Depuis le fond de la salle, les sourcils froncés et les bras croisés sous sa poitrine, Diana écoute avec attention le nouveau discours de Lex Luthor. La campagne présidentielle bat de nouveau son plein depuis la défaite cuisante du Syndicat du Crime face à la Ligue de Justice et ses alliés passagers. Allié public de la Ligue dans cette lutte, Luthor a vu sa côte de popularité grimper en flèche malgré la justesse et l'honnêteté frappantes de sa rivale. Diana secoue doucement la tête. Elle fait mine d'ignorer les journalistes qui se sont détournés du candidat à la présidence pour s'intéresser à elle. Elle ne répond pas quand on lui demande pourquoi Wonder Woman vient assister à a conférence de presse de Luthor. Elle ne répond pas non plus quand on lui pose des questions sur sa grossesse. Elle essaie de ne pas s'agacer des flashs qui crépitent. D'un seul regard, elle prend connaissance du dispositif de sécurité déployé par Luthor. Dans la salle, dix gardes qui communiquent entre eux grâce à une oreillette, une arme de petit calibre à la ceinture. Il y en a dix autres à l'extérieur, armés plus lourdement. Un petit sourire étire ses lèvres. Elle a bien vu leur façon de regarder son ventre rond, comme si le fait de porter un enfant la rendait inoffensive. Grossière erreur de leur part. Il ne lui faudrait pas plus de deux minutes pour tous les désarmer et leur faire regretter d'avoir seulement songé qu'ils pourraient l'emporter. Mais Diana n'est pas venue pour humilier les hommes de Luthor ; ou du moins, ce n'est pas spécifiquement pour cela. Quelque peu impatiente, elle jette un œil à sa montre pour regarder l'heure. Si elle en croit le planning du journaliste assis juste à côté d'elle, Luthor a encore une bonne demie heure de discours devant lui. En prenant en compte les question qui lui seront posées ensuite, il lui faut compter encore une heure ou une heure et quart. Elle va devoir prendre son mal en patience. Peu intéressée par les propos du candidat, c'est sans la moindre gêne qu'elle sort un roman de son sac à main. Le journaliste étouffe un rire. Elle lui sourit.
La conférence terminée, Diana se lève et attend que tous les journalistes quitte la salle, signant au passage quelques autographes pour ceux qui viennent la voir avec des étoiles plein les yeux – pour le plaisir d'agacer Luthor. Elle sait bien qu'il l'a remarquée à peine arrivée, craignant probablement qu'elle ne lui fasse avouer ses sombres desseins en usant de son lasso sur lui. Inutile de le nier, cette idée là lui a traversé l'esprit plus d'une fois. Sans faire attention à ses gardes du corps qui l'observent d'un air mauvais, elle se rapproche du milliardaire. « Allons, Lex, ne faites pas cette tête. On dirait que vous avez vu un fantôme. » Elle lui adresse un sourire moqueur. « Dites à vos hommes de reculer, je m'en voudrais de faire passer votre service de sécurité pour un troupeau d'ânes. » Elle hausse un sourcil, peu ouverte à la discussion. Croient-ils vraiment avoir une chance, ces gorilles décérébrés qui associent sa grossesse à une forme de faiblesse ? Les imbéciles... « Détendez-vous. Je ne suis pas venue pour vous forcer à confesser vos péchés. » Pas cette fois, en tout cas... Si elle lui donne un peu de répit, c'est uniquement parce que c'est à lui que Kal-El doit la vie, et parce qu'il les a aidés dans leur lutte contre le Syndicat. L'armistice ne durera pas, alors ils ont tous intérêts à en profiter tant qu'ils le peuvent. « Ce n'est pas une visite de courtoisie. Je viens à propos de l'enfant. » Elle n'en dit pas plus devant ses hommes, mais elle sait très bien qu'il comprendra instantanément de qui elle veut parler. Difficile pour Diana d'oublier l'obsession de Luthor pour l'enfant de son alter-ego d'une autre dimension. « Il faut que nous parlions. Ailleurs, et seul à seul. » Ce n'est pas une négociation. Mais Diana est certaine d'avoir son entière attention à présent qu'elle a évoqué l'enfant de Superwoman. Elle est en position de force, et elle le sait. Elle patiente, elle a tout son temps, le temps que Lex pèse le pour et le contre avant de les conduire dans un bureau où aucun de ses hommes ne les accompagnera. Elle lève les yeux au ciel en voyant les posters de campagne et autres flyers, tous plus ridicules les uns que les autres.
Sans attendre qu'il l'y ait invité, elle prend place sur une chaise face au bureau. « Que les choses soient bien claires. C'est la dernière fois que je vous offre le luxe de ma compassion. » Diana prend une profonde inspiration. « Je ne suis pas venue ici en tant que Wonder Woman, ni même en temps que Princesse et Ambassadrice de Themyscira. Je suis venue en tant que mère. Pour vous parler de parent à parent. » Elle se tait un instant, avant de reprendre. « Je sais. Je sais ce qu'il est advenu de votre fille. Et croyez-le, je suis sincèrement désolée. » Aucun enfant, peu importe l'identité de ses parents, ne devrait avoir à souffrir. Et ils devraient encore moins payer le prix de leurs erreurs. Est-ce la façon qu'ont trouvé les dieux de le punir ? Zeus s'est-il vengé ? Puisqu'il a été responsable de son presque décès, a-t-il simplement décidé de lui rendre la monnaie de sa pièce ? Malheureusement, le souverain divin est capable de tout pour se venger, pour venger ses enfants. Elle commence à comprendre comment il raisonne, également. Que vaut la vie de l'enfant d'un ennemi, comparée à celle de l'une de ses filles favorites ? Mais parfois, le destin est bien plus cruel que les dieux eux-même. Diana retire la photo d'un nouveau-né de son sac, et la tend au milliardaire.
