now your life's no longer empty (babs & floyd)

Etait-ce vraiment une bonne idée ? Nate Heywood s’en était persuadé, quelques jours plus tôt, lorsqu’il avait entrepris d’organiser ce dîner à trois au cœur de Gotham City – mais, maintenant qu’il était attablé au restaurant italien choisi pour l’occasion, le doute, compagnon fourbe, pernicieux, et franchement casse-pieds, venait lui grignoter le cerveau à grands renforts de rires mesquins. Sur le papier, présenter sa petite-amie à son ami d’enfance était une bonne idée. Une très bonne idée, même, et une promesse qu’il avait faite au dit ami d’enfance en pleine fin du monde, quand ils étaient dévorés d’inquiétude pour leurs proches. Dans la pratique ? Peut-être qu’organiser une rencontre entre Deadshot et Batgirl n’était pas l’idée la plus brillante qu’il ait eue. Un soupçon qui avait commencé à se nicher dans sa tête quand il avait vu celle de Babs, au moment où lui avait annoncé que le vieux pote à qui il voulait la présenter s’appelait Floyd Lawton. Certes, elle avait fini par dire oui, dans un moment surprenant où Nate avait réussi à se montrer plus borné qu’elle, mais ça ne voulait pas dire que l’idée était brillante pour autant. Il était historien, nom de Zeus. Des idées brillantes pas si brillantes que ça, voire parfaitement désastreuses, il pouvait en nommer à la pelle. Mais il était trop tard pour faire marche arrière, et, très honnêtement, il n’en avait pas vraiment envie. Six mois sur une autre Terre, au milieu d’une guerre apocalyptique, pendant laquelle il avait perdu non pas un, mais deux proches, et de nombreux innocents qu’il n’avait pas pu sauver à temps, ça remettait brutalement les choses en perspective. Alors ce soir, rien que ce soir, il espérait qu’il serait possible de laisser Citizen Steel, Batgirl et Deadshot au placard. Juste ce soir, pour une rencontre à laquelle, malgré tout, il donnait beaucoup d’importance.

Au-delà de la question morale de présenter un tueur comme meilleur ami à sa petite-amie justicière, Nate avait également conscience qu’ils partaient avec un déséquilibre : Barbara savait évidemment qui était Floyd Lawton, mais Floyd, lui n’avait aucune idée des activités secrètes de Barbara. Une considération qui l’avait au moins autant fait hésiter que la tête de Babs, peu à l’aise qu’il était à l’idée de mentir à son ami d’enfance, mais quel autre choix avait-il ? Les garder tous les deux dans des pans complètement séparés de sa vie ? Deux compartiments, le public et le secret ? Avant New Themyscira, c’était peut-être ce qu’il aurait fait. Aujourd’hui, Nate le confessait, il n’avait guère la patience pour ces petits jeux de bien et de mal, de blanc et de noir. Un peu de gris, de temps en temps, c’était pas mal non plus. New Themyscira lui avait pris son grand-père. New Themyscira lui avait pris son frère de la Ligue de Justice. Mais New Themyscira lui avait aussi, miraculeusement, rendu Floyd, après des années à s’être perdus de vue. Et si Nate avait eu la chance de rencontrer Jim Gordon, Barbara, elle, ne rencontrerait jamais les parents de Nate. Elle ne rencontrerait jamais son frère, Kirk, et maintenant, elle ne rencontrerait jamais son grand-père et modèle, Hank. Floyd était, même plus que Ray disparu, ce qui se rapprochait le plus d’un frère, dans son paysage familial décimé où ne subsistaient que des cousins épars tentant tant bien que mal de reconstituer leur petit clan. Alors oui, New Themyscira avait été un difficile rappel à la réalité, mais aussi une prise de conscience nécessaire. Tout le monde était éphémère. Tout le monde pouvait disparaître du jour au lendemain, sans explication, sans justice aucune. Alors, tant qu’il le pouvait encore, il voulait, au moins le temps d’une soirée, tenter de réconcilier ces deux pans de sa vie, avant qu’il ne soit trop tard.

La porte du restaurant s’ouvrit à nouveau, l’arrachant à ses pensées alors que ses yeux clairs vinrent spontanément se poser sur le nouvel arrivant – et un sourire ravi vint illuminer ses traits pensifs alors qu’il reconnaissait celui qui venait de faire son entrée. Chassant ses préoccupations – sans doute un peu morbides pour la soirée – de ses pensées, il se leva de sa chaise, dépliant sa haute silhouette d’ex-footballeur, pour accueillir Floyd. « Hey ! Mon dieu, que ça fait plaisir de te revoir. » lança-t-il, sincèrement ravi, sans résister à la tentation de prendre son pote dans ses bras – brièvement, histoire de ne pas le faire partir tout de suite en courant, le pauvre homme, mais flûte, il avait le droit d’être content, le fils Heywood. C’était un échange de sms, et une heureuse coïncidence qui les avait réunis là ce soir – Floyd était de passage à Gotham, Nate y était depuis quelques semaines maintenant, c’était l’occasion ou jamais, et Nate n’avait jamais été aussi heureux d’une coïncidence quelconque. En libérant son ami de son emprise, il le gratifia d’une tape amicale sur l’épaule, et l’invita à s’asseoir à leur table. « Babs vient de m’envoyer un message, elle a été retenue au travail… » Et par travail, il voulait dire une mission pour la batfam. « … mais elle arrive. Tu bois quelque chose, en attendant ? » demanda-t-il en faisant signe à un serveur. Et voilà, aussi simplement que ça, les retrouvailles étaient amorcées. Ils ne s’étaient pas revus depuis leur rencontre fortuite sur New Themyscira, un an auparavant ; quelques échanges de messages, quelques appels ici et là. Mais rien ne valait une rencontre face-à-face. « Au moins ça nous laisse le temps de rattraper un peu ces derniers mois. Tu vas bien ? » Entre la disparition de Ray et celle de Batman, il n’avait pas été aussi assidu qu’il aurait dû l’être dans sa prise de nouvelles. Voilà l’occasion de se rattraper, au moins un peu, en attendant de faire mieux la prochaine fois.

