clair-obscur (supergirl)

Déchirement dans l'atmosphère. Tintement dans ses oreilles, et tremblement dans ses pieds. La gamine s'affaisse. Son monde s'écroule, sa dimension entière prend fin. Ils auraient dû briller, ils auraient dû survivre. Mais leur vie entière allait cesser d'exister. Étoiles brillantes, dans un ciel noirci par les abysses de la décadence. Ils pensaient être des astres, des êtres à la lumière et à la connaissance étincelante, quintessence d'un égo surdimensionné. Mais ils s'étaient perdus, perdus dans l'obscurité de la galaxie, perdus entre les étoiles et les comètes. Leur monde prenait fin. La gamine court vers la capsule, avant de se tourner une dernière fois vers ses parents. « Je.. je ne peux pas y aller. » Son palpitant manque un battement, alors qu'elle regarde son père. Il s'avance, manquant de trébucher lui aussi. Tremblements dans le cœur de la planète. Sa main se pose contre la joue de la gamine, un mince sourire aux lèvres. « Tu peux et tu le feras. Souviens toi, Kara, il aura besoin de toi. » Elle secoue sa tête et une larme vient perler jusqu'à la commissure de ses lèvres. Il essuie la dite larme, avant de poser une main sur la poitrine de sa fille, droit sur son palpitant. « Notre devise, Kara. Notre devise. » Elle enlace son père, aussi fort qu'elle le peut. Elle tente d'imprimer son odeur dans son esprit, son toucher dans sa peau. Elle ne veut pas oublier. Elle ne veut pas non plus le laisser derrière, la gamine. Parce qu'elle ne se croit pas assez forte, elle ne se croit pas capable de faire ce qu'on lui demande. « Je ne peux pas vous laisser. » Il lui sourit une dernière fois, avant de la faire entrer dans la capsule. Le corps entier de la gamine tremble, alors que la capsule se referme sur elle. Elle pose une main contre la vitre, avant de voir le vaisseau s'élever dans les airs. Elle n'est pas assez forte Kara, elle n'y arrivera pas. Propulsée, elle n'a pas le temps de dire une nouvelle fois adieu. Parce qu'elle ne les reverra jamais. Et dans son entrée hors de l'atmosphère, dans les ténèbres glacés de l'univers, elle aperçoit au loin la destruction de son monde. Supernova qu'elle ressent dans son palpitant, tragédie diluvienne qui la martèle de coups. Épuisée, la gamine s'endort sous la voûte céleste, happée par les abîmes de son subconscient. Elle n'avait désormais qu'une seule et unique mission, protéger Kal-El.

Son vaisseau pénètre l'atmosphère et s'embrase. Les signaux d'alarmes s'allument, tintement horripilant dans ses oreilles. Elle inspire et expire, paniquée. Elle avait l'impression de ne s'être endormie que quelques heures. Son souffle est court, et son palpitant accélère. Il semble vouloir sortir de sa cage thoracique. Elle n'arrive pas à voir le sol, vue brouillée par les flammes de l'enfer.  Crash, sa tête se cogne à la vitre de sa navette. Elle pose une main sur son front, douleur fugace qui disparaît aussi vite qu'elle est apparue. La fumée l'étouffe peu à peu, et elle se met à tousser. Elle tâtonne les boutons, cherchant celui qui lui permettra de se libérer de son cercueil. Elle prend son courage à deux mains et tente de se tempérer. Si elle avait survécu jusqu'ici, elle devait continuer à le faire. Pour ses parents, pour son cousin. Kal-El. Les souvenirs lui reviennent. Elle donne un coup contre la vitre, puis un deuxième. La force qu'elle met dans ces actions éjecte la porte de la navette. Elle détache ses ceintures de sécurité, et tente de se hisser en dehors de l'habitacle. Il fallait qu'elle trouve son cousin. Il ne pourrait pas sortir de lui-même de la navette. « Kal-El! » se met-elle à crier. Cri d'espoir jeté dans la nuit noire. Elle regarde autour d'elle, cherche une autre navette en feu. « Kal-El! » second cri d'espoir, lancé vers les cieux. La gamine s'extirpe de la navette, un peu chancelante. Elle pose un pied sur le sol, et regarde autour d'elle. Elle ne voit ni fumée, ni flammes. Juste une étendue, à perte de vue, de végétation. Elle ne savait pas par où commencer. Comment pouvait-elle retrouver son cousin, dans un endroit qu'elle ne connaissait absolument pas ? Elle pose ses mains devant son visage. Elle devait réfléchir, et plus vite que ça. La vie de son cousin dépendait d'elle. Il était sa mission, elle devait le protéger et lui prodiguer un avenir certain. Elle serre les poings et pousse un cri de rage. Embrasement dans son être, distorsion dans palpitant. Elle allait échouer. Elle veut pleurer, Kara. Elle s'excuse, auprès de ses parents, de son oncle et de sa tante. Mais aussi auprès de son