Keep calm and kill them all || Conner

keep calm and kill everyone

L’air tiède giflait ses joues et rabattait ses cheveux en arrière dès qu’elle se tordait le cou pour vérifier que ses poursuivants ne la rattrapaient pas. Dans d’autres circonstances, elle aurait vachement apprécié cette petite escapade sur Rhode Island. C’était bien mieux que Rhodes Island, là où elle avait voulu aller à la base, mais en discutant avec un sans-abri dans le métro de New York, ce dernier l’avait convaincue de venir visiter ce petit endroit paradisiaque. Le ciel était bleu, l’air doux, les embruns de la mer laissaient un goût de sel sur ses lèvres et en arrivant avec Mercury sous le bras, elle s’était dit qu’elle pouvait bien prendre racine ici quelque temps, littéralement. Se refaire une santé, vu qu’elle n’était pas au mieux de sa forme, faire un peu de photosynthèse, tout ça. En marchant dans les rues, elle n’avait croisé que des familles, des couples, des groupes d’amis joyeux, des tas de jeunes, et tout le monde avait l’air ravi pour une raison obscure. Si ce n’était que le décor était chouette, quoi. Et en plus, elle avait joué un peu de guitare au coin d’une rue pour tester l’ambiance et s’était fait assez en une heure pour acheter un hot dog à Mercury – les gens du coin n’étaient pas des radins. Mais ensuite, tout était parti en vrille à cause d’un stupide quiproquo. Elle était en train de massacrer Maggot Brain devant un magasin de télévisions au point qu’elle s’attendait à tout moment à voir Eddie Hazel sorti de sa tombe à l’autre bout du pays et ramper vers elle pour la supplier d’arrêter de sa main squelettique quand son rare public avait braqué les yeux dans un bel ensemble dans son dos, et Merc avait attiré son attention d’un aboiement bref. En se retournant, elle avait vu sa tête répliquée dans les écrans de télévision : apparemment, elle était recherchée.

Mais aux chiottes les détails. Tout ça était une injustice totale et maintenant elle fonçait sur un vespa bleu layette pourri dont elle avait délesté un étudiant qui lui était passé devant au moment où les flics de cet endroit idyllique étaient arrivés. Un coup de genou dans le ventre de l’étudiant plus tard, elle avait enfourché le scooter, son étui à guitare dans le dos, Merc entre ses jambes, et elle fonçait dans les rues de Happy Harbor en grillant les feux rouges et en roulant sur les pieds des passants qui traversaient devant elle, poursuivie par deux voitures de flics. Elle soupçonnait que c’était tout ce que la ville possédait, en termes de forces de l’ordre. Qu’est-ce qu’elle avait fait pour mériter ça ? Absolument rien de mal. Un crime selon les lois humaines, mais pas plus que les crimes qu’avaient commis ceux qu’elle avait tués à Lake Long, en Louisiane – des pollueurs, des menteurs, des assassins eux aussi. Aux yeux de Tefé, leurs méfaits, qui duraient depuis des années, n’étaient pas plus horrible que ce qu’elle leur avait fait. Mais ça apparemment, pour les humains, c’était trop dur à comprendre. « DÉGAGE, LA VIEILLE ! » Elle frôla une mémé sur un passage piéton et l’entendit se casser la gueule mais continua sans se retourner. Devant elle, elle avisa un parc où elle s’engagea sans ralentir, forçant un couple d’amoureux à se jeter par terre. Derrière elle, les voitures de flics, trop larges pour franchir le portail, durent s’arrêter, et les types poursuivre à pied. Ah ! Elle ralentit l’allure et ferma les yeux, le nez en l’air, pour goûter l’odeur végétale qui régnait dans le petit par cet écouter le frémissement du feuillage des arbres qui saluaient son passage. Merc la ramena à la réalité d’un aboiement. En se retournant, elle vit que deux flics à cheval avaient pris la relève. Sans déconner ! Des flics à cheval, ça existait vraiment ! Elle accéléra de nouveau, mais il y avait de plus en plus de mon dans ce parc, bordel !

Des tas de gens s’étaient réunis sur les pelouses, et il y avait des genres de stands, des bannières, des gosses qui couraient partout, des bulles de savon géantes dans l’air, bref : il y avait un événement organisé ici, pfff, ici ! Ils se sentaient vraiment obligés de piétiner l’herbe verte et grasse pour, quoi, quelle bonne cause à la con ? « Bouge de là, bouge de lààààààà ! » Comme le gamin d’une dizaine d’années qu’elle failli écraser se mettait à pleurer, elle se retourna pour hurler : « De toute façon on va tous crever dans pas longtemps alors endurcis-toi ! » C’est vrai, quoi… Le monde était tout pourri, après de longs mois d’absence humaine – enfin, pourri pour les humains – et même s’ils reprenaient rapidement du poil de la bête, Brainiac allait se pointer pour finir le travail, alors à quoi bon gonfler des ballons, récolter de l’argent et faire des frites dans un parc ? Puis une silhouette de plus se dressa devant elle et elle klaxonna comme une démente pour la faire s’écarter, mais la montagne ne bougeait pas et… « Merde merde merdemerdemerde ! » Elle pila et s’arrêta à deux centimètres de la personne qui se tenait sur sa route. Pas pour le bien du gêneur, mais pour le sien. Tenté de rouler sur Conner Kent, c’était comme essayer d’abattre un mur. Elle posa un pied par terre et leva le nez vers lui. « Hey, salut toi ! Qu’est-ce que tu fais là ? » Il était entouré de marmots et de quelques personnes, apparemment elle avait interrompu quelque chose… Puis des cris et un bruit de sabots retentirent dans son dos. « Oh, pas le temps de discuter ! On a des ennuis ! Monte, on se casse ! » « On » a des ennuis… Mais elle entendait bien être obéie, d’ailleurs, elle redémarra en trombe, de toute façon, il n’y avait aucune ceinture de sécurité à attacher.

Codage par Libella sur Graphiorum

keep calm and kill them all

Tefé Holland & Conner Kent

◊ ◊ ◊

Encore une comparaison établie entre l'homme d'acier et sa réplique à moitié humaine. Cela fait quatre ans qu'il s'est présenté au reste du monde en tant que justicier, mais ceux qu'il sauve continue de lui faire regretter d'être le seul membre de la Maison des El à ne pas porter de cape. L'habitude fait qu'il parvient heureusement à étouffer un grognement d'agacement. Puis lui-même sait qu'il est mal vu de râler quand on est venu pour égayer la journée des autres. C'est ce que Superboy n'a pas arrêté de faire depuis son retour de Smallville. Il voyage à gauche et à droite, là où sa présence peut être utile pour soutenir les différentes œuvres caritatives qui aident le monde à se remettre des manigances de Brainiac. Il n'a pas eu à se déplacer bien loin aujourd'hui puisque l'événement auquel il participe se déroule à Rhode Island. Il agit donc en terrain connu tout en étant entouré de certains visages locaux avec lesquels il a déjà eu l'occasion de collaborer par le passé. Tout se déroule à la perfection comme prévu durant plusieurs heures, puis les rires que l'ancien cobaye perçoit des kilomètres plus loin se métamorphosent en cris de colère quand ce ne sont pas des injures qui fusent de temps en temps. Une voix se distingue parmi toutes celles qui hurlent, une voix qu'il reconnaît, qui plus est, mais le déni le pousse à penser qu'il doit y avoir méprise. La source de tout ce grabuge se déplace constamment, mais l'hybride réussit finalement à la repérer quand celle-ci s'approche dangereusement de sa position. Et de celle d'une bonne centaine de civils par la même occasion. Tefé. Son cerveau est tellement concentré à chercher pourquoi des policiers à cheval la pourchassent qu'il en oublie de bouger quand elle manque de peu de lui rentrer dedans. Pas elle, pas maintenant.

Il suffit d'observer la grimace que fait le clone pour comprendre à quel point le crissement des pneus, lié au freinage brusque de l'engin à deux roues, affecte sa super-ouïe. Le mix avec les cris apeurés de quelques civils forme la plus dangereuse des mélodies pour ses esgourdes sensibles. Quelle entrée catastrophique. Et ne parlons même pas de la façon de la jeune femme de le saluer. « Je te retourne la question : toi, qu'est-ce que tu fous ici ? » Surprise et fatigue se mélangent dans sa voix. Tefé est une personne sympathique - particulière, mais sympathique quand même - dont chacune de ses apparitions non-planifiées est toujours synonyme de problème. Superboy attend encore le jour où leurs routes se croiseront sans que personne ne la suive avec l'intention de l'arrêter ou, pire, de la tuer. Il n'y a pas à dire, la demoiselle est encore plus douée que lui pour entrer en conflit avec les autres. Puisque les embrouilles de Miss Holland ne sont aucunement les siennes, il pourrait très bien ignorer sa requête et continuer ce qu'il faisait comme si de rien n'était. Surtout quand la demande en question a été formulée sous la forme d'ordre, chose que le garçon d'acier déteste. Ce n'est pas qu'il refuse de recevoir des directives, mais plutôt qu'il faut savoir comme les lui donner sans qu'il n'ait l'impression d'être pris de haut. Pourtant, aussi étrange que cela puisse paraître, la fille de Swamp Thing est son amie et le jeune homme a pour principe de ne jamais abandonner un camarade en galère, même quand celui-ci semble recherché par les forces de l'ordre. Il ne relève donc pas réellement l'intonation de son interlocutrice et décide de la suivre. Malheureusement, le scooter redémarre avant qu'il n'ait eu le temps de s'asseoir dessus, ce qui le force à user d'une petite partie de la force qui réside dans ses jambes pour bondir jusqu'à l'arrière du siège. Le véhicule tremble fortement sous le poids qui vient brusquement de se rajouter, si bien que le justicier craint à un moment de se manger une voiture qui roule dans le sens opposé. Ou que la voiture en question se mange un Conner, tout dépend du point de vue.

Un individu habillé d'un costume noir avec un gros " S " rouge inscrit passe difficilement inaperçu, mais le jeune Kent croise tout de même les doigts pour que personne ne le reconnaisse. Il aurait bien du mal à expliquer pourquoi un grand dadet comme lui est accroché à une demoiselle en cavale sur le plus ridicule des Vespa jamais construit. Ils n'ont même pas encore passé dix minutes ensemble et elle est déjà arrivée à le faire se sentir idiot. Peu de gens sont parvenus à réaliser cet exploit en si peu de temps. « Je ne sais pas si t'es au courant, mais il existe des moyens bien plus conventionnels d'attirer l'attention de ton super-héros préféré. » Grommelle-t-il, la portée de sa voix légèrement diminuée par le vent qui fouette leurs visages. Et qu'elle ne s'avise surtout pas de sortir un autre nom que le sien pour infirmer ses propos. « On devrait pouvoir les semer en passant par les petites rues, leurs chevaux auront plus de mal à se déplacer. Tu t'en sens capable ? » Sans écraser la moindre grand-mère, aurait-il dû insister. Espérons que Tefé ait assez de jugeotte pour l'avoir compris par elle-même.

C'est aussi à cet instant que son esprit décide d'être frappé par un éclair de lucidité et de lui faire réaliser qu'il aurait également pu la suivre en courant, plutôt que de s'afficher ainsi dans sa ville de résidence. Ou de tout simplement expliquer aux policiers qu'il prenait la fugitive en charge. Bordel. Il n'y a pas pensé sur le moment, trop abasourdi par l'entrée fracassante de la plus âgée des deux anciens prisonniers de Cadmus. « Je t'imaginais d'ailleurs plus du genre à détruire les scooters qu'à les conduire. » Et il ne sait même pas pourquoi cela l'étonne encore. Il ignore si cette dernière possède des papiers d'identité, mais il ne serait pas choqué d'y lire " Surprise " comme deuxième prénom tant il n'est jamais sûr de rien avec elle. Tefé Surprise Holland. Ouais, ça le fait. Rajouter " Danger " tenterait bien le semi-kryptonien s'il ne craignait pas que cela fasse trop long. Conner pointe leur échappatoire avec une main tandis que l'autre est fermement posée sur l'épaule de la conductrice pour garder l'équilibre. « C'est le moment où tu me racontes dans quel pétrin tu t'es encore fourrée et où j'essaie de te faire comprendre que je suis très occupé, mais que t'arrives quand même à me convaincre de tout plaquer pour partir avec toi. » Chacune de leur rencontre inopinée, résumée en une seule longue phrase. Ils en sont peut-être déjà arrivés au dernier point, remarque, vu qu'il vient de l'aider à semer la police. Vous savez, ceux à qui il est censé prêter main forte quand un danger comme Tefé décide d'animer le secteur qu'ils surveillent. Qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour ses amis, hein ?

(c) oxymort

keep calm and kill everyone

Tefé ne sut que Conner était monté à bord que lorsqu’elle ressentit un choc tellement violent qu’elle faillit perdre le contrôle du véhicule et rouler sur une famille nombreuse qui était sur son chemin – leur faute. Il faut dire qu’elle n’était pas une pro du pilotage. Jason lui avait donné une leçon en tout et pour tout et elle avait fini par envoyer la moto dan un mur. Mais ça suffisait pour un petit scooter, même si ledit petit scooter haletait désormais dans une pente herbue du parc qu’elle traversait désormais en diagonale et en dehors des sentiers, trop fréquentés par les poussettes, les vieux et les chiens, et elle s’en serait voulu à mort d’écraser un chien. C’est qu’il pesait son poids, le fils de Superman ! En vérité pas plu que n’importe quel homme adulte mais bref, à eux deux, ils n’allaient pas tarder à avoir la peau du vespa, sauf en retrouvant la ville et les bonnes vieilles routes en bitume, ce qu’elle fit après avoir enfin fini de traverser le parc. Elle se retourna pour vérifier où en étaient les flics à cheval – pas loin – et capta du coup l’expression contrariée de Conner. Olalaaaa, mais il avait l’air de passer une mauvaise journée, heureusement finalement qu’elle était dans le coin et qu’ils s’étaient tombés dessus ! Elle allait pouvoir le dérider un peu : son objectif dans la vie. Conner était trop sérieux, et pour Tefé, cela lui venait de ce dilemme perpétuel qui le déchirait de l’intérieur. Elle pensait, elle, qu’en cessant de chercher à être bon, voir meilleur que ce qu’on était, en cessant d’essayer d’être à la hauteur des autres, bref, en arrêtant de s’imposer des buts inatteignables, il serait plus heureux dans la vie. Il avait le potentiel faire ce qu’il voulait sans que personne ne l’en empêche, et il ne s’en servait même pas ! Un vrai gâchis… Et elle savait qu’il n’était pas d’accord avec elle et ne voyait pas les choses comme elle, malgré tout elle ne cesserait jamais d’essayer de le convaincre, parce qu’elle l’aimait beaucoup. Forcément, quelqu’un d’un peu plus adapté socialement aux émotions humaines que Tefé saurait que si on aimait beaucoup quelqu’un, alors on n’essayait pas de le perturber comme elle le faisait, mais elle, elle croyait dur comme fer qu’elle avait raison et qu’elle l’aiderait à être plus heureux si elle le forçait à lâcher prise. Et puis, des fois, au-delà de tout ce qui les opposait, et de manière soudaine, ça leur arrivait de se retrouver sur la même longueur d’ondes sur certains sujets.

Bref, il faisait la gueule. Elle se tordit le cou pour lui répondre : « Tu veux dire braquer une banque, dévier une météorite sur la Terre ou menacer des innocents de façon générale ? Parce que la prochaine fois je peux totalement faire ça, si c’est ce qui attire ton attention ! » Aaaah, les héros… En réponse à son autre question, elle prit un virage à angle droit, boots par terre pour servir de pivot, et s’engagea dans une ruelle étroite. Derrière eux, la cavalcade sembla se calmer. Aahaaaa, victoire ! Puis un autre bruit retentit. Elle se retourna de nouveau : des flics en trottinette ! Qui n’allait pas beaucoup moins vite que son scooter malmenés avec deux personnes dessus. Elle tourna, tourna encore, rasant les murs à chaque fois, manquant de les envoyer dans le décor – mais de toute façon ce n’est pas comme si Conner pouvait se faire mal, et quant à elle, elle possédait un instinct de survie à géométrie variable directement lié à son degré de certitude de maîtriser la situation. En clair, elle ne voulait pas mourir, mais en cette seconde, elle était persuadée que ça ne pouvait pas arriver et qu’elle contrôlait les choses. « Tu as raison, je n’aime pas ces trucs-là, mais tu vois comme je peux me montrer raisonnable, des fois ? J’en avais besoin pour fuir, alors je trouve soudain des circonstances atténuantes à son existence. Et au fait, tu as une sale tête. Tu n’es pas content que je t’ai arraché à ta séance de fan-service ? T’as le droit à des vacances, des fois, hein… » C’est vrai, quoi, si les gens qui sauvaient le monde ne pouvaient pas se permettre de se couper un peu dudit monde de temps en temps, où allait ledit monde. Elle avisa une ruelle encore plus étroite que celle où elle roulait, la dépassa, freina et s’y engagea en marche arrière avant de couper le contact. Au bout de trente secondes, trois policiers en trottinette passèrent devant eux en trombe et elle écouta le bruit de leur moteur électrique décroître. Bon, ils n’allaient quand même pas boucler tout le quartier, tout de même ! Elle était traitée comme une terroriste internationale alors qu’il y avait de bien plus gros criminels à attraper. Mais non, ils choisissaient de lui courir après, à elle, parce que c’était plus facile d’emmerder Tefé Holland que Brainiac.

Elle descendit du scooter et le regarda, réfléchit quelques secondes à ses mots avant de les prononcer, une fois n’était pas coutume. C’est qu’il s’agissait là d’un des terreaux les plus fertiles de leurs disputes, à Conner et à elle. Elle savait déjà qu’il n’allait pas aimer ce qu’elle allait lui dire. Elle savait déjà que elle, ça l’énerverait en retour. Mais elle n’avait pas envie de lui dire que franchement non, elle ne voyait absolument pas pourquoi les flics la poursuivaient. Ce serait stupide, comme réponse, en plus d’être un mensonge évident. « Ben, tu sais… Je suis recherchée. Enfin, je le suis en Louisiane, je ne pensais pas que mon portrait avait fait le tour du pays. Et c’est trois rien. Quelques patrons d’une raffinerie aux pratiques criminelles ne manqueront à personne. Alors ça finira par passer parce qu’on sait tous les deux qu’il y a de vrais dangers en liberté dans ce monde. » Comparé à elle, donc. Et si elle lui disait la vérité, si elle lui avouait qu’elle trucidé quelques tocards à l’autre bout du pays, c’était aussi et surtout parce qu’elle ne regrettait rien, qu’elle n’avait pas honte et qu’elle refusait d’être gênée simplement parce que lui prétendait ne pas être du genre à faire ça. Alors elle soutint son regard, le mettant presque au défit de la juger. Ou de l’arrêter. De la livrer aux flics. Chose qu’il était censé faire, s’il s’en tenait à ses résolutions. Mais la livrer, c’était la faire emprisonner, l’envoyer derrière des barreaux, différents de ceux qui les avaient retenus tous les deux à Cadmus, mais des barreaux quand même. Une cage, une privation de liberté, et des gens qui chercheraient à nouveau à savoir de quoi elle était faite. Probablement d’ailleurs qu’aucune prison conventionnelle ne l’attendrait et qu’elle finirait rapidement dans un complexe paramilitaire clandestin secret. Et tout ça, non, elle ne pouvait pas croire qu’il le lui souhaite, et qu’il le permette. Même si elle savait que c’était cruel, que pour lui, c’était lutter contre sa nature, du moins une partie de sa nature, oui, même si elle avait tout ça, elle lui disait quand même la vérité, pas pour lui faire du mal, mais parce que c’était comme ça qu’elle était. Oui il était un héros. Mais il y avait plusieurs façons de l’être. « Tu vas m’aider, hein ? » Comme l’aider, par exemple. C’était ce que les héros faisaient.

