adulte, tu lui avais appris qui était son père et il était parti à sa recherche, désireux d'apprendre à le connaître. Malheureusement, comme dans bien des tragédies grecques, le destin s'était joué d'eux et ils s'étaient affrontés sans même le savoir. Courageux, fort et habile, Télégonos avait alors triomphé d'Ulysse avant de s'effondrer en découvrant qui il était vraiment. Rongé par le chagrin et le remord, ton fils t'avait rapporté la dépouille de son père mais tu ne pouvais plus rien y faire. Vous l'aviez donc simplement enterré dans un coin reculé de l'île où depuis, il repose en paix. Ulysse a été l'un des seuls hommes que tu as vraiment aimé, tu ne l'oublieras jamais. ◈ Des légendes de la mythologie grecque, tu en as côtoyé. Tellement qu'il te faudrait des jours, des semaines, des mois pour tout conter. Certains t'ont cependant plus marqué que d'autres, comme ce cher Glaucos, divinité marine et fils de Poséidon. Éperdument amoureux de la nymphe Scylla, qui n'avait de cesse de le repousser, il t'avait demandé un philtre d'amour. En échange de quelques services, il t'arrivait parfois d'accéder à ce genre de requêtes, mais tu convoitais toi même Glaucos... Hors de question donc de lui offrir ce qu'il te demandait. Perfide et sournoise, tu lui avais tout de même fait croire et lui avais confié une fiole, prétendument remplie du fameux filtre d’amour. Mais à la place, tu lui avais mis entre les mains un poison qui allait transformer sa bien aimée en monstre marin. Le genre d'anecdote que tu trouves plus que savoureuse. ◈ En parlant de divinité marine, impossible de ne pas évoquer la plus grande en narrant ton histoire. Poséidon. Lui aussi a partagé ton lit et t'a donné un autre fils, Phaunos. Mais le reste de votre histoire, tu le gardes pour toi... ◈ Alors que tu étais encore éprise d'Uysse, toujours présent sur ton île, un certain Calchos, roi de Daunie, te faisait la cour. Il était éperdument amoureux de toi mais toi, tu n'avais d'yeux que pour Ulysse. Désespéré et brûlant de désir, Calchos tenta, à de multiple reprises, de gagner ton affection. Entre autres, il t'offrit son royaume de Daunie, mais son insistance face à ton refus t'avait poussé à le haïr et à lui interdire de mettre les pieds sur ton île. Mais Calchos ne parvenait pas à t'oublier. Il continuait à te tourner autour et ses lèvres ne connaissaient pas d’autres mot que ton nom. Exaspérée, tu faisais alors semblant d’accepter sa cour et, après l’avoir invité, tu lui avais préparé un festin et l'avais drogué, comme tu l'avais fait avec les compagnons d'Ulysse. Mais contrairement à eux, tu ne l'avais pas transformé en porc, tu l'avais simplement rendu fou. Et lorsque l'armée daunienne avait débarqué sur ton île, à la recherche de son roi, tu le leur avais rendu avec le plaisir de savoir qu'il n'aurait plus jamais l'esprit à te courtiser ou à quoi que ce soit d'autre d'ailleurs. Tu aimes tuer Circé, tu aimes exécuter tes ennemis. Mais ce que tu aimes par dessus tout, c'est leur offrir des châtiments bien pire que la mort. Parfois, celle-ci est bien trop douce à tes yeux. ◈ Au fil du temps et de tes aventures, tu t'es lassée du monde extérieur, tu t'es lassée du monde des Hommes. Ton île te suffisait amplement et y attirer tes proies était un défi bien plus palpitant. Tu avais eu ta vengeance contre le royaume de Colchide, tu avais aidé à exterminer les Amazones... Tu te considérais comme une véritable déesse. Plus rien ne nécessitait donc que tu t'infliges la présence du commun des mortels. Plus rien ne nécessitait que tu sortes de ton jardin d'Eden. Tu t'y étais donc prélassée pendant trois millénaires, jouissant de tous les plaisirs et divertissements dont tu avais besoin. Néanmoins, tu as toujours tenu à garder un œil sur le monde des Hommes et à en arpenter ses terres. Cela dans le seul but d'y instaurer le chaos et de te délecter de leurs guerres. Tu en as d'ailleurs inspiré plus d'une, tirant quelques ficelles dans l'ombre. Un simple divertissement encore une fois, leurs misérables vies ne t'intéressant pas. Mais parfois, parfois, il t'arrive de tomber sur des individus qui méritent un peu plus ton intérêt. Et dans ces cas là, il n'est pas rare que tu t'investisses un peu plus dans le sort des Hommes. C'est d'ailleurs davantage le cas depuis que Wonder Woman a fait son apparition parmi eux, te révélant, par la même occasion, la survie d'une partie des Amazones. Tu as un travail à finir Circé et une prophétie à contrer, rester dans l'ombre n'est donc plus une option. ◈ Afin d'éviter tous désagréments et tous déconvenues, liés à l'évolution du monde moderne et à une pléthore de super héros en carton qui pourraient bien ralentir, d'une manière ou d'une autre tes ambitions, tu as décidé d'assumer pleinement ta double identité. Protégée par un envoutement semblable à celui de l'île des Amazones, Aeaea est désormais inaccessible au monde extérieur, comme rayée de la carte. Tu y formes ton armée pour combattre les Amazones et nul ne saurait venir troubler tes sombres desseins. Et lorsque tu ne sièges pas sur ton trône, à l'abri des regards indiscrets, tu parcours le monde sous l'identité de Cassandra Colchis, mystérieuse et riche héritière, veuve discrète et énigmatique, collectionneuse d’œuvres d'arts et d'artefacts en tout genre. Ton but n'est pas de briller dans la lumière mais de te fondre dans la masse pour être la plus discrète et la plus redoutable des menaces. ◈ Rares sont ceux et celles à le savoir mais le narcisse est ta fleur préférée. Non pas à cause de sa beauté ou de son parfum mais tout simplement à cause du mythe qui s'y rattache. Ta version préférée est celle-ci... Narcisse était le fils de la nymphe Liriopé, et le devin Tirésias avait prédit qu'il vivrait très vieux à la seule et unique condition qu'il ne voie jamais son image. Mais Ameinias, l'un de ses soupirants éconduits, avait appelé le courroux des dieux sur Narcisse avant de se donner la mort, désespéré de l'ignorance de son bien aimé. Il fut entendu et  Narcisse vit son reflet dans l'eau claire d'une source. Il en tomba immédiatement amoureux. Mais face à cet amour impossible, il préféra se suicider et plongea un poignard dans sa poitrine. Son sang s'écoula dans la terre et ainsi naquit un narcisse blanc à corolle rouge. Depuis que l'on t'a conté cette histoire, tu es fascinée par cette fleur. Et tu te demandes bien, si toi aussi un jour tu périssais, de ton sang, quelle fleur jaillirait. ◈ L'une de tes époques préférées est indéniablement celle de l'Antiquité Romaine. Là où tu as rencontré et chevauché Spartacus, le célèbre esclave à l'origine de la troisième guerre servile. Le spectacle des Gladiateurs était l'un de tes divertissements préférés et tu déplores encore sincèrement aujourd'hui sa disparition. Ce sable, ce sang et cette violence. Ces hommes barbares, féroces et puissants, bataillant à chaque fois pour leurs vies sous les acclamations de la foule. Rares, très rares étaient les simples mortels à savoir susciter ta convoitise mais à l'époque, il n'y avait rien de plus envoutant à tes yeux qu'un gladiateur bien bâti.