BringLLDown4good is the Wifi code [Pv Barbara]

Barbara Gordon & Clark Kent

« L'avantage, c'est que désormais quand tu boudes, je ne suis plus obligée d'utiliser la pince à fruits  pour te faire redescendre, » plaisanta ma mère. Je ris rien qu'aux nombreux souvenirs qui firent écho à ses paroles. Il était vrai que petit, quand ça 'allait pas, j'avais tendance à me mettre à flotter en boule dans le ciel. Bon courage pour venir me chercher pour me consoler.
Je me souvenais encore de la toute première fois où mes pieds avaient quitté le sol sans que je ne demande rien. Ma mère s'était agrippée à mes jambes pour me retenir, en vain. Heureusement que mon père était venu nous rattraper avec le filet de pêche, après avoir du monter sur le toit de la ferme pour nous le jeter dessus. Je me rappelais encore la panique que j'avais eu à ne rien contrôler, à continuer de monter et monter encore avec ma mère suspendue dans le vide. Cela aurait pu terriblement mal finir. Et pourtant malgré tout, ils avaient été là, ils avaient réagi comme de vrais parents, sans réfléchir, sans se poser de questions, sans cesser de me regarder comme leur fils et non comme une curiosité extra-terrestre. Le silence de ma mère suffit à me pousser à parler. Elle me connaissait comme si elle m'avait fait, à peu de choses près. Elle savait quand j'étais tracassé. « Pour la première fois de toute ma vie, je suis heureux, m'man. Vraiment heureux. J'aime Lois, elle est celle que j'ai toujours voulu avoir, que j'ai toujours aimé. Sans pouvoirs, je peux enfin espérer avoir une vie normale... avec elle. Une famille... A laquelle je ne survivrai pas pendant des siècles, » confessai-je. « Oh... je vois... » Les enfants devaient enterrer leurs parents et non l'inverse. Je ne voulais pas voir Lois ni mes enfants, si enfants il y avait un jour, mourir dans mes bras, assassinés, ou même simplement épuisés par la vie, aux cheveux grisonnants, alors que je resterais à peu de choses près, tel que j'étais aujourd'hui. Physiquement sans défauts. Mais moralement détruit. Même un enfant avec du sang kryptonien, n'en aurait qu'à moitié.

Moi et Kara, nous allions vivre encore des siècles, si personne ne nous tuait entre temps. Et cette éternité me consumait. J'avais la sensation de vivre avec Lois l'équivalent d'une journée de bonheur sur des années d'un deuil futur que je ne pouvais pas m'empêcher de voir arriver depuis que nous étions ensemble. Avant la question ne se posait pas, puisque je demeurais persuadé que jamais Lois Lane ne tomberait amoureux de Clark Kent. A présent que j'avais à mes côtés la personne qui comptait le plus pour moi, je craignais terriblement de la perdre. Du fait des ennemis de Superman, comme du fait du Temps et de la condition humaine qui n'était pas la mienne. « La réunion... Le plan est prêt. Le soleil reviendra, avec ou sans moi.  Ils n'échoueront pas, je le sais. Tout va redevenir comme avant et... je ne sais pas si c'est ce dont j'ai envie. J'aime être Kal-El, mais... j'aime encore plus être Clark Kent. Quoi que tu dises, le monde peut survivre sans Superman. Il l'a fait avant mon arrivée, il le fera bien après moi. Alors... pourquoi ne pourrais-je pas être juste Clark ? » « Tu peux être qui tu veux, Clark, tu ne dois rien à ce monde, tu lui as déjà tant donné. Et puis, tu peux tout aussi bien combattre pour la vérité et la justice en tant que Clark Kent. » sourit-elle. Si seulement c'était possible de me contenter de Clark même avec mes pouvoirs.

Spoiler:

C'était une question rhétorique, en vérité. De l'extérieur, il semblait possible aux gens d'avoir mes pouvoirs tout en choisissant de ne pas les utiliser, pour rester "juste Clark". Mais quand on le vivait, quand on ressentait chaque battement, chaque tressaillement de chaque être vivant de cette planète, que les cris d'agonie se faisaient entendre comme s'ils étaient dans la même pièce, il était impossible, à moins d'être un monstre, d'y rester insensible. De ne pas vouloir réagir, faire quelque chose. De ne pas aider. Je ne pouvais pas. Les maux du monde s'abattaient sur mon coeur avec un réalisme saisissant qui me forçait à chercher à les arrêter. Ces souffrances multiples allaient bientôt remplacer le silence reposant du petit matin, lorsque je m'éveillai auprès de la femme que j'aimais, et que rien d'autre que sa respiration apaisante ne parvenait à mes oreilles. Ces semaines sous le joug du Syndicat de leur nuit perpétuelle, avaient paradoxalement été les plus belles et reposantes que j'avais pu vivre jusqu'alors. Plus de coups de poings, plus de batailles, de sang versé, de menaces à proférer pour intimider des ennemis machiavéliques.

