Evil Fate (ft. Zatanna)

Evil Fate

Dans ce nouveau monde peuplé de héros et de super vilains, la tranquillité et la normalité semblaient avoir totalement disparu, mais entre deux catastrophes Cléopâtre avait finit par trouver le temps de se balader dans les rues de Washington. Une balade qui l’avait mené dans les allées d’une grande librairie, déambulait dans les rayons, la britannique posa son regard sur le rayon de la littérature pour jeunes adultes, elle fut alors surprise de voir le nombre de romans dans lesquels des adolescents étaient les héritiers, les descendants ou les réincarnations des divinités antiques. Depuis que son chemin avait croisé celui de la déesse Sekhmet, il y a maintenant un petit peu plus de quinze ans, la rousse savait très bien que partager sa vie avec une telle créature elle savait parfaitement que tout cela ressemblait beaucoup plus à une malédiction ou à un véritable sacerdoce qu’à une simple promenade de santé.

Intégrer l’A.R.G.U.S et l’Opération NIGHTSHADE avait permis à Cléo de mieux appréhender cette cohabitation compliquée et à apprécier les cadeaux que pouvaient lui faire la déesse égyptienne. Cependant elle avait toujours l’étrange impression que cette harpie d’Amanda Waller et certains membres de l’organisations faisaient en sorte de la maintenir dans le mystère et de ne pas lui donner trop d’informations en même temps afin de brider ses dons et surtout de pouvoir la garder motivée et sous-contrôle. C’est pour cette raison que la belle britannique avait prit la décision d’effectuer ses propres recherches. Si celles elle les avaient déjà commencé au milieu des années 2000, Miss Beauchamps profitait désormais de ce qui lui offrait son nouveau travail pour approfondir celles-ci et se renseigner dans son coin. Cela l’avait d’ailleurs poussé à rechercher des experts en magie, en mythologie et en paranormal pour se faciliter la vie…

ARGUS lui avait permis de se rendre compte que les êtres magiques, les homo-magis comme on les appellent, n’étaient pas aussi rares qu’elle le croyait et que certains possédaient des pouvoirs dépassant les limites de l’imagination. John Zatara et Zatanna Zatara étaient des ces personnes exceptionnelles. Zatara, un nom qu’elle n’avait jamais oublié, mais qui au fil des années s’était perdu dans son esprit… jusqu’à son intégration dans l’opération NIGHTSHADE. Zatanna étant surveillée étroitement par celle-ci. S’il avait passé des années à écrire à la brune aux yeux bleus, le temps avait finit par les séparer et depuis que cette dernière était devenue la magicienne la plus connue des Etats Unis d’Amérique, elle était de facto beaucoup plus dure à contacter.

Avançant perdue dans ses pensées, dans son passée, Cléopâtre manqua de percuter une autre cliente… et en levant les yeux vers cette personne, la Beauchamps sentit son coeur s’accélérer brutalement. Chai Dieu Égyptien du Destin venait de se jouer d’elle… En la plaçant juste en face de la personne qui hantait ses pensées. Zatanna Zatara. C’était improbable… surréaliste même ! Il était donc bien possible de tomber par hasard sur quelqu’un… dans une ville aussi grande et peuplée de Washington D.C ! Cléo ressentit alors quelque chose d’indescriptible, un retour en arrière aussi brutal qu’agréable… tout revenait d’un seul coup, les pyramides de Gizeh, le Musée du Caire, les rues de la Vieille Alexandrie, le temple de Louxor…  Elle ne pouvait pas oublier cela… Ceci faisait partie de son enfance… de sa vie de femme…  « Zee !?», s'exclama t-elle tout en fixant ses grands yeux clairs avec les siens. Les années étaient passées, mais cette dernière n’avait pas changé. Toujours le même charme, la même prestance, le même regard intense.  « Je pensais justement à toi... »  Mais si la rencontre était totalement fortuite et particulièrement appréciée par la trentenaire, le moment n’était peut-être pas le plus opportun… et c’était certainement pour cela que Chai avait choisit de les faires se retrouver à cet instant précis.

Evil Fate

Dans son rêve – c’était un rêve, elle le savait –, elle avançait sans un bruit, osant à peine respirer, dans un long couloir sombre et bas de plafond. Les murs étaient en pierre, de ce grain dont seuls les murailles les plus anciennes étaient dotées, et si elle tentait de rester le plus silencieuse possible, quand bien même il n’y avait personne ici, c’était parce qu’elle savait qu’elle faisait une erreur. Non, à cet âge, on disait une « bêtise ». Et dans sa main, elle sentait la chaleur des doigts de sa partenaire de crime, qui trébuchait derrière elle se laissant tantôt traîner, prenant tantôt la tête de leur minuscule convoi. Dans son rêve, elle savait qu’elle avait une bêtise, et même s’il n’y avait là aucun adulte pour la sermonner, elle se sentait assez coupable pour déjà adopter une posture modeste. Mais avec ça, il y avait l’excitation de la découverte, de la désobéissance et bien sûr, de cet endroit, cet endroit sans âge qui n’avait jamais été conçu pour que deux petites filles s’y promènent au hasard, sans plan, sans lumière si ce n’était une petite sphère magique qui clignotait de temps en temps et leur volonté d’échapper pour quelques heures à la surveillance de leurs parents.

En se réveillant, Zee ouvrit les yeux sur le plafond neutre de la chambre où elle dormait quand elle trouvait le soleil. De retour dans la réalité, comme à chaque fois, elle prit le temps de se remémorer sa situation, presque avec cruauté. Elle n’avait pas besoin de tourner la tête pour savoir que John n’était pas venu cette nuit. Elle se demandait s’il dormait encore, ou s’il ne s’était pas dégoté elle ne savait quelle amulette pour se maintenir éveillé. Peut-être qu’elle aurait dû lui jeter un sort. Mais elle voulait le forcer à faire ça. Pour le moment, elle trouvait encore cela odieux. Mais chaque matin un peu moins. Une perspective qui ne la choquait plus vraiment. Elle se leva, se doucha, s’habilla, mais ses pensées étaient tournées vers un long couloir sombre, une pierre antique et une petite main dans la sienne. Difficile dans sa partie de croire au hasard. Elle ne connaissait pas un sorcier ou un magicien qui ne se méfiait pas des coïncidences. Alors d’un sort, elle se téléporta à Washington. Elle avait promis à Solveig Anderson, son agent, sa PR, sa community manager et sa tout le reste d’ailleurs, de passer la voir pour qu’elles discutent de son planning à venir. Zatanna était censée organiser sa nouvelle tournée dans le pays, mais elle avait déjà prévenu ses plus proches collaborateurs, comme Mikey et Andrew, et donc, Solveig, qu’elle allait devoir annuler le spectacle. Heureusement, ils n’en étaient encore qu’à la genèse du projet. Si les gens allaient se demander ce qu’elle était devenue, ils s’en remettraient vite. Elle était restée vague sur les raisons de sa dérobade, même si Andrew s’en fichait et que Mikey avait deviné qu’il s’agissait d’un problème personnel et magique. Solveig, en revanche, avait exigé des explications, et Zee les lui devait. Elle passa donc à son bureau en centre-ville, qu’elle occupait dans la tour de verre qui abritait, entre autres centaines d’entreprise, la petite agence de management que Solveig dirigeait.

