When it rains, it pours; there will be blood in the water ⚔ Talia

Se regarder dans le miroir, ça a un petit quelque chose de narcissique, non ? Ou peut-être que tout dépend du nombre d’occurrence, et des raisons qui vous poussent à vous mirer tel Narcisse dans sa flaque d'eau croupie. Pardon, dans l'eau de cette source auprès de laquelle il s'est reposé. Talia n'en sait trop rien. Et elle s'en fout un peu. Beaucoup. Il n'y a pas beaucoup de miroir, dans les différentes bases de la Ligue. Parce qu'on n'a pas réellement besoin de se voir pour savoir combattre. Apprendre à se maîtriser soi, cela ne requiert point d'être capable de savoir à quoi l'on ressemble. L'essentiel, c'est de voir les autres, car ce sont eux qui représentent le plus grand danger, non ? Mais, une femme est une femme, sans doute, comme dirait Ra's al Ghul, sans même dissimuler la pointe de dédain qui doit bien s'emparer de lui, en cet instant là. Une femme est une femme, et quand Talia a besoin de parfaire sa tenue avant de partir en mission, pour quelque raison que ce soit, un miroir, ça se révèle utile. Elle a un charme brut, Talia. Une sensualité à fleur de peau, et un corps à tomber. Elle s'en doute, et elle s'en amuse assez. Pas besoin de lui demander son régime, vous ne tiendriez pas le coup si vous tentiez de suivre le même programme d'exercices physiques qu'elle. Elle est bien proportionnée, et son sens de l'équilibre est sans pareil. Ça, ça se travaille autant que ça s'acquiert. Mais le patrimoine génétique a aussi son importance. Elle sait qu'elle ressemble autant à son père qu'à sa mère, Talia. Qu'elle est ce mélange entre différentes contrées orientales. Entre différentes ethnies, aussi. Mais elle n'a jamais pu faire autre chose que de se baser sur ses souvenirs si flous, concernant sa mère. Parce que Melisande est morte il y a déjà un peu plus de 30 ans, et qu'il n'existe aucune photographie d'elle. D'ailleurs, c'est un sujet sensible, très sensible, même, que de chercher à ne serait-ce qu'évoquer la mémoire de feue l'épouse de Ra's. Si Talia a encore la tête sur les épaules, malgré ces nombreuses fois où, bornée, et encore enfant, elle a cherché à en savoir plus, c'est seulement parce qu'elle est la fille du Démon. Et que ce dernier a toujours eu une nette préférence pour elle, parmi ses trois enfants. Peut-être qu'il l'a aimée, Melisande. Peut-être qu'il l'a épousée par amour, et pas uniquement pour les avantages diplomatiques et politiques qui allaient avec. Ou peut-être qu'elle n'était qu'un pion, un moyen d'accéder à ce qu'il désirait, une façon comme une autre de continuer à étendre l'influence du Démon tout en se procurant des héritiers. Lui seul à toutes ces réponses, des réponses qui n'ont encore jamais franchi le seuil de ses lèvres. Et puis ... Et puis, il y a aussi ces questions que Talia n'a encore jamais osé poser. Comme celles qui concernent ses interrogations quant à savoir si Melisande a été assassinée, ou non, sur ordres de son époux.

