Boulevard of broken dreams (susan)

Floyd &
Susan

«  Et maintenant on peut ? ». La petite fille s'impatientait, le visage presque plongé dans la casserole d'eau bouillante. Avec un sourire et un léger rire, Susan éloigna les cheveux puis le minois de son enfant. «  Oui tu peux » souffla t-elle simplement en lui tendant une grosse poignée de spaghetti : un repas simple mais efficace. Surtout lorsqu'il s'agissait de faire plaisir à une enfant dont les aliments favoris et détestés changeaient toutes les semaines. Au moins avec un plat basique, a mère célibataire n'avait pas besoin de trop s'en faire. Elle savait qu'elle allait pouvoir ravir les papilles de son enfant sans trop se casser la tête. Gardant un œil sur Zoe, Susan continua de faire chauffer les boulettes de viande, préalablement décongelées grâce au four à micro ondes. Un invention révolutionnaire qui ne cessait de lui faciliter la vie. Lorsqu'elle jugea la viande suffisamment cuite, elle ajouta la préparation à base de tomates qu'elle avait pris la peine de faire. Baissant le feu, elle laissa mijoter le tout et rajouta quelques épices et autres herbes au fil de ses envies. Et ce jusqu'à à être satisfaite. Ce qu'elle voulait offrir à sa fille n'était pas un simple repas consistant. Elle cherchait aussi à la faire voyager. Et quoi de mieux que des spaghettis à la bolognaise pour amener cette dernière dans les contrées italiennes. Bientôt, un délicieux fumet embauma la pièce et Susan se détendit progressivement alors que sa fille continuait de sourire à pleine dent. «  Il ne manque plus que la chanson » déclara d'ailleurs cette dernière en faisant évidemment référence aux divers spots publicitaires auxquels elle avait accès. Susan n'était pas assez riche, en effet, pour amener sa gamine en Italie. Parfois, elle avait eu à peine de quoi mettre de la nourriture sur la table. Pourtant, il y avait tellement de choses que cette mère de famille aurait aimé lui faire découvrir. Tellement de paysages qu'elle aurait aimé lui montrer. Tellement de plats, de haute gastronomie, qu'elle aurait aimé lui faire goûter. Pour le moment cependant, elle devait se contenter de ce que sa propre cuisine avait à offrir. Elle ne désespérait pourtant pas. Un jour peut être serait-elle en mesure d'offrir à sa fille les expériences qu'elle même avait eu la chance de vivre à son âge. Un fait dont elle avait évidemment quelque part privé son enfant lorsqu'elle avait décidé d'aller à l'encontre des souhaits de sa famille. Il était cependant évident que Zoe n'existerait pas si elle n'avait pas eu la volonté – et aussi le courage- de défier et questionner les valeurs étriquées qui lui avaient été transmises et inculques dès la naissance. Bien entendu, cela ne lui avait pas apporté que du bon. Loin de là. Cependant, il lui était tout bonnement impossible de regretter sa fille. Car cette dernière était un cadeau tombé du ciel. Et ce malgré son caractère parfois... difficile.

Doucement, Susan commença à pousser la chansonnette et alla se placer derrière sa fille, une main par dessus la sienne sur la anse de la poêle et l'autre courbait sur la spatule de bois dont elle se servait pour remuer doucement la mixture.  En une fraction de seconde cependant, le décor changea. Sa cuisine laissa place à un endroit froid et dénué de vie. A première vue extrêmement dangereux. Les mots de la chanson moururent dans sa gorge. «  Maman... » chuchota Zoe, les yeux ronds. Aussi perdue que sa fille, la mère regarda autour d'elle et ne trouva rien d'autres que des pierres encore fumantes et des bâtiments en ruine. Prise d'un élan de panique, elle se força à rester calme. «  Zoe reste près de moi. Ça va aller ». La petite fille déjà collée à sa mère ne se fit pas prier pour tenter de littéralement lui rentrer dans la peau. «  J'ai peur » avoua l'enfant, aucunement gênée par son état de faiblesse. Susan ne put que se retenir acquiescer. Si elle perdait ses nerfs, alors elles étaient toutes les deux fichues. Elle devait donc garder son sang froid, au moins assez longtemps pour mettre Zoe à l'abri.   Ensuite et seulement ensuite aurait elle le droit de craquer. Un fait qui ne put  que être confirmé par les propos du Collectionneur – d'après son message.  Ça c'était Londres ? Susan avait du mal à y croire. La capitale ne ressemblait plus à rien. Loin étaient la ville vivante et vibrante de ses souvenirs d'enfant. Cette ville géante que rien ne semblait pouvoir faire tomber. Petite, la femme blonde avait été fasciné par l'histoire si riche de ces cités européennes. L'histoire de ces grandes dames de pierres, briques et fer qui avaient vécu et survécu à toutes les guerres, à tous les conflits. Ne sachant pas où elles se trouvaient exactement, Susan amena sa fille dans son sillage en rasant les murs encore debout. Elles devaient trouver un endroit où se réfugier. Au moins pour cette nuit. Demain, elles aviseraient.