La discussion n’eut rien d’agréable. À bien des égards, sa manager lui rappelait son père. Stricte, déterminée, professionnelle jusqu’au bout des ongles, elle ne pardonnait rien même si elle comprenait toujours. Zee savait que son amie avait une vie personnelle extrêmement chargée, bizarre et secrète. Mais elle n’avait plus la patience de subir ses poques mordante et ses jugements. Malgré tout, comme toujours, Solveig lui promit de tout arranger pour elle, et la magicienne eut même droit à une étreinte brève qu’elle soupçonna n’être qu’à sa seule attention car Solveig se fichait des câlins, du moins avec elle. Dans ses bras, cependant, la magicienne grimaça en sentant une envie soudaine de repousser sa manager. Elle s’enfuit plus qu’elle ne prit congé, et se retrouva dans une rue du centre, désorientée par les pensées qui lui traversaient l’esprit – les envies, même. Trop de monde, trop d’inutiles, trop de bruit, ici. Agacée, elle se réfugia dans la première boutique qu’elle trouva, une librairie où elle retrouva le calme, et une odeur de papier qui suffit à apaiser momentanément le monstre qui s’agitait en elle. Elle erra dans les rayons, plus occupée par son propre état d’esprit que par les volumes proposés, et finit par rentrer dans une autre cliente. En levant les yeux, en reconnaissant Cléo, elle fut à peine surprise. Il n’y avait pas de coïncidence. Son amie, avec qui elle correspondait depuis des années, qu’elle appelait parfois, Cléopâtre Beauchamps… Un sourire un peu tendu s’afficha sur son visage. « Moi aussi je pensais à toi. Enfin, en quelque sorte. Comment vas-tu, Cléo ? Que fais-tu à Washington ? » Elle imaginait toujours son amie – il y a quelque chose, quelque chose en elle ! – dans un désert ou au pied d’un temple égyptien, pas dans le cœur urbain du temple du capitalisme.

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La signification que l’on donne au mot « ami » évolue avec l’âge. Durant l’enfance et l’adolescence on croit avoir toute une palanquée d’amis, car on a tendance à penser que les amis sont les personnes avec qui on passe le plus de temps, puis en grandissant on réalise que l’expression « loin des yeux, loin du coeur » n’est pas toujours vrai. En effet, il arrive qu’en retrouvant une vieille connaissance après plusieurs années de séparation, on ait l’impression de l’avoir quitté la veille. Pour Cléopâtre, Zatanna est l’une de ces personnes que le temps n'effacera jamais de sa mémoire et de son coeur. Alors lorsqu’elle se retrouva en face de la célèbre magicienne, au beau milieu d’une librairie de Washington, elle abandonna son armure de fille austère, pour esquisser un léger sourire et prendre sa comparse d’autrefois dans les bras. Une étreinte spontanée, brève, à la fois pudique et sincère. Mais en enlaçant la belle américaine, l’archéologue ressentit comme un malaise. Quelque chose clochait, mais elle ne savait pas quoi.

« Haha, tu as l’air surprise de me voir ici non ? Et oui ! Je ne passe pas ma vie à gratter des vieilles pierres dans le désert égyptien ma chère ! »

Dit-elle d’un ton sarcastique, tout en essayant de mettre un mot sur la sensation qu’elle venait tout juste de ressentir. Elle empeste le souffre. Gronda Sekhmet, depuis les profondeurs de l’esprit de la Lady de Carnarvon, qui ne pu s’empêcher de lever un sourcil. Même si elle partageait sa vie avec la déesse à tête de lionne depuis maintenant plusieurs années, elle ne s’était toujours pas habituée à cette colocation forcée et il lui arrivait parfois de passer pour une personne dérangée. Fort heureusement, Cléo savait que Zee en avait vu d’autres et qu’elle n’était pas du genre à faire de conclusions hâtive à cause d’un simple petit rictus. C’est une infection. Alors que la féline en remettait une couche sur cette prétendue odeur de souffre, la trentenaire elle fit en sorte de ne pas avoir l’air d’une parano et de profiter pleinement de ces retrouvailles. Même si les râles de la divinité égyptienne la laissaient tout de même assez perplexe. Ils n’étaient sans doute pas anodin.

« Je suis à Washington pour le travaille… et en vrai je voulais profiter de mon passage ici pour te voir ! J’aurais besoin que tu m’aides à répondre à certaines questions… et toi tout va bien ? »

Au fil des ans, Cléopâtre avait lu de nombreux bouquins sur la magie et sur l’Egypte antique, elle avait rencontré de nombreux magiciens, notamment au sein de l’opération NIGHTSHADE et depuis quelques temps elle consultait des spécialistes en occultisme et en magie… mais au fond, l'égyptologue savait que peu de gens pouvaient se vanter de connaître autant de chose que la fille du célèbre et respecté John Zatara. D’ailleurs, Zatanna était bien plus que la simple fille de son père, aux yeux de la britannique, elle l’avait dépassé depuis bien longtemps et était la plus grande magicienne de son époque. « J’ai vu ta photo dans plusieurs journaux peoples en prenant l’avion, mais ils ne disaient pas si tu avais un petit copain ou non... » Dit Cléo d’un ton taquin, tout en faisant un clin d’oeil à son amie d’enfance. Elle en tout cas était seule - ou presque - en même temps elle n’était pas très douée pour les relations humaines. Elle espérait d’ailleurs ne pas avoir perdu la brunette avec toutes ces questions.