Elle était encore enfant, Talia, quand Melisande a perdu la vie. Elle était encore enfant, mais ... Mais malgré tout, ces courtes années qu'elle a passé en présence de sa mère ont sans doute eu une incidence capitale pour elle. Suffisamment, en tout cas, pour qu'elle ne soit jamais entièrement et totalement le petit soldat dévoué que Ra's exigeait qu'elle soit. C'est étrange, et gênant, d'ailleurs. Parfois, la jeune femme se dit que tout aurait été plus simple si Melisande avait simplement eu la décence de mourir en couches. Mais peut-être qu'alors, Ra's l'aurait détestée, si jamais il l'aimait, son épouse, et qu'il voulait obtenir d'elle d'autres héritiers. Après tout, Melisande n'a jamais pu accéder à son exigence, celle d'avoir un fils, un vrai fils, s'entend. A la place de cela, l'épouse du Démon n'a enfanté qu'un fils albinos, puis une fille, Talia. D'autres fois, la jeune femme se dit qu'elle se doit de chérir ces quelques années passées auprès de sa mère, quand son père ne l'avait pas encore prise auprès de lui. Parce que Talia a quelque peu été rejetée par son propre géniteur, durant ses premières années. Parce qu'il voulait un fils, et qu'il a eu une fille. Parce que Dusan pas plus que Talia ne lui convenaient, parce qu'aucun de ses enfants, Nyssa comprise, ne correspondait à l'image qu'il se faisait de son digne héritier. Mais il a bien dû ravaler sa fierté, et faire avec, parce que Melisande est morte, et qu'elle ne pouvait donc plus lui engendrer cet héritier tant désiré. Et parce qu'il a sans doute été hors de question pour lui de malgré tout laisser la chair de sa chair errer sans but ni sans protection. Tout est flou, surtout aujourd'hui, dans l'esprit de Talia, concernant la mort de sa mère. Mais elle sait qu'elle était là, qu'elle a tout vu. Elle ne se souvient plus comment, mais ... Mais d'une façon ou d'une autre, sa mère a périt, et Talia était là, ne comprenant pas, et s'obstinant à tout de même vouloir sauver sa mère. Jusqu'à se retrouver couverte de son sang. Il lui semble se rappeler que sa mère a été poussée vivante dans le Puits de Lazare, avant d'essayer de s'en échapper, jusqu'à voir tout son corps se dissoudre progressivement. Mais elle n'en a pas la certitude, et n'a jamais essayé de vérifier cela en poussant l'un des sbires de son père. Car le Puits est sacré, et que Ra's al Ghul ne goûterait que peu pareille expérience. Il n'empêche que ... Il n'empêche que c'est à cet instant là seulement que Talia a commencé à intéresser son père, parce qu'elle n'a pas pleuré, jamais. Qu'elle s'est murée dans le silence, pendant des jours. Qu'elle représentait sa dernière chance d'avoir un vrai héritier, aussi. Non, Talia n'a pas pleuré, mais elle n'a pas non plus oublié. Ce qui a provoqué ses premières disputes avec Ra's. Il fallait la voir, encore enfant, campée sur ses deux jambes, et faisant face au Démon lui-même. Parce qu'elle allait fêter ses 5 ans, et qu'en plus du fait que Ra's n'avait pas l'intention de le fêter, ayant des affaires à régler ailleurs, pour la première fois, il n'y aurait pas de gâteau d'anniversaire. Ni de cadeaux. Sauf si on compte cette monumentale gifle, délivrée par Ra's, comme un présent d'anniversaire. Une gifle dont elle se souvient encore du bruit et de la douleur. Une gifle qui a laissé son empreinte, là, sur sa joue gauche, parce qu'en la giflant, l'une des bagues de Ra's lui a ouvert la chair. La plaie physique a cicatrisé, mais sans doute n'en va-t-il pas exactement de même concernant la plaie psychique.