AVENGEDINCHAINS

Qu'est-ce que se sociabiliser ? Même en ayant quatre heures devant toi tu ne serais pas certain d'y apporter une conclusion satisfaisante. Après cinq années à avoir des bouteilles vides pour seule compagnie, difficile maintenant de reprendre un rythme de vie... normal. Ou du moins, plus sain, et sans tendances auto-destructrices. Pour ce qui est du couple, ça va, tu t'en sors plutôt bien, toi qui pensais pourtant avoir un peu perdu la main suite à un divorce très compliqué et des relations plus qu'éphémères sans queue ni tête ensuite. Après un an a voguer sur une mer agitée pour parvenir à trouver une stabilité avec ta partenaire, voilà que c'est chose faite. Les eaux de votre navire en commun se sont calmées, et c'est plutôt paisiblement que vous voguez ensemble vers l'avenir.  Par contre, pour ce qui est du reste, tes lacunes sont encore titanesques. T'as pas beaucoup d'amis, et ceux que tu as on ne peut pas dire que tu les fréquentes régulièrement, préfèrant te terrer dans ton trou avec ta copine – enfin, la Californie c'est quand même plus que sympa comme trou. Envoyer des messages, organiser des barbecues, s'appeler de temps en temps, tout qui est synonyme de banalité pour le commun des mortels ne l'est pas du tout pour toi – pire encore, ça te demande de faire des efforts pour y arriver. Pour toi, la normalité c'est plutôt te placer sur un immeuble et pointer de rouge le crane de tes cibles. Ou plonger dans la gueule du loup en pleine mission suicide. En bref, ce qui est dangereux c'est facile, ce qui ne l'est, c'est beaucoup plus compliqué. Toi, la pression ? Pas du tout. Enfin si, un peu. T'as très envie de rencontrer la fameuse nouvelle copine de Nate, mais surtout, très envie que tout se passe au mieux. Et pour une fois, essayer de ne pas tout faire foirer.

De passage à Gotham pour finir de ramener tout ton matos sur la côte ouest – sauf dans l'une de tes planques secrètes, on sait jamais, au cas où t'en aurais besoin – l'occasion parfaite pour de nouvelles retrouvailles s'est présentée, et vous n'avez pas hésité une seule seconde à la saisir. Depuis votre retour de New Themyscira vous n'aviez pas encore eu le temps de vous revoir, sans aucun doute très occupés tous les deux de votre côté à organiser votre nouveau quotidien d'hommes plus du tout célibataires, et d'autant plus maintenant avec l'arrivée imminente de Brainiac. Tu te souviens encore de cette nuit dans la bibliothèque, à essayer de rattraper le temps perdu tout en confessant non sans sourire les nouveautés dans vos vies amoureuses respectives. Aujourd'hui tu paniques un peu, mais à l'époque, ça t'avait semblé être une évidence. Si cette femme est assez importante pour que ton meilleur ami décide de te la présenter, c'est qu'il a peut-être trouvé celle qui sera la bonne chaussure à son pied. C'est en tout cas l'impression que t'as eu, en l'écoutant parler de Babara, et ce soir, malgré ton évidente nervosité, t'es aussi impatient de pouvoir faire la rencontre de celle qui a su ravir le cœur de ton ami, et se montrer présente dans l'une des périodes les plus compliquées de sa vie. La perte d'Hank a forcément laissé des traces, et avoir quelqu'un sur qui compter quand tout autour de soi semble s'écrouler, c'est terriblement important. Et tu le sais plus que quiconque.

Poussant la porte du restaurant italien, ton regard se pose presque aussitôt sur ton ami déjà présent, et un sourire sincère et ravi se dessine aux coins de tes lèvres. Quel plaisir de le revoir. Lui rendant chaleureusement son étreinte, tu t'installes à côté de lui, secrètement soulagé d'apprendre le retard de sa compagne. Parfait, voilà qui devrait te laisser le temps de prendre tes marques, et surtout, de discuter un peu en tête à tête avec ton précieux ami. « Ouais, je vais prendre un diabolo citron. » Conscient que le choix risque de le surprendre, tu précises rapidement : « J'essaye de tenir mes bonnes résolutions. » Euphémisme quand on parle en vérité de sobriété après une rude période trop portée sur la bouteille, mais vous n'êtes pas ici ce soir pour parler des choses douloureuses. Et il est d'ailleurs le premier à lancer la conversation sur ce rapide debriefing avant l'arrivée de la tierce personne tant attendue. « Tout va bien, je me suis installé en Californie, y a pire comme coin pour essayer de refaire sa vie. Et tout se passe très bien avec Layla. » T'es heureux. Véritablement heureux. Et t'espères que Nate saura le lire sur les traits beaucoup plus apaisés de ton visage. Bien sûr, il y aura toujours des emmerdes, dont la plus grosse porte le nom de Waller, mais depuis que t'as retrouvé ta partenaire, tout te paraît beaucoup plus simple à supporter et à anticiper. « Et toi alors ? T'as attendu que je quitte Gotham pour venir t'y installer, tu crains. » Voilà qui aurait été l'occasion parfaite pour se revoir régulièrement, mais qu'importe pour l'acte manqué, tu ne doutes pas une seule seconde qu'il se trouve déjà très bien entouré dans son nouveau chez lui. « Pas trop violent le choc Gotham ? » Question posée avec un sourire amusé, toi qui connais on ne peut mieux la ville, et qui compte, honnêtement, plus de mauvais que de bons côtés. Enfin, selon ton opinion personnelle. Et sans doute n'est-elle pas totalement objective. Pas totalement, mais presque quand même. Gotham on la quitte plus que l'on n'y vient. « Bon, dis-moi, y a des sujets qu'il faut surtout pas que j'aborde avec elle ? Je préfère éviter de foutre les pieds dans le plat. » Question naïve, ignorant tout de ce dans quoi tu t'es réellement engagé.