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Surprise, oui, probablement. Elle avait oublié qu’il y avait tout une vie à l’extérieur de la Maison où elle se terrait depuis des semaines, où elle avait toujours l’impression que le temps s’était arrêté. Elle regardait Cléo, observait son visage qui lui était si familier, dans lequel elle retrouvait encore quelques courbes de l’enfance, cette enfance qu’elles avaient passée ensemble à certaines occasions, et essayait de se concentrer sur son amie alors que le démon elle ne cessait de gigoter et de lui parler, comme des ondes parasites. Elle n’arrivait pas à relier la femme qu’elle avait sous les yeux avec celle dont elle gardait le souvenir et avec celle que le démon voulait à tout prix lui faire voir. Elle finit, au prix d’un effort surhumain, à faire taire le passager clandestin – elle le pouvait encore, mais plus pour longtemps, elle en avait conscience. « Excuse-moi, c’est juste que… Ça fait si longtemps… Et tu ne m’as pas prévenue que tu serais dans le coin ! » Enfin, « dans le coin », c’est-à-dire aux États-Unis. Mais c’était vrai que la Britannique passait le plus clair de son temps en Égypte, après tout, et puis d’ordinaire, elles s’écrivaient pour se dire quand l’une ou l’autre passait chez l’une ou chez l’autre. Elle se demanda si cette visite impromptue cachait quelque chose, s’il lui était arrivé quelque chose, qui aurait justifié que le démon en elle soit aussi énervé. Et les paroles de Cléo la confortèrent dans cette idée. Elle avait besoin d’aide. « Tu travailles ? J’espère que tu es venue pour récupérer dans nos musées des pièces volées pour les rendre à leurs véritables propriétaires. » Elle se demandait sérieusement quel travail avait attiré l’archéologue à Washington. Elle fit signe à son amie de la suivre et la guida jusqu’à un coin café dans la librairie. Même si elle avait l’impression de ne pas tenir en place, il fallait qu’elle se calme, justement.

« Moi ça va, je vais bien. » Elle faillit rire de sa propre réponse, parce que ça n’allait pas du tout, et qu’en fait, elle aurait mieux fait de planter Cléo sur place, de la fuir, de mettre le plus de distance entre elle, et puis surtout, elle n’était pas du tout en état de l’aider, quel que soit son problème. Cette simple petite rencontre, qui pourtant réchauffait son cœur, l’effrayait également, mais elle n’avait pas la force de se lever et de partir, et elle savait pourquoi : le démon voulait qu’elle reste. Il voulait en savoir plus sur Cléo. Laquelle semblait, comme Zee, tourner autour du pot, en parlant de tout et de rien. Et si elles avaient pu faire ça pour toujours, ça lui aurait convenu. Malgré tout, son amie parvint à lui arracher un rire, un vrai rire, et elle agita la main avant de faire signe à un serveur pour qu’il leur apporte des cafés. « Ah oui, c’est ma manager, elle adore ce genre de trucs, elle n’arrête pas d’alimenter les rumeurs. Je n’ai pas vraiment le temps pour ça en ce moment. Et toi, quoi de neuf dans ta vie ? Maintenant que j’y pense, ça fait longtemps que tu ne m’as pas écrit. » Et c’était peut-être bien pour ça qu’elle était venue ici sans prévenir. De nouveau, son regard glissa sur son amie. Il y avait définitivement quelque chose de différent chez elle. Zee n’avait pas besoin du démon pour le savoir, elle voyait de ses yeux cette aura brûlante, comme le vent sec du désert, qui piquait la peau et chauffait les joues.

Elle attendit que le serveur leur ait apporté leurs consommations, puis baissa un instant les yeux sur son café, avant de se tourner vers Cléo pour la regarder dans les yeux. « Cléo, il y a un truc différent chez toi. Tu sais ce que je suis. Tu sais ce que je fais. Je peux le voir de mes yeux, tu es différente. Que s’est-il passé ? » Oh, elle regrettait déjà d’avoir posé la question. D’être restée avec elle, et de vouloir en savoir plus – c’était le démon qui voulait en savoir plus, il était déjà prêt à prendre toutes les informations et à décider comment s’en servir à son avantage. Et aussi, elles auraient mieux fait d’aller ailleurs que dans cet endroit plein de monde. Elle ne prenait que des mauvaises décisions. Mais se fit la promesse de se téléporter à l’autre bout du monde à la moindre alerte. Une pensée qui ne fit que déclencher le rire de son démon. Tu n’iras nulle part. Et elle non plus désormais. Zee serra les dents, et espéra que Cléo allait la contredire, tout simplement.

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Zatanna ne tarda pas à comprendre que la Cléopâtre qu’elle avait connu il y a plusieurs dizaines d’années avait bien changé et qu’elle n’était plus vraiment elle-même. Néanmoins la britannique avait l’étrange sensation, qu’elle n’était pas la seule à partager son esprit avec un invité indésirable, mais le monde de l’occulte et encore plus celui de la magie noire étant relativement nouveau l'égyptologue, elle ne se fier qu’à l’étrange malaise  qu’elle ressentit en enlaçant sa vieille amie. Désormais attablée, en face d’elle dans le café de librairie, observa attentivement la brune pendant de longues secondes, leurs beaux yeux bleus se croisant et se fixant à de nombreuses reprises. Ton amie est telle une charogne remplie d’asticots. Grogna Sekhmet, en perturbant ce court moment de silence. Plutôt que philosopher sur cette belle comparaison, la Beauchamps décida de prendre son courage à deux mains et de parler de son “problème” à la fille de John Zatara. Après c’est pour cette raison qu’elle s’était mise en tête de la voir. Mais la colère de Rê ne semblait pas être d’accord avec cela, elle se mis à hurler, un hurlement qui traversa l’âme et le corps de son hôte et qui légèrement trembler les tasses situées juste en face d’elle. Ne sachant pas si cette réaction était due à l’odeur de souffre que Zatanna était censée dégagée, ou du fait qu’elle était sur le point de dévoiler son secret à sa comparse d’autrefois, Cléopâtre prit la décision de continuer.

« La mythologie de l’ancienne egypte rapporte qu’en des temps immémoriaux, les Hommes cessèrent de prier les Dieux, révolté Rê, décida d’envoyer son « Œil Divin » sur Terre pour mater la rébellion des mortels.  Cet œil prit la forme de Sekhmet, mi femme, mi lionne, au souffle plus brûlant, que le plus ardent des vents du désert. La déesse en furie, massacra un à un les ennemis les ennemis de Rê, mais comme elle commença à prendre goût à ce carnage, le dieu des dieux fut forcé d’intervenir, il la drogua en lui faisant boire du zythum rouge, rappelant la couleur du sang et l’enferma à nouveau dans son Œil... »

C’est ainsi que  « Œil de Rê » ou encore  « Œil de Sekhmet » fut crée, avant d’être perdue pendant des siècles et des siècles. C’est finalement Cléo, qui l’exhuma lors d’une fouille dans la cité antique de Léontopolis et qui réveilla la fureur de Rê. Petite idiote. S’exclama la lionne, alors que l’archéologue était sur le point de continuer son explication. L’anglaise commença alors à réaliser que bien que l’aigreur de la divinité égyptienne était plus grande et véhémente qu’à l'accoutumée et elle comprit que quelque chose clochait. Quelque chose clochait avec Zee, elle ne semblait pas à l’aise et puis ses phrase de la féline… la brune aux yeux bleus n’était définitivement pas seule. Ne sachant pas vraiment quoi penser et comment réagir, le membre de l’ARGUS garda un air sérieux, presque froid. « Dis-moi Zee, es-tu croyante !?» Après avoir prononcé ces quelques mots, Cléopâtre se sentit extrêmement bête, Zatanna Zatara était la plus grande magicienne du monde, évidemment qu’elle croyait en la magie… Quelle idiote ! Alors histoire de ne pas se ridiculiser, l’européenne prit la décision de clarifier le fond de sa pensée :