Peut-être que si elle passait une IRM, Talia, son médecin en conclurait qu'elle a le corps en morceaux. Mais elle n'a jamais trop fait cas des blessures physiques. Au moins est-elle en vie, et puis, des os, ça se recolle. Des articulations déboîtées, ça se replace dans leur logement, sans avoir forcément besoin d'une anesthésie ou d'un antidouleur. La douleur, ça vous fait avancer, ça vous prouve que vous êtes en vie. Ça vous donne envie de vous venger, aussi, disons les choses clairement, calmement, et telles qu'elles sont. Mais Talia n'a jamais vraiment été confrontée à cette situation, à celle d'une vengeance ressentie comme nécessaire contre celui qui lui aura fait physiquement mal. Sans doute parce que pour parvenir à blesser Talia al Ghul, la fille du Démon, il faut se lever de bonne heure. De très bonne heure, même. En réalité, si elle s'est en effet déjà fracturé une jambe, ou démise une épaule, ça a très majoritairement été de son propre fait. Quand il faut, il faut. Et qu'est-ce qu'il a fallu ... Il a fallu prouver à son père qu'en dépit du fait qu'elle soit une fille, c'était elle qui méritait d'être son héritier. Il a fallu lui prouver chaque jour un peu plus qu'elle méritait ce titre et ce rang autant parce qu'elle était sa fille que parce qu'elle avait les capacités et les qualités requises. Il a fallu lui prouver qu'elle n'était en rien comme son frère, lui qui a baissé les bras et accepté son sort sans continuer de renâcler et de se battre pour obtenir ce qu'il revendiquait, lui, le seul garçon de la fratrie. Il a aussi fallu lui prouver que, elle, elle ne l'abandonnerait pas, qu'elle ne se retournerait pas contre lui, comme a pu le faire Nyssa. Il a fallu lui prouver que, non, elle n'était pas fatiguée, que, oui, elle en voulait encore. Que s'entraîner jour et nuit ne lui faisait pas peur. Qu'elle n'avait absolument pas besoin de s'entendre féliciter, alors que, pour le coup, ça, c'était un mensonge. Mais Ra's est un homme assez inflexible, suffisamment, en tout cas, pour ne jamais rien pouvoir obtenir de lui à force de réclamations, de chantages et de multiples requêtes. Talia lui aurait-elle hurlé à la face qu'elle voulait juste l'entendre la féliciter qu'elle n'aurait rien obtenu d'autre qu'une humiliation, et qu'un recadrage en bonne et due forme. Pas qu'elle n'ait jamais essayé ... Après qu'il ait enfin décidé de la prendre auprès de lui, alors qu'elle était encore enfant, elle avait bien tapé du pied et réclamé à l'accompagner partout où il allait, sans exception, loin de se contenter de cette préférence qu'il manifestait tout de même envers elle, au détriment de Nyssa et de Dusan. Elle se réclamait sa fille, les bras croisés sur le torse, le regard noir et déterminé, bien qu'elle préférait lui rappeler qu'elle était son enfant, avant tout : cela gommait quelque peu le fait que, oui, justement, elle était sa fille, et non pas ce fils tant voulu. Il l'avait rabrouée, et elle avait continué, jusqu'à de nouveau se murer dans le silence. Là ... Là, elle était devenue le parfait petit soldat. S'entraînant d'arrache-pied, faisant taire ses sentiments, ses émotions, son humanité, aussi. C'était bien ça qu'il voulait, non ? Et bien, non, justement pas. Ra's était un homme compliqué, et il avait réclamé qu'elle utilise aussi son esprit, et non pas toujours ses compétences sportives, athlétiques et guerrières.

Un nouveau pic de tensions avait quelque peu pu émerger à l'adolescence, à l'heure où ses premières courbes féminines se révélaient, rappelant à un Ra's, qui ne l'avait pourtant point oublié, qu'elle était née fille, et non garçon. Elle n'était pas allée à l'encontre de tout ça, de sa féminité, de ce charme qui commençait déjà à agir auprès de certains des Assassins de son père. Elle s'était alors dit qu'elle devait sacrément être jolie, et bien faîte, si certains d'entre eux commençaient à perdre le sens commun en la regardant avec cette lueur primaire dans le regard, alors qu'elle n'était pas un morceau de viande, mais bien la fille du Démon lui-même. Tout ce sport, tous ces exercices physiques, elle