« Nous l'avons prénommé Philon, en espérant que ce nom soit prophétique. Il est né trop tôt, mais n'étant pas humain, il s'est très vite remis de sa naissance mouvementée et prématurée. Aujourd'hui, il est en bonne santé. Il va bien, et il est en sécurité. » Loin de Superwoman et ses pairs. Loin de son géniteur d'un autre monde. « Il est le fils d'une Amazone et d'un tyran aux capacités inconnues, mais probablement extraordinaires. Il n'y a qu'un endroit adapté pour un enfant comme lui. » Et autant que ce soit clair, ce n'est pas auprès de lui. « Je pars pour Themyscira dans deux jours. Je l'emmènerai avec moi. Les Amazones lui apprendront à maîtriser ses capacités, elles lui apprendront la littérature et les sciences, et toutes les langues qu'il aura envie de connaître. Il grandira loin des conflits, à l'abri. Et quand il sera assez âgé, il sera libre de quitter l'île et de devenir qui il voudra, et ce qu'il voudra. » Voilà, c'est tout. Elle est venu le tenir au courant du sort de cet enfant puisqu'il semble s'en soucier sincèrement. Elle le fait en sachant pertinemment que même s'il le voulait, il ne pourrait récupérer Philon pour l'élever comme il l'entendrait. Themyscira est introuvable pour qui n'a pas l'autorisation de Zeus de la trouver. La localisation présente du bébé est tenue secrète, seuls Clark, Bruce et elle-même savent où il se trouve en attendant d'être conduit sur l'île, en sûreté. « Il ne craindra rien, vous avez ma parole. Nous prenons soin des enfants, sur Themyscira. » Contrairement à bien des politiciens corrompus et sans cœur, dont il fait partie. Après tout, il est responsable de la mort de son enfant. Voilà à quoi conduit l'avidité et l'égoïsme. Luthor est, comme beaucoup d'autres, un serpent affamé qui dévore sa propre queue sans réaliser que ses propres actions causeront sa perdition.
« ...et certains membres du Parti républicain ont proposé de faire ériger un mur entre nos frontières et le Mexique afin de protéger notre nation de l'immigration clandestine. Mais à vrai dire, le danger de notre époque est tout autre, celui de méta-humains néfastes, qu'on appelle communément « super-criminels ». C'est pour faire face à des engeances tel que le Syndicat du Crime que je veux ériger un mur. L'ARGUS dont les compétences ne sont plus à prouver, sera la première pierre de ce mur. La Justice League qui a triomphé en mettant fin à la longue nuit qui s'était abattue sur le monde, pourra faire partie aussi de ce mur si elle coopère avec les autorités en acceptant d'obéir à Washington... »
Lex Luthor déblatérait depuis une demi-heure devant son auditoire. Il aperçut Diana Prince dans l'assemblée de journaliste. Il serra les poings. Qu'est-ce que ? Le lasso ? Ce foutu lasso ? Oui ? Non ? Par pitié pourquoi encore ça ? Il manqua de s'agiter et d'en faire tomber sa perruque. Il reprit contenance et continua son speech sur son ton d'orateur. Le milliardaire candidat à la Maison Blanche en avait déjà marre. Il se sentait affaibli, il se sentait miné, il se sentait vidé. Sa convalescence suite à son combat contre Ultraman dans l'espace n'était pas encore terminé. Les journalistes l'ignoraient mais il avait encore des pansements qui couvraient tout son torse sous sa chemise. Mais ils n'ignoraient pas qu'il avait encore un bandage sur son cou, bien visible au dessus du col de sa veste. Les séquelles de son affrontement contre le leader du Syndicat du crime. Les coups d'Ultraman avaient endommagés son armure, au point que même l'impact des coups avait finis par blesser Lex. Il marchait à tout petit pas à présent. Il respirait à petites bouffées. Il marchait avec une canne. Il mesurait ses pas. Le soir il s'en tenait à un régime juste-un-verre-et-pas-plus de son bourbon seagram crown royal. Il allait avoir 51 ans, mais il en paraissait 10 de plus. Ces temps-ci il avait le droit de la part de ses employés de la Lexcorp à beaucoup plus de : « Vous avez besoin d'aide ? » pour ouvrir les portes ou monter les escaliers. Il avait le droit de plus en plus de la part des membres du Parti républicain à des tapes amicales sur les épaules et à des « Vous êtes sûr que ça va ? Vous n'avez pas l'air bien. » Il ne le supportait pas. Il détestait inspirer la compassion. Il aimait intimider les gens du commun par sa préstence, maintenant il leur inspirait une sorte de pitié. Dans une foule, les gens le voyaient marcher avec sa canne et s'écartaient aussitôt sur son passage, comme ils l'auraient fait pour laisser passer un handicapé. Cela faisait rager encore plus Lex. Son médecin lui avait promit que bientôt il n'aurait plus besoin de sa canne. Le médecin lui avait dit de se ménager et de diminuer son activité pendant la campagne électorale, histoire de se remettre plus vite. Lex l'avait envoyé se faire voir.
