Rendre à César [PV: Starfire]

Peut-être qu'elle était étrange. Peut-être que ce qu'elle faisait n'avait pas toujours de sens pour ceux qui l'entouraient. Mais aux dernières nouvelles, les États-Unis, ce pays dans lequel ils vivaient tous, présentement, était bien un lieu où ses habitants proclamaient haut et fort qu'ils avaient bien le droit de faire ce qu'ils voulaient sans forcément à être jugés, non ? Dans les faits, en réalité, Kory était loin de se sentir américaine, alors, de là à suivre au pas ce que pouvaient bien dire certains Américains ... C'était comme cette histoire sur le port d'armes, là. Ils voulaient tous être armés, et pourtant, ils passaient déjà leur temps à se tirer dessus et à s'entretuer. On ne met pas ce genre de choses dans les mains d'inconscients et d'irresponsables, voyons ! Quoi qu'il en était, oui, elle, elle pouvait bien parler, et en connaissance de cause, en plus. Sur Tamaran, on vous apprend très rapidement le sens des responsabilités, et ce bien que la jeune femme ait dû apprendre toute seule à gérer ces capacités surnaturelles qui s'étaient manifestées chez elle après bien des expériences, sous les mains et sous le joug des Psions. Il fallait y aller progressivement, sans nul doute, et ce sans cependant rogner sur ce que l'on était, ni même sur qui l'on était. Il fallait savoir se lever et défendre ses droits, ça, c'était une bonne chose. Et comme elle était plutôt terre à terre, ou plutôt littérale pour certaines choses, évidemment qu'elle devait faire face à un sacré paquet d'incompréhensions, dans la vie de tous les jours. Elle avait encore grande difficulté à tout comprendre de ces expressions qu'employaient les humains. C'était, à ses yeux, comme s'ils n'arrivaient pas à assumer, ou à dire les choses telles qu'elles étaient. Résultat, ils avaient besoin de se créer des expressions avec des images, et des concepts détournés, ce qui, évidemment, la laissait, elle, un peu sur le bord de la route, comme on dit. Il n'en demeurait pas moins qu'elle avait encore la tête sur les épaules, et qu'elle n'en démordrait pas. On ne pouvait pas se défausser sur les autres face à ses propres ennuis. Il fallait y faire face, et montrer ce qu'on valait. Mais, bon, parfois, certaines personnes avaient encore besoin qu'on les aide, et elle, si elle pouvait vous épauler, elle n'avait rien contre.

En plus, en ce moment, elle avait besoin de se changer les idées. Pas qu'elle cherche à fuir la réalité mais, quand même, elle avait pris un sacré coup derrière la tête, avec ce qui était advenu à la Tour. Elle s'en voulait encore, et terriblement, en plus. Mais elle savait aussi qu'elle se devait de rester debout, parce qu'on comptait sur elle, et que c'était son rôle. De toute façon, si on regardait clairement les choses, et qu'on se penchait sur tout ça, en sachant tout du passé de la jeune femme, on en venait aisément à la conclusion qu'elle avait vu et connu pire. Bien pire que ça, même. Ce qui ne signifiait en rien qu'elle minimisait ce qui s'était passé, qu'elle s'en fichait ou qu'elle n'en prenait pas cas, bien au contraire. Mais parfois, cela lui donnait l'impression d'avoir la tête dans un étau, au risque d'exploser. Et avec elle, les sentiments et les émotions pouvaient avoir de redoutables conséquences. Il fallait donc des sas de décompression et de dépressurisation, enfin, sauf si la Mairie de Star City était vraiment partante pour risquer de vivre un remake de ce qui avait bien pu advenir de Metropolis à cause du passage du Syndicat du Crime. Koriand'r aurait à s'y reprendre à plusieurs fois, certes, mais elle en serait parfaitement capable ! Avec elle, il ne fallait absolument pas se fier à l'apparence. Mais dans le même temps, si elle paraissait si joviale et si ouverte, cela ne signifiait pas pour autant qu'elle s'ouvrait totalement aux autres, en particulier concernant son passé. Ce qui devait bien faire d'elle un être multi-facette, contribuant alors encore plus à la nimber d'une aura toute particulière, et à attirer sur elle encore plus de regards, de potentielles convoitises et d'interrogations. Elle ne se rendait jamais entièrement compte de l'effet qu'elle pouvait produire sur les gens, et ce parce qu'elle ne cherchait en rien à utiliser tout ceci comme un levier, à son avantage. Mais les faits étaient là et, une nouvelle fois, elle ne pouvait que le constater. Sauf qu'évidemment, étant qui elle était, elle ne percutait pas immédiatement, et ne comprenait pas dans la seconde ce qu'il y avait à comprendre, et encore moins ce qu'il n'y avait absolument pas à comprendre à tout cela, au geste du jeune homme venant tout juste de la rejoindre, à ses intentions, à sa maladresse, aussi.