Cette nuit comme celle qui lui succédèrent, ne furent pas de tout repos. Entre l'hyper vigilance et les ennemis en nombre, la mère et la fille avaient du fuir plus d'un de leurs refuges de fortune. Une fois, seule la chance leur avait clairement permis de survivre. Susan n'en était cependant pas sortie indemne et sa blessure sanguinolente à la cuisse la lançait à chaque pas. Mais cela ne faisait rien car Zoe était intact. A ses yeux, c'était bien tout ce qui lui importait. Fatiguée, affamée et toujours habillées des pyjamas dans lesquels elles étaient arrivés, les deux figures marchaient presque sans but. Ce fut par un coup du sort qu'elle arrivèrent à Covent Garden. Loin de les rassurer, le lieu ne fit qu'ajouter à leurs sentiments respectifs de peur et de mal être. Il ne fallait pas bon restait là trop longtemps. « AMAZONES !!! ». immédiatement, la panique fut totale. Les autres personnes commencèrent à courir de droit à gauche, se poussant et se bousculant. «  SUSAN ! ZOE ! ». Sans voir son visage, Susan savait à qui appartenait cette voix. Tout en étant ballottée de toute part, elle se dressa pour essayer d'apercevoir son ex mari. Comme elle, Zoe reconnu la voix de son père et commença à crier papa à plein poumon tout en tirant sur sa main pour ajuster leur trajectoire. « ZOE !!! » cria cependant Susan lorsque cette dernière lui fut arrachée par la foule. Elle tenta de se frayer un chemin en appelant sa fille. Chaque geste semblait cependant la pousser vers les limites du mouvement et plus loin encore de son enfant. Et ce jusqu'à ce qu'elle fut finalement bousculée bien trop fort pour rester debout et tomba au sol. Piétinée, elle sombra dans l'inconscience sans avoir eut le temps d'émettre un son de plus.

Floyd &
Susan

La douleur. Ce fut la première chose que la mère de famille sentit en revenant à elle. Une douleur qui lui coupa le peu de souffle qu'elle avait. A peine consciente, elle hoqueta. Ses yeux bleus s'ouvrirent sur le monde, sans pour autant pouvoir le distinguer.  Elle ne voyait que des formes floues, dansant devant ses yeux. Et avec ses oreilles, elle n'entendait que des murmures. Face à ce manque de sensation, Susan faillit paniquer. Sa poitrine se souleva lourdement. Une toux rauque coupa cependant son anxiété. Penchée vers l'avant, elle tenta de dégager ses bronches. Lorsque la quinte de toux fut passée, elle resta dans sa position pendant encore quelques secondes. Sous ses doigts, elle sentait la poussière de la terre. Alors que ses sens lui revenaient petit à petit, que son cerveau malmené se recalibrait, elle se demanda où elle était. Sur le coup, elle eut une absence et rien ne semblait avoir de sens. A commencer par son état. Tout lui revint cependant très vite en mémoire : l'arrivée sur cette Terre désolée, ses premières blessures, le mouvement de foule et surtout la sensation de la main de sa fille glissant dans la sienne pour s'en détacher. «  Zoe ?! » cria t-elle à moitié, à présent parfaitement réveillée. Lorsqu'elle entendit la voix de sa petite fille lui dire qu'elle était là, elle ne put empêcher les larmes de perler sur ses joues. Son enfant était là. Saine et sauve. Mais comment ? La réponse se matérialisa d'elle-même devant ses yeux lorsque sa vue lui revint totalement. Ses yeux bleus plongèrent dans ceux de son ex-mari. Pendant quelques secondes, Susan resta silencieuse. Pour autant, maintenant, elle se souvenait avoir entendu sa voix. Elle se souvenait l'avoir entraperçu au milieu de la foule avant que le mouvement de panique ne l'arrache à sa vue. Les larmes dans ses yeux redoublèrent et sans crier guerre, elle se jeta dans ses bras. De ses mains, elle s'accrocha à sa nuque et vint enfouir son visage dans son cou. Là tout de suite, au milieu du chaos, il était la plus belle chose qu'elle avait eu la chance de voir dans sa vie. «  T'es vraiment là » chuchota- elle en se reculant un peu pour pouvoir l'observer. Ses doigts voyagèrent sur ses joues, accrochant la barbe de plusieurs jours qui résidait sur ces dernières. Elle avait presque du mal à en croire ses yeux. Il les avait sauvé. Il avait trouvé Zoe et était venu la sortir du pétrin.

