If I die young bury me in satin (wally, bart)

Wally,  Bart &
Barry

Les jours s'étaient succédé en se ressemblant. Depuis qu'il était rentré de New Themyscira, Barry avait l'impression de vivre sa vie en la regardant passer depuis le banc. Il n'y prenait ni aucun plaisir, ni aucune satisfaction. Il se contenait presque de seulement suivre le courant. La seule chose qui le faisait se sentir vivant était l'incroyable fatigue qui avait assiégé son corps. De ses os à ses cellules, soudainement il se sentait vieux, presque deux fois son âge. Et ce même si son apparence restait inchangée. Ou presque. Il y avait bien ces cernes noirs sous ses yeux qui attestaient de son état de santé. Et elles commençaient à attirer l'attention de ses collègues. Leurs inquiétudes, le scientifique les balayaient avec un léger signe de la main et un petit sourire. Il allait bien, ils devaient le croire. De toute façon, ce n'était pas comme si l'homme aurait pu leur expliquer ce qui se passait. Il aurait été pris pour un fou. Et puis... il avait une excuse : Terre IV. Même si cela le rebutait un peu de les laisser croire quelque chose de faux – ou de presque faux car les souvenirs de cette terre maudite tournaient encore en boucle dans sa tête -, cela lui semblait mieux que l'alternative. Il ne pouvait décemment pas arriver un matin et déclarer à tout un commissariat qu'il était Flash et qu'il était malade. Il serait pris pour un fou. Un dément. Quelqu'un qui avait fini par craquer sous la pression. Ou pire encore quelqu'un le croirait. Après tout, Flash ne déambulait en ce moment plus dans les rues de la ville et Barry pour une fois n'était plus jamais en retard ou obligé de s'absenter en inventant une histoire à dormir debout. Le héros était certain que ce détail , même si infime, ne passerait pas inaperçu auprès des policiers les plus chevronnés. Déjà qu'il se demandait souvent comment personne n'avait encore deviné.

Pour aujourd’hui cependant, Barry était chez lui. En congé forcé. Il fallait croire que le capitaine Singh avait eu marre de le voir errer comme un fantôme au milieu de son équipement, voletant sans aucune concentration entre les affaires qui demandaient son attention. Son esprit était si préoccupé, si ailleurs, que faire son travail était devenu une corvée. Quelques joues auparavant, aller au poste avait été une bouée de sauvetage. La normalité au milieu du chaos de sa vie. Mais même ça aujourd’hui lui avait été enlevé. Et Barry savait qu'il allait devoir se ressaisir. Sous peine de se faire virer. Autant dire, qu'il n'avait pas besoin de ça.

Cependant, il n'y arrivait plus. Sa fatigue était constante et ses soucis étouffants. Pire, il se sentait physiquement bien plus faible qu'il n'osait se l'admettre. Car si il se l'admettait tout deviendrait si réel. Quand même bien il le faisait, il n'avait pas de solution à son problème. Et pourtant, il avait cherché. Sans succès. L'homme était dans une impasse. Et il ne savait comment s'en sortir. Alors aux pieds du mur, il avait finit par appeler à l'aide. Quelque chose qu'il aurait du faire plus tôt. Bien plus tôt. Sa pudeur l'avait cependant retenue. Ou alors était-ce son arrogance ? A vrai dire, il ne savait plus. Probablement, y avait-il un peu des deux. Jamais Barry n'avait souhaité être un poids. Ni pour les autres membres de la Justice League ni pour les membres de sa plus proche famille. Être seul lui avait cependant rappeler la définition de ce dernier mot. Il avait du alors admettre qu'il ne se comportait pas comme un membre de cette dernière. De plusieurs pression de ses doigts sur les touches de son téléphone, il avait donc envoyé deux messages. Un à Wally et à un Bart.

Assis sur son canapé, à attendre leurs arrivées, il arrivait presque à se rendre fou. Ce n'était pas tout de leur dire qu'ils avaient besoin de les voir. Maintenant, il allait devoir se mettre à table. Il allait devoir leur dire ce qu'il avait caché jusqu'à présent. Sur cette autre Terre, il avait promis à Wally de tout lui dire et il avait failli à sa promesse. Du moins jusqu'à maintenant. Néanmoins, la perspective de se mettre ainsi à nu le terrifier. Que penseraient-ils de lui ? Seraient-ils en colère. A leur place, il serait furieux. Il le savait. A ce titre, il était donc prêt à subir leurs courroux. Il ne chercherait pas à les arrêter car il savait déjà mériter tous les mots qui pourraient sortir de leurs bouches. Bien sur, et ce en connaissance de leurs caractères, il y avait de fortes chances pour qu'aucun deux n'explose. Qu'ils abordent la situation le plus calmement possible. Cette seule pensée suffit à gonfler son cœur de joie mais surtout de fierté. Barry avait de la chance dans son malheur et il en était conscient. Il avait à ses côtés une fine équipe. Un neveu et un petit fils – un fait qui le laissait encore et toujours perplexe. Dommage qu'il l'avait pendant un temps oublié. Il ne lui restait plus qu'à se montrer digne de ces hommes formidables. Même si cela devait être la dernière chose qu'il faisait de sa vie.