comprit alors que c'était autant utile pour les attaques frontales que pour les attaques dérobées. Que les hommes se retrouvent étrangement incapables de bien raisonner quand l'afflux sanguin de leur corps a tendance à immigrer plus au sud, vers leur entre-jambe. Quoi qu'en avait pensé Ra's, il n'en dit rien. Si ce n'est que les entraînements auxquels il la soumettait se renforçaient, s'intensifiaient. Qu'il était de plus en plus exigeant envers elle, de moins en moins accommodant, aussi. Peut-être qu'il avait peur de la voir prendre le même chemin que Nyssa, qui avait mordu la main qui la nourrissait, en son temps. Peut-être aussi qu'il refusait de se laisser endormir, qu'il refusait de la laisser penser qu'elle avait enfin définitivement obtenu tout ce qu'elle désirait, que sa place était désormais acquise. Quoi qu'il en était, les exercices devenaient de plus en plus dangereux, de plus en plus sadiques, aussi. Tant et si bien qu'un jour, Talia dût se fracturer le poignet pour parvenir à se défaire du piège que lui avait tendu l'un des formateurs au combat envoyé par son père. Elle avait été enlevée, droguée, bâillonnée, on lui avait bandé les yeux, et on l'avait emmené dans un sous-sol sombre, lugubre. Elle avait dû faire face à plusieurs assassins, ayant tous visiblement reçu l'ordre de ne pas faire de quartier, et ce alors même qu'elle avait les mains enchaînés au mur par des menottes. Pour se défaire de l'une de ces menottes, elle avait donc brisé son propre poignet, alors que l'autre menotte lui avait entaillé les chairs jusqu'à l'os. Bien évidemment, elle s'en était sortie, et elle avait été la seule, remontant à la surface et tombant sur un Ra's qui, semble-t-il, arbora un très léger sourire sadique. Elle n'avait pas apprécié, parfaitement consciente du fait que son père avait clairement dû donner l'ordre de la tuer. Pas pour la voir six pieds sous terre, mais bel et bien pour la pousser dans ses retranchements. Elle en gardait encore la trace. Pas de ce poignet brisé, mais de cette menotte tranchante jusqu'à l'os. Et dire que certaines jeunes femmes avaient une cicatrice semblable, elles qui avaient pleurniché dans leur bain, après une rupture, en essayant de mettre fin à leurs jours avec un rasoir ...

Quand un membre est lépreux, on l'ampute. Quand il y a un mouton noir dans le troupeau, on l'élimine. Quand un corps est pestiféré, on y met le feu. Voilà des mises sans doute jugées bien radicales, mais on ne combat pas la Mort et on ne contrecarre pas les risques avec de l'eau de rose ou le pouvoir des fleurs. Certes, la Nature est redoutable, Talia en a parfaitement conscience, mais comme pour tout, il y a à boire et à manger, et encore faut-il savoir faire le tri entre le bon grain et l'ivraie. Et, dans le doute ... Dans le doute, mieux vaut trop que pas assez. Peu importe le prix, peu importent les sacrifices qu'il faut accepter, quand il faut, il faut. Il suffit d'être arrogant et égoïste. Parfois, certaines causes ne se résument pas à votre simple personne. Parfois, elles sont suffisamment colossales pour que l'on y voit clair et que l'on accepte de ployer. De ployer, un peu, mais pas de s'agenouiller, et encore moins de s'allonger à terre, complètement défait et vaincu. Quelle basse et lâche réaction que celle-ci ... Ce genre de propensions, Talia les laisse bien volontiers à son frère, adepte du genre. Dusan ... Elle n'a que peu d'estime pour lui. Pendant tant d'années, elle n'avait d'ailleurs aucune considération pour lui. Il l'indifférait au plus haut point, quand il ne lui faisait tout simplement pas honte. Du nerf, que Diable ! S'il exécrait autant leur père qu'il le disait, alors pourquoi n'avait-il rien tenté ? Cela aurait été peine perdue, bien évidemment, car Dusan n'arrivait point à la cheville de Talia, et que, de fait, la menace qu'il aurait représenté aurait été si minime qu'elle en aurait même été insignifiante. Mais au moins cela aurait-il prouvé qu'il avait des couilles, lui qui se targuait d'être malgré tout le seul fils de la fratrie. Mais, finalement, il s'avérait qu'il en avait bel et