AVENGEDINCHAINS

Pando

Il avait l’air bien, Floyd – mieux que ça, il avait l’air heureux, et Nate ne se souvenait pas l’avoir vu aussi léger depuis… wow. Depuis des années. La nuit et le jour, comparé à leurs retrouvailles à New Themyscira, comme s’il avait enfin réussi à se débarrasser de lourds poids qui pesaient sur ses épaules. Pas totalement débarrassé, songea-t-il, parce que tant que Deadshot et la Suicide Squad existerait, il n’y aurait peut-être pas de paix totale possible pour Floyd Lawton. Mais au moins un peu. Au moins juste assez pour lui permettre de relever la tête et regarder devant lui, plutôt que de devoir se contenter du canon de son fusil. Nate sourit, en l’écoutant parler de sa nouvelle vie avec enthousiasme, et rit, lui aussi, face à la drôle de coïncidence de leur chassé-croisé. « Hé, toi non plus t’as pas pensé à t’installer en Californie jusqu’à ce que j’en parte. Mais c’est pas grave, j’y repasserai quand j’en aurai marre de la grisaille. » Sans compter qu’il ne savait pas combien de temps il allait rester à Gotham, ou s’il allait y rester définitivement, ou s’il allait peut-être chercher du côté de Metropolis… Il avait emménagé chez Babs sur un coup de tête, sur une impulsion, pour être à ses côtés dans le tumulte laissé par la mort de Batman, mais côté plans d’avenir, ils avaient encore deux-trois décisions à prendre. Lui, surtout, avec les mômes. La mort de Hank avait tout chamboulé, une partie des actions d’Heywood Defense Industries lui étaient revenues, ce qui faisait techniquement de lui l’un des patrons, mais il n’avait rien d’un homme d’affaires, et Gina avait suggéré de rénover la propriété familiale dans Franklin County pour y installer les petits, et, et, et… Et beaucoup trop de questions sans réponses, qui n’en trouveraient de toute façon pas ce soir. Donc, inutile de s’attarder dessus. « Je suis content pour toi, Floyd. Vraiment. » Il retournerait en Californie, ça c’était certain – si c’était l’occasion pour lui de revoir son meilleur ami d’enfance en pleine pente ascendante, alors il ferait de son mieux pour s’y tenir. « Un peu rude, le choc. » admit-il en remerciant la serveuse d’un hochement de tête lorsque leurs diabolo citron et vin blanc arrivèrent. « On peut pas dire que je sois fan de l’ambiance, et je ne pense pas que j’y amènerai les petits. Mais l’historien en moi a un sacré patrimoine à se mettre sous la dent, et ça, c’est passionnant. » Nerd.

Mais, puisqu’ils étaient là pour une rencontre bien spécifique, il fallait se préparer – bien vu, Floyd. Une gorgée de vin plus tard, Nate croisa les mains sur la table, plissant les yeux pour réfléchir avec attention. Et surtout, surtout, pour éviter de laisser transparaître à quel point Floyd touchait juste, avec cette question. Repoussant fermement cette culpabilité agonisante qui lui nouait la gorge en sachant très bien à quel point elle était déséquilibrée, cette rencontre, Nate choisit soigneusement ses mots. « Hmm peut-être la famille. Je ne peux pas trop aller dans les détails, mais bon, tu sais toi aussi que Terre-4 n’a pas épargné tout le monde. » Bon d’accord, ça n’était pas exactement Terre-4 qui avait fauché Batman, mais close enough. Et en dehors de ça… en dehors de ça, il n’eut pas vraiment le temps d’y réfléchir, puisque la porte du restaurant s’ouvrit pour laisser le passage à sa bien-aimée. Aussitôt, le visage de Nate s’illumina d’un nouveau sourire, ravi – oubliant momentanément la drôle de situation dans laquelle ils se trouvaient, le temps pour elle de déposer un baiser sur sa joue. « Vous êtes magnifique, miss Gordon. » commenta-t-il – content de voir que tout avait l’air de bien s’être passé dans sa mission.

Ce ne fut qu’une fois Barbara assise à table et les premières cordialités échangées avec Floyd que Nate sentit la nervosité le gagner peu à peu, comme une araignée remontant le long de sa toile. Batgirl et Deadshot. L’un des deux qui n’avait aucune idée de l’identité de l’autre. L’une des deux qui, il le savait, n’approuvait pas du tout cette amitié surprise, ni la démarche de Nate de garder contact avec un tueur à gages, ni celle d’organiser cette rencontre. Et quelque part, il culpabilisait, un peu, de lui avoir demandé ça, bien conscient de ce que ça lui coûtait, à elle dont l’intégrité était plus inébranlable que l’acier dont il était constitué. Et peut-être qu’elle avait raison. Qu’est-ce que ça disait de lui, qu’il sorte dîner comme ça avec un homme qui avait fait de la mort d’autrui son métier ? Est-ce que ça tournait en dérision les crimes de Deadshot, sa tentative de s’accrocher à l’homme derrière le masque, de faire la part des choses, de tenir malgré tout à son ami d’enfance ? Et en même temps, il avait été jugé pour ses crimes, Floyd – il en payait le prix tous les jours, un prix plus élevé, même, que ce que la majorité des criminels de ce pays enduraient. Et Nate, lui, n’était ni juge, ni juré, ni bourreau. Il était juste un type qui, parfois, faisait de son mieux pour aider les autres qui ne pouvaient pas se défendre tous seuls contre certaines menaces. Peut-être qu’il avait tort. Peut-être qu’il avait raison. Peut-être qu’il ne le saurait jamais, et que tout ce qu’il pouvait faire, c’était suivre son instinct. Et son instinct lui disait qu’il avait déjà perdu trop de monde pour tourner le dos à un vieil ami qui payait déjà le prix de ses actes sans qu’il n’ait besoin d’en rajouter. L’avenir lui dirait bien s’il avait raison ou non. « Wow, c’est bizarre de vous voir tous les deux à la même table. C’est la première fois que je présente Babs à quelqu’un, Floyd, t’es le crashtest avant que d’autres n’y passent. » Les autres en question comptant principalement sa ribambelle de petits cousins – mais ça, il savait qu’elle avait peut-être encore moins hâte que de rencontrer Deadshot. D’un geste de la main, il attira à nouveau l’attention de la serveuse et demanda à Barbara ce qu’elle voulait boire pendant qu’ils avisaient le menu ; puis, passant un bras autour du dossier de sa rouquine préférée, il sourit à Floyd, une pointe de facétie dans ses yeux clairs. « J’ai retrouvé de vieux albums l’autre jour à Star City – avec des dates. Tu te rends compte que ça fait trente ans qu’on se connaît, toi et moi ? » Voilà qui ne les rajeunissait pas, tiens. Tournant les yeux vers Barbara, il se fendit d’une explication supplémentaire. « Une de mes tantes était une voisine des Lawton. On a pris l’habitude de jouer ensemble les rares fois où je venais à Gotham, et puis c’est lui qui a commencé à venir dans l’Ohio. Ma mère nous appelait Tic et Tac. Inséparables, et toujours prêts à faire des bêtises. De vrais casse-cous de bac-à-sable. » Le tableau nostalgique de l’enfance, peint aux pastels appelés ‘c’était le bon vieux temps’. Mais parfois, ça ne faisait pas de mal, de s’y réfugier un peu, et de partager les bons moments, quand les mauvais se faisaient trop présents à l’horizon.