« Enfin évidemment que tu es croyante, vu que tu es magicienne… mais je veux dire, est-ce que tu crois qu’il existe, un ou des dieux dans ce monde ? Et je ne parle pas de guignols en leggings comme Batman ou Superman hein...  »

Finalement la Lady de Carnarvon continuait à tourner autour du pot, mais elle connaissait assez bien la Gothamite et savait pertinemment qu’elle était très maline et que ces deux dernières questions, ainsi que sa longue introduction allaient la mettre sur la voie. En espérant que ce qui partageait son corps ou son esprit ne soit pas aussi malin que la magicienne. Quoi qu’il en soit Cléopâtre avala une gorgée de café tout en attendant la réponse de son amie.

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Elle avait à peine posé sa question qu’une légère onde d’énergie fit trembler les tasses sur leur table. Quiconque à proximité doté d’un tant soit peu de magie aurait pu ressentir un léger malaise passager, très bref, en étant traversé par cette étrange vague. En un sens, cela répondait à la question de Zee, parce qu’elle savait que cela ne venait pas d’elle, et que donc ça venait de Cléo. S’il y avait bien une chose dont elle était sûre à son propos, depuis toujours, c’était que Cléo n’était pas magicienne, ne descendait pas d’une famille de magiciens, et n’avait en elle, du moins jusqu’à aujourd’hui, que la spiritualité, l’essence vitale que tous les humains avaient en eux, leur âme, leur vie, qui parfois, pour les plus ouverts d’entre eux, pouvait s’apparenter à un genre de magie, du moins des dons. Ainsi certains d’entre eux sentaient les esprits, pressentaient légèrement l’avenir, avaient un instinct surdéveloppé… Mais ces petits riens n’avaient rien à voir avec ce que Cléo dégageait actuellement. Pendant une seconde, elle oublia momentanément sa situation pour observer plus attentivement son amie. Heureusement, celle-ci finit par lui expliquer en détail quel était son fameux problème. Du moins le contexte. Zee avait vaguement entendu parler de Sekhmet, que ce soit son père, Kent ou même Cléo elle-même qui lui avait raconté cette histoire à l’époque où, petites filles, elles passaient ensemble la nuit sous une couette, à lire les livres du père de Cléo à la lampe torche. Elle ne connaissait pas les détails cependant, et ce que lui racontait son amie avait tous les ingrédient pour une apothéose magique : malédiction ? fléau libéré ? Plus elle parlait, plus le démon en Zee s’agitait, tout excité.

Tout était possible, cependant elle s’interrompit soudain pour lui poser une question si incongrue que Zee éclata de rire. « Croyante en un dieu, tu veux dire ? » Non, Zee ne croyait pas en les dieux, du moins elle ne les considérait pas comme des dieux au sens littéral du terme. En tant que magicienne, bien sûr elle vu de ses yeux que ces « dieux » étaient réels, de même que leurs cultes, leurs folklores et leurs pouvoirs. Mais pour Zee ils n’étaient jamais que des êtres plus puissants que les autres, ce qui leur permettaient de se faire passer pour omniscients et omnipotents, ce qui la mettait hors d’elle. Heureusement, Cléo précisa aussitôt sa pensée. La magicienne secoua doucement la tête. « Ce n’est pas une histoire de croyance pour moi, ou de foi, ou de religion. Je sais qu’il existe des êtres dotés de pouvoirs extraordinaires, et de tout temps il y a eu des hommes pour leur élever un culte et leur permettre de diriger leur vie à leur place. C’est facile, de se faire appeler dieu quand on a le pouvoir de tuer plus faible que soi. Ce n’est pas un choix que de croire, dans ces cas-là. Disons qu’ils existent, que je reconnais leur présence dans ce monde et ailleurs, mais ils n’ont pour moi pas plus de légitimité à se faire idolâtrer que n’importe quelle plante en pot. » Elle essayait de relier la question de son amie à l’histoire qu’elle lui avait racontée sur Sekhmet. Elle a libéré quelque chose. Et le quelque chose l’a parasitée. Elle est des nôtres. Zee faillit rire tout haut. « Des nôtres. » Le démon, lui non plus, ne reconnaissait pas l’existence des dieux, évidemment. Et toute force capable de faire plier l’humanité était un rival, un ennemi et un semblable, pour lui.

Zee ancra son regard dans celui de Cléo comme pour tenter de lire la vérité dans ses yeux. Ou de débusquer la chose dont parlait son démon, qui semblait la voir quand elle ne faisait encore que ressentir. « Qu’est-ce que tu as fait, Cléo ? Tu te rappelles ce que disait ton père quand il nous surprenait en train de faire des trous n’importe où à la recherche de trésors ? » Quelque chose comme « un jour vous ferez un trou de trop et tirerez quelqu’un de son repos ». Zee, enfant, frissonnait toujours en entendant ce genre d’avertissement. Elle y croyait, bien sûr, et imaginait une momie s’arrachant du sable pour l’étrangler… « Tu as trouvé l’Œil ? C’est ça qui t’amène à Washington ? » Porte de sortie, pour son amie. Elle pouvait choisir de faire passer cette histoire comme du simple business. Mais en vérité, c’était trop tard, bien trop tard. L’œil du démon, lui, était fixé sur Sekhmet.

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Howard Beauchamps, fasciné, ou plutôt obsédé par la Malédiction des Pharaons qui avait soi-disant ôté la vie à son grand-père, avait tout au long de sa vie rencontré des tas d’occultistes afin de protéger sa famille et plus précisément son unique fille de cette prétendue magie antique. Par résilience, Cléopâtre avait alors commencé à se construire une âme de sceptique et ce jusqu’à ce qu’elle fasse la connaissance de John Zatara et de sa fille Zatanna. En quelques mois, celle-ci allait devenir une de ses amies les plus chères et réveiller sa conscience magique, l’ouvrir à la spiritualité. Et si la “possession” de Sekhmet ne l’avait pas rendu totalement folle, c’était sans aucun doute à cause ou grâce à ce qu’elle avait pu apprendre au contact de la belle brune aux yeux bleus. Ainsi et même si l’archéologue savait pertinemment que quelque chose ne tournait pas rond du côté de Zee, elle ne pu pas s’empêcher de réagir à l’évocation de son père et de profiter de ce bref moment de nostalgie pour parler de cette drôle d’époque, où elles s’amusaient à jouer aux grandes en fouillant les temples d'Amon, celui d’Horus, Philae ou encore les Colosses de Memnon. Une époque où elle n’était pas encore obligée de subir les caractères de cochon d’Amanda Waller et de la déesse à tête de lionne.