« Oui, je suis bien qui tu penses que je suis. » Un instant, elle reste en suspend, non sans quelque peu le dévisager, et sans s'en cacher, en plus. « Tu es sûr que ça va ? Parce que Star Sapphire et moi, en réalité, on ne se ressemble pas du tout. Elle est brune, elle, et son hâle corporel ne détonne absolument pas avec celui des autres humains. Mais elle a très bon goût en matière de costume, je le reconnais. » En fait ... En fait, il a l'air de ne pas tout y comprendre, mais c'est pareil pour elle, alors ... Alors balle au centre, comme disent les humains, et ce même s'ils étaient dans un café, là, et non sur un cours de tennis. Il n'y avait donc aucune balle d'aucune sorte dans les parages, sauf si Captain Marvel cachait d'autres trucs étranges dans sa besace. Elle apprit, depuis son arrivée sur Terre, que les humains aimaient pimenter leur vie sexuelle, et parfois même avec des objets sphériques. « Est-ce que tu es en train de proposer qu'on couche ensemble, c'est comme ça que vous dites, non ? Je suis immunisée aux maladies terriennes, alors je n'ai pas besoin d'utiliser de préservatifs. Mais si tu aimes tant ça, je peux t'en avoir, tu sais. J'ai fais de la publicité pour une marque de Viagra Bio, ils doivent bien avoir des préservatifs dans leur gamme ! »

Les humains étaient parfois très compliqués à suivre. Koriand'r y mettait énormément de bonne volonté, mais ce n'était pas si évident que ça. Pour elle, ils manquaient de clarté. Ou bien alors de franchise. Ou d'honnêteté. C'était à voir. Peut-être qu'il s'agissait des trois à la fois, et de bien d'autres choses encore. Ils lui envoyaient des signaux contraires, et comme elle se pensait et se trouvait plutôt très réceptive, bien sûr que cela perdait quelque peu, non sans la rendre perplexe. Elle essayait de comprendre, de décoder les messages, un peu comme si, en plus de parler leur langue, ils s'exprimaient dans un langage sous-jacent, bien dissimulé. Parfois, elle pensait avoir enfin tout compris, et puis, finalement, il y avait toujours quelque chose ou quelqu'un pour lui faire réaliser que, en fait, non, pas du tout. Ce qui la rendait encore plus dubitative, comme dans un cercle vicieux, ou comme avec cette métaphore imagée du serpent qui se mord la queue. Ça, elle comprenait. Elle savait ce qu'était un serpent, et elle savait que les animaux eux-aussi avaient des réactions tout à fait étranges et illogiques, à leur échelle. Elle se livrait à certaines expériences, Kory. Un peu comme ces humains dont le métier était d'observer un animal, ou plutôt des animaux, et d'étudier leur comportement, leur mode de vie, leurs habitudes, leur régime alimentaire, et tout ce qui pouvait bien aller avec. D'une certaine façon, elle n'était pas comme eux. Elle n'était pas humaine. Elle n'était même pas née sur Terre, et aucun de ses ancêtres n'en étaient originaires. Entre eux et elle, il y avait plusieurs galaxies d'écart, et pourtant ... Pourtant, sans doute était-elle suffisamment humanoïde, visuellement parlant, avec son collier autour du cou, pour ne point attirer les soupçons. Ce qui était une bonne et une mauvaise chose. Dans le fond, nul ne pouvait se targuer de savoir qui elle était vraiment, et ce qu'elle était vraiment. De fait, les gens étaient quelque peu induits en erreur quand à ce dont elle était capable, en quelque sorte. On la sous-estimait, souvent. On se retrouvait très surpris de la voir peiner dans certains domaines. C'était un peu comme marcher sur une corde, sauf qu'elle ne craignait pas vraiment de tomber. Elle était bien plus résistante qu'eux, elle, et elle savait voler, en plus de ça.