Malgré son cerveau embrumé et la joie de les savoir en vie, elle se rappela tout de même les mises en garde de la voix. Du collectionneur. Les apparences étaient trompeuses. Il l'avait si bien dit.  Sourcils froncés, elle se recula donc. Mais coincée entre lui et le bureau, elle ne put aller bien loin. «  Qui me dit que tu es mon Floyd ? » questionna t-elle alors, prête à bondir si il le fallait. Elle mourrait certainement mais si cela laissait assez de temps à sa fille pour fuir alors le jeu en valait la chandelle. Son corps était un bouclier lorsqu'il était question de la sécurité de sa fille. Sa vie ne valait rien face à celle de Zoe. De plus, il était hors de question qu'elle perde son deuxième enfant. Malgré sa soudaine peur, elle devait cependant bien reconnaître que même si l'homme n'était pas celui de son monde, il ne semblait pas particulièrement hostile. Surtout, il avait pris soin d'elle. Ce qu'il n'était pas obligé de faire. Susan était confuse. Une migraine terrassait sa boite crânienne et elle avait du mal à réfléchir. «  Dis moi que tu es mon Floyd » l'implora t-elle par la suite, en proie à un soudain désespoir. Bien que Floyd n'était plus à elle – au sens des liens sacrés du mariage- elle espérait qu'il comprendrait ce qu'elle essayait de lui dire. Elle avait besoin qu'il soit le bon.  Elle savait qu'elle ne pouvait pas survivre dans un monde aussi noir sans son aide. Et la vie de leur fille en dépendait.

Floyd &
Susan

La réponse de son ex-mari ne tarda pas à venir et fut délivrée dans un premier temps sous la forme de gestes qui pouvaient s'avérer compliqué. Pour Susan, ils l'étaient assurément. La mère n'avait jamais réussit à apprivoiser leur façon si étrange de se dire bonjour. Il fallait bien avouer qu'elle n'avait pas cherché longtemps à comprendre les tenants et aboutissants de leur petit rituel matinal. Elle avait rapidement estimé que c'était quelque chose qui ne lui appartenait pas. Quelque chose partagé seulement par un père avec sa fille. Par la suite, Floyd se tourna vers elle et lui fit une liste succincte des choses qui la caractérisaient. Autant sur le plan mental que sur le plan physique. «  Ma passion n'est pas envahissante ... » grommela la femme blonde. Un argument qu'elle avait très longtemps usité. Même auprès de sa fille. Fille qui en ce moment même lui envoyait un regard qui en disait long sur ce qu'elle pensait de sa mère et de sa passion pour les comédies musicales. Susan estimait cependant que cela aurait pu être pire. Après tout, elle aurait pu être fan des comédies romantiques à l'eau de rose. «  Oui bon ça va » rajouta t-elle alors sur le même ton, vaincue. Susan récupérer sa fille contre son buste lorsque cette dernière décida de venir se lover contre elle. Un geste qui semblait destiné à la rassurer sur le fait que sa mère était toujours bien là et qu'elle n'avait pas été abandonné. Sans se faire prier, la mère de famille passa ses bras autour de son enfant et la serra contre son cœur. De ses lèvres sèches, elle déposa un baiser sur les cheveux blonds, si identiques aux siens. « C'est tout ce que j'ai pu récupérer ». Susan reporta son attention sur son ex-mari puis sur les quelques objets qu'il avait posé sur le bureau. Elle lui envoya un sourire, tête penchée pour reposer sur le haut du crâne de Zoé. « C'est déjà beaucoup » lui souffla t-elle comme pour le rassurer. «  Maman avait une poêle mais elle l'a jeté » s'exclama Zoe, décidée à rajouter son grain de sel dans la conversation de ses parents. Doucement, la toute jeune agent d'ARGUS ria. Le son était rauque, presque douloureux mais Susan était indéniablement amusée. Il fallait dire que sur le moment, la poêle lui avait semblé être inutile. Si elle avait cependant su que leurs chemins allaient croiser une patrouille atlante, elle aurait été moins prompte à s'en débarrasser aussi rapidement. Après tout, entre les bonnes mains, tout objet devenait une arme.

