La Reine & le Fou. [Pv : Y'Mera]

[ votre texte ici entre crochets (ou pas) ]

« Quel prétentieux… »

Articule le jeune homme en serrant les dents, ravalant une fierté abîmée. Pas de ma faute s’il a cru pouvoir sauter depuis le pont sans s'étaler sur la surface de l'eau, ignorant la solidité de ce matériau certes fluide et les lois simples de la gravité. Pour épater la galerie – à savoir une demi-douzaine de jolies demoiselles aux rires niais – il était prêt à plonger.
On a tous voulu faire une connerie pour des beaux yeux.
Mais pas sur mon bateau.

Lorsque je l'ai vu prendre de l'élan, j’ai préféré m'interposer. N'allez pas me penser protecteur. Je me fiche de ce type. Mais je reçois son groupe d'étudiants pour sensibiliser la jeunesse à la cause écologique. Sans vouloir les priver d'amusement, il faut que j'évite les incidents… Un voilier n’est pas un toboggan. Je croyais qu’à 20 ans, la nouvelle génération avait un minimum de plomb dans la cervelle.

J'ai mis à mal ses plans de drague et depuis, incapable de raisonner l'abruti. Les sourires de ses supportrices ont viré à la grimace. Ambiance.
Même leur professeur me paraît embarrassée.

« Je n’étais pas inconscient. Vous me faites passer pour un crétin ! »

« Tu n’imagines pas les emmerdes qui me tombent dessus à chaque fois qu’un crétin comme toi se blesse pendant les visites. »

« Laisse tomber Tim... »

C’est simple, je vais arrêter d’inviter des débiles sur le BlackBeard. Tant pis pour la communication, je refuse d’être concerné par un drame. L’image de mon combat contre la pollution en pâtirait. Contrairement à cet âne : j’ai une réputation, une bonne réputation, je dois en prendre soin.
Lui a toute la vie pour se construire un semblant de charisme.

Alors que le frustré et ses groupies se mettent de côté pour la fin de présentation, j’anime la fin séance auprès de ses camarades. Le vent souffle à faire gonfler les voiles et le ciel se charge de nuages sombres.
Après mon discours, je les salue sans masquer mon soulagement… Bon vent. J’extirpe une clope de ma poche arrière en pensant pouvoir profiter un peu avant l'orage quand sa voix en pleine mutation réplique à nouveau :

« Et là tu vas me chercher ?!! »

Après s’être assuré que son fan-club l’observait bien, le pré adulte, perché sur un scooter des mers, démarre en trombe et s’éjecte du port à toute vitesse. Les hourras d’encouragement masquent mes insultes. Enfoiré de merdeux. Ce scooter n’est pas à moi !
Bien vite, les premiers remous dus à la météo chargée renverse l’embarcation à moteur. Je m’accorde une seconde pour fermer les yeux, dépités. J'écrase la cigarette à mes pieds puis me précipite jusqu’à un autre scooter en lançant l’alarme auprès des gardes côtes. Jamais là quand j'en ai besoin !

Malgré le vent qui s'engouffre dans le renfoncement du port, j'arrive à hauteur du véhicule emprunté mais Tim n'est pas aux commandes. Prétentieux, ça m’arrive, mais j’avoue ne pas faire le malin en réalisant que je vais encore être tenu responsable si un des élèves s'est noyé.
J'attrape le scooter vide par le guidon pour éviter qu'il ne dérive je n'sais où et prie pour apercevoir la silhouette à sauver.

« C'est pas vrai... Tim ??!! Tiiiiim ? »

Passer deux heures à vanter mes connaissances océaniques et mes exploits marins pour me retrouver là, coincé entre deux jets-ski, incapable d'aider un homme en détresse, sous un violent début d'averse.