Codage par Libella sur Graphiorum

keep calm and kill them all

Tefé Holland & Conner Kent

◊ ◊ ◊

Les choses se sont enchaînées tellement vite. Superboy n'a aucune idée de comment la situation a-t-elle pu dégringoler à un tel point sans qu'il n'ait le moindre contrôle dessus. Ce qui n'était au départ qu'un simple événement bénévole, comme il s'en fait par centaines ces dernières semaines, s'est soudainement changé en la plus stupide des course-poursuites. Le pire est que, de base, le justicier n'est en rien impliqué dans cette histoire, mais le voilà maintenant les fesses à moitié posées sur une vespa trop petite pour accueillir deux personnes, manquant de s'envoler - ce qui est assez ironique pour quiconque sait à quel point ne pas posséder ce pouvoir l'enrage - à chaque rotation un peu trop brutale du guidon que Tefé tient entre ses mains. Son rythme cardiaque augmente d'une vingtaine de bpm sous la conduite acrobatique de sa camarade tandis que chaque bruit de klaxon d'un chauffeur mécontent provoque un sursaut chez lui. « LES ECOLIERS ! ATTENTION AUX ECOLIERS ! » Le groupe d'enfants ne doit sa survie qu'à leur professeur et ses réflexes aiguisés qui les empêchent de traverser le passage piéton que la pilote de l'extrême ne semble même pas avoir vu. Bon sang, qu'est-ce qui lui a pris de la suivre ? Le clone roule des yeux en apercevant quel mode de transport a été utilisé par la police pour les suivre. « Wow, tu dois vraiment être considérée comme dangereuse pour que même des trottinettes te prennent en chasse. Ils ne font ça qu'avec les plus recherchés des terroristes d'habitude. » Ironise-t-il pour dénoter le ridicule de la situation. Aucune surprise ne se lit sur son visage cependant, même quand elle lui annonce avoir volé le véhicule qu'ils maltraitent actuellement, le jeune homme a déjà vécu plus étrange aux côtés de la demoiselle qui murmure aux feuilles des plantes. C'est une expression ennuyée qui orne son faciès à la place et ça, elle ne l'a visiblement pas manqué. « Tu peux me déposer ici et continuer à jouer les Vin Diesel avec la police si tu m'as juste fait monter pour critiquer ma tête. » Tefé le jugera trop coincé et lui la trouvera beaucoup trop détachée de la réalité. Ce même côté déconnecté est autant ce qui lui plaît parfois chez elle que ce qui l'encourage à ne pas passer trop de temps en sa compagnie. Ils ne partagent pas les mêmes codes moraux et Kon-El le constate à chaque fois qu'ils se retrouvent dans un scénario identique à celui d'aujourd'hui.

Un soupir de soulagement est libéré par ses lèvres quand ses pieds regagnent la terre ferme. La fille de Swamp Thing peut se vanter de disposer de capacités de pilotage capables de lui causer des frayeurs encore plus terribles que lorsqu'il monte à bord du Colonel de Jinny. L'hybride reste bouche bée en balayant les horizons avec ses pouvoirs et en réalisant que l'autre ancien cobaye de Cadmus n'a heurté personne avec sa conduite dangereuse. Ce dernier l'aurait bien applaudie si la situation avait été différente. Il refuse de lui jeter la moindre fleur pour la moindre folie mettant en danger la vie d'autrui qu'elle accomplit. Ce qu'elle lui raconte ensuite ne fait que lui donner raison. Comme il s'y attendait, ce n'est pas le vol d'une canette de soda dans l'épicerie du coin qu'on lui reproche, mais quelque chose de bien plus grave. La jeune femme a commis l'un des actes qui le répugnent le plus : le meurtre, qu'elle se permet en plus de qualifier de trois fois rien. Adossé contre un muret, le justicier se pince l'arête du nez tout en secouant négativement la tête. « Oh, Tefé... » Il ne sait pas quoi dire de plus. Cette conversation, ils l'ont déjà eue des millions de fois et l'auront probablement jusqu'à la fin de leurs jours. La femme-plante n'a même pas besoin de se justifier, son regard suffit à deviner ce qu'elle pense, elle ne s'en veut absolument pas et recommencera sans hésiter autant de fois qu'il le faudra. Certaines de leurs valeurs entrent tellement en conflit qu'il craint le jour où il lui faudra recourir à la violence pour l'empêcher d'aller trop loin sans qu'elle n'en ressente le moindre remord. Les choses seraient tellement plus faciles avec un inconnu, il lui passerait les menottes aux poignets et l'histoire se terminerait là. Les choses sont différentes parce que, au fond de lui, Conner est attaché à cette dernière. Ils ont tous les deux été conçus dans des conditions particulières et une partie de ceux qu'ils sont aujourd'hui est dû à des personnes - ou des forces à l'origine incompréhensible - qui ont essayé d'écrire leur futur à leur place. Il la comprend partiellement parce qu'ils sont pareils, ils ont connu les mêmes tourments, ont dû chacun trouver une raison d'exister et sont des cas uniques sur toute la planète, si pas la galaxie toute entière.

Les voies qu'ils ont respectivement empruntées lui interdisent toutefois de cautionner tout ce qu'elle fait, et encore moins de l'aider. « Rien ne m'y oblige. Je devrais même faire le contraire, en vérité. Tu ne peux pas buter des gens et espérer t'en sortir la moindre conséquence ! » Vous savez que vous avez réellement fauté quand même le fils de Luthor s'autorise à vous faire la morale sur les choses à ne pas faire. Chacun connaît la pensée de l'autre, alors il n'est même pas nécessaire que Kent lui fasse un speech de dix minutes pour lui faire cesser ses activités. Il croise les bras et soutient son regard, histoire de bien lui faire comprendre qu'il aura le dernier mot cette fois-ci, qu'il ne l'arrêtera pas, mais qu'il ne compte pas l'épauler pour autant. Hors de question qu'il se fasse avoir à nouveau. C'est ce qu'il dit, mais peut-être un moins ce qu'il pense réellement. L'issue de leur discussion est toujours restée la même en cinq ans et ce n'est pas aujourd'hui que cela changera. Son assurance s'affaiblit au fil des secondes et, comme d'habitude, le demi-kryptonien finit par craquer. « C'est bon, t'as gagné. » Admet-il en soufflant. Sa gentillesse le tuera un jour. Littéralement « Je compte bien te faire rembourser toutes les dettes que t'as envers moi un jour, Tefé Holland. » Ici, " un jour " peut se traduire comme " jamais ", mais passons, ce n'est qu'un détail. La fille des marais aura sans doute remarqué que les traits de son visage sont plus sérieux que d'habitude tant être impliqué dans ce genre d'affaires l'indigne. Aider une amie à sortir de problèmes qu'elle a elle-même attirés et se mettre dans la mouise, lui aussi, ou la laisser se débrouiller, au risque de laisser sa situation empirer. Se rend-elle compte face à quel dilemme elle le confronte ? « J'attends le jour où tu débarqueras à l'improviste dans ma vie sans y mettre le bordel. » Ses propos expriment principalement son sentiment de ras-le-bol, mais l'envoyée du Green notera tout de même que, malgré cela, Superboy continue quand même de vouloir la rencontrer dans des circonstances plus joyeuses.

Après les chevaux et les trottinettes, c'est au tour des hélicoptères de faire leur apparition. L'hybride hausse un sourcil en remarquant l'absence du logo du département de police de la ville sur l'engin. Ses mains se posent sur ses hanches pendant que ses joues se gonflent, il anticipe déjà la suite des événements. « Oh, bon sang ! » Quand il y en a plus, il y en a encore. Toutes les planètes semblent s'être alignées pour lui faire passer le pire des après-midi, si bien que Kon-El en viendrait presqu'à regretter les Amazones et les Atlantes de Terre-IV. Il n'y a pas mille possibilités sur l'identité des personnes à bord de l'appareil, encore moins depuis qu'il connaît la raison de la cavale de sa partenaire. Deux voitures bloquent les sorties de la ruelle, confirmant ce que le héros avait déjà saisi : eux, ils n'arriveront pas à s'en débarrasser sans un combat. Ses sourcils se lèvent à nouveau quand il aperçoit les hommes qui sortent de l'habitacle brandir des armes comme il n'en a jamais vu auparavant. De la technologie alien doit y être incorporée à tous les coups. « Des patrons d'une raffinerie, tu disais ? Tu devrais peut-être m'en dire un peu plus sur leurs fameuses pratiques criminelles. A tout hasard, je dirais qu'ils entreposaient des armes dans l'usine et qu'ils n'ont pas trop apprécié le fait que tu te rapproches de leur couverture. Après, c'est peut-être moi qui m'imagine des choses. » Autre sarcasme de sa part. Il ne faut pas avoir été entraîné par le Chevalier Noir pour déduire tout cela. Son regard blasé se tourne vers la source de toutes ses mésaventures du jour. « Ton avis sur le sujet ? Y a des choses que tu ne m'as pas dites ? » Lui demander plutôt si elle savait dans quoi elle mettait les pieds avant de s'en prendre à eux aurait peut-être été plus intelligent, mais la réponse lui paraît presque trop évidente.

(c) oxymort

keep calm and kill everyone

S’il fallait résumer Tefé en un mot – ce serait probablement impossible, mais s’il fallait essayer, du moins –, alors « infantile » serait acceptable. Elle n’était pas que ça, mais il y avait beaucoup de ça en elle, parfois. Par exemple, c’était ce manque de maturité qui la faisait se sentir toute puissante dans ses positions : elle avait clamé à la face de Conner qu’elle avait tué des hommes. Fière et sans remords. Certaine d’assumer pleinement. Assumer le meurtre, oui. Mais voilà, assumer la réaction de son ami, ce n’était pas du tout pareil. C’était en ça que parfois, elle pouvait se montrer puérile dans ses émotions, qu’elle ne maîtrisait pas toujours, il fallait lui reconnaître ça. Et alors qu’elle avait eu beau brailler qu’elle se fichait bien de ce qu’il pensait, sa tête suffit à calmer l’élémentaire en quelques secondes. Et soudain, elle se sentait un peu mal à l’aise, soudain, elle n’avait plus envie de rire. Non, elle ne regrettait pas ces meurtres. Mais elle regrettait de l’avoir dit à Conner. Cela prouvait qu’elle prêtait attention à ce qu’il pensait d’elle et elle l’oubliait toujours, et à chaque fois il se chargeait, même involontairement, de le lui rappeler. Ce n’était pas parce qu’il était comme ceci ou comme cela qu’elle prêtait attention à ce qu’il pensait d’elle. Il aurait pu être un monstre comme elle ou la vertu personnifiée, cela n’aurait rien changé, c’était juste qu’elle l’aimait bien, lui. Pas ses convictions et le reste. Alors, elle gigota un peu, gênée, et énervée d’être gênée, énervée de prendre conscience encore une fois qu’elle n’arrivait pas à se couper des autres comme elle le voudrait. Alors que c’était bien connu que vivre selon ce que pensaient les autres de vous, c’était se vouer au malheur, et qu’il n’y avait que les égocentriques qui étaient heureux.

Alors soudain, elle avait envie de lui expliquer, de se justifier, comme s’il y avait une chance qu’il l’accepte et même qu’il change d’avis, comme ça, juste parce qu’elle lui aurait présenté la situation de son propre point de vue… Mais c’était stupide. C’était d’autant plus stupide qu’elle savait déjà comment ça tournerait : ils se disputeraient, et c’est elle qui crierait le plus fort. Bien sûr, les paroles de Conner la firent bondir. Quelles conséquences ? Pourquoi des conséquences ? Des milliers d’humains commettaient des tas de crimes en permanence en toute impunité. Pourquoi le double-standard, pourquoi est-ce qu’elle aurait dû se sentir mal de faire quelque chose que d’autres faisaient en plein jour et sans aucun châtiment ? C’était d’une injustice sans limites, mais il savait déjà ce qu’elle en pensait, ça et le fait qu’elle avait beaucoup de mal à se sentir concernée par la justice humaine, et ses lois, et ses règles. Elle bouillonnait sur place, comme une gosse engueulée par son père. Mais elle encaissa parce qu’il y avait toujours, au fond d’elle, cette légère angoisse qu’un jour, Conner en aurait sa claque pour de bon, qu’un jour, elle commette le crime de trop à ses yeux. Et pourtant elle savait que ça pouvait arriver, mais elle continuait, comme pour tester ses limites. Elle ne pouvait pas s’en empêcher, c’était complètement autodestructeur et quelque part, c’était comme le torturer à nouveau. Mais ses valeurs, ses stupides valeurs qui le rendaient vulnérable au monde, et malheureux, aussi, comme maintenant… ça la mettait hors d’elle. Si seulement il cessait de courir après le dos de son père, celui qu’il avait choisi comme modèle, et qu’il ne pourrait jamais rattraper, alors il serait plus heureux, elle en était sûre ! Sans avoir conscience que c’étaient justement ces mêmes valeurs qui faisaient que Conner ne l’avait pas encore abandonnée… Mais finalement, à un fil, il accepta à nouveau de franchir la limite, de la rejoindre de l’autre côté plutôt que de la tirer du sien. Elle retrouva le sourire, tout était oublié, pour elle, évidemment. « Tu sais bien que tu peux me demander ce que tu veux. Et t’en fais pas, je te demande juste de pas me balancer. Pour le reste, je peux très bien me débrouiller. » Comment, quand, de quelle façon, tout ça, c’était du détail. Elle ferma le poing et asséna un coup sur l’épaule de Conner, c’était comme taper dans un mur et ça l’amusait, Tefé. Et puis, elle lui avait fait subir pire que ça, fut un temps, et elle savait qu’il ne sentait rien. « Je viendrai toujours foutre le bordel dans ta vie, Conner. Sinon, qui est-ce qui s’en chargera ? »

Là-dessus, le fracas d’hélicoptères se fit entendre au-dessus de leur tête. En suivant le regard de Conner, Tefé vit que la rue était bloquée. Olalaaaa, tout ça pour elle ? « C’étaient des putains de monstres qui pour gagner quelques milliards de dollars de plus dans le dos des autres ont massacré des millions et des millions de créatures vivantes et empoisonné tout un écosystème pour des centaines d’années. S’ils avaient fait ça à des humains, ils auraient fini sur la chaise électrique, alors je vois pas ce que ça change, et ces types… » Ces types mêmes qui sortaient de leurs voitures avec des armes cheloues… « … je vois pas qui ils sont. T’es sûr qu’ils sont pas là pour toi ? » Elle lui jeta un regard de biais. Y avait une chance, hein… Elle avait tiré un sacré numéro au jeu des pères, mais lui, il avait gagné le pompon. Ou alors… « Enfin, tu sais… J’ai foncé dans le tas, là-bas, en Louisiane, et je sais bien qu’il y avait des caméras et des témoins, et quand je me bats, ça se voit que je suis pas… » Elle cracha le mot comme un gros mollard : « …humaine. » Non, l’épisode Cadmus ne lui avait pas mis de plomb dans la tête, là-dessus. Elle n’avait jamais cherché à se fondre dans la masse, pas plus cela dit qu’elle ne faisait étalage de ses dons. Seulement, quand elle le faisait, elle ne se cachait pas. Qui sait qui avait pu visionner ces vidéos de surveillance ? Ça expliquait peut-être aussi qu’elle ne soit jamais passée à la télé nationale. Quelqu’un avait mis la main dessus et enterré l’affaire – youpi ! – pour mieux s’occuper d’elle discrètement.

Mais peu importait. Elle tourna un visage ravi vers Conner. Il était fort, plus que n’importe qui qu’elle connaissait. Et elle adorait le voir botter des culs, et ça l’attristait que lui n’y prenne aucun plaisir. Mais sur la violence, elle avait toujours été sa plus grande fan, et sa plus grande supportrice, et elle savait qu’il était capable de se lâcher, quand il le voulait, et surtout quand il ne le voulait pas. Là encore, elle était un peu comme le serpent biblique, sans en ressentir la moindre culpabilité. Pour elle, c’était une bonne chose qu’il laisse libre court à sa nature. Se mentir à soi-même, c’était le meilleur moyen de se détruire. « Allez, Kent, fais pas la gueule ! Ce ne sont pas des flics, et nous, on ne fait que se défendre. C’est notre droit, dans ce merveilleux pays. Tu crois qu’ils hésiteraient une seconde à faire disparaître un témoin innocent, ceux-là ? Ou même moi. Ou toi… » Voilà ce qu’elle avait fait, aussi : elle l’avait exposé à elle ne savait quelle nouvelle organisation secrète qui voudrait absolument lui mettre la main dessus dès qu’ils auraient été témoins des capacités de Conner. Mais là encore, zéro culpabilité. Dans sa tête de plante, il était évident qu’il ne se ferait jamais attraper. Il ferait tout ce qu’il faudrait faire pour l’éviter – même le pire. Elle s’avança vers les types qui venaient d’un bout de la ruelle, laissant les autres à Conner, et ses bras s’étaient changés en bois, chaque doigt étant devenu des pointes acérées. Le premier type brandit son arme bizarre mais elle lança un bras vers lui, lequel s’étira jusqu’à s’enrouler autour de son cou. Elle le projeta violement contre un mur, il y eut un craquement d’os sinistre, mais elle l’entendit geindre en le dépassant, signe qu’il était encore vivant. Elle roula par terre pour éviter un tir – ils utilisaient leurs joujoux en pleine ville – et d’un geste, transperça le bras du tireur de part en part, laissa des pointes de bois plantées dans la chair sans aucune pitié. Elle espérait que Conner s’amuse autant qu’elle, en tout cas.

Un troisième type réussit à lui tirer dessus. Elle sentit un choc bizarre sur son épaule, mais surtout, cela la mit en rage. Elle détestait vraiment les humains, bordel. Elle lui sauta à la gorge et des lianes jaillirent de ses cheveux pour s’enrouler autour des bras, des jambes et du cou du bonhomme, l’étranglant peu à peu. Elle le regarda droit dans les yeux, sans aucune pitié. « C’est dommage que tu n’aies pas pensé à tes gosses avant de choisir ce boulot, hein ? » murmura-t-elle, ivre de colère. Et ses lianes se resserraient, et se resserraient, et tout le suspense était là : est-ce qu’il mourait d’abord étranglé ou d’abord écartelé ? Peu lui importait, à Tefé, tant qu’il crevait. Elle ne voulait plus de ces humains dans sa vie. Elle ne voulait plus se faire enfermer, elle ne voulait plus avoir peur de vendre la mèche à propos de Swamp Thing, elle voulait pouvoir vivre sans avoir des gens qui lui couraient après, sans se prendre des leçons de morale, sans à être le témoin impuissant d’un écocide qui la tuait elle aussi peu à peu et surtout, elle ne voulait plus qu’on tente de lui imposer quoi que ce soit pour quelque raison que ce soit. Et elle avait oublié Conner, mais simplement par luxe : elle savait qu’il ne risquait rien Enfin, s’il acceptait de se défendre.