AVENGEDINCHAINS

C'est un don chez Nate de toujours réussir à voir le positif même quand la situation ne s'y prête en apparence pas. Et il n'y a que lui pour s'extasier devant le patrimoine de Gotham, alors que toi tu n'y voyais que des buildings et des ruelles crasseuses gangrénées par la corruption. Une passion qui t'arrache un franc sourire, à la fois touché par cet élan de positivité et la joie de retrouver cet ami que tu n'avais pas vu depuis bien trop longtemps. Depuis vos retrouvailles sur New Themyscira, la vie a repris son cours normalement, et avec elle, vous avez continué la vôtre sur une belle lancée. Au point d'être aujourd'hui dans ce restaurant, à deux doigts de rencontrer sa copine, et sans doute à l'aube de rencontrer la tienne. Ils sont loin les gosses casse-cou qui aimaient jouer les aventuriers, mais en jetant un petit regard en arrière, et en constant vos évolutions respectives, tu te dis que vous vous en êtes plutôt bien tirés malgré les circonstances douloureuses. Toi-même t'es surpris de réussir à nouveau à sourire. Comme si la souffrance s'était enfin un peu apaisée. Ces derniers mois ont été une véritable bénédiction, un nouvel accès à un bonheur inespéré, qui t'a donné la volonté de ne plus être simplement Deadshot. Cet alter ego qui prenait trop de place, et avec qui ta véritable identité se mélangeait beaucoup trop étroitement. Floyd Lawton est revenu d'entre les morts, et maintenant, il compte bien profiter de tout ce que la vie a à lui offrir. « Okay, la famille. C'est noté. » Et c'est un sujet tabou que tu peux parfaitement comprendre. Tout autant que Nate. Tu feras de ton mieux pour lui donner une image d'ami dévoué – et fréquentable. Ce que tu es, finalement, mais caché sous une autre couche un peu moins reluisante. Celle d'un homme qui a oublié ce que c'était que de vivre normalement et de se plier au règles sociales, et sans sentir en permanence l'ombre du mercenaire collée à ses basques.

Et voilà qu'elle fait son entrée, la jolie rousse de Gotham. Tu tentes de réprimander un sourire, mais le regard que tu essayes de lancer discrètement à ton ami ne trompe personne : il a, lui aussi, vraisemblablement touché le jackpot. Tu laisses les deux amoureux se saluer, puis tu portes toute ton attention sur la nouvelle venue – et sans aucun doute destinée à rester. « Floyd Lawton. Enchanté. Je peux en dire tout autant vous concernant. » Tu ne dis rien pour l'instant, mais son nom t'interpelle. Gordon. Est-elle issue de la même famille que le commissaire de la ville ? Non, si c'était le cas, Nate t'en aurais sans douté parlé. Il n'aurait pas manqué un tel détail, pas vrai ? La fille d'un flic et un criminel à la même table, ce serait pour le moins déstabilisant. Ton regard alterne entre les deux, tellement heureux de voir ton meilleur ami aussi à l'aise avec une femme, lui qui en aura aussi tant bavé par le passé. C'est une belle revanche sur ses précédents tourments, et un bonheur amplement mérité. Une pierre deux coups, de nouvelles sensations, et une nouvelle copine. De quoi rester admiratif. Et tu crois le lui avoir déjà dit sur New Themyscira, quand il te l'a annoncé. « Alors j'espère ne pas décevoir, et ne pas priver d'autres personnes de cette rencontre par la suite. » C'est rare que tu sois déstabilisé, toi qui a fait du sang-froid un maitre mot depuis que tu as intégré l'armée, puis après la Suicide Squad. Sans ça, sans doute ne serais-tu déjà plus de ce monde. Mais quelle pression. Et sans doute est-ce parce que les choses te tiennent particulièrement à cœur. T'as envie de bien faire, que tout soit parfait, et que Nate et Barbara repartent d'ici satisfaits de leur soirée et de ce nouveau pas franchi avec toi dans leur couple. « Oh bon sang, t'as encore ces photos ? J'oserais presque te demander de m'en ramener la prochaine fois. Je pense que Layla se ferait une joie de voir ma tronche de pré-pubère boutonneux. » Parce que malgré tout, et même si tout n'a pas été rose, ces moments avec ton meilleur ami restent des instants que t'aimerais partager avec elle.

Trente ans d'amitié. Tic et Tac. Et des centaines de souvenirs qui te reviennent en mémoire. C'est vrai que vous faisiez une sacré équipe tous les deux, et c'est avec beaucoup d'affection que tu te remémores vos escapades les plus glorieuses. « Et quelque part, on l'est resté. » Lui dans la Ligue de Justice, toi dans la Suicide Squad. Il y a bien évidemment un énorme fossé moral qui se dresse entre vos deux équipes, mais dans leur finalité, paradoxalement, pas tant que ça. Un détail que tu ne pourras bien évidemment pas évoquer à haute voix. Allez. Loin de toi l'envie de te priver de vos anciennes anecdotes, mais maintenant t'aimerais t'intéresser un peu plus à Barbara. Et après avoir bu une gorgée de ton verre, tu portes ton attention sur elle. Il y a quelque chose de très mystérieux qui se dégage d'elle, une aura très particulière qui pourrait presque être désarçonnante. « Et vous, Barbara, vous avez quelques anecdotes d'enfance à nous partager ? » Oh que oui la question te brûle les lèvres, t'aimerais savoir si oui ou non ce que ton instinct te dicte est juste. Pour un mec comme toi qui a passé autant de temps à Gotham, bien sûr que le rapprochement est facile. Les Gordon sont largement connus dans le coin. Et à commencer par ceux, qui comme toi, ont un casier judiciaire bien rempli. « Nate m'a raconté ce que vous avez fait pour lui. C'est épatant. Vous travaillez dans quoi exactement ? » Un boulot qui lui demande beaucoup de temps, à en juger par son retard de ce soir. Et c'est avec réel intérêt que tu lui poses ces questions, sans te douter une seule seconde de la vérité qui se cache derrière les apparences.