Wally,  Bart &
Barry

Anxieux, triturant ses mains, l'homme attendait. Par chance, les deux jeunes hommes se montrèrent réactifs et il n'eut guère à attendre longtemps avant de les voir arriver l'un après l'autre. Un léger sourire au lèvres malgré le sérieux de sa situation, il retourna leurs étreintes chaleureuses. Au fond, il ne pouvait s'empêcher de profiter de ces moments de tendresse entre eux. Des moments qui pouvaient bien être les derniers. De ses yeux bleus fatigués, Barry les regarda se saluer, grand sourire aux lèvres. Et ce même si il n'avait pas manqué de dénoter l'anxiété qui semblait courir dans le corps de Bart. Se pouvait-il qu'il sente ce qui se trame ? Sans pouvoir mettre un nom dessus ? Après tout, Barry était son ancêtre direct. Si il mourrait, Bart cessait d'exister. Jusqu'à présent, il avait supposait que si il était encore là, cela voulait dire que tout finissait par s'arranger. Mais dans le fond, Barry savait que le temps ou plutôt l'espace continuum n'était pas une boucle fermée. Non, tout y était tellement plus compliqué. A un point que en comprendre la logique devenait parfois un vrai casse-tête. Dans tout cas, rien n'était jamais écrit dans la pierre et tout pouvait changer. Tout pouvait se briser. Et des vies pouvaient être détruites ou perdues à jamais. Une grande responsabilité qu'ils avaient entre les mains. A cet instant précis, il ne put qu'en ressentir le lourd fardeau sur ses épaules. Sa vie à ses yeux n'avaient que peu de valeur. Il était préparé depuis longtemps à mourir. Mais savoir qu'il précipiterait hypothétiquement la mort de Bart avec sa chute lui laissait un goût amère dans la bouche. Le voir disparaître n'était pas ce qu'il voulait.

Lorsqu'ils s'installèrent, Barry resta un moment silencieux, à les regarder à tour de rôle. Il s'en voulait presque d'avoir à briser leur bonne humeur. Il ne pouvait cependant plus faire demi tour à présent. Il n'en allait pas que de sa propre existence. De plus, il avait suffisamment fait l'autruche. Peut être même trop. Un refus d'aide qui, il le savait, pouvait avoir des répercussions catastrophiques. Cette pensée suffit à colorer son regard d'amertume et de tristesse. Qui avait-il condamné avec son arrogance ? Si il pouvait appeler ça ainsi. Avec un soupir, Barry passa une main dans ses cheveux blonds et chercha ses mains. «  Il n'y a pas de bonne façon de le dire donc je vais juste le dire. Je vous prie de ne pas m'interrompre » souffla t-il finalement en brisant finalement le silence entre eux. «  Je suis infecté par la negative speed force de Thawne » déclara t-il, sa voix étrangement forte et compréhensible malgré l'anxiété et la peur qui lui nouaient les entrailles et la gorge. «  Au début, je pensais pouvoir gérer ça tout seul » continua t-il, en baissant la tête honteux sur ses doigts entortillés, «  mais la vérité c'est que je n'y arrive pas » admit-il. «  Plus les jours passent et plus je me perds » continua t-il avec le même timbre de voix. «  Vous avez du remarquer si vous suivez un peu les quelques informations qui vous parviennent que Flash a disparu. Aujourd'hui, je ne peux plus utiliser mes pouvoirs sans mettre en danger les gens autour de moi. Je crée des tranchées dans le sol quand je cours, dégage une énergie destructive à chaque pas et blesse les citoyens plus que je ne les sauve ». Cette fatalité, il avait pu largement la constater sur Terre-4. Ses nouveaux pouvoirs le paralysaient. Physiquement comme mentalement. Lui qui avait toujours juré de faire le bien, lui qui se battait pour la justice, était aujourd'hui une source de malheur. Thawne qui ne cherchait qu'à le détruire avait probablement finalement trouvé le moyen de le faire. Car toute cette histoire tait bien partie pour lui coûter sa santé mentale. Si ce n'était tout simplement sa vie. « Je crois que je suis en train de mourir » lâcha t-il d'ailleurs ; bien conscient de la bombe qu'il venait de lancer entre eux. Et le silence qui suivit sa déclaration fut une cacophonie presque insoutenable. «  Je suis désolé » termina t-il finalement. Rassemblant le peu de courage qui lui restait encore, Barry releva la tête et osa croiser leurs regards. Estomaqués, éberlués, les deux jeunes gommes avaient perdus toutes leurs couleurs. « Je suis désolé » répété t-il d'une voix à présent moins bien assurée. Odieuse était la révélation et odieuse était la sensation qu'il avait d'avoir brisé leurs innocences. Et même si ce n'était pas le cas, ses paroles avaient en tout cas eut pour effet d'aspirer tout l'air chaud de la pièce. Et dans son sillage, elles ne laissèrent que de la glace.