« Mon père… Il a toujours cru que tout comme mon grand-père, j’étais menacée par la fameuse Malédiction des Pharaons, c’est d’ailleurs pour tenter de me protéger de cette dernière qu’il s’est entouré de médiums ou de magiciens comme ton père. C’est d’ailleurs comme cela qu’ils sont devenus amis, que nous sommes toutes les deux devenues amis. »

La curiosité et le courage des deux jeunes filles rendaient leurs pères complètement fou. Se prenant pour des Indiana Jones en jupons, elles allaient et venaient dans les immenses temples antiques à la recherche de trésors ancestraux, mais au final elles ne trouvaient rien si ce n’est quelques morceaux de poteries en terre-cuite. Et avec le recule, Cléo aurait peut-être préféré découvrir un vase brisé, plutôt qu’un dangereux artefact ancien abritant l’esprit de la plus colérique des déesses antiques. « J’ai toujour cru que cette histoire de Malédiction des Pharaons était stupide et que le paranoia avait rendu à moitié fou, mais force est de constater qu’il n’avait peut-être pas tout à fait tort. » Lâcha-t-elle en riant. Car même si Zatanna avait su réveiller en elle une forme de croyance en l'etrange, en la magie, elle n’avait à l’époque pas réussi à la convaincre du bien fondé de ce genre de malédictions. Je n’ai rien à voir avec les pharaons. Grogna Sekhmet… et elle avait raison d’être en colère, puisque même pharaon, dieu parmis les vivant craignait le courou de la Colère de Râ et qu’il implorait sa clémence avant de partir à la guerre.

Mais plutôt que de répondre aux grognements de la lionne, la Beauchamps fixa son amie d’enfance. Se plongeant dans les grands et magnifiques yeux bleus de cette dernière, elle tentait de comprendre ce qui clochait chez elle et pourquoi elle ne la sentait pas comme d’habitude. Tout en touillant son café, la jeune trentenaire prit la décision de provoquer le destin en se confiant réellement à son amie et en lui confiant les raisons de son changement. Peut-être que cela allait déclencher quelque chose et même si elle n’était qu’une amatrice à côté d’une magicienne aussi puissante que Zatanna, Cléo savait qu’elle pouvait compter sur l’invité surprise qui vivait dans ses entrailles et dans son esprit. Même le plus puissant des magiciens se devait de craindre les foudres de Sekhmet. La britannique avala donc une gorgée de café avant de recommencer son histoire :

« Lorsqu’il est partit à la retraite en 2002, il m’a transmis tous ses travaux, là je me suis vite rendue compte que la cité antique de Léontopolis l’obsédait et que quelque chose d’important était caché là-bas. Deux ans plus tard mes recherches m’ont mené dans les ruines d’un temple ancien dédié au Dieu Mahès, le fils aîné de la déesse Sekhmet et entre deux carcasses de lions… j’ai trouvé l’oeil… ou plutôt l’oeil m’a trouvé. »

Car aujourd’hui, Cléopâtre était intimement persuadée qu’elle n’avait pas trouvé l’Oeil de Sekhmet par hasard. Qu’une volonté divine ou qu’une force surnaturelle, un destin céleste, l’avait mené jusqu’à l’étrange artefact à l’origine de ses dons et de son calvaire. La britannique se souvenait encore très bien de sa première rencontre avec la lionne… après cela elle était restée alitée des jours durant sans que les médecins ne parviennent à découvrir le mal qui la rongeait et pour cause, puisqu’en réalité celui-ci c’était avéré être magique et surnaturel. Pour comprendre ce pouvoir elle avait parcouru l’Egypte, puis le monde entier, elle avait même accepté la proposition de cette vieille peau d’Amanda Waller pour intégrer ARGUS afin que les membres de l’Opération NIGHTSHADE puissent l’aider à contrôler son pouvoir et peut-être un jour à se séparer de la déesse féline.

« J’ai libéré Sekhmet, cela fait maintenant plus de quinze ans, qu’elle vit en mois, ou plutôt que je lui sert de réceptacle. Et cela fait au moins de temps que j’étudie la magie de l’ancienne Egypte et que je rencontre des ésotéristes plus ou moins sérieux pour qu’ils m’apprennent à vivre avec ce don… ou cette malédiction... J’aurais pu, j’aurais dû t’en parler avant, mais j’avais peur de la réaction de Sekhmet face à une magicienne aussi puissante que toi. J’avais aussi peur de ta réaction. Mais quelque chose me dit que je ne suis pas la seule à partager mon esprit avec une créature surnaturelle… »

Si elle n’avait jamais perdu contact avec Zatanna, elles ne s’étaient pas vu depuis des années et lorsqu’elles se voyaient c’était généralement assez brièvement. Si la distance et le temps n’avait pas fait disparaître leur amitié, en revanche cela avait permis à la Lady de Carnarvon de dissimuler à la déesse qui l’habitait. Méfies toi de lui… En entendant Sekhmet grommeler, et grâce à “lui”, Cléo eut la certitude que sa comparse de jeunesse n’était pas seule non plus. Mais cette dernière avait plus a faire avec les fantômes, les vampires, les anges et les démons, qu’avec les divinités égyptiennes au sale caractère.

« Nous avons toujours été des casses cous… il fallait bien qu’on finisse un jour dans une pareille situation non ? »

Dit-elle pour lancer une perche a son amie, alors que la déesse Sekhmet elle ouvrit grand ses yeux de félin pour fixer, sonder le coeur et l'âme de la célèbre magicienne qui pouvait certainement sentir le regard brûlant de la divinité sur elle. Qui es-tu ?

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Les souvenirs évoqués par Cléo éveillaient des sentiments nostalgiques en Zee, et elle aurait voulu s’y raccrocher de toutes ses forces, parce que c’était ça, sa vie, c’était cela qui définissait son existence en tant que Zatanna Zatara, magicienne, prestidigitatrice, occasionnellement protectrice des autres. Mais à mesure que les images du passé fleurissaient dans son esprit, elle les sentait se déliter, sentait le démon les grignoter avec voracité pour l’empêcher de s’y accrocher comme à une bouée. Elle avait vendu sa vie en passant ce deal avec lui, elle lui avait abandonné la personne qu’elle était, et il n’avait pas besoin, lui, de l’ancienne Zatanna. Il avait besoin qu’elle soit seule, isolée et sans rien à se souvenir d’avant. Elle pouvait voir sous ses yeux l’image de Cléo, petite fille, qui courait devant elle, ses cheveux volant dans son dos, se dissoudre dans les ombres d’un temple ou d’une pyramide, entendre sa voix volontaire qui la guidait dans les entrailles d’un labyrinthe mourir et disparaître, remplacée par le silence. Comme si désormais tout cela appartenait à la vie d’une autre personne. Mais elle était bel et bien une autre personne, et de toute évidence, il en allait de même pour Cléo. Oh ça oui, qu’auraient dit leurs pères en les voyant ainsi ? La déception, le jugement, une sainte colère paternelle… Mais c’était ainsi, ils n’étaient plus là et elles s’étaient trouvées livrées à elles-mêmes, à commettre des erreurs élémentaires… Dans le cas de Cléo, à l’écouter lui expliquer sa situation, elle avait péché par un trop-plein d’assurance, n’avait pas voulu croire, n’avait pas voulu rester ouverte à la possibilité, même infime à ses yeux, quand elle aurait été évidente pour Zee, que la malédiction était réelle.

