We can't avoid this | ft Susan

Susan & Ruby

We can't avoid this

Central City. Une ville fort peu coutumière pour la dénommée Ruby Rain qui en parcourait ses rues. Une ville qu’elle avait tendance à penser moins dépravée que Gotham, mais il était difficile de battre sa ville natale en terme de moisissure ambiante. Il fut une époque, Ruby aurait certainement aimé y vivre. Au vu des capacités de sa cadette, elle n’aurait pas douté un instant que la jeune femme se soit trouvé un boulot, dans le genre Star Laboratories, du moins avant l’accident au sein de ses locaux, et elle aurait pu la suivre et la pousser dans son brillant futur. Une vision alléchante que les deux sœurs avaient échangé, un sourire aux lèvres, avant que la vie ne soit brutalement arrachée à April. Seul le mépris ornait le coin des lèvres de Ruby, désormais. Son avenir lui avait été enlevé le jour où on avait assassiné April. L’asiatique ne voyait plus un refuge en Central City. Seulement un rappel constant de son échec cuisant, celui d’avoir failli à son ultime promesse de veiller sur la chair de sa chair. Même quand elle acceptait des contrats, la surnommée Shade de la Ligue des Assassins rechignait à se rendre à Central City. Trop de mauvais souvenirs qui remontaient à la surface. Elle était suffisamment hantée chaque jour et nuit par ce tragique événement, elle n’avait pas besoin que d’anciens espoirs viennent la torturer un peu plus.

Mais ce jour était particulier pour l’assassin. Elle ne pouvait faire autrement que de se rendre dans cette ville autrefois tant admirée et désormais sublimement ignorée. Pour une fois, elle ne s’y rendait pas en tant que Shade, mais bien en tant que Ruby Rain, de son identité civile. Ou de ce qu’il en restait. La Ruby que les gens avaient appris à aimer s’était effritée de jour en jour, jusqu’à devenir ce parfait soldat de l’ombre aux soldes de Ra’s Al Ghul. Jusqu’à ce que ses sentiments soient renfermés pour ne devenir qu’une épine dans son pied, qui l’entaillait de temps à autre, quand les cauchemars hantaient bien trop ses nuits. Jusqu’à n’être plus que l’ombre d’elle-même et prendre goût à ce nouvel aspect de sa vie, le sang s’écoulant encore de ses lames fatales, voulant toujours plus. Sa haine était aussi acérée que ses armes blanches et pas un jour ne se passait sans que quelqu’un ne souffre de son professionnalisme. Ruby n’avait jamais été douée dans grand-chose, dans la vie. April avait toujours été celle qui s’en sortirait, de toute manière. Mais finalement, un malheur entraînant parfois et étrangement du bon, elle avait trouvé ce en quoi elle excellait. Combattre. Tuer. Assouvir une soif quelque peu sanguinaire sous des préceptes justes qui pouvaient encore correspondre à l’ancienne Ruby. Oui, l’asiatique avait trouvé sa vocation dans les tréfonds d’une ville corrompue et meurtrière. Et elle y avait pris goût.

Ses lames reposaient cependant en paix sous ses vêtements sombres. L’assassin cherchait quelqu’un de bien particulier en ce jour qui commençait à se faire tardif, et pour une fois, il ne s’agissait pas d’une cible. Du moins pas de la sienne. Elle avait refusé le contrat sous quelques prétextes fallacieux, mais elle n’était pas dupe. Elle avait eu vent d’une autre prise. Un contrat refusé par un Assassin est une opportunité pour les autres professionnels du domaine, et il ne lui restait que très peu de temps pour la prévenir. Susan. Surnommée Sue, bien que cela faisait depuis belle lurette que Ruby ne l’avait pas croisé et appelé de cette manière. Son amie. Cela avait quelque chose de risible, au fond, que Ruby ait pu nouer une amitié née du décès de sa propre sœur, de son agression qui avait failli lui coûter la vie à elle-même. Et pourtant. La vie était bien étrange, par bien des façons. L’amitié qui liait Susan et Ruby était toutefois suffisamment solide pour que l’asiatique daigne fouler le quartier résidentiel de Central City. Pour qu’elle ose se montrer sous son jour le plus sombre, parce qu’elle se doutait bien qu’il lui faudrait convaincre Susan, et justifier cette prévention soudaine. Étonnamment, Ruby en était mal à l’aise. Elle qui assumait parfaitement ses activités sous couvert d’une identité secrète, craignait presque ce qui allait lui tomber dessus lorsque la révélation aura fait son chemin jusqu’à Susan. Mais il le fallait, elle en était bien consciente.