« Vous allez bien ? ». Susan hocha la tête en signe d'acquiescement. Certes, elles faisaient peur à voir mais elles étaient en vie et en un seul morceau. Dans ce monde apocalyptique, c'était déjà beaucoup en demander. «  Est-ce que... est-ce que quelqu'un vous a fait du mal ? ». Réalisant la faiblesse, le peur, dans la voix de Floyd, Susan tapota le sol à ses côtés. De ce geste, elle l'invitait à s'asseoir près d'elles. Lorsqu'il obtempéra, Susan se décala légèrement pour pouvoir s'appuyer sur lui. Bientôt, leur petite fille reposa entre eux, protégée par le corps et l'amour de ses deux parents. Prise de vertige – une conséquence à ne pas en douter du traumatisme crânien qu'elle avait subi -, elle s'appuya un peu plus contre lui et laissa tomber sa tête contre son épaule. «  On a croisé une patrouille atlante il y a quelques jours ». Il allait de soit qu'elles avaient réussi à leur échapper – sans aide de la fameuse poêle. «  J'ai juste été un peu blessé à la jambe ». Comme se souvenant de cette blessure, elle baissa son regard sur cette dernière. La plaie était toujours sanguinolente et certainement pas très loin d'être infectée. Susan ne doutait pas de la trouver chaude au toucher. Pour autant, elle ne la faisait plus  tant souffrir que ça. Elle supposa donc que c'était déjà ça de pris. A moins que cela ne soit au contraire un très mauvais présage ?

Spoiler:

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Susan

D'un geste de la main, elle l'invita à procéder à son inspection. Légèrement curieuse, Zoe tenta de se redresser pour regarder elle aussi ce qui se passait. D'une main plus ou moins ferme, Susan la maintint cependant contre son buste. Le mère de famille ne voulait pas soumettre son enfant à cette vision. Et vu le regard de Floyd, elle s'en félicita. « Bon, faut que je panse et nettoie ta plaie. Et regarde voir à côté de toi, je crois avoir ramené une boite d'antibiotique qui pourrait t'être utile ». Susan obtempéra et farfouilla jusqu'à trouver la fameuse boite d'antibiotique. Avec un œil critique, elle commença par lire le nom de la molécule et sa date d'expiration. Elle fut surprise de constater que le médicament était encore bon. N'étant cependant pas médecin, elle n'avait aucune idée de sa réelle utilité. Sans internet pour les aiguiller, le rôle du médicament resterait probablement un mystère. Susan n'avait jamais aimé mettre des produits chimiques dans son organisme. Même enfant lorsqu'elle était malade , elle refusait d'avaler sirop pour la toux et autres pilules. Elle comprenait cependant – encore plus à l'âge adulte – qu'il existait des situations de nécessité. Certaines maladies ou certaines infections ne pouvaient pas être combattus seules par l'organisme. Un petit coup de pouce était donc le seul moyen de combattre le mal à la source. Sans eau à porter de main, la blonde allait cependant devoir attendre encore un peu pour glisser une capsule sur sa langue.