AVENGEDINCHAINS

Pando

Woops. Avait-il oublié de dire à Floyd qu’il allait passer la soirée avec la fille du commissaire Gordon ? Pendant un bref instant, Nate eut l’impression de se pétrifier sur place, en proie à un très court instant de panique en réalisant sa bourde. Non pas que ça change grand-chose à leur soirée, en réalité, mais peut-être que Floyd aurait préféré être informé à l’avance de ce petit détail. Pour noyer sa propre stupidité – comment avait-il pu omettre ça ?? – Nate se concentra sur son verre de vin en essayant de, et échouant à, éviter le regard de Floyd. Parce qu’évidemment que Deadshot n’avait peut-être pas envie de dîner avec une fille de policière ; et en même temps, ça n’était pas comme s’il avait sciemment tenté de lui dissimuler cette information, il avait juste… oublié. Trop de choses à cacher, et visiblement, Nate était un agent secret de pacotille. Emporté par son enthousiasme à l’idée de voir son meilleur ami d’enfance et sa copine se rencontrer, de faire se rejoindre ces deux pans de sa vie, d’oublier quelques heures la fin du monde qui leur tournait autour au-dehors, il en avait oublié de rappeler certains éléments, et il n’avait plus qu’à espérer que Floyd, à qui il dédia un regard désolé, accepte de lui pardonner cet écart. Et surtout, il ne voulait pas penser à ce qu’il se passerait si un jour, par miracle, ou par catastrophe, Floyd découvrait qui était réellement Barbara. Il le renierait. Il le détesterait. Il lui encastrerait la tête dans un mur, peut-être. Même s’il lui amenait ces fameuses photos pour se faire pardonner. Même si au fond ça ne ferait pas non plus vraiment de différence, l’identité de Deadshot étant connue de toute la batfamily, probablement, c’était pour le principe. Deuxième gorgée de vin. Finalement, cette soirée s’annonçait un peu plus stressante que ce qu’il avait imaginé. Et il avait l’imagination fertile, le docteur Heywood.

Heureusement, les minutes s’écoulaient, et personne n’était encore à la gorge de personne, et la conversation filait toute seule, et Nate souriait un peu bêtement face à ce spectacle dont il avait à peine osé rêver et qui se concrétisait sous ses yeux. Le regard que lui lança Barbara lui arracha un sourire – pour le coup, il était certain de ne pas en avoir trop dit à Floyd, alors tout allait bien. « Je lui ai dit que c’était toi qui m’avais soutenu pendant toute ma rééducation l’année dernière. Que sans toi, j’aurais probablement abandonné en cours de route. Et que t’as été avec moi du début à la fin. » Ce qui n’était qu’une infime partie de la vérité, mais qui était cent pour cent véridique quand même, aligné sur ce qu’il avait bien voulu dire à Jim Gordon. Et qu’il était fier, aussi, en l’écoutant raconter son parcours – superhéroïne, bibliothécaire, bénévole. Toujours dévouée aux autres, toujours prête à donner d’elle-même pour que le monde soit un petit peu moins pourri, et pour que les autres aient un petit peu plus de chances de s’en sortir. Et puis, Barbara retourna la question à Floyd, et Nate aussi reporta son regard sur Floyd. « Il faut dire que la dernière fois qu’on s’est croisés, c’était sur New Themyscira. Je me suis dit que j’étais peut-être plus à jour, depuis. » Une excuse comme une autre, mais une excuse plausible, au moins. Comme ça, Floyd pourrait inventer ce qu’il voulait – pas que ça ait la moindre importance, puisqu’elle était bien au courant du pot-aux-roses, mais au moins pouvait-il, misérablement, rendre la vie un peu plus facile à son pauvre meilleur ami qui ignorait totalement être le dindon de la farce. Et si Nate était content de constater que tout se passait bien, il ne cesserait jamais de s’en vouloir de cette duperie digne de Scapin.

Et évidemment, Floyd s’en sortit avec aisance, de cette question épineuse, et Nate se sentit un peu soulagé. « C’est vrai qu’on est un peu restés des casse-cous. Toi dans ton job, et moi… bon d’accord, donner cours et rester le nez dans les bouquins, c’est pas la vie la plus aventureuse du monde, mais quand on veut bien m’envoyer sur un champ de fouille, j’ai l’impression de devenir Indiana Jones. » s’amusa-t-il en rebondissant sur la remarque de Floyd – qui n’avait rien à voir avec sa carrière d’historien, évidemment, mais puisque parler de son identité secrète pouvait mener à des questions indiscrètes au sujet de Babs ou de Floyd, il préférait garder le silence sur ce sujet. La conversation fut brièvement interrompue par la serveuse qui revint prendre leurs commandes, et lorsqu’elle repartit, Nate passa à nouveau son bras autour du dossier de la chaise de sa bien-aimée, lui offrant un sourire encourageant – ravi, et profondément soulagé, qu’elle semble mettre autant de bonne volonté à ce drôle d’exercice d’acrobatie moral. Il savait que ce n’était pas facile pour elle. Qu’il lui demandait d’aller à l’encontre de principes auxquels elle tenait beaucoup. Et elle le faisait pour lui. Il n’aurait jamais pu se sentir plus reconnaissant – à part le jour où elle lui a rendu ses sensations, évidemment. « D’ailleurs, en parlant d’informatique, Babs est une championne aux jeux vidéos, aussi. Tu joues toujours, toi ? Ou t’as abandonné depuis l’époque de nos vieilles consoles ? » Un sourire aux lèvres, Nate haussa les épaules. « On habite à deux coins différents du pays maintenant, mais ça pourrait être un moyen de garder contact. Et quand tu me mettras trop la misère, je pourrai passer la manette à Babs, tu ne remarqueras rien. » Haha. Comme si.