Elle prend son temps, Ruby, pour avancer. Pour se retrouver devant la porte de l’appartement de Susan. Leur amitié datant de longues années, elle avait déjà eu l’occasion de se retrouver au sein du loft de la blonde. Il s’agissait de très rares occasions, lorsque Ruby pensait encore pouvoir s’empêcher de sombrer en se reposant sur ses proches. Si rares proches également. Mais les choses avaient pris un court étrange. Elle avait joué sa vigilante, pour devenir Assassin. Tandis que Susan avait dû faire face à la même souffrance qui avait déchiré les entrailles de l’asiatique : la perte d’un être cher. Si elle avait été là pour la blonde, elle ne l’avait pas été idéalement, Ruby le savait bien. Mais elle était déjà bien trop engagée dans les ténèbres pour être la source de lumières pour Susan. Le bras de l’asiatique se tendit, quelques secondes durant, avant que le poing ne se penche en avant. Trois coups distincts résonnèrent dans les couloirs de la demeure tandis que la jeune femme patientait tranquillement. Ses yeux alertes ne cessaient d’écumer les alentours, la brune étant sur ses gardes. Elle n’avait pas effectué son entrée à la manière de Shade, bien que l’idée lui ait effleuré l’esprit. S’infiltrer dans le loft, la menacer pour ensuite la prévenir. Une façon comme une autre de faire passer un message. Effrayer Susan n’était cependant pas le but de Ruby, du moins pas de cette manière. Mais elle avait toujours son attirail sur elle, et elle était préparée à la discussion qui allait bientôt s’engager. Du moins elle le pensait. La porte s’ouvrit enfin, après un temps d’attente indéterminé, et la brune tordit ses lèvres en un sourire forcé. « Bonsoir Susan. Désolée de venir te parler à cette heure tardive, mais tu aurais quelques minutes à m’accorder ? C’est urgent. » Son regard appuya ses paroles, ses yeux sombres se plongeant dans ceux plus clairs de son amie. Son ton était pressant et sombre, tout le contraire de rassurant. Son instinct pris le dessus sur ses pensées qui se voulaient rationnelles alors qu’elle sortit une lame de sa manche de manteau. Une lame fine et effilée, qu’elle garda en main tandis qu’elle s’accoudait au rebord de la porte d’entrée de Madame Lawton. « J’aurais aimé que ce soit une simple visite de courtoisie, mais ce n’est pas tout à fait le cas. Je peux te jurer que je viens ici en tant qu’amie et il va vraiment falloir que tu m’écoutes. » La réaction peut sembler exagérée, mais l’affection demeure bien entre elles, Ruby est forcée de le constater. Elle n’a pas fait tout ce chemin pour n’importe qui, et c’était un devoir de la prévenir, peu importait la manière dont elle s’y prenait.

Susan & Ruby

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Ruby avait le don de mettre les gens à l’aise. Cela semblait évident. Un ton sombre et pressant, un regard noir et des mains prêtes à se tendre pour enfoncer une arme dans le corps d’un homme. Il n’y avait pas plus rassurant qu’elle. Lorsque la porte s’ouvrit pour faire face à son amie, l’asiatique se mordilla la lèvre. Elle eut un léger mouvement de recul face au regard alerte et méfiant de la blonde, le même qu’elle devait lui rendre. Qu’est-ce qui lui était passé par la tête au juste ? Se ramener en criant presque sur tous les toits qu’elle courait un grave danger n’aurait pas pu avoir plus d’effet que cette entrée en matière. Avec le temps, les capacités de Ruby à parler à quelqu’un de manière normale et humaine s’étaient amenuisées. Quand on vivait dans le monde de l’assassinat et de la pourriture, il ne fallait pas s’attendre à développer des compétences en sociabilité. Encore moins quand on se retirait de la civilisation et qu’on espérait purifier le monde de tout ce vice ambiant.