A la fin de son allocution, Lex contempla en silence la foule sortir, tout en jetant un regard interdit à Wonder Woman. Des quidams demandèrent des autographes à l'Amazone. Même deux des gardes du corps du milliardaire réclamèrent une signature de la super-héroïne. Lex leva les yeux au ciel : les deux gorilles n'avaient pas de papier pour recevoir la signature de Wonder Woman. Le premier lui tendit une serviette en papier. Le second lui tendit sa manche de veste pour qu'elle signe. Une fois la simagrée achevée, Luthor observa méfiant l'Amazone venir à lui pour lui parler. Il soupira intérieurement de soulagement lorsqu'elle annonça que le maudit lasso n'était pas le motif de sa venue. Il leva même un doigt en l'air à l'intention de ses sbires pour les faire décamper suite à l'injonction de son interlocutrice. Elle évoqua l'enfant de Superwoman. Le milliardaire-politicien en eut le souffle coupé. Il eut la sensation que la salle entière n'était plus qu'une tache floue blanche. Il articula sur un ton rauque :
« Très bien allons discuter. »
Et sous les yeux médusés de ses sbires qui même éloignés scrutaient la scène. Luthor prit sans lui demander, le bras de Wonder Woman pour s'aider le long du chemin jusqu'à son bureau de campagne. De son autre main il serrait sa canne. Ironie. Le grand Lex qui s'aide d'une femme enceinte pour faire 30 pas. Les gardes du corps les suivirent du regard en train de s'éloigner, en n'en croyant pas leurs yeux : le boss et Wonder Woman. On croyait rêver. Ils avaient tous été briefé sur la garce au glaive : Elle avait une force surhumaine. Elle était amazone. Elle était dans la Justice League. Elle tuait les monstres. Elle défonçait des criminels. Elle taillait le bout de gras avec Superman. Elle avait buté Sea King. Elle savait des choses. Elle découvrait des choses. Elle avait un putain de lasso qui vous faisait dire des choses.
Le bureau provisoire de Luthor : des tableaux de lièges partout avec épinglé dessus des sondages électoraux. Le Colorado semblait prêt à accorder son vote au chauve bourré de fric. L'Arizona ne jurait que pour la candidate blonde idéaliste. Sur la table, que des journaux empilés. Lex s'était abonné à plusieurs quotidien : le Coast City Times, le Gotham Globe, le Washington Post et l'inévitable Daily Planet. Plein de cartons partout. Copies carbones de dossiers sur la Lexcorp. Des photos et des fiches : Bizarro, Superboy, etc. Et là l'unique fenêtre. Qui donnait vue sur le centre-ville. Admirez le building du Daily Planet. On avait déjà remit en place un nouveau Globe, après que le premier soit tombé dans le vide suite à l'attaque du Syndicat du Crime sur la ville. Visez le chantier de construction de la Lexcorp Tower. Déjà 30 étages de reconstruits et plein de grue autours. Dans quelques mois on aurait vite oublié que Wonder Woman était passé par là… en théorie. Luthor se planta devant la fenêtre, ses deux mains serrés sur le pommeau de sa canne. Il écouta le préambule de Diana Prince. Tout ça était informel et au-delà de leur antagonisme visiblement.
« Très bien, puisque nous sommes entre nous. »
Sans se retourner, toujours dos à elle, Luthor arracha sa perruque et la posa sur le rebord de la fenêtre. Il l'écouta dans cette posture et frémit lorsqu'elle parla de l'enfant. Elle lui avait même déniché un nom. Luthor serra sa canne des deux mains jusqu'à l'étouffer. Il avait espéré l'avoir. Elle avait réduit ses espoirs à néant. Il se détourna de la fenêtre et voulut lancer à Prince un commentaire narquois pour la blesser. Dans le style : « Et vous ? Qui vous a engrossé ? La chauve-souris ou le Kryptonien ? Avec lequel des mâles de votre foutue ligue avez vous copulé ? » A son grand désarroi il ne lança pas cette phrase et demanda simplement avec une réelle curiosité :
« Et Vous ? Votre enfant ? Pourquoi l'avez vous conçut ? Parce que son père était ardent au milieu de multiples danger juste pour vous ? »
Lex le surprit. Tiens ? Pourquoi il avait demandé ça comme si ça lui avait échappé ? Pourtant elle n'avait pas sortit son lasso pour le contraindre à livrer le fond de sa pensée. Le chauve s'adossa pesamment sur son bureau avec une main. Il posa sa canne contre le mur et fouilla dans sa poche de veste pour en sortir une photo au rebord écorné. Il la tendit vers Diana. Sur la photo : un ventre de femme enceinte prit par le polaroïd de la femme en question. Elle avait soulevé son pull pour montrer à Lex à quel point son corps avait changé et elle avait tenu l'appareil à bout de bras. Au dos de la photo elle avait gribouillée :
Ta détermination à ressuscité ma détermination. Je suis heureuse que cela soit arrivé avec toi.
« Oui c'est bien la photo dont je vous avais parlé lorsque je vous ai révélé mon secret à propos d'elle. C'est cette photo qu'elle avait posé sur le rebord de mon bureau, calée verticalement contre mes livres. C'est la seule photo que j'ai d'elle. Et par incidence de ma fille. »
Le ton de Lex, tout bas, presque en confidence.
