Beware your fears made into light ✴ Sinestro

Horreur, carnage... Pendant qu'un déluge de constructions de lumière jaune déversé par mes hommes s'occupait de ce qui restait de cette ridicule armée, je laissais mon anneau me porter le dos droit et l'air conquérant à travers les méandres du palais royal de Talok IV, dans le secteur 3500. Une planète qui avait cru bon d'emprisonner un membre de mon Corps. Une erreur grossière, Un manque de discernement que ses habitants payaient maintenant amèrement. A chaque couloir, chaque allée de cette ubuesque bâtisse, les cris de terreur sonnaient presque comme une musique à mes oreilles. Je n'irais pas jusqu'à dire que je m'en délectais, la cruauté étant plus chez moi un outil qu'un vice, mais j'y trouvais toujours quelque chose d'appréciable. Et lorsque j'arrivai enfin devant les geôles, les deux gardes me faisant face me présentèrent une situation déjà vue mainte fois. Il y en avait toujours un plus brave que l'autre, un qui ne réalisait pas que son courage n'était en réalité rien d'autre que pure bêtise. Malheureusement pour lui je n'étais pas là pour donner une leçon, il fut donc le premier à mourir. Avant même qu'il n'entame un pas, les mâchoires acérées de la construction cauchemardesque projetée par mon anneau vinrent le mettre en charpie, ne laissant derrière que ses pieds dans ses bottes ensanglantées, debout à côté de son camarade, figé, traumatisé, exactement comme prévu. Tournant lentement ma bague vers ce dernier, il ne suffit que d'un mot. "Ouvre." De ses mains tremblantes le pauvre tentait tant bien que mal de s'exécuter, mais ses genoux chancelants et l'ignoble frisson parcourant son échine ne lui rendaient pas la tâche facile. Pour le motiver un peu, je créai une autre créature, dont les griffes et autres mandibules vinrent cliqueter près de ses oreilles. Un râle pathétique s'échappait malgré lui de sa gorge et lorsqu'enfin la porte s'ouvrit, il s'écroula, les mains sur les oreilles, tentant en vain de bloquer le son de la bête, qui n'était en réalité que dans sa tête.

Dans la cellule elle se trouvait là, comme un vulgaire morceau de viande, maintenue au dessus du sol par de sombres chaînes autour de ses poignets. Il ne restait plus grand chose de sa robe noire habituellement déjà fort échancrée, n'étant plus maintenant que de vulgaires haillons. On ne les distinguait presque pas de ses longs cheveux d'ébène, défaits et en piteux état. Quant à sa peau bleue généralement rayonnante, elle était ternie par la saleté et autres traces de coups. "Qu'ont-ils fait de toi, Lyssa Drak..." Dis-je dans un soupir à la fois attristé et affligé. Ma voix seule suffit à lui faire reprendre conscience et lorsqu'elle posa les yeux sur moi, son visage s'éclaircit. "Seigneur Sinestro, vous êtes venu... Pour quelqu'un comme moi..." Ce qu'elle aimait se sentir petite face à moi, alors qu'après ma personne elle était sans doute le membre le plus effrayant de mon Corps. Un trait charmant, s'il ne bordait pas du côté du fanatisme pur. Tout en coupant ses chaines à l'aide de mon anneau, je lui répondis. "Bien évidemment, chère Lyssa. Je n'ai qu'une seule archiviste, et j'en ai besoin." Je l'aidai à lentement regagner le sol pendant que le garde dans mon dos tenta vainement de s'enfuir, avant de se faire déchiqueter par la projection d'Arkillo, mon lieutenant, ne laissant derrière lui que sang et cris d'effroi. Ses mains sur mon torse, Lyssa me fixait d'une admiration sans faille, renforçant sans doute encore son obsession sur ma personne. Je lui rendis un sourire, glissa ma main sur sa nuque, posa mon pouce sur sa joue, puis son cou, avant de serrer, de plus en plus fort. Je laissais son expression changer lentement, invitant la peur dans ses prunelles. "Mais que cette même archiviste, brillante membre de mon Corps se laisse ainsi capturer, par sa propre espèce par dessus le marché... C'est un affront pour lequel j'ai très peu de tolérance, Lyssa." Elle tenta tant bien que mal d'articuler des mots, mais l'air ne parvenait pas à ses poumons. Ses iris ténébreuses commencèrent à s'injecter d'un sang bleu, ses mains agrippant mon bras, me suppliant de l'épargner. A hauteur de ses yeux je lui présentai un anneau, son anneau, récupéré plus tôt dans le palais. "Néanmoins je suis magnanime. Je t'accorde une seconde chance, ne la gaspille pas."