bien, des couilles, Dusan. Du moins suffisamment pour engendrer une fille. Mara. Voilà donc le seul mérite de Dusan aux yeux de Talia ... Bien maigre, comme fait de guerre, n'est-ce pas ? Mais, malgré tout, elle avait quelque peu tremblé, en sachant son frère prochainement père, alors qu'elle-même était enceinte. Car, un instant, elle s'était demandé si ... Elle s'était demandé si, en mettant au monde un garçon, Dusan parviendrait malgré tout à quelque peu regagner les faveurs de leur père. Une inquiétude éphémère, qu'elle balaya bien vite. Non. Non, il n'y serait pas parvenu, car un lâche reste un lâche, non ? Et puis, cela aurait été immérité, lui qui avait toujours eu la queue entre les jambes, ou presque. Et ce alors même que, elle ... Elle, Talia, elle ne s'était jamais ménagée. Elle avait gravi les échelons de la Ligue à la force du poing, et au mérite. Sa position de fille de Ra's al Ghul ne lui avait point ouvert une voie dorée, et ce bien qu'elle ne pouvait nier avoir bénéficié de certains avantages. Les meilleurs formateurs en arts martiaux, au maniement des armes blanches, par exemple. Un accès illimité au compte en banque de la Ligue et à ses réseaux, afin de bénéficier des meilleures études possibles, et des meilleurs équipements à sa disposition. C'est important, que d'être bien équipé. Certes, Talia pourrait aisément envoyer au tapis un bon nombre de caïds armés jusqu'aux dents, alors qu'elle, elle serait munie d'un simple bâton. Mais face à des adversaires qui en valaient la peine, des adversaires qu'elle respectait suffisamment pour ne pas les ranger dans la catégorie des insectes insignifiants, il fallait pouvoir faire jeu à armes égales. Quand son père avait tourné les yeux vers Gotham City, irrémédiablement, il était tombé sur Batman. Batman, le fameux justicier, qui s'était mis à plusieurs reprises sur leur chemin. Oh, la chauve-souris avait été un adversaire coriace. Suffisamment pour se débarrasser de plusieurs des assassins de la Ligue. Ra's comme Talia auraient alors pu souhaiter obtenir sa tête sur un plateau, mais ... Mais tout comme son père, Talia savait être rationnelle, et juste. Tout comme elle savait reconnaître le talent et accorder son respect, quand il le fallait. Cette attention toute particulière n'avait donc pas été imméritée, pour Bruce Wayne, ce milliardaire coureur de filles et de galas de charité le jour, et justicier masqué la nuit.

Ah, Bruce Wayne ... Ou Batman. C'est du pareil au même. Du moins pour Talia. Même si elle s'amuse beaucoup, encore aujourd'hui, de ce visage bicéphale qu'il présente aux yeux du monde. Une fois nu, en revanche, elle a eu face à elle un homme, un homme comme les autres, qui n'a pas pu se dissimuler ni derrière le masque du justicier, ni derrière le costume trois pièces du milliardaire. Un homme qui a succombé à ses charmes., à défaut d'accepter de l'épouser, comme cela lui a été proposé et comme l'aurait tant voulu Ra's. Un homme qui lui a fait un enfant, aussi, bien qu'à cet instant précis, Talia était parfaitement consentante, et qu'elle ne regrettait rien. Rien. Absolument rien, ou presque. Ils auraient pu naviguer au sommet, tous deux, en tant que mari et femme. Il aurait été formidable, Bruce, et Ra's ne s'y était sans doute guère trompé en voulant faire de lui son héritier. Voilà qui avait en tout cas été une perspective à laquelle Talia se serait pliée, et de bonnes grâces. Un héritier a bien besoin d'une femme à ses côtés, pour engendrer le futur, n'est-ce pas ? Et, à deux ... A deux, ils seraient parvenus à évincer Ra's, à lui dérober ce qu'il possédait. A lui prendre la Ligue, et à la façonner à leur image, en suivant les desseins de Talia et non plus ceux du Démon. Qu'il avait été stupide de refuser ... Peut-être avait-il besoin qu'on le convainque encore un peu ? Ou peut-être avait-il rempli partiellement sa part du contrat, sans même le savoir ? A défaut de l'épouser, il lui avait fait un enfant, et quel enfant ... Talia l'avait compris, dès qu'elle l'avait senti bouger en elle. Il était destiné à faire de grandes choses. Damian ... Il était plus que le fils de la Chauve-souris. Damian, celui qui dompterait et dominerait le monde, ce monde si faible, si vicié, si incapable d'aligner deux décisions cohérentes l'une à la suite de l'autre.  