Codage par Libella sur Graphiorum

keep calm and kill them all

Tefé Holland & Conner Kent

◊ ◊ ◊

Ce sont toujours les deux mêmes questions qui turlupinent Conner quand le hasard met la dangereuse Tefé Holland sur sa route : qu'a-t-elle fait et, une fois la réponse donnée, qu'attend-elle de lui ? D'aussi loin qu'il s'en souvienne, le jeune homme n'a pas l'impression de l'avoir déjà rencontrée dans des circonstances normales où aucun policier, membre d'organisation criminelle ou employé d'usine à l'éthique douteuse ne la poursuivait. Il ne l'a jamais vue se déplacer vers lui autrement qu'en courant, d'ailleurs. Pour quelqu'un qui dit voyager léger, la demoiselle trimballe un paquet incroyable de problèmes avec elle. Et encore, cela passerait si ce n'était que cela. Il faut en plus que cette dernière fasse preuve d'une extrême générosité en incluant le demi-kryptonien dans ses mésaventures, comme si lui-même n'avait pas suffisamment de choses dont il devait se soucier comme cela. Luthor, Brainiac, Clark, ... Il peut maintenant ajouter la blonde à sa longue liste. C'est à se demander comment deux personnes aux valeurs si opposées sont en mesure de s'entendre. Il est rare qu'il cautionne les agissements de Tefé, mais il n'arrive pourtant pas à se résoudre à la livrer aux forces de l'ordre, là où sa place devrait normalement être. Aussi justifiable soit-il, un crime reste un crime et il lui faut répondre de ses actions. Ce sont les principes que lui ont inculqués les Kent et qu'il n'arrive pas à appliquer en cet instant parce que son sens de l'amitié affecte son jugement. Et aussi parce qu'il sait que le sort qui lui sera réservé sera bien pire que de simplement manger la plus infecte des purées si elle venait à être enfermée derrière les barreaux. Puis, malgré toutes les conneries que la fille des marais réalise au quotidien, le justicier reste persuadé qu'il est encore possible pour elle de se réorienter et de suivre une voie qui lui permettra d'accomplir tout ce qu'elle souhaite tout en restant dans la légalité. Enfin, ce n'est visiblement pas près de se produire avant longtemps, vu sa réaction après qu'il ait accepté de l'aider à se sortir de sa situation. La moue d'enfant réprimandé qu'elle faisait a rapidement disparu, elle aussi. « Je n'ai même pas envie de te répondre. » Parce que, peu importe ce qu'il sortira, l'amie des plantes trouvera toujours un moyen de tourner les choses à son avantage pour le mener à la baguette. Il veut donc bien la croire quand elle prévient qu'elle sera toujours dans le coin pour pimenter sa vie même s'il ne lui a rien demandé.

Sa promesse est d'ailleurs rapidement tenue vu la vitesse avec laquelle de nouveaux assaillants apparaissent juste après qu'ils se soient réconciliés. Kon-El roule des yeux en entendant l'autre rescapée essayer de se dédouaner. Comme s'il y avait la moindre chance que tout ce petit comité se soit déplacé pour lui uniquement. Il joue cependant le jeu en haussant des épaules. « C'est possible. Les justiciers qui participent à des œuvres caritatives ont souvent tendance à être pris en chasse par des hommes lourdement armés après tout, c'est bien connu. J'espère qu'ils ne me reprocheront pas d'être trop gentil, eux aussi. » Heureusement, celle-ci est finalement suffisamment mature pour déduire d'elle-même ce qui aurait pu attiser leur courroux. « Tu vois ? C'est exactement pour éviter des situations pareilles que je joue selon les règles. Il n'arrive jamais rien de bon quand tu viens déranger ces types comme tu l'as fait. » Tefé a dû le comprendre maintenant, mais le garçon d'acier ne manquera pas une occasion de la sermonner sur ses actions aussi longtemps qu'ils traîneront ensemble. Chacun de ses aveux recevra un " C'est ce qui arrive quand on agit sans se soucier des conséquences " en retour. D'un côté, l'hybride sait pourtant qu'elle a fait tout ça pour défendre une noble cause et peut-être bien que les victimes le méritaient, en vérité. Lui aussi, il aimerait bien simplement éliminer tous ceux qui nuisent à la planète et aux innocents. Qu'est-ce qu'il ne donnerait pas pour envoyer Luthor dans l'espace ni vu ni connu ? Bien des problèmes seraient réglés avec des méthodes aussi expéditives, mais sa bonne conscience ne le supporterait pas, parce que ce n'est pas ainsi que le monde fonctionne. Les paroles de la jeune femme résonnent tout de même avec une partie de lui, mais il ne se laissera pas influencer. « Tu connais mes règles. » Insiste-t-il fermement. On ne tue pas, on ne démembre pas, on ne décapite pas, on frappe juste très très fort, mais le corps de l'ennemi reste en un seul morceau. Avec ça, il ne changera pas d'avis. Superboy hésite à citer chacun de ces points à haute voix, tant il craint que la femme-plante joue sur ses mots pour se permettre quelques folies qu'il n'aurait pas explicitement interdites.

Moins agile et plus volumineux que sa camarade, le jeune Kent encaisse plus de tirs que cette dernière. Par chance, il peut compter sur les bienfaits du soleil pour grandement limiter les dégâts qu'il subit. Les salves envoyées dans sa direction ne font que le ralentir avant qu'il n'attrape le col de l'homme le plus proche de lui pour l'envoyer fissurer la vitre du pare-brise de sa voiture. Un second adversaire n'a pas le temps d'appuyer sur sa gâchette que le canon de son arme est déjà tordu. La voix de sa binôme du jour le sort de son état de concentration. Ce qu'il entend est très loin de lui plaire. « Tefé, non ! » Les quelques mètres qui les séparent sont comblés en l'espace de quelques secondes durant lesquelles il en profite pour renverser tous ceux qui se trouvent sur son passage. Sa main empoigne l'épaule de la fille de Swamp Thing qu'elle secoue ensuite afin d'attirer son attention. Evidemment que ça allait arriver. « T'as déjà massacré suffisamment de gens comme ça, relâche-le. » Comme pour renforcer son côté autoritaire, ses yeux s'illuminent d'une lumière couleur rubis si faible que Tefé ne l'aura peut-être pas remarquée. Conner lui-même ne remarque pas le phénomène qui est en train de s'opérer. « Maintenant. » S'il ne peut pas l'empêcher de tuer quand il n'est pas là, il se sent tout de même dans l'obligation de s'interposer maintenant qu'il en a l'occasion. Chaque meurtre supplémentaire est une nouvelle raison pour les membres de cette drôle d'organisation de s'en prendre eux. Qui sait ce qui leur sera envoyé par la suite s'ils venaient à ôter la vie de la première vague de subordonnés qui les ont interpellés ? Autre chose le tracasse également : le boucan qu'ils font commence à attirer les foules. « Il y a des civils partout ici et je refuse de les mettre en danger. On bouge. » Puis, sans prévenir, le semi-kryptonien s'accroupit tout en attirant la fauteuse de troubles près de lui. Il se redresse ensuite brusquement, de sorte à la renverser pour qu'elle se retrouve le ventre contre l'une de ses épaules tel le plus léger des sacs à patates. Le geste est un peu rustre, mais la situation ne lui permet pas de faire les choses délicatement. Enfin, ce n'est même pas sûr qu'il aurait fait preuve de douceur dans d'autres conditions, la demoiselle ne le mérite tellement pas avec tous les problèmes qu'elle lui cause. Elle est bien la dernière personne pour qui tout devrait se passer sans encombre. « Accroche-toi bien, ça risque de secouer un peu. Ah, et j'hésiterai pas à te laisser tomber si tu gerbes sur mon costume, comme ça t'es prévenue » Avec son ras-le-bol actuel, Conner en serait bien capable et son intonation ne fait qu'amplifier l'incertitude sur le sérieux de son affirmation. Une forte impulsion sur ses jambes les envoie ensuite à une vingtaine de mètres au-dessus de la ruelle qu'ils fréquentaient, les faisant ainsi quitter la ligne de visée de leurs ennemis, mais n'empêchant pas l'hélicoptère qui survole la zone de les suivre.

Les sauts du clone leur font dépasser la vingtaine de mètres de hauteur à chaque saut, tout cela pour mieux ratterrir avec violence par la suite. Les mauvaises langues diront que tout ce manège n'est pas nécessaire et qu'il fait exprès d'atteindre de telles altitudes pour rendre le trajet le plus inconfortable possible pour sa passagère. Certains observateurs pourraient même dire qu'il tente de recréer une sensation semblable à celles des montagnes russes. Ont-ils tort ? Allez savoir. Le justicier finit par déposer la demoiselle sur le sable d'une plage éloignée du centre-ville, toujours avec ce même manque de tact qui fait sa réputation. « On sera plus tranquille ici. J'espère que ce petit parcours t'a plu ? La compagnie Air Conner espère te revoir sur son épaule d'ici très bientôt. » Le son des rotors de l'hélicoptère se fait de plus en plus précis, de même que celui des SUV. Les festivités vont pouvoir reprendre sans qu'ils n'aient besoin de faire attention à leur environnement. La lumière dans ses yeux s'est complètement évanouie, mais sa vision est désormais troublée, si bien qu'il lui faut plisser des yeux pour estimer la distance qui les sépare de leurs ennemis, chose qu'il n'a normalement pas besoin de faire quand il active sa super-vision. « Debout, ils arrivent. » L'œillade qui lui lance juste après ne signifie qu'une seule chose : t'as intérêt à savoir te contrôler cette fois-ci. Un juron passe dans son esprit : empêcher une meurtrière de faire ce qui lui passe par la tête tout en se débarrassant des hommes qui les traquent. Il n'a même pas envie de savoir ce qui les attend après ça.

(c) oxymort

keep calm and kill everyone

Si elle supportait ses sermons, sa voix toujours calme – quoi que faussement calme –, ses façons de toujours réussir à lui mettre le nez dans ses propres contradictions, c’était parce qu’au final, elle savait qu’il allait se battre. Avec d’autres, elle se vexerait, monterait aussitôt en tour, ne supporterait pas qu’on se moque d’elle comme il le faisait parfois, et pire encore, dans un but pédagogique. Oui, c’était ce qu’il faisait, il avait toujours une réponse à tous ses crimes à elle, elle avait toujours tort et lui toujours raison, et ça avait l’air si facile alors d’être lui… Mais en vérité, non. Elle le savait bien, que malgré ses discours, il n’était pas totalement, entièrement perdu pour la cause. Parce que même s’il lui donnait des leçons, il finissait par se défendre. Et en se défendant, il finissait par se battre. Et en se battant, il finissait par attaquer d’abord. Et au bout de ce chemin, il y avait… la liberté ! Façon Tefé Holland. Pour elle, ce n’était pas toujours difficile. Remiser au placard des valeurs mal fichue dans le monde d’aujourd’hui, elle savait très bien le faire, et alors la vie devenait limpide, facile et presque drôle. C’était lui qui se torturait tout le temps, lui qui tordait dans tous les sens les lambeaux de sa conscience, qu’il essayait d’adapter à ce dont il était témoin, tout en sachant que quelque chose n’allait pas. Parce que, ça n’allait pas, de laisser des types affamer des populations entières, assécher des terres, faire se déplacer des millions de personnes, ou même commettre le plus petit, le plus banal, le plus misérable des crimes – taper sur un gosse, voler une vieille. Rien de tout ça n’allait, c’était autant de choses que des types comme Conner pourraient empêcher s’ils ne s’en empêchaient pas eux-mêmes, et au nom de quoi ? D’une conscience qui clairement n’avait pas de sens face au crime. Alors voilà, les paroles du jeune homme lui entraient par une oreille et sortaient pas l’autre, mais y laissaient malgré tout quelque chose, une petite trace. Pas tant parce qu’elle était d’accord avec lui que parce que c’était lui qui les prononçait. Parce qu’elle l’aimait beaucoup et que ça l’ennuyait qu’il se torture autant avec des questions aussi simples et qui un jour auraient sa peau. Oui un jour, il préfèrerait mourir que tuer quelqu’un. Idée insupportable pour Tefé, bien évidemment. Cela lui filait la rage.

La même rage qui, en cette seconde, lui faisait considérer, en paix, la mort de son assaillant, jusqu’à ce qu’une poigne d’acier la ramène à la réalité. Elle se tordit le cou et bien sûr, c’était Conner. Le temps que ses yeux reviennent en face des trous, Tefé se calma et ses lianes relâchèrent le type, qui pleurnichait comme un bébé. Elle aurait eu pitié de lui si elle n’avait pas été certaine que, la situation inversée, lui l’aurait mise hors d’état de nuire sans hésiter. Et donc, voilà, on y revenait : ça faisait de Conner quelqu’un de trop bon pour ce monde. Elle ouvrit la bouche pour protester, argumenter, lui persifler dans l’oreille dans l’espoir jamais éteint de le convaincre de se détendre un peu, mais il avait l’air si sérieux, et il avait le meurtre dans le regard, enfin en tout cas une lueur un peu flippante et pour une fois, qui semblait lui être dédiée à elle seule. Oh, oui, elle le poussait à bout, elle le savait, mais elle attendait toujours le moment où il enverrait tout paître, même elle, s’il le fallait, enfin quand même pas non plus si possible, mais… Il la balança sur son épaule comme un sac à patates, et les mots qu’elle réussit à lâcher pendant que ses dents s’entrechoquaient ressemblaient à « hé ho hé les civils quels civils ils ont qu’à pas être là » puisque de toute façon, rien n’était jamais sa faute à elle. Elle s’apprêtait à gueuler pour le traitement qu’il lui faisait subir – est-ce que c’était une façon de traiter une lady ? – quand il lui dit un truc encore plus offensant que la façon dont il l’avait jetée sur son épaule comme un pompier de calendrier (le mois de juillet). « Ah ! qui ça, moi ?? Sache que je ne gerbe ja-MAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAIS ! » C’était difficile de s’en empêcher. Elle avait le cœur bien accroché, Tefé, et appréciait l’adrénaline, mais c’était quand même vachement surprenant, et beaucoup plus violent qu’un rollercoaster. Placée comme elle l’était, en plus, elle avait une vue plongeante sur ce qu’il y avait en dessous, c’est-à-dire le sol très, très, de plus en plus, loin. Avant de le voir revenir à toute allure très très près. Elle s’accrocha au dos du tee-shirt de Conner et entreprit, tout le long de ce long et fastidieux voyage, de râler, grogner, gigoter, se tordre dans tous les sens, à la fois pour échapper à sa prise, tout en ayant une confiance absolue en lui, puisque si elle y avait réfléchi deux secondes, la dernière chose qu’elle voulait, c’était qu’il la lâche. Mais si elle n’y réfléchissait pas, c’était parce qu’elle était sûre et certaine qu’il ne la lâcherait pas.

Quand enfin il atterrit sur une plage et la largua sur le sable sans aucune précaution, elle s’éloigna de lui en titubant puis se laissa tomber par terre, les mains sur le ventre, non pas qu’elle avait la nausée mais il avait une épaule en acier, le garçon d’acier. « Ouais, ben tu sais quoi, ça m’a donné envie d’essayer Air Superman, avec lui au moins il doit y avoir moins de turbulences… » Ah, Tefé Holland. Toujours, et à jamais, le mot de trop, la petite pique balancée pour rire, mais qui finalement n’était pas drôle du tout. Elle savait à peu près comment Conner se sentait vis-à-vis de Superman, pour avoir été à sa place quelque temps vis-à-vis de son propre père, mais si elle avait fini par balayé tout ça d’un revers de la main, pour lui, c’était encore important, voire le centre de son existence, et donc, pauvre fille, pourquoi est-ce que tu lui balances un truc pareil à la figure ? Elle savait bien qu’il était, comment le dire de manière très résumée… complexé par rapport à Superman, et notamment par rapport à ses pouvoirs. Mais c’était trop tard, ce qui était dit était dit et ne pouvait être reprit. Elle le regarda, un peu penaude. « Mais ouais, c’était cool. J’aimerais savoir faire ça. J’aimerais pouvoir faire tout ce que tu sais faire. Tu te rends même pas compte que t’es… » « Génial. » C’était ce qu’elle allait dire, « génial ». Bien plus que Superman en vérité, qui lui était tellement parfait à la télé que rien qu’en le regardant, Tefé sentait ses cellules périr d’ennui une à une et devait d’urgence lancer une photosynthèse.

Heureusement, on pouvait toujours compter sur les méchants pour détourner les héros d’une conversation malaisante. Dédaignant l’hélico, elle se tourna vers les grosses bagnoles qui lacéraient le sable de leurs quatre roues motrices. Elle se planta sur la plage les bras écartés, et sa peau vira au teint boisé et lustré, ses cheveux se hérissèrent de paille et se piquetèrent de fleurs. Sous les voitures, des racines jaillirent du sable, transperçant les carrosseries, renversant les SUV, en envoyant même une faire des tonneaux jusqu’au bord de l’eau. Une ou deux passèrent la barrière végétale et de nouveau, elle sentit des tirs la frôler. Elle fit un bond en arrière, atterrissant sur une épaisse liane qui l’entraîna en arrière, jusqu’à ce qu’une explosion réduise le végétal en cendres et l’éjecte comme un chewing-gum dans les airs. Elle retomba les fesses dans le sable, sonnée, et leva les yeux vers l’hélicoptère. Quelqu’un, là-dedans, avait un genre de bazooka ! Rien que ça ! Et c’était elle la méchante ? Elle chercha Conner du regard, comme pour lui montrer la réalité du doigt, lui dire « tu vois, tu vois comment ils sont ! », mais une seconde explosion fit un mini cratère à côté d’elle et elle détala, à moitié couverte de sable. Elle ne comprenait pas. Là s’arrêtait ses efforts. Elle ne voyait pas comment Conner pouvait attendre d’elle qu’elle ne tue pas ces types alors qu’ils essayaient clairement de les tuer, eux. Elle ne comprenait pas qu’il attendait d’elle qu’elle reste là, immobile, à servir de cible. Vraiment. Il ne pouvait pas avoir raison, même si elle avait tort. « Ugh, je vous hais tellement ! » Une nouvelle racine fendit le sol et l’emporta dans les airs, droit vers l’hélicoptère, et tant pis si elle ne savait pas voler, tant pis si elle n’avait pas de plan, tout ça, c’était accessoire. Elle était prête à littéralement passer à travers l’appareil pour mettre fin à ce chaos stupide. Dans la poussière et le sable soulevé, la confusion, les tirs et les cris, elle ne voyait même plus Conner. En revanche, elle voyait très bien l’hélicoptère, juste là, à portée de bras – et de branches.

Codage par Libella sur Graphiorum

keep calm and kill them all

Tefé Holland & Conner Kent

◊ ◊ ◊

Conner peut paraître relativement calme vu de l'extérieur, mais certains détails trahissent tout de même l'exaspération qui le gagne de plus en plus depuis qu'il a posé ses fesses sur cette foutue moto volée. Sa mâchoire et ses poings sont serrés tandis qu'il doit redoubler d'efforts pour ne brailler sur Tefé à chaque fois qu'ils communiquent. L'envie de grogner ne se fait que plus forte après qu'elle ait répondu à sa petite démonstration d'humour. Le demi-kryptonien exprime son mécontentement à travers un froncement de sourcil à la place de se lancer dans une joute verbale dont il sait qu'il ne sortira pas vainqueur. Il en viendrait presque à se questionner sur les raisons qui l'ont poussé à lui offrir son soutien avec l'apparente gratitude dont celle-ci fait preuve à son égard. La comparaison avec Superman pique directement son ego. Il se sait inférieur à son mentor dans bien des domaines, son éventail de capacités est moins large que le sien au même âge. Clark savait déjà voler quand il était dans la vingtaine, par exemple, Kara aussi. Tous les rescapés de Krypton chatouillent les nuages en dansant dans le ciel alors que lui s'amuse à imiter les kangourous pour se déplacer. Merci à Tefé de le lui avoir rappelé, surtout dans les conditions actuelles où la relation entre l'homme d'acier et son double est tendue au plus haut point. Kent n'a jamais compris pourquoi cela révulsait autant sa camarade d'être comparée à son père. Son point de vue lui semble cependant plus clair maintenant depuis son bref arrêt à Smallville. Il ne peut toutefois lui dire qu'il partage ses idées. Malgré les coups qu'il a pu lui donner, il n'arrive toujours pas à réprimer la partie de son être qui souhaite rester proche de lui, celle qui reste accrochée à la maison des El, de peur de virer du côté Luthor de la Force s'il venait à s'éloigner. Le jeune homme jalouse un peu la fille des marais quelque part, l'héritage qu'elle transporte est aussi lourd que le sien, mais elle semble être capable de vivre sans même y penser. Il s'agit de quelque chose que lui n'est encore jamais parvenu à faire. Jusqu'à présent, il a toujours agi en se demandant ce que Superman aurait fait à sa place. Maintenant qu'il connaît l'entièreté de son origine, il lui faut également veiller à ne pas imiter Lex. Quel dommage qu'il ne puisse pas lui demander conseil pour s'affranchir de leur influence. Enfin si, il pourrait, mais rien de bon ne lui est jamais arrivé en l'écoutant.