Je changeai de sujet. Nous finîmes notre promenade dans la propriété, puis je l'accompagnai jusqu'au pick-up. Je déposai un affectueux baiser sur son front avant qu'elle ne monte dedans pour aller faire les courses. « Sois prudent avec cette fille... Il a déjà été dupé, qu'il la trouve digne de confiance ne veut pas dire qu'elle le sera pour toi... » s'inquiéta-t-elle en parlant à travers la vitre conducteur. « T'en fais pas, m'man, je ferai attention, » ris-je en m'y accoudant. Si depuis toujours maman Martha avait été une vraie maman lionne avec son "petit miracle tombé du ciel", depuis que je n'avais plus de pouvoirs, cette tendance avait doublé. « Bon sang qu'il fait froid ! Ce foutu Syndicat a vraiment détraqué le thermomètre, vivement que vous l'arrêtiez quand même ! » Je lâchai un rire et tapai sur le toit du véhicule lorsqu'elle démarra. Bientôt elle disparut à l'angle du chemin de la ferme pour rejoindre la route principale. Ma mère partie, Lois avec Jimmy pour pister les agissements du Syndicat et de Luthor tout à la fois, j'avais donc la ferme pour moi seul - et Krypto - pour accueillir ma collègue de Gotham. Je rangeai le salon pour faire place sur la table et pouvoir nous y installer pour étudier les dossiers, et bientôt des aboiements se firent entendre au loin. Même simple chien, Krypto restait un chien aux sens plus développés qu'un être humain. Et un excellent gardien.

Il courait à côté de la voiture qui s'avançait sur le même chemin et que j'observai par la fenêtre. Je sortis de la ferme pour rejoindre la cour où elle se gara. « Bosco ! Ca suffit ! » ordonnai-je à mon chien, bien au fait de ses deux noms. Le vrai, et la fausse identité, tout comme moi. Bien dressé, il vint trotter autour de moi, fier d'avoir alerté le maître des lieux de l'intrusion. La portière s'ouvrit et des jurons agacés se firent entendre. Princesse des villes rejoignait fermier des champs. Je riais déjà.
« Bienvenue à Smallville ! » lançai-je en m'approchant, taquin sans attendre. Je posai ma main sur le haut de la portière sans proposer mon aide pour son fauteuil. J'avais appris depuis le temps qu'elle était trop indépendante pour cela.
« Bosco, Barbara, Barbara, Bosco, » fis-je pour les présenter mutuellement alors que sans attendre, curieux comme pas deux, Krypto s'était empressé de venir tourner autour de mon invité à peine descendue du véhicule pour la renifler. Et espérer secrètement des caresses. « Tu as fait bon voyage ? Viens je t'en prie, c'est par là. » Je la guidai jusqu'à l'entrée tout en lui parlant. « Thé ? Café ? Jus de fruit ? Bière ? Ma mère fait aussi les meilleures tartes aux poire de toute la région. Si tu ne râles pas trop, je t'en proposerai peut-être,  » fis-je en ramenant les boissons sur la table où nous nous installâmes. « Plus sérieusement, comment vas-tu ? » Il fallait commencer par le commencer, à savoir, l'humain. C'était bien là le plus important.

Barbara Gordon & Clark Kent

« Thé citron ce sera alors, » souris-je en m'attelant à la tâche. « Il n'y a que les gens de Gotham pour avancer la pollution comme un argument positif, » rigolai-je en ramenant le tout sur la table. Afin de réchauffer mon hôte exigeante, je rajoutai des bûches dans le feu de cheminée du salon, et ouvrai les aérations pour l'attiser un peu plus. Même sans pouvoirs, j'étais habitué à vivre à la ferme, un peu plus à la dure que les citadins et leur confort technologique. Et puis, j'avais de bonnes chemises à carreaux peut-être vintage, mais au moins elles étaient épaisses et chaudes. « Ce syndicat du crime, une vraie plaie. C'est à se demander ce que fait la Justice League. » Hey. C'était méchant ça. Je fis semblant de réfléchir à la question. « J'imagine qu'ils se sont regroupés pour établir une contre-attaque. Je leur fais confiance, ils ont toujours été là peu importe la menace, ça ne va pas changer aujourd'hui, avec ou sans Batman. » Bruce, disparu, c'était le meilleur stratège de l'équipe qui nous faisait défaut. Nous avions heureusement Diana, chef guerrière amazone, pour pallier ce problème, mais ses compétences étaient tout de même différentes, plus axées stratégie militaire, et le côté big brother vicelard de Bruce, bien que cela me tuait de l'admettre, manquait à notre groupe pour anticiper le pire de la part du Syndicat. « Ca va, on fait comme on peut, comme tout le monde j'imagine. Mais c'est vrai qu'à Smallville, on est loin d'être habitués à un tel climat, et j'espère aussi que la Justice League ne tardera pas trop à réagir ou il ne restera plus qu'eux pour survivre à cette ère glacière croissante, » soupirai-je.