Floyd demanda l'aide de sa fille et Susan se trouva contrainte de la lâcher avec un petit soupir. « Bon, ça risque de piquer un peu ». Face à la douleur qui assaillit son membre , Susan sut que un peu n'aurait pas été l'expression qu'elle aurait utilisé. Pour autant, elle se força à n'émettre aucun sons. Ses lèvres restèrent pressées fortement l'une contre l'autre. Ses doigts quant à eux agrippèrent la première surface qu'ils purent. Un soupir de soulagement passa finalement ses lèvres lorsque Floyd finit d'entourer un bandage autour de sa cuisse. Petit à petit la douleur s'estompa pour passer au second plan, sans pour autant disparaître totalement. Susan passa une main sur son visage et dégagea les quelques gouttes de sueur qui s'étaient accrochées à la peau de son front.  Malgré la soudaine pâleur de sa peau, elle laissa planer un sourire rassurant sur son visage. Et ce dans le but de montrer à son enfant que tout allait bien. Cette dernière, pas dupe, continua cependant de la regarder, sourcils froncés. Par chance, elle ne demanda aucune explication et ne fit aucune remarque.

Lorsque son ex mari reprit la parole pour leur exposer un plan, l'ex-policière écouta religieusement. Elle ne trouva rien à redire à son idée. Alors elle l'assurera que oui elle s'en sentait capable. Susan ne comptait pas devenir un poids pour eux et se forcerait à marcher même lorsqu'elle ne le pourrait plus. La douleur physique n'était rien. Et il lui semblait avoir vécu bien pire dans sa vie qu'une simple blessure à la jambe. Qu'importe l'état actuel de cette dernière. Forte de cette résolution, elle tendit sa main à Floyd pour qu'il l'aide tout de même à se remettre sur ses pieds. Une fois debout, elle s'épousseta un peu les fesses par habitude et aida ses compagnons à rassembler leurs maigres affaires. La main de sa fille dans la sienne, la mère de famille commença à suivre son ex. Comme lui, elle garda ses sens ouverts et resta alerte. A part son corps elle n'avait pas d'armes. Autant dire qu'elle n'hésiterait pas à utiliser ce dernier pour sauver la vie de sa petite fille. Là où elle était déjà presque vieille et fatiguée, Zoe avait encore toute sa vie devant elle. Hors de question alors qu'elle la perde et ne puisse pas grandit et s'épanouir. Pour cette même raison de protection, elle espérait que le voyage jusqu'au quartier abandonné ne serait pas long. Elle n'aimait pas rester ainsi à découvert dans une ville où les dangers pouvaient littéralement sortir de nulle part.

«  Est ce qu'on devrait regarder là ? Demanda Susan après quelques minutes de marche lorsqu'ils passèrent devant ce qu'elle identifia comme une épicerie de quartier ou un tout petit supermarché. Les chances pour eux de trouver quelque chose étaient faibles voir inexistantes mais vu qu'ils y étaient elle ne voyait pas le mal à essayer.

Floyd &
Susan

Rapidement. Elle pouvait faire. Ou du moins ils pouvaient faire. Après tout, ils étaient une équipe. Du moins pour le moment. Susan n'osait pas penser à l'après. Au fond cependant elle savait que cette réunion, cette entraide était temporaire. Il n'allait pas rester. Elle le sentait. Comme ce n'était ni le lieu ni le moment pour aborder cette conversation, elle décida de se concentrer sur sa tâche. Il y avait plus pressant. « Ne me lâche pas » chuchota t-elle à l'intention de sa fille. Cette dernière hocha positivement la tête et raffermit sa prise sur le haut de pyjama de sa mère. A la suite de Floyd, elles pénétrèrent dans les locaux. Le crépitement des néons donnait à l'endroit un air encore plus apocalyptique que le reste de la rue. Susan en frissonna et Zoé émit un son de peur dans le fond de sa gorge. Par instinct maternel, la mère de famille envoya sa main vers l'arrière pour trouver sa fille qu'elle rassura d'une pression. En faisant le moins de bruits possibles, elles commencèrent à récolter les quelques choses utiles qui accrochaient leurs yeux. Conserves, un paquet de viande séchée, un paquet de chips, une brosse à cheveux, un gel douche, deux paquets de bonbons, quelques élastiques pour les cheveux et une brique de jus de fruit par chance encore consommable. Susan ne perdit pas de temps et donna cette dernière à Zoé qui en but bien la moitié sans respirer. En somme et pour tout, elles n'avaient pas récolté grand chose de bien intéressant mais les objets étaient mieux en leurs possessions qu'abandonnés sur les étagères. « On s'en va, vite ». L'ancienne policière ne se fit pas prier pour suivre la directive de son ex mari. Zoé dans son sillage, elle quitta l'endroit, les bras chargés de ses maigres trouvailles. Ces dernières furent ajoutées au sac à dos que Floyd avait récolté.