Il lui fallut bien presque une minute pour reprendre son souffle. Elle n'avait pas encore osé relever les yeux vers moi, préférant fixer son anneau gisant maintenant à ses pieds, prêt à être ramassé. Lorsqu'elle le mit enfin sans un mot à son doigt, l'aura dorée de l'anneau lui rendit toute sa terrifiante splendeur, réparant sa robe et recoiffant ses cheveux, effaçant toutes les traces d'abus subies par sa captivité. D'un air fier mais soumis elle se redressa vers moi, me remerciant d'un hochement de tête. Elle mourrait sans doute d'envie d'ajouter plus, mais elle ne savait que trop bien que c'était inutile, voir malvenu. A la place, elle invoqua une chaîne de lumière jaune, ouvrant une faille vers une poche extra-dimensionnelle d'où elle extrait un tome, ou plutôt LE tome. Le livre de Parallax, chronique sacrée de mon Corps, transcendant le temps et l'espace pour en conter les exploits passés, présents et futurs. A nouveau en sa possession Lyssa regagna de sa superbe, un peu à l'image d'une enfant retrouvant sa confiance maintenant qu'elle avait à nouveau son doudou. Mais alors qu'elle allait le serrer contre sa poitrine, le livre s'ouvrit violemment, faisant jaillir un déluge de lumière, qui peu à peu forma des images. "Qu'est-ce que cela signifie, Lyssa? A quoi joues-tu?" Elle était visiblement aussi étonnée que moi par la situation, si pas plus. "Ce n'est pas moi Seigneur Sinestro, le livre essaie de nous dire quelque chose!" Les images se firent de plus en plus nettes, jusqu'à devenir clairement compréhensibles. Devant nous se dévoilait soudain un jeune Thaal Sinestro, archéologue...

Car avant d'être la plus grande lanterne que l'univers ait jamais porté, je n'étais qu'un simple archéologue sur Korugar, ma planète natale. Enfin, simple n'était pas vraiment le terme approprié, j'étais de loin le plus brillant de ma génération, voir d'entre toutes. Quoi que j'entreprenais, la brillance a toujours fait partie de mon identité. Cependant, si mes travaux sur l’étude du passé allaient sans doute m'apporter une renommée exceptionnelle, je n'allais certainement pas changer le monde par ce biais. Et comme si le destin lui-même m'avait entendu, une opportunité vint à moi sous la forme d'une créature d'un autre monde, venue s'écraser près de moi sur un site de fouille. Elle était vêtue de vert et portait un anneau de même couleur, dont j'ignorais encore tout à l'époque. Très fortement blessée, elle m'expliqua rapidement qu'un individu la pourchassait et que sans la puissance de l'anneau, il serait impossible à arrêter. Elle me prêta l'anneau juste avant l'arrivée de son poursuivant, un individu que j'apprendrai plus tard être de Qward, un monde de l'antimatière. Une fois sur mon doigt, l'anneau me révéla son pouvoir, dont j'en compris les principes de base de manière presque intuitive. Ma volonté l'alimentait, et grâce elle je pouvais créer des constructions de lumière, grâce auxquelles je parvins à vaincre l'individu. Le danger passé, la créature demanda à récupérer son anneau, pour pouvoir soigner ses blessures. Mais pourquoi diable rendrais-je un tel outil à quelqu'un d'aussi faible et pathétique? Non, l'anneau était venu à moi pour une raison, et il était hors de question de le laisser entre des mains bien moins compétentes que les miennes.