« Vous pensez que je ne pourrai pas être le père adoptif de Philon au point de me l'enlever ? C'est une question honnête. Mettez de côté toute l'hostilité que vous avez pour moi et répondez sincèrement. »
C'est difficile d'éprouver de la compassion pour un homme que l'on déteste. Et Diana a rarement haï quiconque comme elle hait Lex. Et pourtant elle est là devant lui, à lui assurer que l'enfant de son double sera bien traité et en sécurité. Mérite-t-il de telles attentions ? Non, certainement pas. Tout ce qu'il mériterait, ce serait que la Ligue de Justice dévoile au grand jour la personne qu'il est réellement, qu'ils publient les récits de tous ses crimes, qu'ils le mettent à genoux comme il a tenté de le faire avec eux à maintes reprises et comme il le fera une fois que son ego le rattrapera au galop. Diana n'est pas femme à se féliciter de la souffrance d'autrui, mais voir Lex ainsi diminué a presque quelque chose de plaisant. Uniquement parce que cela lui rappelle, à lui, qu'il n'est pas un dieu. Il n'est qu'un homme, un homme voué à disparaître quoi qu'il arrive et quoi qu'il fasse. Il pourra bien faire tout ce qu'il voudra, en fin de compte c'est sa condition de mortelle qui aura raison de lui. Peut-être est-ce cruel, mais tant pis. Il était grand temps que Luthor redescende de son piédestal. Qu'il gagne la présidence du pays ou non, son règne sera de toute façon de courte durée. Est-ce pour cela que l'idée d'avoir un héritier l'obsède ? Parce qu'il veut pouvoir léguer son empire à quelqu'un plutôt que d'envisager de le voir disparaître ? Après tout, c'est ce qu'on toujours fait les souverains. Et c'est ce que sont devenus les géants d'entreprise, les rois des temps modernes. Est-ce donc ce qui l'obsède tant, trouver un héritier auquel filer les rênes avant de disparaître ? Diana secoue doucement la tête. L'obsession de tous les souverains à travers les âges a été la même. Ne pas voir leurs exploits être balayés par un mauvais successeur ou par le temps. « Vous manquez de sensibilité, Lex. Vous ne comprenez rien aux émotions. » Elle secoue la tête. Pourquoi faire un enfant, au milieu du chaos ? « Faire un enfant, c'est à la fois l'acte le plus égoïste et le plus altruiste que l'on puisse faire. Je voulais un enfant, je voulais devenir mère. Mais je veux aussi croire que l'avenir de ce monde est entre les mains d'une future génération plus éclairée que la votre, que la mienne. » Elle fronce les sourcils, comme si elle parvenait à lire dans les pensées du milliardaire. « Et avant que vous n'ayez l'imprudente idée de le demander, sachez qu'aucun membre de la Ligue n'est le père de mon enfant. Et quand bien même cela aurait été le cas, mettez le nez dans la vie de ma famille et je vous assure que vous le regretterez amèrement. » C'est une menace qui n'est pas le moins du monde dissimulée. Si Lex devait chercher à s'en prendre à Ophelia, ce serait la dernière chose qu'il ferait, qu'il devienne Président ou non.
Diana attrape la photo qu'il lui tend et la regarde avec une certaine pitié. Une photo sans nom, voilà tout ce qu'il aura jamais de la fille qu'il a perdu. S'il y a eu un égoïsme certain de la part de cette femme qui s'est servie de lui comme d'un simple géniteur, Lex n'est pas moins à blâmer pour leurs morts. Il se souciait d'elles, mais qu'en est-il des dizaines, des centaines d'autres personnes mortes durant les attaques synchronisées de sa Ligue d'Injustice ? Des inconnus, des anonymes dont il se moque parfaitement encore aujourd'hui. Avec un soupir, Diana repose la photo sur le bureau. Quand elle regarde autour d'elle, elle voit un homme seul à en mourir, malgré tout son pouvoir, malgré toute sa richesse. Cependant, elle ne s’apitoiera pas sur son sort. Après tout, on récolte ce que l'on sème. « En toute honnêteté, je ne pense pas que vous soyez capable d'être le père de quiconque. » Question honnête, réponse honnête. « À votre façon, vous l'aimeriez probablement. Mais vous êtes incapable d'altruisme, incapable d'éprouver un véritable amour pour quiconque. Toutes vos actions sont calculées, tout ce que vous faites, c'est pour étendre votre empire et gagner davantage de pouvoir. Votre enfant, n'importe quel enfant, vous finiriez par le voir comme une arme. Une arme que vous pourriez élever et façonner selon vos desseins. » Philon n'est pas un enfant comme les autres. C'est un méta-humain, et s'il a hérité des capacités de Mazahs en plus de celles de Superwoman alors son potentiel destructeur sera énorme. C'est pourquoi il doit être élevé dans la neutralité la plus totale, loin du monde, loin de Lex. « Je ne vous laisserai pas faire de cet enfant innocent une marionnette dont vous tireriez les fils. Sans doute pensez-vous que vous vous refuseriez à une telle chose, mais réfléchissez, Lex. Regardez-moi dans les yeux et dites-moi que je me trompe. » Peu importe qu'il la regarde droit dans les yeux et ne décide de lui mentir. Elle a raison, et il ne pourra pas le nier éternellement.
« Vous avez de l'argent, vous avez de l'influence, vous avez du pouvoir, mais ce n'est pas ce dont un enfant a besoin. Un enfant a besoin d'être aimé. Allons, Lex... Je suis incapable de vous imaginer le bercer, lui raconter des histoires, le rassurer lorsqu'il aurait peur... Nous savons tous les deux que ce n'est pas votre genre. » Diana secoue la tête. Non, elle ne peut pas imaginer le milliardaire faire preuve de tendresse à l'égard d'un enfant, peu importe qu'il s'imagine avoir des droits sur Philon sous prétexte que son géniteur est son double de Terre II. Cela ne change rien au fait qu'avec lui, il grandirait très certainement sans affection, sans faire l'expérience d'une véritable enfance, et sans être laissé libre de ses choix. « Il ne s'agit pas de vous priver de quoi que ce soit, Lex. Je crois sincèrement que vous êtes persuadé être capable d'être un père pour Philon. Mais entre ce que vous croyez et la réalité, il y a un gouffre. » Diana se relève, déjà prête à repartir. Elle n'est pas venu dans l'optique de s'attarder, elle lui a fait une faveur qu'il ne mérite pas, c'est déjà beaucoup. « Themyscira n'est pas une prison, Lex. Une fois adulte, il sera libre de parcourir le monde et vous serez libre de l'approcher. Le choix de vous rencontrer ou non sera le sien, et uniquement le sien. »
Lex resta immobile à écouter Diana Prince. Visage de marbre.