Ruby resta un instant immobile, son regard plongé dans celui de sa vieille amie. La revoir ainsi lui fit un petit pincement au coeur, nostalgie de ce moment tragique qui avait mené à leur première rencontre. L’Assassin lui devait beaucoup, à Susan et l’équipe qui avait pris soin de Ruby, alors dans un état pitoyable. Elle lui devait la vie, littéralement, lui devait sa survie aussi. Au début, elle lui en avait voulu, à elle et tous ces soigneurs. Vivre alors qu’April avait dû mourir, cela avait été d’une injustice insupportable. Mais ses blessures avaient été soignées, Sue était restée étonnamment à ses côtés. Quelque chose s’était nouée entre elles, et depuis lors, chacune avait tracé sa route. Chacune avait surmonté des obstacles pour arriver là où elles en étaient. La question se posait pourtant en cette soirée tardive : est-ce que leur amitié allait pouvoir demeurer face à de nouvelles embûches ? Ruby n’en était pas certaine, elle qui était porteuse d’un malheur à venir. Se raclant la gorge pour reprendre contenance, Rain suivit Susan qui s’écarta pour la laisser entrer.  « Merci Susan. Non je… non ça ira pour le moment. » Elle souffla doucement, se passant une main sur le front, soudainement fatiguée. Cette situation imprévue la lassait. Ou peut-être était-ce son quotidien qui commençait à venir à bout de la jeune femme. Les années avaient passé, sans que justice ne soit rendue pour April. Sans que le mal ne soit vraiment disparu également. Si elle croyait encore en la cause, parfois l’Assassin doutait d’elle-même. Et cela devenait de plus en plus courant. Mais c’était aussi dans une situation comme celle-là qu’elle pouvait se convaincre de son utilité. Se tournant pour faire face à Susan, Ruby prit quelques secondes pour répondre à la jeune femme, soupirant tristement.  « Des ennuis, moi ? Non, Susan, je pense que c’est actuellement toi qui en as. »

Certains prenaient des pincettes pour annoncer la couleur. Mais Ruby avait perdu depuis longtemps sa sensibilité et sa délicatesse. Croisant ses bras derrière son dos, l’asiatique fit les cent pas, signe nerveux. Il était rare de la voir aussi peu indifférente à ce qui l’entourait. Quand bien même elles ne s’étaient pas vus depuis des lustres, leur amitié représentait beaucoup aux yeux de Rain qui avait du mal à faire sortir les bons mots. Comme s’il y en avait. Soufflant bruyamment, Ruby fit sortir complètement sa lame et joua avec, afin de se détendre. Cherchant peut-être à attirer l’attention de Susan sur ce qu’elle n’arrivait pas à dire. Finalement, au bout de longues secondes qui parurent interminables, Ruby arrêta de faire tourner son arme dans sa main et désigna Susan de celle-ci. « Sue… Tu as un contrat sur ta tête. Des gens vont venir pour t’assassiner. » Et comment je sais ça ? Parce que j’ai refusé de te tuer bien sûr. La suite de l’annonce de Ruby restait coincée en travers de sa gorge, ne sachant comment appréhender cette situation. Se reculant de quelques pas, elle hésita avant d’ajouter d’une voix chuchotée : « Je… Je ne savais pas comment t’annoncer ça. Il fallait que je te prévienne. » Et il fallait qu’elle se dévoile. Le métier de Susan était bien connue par l’asiatique, qui craignait désormais la réaction de son amie. Comment allait-elle se dégager d’ici sans la blesser plus encore ?