Trop concentré sur le prochain assaut, le clone ne prête pas attention à ce que la demoiselle rajoute ensuite. Il frotte ses yeux avec le dos de sa main avant de réajuster correctement ses mitaines, mais rien n'y fait, sa vision est toujours aussi trouble. Le stress procuré par les aventures de Tefé doit probablement être ce qui affecte sa vue. Là comme ça, il ne voit pas quelle autre raison il y aurait pour qu'il rencontre de tels soucis. Heureusement, ce problème ne le dérange pas suffisamment pour qu'il soit dans l'incapacité de se battre de manière convenable. Il s'en préoccupera réellement dès qu'il n'y aura plus aucun danger dans les parages. Esquiver les rafales qui sont envoyées dans sa direction lui semble plus important sur le moment. Superboy manque de vigilance en désarmant l'un de ses ennemis et serre les dents quand quelqu'un lui tire dans le dos. La douleur est superficielle pour le moment, mais il ne suffit que d'un ou deux coups supplémentaires dans le même style pour que son seuil de tolérance soit dépassé. C'est d'ailleurs ce qu'il se passe quand il bondit sur l'adversaire le plus proche de lui avant d'être violemment repoussé par une explosion. « Tant pis pour la manière douce. » Son sang bouillonne alors qu'il lance un regard noir vers son assaillant. Enfin, noir n'est pas vraiment le terme approprié puisque, très rapidement, ses yeux virent au rouge. La lumière brillant à l'intérieur est bien plus intense que précédemment. Pris de peur, le tireur recule de quelques pas et s'apprête à prendre la fuite, mais il est trop tard, une puissante rafale optique sort de ses iris et frappe son torse. Son champ de vision obstrué par un voile cramoisi, Conner n'a aucune idée de ce qu'il est en train de faire. Ses pupilles se comportent comme des valves desquelles la chaleur s'écoule en continu sans qu'il ne sache comment en contrôler le débit. Le débordement d'énergie empêche ses paupières de se fermer, forçant les lasers à suivre chaque mouvement imposé par sa tête, brûlant tout ce qui se trouve sur leur trajectoire. Une voiture explose ainsi sous l'effet de la soudaine élévation de température. La voix de Tefé, visiblement en train de faire du grabuge en hauteur, attire son attention et le demi-kryptonien tourne alors son visage en direction de la source du bruit. Le rayon perce l'une des vitres de l'hélicoptère, heurtant plusieurs de ses occupants en plus des mains du pilote et du tableau de bord. Le flux énergétique s'élève ensuite encore quelque peu pour arracher l'une des hélices avant de s'estomper aussi brusquement qu'il s'était libéré. Ses yeux reprennent leur bleu naturel alors qu'il pose un genou au sol, vidé d'une bonne partie de son entourage après la pagaille qu'il a provoquée.

Seul point positif : ses problèmes de vue ont disparu, c'est en qualité optimale que l'hybride contemple le désastre causé. « Bordel... » De nombreuses cabines ont été endommagées et certains commerçants vont sans doute se retrouver au chômage durant une longue période avec la destruction de leurs stands. Il a décidé de déplacer le combat dans une zone moins occupée pour éviter que l'envoyée du Green et les " amis " qu'elles s'est fait en cours de route blesse des civils pour que, au final, ce soit lui qui sème le plus de grabuge. Malgré le petit pincement au cœur qui ne disparaîtra pas de si tôt, savoir que son dérapage a eu lieu dans un lieu désert le console quelque peu. Il s'en serait terriblement voulu s'il avait malencontreusement touché des passants ou même... Son souffle se coupe un instant quand il se souvient que Tefé se trouvait dans l'hélicoptère avant que sa vision thermique ne s'active. Il n'en faut pas plus pour qu'il imagine déjà le pire. « Non, non, non ! » Un coup de vision à rayon X et le voilà qui se déplace en super-vitesse jusqu'à sa position, non loin de ce qu'il reste de l'aéronef. Concentré sur la fille des marais, le garçon d'acier entend tout de même des hommes recharger leurs armes dans son dos et réagit en conséquence. Ceux-ci semblent moins confiants qu'avant, ils ne s'attendaient probablement pas à un tel désastre en allant réclamer vengeance pour la mort de leur patron. Le jeune homme puise dans les dernières forces qu'il lui reste pour arracher la queue de l'hélicoptère et l'envoyer sur ces derniers. Ceci fait, Tefé redevient à nouveau le centre de son attention. « Hey... » Commence-t-il en la secouant légèrement et en espérant obtenir une réaction de sa part. « Hey ! » Son rythme cardiaque grimpe en flèche en voyant qu'il ne lui répond pas. Dans la panique, le demi-kryptonien ne pense même pas à utiliser ses sens pour inspecter son état. Sans doute se serait-il moins inquiété s'il avait pris la peine d'écouter sa respiration ou les battements de son cœur pour se rendre compte qu'elle survivrait. « Me fais pas ce coup-là ! » Ce n'est clairement pas ce qu'il imaginait en lui déclarant qu'il lui ferait payer toutes les dettes qu'elle a envers lui.

(c) oxymort

keep calm and kill everyone

Ce qu'il se passait sur cette plage, c'était la définition même du chaos. Pourtant, Tefé n'aimait pas plus que ça ce genre de gros bordel, elle n'était pas, justement, un agent du chaos, elle. Elle ne courait pas partout en semant la violence et la haine sur son passage pour la seule raison que ça l'amusait, non, quand elle agissait, c'était pour des raisons spécifiques, contre des gens spécifiques. Elle avait tué quelques types responsables d'une pollution à grande échelle d'un Golfe tout entier qui allait probablement durer des centaines d'années. Elle se défendait contre des types venus essayer de la capturer ou de la tuer. Ce qui la motivait, ce n'était pas l'amusement ou la joie sauvage de voir naître le chaos autour d'elle mais des instincts très simples réduits à leur plus simple expression, et parmi ces instincts, en tête de liste, l'instinct de survie et la colère. Elle était tout le temps en colère, Tefé, et contrairement à Conner, elle ne faisait jamais rien pour la réprimer. Chez lui, ça se voyait que cette rage réprimée en permanence tel un exercice de méditation malsain le dévorait de l'intérieur et plus d'une fois elle l'avait encouragé avec malice à se lâcher. Oui, la colère rendait aveugle, et alors ? Elle ne voyait pas où était le mal, mais elle n'avait pas conscience, aussi, de l'étendue des pouvoirs du jeune homme. Ou du moins, elle se disait que peu importaient les conséquences. Il était gentil. Il était sérieux. Il essayait de suivre des lignes de conduite paradoxales et de se soumettre à des allégeances contraires. Elle, elle se laissait simplement porter par sa rage, porter loin dans le ciel jusqu'à l'hélicoptère dans lequel elle sauta pour se jeter à la gorge du type avec un lance-roquettes, qu'elle jeta hors de la cabine. Le véhicule tournait sur lui-même à plusieurs mètres du sol, le sable et la fumée des armes à feu formaient un rideau opaque épais d'où jaillissaient des tirs à l'aveugle et des cris et des grondements de moteur. Le chaos.

Et puis elle vit du coin de l’œil une lueur rouge transpercer le voile, découper la carlingue de l'hélicoptère, et aussi le pilote, et le type que Tefé secouait par le col pour lui faire lâcher son arme. Net et acéré, comme une lame de rasoir pour remettre en ordre tout ce chaos, chasser la fumée, faire taire les hurlements. Un peu comme si un dieu géant avait passé le bras à travers les nuages pour gifler tout ce beau monde et les remettre à leur place. Elle sentit la chaleur sur sa poitrine et dans son cou puis soudain l'hélicoptère fit une embardée, il y eut un bruit de tôle tordue comme le hurlement d'un animal et elle n'eut même pas le temps de comprendre que l'appareil chutait, et elle avec. Elle vit juste le type avec lequel elle se battait qui la regardait d'un air hébété, et remarqua que son bras s'était détaché de son corps pour une raison obscure, puis ce fut le choc et un autre genre de chaos. Si je meurs, où est-ce que j'irai ? Elle avait posé la question à sa mère quand elle était petite. Née du Green, comme un brin d'herbe qu'on lui avait arraché, elle s'était dit qu'elle retournerait forcément au Green, mais il y avait cet encombrant corps humain dans lequel son essence s'était incarné et qui n'avait rien à faire dans le Green, lui, alors... Abby lui avait répondu « Quand » tu mourras, pas « si ». Pas pour lui faire peur, mais parce que sa mère haïssait l'idée que Tefé ne soit pas humaine, pas tout à fait humaine, pas comme elle, pas tout à fait à elle. Et la réponse, alors ? La réponse, Tefé la connaissait, désormais. Parce qu'elle l'avait trouvée, pas parce qu'elle était morte.

Là tout de suite, elle était bien vivante, vu comme elle avait mal. Elle entendait vaguement une voix l'appeler, loin, étouffée, comme si le contenu d'une boîte de conserve criait son nom. Aussi, elle crut pendant une seconde de peur abyssale qu'elle avait fusionné avec l'hélicoptère, devenant ainsi la toute première femme un tiers humaine, un tiers plante et un tiers tas de ferraille, mais non, c'était juste les débris de l'appareil qui était partout, jusque sous ses fesses, et quand elle ouvrit les yeux, elle vit un morceau de ciel bleu, beaucoup de fumée et la tête de Conner avec des yeux comme ceux de quelqu'un qui revenait de sept jours de Burning Man dans le désert. Elle se recroquevilla en position fœtale. « Aïeeee... » Quelqu'un croassa à côté de son oreille, mais en fait, c'était elle. Elle tourna la tête sur le côté et songea que c'était probablement à ça que devaient ressembler les plages du Débarquement en 1945. C'était un enfer de métal tordu, brûlé, brisé. Des gémissements s'élevaient çà et là, dont le sien, une plainte continue et de plus en plus forte à mesure qu'elle prenait conscience de sa propre souffrance. Ce n'était pas elle qui avait fait ça. Donc, c'était lui. Elle porta la main à son cou et sentit comme une déchirure en biais presque jusque sous son aisselle, bien nette, brûlante. « Le fils prodige... » murmura-t-elle. Elle aurait dû être fière de lui, mais tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle était passée à deux doigts d'être coupée en deux et que son sang était rouge, rouge comme celui des autres, là, étalés autour d'elle, parce qu'ils étaient tous solidaires, en cet instant, tous victime de la colère enfin relâchée de Superboy.

Il n'avait jamais fait ça, dans le labo de Cadmus. C'était une nouveauté. Elle se tortilla sur place pour essayer de s'éloigner de lui, habitée par la peur réelle, quoique primaire, plus animale que raisonnée, qu'il puisse recommencer, alors qu'il la regardait droit dans les yeux. « M... me touche pas. » Enfin pas tout de suite, quoi. Les larmes roulaient sur ses joues mais c'était une réaction purement physique de son corps qui tentait d'apaiser la douleur, pas du tout parce qu'elle était une chialeuse, naaaaan. Elle souffla doucement et décida qu'il fallait qu'elle arrête de saigner, et que c'était probablement trop tôt pour demander à Conner de cautériser la plaie, là, tout de suite. La blague lui échapperait sûrement. Et puis en fait, elle ne saignait pas tant que ça, justement. Et puis elle avait moyennement envie de lui servir de cobaye. Ces jeux-là, une fois lui avait suffit, à Cadmus. Elle souffla doucement et tira sur le fil qui la reliait au Red, et à son pouvoir sur la chair. Si un jour quelqu'un décidait que Tefé était jolie, il changerait d'avis en la voyant utiliser ce don-là. Sa chair, au niveau de la blessure, se gondola, se chiffonna, partit à l'assaut de la plaie béante jusqu'à la refermer, formant un superbe bourrelet de chair rouge et suintant, parfait pour la plage, mais Tefé se foutait bien des considérations esthétiques. L'important, c'était qu'elle ne se mette pas à saigner comme un putain de porc. La douleur était toujours là et elle se hissa sur un coude pour observer le décor, de peur de regarder Conner lui-même. « Eh ben, tu... Tu t'es surpassé. Si seulement tu avais su faire ça à l'époque... » Il fallait qu'elle le regarde. C'était en grande partie sa faute à elle. Elle lui devait bien ça. Elle finit par le faire, mais elle avait tout à fait conscience de l'appréhension qui marquait son visage. Ce n'était pas qu'elle avait peur de lui, mais elle avait peur qu'il ne se contrôle pas. Ce n'était pas sa faute à lui, encore une fois. Mais c'était comme ça.

Elle essuya ses larmes avec son bras et renifla, baissant les yeux sur son tee-shirt et se rendant compte que ce dernier avait lâché l'affaire, ultime victime du coup de sang de Conner. Bizarrement, cela fit revenir les larmes - c'était son tee-shirt préféré, celui avec Ziggy Stardust sur le devant. « T'es flippant quand tu t'énerves. Tes yeux, ils sont... Est-ce que ça te fait mal ? » Elle tendit la main vers son visage puis figea son mouvement, parce qu'elle imagina ses doigts être proprement découpés comme des petites saucisses avec des bagues, même si c'était stupide. Un recoin de son esprit lui apprit qu'elle allait avoir du mal à dealer avec cette histoire. Trauma incoming. Bon, et maintenant ? Il fallait qu'ils se tirent avant que les flics arrivent. Elle voyait d'ici que Conner voudrait rester pour s'expliquer, être le boy-scout de la bande de deux qu'ils formaient, mais ça, ce n'était pas possible, paaaas possible. « Faut qu'on dégage. Je sais que tu ne vas pas être d'accord, mais faut pas qu'on nous trouve ici. Ni toi ni moi. On veut pas retourner dans un labo de l'enfer. Et tu ne veux pas que les gens décident que tu n'es que le type qui... fait ce genre de trucs. Tu saisis ? » Merde, quoi, il avait dérapé. Ça arrivait à tout le monde. Ça n'enlevait rien à toutes les fois où il avait sauvé des gens, ni à ce qu'il était, et à ce qu'il voulait être. C'était juste une... petite sortie de route. Une connerie, comme tout le monde en faisait. Elle sortit l'arme ultime, luttant contre son malaise vis-à-vis de lui, sa peur, son envie de partir dans la direction opposée : « Je peux pas bouger. Mais je veux pas qu'ils m'attrapent. Tu veux bien m'aider ? » Encore ? Elle était gonflée, certes. Mais elle se disait que peut-être, encore une fois, une dernière fois, il ne pourrait pas refuser sa supplique, et c'était le meilleur moyen de le faire partir d'ici avec elle. En plus, c'était vrai qu'elle ne pouvait pas bouger.

Codage par Libella sur Graphiorum

keep calm and kill them all

Tefé Holland & Conner Kent

◊ ◊ ◊

Le stress qui fait pression sur ses épaules s'allège dès qu'il entend Tefé gémir. Même après l'avoir vue faire à plusieurs reprises, son processus de guérison de la chair l'écœure toujours autant, mais la situation ne se prête pas à ce qu'il fasse le moindre commentaire. Sa survie est bien plus importante que la scène qu'il observe sur le moment. Ce soulagement n'est malheureusement que de courte durée. En effet, Superboy se fige sur place avant même d'avoir eu le temps de sourire pour exprimer sa joie de ne pas l'avoir tuée. Sa main reste levée, même après avoir été rejetée. La réaction de la demoiselle est légitime, elle ne doit sa survie qu'à sa chance et l'expérience a dû tout autant la traumatiser que lui. Les choses se sont passées de manière si imprévues qu'il ne sait même pas quoi lui dire, il reste sans voix. Seules les expressions de son visage changent en fonction de ce que son interlocutrice rajoute. « Désolé. » Murmure-t-il d'une voix que la culpabilité rend toute petite. Il ravale sa salive en imaginant ce que ses tuteurs de Cadmus auraient fait de lui s'il avait débloqué sa vision thermique lors de ses quelques semaines de séjour dans leurs laboratoires. Ils auraient probablement cherché à déterminer l'étendue de son potentiel destructeur en le forçant à brûler les projets les moins fructueux de l'entreprise. Qui sait, peut-être l'auraient-ils même mis face à la fille des marais pour évaluer son effet sur les individus capables de se soigner sans aide extérieure. Le pire est qu'avec son obscure conception du bien et du mal de l'époque en plus de sa curiosité à connaître la limite de ses talents, s'en prendre à elle ne l'aurait même pas forcément dérangé. Alors, même si l'envie de lui dire de changer le regard chargé d'accusations qu'elle adresse en direction de sa personne se fait très grande, il choisit de subir celui-ci sans protester, estimant qu'il l'a bien mérité pour cette fois.

C'est étrange, le garçon d'acier pensait connaître toutes les réactions que Tefé pouvait avoir en fonction de ses actions : de la joie durant les rares moments où elle arrive à le faire lâcher prise, du jugement quand il utilise les valeurs qui lui ont été inculquées pour la sermonner, ... Le comportement qu'elle est en train d'avoir là est inédit et il ne sait pas vraiment comment agir en conséquence. Le malaise produit le rend silencieux, il faut attendre qu'elle l'interroge pour qu'il daigne ouvrir la bouche à nouveau. Et encore, son intonation très peu hardie. « J'ai eu l'impression de ne rien pouvoir contrôler. Je... Je n'ai pas réussi à m'arrêter, même en essayant de fermer les yeux. » Il a à la fois été acteur et spectateur du désastre. Acteur car il est celui qui l'a provoqué et spectateur parce qu'il s'est senti complètement impuissant pendant que ses yeux détruisaient tout ce qui se trouvait dans son champ de vision. Pour lui qui aime montrer qu'il peut garder n'importe quel débordement sous contrôle, cette situation est extrêmement frustrante. Son taux d'angoisse augmente encore d'un cran après que l'agent du Green l'ait confronté à un nouveau dilemme moral. Se rendre à la police et assumer les conséquences de ses actions ou prendre la poudre d'escampette pour éviter de finir dans une institution qui ferait bien plus que simplement l'emprisonner ? Tefé n'a pas tort, c'est ce qui arrivera tôt ou tard si on lui passe les menottes au poignet. Des individus malintentionnés demanderont à le transférer dans leur établissement sous prétexte que ce dernier sera plus approprié pour le contenir alors que leur seul objectif sera de faire de lui une arme ou de reproduire l'expérience qui a fait de lui le premier clone viable de Superman. Son attention alterne entre la jeune femme et le commissariat situé à plusieurs kilomètres de leur position avant qu'un le dernier argument de sa part ne finisse par le convaincre de choisir la seconde option. Contrairement à la première fois, Kon-El fait preuve d'une grande délicatesse en la soulevant pour la placer sur son dos, de peur de l'effrayer, ou pire, de la briser après avoir été à deux doigts de lui ôter la vie. « Accroche-toi. » Usant de son incroyable détente, l'hybride bondit ensuite, s'éloignant d'une soixantaine de mètres en quelques secondes, non sans jeter une dernière œillade vers l'arrière, honteux de tous de les dommages qu'il a causés aujourd'hui.