Mais…
Il déglutissait et avalait sa salive.
Visiblement il aurait préféré l'épreuve du lasso aux paroles de Wonder Woman. Visez les mains nerveuses du milliardaire en train de serrer sa canne. Pas de roulements de tambours, pas de temps morts, pas d'inflexion. Comme si le temps était suspendu pour lui. Elle lui demanda même de la contester droit dans les yeux s'il l'osait. Lex fixa bien son regard, mais se mit à déglutir. Il tenta de garder un visage imperturbable. Il observa l'amazone se lever. Le chauve ressassait en lui la fin de non recevoir qu'elle venait de lui envoyer à la figure à propos de l'enfant. Lex persifla :
« Vous vous en délectez pas vrai ? »
Pas encore de larmes.
« Vous attendiez ça depuis le jour où vous vous êtes mit en travers de mon chemin avec toute votre coterie d'amis encapés. »
Larmes imminentes.
« Vous l'avez tellement attendus ce moment. Me voir enfin défait.»
Yeux humides, complètement embués. Révélation que personne n'avait sous doute décelé avant Diana : Lex Luthor a bien un type de kryptonite lui aussi. La seule chose à lui être inaccessible. Le patron de la Lexcorp se reprit en lançant une bravade :
« Mais vous oubliez que vous allez encore avoir besoin de moi et de mes associés à l'avenir. »
Lex se recula de l'amazone à petit pas, en rectifiant sa cravate d'une main peu assurée.
« Faisons un échange de bons procédés, parlez moi d'Ultraman. Où le gardez-vous en captivité ? Je veux le voir souffrir. »
Lex se consumait encore de haine pour le kryptonien maléfique qui lui avait infligé tout ça et avait été à deux doigts de le tuer. Lex repensa aux survivants du Syndicat du Crime, il pensa à Philon. S'efforçant à nouveau de ne pas regarder la photo. Et tout à coup il pensa à LUI.
« Et mon… double ? Il n'est pas encore apparut si je ne m'abuse ? Aucune de nos relations méta-humaines ne l'a encore affronté si je ne me trompe pas ? Il est tapi quelques part. Il rôde en convoitant sa progéniture selon vous ? Vous pensez qu'il va frapper ? »
Luthor se rapprocha à nouveau de Wonder Woman, presque pour un échange de confidences entre intitiés. Bien décidé à savoir si elle connaissait la menace qui avait poussé le Syndicat du Crime à envahir leur monde pour fuir le leur qui était à l'agonie.
« Et il faut qu'on l'évoque. Impossible pour chacun d'entre nous de pas y penser quand on se retrouve avec nos alliés respectifs dans une même pièce, j'en suis sûr. Atomica avait cité un nom : l'Anti-Monitor. »
Diana a l'impression de s'adresser à un mur. Luthor n'entend que ce qu'il veut entendre et fait abstraction du reste. C'est frustrant, insultant et agaçant, et il ne s'en rend probablement même pas compte, trop focalisé sur sa propre personne pour le réaliser. Mais pour Diana, tout cela s'apparente à une perte de temps, elle commence à regretter d'avoir voulu lui faire une faveur, par pur altruisme et volonté d'apaiser quelque peu les tensions. Les hommes comme lui sont des peines perdues, il ne sert à rien de s'acharner, c'est comme battre un fer déjà froid en espérant pouvoir le modeler à sa guise. Un sifflement agacé échappe à l'Amazone. « Votre ego vous pousse à croire que vous êtes plus important que vous ne l'êtes. Je n'ai que faire de vos états d'âme – à supposer que vous en possédiez une. » De quoi devrait-elle se délecter ? De sa détresse ? L'idiot. Qu'il pleure toutes les larmes de son corps s'il le veut, ce n'est certainement pas ainsi qu'il l'attendrira. Ses seuls choix l'ont conduit là où il est, s'il n'avait pas décidé de devenir un tyran des temps modernes, peut-être la Ligue lui aurait-elle accordé la garde de Philon. Mais comment auraient-ils pu seulement considérer cette éventualité ? Avec son intellect et ses moyens Lex aurait pu choisir de rendre le monde meilleur, il aurait pu mettre ses talents et son argent au service du bien, mais c'est tout le contraire qu'il a fait. Sa solitude est le fruit de ses seules actions, qu'il cherche autant de coupables qu'il le voudra, mais il est le seul à blâmer pour sa condition. « Si vous détestez Superman, c'est parce qu'il est tout ce que vous ne serez jamais. Mais tout cela, c'est de votre faute. » Diana n'a pas eu besoin du lasso pour comprendre qui Lex Luthor est vraiment. Un homme qui malgré tout son pouvoir se sent faible et ne supporte pas sa condition de simple mortel. Un homme qui déteste un héros parce qu'il possède tout ce qui lui échappe. Et un homme qui s'imagine être le centre du monde, accessoirement. Tout aussi larmoyant qu'il soit, Diana n'éprouve plus aucune compassion à son égard. Peut-être fut-ce momentanément le cas par rapport à la mort de son enfant, mais ce n'est plus le cas. Il en faut beaucoup pour se rendre totalement irrécupérable aux yeux de l'Amazone, et cet homme y est parvenu. Même Arès, Diana ne le méprise pas autant.