AVENGEDINCHAINS

Barbara Gordon, file du commissaire Gordon, confirmée. Après un sourire poli adressé à la concernée, c'est ensuite sur Nate que ton regard se pose. Un regard qui en dit long sur cette petite surprise que tu aurais aimé apprendre autrement. Mais tant pis. Il n'y a rien de dramatique, tu t'es sorti de situations bien pires que ça, et t'as complètement confiance en ton ami, s'il a accepté d'organiser cette rencontre, c'est parce qu'il sait que les choses ne pourront pas mal tourner. Tant qu'elle ignore qui tu es, tout ira bien, pas vrai ? « Oh, alors vous avez aussi la pédagogie dans le sang. Vous étiez fais pour vous rencontrer, tous les deux. » Et tu dis ça sincèrement, ils ont des points communs évidents, en plus de partager une complicité que tu ne peux que constater de tes propres yeux. C'est sincère et sérieux entre ces deux là, alors comment ne pas être heureux pour lui ? Bon, de toute évidence, vous n'étiez pas assez préparés pour faire face à ce diner, car maintenant, et sans aucune surprise, elle te retourne la question. Qu'est-ce que tu fais dans la vie ? Ah. Tu enfiles un costume et un alias pour partir exécuter des missions suicides pour le gouvernement, et quand t'as un peu de temps, il t'arrive encore de remplir des contrats en tant que mercenaire. Tu doutes que la réponse lui plairait, et comme t'as aucune envie de retourner en prison, tu improvises une réponse, rebondissant sur la perche qu'elle te tend. « Je suis un ancien Marine avec un long service en Afghanistan. J'ai quitté l'armée il y a environ six ans. » Comme quoi, rien ne t'empêche de quand même lui dire une moitié de vérité. Tout ton passé à l'armée est véridique, bien que tu préfères taire les détails sur le pourquoi du comment de ta démission. Ce serait dommage de plomber l'ambiance en mettant tous les squelettes de ton placard sur la table. « Mais effectivement, on peut dire que je travaille dans la sécurité. Je m'occupe de vérifier les arrivages maritimes de marchandises, avant sur les docks de Gotham, et maintenant en Californie. » Improvisation totale qui te permet néanmoins de justifier un déménagement sur la côte ouest sans rentrer dans l'ordre du privé. Assez convaincant ?

Tu remercies quand même ton ami de veiller au grain, prêt à bondir à ta rescousse si jamais tu venais à patauger dans la semoule. Mais ça va, pour l'instant, tu t'en sors plutôt bien. Et soulagé d'avoir passé la question avec un minimum de réussite, tu portes le verre à tes lèvres pour boire quelques gorgées rafraichissante. Bon, allez, maintenant que le sujet boulot est terminé, il y a peu de chances qu'elle mette à nouveau les pieds dans le plat. Enfin, en osant espérer qu'elle ne commence pas à parler d'enfants ou de mariage. Est-ce que Nate, tout comme il l'a fait avec toi avant qu'elle n'arrive, lui a demandé d'éviter certains sujets ? T'as vraiment, vraiment envie que tout se passe bien ce soir. Après avoir commandé vos plats, l'historien vous amène cette fois sur les jeux vidéos, terrain neutre qui te convient parfaitement, et dans lequel tu te sens beaucoup à l'aise. « Oh, vous avez décidément beaucoup de cordes à votre arc, mademoiselle Gordon. » Un constat que tu dresses avec le sourire, tout en te remémorant les parties endiablées de votre enfance. Toujours chez lui, puisque sans surprise, ton père n'a jamais voulu vous acheter une console. Pourquoi cet homme aurait-il fait quelque chose de bien dans sa vie ? Il disait toujours qu'il refusait que ses fils passent leur temps sur les jeux vidéos, mais la vérité, c'est qu'il préférait claquer son salaire dans ses précieuses bouteilles. Mais qu'importe. Ce n'est ni le moment ni l'endroit pour laisser ton esprit vagabonder dans des contrées aussi ténébreuses, et rapidement, tu chasses le souvenir de ce père que tu hais d'un nouveau sourire qui te raccroche à l'instant présent. « Je joue beaucoup moins qu'avant, par manque de temps. » Faut avouer que c'est plus vraiment ta priorité maintenant que t'es en couple. Mais comment résister à cette proposition alléchante ? Bien sûr que t'as envie de rejouer avec ton meilleur ami. « C'est une excellente idée, quand vous voulez. Mais ne te sous-estime pas, tu sais à quel point je suis médiocre à Call of Duty. Et oui, je sais, c'est ironique. » Regard amusé adressé à Barbara, conscient qu'un ancien militaire incapable de s'en sortir en fps est pour le moins risible. Mais justement, c'est à cause de tes réflexes de tireur que t'arrives pas à t'adapter à ceux exécutés avec une manette.

Comment t'as réussi à t'en sortir ? Non, sérieusement, t'es assis dans un super restaurant à rencontrer la copine de ton meilleur ami, et en plus vous êtes en train d'organiser des futures parties de jeux vidéos à distance. Il y a encore deux ans, tu sombrais dans l'alcool, seul dans un appartement transformé en prison, à essayer de survivre au lendemain. C'est incroyable ce que les choses peuvent changer. Ce qu'une seule personne peut réussir à faire. Et quand tu les regardes, tu ne doutes pas une seule seconde que ce que Layla a fait pour toi, ils l'ont fait aussi l'un pour l'autre. Nate est sorti de son gouffre, et maintenant, vous pouvez aller de l'avant. Ensemble. Parce que c'est aussi de ça qu'il s'agit, une amitié retrouvée et que vous n'allez plus laisser se détériorer. Tu ne veux plus le perdre. Tu veux être là pour chaque moment de sa vie. Le pire comme le meilleur, tout en ayant l'intime conviction que le pire est derrière vous. « On est très différents, Nate et moi, mais sur les jeux vidéos on a toujours été sur la même longueur d'onde. » Et différents, vous l'êtes encore plus aujourd'hui. Lui membre de la Ligue de Justice, toi de la Suicide Squad. Vous n'êtes pas du même côté de la ligne, mais jamais, pas une seule fois, vous n'avez laissé ces différences avoir raison de vous. « Je crois que vous êtes la première copine qu'il me présente officiellement. » Non, t'en es même sûr. T'en as évidemment déjà croisé quelques unes par le passé, mais rien n'a été aussi loin dans les présentation. Et oui, cette remarque est lourde de sens, et tu ne peux t'empêcher d'adresser un sourire gentiment provoquant à ton ami.