petit cousin, perdu dans l'immensité de cette planète. Elle passe ses mains dans ses cheveux, pousse un nouveau cri et ouvre les yeux. Chaleur dans ses pupilles, rayons qui quittent ses orbites pour embraser tout ce qui se trouve autour d'elle. Elle tourne sa tête, et la catastrophe continue. Elle crie, puis ferme les yeux. La gamine n'ose plus les ouvrir, elle est paniquée. Elle ne sait pas ce qui lui arrive, elle ne comprend pas. Et pour la première fois depuis longtemps, elle a peur. Ouragan balayant les flammes, souffle sur son visage. Elle est abasourdie, abasourdie par toutes les informations que son corps reçoit. Elle entend les fourmis s'activer sous ses pieds, elle entend les battements d'ailes des oiseaux au loin. Elle sent des odeurs à la fois familière et nouvelles. « Kara? » La voix brise la cacophonie et fait frissonner le corps de la kryptonienne. Écho qui continue de retentir dans son esprit. Elle n'ose pas ouvrir les yeux. « Kara, c'est bien toi? » Son palpitant manque un battement. « N'ai pas peur Kara, je suis là. » Nouveau déchirement dans son cœur. Elle savait tellement qu'elle avait tout perdu, qu'elle entendait désormais la voix de son oncle. Elle devenait déjà folle. « Ouvre tes yeux, Kara. » Elle ne pouvait pas, c'était bien trop dur. Une main se pose sur son épaule, et elle sursaute. Doucement, elle ouvre les yeux, incertaine de ce qu'elle va voir ou faire. Ses yeux ne s'embrasent pas cette fois-ci, et son regard se pose sur la main forte posée sur son épaule. Elle redresse la tête, et laisse son regard continuer sur l'avant bras musclé de son interlocuteur. Elle remarque le S, inscrit sur sa poitrine, puis pose son regard sur le visage de l'homme en face d'elle. « Jor-El? » Son cœur ralentit. L'homme en face d'elle sourit. D'un sourire à la fois triste et soulagé. « Non, Kara. C'est moi, Kal-El. » Impulsion dans ses tempes, accélération de son palpitant, la gamine se laisse une nouvelle fois happer par les tréfonds de son inconscient.

La bataille contre Darkseid l'avait considérablement amochée. Si Kara pensait s'en sortir facilemnet, les morts d'espoir et la confiance que Clark avait placé en elle, étaient les seules choses qui lui avaient permis de sortir la tête de l'eau. La kryptonienne n'aurait jamais pensé qu'en trois ans, sa vie serait autant bouleversée. Elle se rappelait parfaitement de son arrivée sur la Terre, et des trop nombreuses décennies qui étaient passés entre son départ de Krypton pour la Terre. Elle n'aurait jamais pensé que Clark serait plus vieux qu'elle, ou que sa morphologie kryptonienne ferait d'elle une super-héroïne sur cette planète. Elle avait eu pour mission de protéger Clark, mais sa mission avait désormais changée. Clark était celui qui l'avait protégé, et elle se devait désormais de protéger ce monde. Un monde bafoué par la bêtise humaine, mais aussi rendu merveilleux par ces derniers. Elle se devait de le protéger, et elle savait que son père et sa mère seraient fiers d'elle aujourd'hui. Elle en était certaine, au plus profond de son palpitant. Si une nouvelle vie l'attendait, elle n'avait cependant pas oublié l'ancienne. Celle qu'elle avait jadis sur sa planète d'origine, et c'est pourquoi, sans crier gare et sans prévenir personne, elle s'était arrangée pour s'inscrire dans une université. Kara se devait d'avancer, de s'intégrer dans un monde qui la fascinait. Un monde qui adulait ses prouesses, comme se méfiait d'elle. La gamine regarde les lieux autour d'elle. « Donc, c'est ici que se trouvera ma chambre. » Elle montre la pièce avec un air fier sur le visage. « Ce n'est pas très grand, mais j'ai déjà des idées de décoration qui iront avec ce que je vais faire. » Elle sort de la pièce, puis remontre une nouvelle fois le salon. « Le fait que la cuisine soit ouverte sur l'entrée et le salon, est juste parfait. Je me sens déjà comme chez moi ici. » Elle ne fait pas attention au sourcil arqué de la guerrière. « Je sais, c'est loin du luxe dans lequel tu évolues. Et non, encore une fois, je ne préférerais pas vivre avec toi Diana. » Si elle avait décidé d'arrêter de vivre avec son cousin, ce n'était pas pour se retrouver avec une grande sœur/mère bien plus protectrice encore envers elle. « Tu peux le dire, j'ai fait une bonne affaire malgré tout. » Elle se dirige vers les grandes baies vitrées, qui surplombent la ville. « Je risque d'avoir un problème malgré tout.. » Elle sourit, et replace ses lunettes sur son nez. « J'aurai besoin de quelqu'un pour m'aider à acheter les meubles? » Son petit rire termine sa phrase.