« Ravalez votre arrogance, Lex. » Sourcils froncés, l'Amazone dévisage le milliardaire. « Nous avons lutté ensemble contre le Syndicat du Crime parce que le sort de la planète était en jeu, mais si vous ne viviez pas sur Terre, vous l'auriez regardé brûler sans sourciller. Vous avez eu besoin de la Ligue de Justice autant qu'elle a eu besoin de vous, ne vous méprenez pas. Et cessez de vous surestimer. Vous n'êtes qu'un homme. » D'ordinaire, Diana est la première à affirmer avec certitude qu'un seul homme peut faire autant qu'un dieu, pour peu qu'il possède une forte volonté. Mais Luthor a besoin d'être remis à sa place, et besoin de voir la vérité telle qu'elle est et non telle qu'il voudrait qu'elle soit. La lutte contre le Syndicat était une question de survie mutuelle, mais si il avait eu quoi que ce soit à gagner dans ce combat, il n'aurait sans doute pas hésité à s'allier avec leurs ennemis. « Rappelez-vous de vos propres mots me concernant. C'est vous qui avez besoin de moi. Parce que quand bien même vous deviendriez maître du monde, vous n'êtes pas un symbole de paix et de compassion. » Arrogante, Diana ? Non, simplement réaliste. Elle ne fait que répéter à Lex ses propres paroles, prononcés sous l'influence magique du Lasso de Vérité. Les choses n'ont pas changé, depuis.
Un petit rire secoue la future mère. « Vous croyez vraiment que je vais vous révéler l'endroit où la Ligue de Justice retient Ultraman prisonnier ? Me prenez-vous pour une idiote, ou avez-vous simplement l'habitude que l'on exécute vos ordres à chaque claquement de doigts ? » Diana secoue la tête ; cette homme est incroyable, incroyablement présomptueux. Va-t-il ensuite lui demander où se cache Themyscira, et les coordonnées géographiques d'Atlantis ? Et pourquoi pas l'adresse de l'Olympe, tant qu'il y est ? « Ultraman ne reverra plus jamais la lumière du jour, mais n'espérez pas que nous vous laisserons le torturer. Si vous êtes sans principes, ce n'est pas notre cas. » Et pourtant, ils sont nombreux à avoir eu des envies de meurtre en mettant la main sur Ultraman. Mais il y a une différence entre tuer un adversaire sur un champ de bataille et lorsqu'il est à votre merci. Que représenterait la Ligue si elle s'adonnait à la torture de prisonniers ? Ils deviendraient exactement comme ceux qu'ils combattent. Leurs idéaux sont peut-être parfois un peu naïfs, mais c'est cette même naïveté qui les pousse à toujours vouloir agir au nom du bien. Diana était incroyablement candide et optimiste en mettant les pieds dans le monde des hommes, et être confrontée à la réalité l'a rapidement forcée à changer sa façon de voir le monde, elle n'a pas baissé les bras pour autant. Parce qu'elle n'est motivée par aucune quête de pouvoir, mais par une volonté de faire régner la paix et de protéger ceux qui n'ont pas les moyens de se défendre seuls. Elle ne s'arrêtera jamais de se battre pour les innocents, et la Ligue de Justice non plus.
Luthor se rapproche, réclamant de nouvelles informations et cette fois ci, c'en est trop pour Diana. Ses doigts se referment autour de la gorge du milliardaire et elle le fait reculer jusqu'au mur derrière lui. Sans lui couper la respiration, elle le tient prisonnier de sa poigne. « Que les choses soient bien claires. Vous n'êtes pas en terrain conquis avec moi. Nous ne sommes pas sur un pied d'égalité. Et nous ne sommes certainement pas en période d'Armistice. Ne croyez pas que j'ai oublié ce que vous m'avez fait. Ce que vous avez fait à Kal-El. C'est par respect pour lui et parce que je crois en la justice que je ne me contente pas de vous briser la nuque maintenant. Ni moi, ni la Ligue de Justice, ne vous devons quoi que ce soit. Et certainement pas de précieuses informations que vous pourriez chercher à exploiter contre nous. » Diana le relâche et s'écarte de quelques pas. Par Zeus, comment Kal-El a-t-il fait pour ne pas pulvériser cet homme sur un coup de tête après toutes ces années à endurer son mépris et sa suffisance ? « Nous ne jouons pas dans la même équipe, vous l'avez rendu évident en créer votre pathétique petite Ligue d'Injustice. Peut-être auriez vous dû y songer à deux fois avant de le faire, cela aurait rendu la communication entre nous bien plus évidente. Mais puisque vous semblez persuadé d'être le plus intelligent que nous, vous ne devriez avoir aucun mal à trouver les réponses aux questions que vous venez de me poser, n'est-ce pas ? » Elle le toise. Il l'a cherchée, il l'a trouvée.