Laissant la créature à son sort, je passai les prochains mois à apprivoiser les pouvoirs de l'anneau. Les possibilités semblaient presque infinies et avec lui je compris enfin quelle était ma voie. Ce n'était pas le passé et son étude, mais bien le futur et sa construction. Grâce à l'anneau, j'allais pouvoir forger un monde idéal, un monde digne. Ce ne fut pas longtemps après que je rencontrai celui qui deviendrait mon plus proche ami, que je viendrais à considérer comme mon frère, Abin Sur. Il portait lui aussi un anneau, et m'expliqua son véritable rôle. Lui et moi étions des Green Lanterns, et notre rôle en tant que Corps était le maintient de l'ordre dans l'univers. Après être passé devant les Gardiens, de misérables petits êtres bleus qui ont cette fâcheuse tendance d'être tout puissants, je dus passer par l'entraînement des recrues sur la planète Oa. Bien évidemment, j'en sortis haut la main et fut rapidement affecté en tant que lanterne officielle de mon secteur, avec pour mentor nul autre qu'Abin. Durant des années notre amitié se renforça et après un temps il me présenta à sa famille, sur Ungara. Là j'y rencontrai sa soeur, Arin. Entre elle et moi le courant passa tout de suite et de fil en aiguille, nous étions un couple. Un amour véritable qui nous conduisit au mariage. D'un autre côté, je mettais tout en oeuvre pour accomplir ma vision. Grâce à mes pouvoirs de lanterne, je réformai Korugar pour en faire un monde où régna l'ordre. J'y accueillis Arin, elle était ma reine, mon tout. Tout était parfait, mes exploits faisaient des vagues même au sein du corps, où je fis des émules et fut reconnu comme une des meilleures lanternes de l'histoire du Corps. Et sur Korugar, Arin m'annonça être enceinte d'une fille, que nous nommions Soranik...

Mais le destin pouvait pouvait parfois s'avérer cruel. Alors que tout allait pour le mieux pour moi, que mes oeuvres portaient leurs fruits, Abin décéda, sur une misérable planète de son secteur, appelée la Terre. Pire, son anneau revint à l'un des autochtones, celui que je fis l'erreur de considérer comme un potentiel ami, Hal Jordan. Après son entraînement sur Oa, je fus désigné comme son mentor. Il faisait preuve de potentiel mais son impertinence et sa naïveté étaient ses faiblesses, des défauts facilement corrigeables pensais-je à l'époque, une erreur qui fut ma perte. Voulant lui ouvrir les yeux je lui montrai mon oeuvre sur Korugar, l'ordre que j'y avais établi. Mais Jordan ne vit pas vraiment les choses sous cet angle. Sa vision, tronquée par sa perception si pathétiquement "humaine" s'arrêta simplement à la peur que j'avais instauré, sans en comprendre le sens, le but. Pire, sa vision vint polluer l'esprit de Korugar tout entier, qui lentement mais surement vit germer les graines de la révolte. Même Arin se retourna contre moi, me révélant qu'elle avait confiée Soranik à une autre famille loin des conflits, ne supportant plus de vivre ainsi. Elle perdit ensuite la vie sous mes yeux, dans l'explosion d'un enfant kamikaze une attaque m'étant destinée. Ivre de colère je confrontai Jordan, qui avait déjà "exposé" mes actions aux Gardiens. Imbéciles nains bleuâtres qu'ils étaient, après tout ce que j'avais accompli pour le Corps, toutes les lanternes que j'avais inspirées, voilà qu'ils me jetaient aux lions alors que mon secteur était le plus sous contrôle d'entre tous... Ma colère fut la seule raison pour laquelle Jordan parvint à prendre le dessus sur moi et après m'avoir vaincu, il me laissa aux mains des Gardiens. Ceux-ci m'enlevèrent mon anneau et me condamnèrent à l'exil, moi ainsi que les quelques lanternes qui m'étaient restées fidèles dans la dimension d'anti-matière, où ce qu'ils pensaient être l'enfer m'attendait.