(19 mars 2017)
Elle s'arrête devant la photographie posée sur sa table basse. La photo la représente, elle ainsi que Diana et Jason, au moment où tout allait bien. Au moment, où la déesse qu'elle était n'avait pas été déchue. Elle l'observe un long moment, avant de la prendre entre ses doigts et en caresser le visage de celle qu'elle considère toujours comme une sœur. Elle l'avait trahie, lui avait fait du mal, terriblement. Elle se souvient de ses poings tapant la chaire de Red Hood, elle se souvient de la rage dans le regard de l'amazone. Elle se souvient aussi, de son palpitant durant les derniers attentats, qui avait arrêté de battre. La douleur est fulgurante dans l'abdomen de la kryptonienne, elle vient s'abattre sur elle telle une comète. Elle implose comme le big bang, créant en elle un gouffre immense. Elle dépose la photographie, puis s'avance vers son placard. Ses doigts se posent désormais sur son costume de Supergirl, elle en caresse le textile, avant de trembler et de s'agenouiller sur le sol. Elle n'avait plus le droit de le porter, elle ne le méritait plus. Elle avait faillie à ses fonctions, faillie au destin qu'on lui avait imposé. De stellaire, elle était devenue infernale. Son courroux s'était abattu sur ceux qu'elle avait juré de protéger, sur l'amour qu'elle portait aux hommes, ainsi que sur celui qu'elle éprouvait pour Diana. Elle avait failli à ses parents, à Kal. Elle se relève enfin, et va attraper les fleurs qu'elle a acheté le matin même. Elle sort de chez elle, se dirige vers le Ferry, quitte Metropolis pour se rendre à Gotham. De là, elle va jusqu'au cimetière, dans la dernière allée tout à gauche.

Elle dépose les fleurs sur la tombe de Jason, pour la dernière fois. Elle inspire un long moment, s'excuse encore et encore. Puis, alors que le soleil commence à se coucher, elle sort son téléphone. Elle envoie un message à son cousin, lui signifiant qu'elle part pendant un moment, sans lui dire où. Elle sait qu'il va s'inquiéter, elle sait qu'il va sûrement chercher à la retrouver. Mais elle sait aussi, qu'elle saura lui faire comprendre qu'elle a besoin de temps. Et même si, ce n'est pas le meilleur moment pour lui, elle sait que c'est le meilleur moment pour elle. Parce que Kara, elle a perdu sa lumière, elle a perdu l'astre qui l'enchantait et qui la rendait quintessence. Elle a perdu tout ce en quoi elle croyait, tout ce pour quoi elle vibrait. Elle inspire une nouvelle fois, alors qu'elle appuie sur la touche envoyer, puis, sans attendre de réponse, elle pousse sur ses pieds et s'envole au dessus de la ville. Elle ne sait pas où elle va, elle ne sait même pas dans quelle direction elle est partie. Elle sait juste qu'elle voit les villes illuminées, puis qu'elle traverse un océan sombre et déchiré par les vagues et les tempêtes. Elle continue, alors que la pluie vient fouetter son visage, elle continue sans jamais s'arrêter. Le temps ne semble plus avoir d'emprise sur elle, la fatigue non plus. Elle passe au dessus d'un désert, qu'elle suppose être le Sahara, puis passe au dessus de plaines immenses et de nouvelles civilisations humaines qu'elle n'a jamais vu autre qu'à travers sa télévision. Elle s'enfonce dans les recoins de la planète, dans des lieux qu'elle n'a jamais exploré et qui pourtant, existent depuis bien avant son arrivée ici. Puis elle s'arrête enfin, lorsqu'elle se rend compte, qu'elle est désormais bien loin de chez elle. L'odeur enivrante de jasmin vient s'engouffrer dans ses narines, et la chaleur orientale vient s'abattre sur sa peau caucasienne. Elle inspire un long moment. Le voyage ne faisait que commencer.