« Pas trop dur de revenir vivre ici après .. enfin tu sais. » Mon visage s'assombrit. L'angoisse revint me hanter. Je me revoyais chuter depuis l'espace, droit vers le rivage de Metropolis. Malgré mon état proche du coma à ce moment-là, j'en avais assez vu pour en avoir le coeur déchiré et brisé bien plus moralement que physiquement. La kryptonite plantée dans mon torse n'avait été rien comparée à la ville en proie aux vagues et aux explosions, aux massacres de Sea King et de ses sbires. Ma ville. Ma planète. Assiégée, dévastée. Tant de vies fauchées face à mon impuissance. « Je... Disons qu'être ici évite d'être exposé constamment aux dégâts et à ce que ça implique... » Aux milliers de morts. Aux souvenirs cruels. Aux tourments. J'y pensais chaque jour, mais bien moins ici que si je m'étais encore trouvé parmi les immeubles arrachés et les secours débordés. J'y allais de temps en temps avec Lois, mais nous préférions éviter, et avions rapatrié nos activités d'investigation ici, à la ferme. Cela valait mieux ainsi, au moins temporairement. « Et puis, même en voulant aider à notre échelle humaine, on ne fait que désordonner les autorités et les secours sur place, alors... » Echelle humaine. Drôle de terme qui s'appliquait désormais à moi aussi. Impossible de soulever les gravats pour aider les secours, impossible de repérer les victimes sous les éboulements avec ma vision à rayons X, impossible d'emmener les blessés en super-vitesse dans les hôpitaux des villes alentours. Non sans mal, j'avais dû me contenter de regarder mes amis de la Ligue se charger de cela en direct à la télévision. Une terrible frustration. « Enfin, j'imagine que tu sais de quoi je parle, Gotham n'a pas été épargnée non plus avec les Dieux. » A croire que les grandes villes n'échapperaient jamais à ce genre d'attaques.

« Si nous entrions dans le vif du sujet ? » fis-je pour éviter de nous enfoncer dans ces sujets déprimants, et trop propices à nous rappeler les pires souvenirs de ces événements. Je me levai pour aller chercher mon ordinateur portable et la pile de dossiers et de cartes let ramenai le tout sur la table. Grâce à Barbara, j'avais une connexion plus sécurisée qu'auparavant, qui était déjà forte grâce aux gadgets de Bruce. « Luthor est un allié temporaire de la Ligue, avec toute sa bande de fous à lier, et il est évident que nous devrons attendre une période plus calme pour balancer ce que nous trouverons. Mais cette alliance éphémère est précisément ce qui peut nous aider à en apprendre plus sur lui. Lois est déjà sur le coup auprès de Superman et de ses contacts de la Ligue pour se tenir informée des agissements de l'Injustice League. Et toi, tu as trouvé du nouveau sur notre aff... Aïe ! » Je venais de me couper le pouce en coupant justement quelques parts de tarte aux poires. Je me levai pour aller le passer sous l'eau froide alors que mon sang ne se faisait pas prier pour sortir. Je me mis alors à fouiller dans tous les tiroirs pour trouver les pansements, je savais que ma mère en avait dans la cuisine, les travaux à la ferme provoquant souvent des échardes et autres petits bobos du quotidien. Je pus alors stopper le saignement en enroulant mon pouce dans l'un d'eux. Bien sûr, j'enlevai de la tarte la part où mon sang avait perlé et m'assurait que le reste était non touché. « Désolé, tu disais ? » repris-je en me réinstallant. Décidément, je ne m'habituais pas à ma condition humaine. Entre les blessures du genre, les orteils contre les coins de meuble sans que le meuble ne se brise, les brûlures en faisant la cuisine, et autres travers du quotidien comme attendre que l'eau boue sans pouvoir la faire chauffer en une seconde avec ma vision laser, je devais presque réapprendre à vivre au rythme des sept milliards d'autres. J'aimais ça autant que cela me perturbait. « Ca va ? » demandai-je en fronçant les sourcils, soucieux de la voir me fixer soudainement étrangement comme si elle venait de voir un fantôme.