Mais ce que j'y trouvai n'était pas l'enfer, bien au contraire. C'était certes un environnement hostile, mais c'était avant tout l'opportunité d'accomplir ma vengeance. car dans l'anti-matière je découvris la planète Qward et ses armuriers, des êtres aux talents incroyables grâce à qui je pus obtenir le premier anneau jaune. Un anneau non pas alimenté par la volonté, mais par le pouvoir d'infliger la peur, un domaine dans lequel j'étais inégalé. Un pouvoir provenant d'une entité nommée Parallax, dont les armuriers étaient parvenus à canaliser la puissance pour créer la batterie qui deviendrait le coeur d'un nouveau Corps, mon Corps, le Sinestro Corps. Les lanternes exilées qui m'avaient suivi en devinrent les premiers membres, ensuite, lorsque nous revinrent de l'anti-matière, d'autres créatures, toutes plus effrayantes et motivées que les autres s'ajoutèrent à nos rangs. Avec une armée sous mon contrôle je déclarai la guerre au Green Lantern Corps. Une guerre qui s'éternisa, puis vit arriver l'implication d'autre couleurs du spectre lumineux...
La suite n'était qu'un enchaînement de batailles, de victoires, de défaites, de rencontres, d'opposition... A plusieurs reprises je fus amené à poser les pieds sur Terre, l'affreuse planète de Jordan. J'aurais bien voulu pouvoir m'en servir comme scène pour lui faire pousser son dernier souffle, malheureusement l'occasion ne s'est pas encore présentée, pas faute d'avoir essayé. A la place j'y ai trouvé un capharnaüm, un ensemble d'individus contraires aux capacités diverses, chacun plus dangereux que le précédent, formant un véritable miasme de chaos. Dans ma quête de vengeance, j'en suis venu à m'associer brièvement avec les pires d'entre eux, les aidant un peu malgré moi dans leurs oeuvres, dont notamment dans la lutte contre un groupe venant d'un univers alternatif, misérablement appelé le Syndicat du Crime. Grâce à mon aide ils parvinrent à empêcher une catastrophe. De nombreuses autres menaces ont plané depuis sur et affreux caillou. C'était comme si l'existence seule de cette planète était un aimant à désastre sans fin. Récemment j'ai moi-même croisé la flotte de Brainiac faisant route vers elle. Aux dernières nouvelles la Terre est toujours debout donc j'imagine que même la puissance mégalomane d'une super intelligence artificielle ne suffit pas à mettre un terme à cette source de chaos.

Soudain, les images projetées par le livre s'emballèrent. S'enchaînant à une vitesse exponentielle elles commencèrent à saturer, se mélanger, se battre presque. La lumière grimpa en intensité, et Lyssa fut littéralement prise en transe. Puis dans un impact tonitruant le livre disparut, ne laissant derrière lui que des volutes et une archiviste désemparée. "Que s'est-il passé Lyssa, où est le livre?" A genoux elle leva lentement les yeux vers moi, un air de désespoir dans le regard. "J-Je ne sais pas, Seigneur Sinestro... Je ne ressens plus sa présence... Il m'a cependant laissé une vision, confuse..." Elle était happée par ses pensées, ses yeux fuyant frénétiquement de gauche à droite, je commençais à perdre patience. "Et bien parle, archiviste, qu'as-tu vu?" Elle déglutit, sachant pertinemment que je n'allais pas aimer sa réponse. "La Terre, mon seigneur. Quelque chose de terrible vous y attend. Quelque chose qui risque de changer le destin de l'univers tout entier. J'aimerais pouvoir vous en dire plus, mais la vision n'était pas claire..." L'agacement était perceptible sur mon visage, il était évident que je ne portais pas la Terre dans mon coeur. Après tout, elle était un peu la source de tous mes ennuis. J'ignorais de quoi il était question cette fois mais une chose était certaine: Tout comme le livre d'Oa, le livre de Parallax ne se trompait pas. "Retrouve le livre, Lyssa, il en va de ta vie. Arkillo, je vais devoir m'absenter. Je compte sur toi pour diriger le Corps pendant ce temps. Je risque peut-être d'avoir besoin de tout le monde rapidement sur Terre, donc tenez-vous aux aguets."    
 

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