AVENGEDINCHAINS

Pando

Deadshot et Batgirl s’affrontant sur un FPS – ça, Nate était à peu près sûr que ce serait un événement unique tous multivers confondus, et il n’en était pas peu fier, malgré l’ironie mordante de la situation qui n’avait pas l’air d’échapper à Babs. Et Nate, évidemment, dut se retenir de se mordre l’intérieur de la joue pour ne pas rire aussi, parce qu’il fallait bien l’avouer, Deadshot nul aux jeux de tir, c’était quand même très drôle, sauf qu’avouer à voix haute que c’était très drôle, c’était donner une piste à une Babs soit-disant ignorante, alors qu’en réalité Babs savait déjà tout et… et c’était effroyablement compliqué tout ça et Nate préféra se concentrer sur son vin, puis son plat, plutôt que de laisser son imagination s’emballer dans de multiples branches dignes d’Un Jour Sans Fin ou The Usual Suspects. Dans vingt ans, il s’excuserait auprès de Floyd pour cette duperie digne d’un Scapin de la plus belle eau. Mais en attendant, il n’avait qu’une envie : profiter de cette soirée avant que la fin du monde ne les frappe encore, et ne les mène à nouveau sur leurs chemins séparés respectifs. Et les doutes de Barbara, largement justifiés, à leur égard, suffit à provoquer un nouveau rire de sa part. « Tous les deux contre toi, hein, mademoiselle l’experte ? Fais gaffe, les jeux vidéo, c’est peut-être comme les mathématiques, tu additionnes deux moins que rien et ça donne un résultat positif. » Parce qu’évidemment que le professeur d’histoire de la tablée était très bien placé pour invoquer le grand pouvoir des mathématiques, alors qu’il était entouré de deux experts. Tant pis, le but était de profiter d’un peu de légèreté tant qu’ils le pouvaient encore, et s’il devait faire le clown pour que ça arrive, il consentait volontiers au sacrifice. Surtout qu’avec ses provocations, elle avait réussi à réveiller un sens de la compétition qui était resté bien trop longtemps enterré, depuis qu’il avait raccroché son maillot de sportif.

Ces joyeux projets en tête, Nate porta à nouveau son verre à ses lèvres – et s’étrangla de surprise, plus que d’embarras, au moment où Floyd révéla ce petit détail. Oh oui, il le sentait bien, le regard de Babs posé sur lui alors qu’il tentait tant bien que mal de reprendre contenance, et le contrôle de ses poumons malmenés. Etait-il gêné ? Non. Avait-il oublié de préciser ce détail à Barbara ? Oui. Son omission avait-elle été volontaire ? Eh. Peut-être un peu. Enfin, à moitié. Ce n’était pas qu’il avait redouté sa réaction, dans le fond ; c’était plutôt qu’il avait préféré éviter de lui mettre une pression supplémentaire sur les épaules alors qu’elle faisait déjà l’effort de rencontrer le mercenaire qu’il appelait son meilleur ami d’enfance. « Tout va bien. » parvint-il à articuler, et tant pis si personne ne lui avait posé la question. Puis il accrocha le regard interrogateur et franchement surpris de sa bien-aimée. Oui, bon. Il aurait pu lui dire avant. Peut-être qu’il avait été coincé entre l’idée que ça n’était pas très important, et celle lui dictant que présenter sa copine à son meilleur pote pour la première fois alors qu’il approchait doucement de la quarantaine, c’était un peu inhabituel. Ha, inhabituel. Nate esquissa un sourire en la contemplant un instant, sa Batgirl prise au dépourvu. Inhabituels, ils l’étaient déjà de bout en bout, non ? Un peu plus, un peu moins, c’était peut-être ça, qui devrait devenir attendu, avec eux. « Je ne crois pas que ‘décevoir’ et ‘Barbara Gordon’ puissent exister dans la même phrase. » rétorqua-t-il en prenant sa main dans la sienne. Cheesy, Heywood, lui dirait-on. Bite me, répondrait-il.

« C’est vrai que j’ai essayé de ne pas trop y penser, mais maintenant que tu le dis, j’en suis certain aussi. » reprit-il en reportant les yeux sur Floyd. Ils avaient partagé beaucoup de choses, tous les deux, mais leur vie amoureuse, pas tellement. Floyd s’était marié très jeune, puis la distance entre l’université d’Ohio State et Gotham, ou les divers champs de bataille sur d’autres continents où il avait été déployé, n’avaient guère laissé de fenêtre d’opportunité pour que Floyd puisse suivre au plus près ses progrès à lui dans ce domaine-là. Pas qu’il y aurait eu grand-chose à raconter, de toute manière. « J’ai commencé le football dès le début de la fac. J’étais concentré sur mes entraînements, sur l’idée de passer pro, j’étais bien trop focalisé sur le sport pour vraiment penser aux filles sérieusement. Et quand je suis passé pro, disons que le temps manquait cruellement pour s’investir dans quoi que ce soit à long terme. Ca n’aurait pas servi à grand-chose de te présenter qui que ce soit quand ça finissait généralement un mois plus tard. » A l’époque, il n’avait pas vraiment été du genre à réussir à se partager entre plusieurs choses, Nate. Le sport, et sa famille, elles avaient été là, ses deux priorités, l’une inséparable de l’autre, puisque son salaire de sportif aurait dû les sortir de certaines difficultés financières, et payer les études de son petit frère, et de ses cousins. Et puis, la vie avait pris un autre tournant. « Puis j’ai eu mon accident et mon amputation, et à partir de là… » Il n’avait même pas besoin de préciser le fond de sa pensée, ils le savaient parfaitement tous les deux. A partir de là, il n’avait plus fréquenté personne. Un esprit démoli dans un corps perpétuellement emprisonné dans une cage de douleurs chroniques. A vingt-quatre ans. Evidemment, qu’il n’avait jamais eu le temps de lui présenter qui que ce soit, à Floyd. Jusqu’à ce soir. Un sourire naquit à nouveau sur ses lèvres, et, bien décidé à alléger l’atmosphère, il leva son verre. Un dîner n’était pas un dîner sans un toast, pas vrai ? « A nous. Aux deuxièmes chances, aux nouveaux départs, et à nos futures parties de Call Of Duty qui nous vaudront des moqueries pour les dix années à venir. »