Barbara Gordon & Clark Kent

« Attention à ce qu'il ne te pique pas ta dulcinée. Il parait qu'aucune femme ne résiste à Superman. » Intérieurement j'eus un hoquet de rire, que je retins d'apparaître en réel de justesse. Si seulement elle savait. Pendant un instant, je me demandai si ce n'était pas justement le cas, légèrement paranoïaque depuis mon plus jeune âge pour protéger mon identité et surtout mes proches. Ma mère souvent, avait raté bien des nuits à force de craindre de voir débarquer des scientifiques en combinaison blanche à travers toutes les entrées de la ferme pour venir me voler à elle pour m'étudier et me disséquer. Avec ma super-ouie, même petit dans ma chambre, j'entendais son coeur battre bien trop fort pour être endormie. Se faire du soucis, voire même pleurer en silence, réconfortée par Jonathan. Combien de fois avaient-ils eu peur pour moi, pour mon avenir, comme si ma condition me condamnait à être découvert, enlevé, dépossédé de toute vie humaine et normale, enfermé en laboratoire. Par chance, et par de multiples précautions, ce n'était jamais arrivé, même si certaines fois, cela avait bien failli. Mais je balayai cette idée de ma tête. Non, elle ne pouvait pas savoir pour moi. Je ne voyais pas comment, je n'avais pratiquement aucune trace personnelle sur le web hormis mes identités administratives et mes parutions dans la presse en tant que journaliste. Je n'étais sur aucun réseau sociaux, ni nulle part ailleurs, je n'aimais tout bonnement pas Internet. Ce n'était pas ma tasse de thé, je m'en passais aisément, avec la simplicité de la vie que j'avais eu ici, à la ferme, auprès de la nature et sans l'hyper-connexion des grandes villes. Cela dit, j'aimais Metropolis aussi pour le côté moderne, je ne le cachais pas. Et j'utilisais le GPS de mon téléphone comme tout un chacun, du moins pour faire semblant d'en avoir besoin.

Je me contentai de sourire. J'étais presque gêné par ce compliment involontaire -
du moins le croyais-je - de sa part. Je ne me représentais pas mon alter-égo comme particulièrement tombeur auprès des dames. Pour moi, c'était clairement Hal le dragueur de l'équipe. Mais je supposais qu'on ne se voyait jamais vraiment tel qu'on était. Dans tous les cas, mon éducation et ma timidité naturelles m'empêchaient d'oser me voir comme tel. Et je mettais bien volontiers la fascination que certains avaient pour Superman, sur le compte de ses pouvoirs et non de son physique.
« Je ferai attention. Dans le pire des cas, je suppose que j'en viendrai à le provoquer en duel pour la garder. J'enverrai Bosco lui mordre la cape et les fesses pour m'octroyer un avantage, puis je fuirai courageusement avec Lois, » répondis-je finalement avec un petit sourire amusé. Bien sûr, moi le simple humain, je ne risquais pas théoriquement de payer de mine face à "Superman". C'était là le comique affiché de la situation. Le double comique, lui, était de m'imaginer me battre avec moi-même. Dire que j'avais presque failli le faire, lorsque je déprimais de savoir Lois amoureuse d'un autre le jour où elle avait repoussé mes avances sous Superman. A cette époque, j'avais été au bout du rouleau, sans comprendre que son coeur était pris par Clark Kent. Quelle ironie. J'étais surpuissant et pourtant tellement idiot, parfois. Seule Lois pouvait me désarmer à ce point-là.

Nous passâmes donc au principal, à savoir l'enquête et son avancement. Elle n'avait pas traversé une partie du pays pour rien, je supposais. Sauf que je trouvai le moyen de me couper, ce qui sembla grandement la perturber sur le coup. « Non ça... enfin oui ça va. Je.. ça va. Juste.. le sang. Ça me rend mal à l'aise. » « Oh, pardon. » Je m'empressai d'ôter de sa vue la compresse imbibée de sang et mon pouce amoché, le plaçant sous la table en attendant que la compresse désinfecte et arrête le saignement. Nous poursuivîmes sur l'enquête, échangeant nos trouvailles, partageant nos théories sur les flux financiers et fichiers cryptés numériques interceptés et leurs signification. Luthor avait bâti un empire sur un sac de noeud indescriptible, c'était un véritable casse-tête que de remonter à chaque source de chaque action que menait sa mafia de l'ombre. Parfois, même en remontant jusqu'à lui, nous nous heurtions au fait qu'il était évident qu'il ferait sauter son intermédiaire à sa place dans un éventuel procès, aussi nous devions malheureusement laisser ces trouvailles de côté. Il était tellement malin, ma frustration n'en était que plus forte. Ma détermination, aussi.