Elle regarde la télévision et fronce les sourcils. San Francisco. Le général Zodd était de retour avec ses suppôts, prêt à anéantir la terre à nouveau. Elle se relève de son fauteuil, et tourne la tête vers la fenêtre. Elle ne pouvait pas rester sans rien faire. Elle ne pouvait pas laisser les siens, parce que, peu importe s'ils étaient des criminels, ils étaient les siens, faire du mal à la planète et rester les bras croisés. Elle était restée les bras croisés bien trop longtemps, à attendre de récupérer sa lumière, à attendre de récupérer son espoir. Mais, elle ne savait pas si elle était prête. Elle inspire profondément. « Tu ne peux pas rester les bras croisés. » Elle fronce les sourcils, et se tourne vers le moine. Il savait qui elle était, l'avait deviné assez rapidement même, et le fait qu'il l'ait cotoyé durant trois mois sans relâche n'avait pas arrangé les choses pour garder son identité secrète. Mais, il avait tenu sa langue. « Je ne suis pas prête, Amir. » Elle plonge ses prunelles dans les siennes. Il transcende son regard et semble lire à travers son esprit. Le moine tibétain était connu pour sa sagesse, sa foi, et sa bienveillance. Il avait été le premier à l'accepter dans leur communauté, et le premier à avoir voulu la prendre sous son aile. Il avait été son mentor, sa voie de la guérison. « Tu es prête depuis bien longtemps, Kara. » Elle secoue légèrement la tête, sur la négative. Il s'approche d'elle, et pose son bras sur son épaule. « Je ne suis pas prête, je ne suis pas pure, je n'ai pas encore réussi à absoudre mes pêchés je.. » Il l'arrête. «Tu es plus pure que tu ne le penses Kara, et, tu dois finir par te pardonner. C'est la raison pour laquelle tu es venue ici. Malheureusement, ce n'est pas ici, que tu arriveras à te pardonner. » Elle fronce les sourcils, comprend ce qu'il veut dire. « Et que diront-ils lorsqu'ils me verront revenir ? Je ne suis pas certaine qu'ils me pardonnent. » Elle parlait bien sûr de sa fuite, mais aussi, de ce qu'il s'était produit entre Diana, Jason et elle. Elle n'avait plus peur de recommencer Kara, mais elle n'était pas certaine d'être acceptée à nouveau. Elle avait fui pour cette raison, parce qu'elle ne s'acceptait plus elle-même. « Seuls les personnes qui comptent réellement, arrivent à nous blesser Kara. Et ta famille, si elle l'est vraiment, réussira à te pardonner. Tu as énormément travailler sur toi-même ici, et, j'ai été heureux de faire ta connaissance et de t'aider dans ton parcours. Mais ton chapitre ici se termine, et il est temps pour toi de rentrer. » Elle reste un instant interdite. Il lui sourit, dépose un baiser sur sa joue et se recule. « Le monde a besoin que tu prennes ton envol, Kara. » Elle baisse les yeux légèrement, lui sourit. Elle retire ses lunettes, les dépose sur le petit guéridon, puis se tourne une dernière fois vers Amir. Elle s'apprête à dire quelque chose, mais elle sait que ce n'est pas le moment de s'étendre dans une grande tirade. « Merci. Merci, d'avoir cru en moi. » Et dans un dernier sourire entendu, elle se retourne, plonge ses azurs vers le ciel et inspire un instant. Elle n'avait pas volé depuis trois mois, depuis qu'elle était arrivée ici. Elle ne connaissait plus la sensation, elle ne connaissait plus l'adrénaline qui s'emparait d'elle à chaque fois. Grisante. Dernière inspiration, et elle fend les airs le poing en avant. Les rayons du soleil viennent embrasser son épiderme, et l'espoir brille à nouveau. Elle parcourt le globe à vitesse grand V, avant de s'arrêter à Metropolis. Son palpitant s'arrête un instant, alors qu'elle pénètre l'aire de la ville. Elle s'arrête devant son appartement, et ne fait pas attention à tout le courrier déposé sur le seuil. Elle se dirige directement dans sa chambre, et enfile son ancien costume. Il allait falloir qu'elle le change, mais l'heure n'était pas pensé aux détails. Elle l'enfile, ouvre sa grande baie vitrée, et s'envole vers San Francisco. Elle arrive enfin sur le champ de bataille et ses yeux s'illuminent rapidement d'une lumière incandescente, foudroyant l'un des soldats du général. Elle lévite un moment au dessus du sol, pose ses yeux sur son cousin, Diana et Bruce, puis croise les bras sur sa poitrine. « Besoin d'un coup de main? » dit-elle dans un sourire sincère. Supergirl était de retour.