Lorsque ce dernier estima qu'ils étaient assez loin, Susan était presque à bout de force. Sa jambe tremblait et la douleur paralysait son membre. Ce n'était que par stupide détermination qu'elle continuait inlassablement de mettre un pied devant l'autre. Autant dire qu'elle fut plus que soulagée lorsqu'il enfonça la porte d'entrée d'une maison abandonnée.  Alors que Floyd faisait le tour du propriétaire, Susan entreprit de barricader la porte d'entrée et de calfeutrer les fenêtres avec ce qui lui tombait sous la main.  Zoé lâcha un soupir lorsque son père revint leur annoncer qu'ils étaient seuls et pour le moment hors de danger. La petite fille se laissa tomber sur le canapé. Susan la contempla un instant. Le visage qu'elle aimait tant était caché sous une bonne couche de crasse. Quant aux yeux de son enfant, ils étaient éteints. Presque vidé de toute vie. Toute cette situation allait laisser des séquelles. Des blessures que Susan n'était pas sûr de pouvoir bander. Des brèches dans le psyché de son enfant qu'elle n'était pas sûre de pouvoir colmater. Comme tout parent, elle aurait lui éviter cette épreuve. Elle aurait aimé la savoir en sécurité, chez elles. Mais ce n'était pas leur réalité et il fallait donc faire avec ce qu'elles avaient. Et pour le moment ce qu'elles avaient était un toit sur la tête qui n'était pas le leur et quelques victuailles. Le plus important cependant était qu'ils étaient tous ensembles. Pour le première fois depuis si longtemps. Ils étaient pour ce soir une famille. Et dans tout ce bazar, cela n'avait pas de prix.

Avec un sourire, Susan donna de quoi se restaurer à sa fille et entreprit de lui laver le visage avec un bout de tissu à peu près propre et un peu d'eau d'une des bouteilles qu'ils avaient récoltés. Avec des gestes tendres, elle la débarbouilla. « Te voilà » souffla t-elle lorsqu'elle eut fini d'enlever la dernière trace de poussière. «  Tu as encore faim ? ». L'enfant secoua la tête, clairement à bout d'énergie. A nouveau, Susan osa un sourire. Elle attrapa une des couvertures que Floyd avait par chance trouvé à l'étagère et couvrit Zoé de l'épais tissu. Malgré la poussière, la gamine se lova à l'intérieur et ses yeux se fermèrent. Susan resta un instant à la regarder, ses doigts caressant légèrement la courbe de sa joue. «  Dors bien mon cœur » marmonna t-elle finalement tout en déposant un baiser sur le front de sa fille.

En grimaçant, la trentenaire se leva du canapé et alla rejoindre Floyd à la petite table à manger. Avec un souffle, elle se laissa tomber dans la chaise la plus à sa portée puis attrapa une bouteille d'eau ouverte pour épancher sa soif. Machinalement, elle enfourna  quelques bouts de viande séchée que sa fille avait laissé. Le reste, elle le laissa à Floyd. Son ventre était bien trop noué par le stress pour qu'elle puisse de toute façon en avaler plus. Doucement, elle étendit sa jambe blessée devant elle afin de détendre les muscles endoloris. Avec une curiosité presque malsaine, elle appuya tout autour de la plaie. A chaque geste, un éclair de douleur s'empara de ses muscles et remonta le long de ses hanches. Ce qui en soit était plutôt bon signe. Pour le moment. De toute façon à part désinfecter à nouveau et changer le bandage, elle ne voyait pas quoi faire de plus. «  Alors c'est quoi la suite ? » se risqua t-elle finalement à demander après un moment de silence. Ils n'allaient pas pouvoir rester ici indéfiniment. Et il fallait donc trouver où aller et comment y aller. A minima.