Elle l'avait senti, qu'il serait le futur de la Ligue. Et son cœur s'en était déjà serré, rien qu'à cette perspective. Talia avait compris ce qui allait arriver. Et elle n'avait rien fait contre cela. Une part d'elle, aujourd'hui, se disait qu'elle aurait sans doute dû. Mais Ra's s'était emparé de Damian, reproduisant avec lui ce que Talia avait elle-même connu. Mais la grande différence, c'était que, dès sa naissance, Damian était déjà tout ce que désirait Ra's depuis si longtemps : un garçon, pour commencer, mais un garçon bien fait, et aux gênes remarquables et prodigieux. Rien ne lui avait été épargné, et Talia avait dû accepter bien des choses. Bien des choses sur lesquelles elle a pu vouloir avoir plus de contrôle. Mais rester auprès de lui, et évoluer auprès de l'héritier tant attendu avait un prix. Un prix qu'elle paya, fortement. Il était destiné à diriger le Monde, un jour, et elle ne se voyait qu'à ses côtés. A sa droite, si possible. Alors qu'à sa gauche ... Oh, à sa gauche, Bruce, aujourd'hui revenu d'entre les morts, pourrait bien siéger, s'il montrait patte blanche et acceptait enfin de jeter aux oubliettes ses stupides scrupules et son code de l'honneur bien trop édulcoré. Mais il n'en était pas encore rendu là, car ... Bien qu'elle lui avait confié leur fils, pour le couper de l'influence de Ra's et du venin qu'il pourrait distiller en lui, et bien ... Et  bien Bruce avait trouvé le moyen de mourir. Enfin, c'est ce que tout le monde avait cru. Ce fut en tout cas suffisant pour que Talia lui reprenne Damian, en sachant trouver les mots qu'il fallait pour parvenir à son but. Et aujourd'hui ... Aujourd'hui qu'il est de nouveau en vie ... Elle l'a déjà punie, ou presque, une fois, car, en ressuscitant Jason Todd ... En ressuscitant Jason Todd, ses intentions n'étaient sans doute que partiellement louables. Elle a cru en lui, en ce matériau brut qu'elle voyait empli de potentiel. Elle a mis Bruce face à ses erreurs, ou plutôt, elle a confronté Todd aux erreurs de son ancien mentor, s'adjugeant par là-même une place auprès de l'ancien gamin des rues. Une place dans sa vie, en le présentant à une caste de puissants guerriers capables de lui en apprendre énormément, capable de le former. Une place dans sa couche, également, à moins que ce soit elle qui lui ait accordé cette place, dans sa couche à elle. Oh, oui, pendant un temps, elle s'est dit que si Bruce refusait la place d'héritier à ses côtés, Jason ferait l'affaire. Mais, maintenant ... Maintenant, quel gâchis ... Cette mésaventure ne doit point se reproduire. Que ne ferait-elle pas, Talia, au nom de son affection si tordue et si particulière pour Damian ? Le poignarder ? Si, ça, elle l'avait fait, pour ... Pour ses propres motifs personnels, pour protéger Damian des menaces que Ra's faisait planer sur sa tête, mais sous couvert de ne plus voir en son fils qu'une déception sans borne, qu'un désappointement sans commune mesure. Honnêtement, cela avait achevé de lui briser le cœur, car, oui, en dépit de toutes ces mauvaises langues, Talia avait bien un cœur. Un cœur en adamantium, si vous voulez, mais un cœur quand même. D'ailleurs, en parlant de cœur ... Finalement, le sien n'était pas tant en danger que ça, comparé à celui de son fils. Avait-elle oublié de le préciser, mais ... Mais ses connaissances en nano-technologies lui avaient permis d'implanter un émetteur microscopique, qui lui permettait tout à la fois de localiser son fils que de purement et simplement lui faire exploser le thorax, si elle l'éteignait. Oui, Talia avait un plan, des desseins. Et elle entendait bien les voir se réaliser, fusse au prix de la vie de son propre fils, si ce dernier s'avisait de se retourner contre elle, de prendre le parti de son grand-père ou totalement celui de son père. Garce ? Non, juste prévoyante. Prévoyante, et déterminée. Un Jason Todd bis serait si regrettable ...