you'll never see me coming (Wally)

« Maman ? »
La bandoulière de ton sac à dos négligemment posée sur l'épaule, tu observes ta mère, le téléphone scotché à son oreille. Tu laisses l'indifférence s'installer quelques secondes avant de tenter une nouvelle fois ta chance.
« Maman ? »
« Pas maintenant, Wallace ! »
Wallace. Elle t'appelle tout le temps Wallace quand tu l'agaces. Tu pourrais t'en offusquer, coupable de n'avoir seulement voulu qu'un peu d'attention. Mais aujourd'hui, tu commences à en avoir l'habitude. Elle n'a pas vu ton œil au beurre noir. Elle ne voit pas ces choses là. Jetée corps et âme dans son travail, tu n'es devenu qu'une silhouette. Un étranger dans ta propre maison. Et après elle ose te demander pourquoi tu es à ce point obsédé par Central City. Iris, elle au moins, elle t'écoute. Contrarié et peiné, tu jettes violemment ton sac par terre, dans un brouhaha qui ne parvient quand même pas à lui faire poser le regard sur toi.
« Va donc jouer dehors, ça te fera du bien. »
Parce que t'es hyperactif. Et que forcément, si tu t'agites, c'est parce que t'es frustré de ne pas pouvoir te dépenser. Elle se trompe. Tu t'es battu tout à l'heure, sans raison particulière. Juste parce que t'en as éprouvé l'envie. Pour avoir de l'attention. Tu voulais qu'on te regarde, même si c'était pour finir plus tard dans le bureau du directeur et crouler sous des heures de colle. Ces minutes sous les projecteurs, où toute l'école a eu les yeux rivés sur toi, c'était magique. Affalé sur le canapé, tu zappes, compulsivement, sans prendre le temps de réellement t'attarder sur un programme. Jusqu'à ce qu'il apparaisse sur l'écran. Lui. Le nouveau héros, Flash. Soudainement, t'es captivé, et assis au bord du canapé, tu contemples ses exploits avec une admiration non feinte. Plus tard, tu seras lui. Et plus personne ne pourra t'ignorer.


Tu te réveilles en sursaut, la sueur qui perle sur ton front. Ton premier réflexe est de retirer la perfusion plantée dans ton bras, dont une goutte de sang marque ta peau. Qu'est-ce que tu fais ici, dans un hôpital ? Paniqué, tu tentes malgré tout de garder ton calme, pour reconstituer les événements manquants. La dernière chose dont tu te souviens, c'est le labo de Barry Allen. Tu le vois encore te demander de faire très attention, que chaque produit peut s'avérer dangereux s'il venait à être renversé ou mélangé. Et puis la douleur. Une décharge électrique qui t'a traversé tout le corps. Avant que l'énigme ne soit résolue, une infirmière pénètre dans ta chambre.
« Monsieur West, rallongez-vous, ne paniquez pas. »
« Qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce que je fais ici ? »
« Vous avez été foudroyé. Vous étiez déjà dans le coma quand on vous a amené ici. Et ça fait trois mois que vous ne l'avez pas quitté. »
Dans le coma ? Beaucoup d'informations. Beaucoup trop d'informations. Tu retires les draps, et descends du lit pour chercher à fuir. Fuir une vérité qui équivaut à un coup de matraque en plein visage.
« Non ! Restez au lit monsieur West, on va venir s'occuper de vous. »
« Me touchez pas ! »
Où sont-ils tous ? Pourquoi t'es tout seul ? La main de l'infirmière s'approche de toi, et par réflexe, tu cherches à l'éviter. Un simple mouvement de recule. Rien de plus. Pourtant, te voilà au milieu du parc adjacent. Comme subitement téléporté. Ton cœur bat la chamade, t'as peur qu'il s'arrête.
« Attention au ballon ! »
La balle suit une trajectoire qui mène droit vers toi. Mais ce n'est pas d'un mètre sur le côté que tu te déplaces, c'est trois kilomètres plus loin, au milieu d'un route à l'heure de pointe. Alors tu cours. Tu cours pour sauver ta vie, et l’impossible se produit. Tu dépasses les voitures, toutes, sans exception. Ta vitesse est colossale, inhumaine. Ton estomac est complètement retourné et te envie l'envie de vomir, mais tu cries. De joie. D'être enfin celui que tu as toujours rêvé d'être.