Luthor se prit cette fin de non recevoir en pleine figure. Il avait espéré que l'alliance temporaire entre les deux ligues rivales, auxquelles lui et Diana Prince appartenaient, aurait permit une détente entre eux tous. Le temps de renforcer son propre camp et de glaner des informations utiles pour l'avenir. Mais non l'amazone annonçait franchement que les hostilités avaient reprit entre eux. Luthor ne pu dissimuler sa révulsion. Il aurait tellement voulut connaître où Ultraman était retenu en captivité. Pour ensuite se l'approprier et l'enfermer dans ses labos. Le condamner à une mort lente et inexorable, de tortures en tortures. A le soumettre aux rayons solaires jusqu'à ce qu'il ne ressemble plus qu'à un rescapé de camp de concentration. A chaque fois qu'il faisait un pas avec sa canne, Lex mettait un nom à sa douleur : Ultraman. C'est limite s'il n'éprouvait pas plus de haine en cet instant pour le leader déchu du Syndicat du Crime que pour Superman, ce qui était métaphysiquement impossible au vu de l'obsession maladive du chauve pour le kryptonien de Metropolis. La frustration de Luthor augmenta encore plus quand Wonder Woman refusa d'aborder le sujet de son double-maléfique qui attisait grandement sa curiosité, et surtout de l'Anti-Monitor. Luthor ignorait tout de la prochaine menace, si ce n'est qu'elle ne pouvait venir que du cosmos et causer autant de dégâts que Darkseid. A son sens si cet Anti-Monitor avait anéantit le monde d'où était issus le Syndicat du Crime, c'est que cette entitée avait énormément de points commun avec le tyran d'Apokolips.
L'amazone le saisit brusquement par la gorge et le colla contre le mur de la pièce. Des panneaux en carton électoraux à la gloire du milliardaire-candidat en tombèrent par terre. Un poster de Luthor avec son sourire « votez-pour-moi » qui était épinglé sur un tableau de liège, s'envola sous le souffle du courant d'air causé par Wonder Woman et voleta jusqu'au sol. Lex s'agrippa des deux mains au poignet de sa rivale, dans l'espoir illusoire que ça pourrait faire cesser le geste. Une image lui revint tout à coup à l'esprit : Superman en train de le saisir de la même façon au milieu des champs de maïs des alentours de Smallville (A croire que tous les membres de la Justice League s'étaient donnés le mot pour le soulever de cette façon). Ce sentiment d'impuissance qui lui faisait haïr les méta-humains avec un acharnement qui aurait suffit à alimenter toute une armée. Il l'écouta la scrutant d'un oeil noir en train de lui adresser sa mise en garde. Si elle lui avait infligé son maudit lasso en cet instant il lui aurait sans doute confié :
« Toute cette discorde est complètement vaine, au final j'ai vu Superman dans l'espace sauver le monde de la longue nuit provoquée par le Syndicat du Crime. Pour la première fois j'ai admit que Superman aurait mérité d'être humain. »
Mais heureusement pour lui elle n'avait pas recouru à cette horreur de lasso. Une fois relâché, le directeur de la Lexcorp s'adossa contre le mur en se tenant sa gorge mise à mal. Il ne put s'empêcher de persifler avec une ironie sarcastique :
« Quel héroïsme. Une méta-humaine de votre puissance qui tient à sa merci un humain ordinaire qui doit utiliser une canne pour se déplacer. Quel dommage que vos sœurs amazones n'aient pas assistées à un tel exploit. »
Puis regagnant son sérieux, il lança quand même :
« Mettons notre mésentente de côté un seul instant. Vous ne pensez pas que nos deux camps doivent s'informer pour des choses aussi cruciales que cet Anti-Monitor ? Ça dépasse complètement notre querelle personnelle. Cessez un instant d'être engoncé dans vos certitudes de super-héroïne. Il faudra bien plus qu'un de vos coups d'épée pour sauver la situation quand ça arrivera. »
Il tâtonna vers le bureau pour y récupérer sa canne qui reposait contre le bord.
« Quand à mon… double du Syndicat. Si vous êtes certaine de pouvoir l'anéantir sans mon aide, tant mieux pour vous. Gardez tout ce que vous savez sur lui. Mais songez à ce qui se passerait s'il m'assassine et prend ma place en secret. Imaginez le à la tête de la Lexcorp, de ses ressources, de ses technologies, de ses secrets… Et imaginez ce que ça donnerait dans le cas où je serais élu à la Maison Blanche. S'il me tue et me remplace à l'insu du monde entier, il aura accès à la force nucléaire et que sais-je encore. »
Cet "entretien" demande à Diana plus de patience qu'elle n'en possède. Quoi qu'elle dise, quoi qu'elle fasse, Lex trouvera toujours le moyen de tout remettre en question et de la faire sortir de ses gonds. C'est bien la dernière fois qu'elle laisse son cœur lui dicter sa conduite concernant cet homme. Jason l'avait prévenue que cela risquerait de dégénérer, et Kal-El lui aurait dit que tenter de prouver ses torts à Lex était comme tenter de faire la conversation à un mur. Un sifflement lui échappe et elle secoue la tête. « Allons, Lex. Mettez le dossier me concernant à jour. Je ne suis pas une méta-humaine. Je suis une déesse. Fille de Zeus et récemment sacrée Déesse de la Vérité. » Elle affiche un sourire moqueur. Elle aussi peut se montrer arrogante lorsque la situation le demande. « Et ne vous méprenez pas. N'importe quelle autre Amazone aurait séparé votre tête de vos épaules si l'occasion s'était présentée. Vous avez essayé de tuer leur princesse, ne croyez pas qu'elles l'ont oublié ou pardonné. Quant à vous... » Diana grimace. « Votre canne ne vous sert à rien d'autre qu'à apitoyer votre audience. C'est un petit accessoire pour leur rappeler que vous avez aidé à sauver le monde et que vous y avez laissé un peu de votre santé. Comme si vous ne possédiez pas la technologie nécessaire pour réparer ce malheureux petit boitement. » Il la prend toujours pour une idiote. Elle, la déesse, l'Amazone, la guerrière et stratège âgée de cinq millénaires. Des hommes comme lui elle en a vu des dizaines, il n'est pas aussi exceptionnel qu'il le pense. En revanche, son ego est le plus gros qu'elle ait jamais rencontré, elle lui reconnaît bien cela... Mais c'est loin d'être une bonne chose. S'il utilisait son intellect de génie un tout petit peu plus que ce même ego, il comprendrait que titiller une Amazone enceinte de presque neuf mois est tout sauf une bonne idée.