Wally,  Bart &
Barry

A la fin de ses explications, Barry ne se sentit pas libéré d'un poids. Bien au contraire, il avait l'impression que le poids de ses révélations pesait encore plus fortement sur ses épaules fatiguées. Et les réactions diverses qui suivirent ses propos ne vinrent pas alléger son fardeau. De ses yeux bleus éteints, il suivit le trajet de Wally à travers la pièce. Il regarda le jeune homme s'appuyer contre les rebords de son évier, une enclume invisible lui faisant courber l'échine. Finalement, le jeune adulte craqua et le cœur de Barry se fissura un peu plus à l'écoute de ses sanglots. Wally s'affaissa, disparaissant à sa vue car caché par l’îlot de sa cuisine. Pour autant, l'homme devinait aisément sa position et le soubresaut de ses épaules. « Tu peux pas mourir, Barry. T-t’as pas… p-pas le droit… pas le droit.. ». L'intéressé baissa la tête, écrasé par la culpabilité. Malheureusement mourir n'était pas un choix. Du moins pas dans ce scénario. Le natif de l'Iowa aurait aimé se lever pour aller le consoler mais ne trouva pas en lui le courage de se lever pour le rejoindre. De toute façon, la colère qui s'échappa de la bouche de Bart suffit à le laisser coller à son siège. Le garçon était en colère. Si furieux que Barry le voyait très nettement trembler de rage. Et pour une fois, la speed force n'était pas à blâmer. Dans ses yeux dont la couleur était si proche de la sienne, il décela sa peine, sa souffrance mais aussi de la haine. Et ça plus que tout lui coupa le souffle. Jamais  n'aurait-il pensé lire quelque chose d'aussi négatif dans les yeux de son petit-fils et surtout jamais n'aurait-il pensé en être la cible. La cause. Il ne pouvait pas nier le mériter. Au moins un peu. Barry avait merdé. Il n'y avait pas d'autres mots. Aujourd'hui, il se devait de ramasser les pots cassés. Aujourd'hui, il ne pouvait que se haïr lui-même pour la souffrance qu'il imposait aux autres. Décidément, cette fois-ci Thawne avait bien réussi son coup. Ce n'était plus qu'une question de temps avant que Barry soit définitivement mis à l'écart de son groupe, abandonné par ceux qu'il aimait le plus au monde. Et si Eobard avait été l'élément déclencheur, il n'en restait pas moins que seul Barry était à blâmer pour la position dans laquelle il les avait tous plongé. Un homme très sage avait après tout dit un jour que l'homme était son propre ennemi. Sa propre Némésis. Il n'y avait jamais plus dévastateur pour une personne qu'elle-même. Une théorie qui ne faisait que se vérifier encore une fois.

« Comment tu peux faire ça, Barry....? Nous annoncer ça, comme ça...? Tu-tu peux pas partir, j'ai pas remonté dans le temps pour te voir mourir. J'ai besoin de toi (...) On a besoin de toi Barry ! » Malgré son ton sec et accusateur, la supplication était évidente. Démuni, l'homme ne put qu'esquisser un sourire triste.  Avoir besoin de lui ? Non, cela faisait bien longtemps qu'ils n'avaient plus besoin de lui. Il étaient jeunes et avaient besoin d'un guide mais ils transcendaient déjà ce qu'il était. Barry n'avait aucune incertitude quant aux choses extraordinaires que les deux jeunes hommes arriveraient à faire. Sa propre vitesse ne serait qu'une blague à côté. Pour le côté familial, Barry ne pouvait que savoir combien la perte était quelque chose de difficile. Difficile mais pas insurmontable. Si il venait à disparaître, ils s'en remettraient. De cela, il en mettait ses mains à couper. Bart et Wally avaient un système de support bien plus développé que celui auquel il avait eu accès. La mort de sa mère, l'emprisonnement de son père, Barry y avait fait face seul. Et il s'en était sorti. Et pas trop mal d'ailleurs si il pouvait se lancer quelques fleurs.

Malgré tout, il ne souhaitait pas les priver de la vie de leur proche – et ce même si le choix ne résidait pas réellement entre ses mains. Lui aussi voulait vivre. Lui aussi voulait finir de les voir grandir. De les voir se marier peut être et d'avoir des enfants. Des arrières petits enfants dans un cas... si ce n'était pas bizarre comme notion. Bien sur, c'était sans toucher à ses propres envies. A son rêve de fonder sa propre famille. Si Bart était encore là, il y avait encore de l'espoir non ? Ce fut à cette pensée que le trentenaire décida de se raccrocher. «  Pour le moment je suis encore là » souffla t-il alors, refusant soudainement avec un regain de courage de se laisser submerger par le désespoir. «  Alors on va trouver une solution ensemble d'accord ? ». Après tout, c'était bien pour cela qu'il les avait fait venir : demander de l'aide. Voilà qui était chose faite, bien que de manière un peu détournée peut être. «  Et si jamais... si jamais cela ne se passait pas comme prévu, je ne cesserai pas pour autant de vous accompagner » recommença t-il, s'obligeant à poser toutes les perspectives sur la table, « je serais toujours là » continua t-il en appuyant de son index sur sa tempe pour signaler les souvenirs, «  et là aussi » termina t-il en abaissant son doigt jusqu'à son propre cœur.

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