Leur affrontement précédent ainsi que le déclenchement imprévu et incontrôlé de son nouveau pouvoir ont eu raison d'une bonne partie de son endurance, cela se ressent dans l'amplitude de ses sauts qui se voit diminuée par rapport à d'habitude. Ses jambes déploient moins d'énergie qu'au moment où il a déplacé la zone de conflit. Chaque atterrissage se fait un peu plus compliqué que celui juste avant, au point qu'il finit par se vautrer contre le toit d'un immeuble après avoir accompli une vingtaine de cabrioles plus maladroites les unes que les autres. Superboy se frotte la mâchoire, première partie de son corps à avoir percuté le béton, plus par réflexe que parce qu'il ressent une réelle douleur. Ses yeux se posent sur Tefé pour vérifier que tout allait bien de son côté après qu'il l'ait lâchée en perdant l'équilibre, il serait tellement ballot qu'il l'ait à nouveau blessée. « Ce qu'il s'est passé sur la plage m'a vidé de toute mon énergie, désolé. » Il va lui falloir un peu de temps pour récupérer. Par chance, le soleil n'est pas près de disparaître avant plusieurs heures. Tout ce qu'il peut faire en attendant, c'est s'asseoir et s'assurer que sa collègue de laboratoire ne lui en veut plus. Ou plus trop, ça lui va aussi. « Tu te sens un peu mieux ? » Sa voix est hésitante, il ne lui semble pas légitime de poser la question alors c'est de sa faute si elle se trouve en mauvais état. Une seule utilisation de sa vision thermique a suffi à lui faire réaliser tout son potentiel destructeur. Contrairement à super-vitesse ou sa super-force, Conner n'a pas le sentiment que cette capacité est faite pour aider les autres. Non, elle lui donne plus l'impression d'exister pour blesser ses ennemis, ou même ses amis quand il se montre imprudent comme il vient de le montrer plus tôt. « Je déteste ce pouvoir. » Un nouveau point à ajouter à la liste des choses qu'il hait. S'il savait comment faire, il s'en serait débarrassé dans la seconde. Quelle ironie pour lui qui s'émerveille d'habitude à chaque fois que l'un de ses dons kryptoniens s'éveille et le rapproche un peu plus de ses congénères. Cette fois, il n'éprouve pas la moindre fierté, il ne se sent pas plus semblable à Superman qu'avant. Ceci ne serait d'ailleurs jamais arrivé à ce dernier. Il aurait sans doute géré la situation avec une facilité déconcertante, comme d'habitude.

Il est impossible pour le jeune homme de garder son habituel air sûr de lui après ce qu'il vient de faire. La détresse se lit donc dans le regard qu'il adresse à la fille des marais. « Ce que je leur ai fait, ce que je t'ai fait... C'est terrible, pas vrai ? » La scène se rejoue dans son esprit, il revoit les silhouettes, initialement à peine discernables, complètement s'effacer après que la lumière carmine qui l'aveuglait ait augmenté en intensité. Pire encore, ce sont les cris de douleur de ses victimes qui lui reviennent en tête. Un frisson parcourt son échine quand il se dit qu'il est celui qui les a provoqués, qu'il est celui qui les a fait souffrir plus que nécessaire. Tefé est un cas particulier, elle a pu s'en sortir grâce à ses facultés de guérison. Il lui est malheureusement impossible de prédire que les prochaines cibles qu'il toucherait sans le vouloir survivraient aussi facilement. Qu'aurait-il fait si ce n'était pas son amie, mais la troupe d'enfants avec laquelle il se trouvait qui avait été heurtées par ses rafales optiques ? Bon sang, que cela aurait été terrible. « C'était censé être un simple événement caritatif, à la base. On aurait pu éviter tout ça si tu m'avais laissé tranquille. » Oups, la phrase est lâchée sans que le clone n'ait songé à mesurer ses mots avant. Ce n'est pas tout à fait faux pourtant. Il aurait suffi qu'il dise " non " pour que l'énorme poids qui lui écrase actuellement cœur n'ait jamais vu le jour. « Qu'est-ce qui m'a pris de te suivre ? Je n'étais même pas impliqué dans l'histoire avant que tu ne décides de m'y mêler. » S'il était resté dans son coin, il n'aurait pas lâché prise aussi facilement et projeter des lasers par ses yeux serait resté de l'ordre du fantasme pendant encore de nombreux mois, si pas quelques années. Remarquant enfin que son ton commence à être de plus en plus lourd de reproche, le justicier tourne la tête pour masquer son embarras et l'air boudeur qui assombrit son visage. « Pardon, ça ne sert à rien de te rejeter la faute, je savais dans quoi je m'embarquais au fond. Ça finit toujours de la même façon avec toi, après tout. ». Après mûre réflexion, Kon-El ne comprend pas pourquoi il donne l'air d'être le seul à s'en vouloir de son petit accident. Tefé est tout aussi responsable que lui de ce qui s'est produit. Cette dernière devrait même être super contente, normalement, il s'est comporté exactement comme elle l'incite à le faire depuis qu'ils se connaissent.

Ce n'est qu'après avoir pris une grande inspiration que le garçon d'acier parvient à se détendre quelque peu, ce qui lui évite de sortir des phrases qu'il regretterait d'avoir prononcées par la suite. La colère toujours bien présente au fond de ses pupilles, bien que pas suffisamment forte pour les faire rougir à nouveau, le demi-kryptonien prend sur lui pour ne pas trop montrer ses pensées négatives quand il s'exprime une nouvelle fois. « Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? » " On " parce que, malgré le ressentiment qu'il éprouvée à son égard, Superboy continue de penser qu'ils sont dans le même bateau. Pour cette affaire, tout du moins. Et puis, surtout, les situations foireuses sont sa spécialité. Elle doit déjà avoir trouvé un moyen de les sortir du pétrin à coup sûr, pas vrai ? Pas vrai ?

(c) oxymort

keep calm and kill everyone

Des tas de choses qu'elle avait oubliées lui revenaient en mémoire, là tout de suite. Des choses qu'elle avait décidé d'ignorer comme si c'était seulement possible, comme un caprice éternel. Comme par exemple, ce que c'était d'avoir mal, vraiment mal. Elle était plus robuste que la moyenne et en ayant grandi et vécu comme une enfant sauvage, elle avait peu de considération pour son propre corps et ce qu'elle pouvait lui faire subir et telle une adolescente, continuait de penser qu'elle était immortelle. Sans parler du fait que d'habitude, c'était elle, la plus forte. C'était elle, la figure divine contre laquelle les autres ne pouvaient rien faire. La douleur, la vraie, et la conscience aiguë de s'être fait marcher dessus par un autre, qui n'avait même pas fait exprès, qui n'y avait même pas mis toute sa force, c'était un rappel à l'ordre difficile à encaisser, plus que la souffrance elle-même. Le rappel qu'elle n'avait rien de divin, qu'elle n'était pas immortelle, qu'elle était faite de chair et de sang. Le rappel aussi que ses actes avaient des conséquences. Encore une truc qui lui passait au-dessus d'habitude, mais cette fois, elle s'était pris un mur dans la tronche. Non, elle ne pouvait pas faire et dire ce qu'elle voulait et espérer toujours s'en sortir sans subir le contrecoup de la casse qu'elle provoquait. Mais, pire encore, ce n'était pas un ennemi, ou quelqu'un qu'elle détestait, ou quelqu'un dont elle se fichait, qui la rappelait à l'ordre. C'était un ami. Voilà pourquoi c'était d'autant plus violent. C'était elle qui avait fait ça à Conner, et c'était Conner qui lui avait fait ça, et voilà dans quelle situation ils se trouvaient, maintenant. Putain elle aurait pu crever. Cette réalisation-là la fit trembler de tous ses membres, plus une réaction physique que la peur elle-même. De quoi elle aurait eu l'air si était morte comme ça ? Et qu'est-ce qu'aurait fait Conner, s'il l'avait vraiment coupée en tranches ? Et qu'est-ce que Swamp Thing aurait fait à Conner ? Autant de ramifications auxquelles elle ne pensait jamais, mais tout d'un coup c'était là, dans sa tête, et ça ne voulait plus partie. Idiote, idiote, idiote ! Elle pouvait entendre les scientifiques de Cadmus pousser des exclamations de joie, prendre des notes, hocher la tête. Même après qu'ils se soient enfuis, elle continuait à tester Conner, à faire des expériences sur lui...

Superboy Airlines avait perdu en qualité. Chacun de ses atterrissages lui arrachait un grognement de douleur. Ça aurait été cool si à la place de sa vision thermique, il s'était mis à voler. Mais ça, ça ne dépendait que lui. Elle se sentit éjectée soudain et fit quelques roulades sur le sol dur d'un toit anonyme avant de s'immobiliser à plat ventre et de réfléchir longuement sur sa vie. Rien ne s'était passé comme elle l'avait prévu, donc. Elle réussit à rouler sur le flanc, en chien de fusil, alors qu'il se laissait tomber à côté d'elle. Elle refusait toujours de le regarder, mais c'était à cause de sa stupide culpabilité. S'excuser, reconnaître ses fautes, ce n'était pas quelque chose qui lui venait naturellement, elle trouvait ça inutile et humiliant. Elle laissa échapper un gargouillis qui pouvait passer pour un rire alors qu'il lui balançait détester son pouvoir. « Tu devrais pas. Tout pouvoir est bon à prendre. Tu peux tuer quelqu'un tout pareil d'un coup de poing, non ? Alors qu'est-ce que ça change ? » C'était le bon vieux débat de savoir si c'était l'arme à feu qui était mauvaise ou le type qui la tenait. Pour Tefé, c'était très simple, les hommes étaient les coupables, pas les putain d'objets inanimés. Et un jour, probablement qu'un cinglé galactique enverrait une météorite s'écraser sur Terre, et alors tout le monde serait ravi qu'un type ait une vision thermique capable de réduire le caillou en confettis.

La suite n'est pas facile à entendre. Et son premier réflexe, c'est de protester, évidemment. Elle voulait lui dire que tout ça, c'était des conneries. Que ça serait arrivé de toute façon, avec ou sans elle, et qui savait s'il n'aurait pas débloqué ce pouvoir dans une fête foraine ou dans une école maternelle, hein ? Alors mieux valait que ce soit des ordures qui en aient subi les effets. De ce point de vue, elle lui avait même rendu service. Tout ça, elle le pensait vraiment. Et en vérité, elle ne pouvait pas, comme lui, être désolée pour ces types. Elle ne ressentait rien pour eux, pas comme lui, alors là-dessus, ils ne pouvaient se comprendre. Elle pouvait imaginer qu'il se sente mal, mais elle ne comprenait pas pourquoi il s'imposait cette culpabilité. Si elle-même avait des remords, c'était par rapport à lui, pas par rapport à ces gens. « Ouais, c'est ma faute. » Elle n'avait aucun problème à le dire, ça. Mais elle n'était pas capable d'aller plus loin, avec, par exemple, des excuses. « Mais je continue à penser que c'était super cool ce que t'as fait là-bas. C'est ce que tu es. Que je sois là ou pas, ça change rien, ces pouvoirs, ils sont à toi. » Bon okaaaaay, ce qui changeait, c'était qu'elle le faisait sortir de ses gonds alors que sans elle, il avait l'air de se maîtriser. Elle ressentit une pointe de fierté extrêmement déplacée, à ce moment-là. « Je les aurais tués, moi, si tu n'avais pas mis un coup d'arrêt à tout ce bordel. T'aurais pas pu m'en empêcher autrement. » Elle roula sur l'autre flanc pour pouvoir enfin le regarder. Une autre vérité la transperça soudain. Il était plus fort qu'elle, tellement plus fort. Il l'avait battue en un seul coup. Sa blessure la brûlait encore, comme si cette sensation n'allait jamais s'arrêter. Elle était battue, cent fois battue par ce type qui ne voulait même pas des immenses pouvoirs qu'il possédait. C'était vraiment ironique. Et frustrant.

Encore que, s'il l'avait battue sur le plan de la bagarre, c'était elle qui avait gagné le combat psychologique, en quelque sorte. Mais elle sentait que c'était encore un peu trop tôt pour faire une vanne. Elle n'était même pas sûre que, au-delà de la chair carbonisée, la fissure qui s'était créée entre eux sur cette plage allait un jour se refermer. Cette pensée-là la renvoya dans des abîmes de culpabilité dont elle ne voulait pas et dont elle ne savait pas quoi faire. « Tu crois que Superman s'est pas posé les mêmes questions que toi ? Ce mec pourrait vaporiser la Terre. Toi aussi un jour tu pourras peut-être. Tu devrais commencer à accepter la réalité au lieu d'essayer de la fuir. Tu seras jamais un type normal. Les types normaux se retrouvent pas à Cadmus. Et ils peuvent pas sauver la planète non plus, cela dit. » Au moins, ce terrain-là leur était familier à tous les deux. Le bon vieux débat. Lâche-toi, utilise tes pouvoirs, vitrifie les méchants, te pose pas de questions, disait sans cesse Tefé. Mais lui ne voulait pas. Ou ne pouvait pas. Elle ne savait pas trop. Elle pouvait imaginer ce qui le bloquait, des trucs comme la peur d'en faire trop, de blesser des gens, tout ça... Mais ça restait conceptuel dans l'esprit de Tefé. Elle ne comprenait pas pourquoi il ne s'emparait pas de qui il était pour faire de lui-même qui il voulait. Pourquoi il ne pouvait pas faire comme elle. Pourquoi les choix qui lui semblaient si faciles, à elle, était compliqué pour lui. Mais bien sûr, l'inverse était vrai aussi. Elle n'aurait pas pu être comme lui. Se contrôler, se raisonner, prêter attention à ceux qui l'entouraient, se retenir jusqu'à se faire souffrir pour ne pas faire souffrir les autres, tout cela, elle n'en était pas capable ou plutôt, elle n'avait pas envie d'essayer, ce qui était probablement pire. S'avouant vaincue à l'avance plutôt que d'essayer, elle piétinait sans vergogne ce genre d'interrogations plutôt que de les affronter. Il faut dire qu'en le voyant subir ce genre de dilemme, ça ne lui donnait pas envie, à Tefé.

Elle roula sur le dos pour observer le ciel bleu et passa la langue sur ses lèvres. La mer toute proche leur donnait un goût salé. « On attend que ça se calme. Ensuite tu rentreras chez toi et si la culpabilité est trop insupportable, tu trouveras forcément des potes à qui en parler. Moi, je ne pourrai pas te dire ce que tu as envie d'entendre. » Et elle, elle s'en irait comme une bête blessée, la patte prise dans un piège, à lécher sa plaie en essayant de se convaincre qu'elle n'avait pas merdé dans les grandes largeurs. Et peut-être qu'après ça, ils ne parleraient plus jamais. Tefé ne savait pas comment fonctionnaient les amitiés. Elle n'était même pas certaine qu'entre eux, c'était de ça qu'il s'agissait. Elle l'aimait beaucoup mais est-ce qu'ils étaient amis ? Est-ce que ça comptait si elle le considérait comme tel mais pas lui ? Est-ce que les amitiés survivaient à la vision thermique et aux membres découpés ? C'était la première fois que ça lui arrivait, aussi, il fallait la comprendre. Elle sentait confusément que ça aiderait peut-être si elle s'excusait. Puis elle se dit que ça ne servirait à rien, alors elle ne le fit pas. « Tu devrais voir le bon côté des choses. On vient de déterminer scientifiquement que si jamais un jour je deviens la prochaine grande menace planétaire, tu pourras m'arrêter. Ils seraient fiers de nous, là-bas. Là-bas, à Cadmus. C'était bien pour ce genre de choses qu'ils avaient créé Conner, non ? Pour avoir une arme contre les gens comme elle. « C'est toi le plus fort. Enfin tu le serais si tu ne te laissais pas empoisonner par les trucs auxquels tu penses, là, tout de suite. “Je vais blesser des gens. Je vais tuer des gens.” Plus personne peut t'y forcer. Même pas moi. Pourquoi est-ce que ça continue à te faire peur ? » Son ton était presque devenu boudeur. Ouais, même pas elle. Enfin elle ne pourrait plus le jour où il se serait blindé contre elle, ce qui apparemment n'était pas encore fait. Alors oui soudain, elle entrevit la possibilité qu'ils aient là leur dernière conversation, elle comprit enfin pourquoi la limite qu'elle avait franchie avec lui pouvait être la dernière, et elle sut que la blague n'en était plus une, à partir de maintenant, et qu'il aurait toutes les raisons du monde de ne plus vouloir la voir, et elle d'avoir peur de le revoir. Voilà, alors comment cette chose-là, l'amitié, pouvait finir quand on la cassait à force de jouer avec.

Codage par Libella sur Graphiorum

keep calm and kill them all

Tefé Holland & Conner Kent

◊ ◊ ◊

Cinq ans qu'ils se connaissent et cinq ans que Conner ne sait sur quel pied danser avec Tefé. Le duo peut être sur la même longueur durant un court laps de temps et avoir des opinions qui divergent fortement l'instant d'après. Les deux ont été conçus via des moyens qui étaient tout sauf naturels et des objectifs bien précis leur ont été assignés avant même qu'ils ne prononcent leurs premiers mots ou qu'ils soient en mesure de réfléchir par eux-mêmes. Ces objectifs, ils n'en ont pas voulu, mus par cette même volonté d'écrire leur destin sans être influencé par des personnes extérieures. Ils ont côtoyé les mêmes scientifiques en plus, pour ajouter un autre point commun à la liste. Le demi-kryptonien n'arrive donc pas à expliquer comment leurs chemins respectifs sont si éloignés l'un de l'autre, malgré des conditions de naissance similaires. Il plisse les yeux, comme s'il s'attendait à éveiller un nouveau pouvoir qui lui permettrait de mieux comprendre ce qu'il se trame dans la tête de son interlocutrice alors qu'elle lui prouve une énième fois qu'ils sont différents. « Comment tu fais pour avoir le cœur aussi léger ? On vient de provoquer un chaos pas possible et t'as l'air de complètement t'en foutre. » Pas une seule once de honte dans sa voix quand elle lui avoue qu'elle aurait été au bout des choses s'il n'avait pas eu sa petite crise imprévue avant. Son détachement est bien réel, elle ne lui fait même pas cette révélation pour provoquer une quelconque réaction chez lui. Elle parle en toute honnêteté et sans arrière-pensée. Il s'agit à la fois d'une qualité qu'il apprécie chez elle, tout comme d'un défaut qui a tendance à l'agacer. Tefé est capable de lui cracher les pires vérités possibles au visage sans même se soucier de ses sentiments. Se soucie-t-elle même réellement de quelque chose sur cette planète ? Le clone n'a jamais vu autre chose sur son visage qu'un air désinvolte, le genre à donner l'impression à tout le monde que rien ne l'atteint et que rien ne la motive non plus. De ce qu'elle lui montre, elle ne rend des comptes à personne, pas même à lui après toutes les fois où elle l'a impliqué dans toutes ses aventures sans demander son avis. Et même s'il ne peut pas prétendre être suffisamment proche d'elle pour tout connaître de son histoire, il pense l'avoir au moins assez cernée pour supposer qu'il n'y a pas qu'avec lui qu'elle se comporte ainsi. L'accepter dans sa vie, c'est aussi accepter toute la toxicité qui va avec.

Le débat dans lequel ils viennent d'entrer est celui dans lequel ils ne cessent de tomber à chaque fois qu'ils se rencontrent. Jusqu'où sont-ils libres de faire ce qu'ils veulent avec leurs pouvoirs ? L'enfant de la Créature des Marais marque un point, ce n'est pas avec leurs moyens actuels que les humains seront capables de leur imposer leur volonté. La seule chose qui leur donne un semblant d'avantage sur eux est le fait que certains méta-humains sont dotés d'un sens moral qui les empêchent de les blesser. Et encore, cet argument n'est pas valable pour tous ceux équipés de dons surnaturels. La blonde allongée devant lui en est le plus bel exemple, elle qui supprime tout ce qui l'ennuie sans se poser de question. Ce qui le perturbe encore plus, c'est son étonnante capacité à énoncer des faits avérés qu'il ne peut contredire et de s'en servir ensuite pour justifier les actes qu'il ne valide pas. Superboy déteste quand elle fait ça parce qu'il est incapable d'affirmer qu'elle a tort en lui expliquant qu'il est stupide de sa part de craindre sa vision thermique, tout comme il est incapable de dire qu'elle a raison. Une vérité qu'il ne peut totalement accepter, mais qu'il ne peut totalement nier non plus. Puis, comment peut-il espérer être un jour d'accord avec elle quand, pour toute parole sage qu'elle débite, une bêtise finit toujours par suivre. Comparer sa prestation à ce que ses créateurs attendaient de lui n'est sans doute pas ce qu'il y avait de plus intelligent à faire. « Tu penses vraiment que c'est à ça que je pense en ce moment ? » Le garçon d'acier roule des yeux avant de croiser les bras. Des gens ont manqué de mourir par sa faute et, tout ce qu'il devrait faire, c'est se féliciter d'avoir gagné en puissance ? « Youhou ! Regardez-moi, je suis capable de tout brûler avec mes yeux désormais ! Ca vous dérange ? Pas de problème, approchez, qu'on en discute pendant que je vous coupe en deux ! » S'extasie-t-il faussement en imitant aussi mal que possible la voix de son interlocutrice, dans le vain espoir de lui faire comprendre à quel point son raisonnement ne tenait pas la route. Kon-El se sentait inarrêtable à une période, parce que c'était ce que ses superviseurs lui avaient mis dans la tête. Qu'elle n'a alors pas été sa surprise quand il a été confronté à Superman pour la toute première fois, quand il a réalisé l'énorme fossé qui les séparait. La succession d'échecs qui s'en est suivie l'a poussé à faire un réel travail de déconstruction sur lui-même et à oublier tous les mensonges employés par Cadmus pour lui bourrer le crâne. Alors, non, l'hybride refuse que sa camarade, qui sait comment on a essayé de le formater, lui répète les mêmes sottises. « T'aurais réagi comment si j'avais carbonisé ta plante ou ton chien à la place, hein ? Tu l'aurais toujours pris avec autant d'insouciance ? » Il ignore ce qui est susceptible de lui importer. Ceux-ci ne sont jamais loin d'elle, donc il présume qu'ils doivent avoir une certaine valeur à ses yeux, sauf que présumer n'est jamais suffisant lorsque l'on parle de Tefé. Pour cette raison, le clone s'attend à n'importe quelle réponse de sa part.