« Je ne vais pas vous répéter les choses une troisième fois, Lex, alors écoutez moi bien. La Ligue de Justice ne vous fait pas confiance. Pas une seule seconde. Vous avez essayé de nous tuer à de nombreuses reprises, vous avez créé une Ligue composée de tous nos pires ennemis pour mieux arriver à vos fins. Comment pourrions nous avoir la certitude que vous n'utiliseriez pas ces informations pour nous nuire ? » Diana croise les bras sous sa poitrine et hausse un sourcil. « Vous accepteriez de vous soumettre au Lasso de Vérité et au contrôle mental du Limier Martien de façon quotidienne, peut-être ? » Question purement rhétorique. Elle doute qu'il accepte un tel contrôle, mais à quoi s'attendait-il ? Ils se sont battus côte à côté pour sauver leur monde, mais en temps normal, n'est-il pas le premier à les pointer du doigt, à les traiter de menaces et à manigancer toutes sortes de choses pour les faire chuter ? Le passé n'a pas été effacé par cette alliance, qui était nécessaire pour sauve la Terre du Syndicat. « Si nous pensons que seule votre aide pourrait nous aider à vaincre cet Anti-Monitor, alors nous partagerons nos informations à son sujet. Et vous ferez de même... N'est-ce pas ? La confiance doit aller dans les deux sens. Cessez de réclamer la notre si vous n'avez rien à nous offrir en retour. » Tout le monde ne possède pas la patience, la tolérance et la capacité à pardonner de Superman. Ils sont nombreux dans la Ligue à vouloir l'étriper, et elle n'est pas la dernière sur la liste.
« Oh, pitié, Lex. Vous, vous faire assassiner ? » Elle ricane. « Je ne serais étonnée que d'entre les deux, ce soit vous, l'assassin. Après tout, vous êtes déjà un meurtrier. De l'un à l'autre, il n'y a qu'un pas. » Diana affiche un sourire méprisant. Elle ne doute pas qu'il soit déjà sur le cas de son double, qu'il soit obsédé par l'idée de le trouver et de lui voler tout ce qu'il possède. Ce que la Ligue a de mieux à faire concernant ce Lex Luthor d'un autre monde, c'est laisser celui de leur Terre se charger de son sort. « Vous feriez mieux de vous concentrer sur votre campagne... Mais ne vous faites pas trop d'illusions. Quand bien même vous remporteriez les élections, cela ne vous donnerait pas les pleins pouvoirs. Et puis... Vous avez beaucoup d'ennemis, à votre place, je surveillerais mes arrières. Tous ne sont pas aussi patients que nous. » Et tous ne sont pas réfractaires à l'idée de se débarrasser de lui de manière définitive. « Vous voulez avoir une chance d'être un jour aimé par Philon ? Devenez quelqu'un d'honorable. À défaut de jamais pouvoir être quelqu'un de bien. » Et la concernant, ce sera le mot d'adieu. Il ne sert à rien de battre un fer déjà froid, et elle lui a déjà accordé plus de temps qu'il n'en méritait.
Accueil 
Depuis le fond de la salle, les sourcils froncés et les bras croisés sous sa poitrine, Diana écoute avec attention le nouveau discours de Lex Luthor. La campagne présidentielle bat de nouveau son plein depuis la défaite cuisante du Syndicat du Crime face à la Ligue de Justice et ses alliés passagers. Allié public de la Ligue dans cette lutte, Luthor a vu sa côte de popularité grimper en flèche malgré la justesse et l'honnêteté frappantes de sa rivale. Diana secoue doucement la tête. Elle fait mine d'ignorer les journalistes qui se sont détournés du candidat à la présidence pour s'intéresser à elle. Elle ne répond pas quand on lui demande pourquoi Wonder Woman vient assister à a conférence de presse de Luthor. Elle ne répond pas non plus quand on lui pose des questions sur sa grossesse. Elle essaie de ne pas s'agacer des flashs qui crépitent. D'un seul regard, elle prend connaissance du dispositif de sécurité déployé par Luthor. Dans la salle, dix gardes qui communiquent entre eux grâce à une oreillette, une arme de petit calibre à la ceinture. Il y en a dix autres à l'extérieur, armés plus lourdement. Un petit sourire étire ses lèvres. Elle a bien vu leur façon de regarder son ventre rond, comme si le fait de porter un enfant la rendait inoffensive. Grossière erreur de leur part. Il ne lui faudrait pas plus de deux minutes pour tous les désarmer et leur faire regretter d'avoir seulement songé qu'ils pourraient l'emporter. Mais Diana n'est pas venue pour humilier les hommes de Luthor ; ou du moins, ce n'est pas spécifiquement pour cela. Quelque peu impatiente, elle jette un œil à sa montre pour regarder l'heure. Si elle en croit le planning du journaliste assis juste à côté d'elle, Luthor a encore une bonne demie heure de discours devant lui. En prenant en compte les question qui lui seront posées ensuite, il lui faut compter encore une heure ou une heure et quart. Elle va devoir prendre son mal en patience. Peu intéressée par les propos du candidat, c'est sans la moindre gêne qu'elle sort un roman de son sac à main. Le journaliste étouffe un rire. Elle lui sourit. 