Et elle, elle n’avait jamais rien su de cela, malgré les années. C’était une des conséquences de leur éloignement au fil du temps. Comment Zee aurait-elle réagi si Cléo lui en avait parlé plus tôt ? Sans nul doute elle aurait pris le premier avion pour l’Égypte pour aller la trouver et lui proposer son aide, et extirper la déesse de sa personne. Parce que peu importait par qui ou par quoi, il n’était jamais bon d’être possédée. Mais c’était trop tard, évidemment. Ce qui était fait et était fait et aujourd’hui, Zee doutait de pouvoir l’aider compte tenu des circonstances. Car évidemment, son démon trouva l’histoire de Cléo fascinante, et évidemment, il ne demandait qu’à voir les choses s’aggraver, force du chaos qui goûtait goulûment l’histoire de la jeune femme et tentait déjà de titiller Sekhmet par-delà les frontières de leurs corps respectifs. Un sourire ironique étira ses lèvres. « Oui, il fallait bien que ça arrive. Compte tenu des avertissements de mon père et du tien, je ne suis pas vraiment étonnée. » Elle voulait compatir, et à un niveau subconscient elle savait bien que la situation de Cléo était probablement catastrophique. Plus de quinze longues années à vivre avec la déesse… Il y avait peu de chance, après tout ce temps, qu’elle puisse s’en débarrasser sans se causer du tort. Mais elle se sentait aussi aride que le désert où Cléo avait dû déterrer l’Œil. Finalement, en cette seconde, elles étaient comme le reflet de l’autre dans un miroir, si ce n’était que les forces qui les habitaient n’étaient pas semblables, et n’étaient certainement pas faites pour s’entendre, contrairement aux deux femmes qui les portaient en elles. C’était d’une ironie cruelle…

« J’imagine que depuis toutes ces années, tu as essayé de te débarrasser d’elle. Et visiblement tu n’as pas encore trouvé de solution. Tu aurais dû venir me trouver plus tôt. Tu aurais dû… » Mais à quoi bon ? Le passé était irrémédiable. « Mais peut-être que ta situation te convient ? Après tout, j’imagine qu’il y a des avantages à être choisie par une déesse. Je sais le pouvoir que l’on peut y gagner… Comme tu dis, on a toujours été des casse-cous. » Et par là, elle répondait à sa question implicite. De toute façon, elle ne pouvait pas le lui cacher, si Sekhmet était tapie en elle. Et cela facilitait les choses, en quelque sorte, pour Zee. Elle n’en pouvait plus, de faire semblant, d’essayer de se faire passer pour celle qu’elle n’était plus. « Qu’est-ce que tu compte faire ? Ou plutôt, quelles sont ses intentions, à elle ? » Les dieux avaient des ambitions, après tout. Des êtres comme Nabu, ou même Teth Adam, auraient pu répondre à cette question. Le démon en Zee ne voulait qu’une chose, semer le chaos. Et la magicienne ne lutta pas vraiment quand elle sentit son essence infernale lui échapper et s’étirer vers Cléo, s’enrouler autour de son être, se mêler à son aura, tenter, en somme de titiller la déesse, de la déloger de la caverne mentale où elle se terrait. Et peu importait qu’elles soient dans un lieu public, peu importait que cela ait des conséquences inattendues ou que cela cause du tort à Cléo elle-même.

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Alors que Cléopâtre était encore en train d’exposer sa situation à son amie d’enfance, elle ressentit une atmosphère malsaine autour d’elle et commença même à sentir une forte odeur de souffre, odeur que Sekhmet avait déjà évoqué quelques minutes auparavant. Zatanna, avait le même visage, les mêmes yeux bleus incroyables, la même voix rassurante, mais quelque chose était différent chez elle. Depuis le début de la discussion, elle n’avait pas répondu clairement à ses questions, mais Cléo la connaissait assez bien pour savoir qu’elle n’était pas dans son état naturel. La magicienne paraissait changée, différente, inquiétée par quelque chose… quelque chose d’autre que la déesse égyptienne qui restait sur le qui-vive et qui commençait à s’agacer. Mais après plusieurs années de cohabitations, la britannique avait appris à raisonner et à retarder les colères destructrices de la lionne du désert.. Si Zatanna était elle aussi contrainte de partager son corps avec une entité divine ou démoniaque, au vu de ses talents de magicienne et de son héritage, elle devait elle aussi être capable de la contrôler ou au moins de freiner ses pulsions destructrices.

« J’ai été idiote je le sais, mais la peur d’affronter le regard de certaines personnes, ton regard, m’ont poussé à dissimuler ce lourd secret. Néanmoins cela m’a permis d’apprendre quelques tours de magie, même si je suis encore à des années lumières de ton niveau… »

Lâcha-t-elle en ricanant pour essayer de détendre l'atmosphère. En effet même si cette possession l’avait poussé à étudier les textes antiques et la magie de l’ancienne Égypte, Cléopâtre n’avait pas les mêmes facilités naturelles que son amie aux yeux bleus et l’avait toujours admiré pour cela. L’arrivée impromptue d’une déesse égyptienne dans sa vie n’avait d’ailleurs pas changé le respect hors norme qu’elle pouvait  avoir pour la magicienne. Cette cohabitation, si on peut appeler ça ainsi, n’avait d’ailleurs pas vraiment changer la façon d’être de l'archéologue au flegme très britannique qui tentait toujours de garder les pieds sur Terre et de se servir de son “don” pour faire le bien. Même Amanda Waller qui l’avait engagé au sein d’ARGUS n’avait rien d’une bonne samaritaine et qu’elle devait parfois utiliser les dons de l’européenne à des fins purement personnelles.