Floyd &
Susan

Là il l'avait dit. Après exposé la première partie de son plan, l l'avait dit. Il avait avoué cette fatalité qui leur pendait au nez depuis qu'ils s'étaient retrouvés un peu par hasard sur ce marché bondé. Il partait. Et Susan n'en était pas surprise. Elle s'y était attendue. Elle l'avait pressentie. Certains diraient que son instinct féminin avait encore frappé. Mais, elle, elle savait qu'il n'y avait pas que ça. Elle le connaissait juste trop bien. Ou peut êtres était-ce qu'elle le connaissait depuis trop longtemps ? Quoiqu'il en était, le résultatt restait le même. Et cela lui arracha un sourire désabusé. Qu'il ne veuille pas rester pour elle, elle le comprenait parfaitement. Mais lui qui cherchait toujours à voir sa fille, voilà qu'il voulait la laisser. Et pourquoi ? Qu'était donc cette raison si impérieuse qu'il avait de vouloir mettre les voiles ? Rien qu'à le regarder, Susan pouvait voir à quel point il était nerveux. La mère de famille se retrouva à froncer les sourcils afin de décrypter son changement soudain de comportement. Dans sa poitrine, son cœur s'emballa également de nervosité. Ce n'était pas dans ses habitudes d'être ainsi agité. Et la blonde ne pouvait que redouter les prochains mots qui allaient passer la barrière de chaire de ses lèvres. « Il faut que je trouve Layla ». Pendant un instant, Susan resta à le regarder sans faire la connexion. Sans comprendre qui était cette Layla dont il parlait. Jusqu'à ce que finalement un nuage se lèvr dans son esprit et laisse filtrer la lumière. Layla... cela faisait des années – cinq ans pour être exact – qu'elle n'avait pas entendu ce nom. Qu'elle n'avait pas pensé à cette femme. Cette femme qu'elle n'avait par ailleurs jamais rencontré de sa vie mais qui avait plané comme une massue au-dessus de son mariage pour finalement laisser une trace indélébile sur ce dernier.

Un peu sonnée par cette révélation à laquelle elle ne s'était pas attendue, Susan se laissa tomber contre le dossier de sa chaise. Ses yeux bleus lâchèrent son visage pour venir se poser sur la fissure qui courait sur le bois de la table. Distraitement, elle en gratta les contours de ses ongles sales et abîmés.  « J'ai retrouvé sa trace il y a quelques mois, lors de l'attaque des trenchers à Morro Bay. Et depuis, on se revoit régulièrement ». «  Je vois » souffla t-elle simplement. Que pouvait elle dire de plus ? Avait elle seulement le droit aujourd’hui de se mêler de sa vie privée ? La réponse elle la connaissait. Bien sur que non. Bien sur, cela l'ennuyait. La rancœur était tenace. Surtout le sujet ramènerait sur le devant de la scène des questions qu'elle s'était très longtemps posé. Au fur et à mesure des jours qu'il avait passé loin d'elle, elle s'était demandé. Parfois jusqu'à en pleurer. Jamais elle n'avait cependant eu le courage de le questionner. Car évidemment que ce n'était pas le fait qu'il la voyait aujourd'hui qui représentait un problème à ses yeux. « Elle et moi, on aimerait construire quelque chose ». Susan hocha la tête, la bouche légèrement tournée vers le bas. Si il voulait sa bénédiction, il l'avait. Il n'était plus à elle. Mais peut être qu'elle serait toujours à lui. Et si ce n'était pas le plus pathétique de l'histoire tout de même.