Ses yeux quittent la demoiselle en même temps que cette dernière décide de changer de position. Il fixe sa propre main et ferme le poing aussi fort qu'il le peut, comme s'il cherchait à évaluer sa force après leur accident. « J'aimais découvrir l'étendue de mes capacités avec Cadmus, mais j'ai toujours détesté devoir le faire en blessant des gens qui ne le méritaient pas. » La tendresse n'est pas ce qui lui a été appris lors de ses premières semaines de vie et, poussé par l'adrénaline, Conner ne se retenait que très peu lors des séances d'entraînement. Au départ, le demi-kryptonien était fier de lui quand il était le dernier homme à tenir debout. Puis, au fil du temps, ce dernier s'est montré de plus en plus observateur et a fini par éprouver un sentiment de malaise en croisant le regard de ceux qu'il tabassait. Les expériences que l'on dressait contre lui n'étaient malheureusement pas que de simples sparring partners pour qui venir chaque jour lui rendre visite dans sa cellule était un plaisir. On les forçait à faire cela jusqu'à ce qu'ils n'en puissent plus. C'est comme ça qu'il a connu l'élémentaire, d'ailleurs. Il l'a blessée et elle l'a blessé en retour. Il ne comprend donc pas comme celle-ci peut plaisanter à ce sujet. « Je ne dis pas que les gens sur la plage ne méritaient pas une bonne correction, juste... Pas de cette manière-là. » Parce qu'il y a des règles à suivre et que leur arracher des membres pour les punir n'en fait pas partie. Ce n'est pas utilisant sa vision thermique pour réduire en cendres des criminels qu'il apportera justice. L'idée lui a pourtant régulièrement traversé l'esprit, principalement à ses débuts, mais il a bien vite compris que peu de problèmes se réglaient de la sorte. Tefé l'a d'ailleurs prouvé aujourd'hui. Elle n'en a fait qu'à sa tête et voilà où ils en sont maintenant. Qui sait ce qui leur aurait été envoyé ensuite s'il l'avait laissée tuer tous les vilains qui leur collaient ? Kent ne lui pose même pas la question parce qu'il connaît déjà sa réponse. Elle ne sait pas à quoi elle aurait été confrontée, mais elle aurait " géré comme d'hab' ". Tefé Holland ne connaît pas la peur ou alors, elle le cache très bien. Il est donc normal qu'elle ne saisisse pas ce qui le tourmente. « Je ne sais pas si tu t'en souviens, mais Cadmus n'a jamais voulu me révéler l'identité de mon géniteur terrien. Bah, figure-toi qu'il s'agit de Lex Luthor. » Il ne sait même pas si lui révéler servira à quelque chose. Celle-ci lui paraît tellement déconnectée du monde humain qu'il ne serait pas étonné qu'elle ne sache même pas qui est l'homme dont il parle. L'un des plus grands criminels du vingt-et-unième siècle et le précédent président des Etats-Unis, qui plus est. M'enfin, qu'est-ce que cela représente pour l'envoyée du Green ? « Je me comporte exactement comme il le souhaiterait à chaque fois que j'emprunte cette voie. Et ça, c'est hors de question. Je ne me suis pas enfui pour tout de même finir par agir comme l'arme qu'il a toujours vue en moi, celle qui n'est dictée par aucune valeur morale. » S'il y a bien une chose que le garçon espère ne jamais faire dans sa vie, c'est d'accomplir un acte qui rendrait fier son ordure de père.

De la hauteur à laquelle ils se trouvent, le super-héros n'a aucun mal à entendre les sirènes de police retentir depuis la plage. Les agents ne feront sans doute pas le lien entre les dégâts causés et le duo de catastrophes ambulantes qu'il forme avec la femme-plante, mais cela ne l'empêche pas d'appréhender le moment où l'affaire remontera jusqu'au reste de la Young Justice. Rhodes Island est leur base d'opération, après tout. Lâcher prise comme il l'a fait ne leur rendra clairement pas service, mais ça, Tefé doit probablement s'en foutre aussi. « Dis-moi, est-ce qu'il y a des choses auxquelles tu te sens attachée ? Des gens, des endroits, n'importe quoi ? Autre chose que la nature, bien sûr. Quand je t'entends, j'ai l'impression que rien n'a d'importance pour toi. » Elle critique tout et n'importe quoi, peine à éprouver de l'empathie pour son prochain et Kent a bien compris que la vie humaine n'a que peu de valeur à ses yeux. Néanmoins, malgré ses faibles compétences en matière d'analyse du comportement, Conner se juge tout de même autorisé à penser qu'il doit bien exister une ou deux choses qui ne laissent pas sa camarade indifférente.

(c) oxymort

keep calm and kill everyone

Un haussement d'épaules lui parut être la réponse la plus appropriée à la question de Conner. Elle savait bien que ça ne le satisferait pas, que ça ne ferait même peut-être que l'énerver. Mais elle ne pouvait pas faire semblant de ressentir des choses qu'elle ne ressentait pas. Elle plaçait sur le même plan les types qu'ils avaient blessés là-bas sur cette plage et les millions de types sur la planète qui, durant la même minute, étaient blessés ailleurs, pour d'autres raisons. Les gens qui mouraient par sa main et les gens qui mouraient autrement, loin d'elle, dans l'anonymat. Se préoccuper des premiers, cela aurait dû la forcer à se préoccuper des seconds, sinon c'était de l'hypocrisie à ses yeux. Et loin de s'inquiéter pour l'humanité tout entière, elle avait décidé il y avait très longtemps de ne s'inquiéter pour aucun des humains. En réalité ce n'était même pas une décision consciente. Cela tenait plus de l'émotion que de la raison. Elle pouvait ressentir de la pitié ou avoir le cœur lourd, le plus souvent pour les humains les plus en marge qu'elle croisait au quotidien parce qu'elle-même vivait à la marge de la société. Les clodos, les gosses à la rue, les pauvres filles sur le trottoir, les ratés, les losers, tous ceux qui regardaient passer dans le ciel, l'œil terne, les super-héros scintillants, en sachant que leur vie ne changerait jamais. Mais ressentir quoi que ce soit pour des agresseurs ? C'était trop lui demander. Alors elle haussa les épaules. Elle ne prenait pas de plaisir à cette situation, ni à trucider des gens, mais oui c'était vrai, elle ne ressentait pas grand-chose non plus vis-à-vis d'eux. Ses maigres sentiments, elle les réservait à ceux qui comptaient vraiment, et pour le meilleur ou pour le pire, lui en faisait partie. Elle connaissait déjà son point de vue. Bien sûr, ce n'était pas les mots entre eux qui comptaient, c'était la façon dont ils vivaient, les voies qu'ils avaient choisi de suivre, la morale qui les animait surtout, un concept qui était difficile à changer, pour tout le monde.

Sa question suivante n'était pas bête. Elle leva les yeux au ciel le temps d'y réfléchir sérieusement. Qu'aurait-elle fait s'il avait carbonisé son chien ? Bien sûr elle aurait été triste et en colère, cela dit si elle avait tenté de se venger, il l'aurait carbonisée tout pareil, ils en avaient la preuve, maintenant. Mais elle sentait que ce n'était pas ce genre de réponse qu'il voulait. Elle faillit lui renvoyer sa question, en réalité, mais finalement, elle énonça la seule chose qui la gênait, dans les paroles de Conner : « Ben... J'arrive pas vraiment à imaginer cette situation. Je crois pas que tu serais capable de tuer mon chien, peu importe ta situation. » Elle lui sourit en disant cela, parce qu'elle le pensait vraiment, ben ouais, Conner Kent tuerait jamais un chien, c'était pas son genre, même sous le coup d'une rage aveugle, elle était sûre qu'il ne ferait pas ça. Elle le savait bien trop gentil pour ça, et droit, à s'en rendre malade, et il laisserait ses yeux lasers lui faire exploser son propre crâne avant de carboniser son chien, ça oui ! Surtout maintenant qu'il était libre. Parce que c'était ça le problème pour Tefé. Cadmus, c'était fini. De même que pour elle, le Parlement des arbres, c'était fini. Plus personne, jamais, ne la forcerait à faire quoi que ce soit. Et elle trouvait étrange que ses regrets ne soient pas les mêmes que ceux de Conner. Lui ne semblait pas être dérangé par ce que Cadmus lui avait fait, c'était simplement la méthode qui l'avait dérangé. Il pensait aux autres avant de penser à lui-même. Il était plus choqué d'avoir dû blesser des gens que d'avoir été blessé lui-même. Cela plus que tout déprimait toujours Tefé quand elle le regardait. Pourquoi est-ce qu'il ne pensait pas un peu plus à lui ? De son avis à elle, de toute façon, il n'y avait pas de passants innocents, ou presque. Mais elle était d'accord que tout le monde ne méritait pas de souffrir, surtout si c'était indépendamment de leur volonté. Les types de la plage, en revanche, aucune pitié. Ils avaient fait des choix et ils en payaient les conséquences, il n'y avait aucune arnaque là-dessous, une simple logique bien humaine, une quasi loi du Talion. Aux yeux de Tefé, sa propre personne passerait toujours avant celle des autres, particulièrement quand ces autres l'agressaient en premier. Elle détourna les yeux, dépitée. « Des gens qui ne le méritaient pas... » murmura-t-elle. Ben, qui il était pour en décider, après tout ? Sa logique lui paraissait pas tout à fait au point.

Sa révélation sur Luthor, en revanche, lui arracha enfin une réaction - de surprise, évidemment. Et évidemment, son cheminement de pensées prit un chemin radicalement différent de celui de Conner. Elle se redressa, oubliant sa blessure, avant de grogner comme une bête à cause de la douleur. Enfin, elle comprenait un peu mieux ses peurs. Oui, tout d'un coup, en une seconde, elle avait quelque chose à quoi se raccrocher. Découvrir qu'on était le fils d'un des plus grands criminels de la planète, surtout quand on avait l'esprit aussi droit que Conner, ça devait rendre fou. Cependant, si elle comprenait son point de vue, elle en avait un, comme d'habitude, complètement différent. « Y a que la calvitie qui se transmet par les gènes, à mon avis, c'est le truc le plus horrible qui te guette à plus ou moins long terme, mais... La mégalomanie, la facilité à sacrifier des vies pour sa propre ambition, ces trucs-là, ça s'attrape avec l'existence, c'est pas héréditaire. Tu as été créé dans un labo, tu as passé tes premières années à servir de rat de laboratoire, tu es le fils des deux pires pères sur Terre pour deux raisons différentes, franchement, tout ça aurait largement suffi pour que tu deviennes la prochaine menace planétaire et au lieu de ça tu es... » Elle esquissa un geste dans sa direction, à la limite de la condescendance. « ... toi. Le type qui se rend malade de blesser des criminels. Qui m'a sauvée deux fois aujourd'hui parce qu'il s'y sentait obligé. Le jour où tu trouveras du plaisir à massacrer des gens, on pourra en reparler, mais à mon avis tu es loin de devenir Lex Luthor. » On était loin du terroriste politique sociopathe qu'était le chauve. Elle haussa les épaules. « Je crois que t'es parti pour devenir un super-héros super ennuyeux, moi. Si tu fais des conneries pour de bonnes raisons, c'est juste, hemmmm... humain, non ? Tant que ça te dégoûte, c'est la preuve que t'es du côté des gentils. » Et elle, ah ! si ça ne la dégoûtait pas, est-ce que ça faisait d'elle une méchante ? C'était marrant comme elle n'y avait jamais vraiment pensé comme ça. Elle était sûre en tout cas que si Luthor se pointait devant eux avec une offre d'emploi en cette seconde, elle aurait plus de chance d'avoir le job que Conner.

Lex Luthor... Beurk... Quoi que ça faisait de lui un gosse de riche. Mais bon, la saloperie de ce type ne coulait pas dans les veines de Conner, pas plus que la gentillesse de Superman, d'ailleurs, pour ce que ça valait. « Tu sais, mon père biologique est un exorciste égocentrique considéré comme la pire ordure de l'humanité par des tas de gens, mais le seul truc que je crains d'avoir pris de lui c'est son alcoolisme. Et ce corps de chair et de sang, évidemment. Mais j'ai pas vraiment peur de devenir aussi tordue que lui. Je saurais pas te dire pourquoi. C'est juste que... Ben j'ai pas envie. » Bien sûr, il y avait une chance qu'elle soit pire que lui. Mais elle savait qu'elle n'avait pas eu besoin de John, enfin pas que de lui, pour devenir celle qu'elle était. Il y avait eu ses propres choix. Bon, les émotions humaines n'étaient pas son fort, alors en plus les exprimer à voix haute... « Mon autre père, c'est la perfection. Le genre modèle inatteignable, trop bon pour son bien, Jésus végétal. Et je sais que je deviendrai pas comme lui non plus. Mais je tiens à eux si tu veux tout savoir. » Elle leva deux doigts, puis un troisième, et ainsi de suite, très fière d'avoir des amis. « Et à toi. Et à Jinny. Et à Mercury. Il y a des gens pour qui je peux me laisser pousser une conscience. Seulement dans ma tête, il y a le Green. Je le sens mourir tout le temps, en permanence, comme un bruit de fond dans mon corps. Il paraît que Superman peut entendre les gens rendre leur dernier soupir à l'autre bout de la planète et je reconnais qu'il a un blindage en béton, parce que moi je ne peux pas supporter ce bruit permanent sans me retenir de casser des trucs. Tu raserais une forêt pour sauver des inconnus, eh bien moi je tuerais des inconnus qui raseraient une forêt. Ton attachement aux humains me paraît aussi obscur que mon attachement à la nature l'est pour toi. Mais vous n'êtes pas tous bons à jeter, si ça peut te consoler. Je suis encore capable de faire la différence entre Lex Luthor et toi, pour commencer. Et toi, tu la fais, cette différence entre vous ? » Et elle leva les sourcils, comme un défi.

Codage par Libella sur Graphiorum

keep calm and kill them all

Tefé Holland & Conner Kent

◊ ◊ ◊

Tefé le déstabilise. Conner la comprend et ne la comprend pas en même temps. Ses propos sont tout à fait sensés et logiques, mais il ne parvient cependant pas à complètement y adhérer. Il lui est impossible de valider ce qu'elle lui dit dès l'instant où le verbe" tuer " est introduit dans la conversation. Elle lui apporte néanmoins un début de raison sur ce qui les différencie. En vérité, les points qui les distinguent sont les mêmes que ceux qui marquent une différence entre le reste de l'humanité et lui. Ils ont chacun leur propre vision du monde et cela crée parfois des tensions entre eux, il ne faut pas chercher plus loin. Puis, il y a des moments où sa perception des choses ne paraît pas si erronée que cela, comme lorsqu'elle lui pose cette question à laquelle il n'a pas de réponse à donner. « Je ne sais pas, c'est tellement plus facile à dire qu'à faire. » admet-il à demi-mots en détournant le regard. La science stipule qu'un enfant ne peut être que physiquement semblable à ses parents, mais cette affirmation ne prend pas en compte les enfants créés de toute pièce selon les fantasmes d'un vieux chauve milliardaire. Il a hérité de certains traits propres à Clark, tels que sa fâcheuse manie à remonter ses lunettes quand il est gêné, par exemple. Techniquement parlant, rien ne lui empêche d'avoir reçu certaines des caractéristiques de son génie maléfique de père terrien également. Il voit cependant où est-ce que Tefé veut en venir. Sa déclaration rejoint celles que les autres mis dans la confidence lui ont déjà faites. Le choix de faire des bonnes ou des mauvaises actions lui appartient. C'est aussi la vision qu'il a, mais a bien souvent tendance à croire que cette pensée n'est valable que pour lui. Il faut parfois que son entourage lui rappelle que sa condition particulière ne fait pas de lui une exception toutes les règles qui régissent l'univers, juste à une ou deux grand maximum. « T'es finalement capable de sortir des paroles sensées quand tu... Tu sais, n'incites pas à la rébellion. » Comprendre ici quand elle ne le fait pas partir en vrille. C'est dans des situations pareilles que Kent se souvient de ce qu'il apprécie chez l'autre rescapée de Cadmus. Dommage qu'il ait l'impression qu'elle préfère montrer ses mauvais côtés quand ils sont ensemble. A moins que ce ne soit sa foi à lui qui soit trop mauvaise pour qu'il remarque plus souvent les moments où la femme-plante fait preuve de bonne volonté ?

Ses forces lui reviennent peu à peu, bien qu'il ne s'aventurerait pas encore à vérifier s'il est de nouveau capable de sauter du haut d'un immeuble sans se casser les jambes. Ce qu'il peut faire, en revanche, c'est combler la distance qui le sépare de Tefé en faisant quelques pas dans sa direction. Bien qu'il soit toujours un peu contrarié par les récents événements, les traits de son visage se font maintenant un peu plus détendus. Il va lui falloir un peu de temps pour oublier cette satanée journée et s'approprier son nouveau pouvoir. « Tu penses que l'on trouvera un jour un sujet qui nous mettra d'accord ou que l'on continuera de débattre comme de vieux politiciens jusqu'à ce que l'un de nous décède ? » Têtus comme ils le sont tous les deux, la seconde option lui paraît la plus susceptible de se réaliser. Leurs positions respectives basculeront peut-être légèrement, mais le demi-kryptonien doute que leur éternel débat se termine par un " Tu avais raison depuis tout ce temps " de la part de l'un des deux. A la place, il la voit bien écrire " Tefé a eu le dernier mot " sur sa pierre tombale, à moins qu'il ne meure en dernier et que ce ne soit lui qui marque son nom sur son épitaphe, allez savoir. Vu leur espérance de vie, à moins qu'une nouvelle invasion alien n'ait raison d'eux, ils n'auront pas de réponse avant bien des décennies. Cela leur laisse beaucoup de temps pour poursuivre leur joute verbale, trouver de nouveaux arguments et, surtout, s'enrôler dans d'autres folles aventures. Ils ont toujours fonctionné de la sorte, après tout, Tefé surgit de nulle part avec un problème, Kon-El refuse de s'y impliquer, mais cède la seconde d'après, puis un imprévu arrive. Ensuite, ils commencent à longuement philosopher sur leurs visions des choses et le moins meurtrier des deux finit par se jurer que plus jamais il ne l'aidera. Sa parole a malheureusement autant de valeur qu'une résolution du nouvel an et le cycle se répète donc à leur rencontre suivante. Une autre façon d'interpréter son comportement, sans aucun doute la plus correcte de toutes, serait de simplement dire que le clone permet à cette boucle de se réitérer à l'infini parce qu'il apprécie la dynamique qui s'est installée entre eux, au final. Il a tendance à prendre les choses trop au sérieux et cela peut parfois le faire tourner en ridicule, alors il a besoin d'individus qui l'aident à lâcher prise, d'amis sur qui compter pour le secouer un peu quand il se montre un peu trop coincé. Tefé fait partie de ces amis, mais il ne peut malheureusement pas le lui avouer. L'admettre, c'est ne plus avoir de raison valable de lui faire la tête. En tant que roi du non-dit, il espère qu'elle aura déjà réalisé par elle-même qu'il éprouve un minimum d'affection à son égard, sans quoi il ne se plierait pas en quatre pour la sortir du pétrin à chaque fois qu'ils se croisent.