« Tu sais Zee, si Sekhmet fascinait autant qu’elle terrifiait, c’est parce qu’elle n’a rien d’une créature diabolique, elle n’est ni bonne, ni mauvaise, elle est là pour maintenir l’équilibr des choses et rappeler aux hommes, qu’ils ne sont que des hommes. »

Rê l’avait  d’ailleurs crée pour cela, pour qu’elle punisse les pêcheurs et qu’elle leurs remette les pieds sur terre ! Quel beau portrait, j’en serais presque flattée… Grommela la déesse d’un ton sarcastique, bien que n’étant pas connue pour être d’une agréable compagnie, comme n’importe quelle divinité elle aimait être flattée et complémentée. Mais au même moment Cléopâtre commença à ressentir l’agression, ou tout du moins l’omniprésence de l’être qui partageait le corps de son amie d’enfance. La britannique pouvait désormais sentir la présence d’une créature diabolique et dangereuse dans son espace vitale.

« Et toi alors ? Comment s’appelle la chose qui te torture ? Je suppose que ses intentions ne sont pas positives… mais il fallait bien que quelque chose ruine nos retrouvailles malheureusement…  »

Si elle se doutait de quelque chose depuis le début de leur conversation, Cléo était désormais sûre que quelque chose de mauvais tournait autour d’elle et que la situation pouvait très bien dégénérer ce qui la désolait totalement. Pourquoi fallait-il que des entités cosmiques viennent interrompre ses retrouvailles avec Zatanna ? Elle se serait bien passée de tout cela !

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Évidemment, objectivement parlant, Zee pouvait comprendre le point de vue de Cléo. Elle aussi avait été idiote, elle aussi avait craint le regard des autres. Dès le moment où elle avait décidé de mener à bien le projet immensément stupide d’invoquer un démon pour lui venir en aide, à la seconde où elle avait accepté son offre, à l’instant où elle avait vu la marque démoniaque sur sa peau, elle aurait dû en parler. En plus, ce n’était pas comme si elle n’était pas entourée de personnes capables de comprendre son problème et pourquoi pas de l’aider, contrairement à Cléo qui en la matière était néophyte. Zee avait eu mille occasions d’en parler à mille personnes et elle ne l’avait jamais fait pour d’obscures raisons d’orgueil, de fierté, d’image… Parce qu’elle était celle, de toute sa clique de tordus, à ne pas faire ce genre de chose, justement, parce qu’elle était celle qui donnait les sermons, écoutait les confessions, essuyait les larmes et arrangeait les choses, et en plus, cerise sur le gâteau, ne jugeait pas, enfin pas trop, en tout cas pas trop longtemps. Elle n’était pas celle qui faisait ce genre de connerie. Alors comment aurait-elle pu en parler, à quiconque ? Et surtout, comment aurait-elle pu affronter le regard de celui pour qui elle avait commis l’indicible ? Cela faisait des années qu’elle se laissait habiter par cette colère familière et rassurante contre lui, qu’elle alimentait justement parce que lui était du genre à passer des pactes avec des démons, et voilà qu’elle faisait pareil… Oui, c’était l’orgueil qui l’avait retenue, et si elle ne savait pas quels sentiments avaient agité Cléo, elle pouvait comprendre pourquoi elle aussi s’était tue.

Mais cela n’avait de toute façon aucune importance. Le monde avait de la chance, en quelque sorte : Sekhmet s’était trouvé une hôte de qualité. Il y avait quantité d’humains sur cette planète qui se seraient empressés d’utiliser les dons de la déesse pour plonger l’humanité dans les flammes, mais heureusement, c’était Cléopâtre Beauchamps qui avait hérité de ces pouvoirs. Et oui, la déesse n’était pas un démon. De tout ce qui aurait pu trouver refuge dans le corps de son amie, Sekhmet n’était pas la pire des choses. Tout dépendrait de ce que Cléo en ferait et de combien de temps elle pourrait la contenir, de comment se passerait la cohabitation. C’était comme un bête flingue. Le flingue en lui-même n’était pas mauvais. Il était potentiellement mauvais, mais tout dépendait de qui le tenait. Cela, c’était la pensée de la magicienne. Et le démon pensait comme elle, mais contrairement à elle, ne voyait pas d’intérêt à ce que la déesse soit ainsi contenue quand elle aurait pu prendre le dessus et semer le désordre. Sans même s’en apercevoir, Zee posa la main sur le bras de son amie. « Toutes les entités de ce monde et d’ailleurs te diront que nous, les humains, ne sommes que leurs jouets, leurs vaisseaux. Ce sera à toi de prouver le contraire à ta partenaire. » Déloger la déesse de Cléo, c’était probablement possible. Cela la tuerait sûrement, aussi. Alors, à quoi bon ? La vie humaine était courte et quand Cléo mourrait, Sekhmet serait libre de se trouver un autre véhicule. En attendant, elle devait laisser à Cléo le loisir de vivre son existence.

Zee serra sa prise sur le bras de son amie et sentit sa magie se soulever, lui échapper sous l’influence du démon qui poussait, poussait pour tenter d’atteindre Sekhmet. « Ne me demande pas son nom. Je ne peux pas te le dire. » Elle murmurait désormais. Le véritable nom des démons était la première de leurs faiblesses. Un bon exorciste pouvait renvoyer un démon en enfer rien qu’avec son nom. Autour d’elle, le vent s’était levé, faisant crier les gens qui ne comprenaient pas pourquoi une telle brise soufflait en intérieur. « ertnoM-iot, temhkeS. » Cela aussi, ça lui avait échappé, mais voilà qu’elle appelait la déesse, s’insinuait dans l’esprit de Cléo pour repousser celui-ci et laisser à Sekhmet un moyen de venir à la surface, et pourquoi ? Zee elle-même n’en savait rien, elle savait que c’était dangereux, pour tout le monde, mais en elle, le démon exultait. La magicienne se leva alors que le vent leur tournait autour, comme si Cléo et elle était dans l’œil du cyclone. « Non. Pardonne-moi, j’aurais mieux fait de partir, nous ne devons pas… » Mais elle était paralysée, aussi forte soit son envie de partir avant que les choses dégénèrent, le démon, lui, voulait qu’elle reste, rien que pour voir les conséquences de son petit tour de magie sur Cléo et sur Sekhmet.

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Après quelques longues minutes Cléopâtre comprit que quelque chose clochait, qu’un risque planait sur elle mais qu’en plus de cela elle mettait la population de Washington D.C en danger. Malheureusement la britannique réagit trop tard, et son amie d’enfance apparemment possédée par une force démoniaque extrêmement puissante, utilisa ses pouvoirs pour réveiller la déesse égyptienne qui jusque là était parvenue à se contenir. Une puissante lumière commença à éblouir la dangereuse magicienne qui put alors apercevoir à travers les rayons de soleil, une femme à tête de lionne, imposante, terrifiante, qui ne tarda pas à rugir. Un rugissement qui retentit dans les rues de la capitale américaine, faisant ainsi fuir les passants, déjà effrayés par les vents puissants qui soufflaient depuis plusieurs minutes. L’eau de la fontaine d’intérieur située à quelques mètres des deux jeunes femmes se transforma alors en sang, le débit augmenta soudainement, au point que l’hémoglobine se mis à déborder du bassin et à se répandre sur le carrelage, créant encore plus la panique dans la petite librairie.