Au bout de deux bonnes heures, emmêlés dans les informations et deux cafetières de café épuisées plus tard, je finis par me masser l'arrête du nez en m'accoudant sur la table. « Avec toutes tes compétences et ton réseau du dark web... tu n'as jamais découvert l'identité de certains justiciers ? Je n'arrête pas de me dire qu'avec tous les moyens que Luthor met en oeuvre... tout ça là, devant nous... je ne comprends pas comment il n'a pas encore découvert certains d'entre eux. Si jamais toi, tu y es parvenue, je trouve encore plus étonnant qu'avec ses moyens il ne l'ait pas fait non plus, » expliquai-je, suspicieux. Oui, nous avions sous les yeux une infime partie de sa toile criminelle, et déjà elle nous donnait du fil à retordre à nous quatre, avec elle, Lois, Jimmy et moi. Même Bruce n'avait pas réussi et peinait encore, déjà bien trop occupé avec ses génies diaboliques à lui, à Gotham. Enfin, avant qu'il ne disparaisse. Je refusais de le croire mort. Pour moi, il avait juste disparu. Autre chose était impossible à envisager tant que je ne verrais pas son cadavre devant mes yeux.

En cet instant, tout ce que je voulais, c'était savoir si elle savait pour certains de mes amis et alliés. Si elle avait trouvé des infos dans les dossiers de Luthor sur leurs identités, qu'elle connaissait donc à son tour elle aussi. Luthor était assez intelligent pour être capable de ne pas agir de suite contre un justicier dont il aurait appris l'identité. C'était un stratège, il avait la patience du prédateur, pour attendre le meilleur moment pour frapper, je ne le savais que trop bien. Je scrutai donc le visage de mon interlocutrice à la recherche d'un signe, d'une réaction. J'étais encore loin d'imaginer que c'était sur moi, et Superman, qu'elle avait récemment porté son attention. Et ça même si ma petite coupure avait mis à mal sa théorie.

Barbara Gordon & Clark Kent

Une fois les convenances amicales passées, l'après-midi fut donc studieuse et concentrée. Il y avait tant à décortiquer que chaque minute eut son lot de déductions, de tri, de questionnements nouveaux ou de nouvelles réponses. L'un n'allait généralement pas sans l'autre dans un sens comme dans l'autre. C'était bien le problème avec des monstres de complexité comme Luthor, tirer sur un fil de la toile resserrait un noeud à l'autre bout, voire en créait un nouveau, et appelait à un nouveau problème à résoudre. Soudain, du bruit au-dehors perturba nos recherches. Au début, je pensai que Krypto jouait avec un animal sauvage, comme souvent il le faisait. Après tout, ici, ce n'était pas la faune qui manquait, aussi isolés du reste du monde. « C'est votre chien qui fait tout ce grabuge ? » J'arquai un sourcil et regardai par la fenêtre. Il était vrai qu'il n'aboyait pas comme à l'accoutumée, il persistait et semblait s'exciter tout seul contre quelque chose. Comme pour me confirmer la chose, un gros "boum" se fit entendre, comme un bélier cognant contre quelque chose avec force. Une fois. Puis une autre fois. « Excuse-moi, je reviens, » fis-je en me dirigeant vers la porte de la cuisine menant sur le pallier côté grange et champ. « Votre animal a un grain. » Elle m'avait suivi. Je fronçai les sourcils. Krypto montrait les crocs, oreilles baissées en arrière, on ne peut plus agressif. Mais aucun ennemi, aucune raison ne semblait justifier son attitude. Aucune raison visible en tout cas. Si je pouvais comprendre le commentaire de mon invité, je savais en revanche qu'il était loin d'avoir un grain, et n'agissait jamais par hasard, et mon visage s'était immédiatement fermé, scrutant les alentours. Il était le seul ici à avoir encore ses pouvoirs kryptoniens, il était le meilleur gardien et protecteur, celui avec qui ma mère et nous-mêmes ne risquions rien. Peut-être avait-il entendu quelque chose à plusieurs centaines de kilomètres qui avait alerté son instinct protecteur. Ce ne serait pas la première fois. Après tout, nous subissions une occupation généralisée. Je regrettai amèrement de ne pas pouvoir projeter mes sens comme lui pour comprendre ce qu'il pouvait bien lui arriver. Mon coeur battait cependant plus vite que la normale face à l'incertitude. Je passai rapidement en revue dans mon esprit le nombre d'ennemis qui pouvaient tout bonnement être la raison de cette alerte. Zod était-il en chemin vers la ferme ? Metallo ? Le Syndicat lui-même ? Non, Ultraman serait déjà ici en train de brûler la ville entière, Krypto n'aurait même pas eu le temps d'aboyer trois fois. Peut-être voyait-il au loin que des amis étaient en danger ? Avec la même vue que moi, il pouvait voir littéralement n'importe où sur Terre, à travers elle-même peu importait son effet bombé. Mais là encore, Diana, Hal ou Barry m'aurait alerté aussitôt en cas de problème pour l'un d'entre nous.