AVENGEDINCHAINS

Et voilà que contre toute attente tu te plonges dans les méandres de votre passé amoureux. Deux adolescents qui vivent leurs premières expériences auprès des femmes, avec la maladresse évidente des débuts, mais qui n'enlève rien à la tendresse que tu portes à cette époque. Ce sont tes moments avec lui qui restent tes plus beaux souvenirs de cette période, quand gamin en pleine dérive tu faisais de ton mieux pour sortir la tête hors de l'eau. Difficile quand on démarre aussi mal dans la vie de redresser ensuite le guidon, et même si t'es sorti de la route un nombre incalculable de fois, au moins Nate t'aura évité de complètement finir dans le fossé. Tu ne voulais surtout pas le mettre mal à l'aise en mentionnant le privilège de Barbara en comparaison de ses anciennes conquêtes, seulement fournir une nouvelle occasion de jeter un œil vers vos aventures adolescentes. Est-ce qu'elle déçoit ? Oh, il est encore bien tôt pour émettre un quelconque avis, bien que tu te doutes que ce n'est pas pour devenir copine avec toi qu'elle s'est déplacée ce soir, mais pour faire plaisir à Nate. Inutile de dire que tu es ici pour exactement la même raison. Vous ne vous connaissez encore pas du tout, mais vous avez au moins ce point commun, votre désir de le voir heureux. « Je sais pas, j'ai pas encore décidé. » Petite plaisanterie pour rebondir sur cet homme amoureux transi aux mots charmants pour séduire sa dulcinée. Bon sang, tu crois bien ne jamais l'avoir vu ainsi, ton meilleur ami. Et même si une part de toi s'en amuse, tu es surtout ravi de ce tournant dans sa vie. Lui aussi en aura beaucoup bavé. Lui aussi a manqué de peu de finir dans le décor. Et tu peux au moins lui accorder ça à Barbara Gordon, d'avoir mis fin à sa perdition. « Tu vas pas me faire croire qu'un sportif professionnel n’intéressait pas les filles ? » Mais quelle modestie ce Nate Heywood. Avec sa carrure et son talent sportif, évidemment qu'elles devaient être nombreuses à tenter leur chance. Mais effectivement, il n'a jamais été de ceux qui profitaient de leur petite notoriété pour séduire les filles. Enfin, pour ce que tu en sais. Vos chemins se sont séparés bien trop tôt pour que tu puisses avoir un réel avis sur la question.

Tu ne vas pas t'attarder plus longuement sur ce sujet, la petite taquinerie est terminée, t'as bien trop conscience que ce n'est pas forcément une conversation qu'a envie d'entendre la petite-amie en date. Les anciennes conquêtes amoureuses, quel désastre à chaque fois qu'il faut les aborder. Et t'es bien placé pour le savoir, bien que tu ne sois passé que deux fois par l'expérience. Le passage obligé de tout couple. Une fois avec Susan, quand tu étais encore jeune et inexpérimenté, et plus récemment avec Layla, où se trimballer un passif d'homme marié pendant dix ans n'est pas franchement aisé quand vient l'heure d'en parler. Nate peut s'estimer heureux finalement. Non seulement il n'a jamais eu une étiquette de Don Juan – toi non plus d'ailleurs – mais en plus Barbara est sa première relation vraiment sérieuse. Nul doute que ça devrait plaire à l'intéressée. A moins que ce ne soit ton côté très jaloux et possessif qui fausse ta vision des choses. « T'étais pas obligé de te justifier, Nate, fallait juste lui confirmer qu'elle était l'exception. Ça casse un peu l'effet que j'ai essayé d'instaurer. » Un petit rire moqueur avant d'attraper ton verre à ton tour pour le cogner contre ceux de tes camarades. Quelle soirée débordante de normalité. Exactement ce dont tu as besoin dans ta vie. Y en a marre de la Suicide Squad, t'aimerais être quelqu'un d'ordinaire pour une fois. Et quoi de plus ordinaire – et de formidable – que de partager un repas avec les gens qui nous sont proches. « A nous. Mais s'il vous plait, on évitera Call of Duty, j'aime pas perdre et je veux pas faire mauvaise impression dès la première partie. » Un petit défaut qui n'a jamais échappé à Nate. Il se souvient de vos soirées babyfoot ? Tout se passait très bien jusqu'aux moments où il prenait le dessus. Là-dessus, il peut en être certain, t'as absolument pas changé.

Plus les minutes de ce repas avancent, et plus tu te sens à l'aise, trouvant un bon rythme de croisière au milieu des tourtereaux. Un comportement naturel, non sans faire attention à tenir la bride sur ces interdits qu'il ne faut pas révéler. Equilibre que tu tiens pour l'instant plutôt bien. Et qui te donne d'ailleurs une idée. « Est-ce que ça vous dirait de tester ce sens de la compétition après le repas ? Billard, peut-être ? » Ce jeu là ou un autre, peu importe, tant que tout le monde a une chance équitable de gagner. Et où tes capacités de viser juste ne seront pas un désavantage pour les autres. En tout cas, s'ils sont d'accord, tu serais ravi de prolongée un peu la soirée. « Enfin, si vous n'avez rien d'autre de prévu après. Je voudrais pas perturber vos plans d'amoureux. » Et tu sais à quel point ils peuvent être chargés en début de relation. T'es le premier à vouloir être seul avec Layla le plus longtemps possible, sans personne pour venir troubler votre tranquillité, alors tu comprendrais totalement leur refus. Gotham n'est pas franchement l'endroit idéal pour passer d'agréables moments, mais en bonne compagnie, tout est possible, et la suite de cette soirée ne dépend plus que d'eux.

AVENGEDINCHAINS

Pando