Kent donne souvent l'impression de faire la sourde oreille quand il est convaincu d'être dans le bon, mais garde secrètement toujours une oreille attentive sur ce que les autres disent, principalement quand les critiques fusent en sa direction. Il a donc bien enregistré les commentaires de la fille de Swamp Thing, même s'il n'est pas forcément sûr de les suivre. Pas comme il imagine qu'elle aimerait qu'il l'écoute, en tout cas, parce qu'il y a des limites que le garçon d'acier ne franchira sous aucun prétexte. Prendre note de son avis est une chose, s'inspirer d'elle en est une autre. Ce n'est pas demain qu'il sera aussi décontracté que son interlocutrice, et encore moins qu'il réalisera les mêmes folies qu'elle. L'hybride s'assoit à côté de cette dernière et tend les bras derrière lui pour se servir de ses mains comme appui. « D'ailleurs, c'est ma vision thermique qui m'a joué des tours ou je t'ai bien vue pleurer tout à l'heure ? » Bon, " pleurer " est peut-être un mot un peu trop fort pour décrire l'action, mais il n'a pas oublié ce qu'il a vu plus tôt dans la journée. Conner ne pense pas avoir déjà aperçu des larmes apparaître dans le coin de ses yeux avant aujourd'hui et, honnêtement, il ne pensait pas en voir sur son visage un jour. Tiraillé entre la surprise et l'amusement, il n'a rien trouvé de mieux que de l'interroger sur le sujet, curieux d'entendre comment elle comptait se défendre. « C'est à cause de ton côté humain que t'as pas réussi à réprimer sur le moment ? » Questionne-t-il ensuite sur un ton plus provocateur, avec une once de malice bien présente dans son regard.

(c) oxymort

keep calm and kill everyone

Elle ne pouvait pas s’en empêcher, c’était un réflexe physique : elle rentra la tête dans les épaules quand il s’approcha d’elle. Pourtant, il avait retrouvé un air un peu plus familier, ce mélange d’acceptation vaguement épuisé qu’il affichait en sa présence et d’amusement limite énervé. N’empêche, elle avait beau lui dire qu’elle ne le voyait pas en super vilain, elle savait aussi qu’elle était capable de faire ressortir le pire en lui. Elle était sûre à cent pour cent qu’il n’allait pas lui taper dessus en guise de punition, mais ça, c’était sa raison qui le lui disait. Son corps d’enfant sauvage, d’animal à l’apparence d’humaine, lui chantait une autre chanson. Elle se détendit lentement en se concentrant sur ses paroles, et finit même par glousser avant de compter sur ses doigts à nouveau. « Fraises avec ou sans chantilly… Qui est le plus fort entre Batman et Superman… Est-ce que Rachel et Ross avaient rompu… Je suis sûre qu’on peut avoir des tas de débats sans en venir aux mains. » Sauf si bien sûr Conner était un adepte de la chantilly, considérait qu’un type en latex pouvait battre l’homme d’acier et… Mmmmh, pour Ross et Rachel, elle était prête à accepter un compromis. Tel un chat de gouttière, elle ne le quittait pas des yeux alors qu’il s’asseyait enfin à côté d’elle, prête à prendre la fuite à tout moment. Puis elle oublia toutes ses inquiétudes quand il lui posa la question qui fâche, et elle reporta son attention droit devant elle, les genoux remontés sous le menton et les yeux à mi-clos. Grmph.

« Ben ça fait mal, ton truc, tu sais ? Enfin je sais pas si tu sauras un jour vu que toi-même tu y es peut-être immunisé, mais je te le dis, ça fait mal. » Quelque part, c’était une question à laquelle Cadmus aurait adoré avoir une réponse. Superboy était-il vulnérable à la vision thermique ? Et comment faire le test ? Aussi haïssable que soit cette réflexion, Tefé y voyait malgré tout du pragmatisme. Maintenant qu’il s’était découvert ce nouveau pouvoir, il avait intérêt à en apprendre le plus possible dessus, et le plus vite possible, forces et faiblesses. Peut-être qu’il devrait aller voir Superman et lui demander lui donner un coup de vision thermique dans les fesses histoire d’avoir une réponse une bonne fois pour toutes. Elle passa les doigts sur ses joues crasseuses. « C’est pas comme si je pouvais m’en empêcher. J’ai beau être un esprit du Green, ce corps est humain et les humains suintent par tous les trous, franchement. J’ai toujours trouvé ça dégueu. Mais pleurer, je pense que c’est pas plus mal, ça demande pas beaucoup d’efforts et j’ai appris avec le temps que c’est pas si inutile que ça. » Et pas seulement pour arracher à de vieux pervers quelques dollars pour lui permettre de s’acheter à manger. « Comment dire… Souffrir en silence, c’est vraiment horrible. » Il devait bien le savoir, lui. Pendant combien d’années, sans que personne ne le sache, il avait servi aux expériences de Cadmus, dans le silence le plu abyssal. La nature aussi mourait en silence. Un arbre tronçonné, une plaine qui partait en fumée, la surface d’une rivière qui se couvrait de plastique : ça ne faisait aucun bruit. Comme quelqu’un dans le coma, qui souffrait mais ne pouvait l’exprimer.

Elle jeta un regard en coin au jeune homme. « D’ailleurs, tu te moques, mais pour ce que t’en sais, ton truc, là, avec les yeux, ça a cramé tes glandes lacrymales et tu pourras plus jamais pleurer. » Bon, okay, il y avait pire comme conséquences, si c’était que ça, à la limite, elle était sûre qu’il serait ravi. Finalement, elle enfouit son menton entre ses bras croisés sur ses genoux et marmonna d’un voix à peine audible : « Et puis sur le coup, j’ai eu l’impression d’être allée trop loin et que peut-être, soit tu allais m’achever d’un coup de regard sévère comme tu le fais si bien, soit tu allais laisser tomber l’affaire, avec moi. » Car oui, se faire assassiner par Conner ou perdre son amitié, c’était pareil, pour elle, même échelle de valeurs. Finalement, elle se redressa et se releva en titubant un peu, avant de tirer sur le col de son tee-shirt pour s’observer, sans aucune manière. La chair était rouge et boursouflée mais la plaie commençait déjà à se refermer et elle pouvait sentir le Red et le Green, main dans la main comme de vieux protecteurs habitués à ses bêtises, en train de s'activer pour la rafistoler. « Mais bon, il faut croire que le jour où j’ai atteint tes limites n’est pas arrivé. J’en prends bonne note pour la prochaine fois. » Elle le gratifia d’un sourire aux dents pointues. Ouais, voilà, on verrait bien ce qu’elle inventerait pour lui la prochaine fois.

Codage par Libella sur Graphiorum

keep calm and kill them all

Tefé Holland & Conner Kent

◊ ◊ ◊

La bouche de Superboy s'ouvre spontanément quand Tefé évoque tous les autres potentiels débats qu'ils pourraient avoir, et tout particulièrement quand elle parle de comparer la force de Batman à celle de Superman. Ses lèvres se referment avant qu'il n'ait donné son avis sur la question cependant, refusant de défendre son géniteur comme il s'apprêtait à le faire. Fut un temps où le clone n'aurait même pas réfléchi avant de répondre, toutes les occasions étaient bonnes pour qu'il argumente à quel point son donneur de cellules kryptoniennes était puissant. Maintenant, il ne se considère plus comme l'un de ses plus fervents défenseurs, il a bien compris qu'il l'avait placé un piédestal bien trop haut en comparaison avec ce qu'il représentait vraiment. Puis même, ce sujet est tellement abordé et re-abordé depuis la création de la Justice League qu'il ne voit pas ce qu'il y a à rajouter de plus. « Ça ne m'intéresse pas de discuter sur Batman et Superman, tous les arguments possibles pour débattre se trouvent déjà sur internet. Ce qui me botterait, moi, c'est d'assister à une bagarre entre nos deux pères. » Kon-El pose son poing sous son menton, pensif. Etant donné leurs deux situations, il lui aurait fallu préciser de quel père il parlait. C'est le grand souci quand on n'a pas vu le jour via des méthodes conventionnelles. Le jeune homme ne sait pas lequel de ses géniteurs il jetterait dans l'arène, tant imaginer son papa super et son papa chauve à terre est une vision qui lui plaît. Luthor pour des raisons qu'il n'est même pas utile d'expliquer, Clark parce qu'il rêve de lui coller son poing dans la figure depuis l'épisode Smallville. Si l'un des paternels de sa calamité de camarade se sent capable de le faire à sa place, le demi-alien n'y voit pas d'inconvénient. Tout cela l'amène à remarquer quelque chose. « Ça me fait penser que je ne les connais même pas, tes parents. Je ne sais pas à quoi ressemble une Créature des Marais, mais j'imagine que vous ne devez pas avoir la même tête. » Les traits de son visage sont peut-être plus similaires à ceux de son père exorciste, mais il ne l'a jamais vu donc il n'en sait rien du tout. Vu la description qu'il lui a été faite du bonhomme, il se demande même si le rencontrer serait une bonne idée.

Conner rit légèrement en observant sa réaction suite à la question qu'il lui a posée. Il se moque plus d'elle par esprit de provocation que par pure méchanceté. Il lui faut toutefois lui tirer son chapeau face à l'honnêteté dont elle fait preuve sur le moment. L'amusement dans son regard laisse alors place à une pointe d'étonnement. Le pire dans tout ça est qu'elle a raison sur toute la ligne. Il n'arrive jamais rien de bon quand quelqu'un refuse d'exhaler ses sentiments négatifs. Il le sait, il est passé par là. « Voilà un sujet de plus sur lequel débattre. » Note-t-il à haute voix, même s'il est tout à fait d'accord avec sa déclaration au fond de lui. Il la contredit plus par principe qu'autre chose. Tefé n'est pas la première personne à lui expliquer que pleurer aide parfois à mieux récupérer par la suite, et le jeune homme sait qu'ils ont tous raison, mais il reste têtu. Il y a certaines façons d'exprimer ses émotions avec lesquelles il a encore du mal à dealer. La tristesse et la souffrance en font partie. Ce n'est pas demain qu'il vantera ouvertement les bienfaits des larmes, quand bien même lui aussi s'est déjà mis à en verser pour extérioriser sa peine. Ce que suppose la blonde ne lui fait donc ni chaud ni froid. En apparence, tout du moins. « Tant mieux, j'ai envie de dire, parce que les grands gaillards comme moi ne sont pas censés pleurer. » La confiance dans sa voix est fausse, bien sûr, mais Conner ne peut s'empêcher de faire son Conner. Il regarde bien droit devant lui et bombe le torse au possible pour dissimuler sa véritable opinion sur le sujet. S'il y a une chose qui ne l'a jamais quitté depuis sa création dans une cuve, c'est bien ce refus de montrer le moindre signe de faiblesse dès que les yeux sont rivés sur lui. Lui, il n'aurait jamais eu le courage de se laisser aller devant Tefé, si leurs positions avaient été inversées. Il l'aurait très certainement boudée, mais aucune larmichette n'aurait défilé le long de ses joues. Dans le pire des cas, il aurait fait de son mieux pour que l'amie des plantes ne le remarque pas. Cela reste toujours un comportement dont la nécessité reste discutable, surtout que son interlocutrice ne l'aurait probablement pas relevé plus que ça. Elle n'a jamais été dans le jugement. Lui non plus, d'ailleurs. Il aime s'auto-juger en revanche, ça oui.

Les craintes de l'amie des plantes ne provoquent rien de plus qu'un simple haussement d'épaules chez lui. L'idée de couper les ponts avec Tefé ne lui est jamais venue en tête, même lorsqu'il s'est énervé sur elle plus tôt. Est-ce que cette dernière l'a senti et revient toujours vers lui pour cette raison ? Qu'est-ce qu'il arriverait s'il disait non un jour ? « C'est à se demander si le problème ne vient pas de moi, au fond. Je veux dire : il n'y a jamais aucune raison valable de t'aider, mais je le fais quand même à chaque fois. Faut croire que j'aime souffrir. » La faute à l'éducation des Kent, toujours enclins à voir le bon en l'autre et à ne jamais l'abandonner. C'est justement lorsque l'on prend la décision de lâcher ceux qui sèment le trouble que ceux-ci se mettent à réellement perdre les pédales. Tefé a beau lui faire s'arracher les cheveux toutes les vingt minutes, elle n'en reste pas moins quelqu'un de bien. Ou quelqu'un avec un très fort potentiel pour l'être si elle le voulait en tout cas. Quelque part, Conner se dit que les dérapages de cette dernière seraient bien moins limités si elle n'avait personne autour d'elle pour l'empêcher d'aller trop loin. Il en va de même pour lui, c'est parce que sa route a croisé celle de la Young Justice qu'il parvient à plus ou moins bien se tenir en société, quand on ne l'énerve pas trop. Donc non, il ne s'éloignera pas d'elle, même s'il sait que traîner à ses côtés signifie vivre beaucoup trop de mauvaises péripéties en une seule journée. Cela ne veut pas dire qu'il cautionnera tout ce dans quoi elle se lancera en mode " Je sais qu'elle est capable de mieux " néanmoins, comme il tient à le préciser. « Après, ça m'arrangerait que les prochaines histoires dans lesquelles tu décides de m'entraîner soient un peu moins problématiques. » Les mésaventures qui se terminent avec des criminels au nez cassé vaudront toujours mieux que des mésaventures qui se terminent avec des criminels coupés en deux. Le garçon d'acier garde ce commentaire pour lui, bien conscient qu'il n'apporterait rien à la conversation. Dans le pire des cas, il les relancerait dans l'éternel débat dont ils venaient temporairement de sortir.

Superboy ne sait pas trop s'il doit rire ou s'inquiéter après avoir entendu ce que la fille des marais a conclu de leur petite escapade sur la plage. Sa phrase est dite sur le ton de l'humour, mais il n'en faut pas plus pour qu'une partie de son cerveau prenne l'information au sérieux et n'imagine déjà dans quel état psychologique elle le laissera à leur prochaine rencontre. Peut-être sortira-t-elle même le grand jeu et débarquera-t-elle dans un véhicule encore plus absurde qu'un scooter. Il est difficile de prévoir l'issue d'une histoire avec Tefé. « Fais quand même gaffe dans le doute, on ne sait pas quel pouvoir tu pourrais éveiller chez moi la prochaine fois que tu m'embêteras un peu trop. » Par chance, le plus extrême de ses talents kryptoniens est déjà débloqués, les risques de la couper en deux seront donc plus moindres. A voir si elle supporte bien le froid, en revanche. « J'aurais quand même plus facile à te pardonner si tes bêtises m'aidaient à débloquer mes capacités de vol cependant. » Personne n'a jamais commis de meurtre en s'envolant par accident, aux dernières nouvelles. Et, en dehors de ce détail, aller côtoyer les nuages est une idée qui lui plaît énormément. Quelle ironie que le don qu'il convoite le plus soit l'un des derniers à se montrer. En attendant ce fameux jour, le justicier n'a pas d'autres choix que de compter sur la force de ses jambes, qu'il teste justement en effectuant plusieurs flexions sur place après s'être levé. Il réalise quelques pas pour atteindre le rebord du toit, puis se retourne pour faire face à son amie. « Je sais pas pour toi, mais je me sens déjà un peu mieux. Et je meurs de faim aussi, mais il n'y a pas de poches dans ce costume moulant. » Kent tire sur sa tenue au niveau de ses cuisses pour prouver à Tefé qu'il ne ment pas. C'est aussi une façon détournée de lui demander de payer à sa place, en supposant qu'elle dispose de moyens légaux pour le faire, et surtout, qu'elle en ait envie.

(c) oxymort

keep calm and kill everyone

Sur le sujet « c’est lequel de nos papas le plus fort », Tefé était plutôt en confiance, en général. Cela dit, s’aventurer sur ce terrain avec Connor, c’était plutôt risqué. Bien sûr, il n’avait pas précisé lequel de ses pères il aurait voulu lancer dans l’arène devant un public assoiffé de sang, mais de toute façon, elle avait une réponse pour chaque hypothèse. « Pfff, le chauve, mon père n’en ferait qu’une bouchée. Il pourrait se battre contre mon père biologique, à la limite, c’est un humain et en plus il est maigrichon. » Prends ça, John Constantine ; le connaissant, il venait de frissonner quelque part au comptoir d’elle ne savait quel bar du monde où il devait être en train de cuver. « Pour Superman, je sais pas… Il pourrait cramer mon père avec ses yeux, puisque toi t’as réussi avec moi… Mais Swamp Thing, tu vois, il n’est pas que lui, il est le Green, il est partout, tout le temps… » Elle y réfléchit encore deux secondes, puis lâcha un soupir dégoûté. « Mais de toute façon, en vérité, ils ne se battraient jamais. Mon père est un nounours et le tien une licorne. Je suis sûre qu’ils seraient du genre à se serrer la main et à papoter de l’avenir de l’humanité en lui trouvant plein d'excuses. » Oui, ce serait probablement le combat le plus chiant de l’Univers, en réalité. Elle regarda Conner, ou plutôt elle le dévisagea sans vergogne. C’est qu’il avait dit un truc intéressant, sur la ressemblance entre un enfant et ses parents, et en toute honnêteté, elle qui ne prêtait nullement attention à l’apparence physique des gens, elle ne se rendait compte que maintenant qu’effectivement, Conner ressemblait à son père kryptonnien. Même traits volontaires, mâchoire carrée, yeux clairs, expression volontaire… Elle tira sur ses joues, mettant son propre visage à l’épreuve. « Je ressemble à ma mère. Et un peu à mon père biologique. Swamp Thing, il peut prendre l’apparence qu’il veut dans la nature, mais il apprécie de se balader sous la forme d’un humanoïde géant formé de bois, de boue, de mousse, de lianes, de branches et de fleurs. Il n’est pas humain du tout, il ne l’a jamais été. » Et il ne risquait pas de faire un bébé lui-même. « En tout cas, ils t’adoreraient tous les deux. » Elle avait dit ça avec une légère pointe de dégoût. Ben oui, Conner avait ce côté bien sous tout rapport qu’Abigail désirait désespérément pour sa fille, et quant à Swamp Thing, il aimait n’importe qui que Tefé aimait, il n’était pas difficile.