Je franchis les quelques mètres qui me séparaient de mon chien. « Calme-toi, Bosco, » lui ordonnai-je en voulant saisir son collier. Je sentais venir la bourde et mieux valait que j'intervienne avant qu'elle n'arrive. Mais trop tard. Je tendis la main mais il bondit et m'échappa alors que je lui hurlais sous la panique de revenir immédiatement. Ce que je craignais arriva : il s'envola littéralement dans le ciel, se révéla soudainement plus proche d'un loup que d'un chien dans son agressivité, et alla percuter quelque chose à quelques dizaines de mètres de là. « Je le savais ! Je le savais ! » Et voilà. Je me tétanisai un instant, réalisant que mon secret était découvert. Je l'entendis répéter sa victoire. Apparemment Krypto venait simplement de confirmer ses intuitions. Elle était futée. Mais je n'en attendais pas moins d'une amie aussi proche de Bruce, de surcroît fille de commissaire. Pour tout dire, elle n'était pas la seule à avoir des soupçons de "quelque chose". Et comme pour me le confirmer, un bruit de boum métallique se fit de nouveau entendre. Krypto. Ce dernier se posa sur un engin invisible et commença à gratter la surface avec ses griffes, comme pour tenter de percer quelque chose. Dans le vide cela aurait pu être comique. En fait, cela le fut pour moi, alors que le cheminement des déductions se faisait dans mon esprit tout comme elle juste avant.
Je me tournai vers elle en croisant les bras avec un sourire alors que je la voyais pianoter en urgence sur son smartphone. Je ne connaissais pas mille personnes capables de se payer un vaisseau invisible. Or je connaissais les gadgets de Bruce et plus que tout, sa batwing, vu qu'il l'utilisait pour voler à mes côtés lorsque nous nous rendions sur des théâtres d'intervention. Je compris quelques secondes avant même que le camouflage ne finisse par se volatiliser sous la pression du chien. A son tour, ce fut elle qui blêmit, mais ce fut bien vite remplacé par son euphorie passée. « Je suppose que ça répond à une partie de votre question. Je vous préviens si votre chien casse quelque chose, je vous envoie la facture. La technologie sur cet appareil coûte des millions. » Je lâchai un rire. J'aurais dû être inquiet mais je sentais que je pouvais naturellement lui faire confiance. Si Bruce, le plus grand parano de l'histoire, lui avait accordé la sienne pour garder son secret et même lui faire rejoindre ses rangs, alors elle saurait tout autant garder mon identité. Et moi la sienne. Assurance réciproque.
« Hey, c'est toi qui es garée illégalement sur ma propriété, il n'a fait que défendre dans son bon droit. Si quelqu'un doit rembourser, ça sera toi, tu n'avais qu'à prendre soin des affaires des autres, » répliquai-je avec amusement. Pendant un instant je lui fis croire que j'allais laisser Krypto continuer son oeuvre, puis consentis à stopper le massacre avant qu'il ne prenne une trop grande ampleur et ne lui fasse écoper d'un savon par Bruce. Après tout, je n'étais pas fautif dans l'affaire, en la lui empruntant, c'était de sa responsabilité de la ramener en entier. Je ne faisais que défendre ma maison, pour ma part. Mais j'étais bien trop gentil pour être aussi cruel. Je sifflai et Krypto se redressa, oreilles aux aguets en me regardant. « Allez viens Krypto, t'as fait du bon travail ! » lui lançai-je en tapant dans mes mains pour l'encourager à revenir. Comme soudainement content, il revint en volant droit vers nous. « Bon chien, c'est très bien, t'es un bon gardien, le meilleur des gardiens, » le félicitai-je en lui grattouillant les joues de mes deux mains alors qu'il lévitait à hauteur de mon torse, langue pendante tout fier de son action. Confiant dans sa récompense, il vrilla pour se retrouver dos vers le bas et ventre en l'air, en me regardant tête à l'envers ses yeux bleus plein d'espoir et de joie. Je rigolai et consentis à lui grattouiller aussi le ventre quelques secondes. « Donc... Krypto, Batgirl, Batgirl, Krypto, » déclarai-je finalement afin de faire les vraies présentations. L'animal se remit à l'endroit et vint se placer en face d'elle, pile à sa hauteur, pour mieux la fixer et sans nul doute la scanner une fois encore. Il allait la mémoriser définitivement comme une personne non-hostile désormais. Sauf en cas de situation compromettante. Sans prévenir, sous l'effet ou non de nouvelles caresses de sa part, il lui lécha soudainement le visage, comme pour valider son nouveau statut. « Roh, Krypto ! » le grondai-je. Le chien sembla être amusé et fuit en s'envolant. Ce chien était un peu à l'image de la famille. Jovial, spontané, peu rancunier. Mais il pouvait vite devenir féroce en cas de mise en danger de ses proches. « Il faut l'excuser le pauvre, il s'ennuie un peu depuis que je ne peux plus lui envoyer la balle à plus de quelques dizaines de mètres, » ris-je, un peu triste au fond. Il devait attendre que Kara ou Kon-El vienne à la ferme pour pouvoir jouer comme un vrai chien kryptonien.