« Je ne comprends pas, alors. Qu'aurais-je dû comprendre que tu me proposais ? » Il était très bizarre. Déjà, il devenait tout rouge, ce qui n'était pas du tout la couleur de peau naturelle des humains, ça, Kory le savait très bien. Ensuite, il semblait vraiment perdu. Certes, c'était elle qui lui avait proposé de se retrouver ici, mais rien ne l'aurait empêché, lui, de lui dire qu'il préférait un autre lieu de rendez-vous, si ça ne lui plaisait pas et qu'il n'avait pas soif ! En tout cas, elle avait suffisamment été briefée par certains, dont Dick, pour penser comprendre autre chose dans les propos de son interlocuteur. « Si tu veux, mais ... Tu sais, si tu voulais directement passer à l'étape suivante, il aurait suffit de me le dire, on aurait perdu moins de temps ! » Oui, parce que c'était bien de ça dont il s'agissait ? Les hommes payaient à boire aux femmes pour les mettre dans leur lit, et après, une fois saoules, elles devenaient incapables de leur résister ! Est-ce qu'il avait compris qu'elle était incapable ou presque de finir ivre ? Oui, ça devait être pour ça qu'il changeait de stratégie. Mais elle n'en démordait pas, il se compliquait drôlement la vie !

Ou alors, elle avait mal compris. Ce qui était après tout fort possible, et ce qui se révélerait être une preuve supplémentaire qu'elle peinait encore grandement à tout saisir des humains, de leur langage et de leurs desseins. Cela pourrait lui causer bien des migraines si seulement, dans le fond, elle ne se compliquait pas si peu la vie, Kory. Elle allait au plus simple, au plus clair, au plus court, parce que c'était ainsi que fonctionnaient les Tamarans. Ils ne mentaient pas, ne faisaient pas de ronds de jambes dans l'eau, ne cherchaient pas à gagner du temps. Ils étaient francs, honnêtes, droits, et directs. Que cela blesse ou non. Que cela passe, ou que cela casse. Elle essayait quand même de trouver un sens à tout ça, mais lui, il n'avait pas trop l'air de vouloir parler, et comme elle n'allait pas lui forcer la main ... Après tout, il lui semblait qu'il retrouvait sa teinte épidermique normale et habituelle, et ce serait méchant de le replacer dans la position d'un caméléon qui s'adapte à son environnement. Mais si c'était ce que Captain Marvel cherchait à faire, et bien c'était raté ! Car autour d'eux, il n'y avait pas de fond rouge, et que cette couleur n'était en rien prédominante, surtout maintenant qu'ils étaient arrivés dans un parc ! Koriand'r aimait bien les parcs. Cela lui rappelait un peu sa planète natale, quoi que les espaces verts, sur Terre, faisaient bien pâle figure ! Sauf dans certains endroits, mais, oui, ils étaient rares, et en deçà de ce que la jeune femme avait pu connaître, enfant. A côté de ça, Captain Marvel lui-même faisait pâle figure ! On aurait dit un petit vieux, humain, qui se laisse tomber sur un banc et souffle comme s'il venait de courir un marathon à vive allure ! A côté de ça, Kory allait parfaitement bien, et pas un seul de ses cheveux n'était décoiffé, d'ailleurs ! Mais il ne fallait jamais juger les gens, encore moins quand on n'a pas toutes les cartes en main. Et, par X'Hal, Kory était parfaitement consciente d'être loin d'avoir toutes ces fameuses cartes dans la manche, ou où que ce soit ailleurs, d'ailleurs ! Mais alors qu'elle s'apprêtait à répondre à sa première question, voilà que son interlocuteur lui en pose déjà une autre !

« Bien sûr ! Et c'était assez bien payé ! Même si certains de mes proches n'étaient pas trop partants ... Tu veux voir ? » Rapidement, et d'un geste expert, comme si elle avait fait ça toute sa vie, elle sort son portable, et en un rien de temps, elle se retrouve sur internet, affichant alors la série de clichés qu'on y trouvait pour la promotion de ce fameux Viagra réalisé sans produits de synthèses, et rien qu'avec des plantes et autres produits naturels ! « Les publicitaires ont fait un parallèle avec les chevaux, quelque chose comme ça. Pour que ça coïncide avec le thème de la nature. Je crois qu'ils ont fait une allusion au fait d'être membré comme un cheval sans vraiment l'être. Je n'ai pas tout compris. De toute façon, j'étais juste censée sourire et poser, moi. » Lui présentant l'écran sous le nez, elle le laissa regarder, avant de ranger son téléphone. « Je crois qu'ils comptaient effectivement sur les effets que je semble faire aux gens. Je monnaie bien mon image, ça, j'ai rapidement compris comment faire. Je peux donc te donner des conseils, parce que, visiblement, tu peines dans ce domaine. »