« Va-t'en de devant moi ! Garde-toi de revoir mon visage, car le jour ou tu verras mon visage... tu mourras ! » Inutile d’être devin pour comprendre que la voix qui prononça ces quelques mots, n’était pas celle de Cléopâtre qui n’était déjà plus là depuis quelques secondes, mais bien celle de la divinité égyptienne qui avait été presque à se dévoiler par le démon qui possédait la fille de John Zatara. L’instant suivant, des taons et des mouches envahirent le périmètre, piquant, harcelant les pauvres badauds encore présents aux alentours…

« Alors fuis, laisses moi, misérable parasite, je suis la Colère de Râ, celle qui étanche sa soif dans une rivière de sang, d’un simple geste de main je fais et défais les dynasties, ma clémence a fait naître 1001 Empires, ma colère en a détruit un millier… »

Quelques secondes plus tard taons et mouches furent chassés par une nuée de sauterelles et de criquets qui se se rassemblèrent autour des deux amies d’enfances pour tournoyer autour d’elle et plus spécialement de la belle brune aux yeux bleus. Repoussée par la colère de la déité féline, Cléopâtre lutta avec la chaleur de son esprit pour tenter de reprendre le dessus et apaiser la colère de Sekhmet. Les années de cohabitations avaient permis à l’anglaise de saisir le mode de fonctionnement de sa drôle de colocataire, au fond elle savait que malgré sa cruauté et son impulsivité, la lionne n’avait rien à voir avec l’entité qui possédait Zatanna. C’est pour cela qu’elle luttait pour revenir à elle et calmer la Colère de Rê avant que cette dernière n’attire l’attention d’Amanda Waller ou d’un quelconque super héros en collant et ne cause la mort d’innocents.

« Œil de sang, ventre amer. Air léger sur l’eau claire. Le Nil discret paisiblement va, impavide et éternel. Ô toi lionne cruelle, j’implore ton pardon, je t’offre mon sang, pour qu’encore vivent la Terre et le Ciel. »

Cette voix était bien celle de Cléopâtre, qui quelque secondes après sa diatribe, se coupa la paume avant de laper le sang qui en coulait. C’était une façon, comme une autre d’apaiser la créature qui sommeillait en elle… L’européenne espérait cependant que ce tour de force avait impressionné voir même effrayé l’être qui contrôlait la Gothamite car elle n’était pas sûre de pouvoir la contenir encore bien longtemps.

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Aussi alarmée soit-elle par ce qu’elle avait déclenché, Zee ne pouvait s’empêcher de sentir la satisfaction intense du démon s’insinuer en elle. Une partie de sa conscience cherchait déjà comment désamorcer cette situation quand l’autre ne demandait qu’une seule chose : encore, plus de chaos. Autour d’elles, les gens s’étaient écartés, les plus intelligents s’étaient enfuis en courant quand d’autres avaient dégainé leurs téléphones pour filmer la fontaine dont l’eau s’était transformée en un flot bouillonnant de sang. Encore une vidéo qui finirait sur Youtube pour le plus grand bonheur d’Amanda Waller, alors que ce n’était certainement pas le moment d’attirer son attention. Zatanna était certaine de voir débouler un agent de Nightshade dans la semaine à venir. Mais elle avait plus urgent à penser. Elle voyait la silhouette à tête de lion se superposer à Cléo. Ses paroles n’avaient rien d’une nouveauté pour Zee, elle avait déjà eu affaire à des divinités égyptiennes, de première main. Tous les dieux, quels que soient le folklore dont ils étaient nés, avaient ceci en commun qu’ils pensaient qu’on leur devait tout. Zatanna détestait ça, mais ce n’était certes pas le moment de donner une leçon d’anti-prosélytisme à Sekhmet, qui n’en aurait de toute façon cure. Laisse-la faire. Elle ne peut rien contre nous. La magicienne fut parcourue d’un frisson. Cette façon qu’il avait de s’adresser directement à elle comme s’il était physiquement logé dans sa tête était toute récente et témoignait de l’imminence du cataclysme. Bientôt, il supplanterait sa conscience, et elle, alors, que deviendrait-elle ? Elle s’évaporerait dans le néant…

Mais pas encore. Zatanna décida d’ignorer les insectes qui fondaient sur les rares badauds encore dans le coin – d’abord, cela leur apprendrait peut-être à avoir plus d’instinct de survie la prochaine fois, et puis les taons et les mouches n’étaient pas un danger mortel. Il fallait qu’elle garde la tête froide. Un nuage de sauterelles les entourèrent toutes deux. Un mot à l’envers franchit ses lèvres et ses yeux luisirent fugitivement, et la tempête de sauterelles se transforma en une tempête de feu alors que les bestioles brûlaient et tombaient par terre autour d’elles. « C’est tout ce que tu peux faire ? Tes mille et un empires appartiennent aux livres d’histoire depuis longtemps, Sekhmet. » Le démon exultait. Il considérait la déesse comme une antiquité, quand lui était le présent, destiné à perdurer aussi longtemps que les humains existeraient, et même bien après eux. Les déités dépendaient de ceux qui croyaient ou avaient cru en eux, mais pas les démons. Et c’est avec un certain plaisir que Zee observa Cléo reprendre le contrôle de la situation, au grand dépit du démon qui la poussa à l’en empêcher. La magicienne observa le centre commercial désert, les chaises renversées, le sang qui souillait le sol autour de la fontaine qui de nouveau crachouillait de l’eau, les coquilles calcinées des sauterelles et les quelques mouches qui voletaient encore de ci de là en cherchant la sortie… Le chaos.

Elle reporta son attention sur Cléo. « C’est comme ça que tu la contrôles ? Un jour, elle ne se satisfera plus de ton seul sang. » Elle savait que la déesse détesterait ce mot, « contrôle », et c’était pour ça qu’elle n’avait pas pu s’empêcher de le prononcer. Mais au-delà de la provocation, elle ne faisait que dire la vérité. Elle voyait mal Sekhmet se contenter de ça. Zee esquissa un petit sourire. « Si tu la libérais, si tu la laissais faire ce qu’elle veut, elle te libèrerais probablement en retour. » Elle était là, la solution la meilleure pour tout le monde – enfin, pour Sekhmet et pour Cléo si celle-ci voulait survivre à leur séparation. Pour le reste du monde, évidemment, c’était une autre histoire. « Si j’étais toi, c’est ce que je ferais. Je retournerais en Égypte et je la rendrai à sa terre. » Oh, il y aurait bien un superhéros en collants qui réussirait à trucider la déesse avant qu’elle n’ait détruit la totalité de l’humanité.

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