Je partis chercher une serviette dans la cuisine, que j'imbibai avec un peu d'eau, et revins sur le porche pour la lui donner afin qu'elle essuie la bave. « Je comprends mieux pourquoi depuis quelques années Batgirl est devenue blonde et a changé de costume, » dis-je malicieux en enfouissant les mains dans les poches. « Je me demandais comment tu avais pu deviner la mienne, mais à présent que je vois tes connections, et ce à quoi tu as accès, cela devient plus évident. » J'attendis qu'elle remette la batwing en camouflage après quelques réglages. Krypto l'avait secouée mais pas cassé à ce point, heureusement, car sinon un engin pareil stationné dans le champ des Kent, cela porterait beaucoup de monde à confusion, et attirerait un peu trop vite le regard de Luthor sur le sujet.

« J'imagine que la réciprocité s'impose, et que je ne suis plus à ça près désormais. Moi aussi j'ai une "super-wing", si on peut dire, » souris-je. Pour quoi faire alors que je pouvais voler plus vite et plus loin que n'importe quel appareil conçu dans l'univers ? Ce n'était pas vraiment un vaisseau de transport que je comptais lui montrer, à vrai dire. J'allai chercher une planche de bois posée contre la grange pour la mettre sur les quatre marches du seuil afin de lui permettre de descendre en fauteuil dans l'arrière-cour. Je me dirigeai ensuite vers la plus grande des deux granges qui encerclaient cette dernière, et ouvrit la grande porte. Je la tins ainsi pour la laisser y rentrer et refermai derrière nous. Nous nous retrouvâmes au milieu de tas de foins et autres tracteurs et outils emmagasinés là, avec une bonne flopée de volatiles venus trouver refuge sur les poutres en haut à cause de la chute des températures. Moi et ma mère avions mis plein de gamelles d'eau et de nourriture pour un peu tous les animaux possibles. Je n'avais pas besoin de mes super-sens pour toujours autant haïr la Mort. Depuis le début de cette ère glacière qui empirait au fil des semaines, c'était toute la planète qui souffrait, tout le climat et l'écosystème généralisé qui en pâtissait. Je n'avais pas changé d'un pouce par rapport à mes jeunes années, à récupérer tous les animaux blessés que je pouvais entendre au loin pour les soigner et les sauver.

« Pas de planche possible pour descendre cette fois, c'est trop raide et étroit, » lui expliquai-je après avoir découvert une trappe secrète dans le sol. L'ayant compris tatillonne et trop fière pour se laisser porter dans mes bras, je la laissai donc se placer sur mon dos bras autour du coup. Je descendis l'escalier de bois poussiéreux menant au premier sous-sol. Pas grand chose hormis du bazar. J'ouvris une deuxième trappe bien mieux cachée cette fois, et nous pûmes enfin descendre dans un sous-sol bien plus profond. Si les premières années mon père n'avait eu d'autre choix que de le stocker au premier sous-sol, il m'était vite apparu par la suite la nécessité de creuser - à mains nues et en super-vitesse - une deuxième cavité définitivement isolée de tout scanner de surface, de tout satellite, et empêchant les ondes de l'engin d'être détectées.

