The shortest straw [Pv. Dick Grayson]

The shortest straw [pv. @Dick Grayson]

La nuit était encore jeune quand la mercenaire s’était retrouvée devant la vitre d’un appartement qu’elle connaissait bien sans pour autant être le sien. Du sang sur les mains, quelques blessures légères qui finiraient très vite par se refermer et le souffle légèrement haletant, il n’y avait aucun doute en voyant sa dégaine qu’elle revenait d’une intervention musclée. Une mission ? Un guet-apens ? Ni l’un ni l’autre à vrai dire. Cette fois, tout était bien plus personnel, c’était sa colère, sa rage qui transpirait dans ses actes, dans les corps qu’elle avait laissé derrière elle dans une planque. Un gang qui avait passé à tabac une meta. Ils se réclamaient du Peuple mais ils n’étaient rien de plus qu’une bande d’êtres violents sans aucune véritable structure derrière eux, sans message, sans rien. Ils avaient fait le mal pour le mal, ils l’avaient mutilé et pire avant de la laisser mourir dans la rue. Une histoire comme de nombreuses autres dans les rues de Bludhaven... Mais ils avaient tiré la courte paille. Cette jeune femme était une des dernières employées du club où Rose gagnait « un peu » d’argent. Sans famille, sans rien, elle s’était tournée vers le même métier que les autres pour subvenir à ses besoins. Combien de fois avait-elle voulu faire amie-amie avec la fille aux cheveux argentés ? Combien de fois elle lui avait ramené une boisson pour discuter, Rose ne laissant rien paraître si ce n’était de l’ennui, quelques remarques sarcastiques tout en acceptant de boire le café avec elle, en l’écoutant raconter ses journées tout en détournant la tête, cassant les doigts de quelques clients qui voulaient être trop tactiles avec la nouvelle… Elle l’aimait bien mais était bien trop handicapée socialement pour le montrer, et dans le fond, il lui semblait bien que cette femme comprenait qu’elle ne la détestait pas, car elle ne semblait pas abandonner ses idées de balades entre filles pour faire du « shopping »… Sauf qu’elle ne savait pas que le seul shopping de Rose se tenait principalement aux armureries.

Et voilà que cette femme était morte, laissée dans le coin d’une rue sombre sur un tas d’ordures. Le cœur de la mercenaire avait battu à tout rompre, ses tempes cognaient, ne lui criaient qu’une seule chose encore et encore, son corps semblant tout simplement avancer en automatique vers cet acte que tout son être demandait : Vengeance. Certains membres du gang ne furent pas difficiles à retrouver, se pensant en sécurité, ils se vantaient d’avoir zigouillé une meta… Une meta avec des pouvoirs inoffensifs, oui. Elle l’avait expliqué à la fille Wilson : son pouvoir consistait simplement à faire des petites étincelles, comme des feux d’artifices qu’elle utilisait pour égayer un petit peu la soirée des gamins paumés dans les rues de Bludhaven… Et c’était pour ça qu’elle était morte ? Qu’ils avaient fait toutes ces choses horribles ? Alors pour elle ils méritaient bien d’y passer un par un, et au diable ce qu’on avait pu lui dire sur ses méthodes brutales.

Déverrouillant la porte de l’appartement plongé dans le noir, elle se dirigea directement vers la salle de bain pour se passer un peu d’eau sur le visage et se débarbouiller avant de se regarder dans le miroir. C’était bien une des rares fois qu’elle ne se sentait pas extatique après un combat. Elle n’avait pas fini de toute façon, il en restait quelques-uns et quoiqu’il arrive, il n’y aurait pas vraiment de happy ending dans cette histoire. Personne ne serait formellement sauvé sur le coup, il n’y avait pas vraiment de retour possible pour qui que ce soit, maintenant. Elle se posa là un peu pour remettre ses pensées en ordre. En un sens, elle se pensait chanceuse que Dick ne soit pas dans cet appartement à ce moment précis. Bien que ce soit le sien, il passait son temps à aller elle ne savait où, que ce soit Gotham ou avec d’anciens Titans, à tel point qu’elle passait quelques fois là quand elle devait faire une pause sans jamais croiser personne et repartir, ce qu’elle pensait faire encore une fois. Ne faisant pas vraiment attention, elle sortit de la salle de bain et se dirigea vers le frigo. En l’ouvrant, ce dernier l’éblouit légèrement avec la lumière avant qu’elle ne fasse une mine légèrement dépitée.

« Comme d’hab’, pas de bière… Un jour va falloir arrêter de ne consommer que de l’eau, Dick… » lâcha-t-elle comme pour se parler à elle seule sans se douter que quelqu’un devait très probablement l’entendre… Et vouloir quelques explications sur son état.

The shortest straw [pv. @Dick Grayson]

Elle aurait pu reconnaître la voix dès le départ, ne pas avoir à se poser de questions. Après tout, elle était chez lui, quoi de plus normal que de l’entendre répondre ? Pourtant elle pensait être seule et son dernier affrontement était encore récent, ses sens toujours en ébullition. Alors aux quelques mots prononcés qui ne vinrent pas de sa bouche, ses muscles se raidirent, sa main se dirigea instinctivement vers son pistolet, prête à dégainer et tirer avant même qu’elle ne percute qui avait parlé et ce qu’il avait dit, une simple réaction à un son incongru, à une activité inattendue. Certains diraient qu’elle était paranoïaque à réagir ainsi et ils n’auraient pas tout à fait tort, d’autres, comme Dick, devaient probablement savoir pourquoi ce mécanisme de défense était devenu instinctif chez elle. Quand elle comprit qui venait de parler, ses muscles se relâchèrent un peu, sa main s’évadant du holster pour venir tout simplement se poser sur sa jambe.