Elle ne répondit pas à son affirmation sur les larmes et les « grands gaillards », du moins pas avec des mots, mais le regard qu’elle lui lança était plus clair que n’importe quelle parole. Fallait-il qu’il vive en permanence avec l’impression d’avoir quelque chose à prouver ? Ce devait être épuisant, mentalement. Personne ne lui aurait reproché d’ouvrir les vannes, alors pourquoi est-ce que c’était si important pour lui ? Parce que Boule-à-Zéro et Superman n’étaient pas du genre à pleurer ? Elle espérait que ce n’était pas ça, mais elle ne voyait aucune bonne raison de toute façon d’avoir cette opinion sur les longs, douloureux et cathartiques sanglots. Si ça se trouve, c’était de ça dont il avait besoin depuis le début, l’enfant prodige. Bon, elle n’allait pas dédier sa vie à tenter de lui arracher des larmes, mais quand même… Peut-être qu’il avait exactement besoin de ça. De voir sa tête bouffie, ses yeux gonflés et son nez rouge dans le miroir après une bonne crise de sanglots. Peut-être qu’il se souviendrait alors qu’il n’est pas en acier contrairement à ce qu’il semblait croire, et qu’il n’était pas non plus comme ses parents, encore qu’elle était sûre que Superman pleurait tout le temps, il avait la tête d’un type sensible, et Luthor, Tefé était sûre qu’elle aurait pu le faire pleurer si elle l’avait eu entre les mains, comme une petite fille de quatre ans – une idée tentante. Elle savoura quelques secondes la réponse aux angoisses qu’elle venait d’exprimer sans filtre quant à leur relation. Bien sûr qu’elle le prenait au mot, qu’elle s’en retrouvait miraculeusement absoute de tous ses crimes d’hier et d’aujourd’hui vis-à-vis de lui. Il ne fallait pas lui faire ce genre de cadeau, à Tefé. Elle agita la main vers lui comme pour chasser une mouche. « C’est clair que ça vient de toi. Moi, j’aurais pas ta patience. Et ça me fait de la peine pour toi, cette façon que tu as de vivre selon des standards insoutenables. Mais je consens à accepter que ça fait partie de toi. » Elle se mordilla le pouce – elle tenait un truc, là, un genre de compromis auquel elle s’était toujours refusé le concernant, mais ce qui venait de se passer l’avait assez secouée pour qu’elle se ramollisse. « C’est ce que tu es. Peut-être que ça vient de ce qu’on t’a appris mais si ça ne te convenait pas un minimum tu ne te prendrais pas autant la tête. Puisque c’est si difficile à vivre, c’est que ça compte pour toi, alors j’imagine que ça vaut le coup. Enfin, j’essaye de me mettre à ta place. Moi, je pense toujours que tu perds ton temps et ton énergie et que tu devrais aller clamer ta part d’héritage auprès de la boule de billard et passer une année sabbatique à claquer ton argent avec tes potes en laissant la sauvegarde du monde à ton père et sa bande de moines guerriers, vu qu’ils adorent ça de toute façon. » Franchement, le monde était bien, des fois, ça aurait été dommage de ne pas en profiter.

Maaaaais bon… Elle savait qu’elle prêchait dans le désert. Si seulement elle avait pu profiter elle-même de tout cet argent qu’il pourrait avoir… Il aurait été bon à marier rien que pour ça – sauf qu’il devait être du genre à trier son linge pour la machine à laver et à exiger qu’on nettoie tous les jours le filtre de la machine à café, ack ! Elle se leva d’un bond avant de tituber, puis planta solidement les jambes dans le sol, les poings serrés, soudainement, des étoiles dans les yeux. « PUTAIN MAIS OUI ! J’adorerais que tu puisses voler ! S’il y a bien un truc qui me rend jalouse chez tous ces premiers de la classe, là, c’est qu’ils savent voler. » Superman, Wonder Woman, Green Lantern et tous les autres… Elle était verte de jalousie, elle aurait adoré ça. Et Conner aussi en était probablement capable. Il n’y avait aucune raison qu’il n’en soit pas capable. Sa curiosité dévorante aurait presque pu avoir raison de son bon sens à nouveau, mais cela lui rappelait trop leur petit séjour à Cadmus. Elle sauta sur le rebord du toit de l’immeuble et leva une jambe dans le vide. « Si je saute dans le vide, peut-être que tu seras obligé de débloquer ton pouvoir pour me sauver, sinon, splash Tefé ! » Oh, elle plaisantait bien sûr. Enfin un peu. Ce n’était pas comme si une chute, même d’une dizaine de mètres, pouvait la tuer. Enfin, elle ne pensait pas, elle n’avait jamais fait le test. Là-dessus, il lui fit le coup des poches vides, et elle essuya la salive qui commençait à lui perler au coin de la bouche. Pffff, les mecs étaient cruels. Il lui avait fait miroiter de la bouffe gratuite, et c’était à elle de payer ? Qui c’était qui avait un père riche ? Pas elle, en tout cas. Et d’habitude c’était elle qui extorquait des repas gratis aux autres. Elle fourra ses mains dans ses poches et dans les bonnets de son soutif, en bonne sans-abri qui se respecte, et finit par rassembler sept dollars et cinq cents. « Tu devrais coudre une poche à l’intérieur de ton latex et y glisser ta carte platinum. Bon, ça devrait suffire pour un café et un muffin. On partagera. » Elle se pencha de nouveau au-dessus du vide au bord de l’immeuble. « T’as plus qu’à nous faire descendre, du coup. Et à nous trouver le meilleur diner pas cher de ton village. » Et après ça, tout serait pardonné, comme d’habitude.

Codage par Libella sur Graphiorum

keep calm and kill them all

Tefé Holland & Conner Kent

◊ ◊ ◊

Conner étouffe un rire en écoutant Tefé partager avec lui ses prévisions sur un combat entre leurs pères respectifs. Il joue l'événement dans sa tête pendant que sa camarade lui avance ses arguments. Lui, il n'a pas grand-chose à proposer pour défendre ses géniteurs. Il n'a pas spécialement envie d'en trouver non plus, il faut dire. Il ne trouvera jamais mieux que Luthor en train de manger la poussière, de toute façon, donc autant en rester là pour lui. L'amusement qui anime son regard disparaît quand elle commence à parler de la confrontation entre leurs deux paternels surpuissants. Ce devrait normalement être l'affrontement le plus intéressant, mais l'élémentaire ne partage pas son point de vue. Il n'y a qu'une seule conclusion possible selon elle : les deux sympathiseraient et taperaient la plus ennuyeuse des discussions à la place de s'en mettre plein la tronche. Plus nulle comme issue, tu meurs. Vu la description de Swamp Thing qui lui a été faite, cela lui laisse quand même penser quand il s'agirait de ce qui a le plus de probabilité de se produire. Nul de chez nul, personne ne paierait pour voir ça, même pas le demi-kryptonien pour soutenir son modèle génétique. Il est tout de même amusant de noter les différences entre l'agent du Green et sa fille, aussi bien sur le plan psychologique que sur le plan physique. Son imagination s'occupe de construire une image de la Créature des Marais dans son cerveau, mais il n'est pas facile de visualiser un tas de boue, de feuilles et d'autres structures végétales qui prend la forme d'un humanoïde. Le jeune homme se penche légèrement vers son interlocutrice et plisse les yeux, inspectant son visage avec minutie avant de conclure qu'elle devait probablement avoir raison. « C'est dommage que tu ne lui ressembles pas un peu plus. T'aurais peut-être eu un visage plus sympathique à regarder avec quelques fleurs dans les cheveux. » Tout le monde paraît plus inoffensif avec un pissenlit sur la tête. Pas qu'elle soit spécialement repoussante, hein, juste que son faciès n'est pas toujours des plus accueillants. Après, il n'est pas impossible non plus que le problème vienne plus de son caractère que de son apparence.

Cela n'a jamais empêché l'hybride de constamment revenir vers elle, remarque. Une lourde charge semble s'enlever de ses épaules à chaque fois qu'ils se séparent. Il pourrait l'éviter sans trop de soucis, mais quelque chose l'attire en permanence vers l'aimant à problèmes qu'elle représente. Tefé ne comprend pas non plus ce qui peut bien le pousser à lui tendre la main. Il s'attend à ce que leur éternel débat soit relancé, mais il n'en est rien, ce sont des paroles bien plus surprenantes qui sortent de la bouche de l'élémentaire. Si elle accepte pour ce qu'il est et les valeurs qu'il défend, peut-être devrait-il en faire de même, lui aussi. Dans la mesure du raisonnable, bien sûr, il ne cautionnera jamais les meurtres qu'elle commet, mais peut parfaitement faire un effort pour tolérer ses frasques les moins sanglantes. Le conseil qu'elle lui donne ensuite est plutôt intéressant, même s'il sait d'avance qu'il ne le suivra jamais. « Plutôt traverser tous les océans à la nage que d'emprunter l'un de ses jets privés pour faire le tour du monde. » Milliardaire ou pas, le clone refusera toujours de puiser dans les ressources de Luthor pour son seul et unique intérêt.

Kent n'a pas vu venir la démonstration d'enthousiasme dont Tefé a fait preuve à l'évocation de son souhait de pouvoir défier la gravité le plus rapidement possible. Le sentiment de jalousie qu'elle éprouve reste néanmoins partagé. Lui-même ne s'est jamais senti aussi idiot que lorsqu'il travaille aux côtés de Clark et Kara. Les deux kryptoniens descendent du ciel tels des anges venus apporter l'espoir et la justice autour d'eux tandis que lui, il fait sursauter tous les civils aux alentours quand il atterrit avec fracas. Même son interlocutrice lui a tantôt avoué être plus attirée par Air Superman que par Superboy Airlines, c'est dire. Il ne lui en veut pas trop, convaincu que son avis changera quand lui aussi exploitera toute l'étendue de son potentiel. Son amie semble d'ailleurs motivée à l'aider, mais ses méthodes pour y parvenir ne le chauffe que très moyennement. Il lève une main, comme pour essayer de la stopper, mais s'arrête avant que son bras ne soit complètement tendu. Oh et puis zut, il a assez donné pour aujourd'hui. « Laisse tomber, t'as épuisé ton stock de folies à me faire vivre aujourd'hui. Je ne me jetterai pas pour te rattraper si tu décides de sauter. Je serais même tranquille pendant un petit moment comme ça. » Pendant un moment parce que, même si Superboy ne sait pas ce que deviennent les mélanges entre humains, exorcistes et créatures du marais après la mort, il est persuadé qu'elle trouvera bien un moyen de revenir le hanter et de continuer à lui faire vivre l'enfer. M'enfin, s'il s'agit du prix à payer pour bénéficier d'un instant de tranquillité - ou de quelque chose qui s'y rapproche quand on mène une vie de justicier... « Ce n'est pas une si mauvaise idée que ça, finalement. » Conclut-il en faisant un geste en direction de la femme-plante, le même que celui que ferait un père un peu trop autoritaire pour inciter son fils nul au foot à monter sur le terrain. Bah alors ? Vas-y ! Qu'il lui intime silencieusement. Il espère quand même qu'elle plaisantait tout autant que lui, car il l'aurait bien mauvaise dans le cas contraire.

Le garçon d'acier réussit heureusement à détourner le sujet avant qu'ils n'aient à vérifier le sérieux des commentaires de Tefé. Le soleil recharge ses batteries, mais ne remplit pas son estomac. Ca, c'est la fille de Swamp Thing qui va s'en charger. Après toutes les occasions où elle a abusé de sa gentillesse, il se dit qu'elle ne se plaindra pas s'il lui demande quelque chose en retour pour une fois. Un sauvetage contre un petit encas, c'est presque équitable si on oublie les rayons lasers, le niveau de dangerosité des ennemis qu'ils ont affrontés et le montant ridicule du repas qui va lui être offert. Il n'aura pas droit à plus qu'un café et un muffin, visiblement. Enfin non, la moitié de chaque plutôt. « Seulement ? » L'interroge-t-il, mécontent. Bon, il va falloir se contenter de ça. Conner peut déjà s'estimer heureux qu'elle ait accepté. Ce n'est pas lui le plus ingrat dans leur étrange duo, en plus, il ne réclame jamais plus que ce que les autres sont en mesure de lui donner. Trop la solliciter pourrait se retourner contre lui, imprévisible comme elle est. Avec la " chance " légendaire de la fille des marais, il l'imagine voler de la nourriture aux mauvaises personnes et les embarquer dans une nouvelle folle aventure. Ouais, mieux vaut se contenter de ce demi-muffin, finalement. Il n'aura qu'à vider le frigo du Mont Justice et ensuite accuser Wally si vraiment ce que Tefé a à lui proposer ne lui suffit pas. « Allez, dernier tour d'Air Conner pour la journée. » Kon-El se montre moins déplaisant qu'auparavant et s'accroupit en lui présentant son dos, plutôt que de l'attraper de force et de la trimballer à travers la ville comme le plus insignifiant des poids plume. Son comportement bienveillant s'arrête là néanmoins, vu qu'il n'a pas de réels contrôles sur la douceur de ses atterrissages, surtout quand il saute depuis un bâtiment haut d'une dizaine de mètres.

Le clone ralentit la cadence dès qu'un premier foodtruck figure dans sa ligne de mire. Il dépose alors sa passagère sur le sol avant de lui adresser un léger coup de coude sur l'épaule. « Regarde-toi, en train de sacrifier tes économies pour nourrir un enfant de cinq ans affamé. » Le clone exagère volontairement la gravité du contexte pour l'embêter, même si tout ne relève pas exactement du mensonge. Si sa carte d'identité disait la vérité, elle le déclarerait mineur, bien que l'entièreté de ses traits physiques laisse croire le contraire. « T'as peut-être bien ce qu'il faut pour être une justicière, toi aussi. » Un petit rire s'échappe à l'idée de voir l'amie des plantes troquer son T-shirt de Ziggy Stardust pour les costumes qu'elle décrie tant. La feuille serait son emblème et des lianes pousseraient de ses bras pour lui permettre de se balancer de building en building dans la ville qu'elle aurait décidé de défendre. Un jour peut-être, qui sait. La succession de catastrophes du jour a occupé tout son esprit, mais maintenant que les choses se sont calmées, certaines de ses obligations lui reviennent en tête. Conner se frappe le front avec la paume de sa main alors qu'il se souvient de la dernière activité qu'il faisait avant que Tefé ne surgisse de nulle part. « Bon sang, l'œuvre de charité ! » Ses poings se collent à ses hanches et il baisse la tête, réfléchissant à ce qu'il va bien pouvoir trouver justifier son soudain départ. Pire encore, il va lui falloir un argument en béton pour se défendre devant le reste de la Young Justice. Les ennuis ne sont finalement pas finis pour tout le monde. « Il va falloir que j'y retourne, histoire de m'excuser de m'être éclipsé comme un voleur. Je t'aurais bien proposé de m'accompagner, mais je ne pense pas que ça t'intéresse, pas vrai ? » Et tant mieux, quelque part. Il la voit déjà, la scène où un enfant lui poserait une question pleine de naïveté sur les super-héros et où elle déconstruirait toutes ses croyances en lui faisant part de sa vision des choses. Ouais nan, il valait peut-être mieux qu'ils se séparent maintenant.

keep calm and kill everyone

D'abord, elle ne sut pas comment prendre la remarque de Conner, au sens où elle crut qu'il allait dire que c'était dommage qu'elle ne ressemble pas plus à un tas d'humus pourri - parce qu'il ne fallait pas se mentir, c'était à un peu à ça que ressemblait Swamp Thing -, mais elle eut la délicatesse de le laisser finir sa phrase avant de décider s'il fallait qu'elle se vexe ou pas. Oh, des fleurs. Mh, ça, elle pouvait le faire aussi facilement que de respirer. Mais de toute façon, ce n'était pas comme si elle attachait une réelle importance à son apparence physique. Elle avait eu l'occasion de regarder la télé comme tout le monde et avait une bonne idée des canons de beauté actuels, et en était radicalement opposée : jamais coiffée, plate comme une porte, jambes maigrichonnes et visage de pré-adolescente alors qu'elle approchait du quart de siècle - en réalité elle était plus jeune puisque un certain exorciste lui avait volé quatre année de vie mais physiquement, elle avait bientôt vingt-cinq ans. Quoi qu'il en soit, pour quelqu'un qui avait grandi dans un marais avec un père qui perdait continuellement des morceaux de lui-même, sans croiser d'autres humains que sa mère et ses quelques amis, et qui pouvait en plus manipuler la chair au point de se recréer un corps à partir de cadavres, autant dire que les apparences physiques n'étaient pas quelque chose qui comptait. Cela dit, ça comptait dans un certain contexte, comme par exemple la comparaison avec le reste de sa famille. Mais est-ce que ça avait de l'importance ? Un peu, vu sa situation familiale, parce que ça avait du sens. Et elle supposait que c'était pareil pour Conner. Vu que lui était un clone, il savait déjà à quoi il ressemblerait une fois qu'il aurait l'âge actuel de Superman. Spoiler alert. Pas beaucoup de surprise. Mais enfin bon, il aurait pu tomber plus mal, tout de même. Sauf que restait l'angoisse de la perte des cheveux, Tefé ne savait pas si elle aurait pu vivre avec une telle épée de Damoclès au-dessus de la tête, mais oh, well...

Il n'était pas fan de l'idée d'utiliser l'argent sale de Luthor, ce qu'elle trouvait dommage. Ce n'était pas comme si ne pas l'utiliser allait le faire disparaître ou le rendre moins sale, alors tant qu'à faire, autant tout détourner à son propre profit - ou, pour réfléchir en termes Conneriens, pour tout donner à des œuvres de charité. Puisque l'argent gouvernait le monde, autant en faire bon usage. Quel gâchis ! Enfin, l'argent était un autre truc sans lequel elle avait grandi, elle n'avait pris conscience de son importance qu'en fuguant et en se retrouvant seule dans ce monde à devoir faire les boulots les plus pourris de la planète pour pouvoir se payer des pancakes. Ce qui expliquait qu'elle ne cessait de se faire payer des trucs par les autres, et donc qu'elle n'avait pas d'argent sur elle en cette seconde pour payer quoi que ce soit à Conner, ou presque. C'est que d'habitude, quand elle voulait un truc, elle le prenait, ou pour être plu précis avec les mots, elle le volait, mais elle était certaine que ce plan-là ne rentrerait pas dans le code moral de Conner.

Elle fit une grimace déçue quand il annonça tout haut qu'il ne bougerait pas le petit doigt pour l'aider si elle sautait de cet immeuble. Forcément, une petite voix en elle la poussa à le faire, lui disait qu'il avait l'air mortellement sérieux mais que si elle sautait vraiment il la sauverait malgré tout, parce qu'il était comme ça... Mais il restait une infime chance qu'il ne le fasse pas... Et c'était cette incertitude qui était très attirante, et pour avoir la réponse, il fallait faire le test... Elle recula du rebord, sage comme une image. Ce serait pour la prochaine fois. En attendant, c'était reparti pour un tour de balle rebondissante sur les toits de Mount Justice, et la pire chose qui aurait pu lui arriver à ce moment-là c'est qu'un ado débile les filme depuis sa fenêtre et les colle sur Youtube alors qu'elle était dans cette position ridicule. Au moins l'atterrissage fut moins violent que la dernière fois. Elle frémit des pieds à la tête en l'écoutant blaguer sur son âge. « Heureusement que tu es un génie en plus du reste. j'oublie toujours que tu es un bébé, techniquement. » Bon, qui n'avait pas envoyé une dizaine d'hommes à l'hôpital avant ses six ans ? Pas lui, donc, et pas elle non plus. Ils n'étaient pas comme les autres, c'était comme ça.

Là-dessus, il sembla se rappeler un truc super important, que Tefé ne se rappelait déjà plus, elle ne voyait pas de quoi il parlait mais elle comprenait bien que le résultat des courses, c'était qu'ils n'allaient pas boire de café, et que donc elle allait pouvoir garder ses sept dollars et cinq cents, ce qui était un happy ending. « Ouais, on m'a déjà proposé le coup de la bande de bébés justiciers, et tu devrais te réjouir que cette perspective me donne vaguement envie de vomir, parce que tu te marres, mais si un jour je me pointe à votre porte avec un CV, tu feras moins le malin. » Oui, rien que pour voir sa tête, elle pourrait bien tenter le coup un jour, mais non, même ça, ça n'en valait pas la peine. Jinny lui en avait déjà parlé et tout ce que Tefé y avait vu c'était qu'il fallait laver les caleçons des autres et agir en formation serrée pour tout et n'importe quoi, de la lutte contre les méchants aux courses au supermarché du coin. « Eh bien va, ton devoir t'appelle et ne te laisse jamais tranquille. Tu parles d'une vie. La prochaine fois promis, j'appellerai avant de te forcer à me filer un coup de main. » Et tout le monde serait content. Elle avait déjà presque hâte d'être à la prochaine fois.

Codage par Libella sur Graphiorum

Contenu sponsorisé

» Keep calm, keep calm... not so easy to do ! (Jessica)
» A calm surrender to the rush of days [Ft. Cassandra Cain-Wayne]
» ✸ kill your gods
» Deathstroke | You can kill me or not. Either way, I win.
» ✸ kill or be killed