« Wallace, tu nous as beaucoup déçu. »
Voilà, le mot tant attendu, enfin. Une déception. C'est ce que tu représentes à leurs yeux. Tu l'as tellement attendu ce moment fatidique, cette discussion yeux dans les yeux où ils oseraient dévoiler leur opinion sur ton cas désespéré. T'es pas fier, tu baisses la tête. En fait, c'est douloureux. T'as merdé, ouais. Tu pensais pas qu'ils rentreraient plus tôt que prévu. Tu pensais pas qu'ils te retrouveraient dans le jardin, endormi dans ton propre vomi. La moitié des jeunes de la ville dans les chambres et le salon.
« Je suis désolé … je voulais pas. »
« Ça suffit. J'en peux plus de tes excuses. T'as été trop loin. Tu sais ce que j'ai dû faire pour éviter que tout le quartier porte plainte contre nous ? T'as rasé le chat de la voisine, et tu lui as écris dessus, je cite, 'baise moi'. Est-ce que tu trouves ça approprié pour quelqu'un de ton âge ? T'as détruis la voiture des Cardiguan. T'as … »  
« La voiture c'est pas moi. »
« Je veux pas le savoir ! Tu es le responsable de cette soirée !  »
T'ignores ce qu'il a envie d'entendre. Tu t'es déjà excusé, pas vrai ? T'aimerais leur dire que c'est la dernière fois, que tu recommenceras plus, que tu vas t'assagir. Mais ça serait un mensonge de plus. T'as déjà fait toutes ces promesses, t'en as tenue aucune. Quand il est là, c'est pour te rappeler à quel point tu fais n'importe quoi. Tes notes qui baissent. Ton manque de concentration. Tes conneries d'adolescents. Rien ne va.
« On va réfléchir à ta punition. »
« Très bien. »
Tu sors du bureau. Tu sors de la maison. Et tu cours. Comme jamais t'as couru.


Chaos, désolation. Une zone de guerre qui hante encore tes pensées. Avant, tout était trop facile. Des petits voleurs que tu arrêtais en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Des brigands que tu coiffais au poteau. C'était tellement simple que tu riais de tout. Sûr de toi, confiant, maitre de tes capacités. Et pourtant. Quand Darkseid a envahit la Terre, tu n'as plus du tout eu envie de t'amuser. Il s'est attaqué à ta planète, à ton peuple, à tes proches. Impossible de ne rien faire. C'est pas ton genre, de rester les bras croisés. Même si l'ennemi fait deux fois ta taille, t'es le premier qui va foncer dans le tas. Avec les paradémons, tu t'es mangé la raclée du siècle. T'as vu la Ligue défaillir, manquer d'échouer. T'étais qu'un gosse. Tu l'es toujours. T'as fait du mieux que t'as pu. Mais est-ce que c'était assez ?
« A quoi tu penses, Wally ? »
Megan. Elle est jolie Megan. Elle se soucie beaucoup d'autrui. Tu lui souris, parce que tu l'aimes bien. T'as pas envie de mentir, mais tu le fais quand même. Parce que c'est plus simple parfois.
« Je pensais à mon anniversaire, c'est dans deux jours ! »
Tu passes amicalement ton bras autour de ses épaules et la serre fort contre toi. Un enthousiasme derrière lequel se cache un besoin d'être rassuré. Après Darkseid, t'as rejoint la Young Justice. Un groupe de jeunes talentueux comme toi. Vous êtes étroitement supervisés par la Ligue, consciente de votre potentiel, mais pas encore assez confiante pour vous confier de trop grosses missions. Avec eux, tu te sens bien. T'as abandonné ton foyer pour les rejoindre au Mont Justice. C'est eux ta famille maintenant. Celle que tu t'es choisi.
« Tu vas m'acheter quoi Megan ? »
« Oh, ce ne serait plus une surprise si je te le disais ! »
Tu hausses les épaules, la joie de vivre qui reprend finalement le dessus. Tu oublies les morts. Tu oublies tes échecs. Ils reviendront bien assez tôt.

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