J'allumai la lumière une fois atteint le sol et le vaisseau spatial qui m'avait permis de survivre à l'implosion de Krypton put enfin se révéler à nos yeux. Je la déposai assise sur une caisse non loin. « Le Daily Planet l'a révélé il y a longtemps. Mais c'est toujours plus sympa de le voir en vrai je trouve, surtout qu'hormis les invasions mondiales, Gotham n'est pas réputée pour attirer beaucoup de menaces extra-terrestres ni de vaisseaux spatiaux, prends donc ça pour une petite excursion hors des sentiers battus, » souris-je en m'approchant du vaisseau pour y poser le plat de la main. Dans mes interviews avec Lois Lane à mes débuts, j'avais effectivement fini par consentir à expliquer comment j'étais arrivé ici. La matière était unique en son genre, inconnue sur Terre, hormis pour ce qui restait des décombres de la machine à terraformer de Zod, récupérés par ARGUS, et probablement Luthor.
Mais avec Steve Trevor dans l'organisation, j'avais un informateur de choix pour savoir si ARGUS dérapait en tentant d'en faire quelque chose qui ne me plaisait pas. Sans parler de Cyborg qui gardait un oeil sur tous leurs systèmes. Et jusqu'à présent, leurs résultats étaient peu concluant. Ce n'était pas tout d'avoir le matériau, encore fallait-il savoir le travailler. Et cette matière-là ne fondait pas aux températures des métaux terrestres, ni même de celle du soleil ou de la foudre. Ce vaisseau avait frôlé bien des planètes en fusion pour m'amener sain et sauf jusqu'ici après tout. Mes parents, et surtout mon père ingénieur scientifique, n'avaient rien laissé à la chance. A chaque fois que je descendais ici, je ne pouvais m'empêcher d'imaginer la fin de Krypto. La mort de mes parents. La difficulté de leur décision déchirante d'envoyer leur fils unique, encore tout bébé, dans les abysses de l'espace glacial et sombre pour un futur incertain, sans jamais pouvoir le voir grandir ni l'élever eux-mêmes.

Je me retournai enfin vers Barbara, tout en m'adossant contre le vaisseau et en croisant les bras sur mon torse. « Plus sérieusement. Je n'ai plus de pouvoirs, mais ce n'est que temporaire, jusqu'à la prochaine bataille. Ce sera quitte ou double. Ou je les retrouve, ou... et bien, advienne que pourra. En attendant, à présent que toi et moi en savons bien plus l'un sur l'autre, et même si ça paraît évident, la discrétion est encore plus de mise dans nos recherches contre Luthor. Il est légèrement obsédé par Superman, et s'il s'est calmé dans ses tentatives de meurtre contre Lois et moi pour des raisons évidentes de publicité négative, ce n'est pas le cas contre Superman. Et il ne se gênera pas pour attaquer mes alliés de manière bien plus frontale que contre ceux de Clark Kent. S'il lui vient un seul soupçon qu'Oracle, ou Barbara Gordon, puisse savoir pour Superman... Il ne contentera plus de juste bloquer nos investigations. Et j'imagine sans mal que tu as déjà assez à faire avec tes ennemis personnels et ceux de Batman. Pour résumer, si pour obtenir certaines informations cela implique une mise en danger de nos identités, on n'y va pas. Elles sont plus importantes pour la survie de nos proches, que la chute de Luthor pour le moment, et ça ne sera que partie remise. On est d'accord sur ce sujet ? Je préfère que ça soit clair. » Ca évitait les non-dits, les interprétations, les prises de risques mal calculées et donc des problèmes. Evidemment cela marchait dans les deux sens. Je m'avançai vers elle et tendis ma main.
« On pourrait monter le seuil de confiance d'un cran à présent, qu'est-ce que tu en dis ? Deal ? » proposai-je en plongeant mon regard azur dans le sien, sincère. C'était à l'héritière du bat-parano de décider. Je ne lui demandais pas une confiance aveugle, mais simplement de se détendre un peu plus sur le partage d'informations. Nous étions toujours un peu sur la défensive et ce malgré nos évidents progrès en comparaison de notre première "rencontre". J'étais bien plus enclin à vouloir croire en la bonne volonté des gens, à vouloir lire en eux le meilleur qui y résidait et que souvent eux-mêmes ne voyaient pas toujours. Surtout les amis de mes amis. Ils étaient généralement bien partis pour être tout aussi appréciables à mes yeux, optimiste par nature.
Et puis, il paraissait évident qu'elle avait deviné par elle-même, que Bruce n'avait rien dit, pas même à sa bat-family. Ni lui, ni Alfred, ni Nightwing, qui connaissait également mon identité. Après tout, je lui avais donné la sienne, et il était probablement celui dont j'étais le plus proche après Bruce. Nous nous voyions très souvent pour partager un sandwich sur les toits de Bludhaven ou de Gotham. Il n'y avait pas de raison qu'elle et moi ne puissions pas nous faire un minimum confiance de la même manière, surtout avec de tels intérêts d'enquêtes communs.