« Je suis plus café que thé... Mais si y’a que ça je ferai avec. » Dit-elle alors en déviant le regard. Si elle avait voulu être plus acerbe, elle aurait pu dire qu’elle n’avait pas les goûts de quelqu’un élevé par un majordome anglais qui ne jurait que par le Earl grey ou le thé au citron et qu’un café lyophilisé, aussi dégueulasse pouvait-il être, avait le mérite d’être rapide à faire et demandait juste une bouilloire dans son appartement. Mais elle ne pouvait pas se permettre le luxe de faire sa compliquée, ni même de faire des remarques désobligeantes car elle savait très bien qu’elle risquait à tout moment de recevoir des leçons sur ce qu’elle venait de faire. En y réfléchissant bien, elle s’était peut-être même détendue un peu trop tôt. Peut-être allait-il lui demander ou la forcer à se rendre à la police, peut-être essaierait-il de la mettre hors d’état de nuire en pensant qu’il l’empêcherait ainsi de se nuire à elle-même ? Des questions qui venaient envahir son esprit et qui furent interrompues quand il lui demanda ce qu’il lui était arrivé, du moins si elle avait envie d’en parler.

« Des éraflures, c’est rien… Tu devrais voir l’état des autres… » Commença-t-elle à répondre avec un léger mépris envers ses victimes avant de se rétracter. « Non, en fait vaudrait mieux pas... Enfin, je suis sûre qu’ils doivent déjà en parler à la télé. C’est le genre d’infos qu’ils adorent. » Une façon de dire à demi-mot qu’elle avait merdé. Elle le savait au fond d’elle que cette quête de vengeance était une erreur, mais cette dernière était tellement viscérale, lui semblait tellement juste tout en étant en conflit avec ce qu’on avait essayé de lui apprendre chez les titans qu’elle se sentait divisée entre son envie, ses pulsions, ses actes, et son désir d’être le potentiel que certains avaient peut-être vu en elle sans y parvenir. Quand Dick lui expliqua que son appartement n’était pas vraiment un lieu sûr depuis la divulgation de son identité par Le Peuple et les criminels qui ne semblaient pas trop crédules face au changement de propriétaire de l’appartement.

« T’as besoin d’une garde du corps ? Mes tarifs sont pas trop élevés pour les connaissances. » Dit-elle avec, pour la première fois de la soirée, un sourire narquois et légèrement malicieux. « Et même si c’est pas sécurisé, je suis sûre qu’ici t’as pas Slade qui vient te regarder pioncer la moitié de la semaine sans être invité, alors c’est toujours mieux que ma piaule… » Des fois elle en état même venue à se demander si ce n’était pas des hallucinations qu’elle avait. Etait-il vraiment là où avait-elle juste imaginé tout ça avec les yeux à moitié fermés, rêvant encore un peu et prenant un porte-manteau pour son père. Elle n’en savait rien et se poser la question revenait probablement à donner trop d’importance à cette sale manie que Deathstroke avait de rentrer chez elle à l’improviste, la laissant toujours sur les nerfs et sur le qui-vive. Elle laissa un instant s’installer un léger silence avant de serrer son poing droit au creux de sa main gauche et entre ses deux jambes, alors qu’elle était assise. Son visage légèrement baissé, elle releva ses yeux bleus entre ses mèches argentées avant de dire.

« Tu comptes commencer quand à me dire que j’aurai pas dû faire ça ? Que tuer c’est mal et tout le reste ? Histoire qu’on passe à autre chose parce que là… » Sa voix s’était faite légèrement tremblante. Pas de larmes à l’horizon, mais une certaine colère mêlée à un sentiment d’impuissance qui l’avait submergée quand elle avait vu le cadavre de la jeune fille qui revenaient encore l’envahir alors qu’elle attendait les réprimandes de celui qui avait essayé d’en faire une héroïne. « J’ai vraiment pas envie de passer ma soirée à ce qu’on me fasse la morale. » Elle avait juste besoin de faire un peu le vide, de se recentrer. C’était du moins ce qu’elle se disait mais là qu’elle pouvait parler à quelqu’un qu’elle connaissait et qui la connaissait, elle espérait aussi juste un peu s’évader du marasme qui embrumait son esprit. Alors qu’elle écarquilla les yeux, comme si elle se rappelait de quelque chose, ce qui était le cas, elle plongea une main dans son sac avant d’en sortir une petite liasse de billets qu’elle posa sur la table.

« Tiens au fait, c’est… Euh… Pour ta gamine. Enfin, pour que tu lui achètes un truc, je me doute qu’elle en a rien à faire du pognon mais comme je sais pas quoi prendre comme cadeau… Puis c’est pas comme si les Super-Zéros se risqueraient à me laisser entrer dans la tour pour que je file quoi que ce soit à la petite. Et c'est pas de l'argent sale si ça peut te rassurer... Je veux dire, je l'ai gagné, c'est un salaire, pas un contrat ou quoi...» A vrai dire elle n’avait pas essayé et elle ne s’y risquerait pas. Il était bien plus facile de supposer qu’ils ne veuillent pas la voir à plus de dix kilomètres de chez eux plutpot que d’en avoir la confirmation, après tout.