« Je suis désolé ». Susan releva la tête, le regard étrangement vide des sentiments qui pourtant la parcouraient. «  Pourquoi ? » demanda t-elle. Trouverait elle le courage cette fois de poser une bonne fois pour toute ces questions qui l'avaient tellement torturées à l'époque ? Oui, aujourd’hui elle en était certaine. Il avait ouvert la porte de Pandore et si cela devait être l'une de leurs dernières rencontres à deux, autant rouvrir la plaie une bonne fois pour toute et la laisser cicatriser. «  Si tu ne l'as retrouvé que récemment, si tu ne l'as aimé que récemment, je ne vois pas ce que je peux te reprocher » commença t-elle, le sous entendu plus qu'évident dans le choix des mots employés. De sa part, elle n'attendait plus que son honnêteté. La plus totale. Si il l'avait aimé un jour, il lui devait bien ça. «  Je suis même contente pour toi » trouva t-elle le cran de dire, sans réellement dire la vérité ni même mentir. Son aveu ne pouvait que lui rappeler combien ils avaient pris des chemins différents. Des chemins qui n'étaient plus destinés à se croiser.

Floyd &
Susan

« C'est compliqué d'essayer d'expliquer ce qui se passe là-bas, et ce qu'on peut ressentir. Tout est tellement radicalement différente ». Compliqué, voilà un mot que cet homme avait maintes fois utilisé comme excuse. Si bien qu'aux yeux de la mère de famille, il avait depuis longtemps perdu toute sa saveur. Déjà lorsqu'ils étaient jeunes, il s'était défilé avec ce mot répété en boucle. Son frère ? Compliqué. Son père ? Compliqué. Sa vie ? Compliquée, compliquée, compliquée. Bien sur, Susan avait réussi à faire la lumière sur certaines part d'ombre. Sur ce qui lui était arrivé dans sa jeunesse, sur ce qui était arrivé à son frère. Et à travers tout cela, elle l'avait soutenu. Elle avait été sa première confidente. Son premier rocher. Du moins jusqu'à ce qu'il foule le sable chaud d’Afghanistan. Puis plus rien. Sauf parfois le nom de cette femme qu'elle avait appris à haïr sans même savoir à quoi elle pouvait bien ressembler. Elle comprenait elle, mais pas Susan. Alors Floyd n'avait jamais trouvé bon d'essayer. D'essayer de lui expliquer. Pourtant, elle aurait pu comprendre. Son métier de policière lui avait ouvert les yeux sur la cruauté du monde, sur les difficultés de la vie. Sur la mort. Violente, rapide ou lente et faite d'agonie.  Elle qui était née dans un milieu privilégié et qui avait tout abandonné – jusqu'à son propre nom – en avait vu beaucoup. Du moins l'estimait-elle. Il fallait cependant croire que tout cela n'avait pas été jugé suffisant. A ce moment là, elle aurait pu le lui reprocher. Mais Susan était lasse. Cette guerre ci , cette guerre de la communication,  elle n'avait fait que la perdre depuis le début. Parfois par sa propre faute, par sa propre colère. Car elle admettait volontiers ne pas être ni la fille ni la femme ni même la mère parfaite.

« Je n'ai jamais été infidèle, jamais. Mais ce que je ressentais pour elle à l'époque, ça je ne pourrais pas le dire ». Malgré elle, un rire remonta le long de sa trachée. Il secoua ses épaules et se teinta presque d'une petite hystérie. Jamais infidèle ? Peut être de corps oui. Mais il y avait bien des façons de porter atteinte aux liens sacrés du mariage. Et en aimer une autre tombait définitivement dans cette dernière catégorie. Et si lui semblait hésiter sur la couleur à donner à ses sentiments de l'époque, Susan elle savait. Comme elle l'avait toujours su. « Tout s'est concrétisé ici, mais tout est né là-bas » lâcha t-il finalement, admettant finalement ce qu'il n'avait peut être pas pu voir jusqu'à présent. Tout était en effet né là bas.

A présent, elle n'avait plus envie de rire. Quand même ce dernier était hystérique. Elle se sentait juste vide. Vide et fatiguée de s'être battu contre des démons qui enfin avaient décidés de la laisser tranquille. Dans le silence de la pièce, l'ancienne policière gratta encore le bois de la table. Elle avait bien peu à montrer pour tous les sacrifices qu'elle avait fait au fil des années. Elle avait tout perdu. Ses parents, son fils aîné, son mari et même son boulot. Susan avait payé un lourd tribu et à présent elle ne pouvait que se demander si tout cela en valait la peine. Bien sur, la réponse à cette question, elle la connaissait. Bien sur que oui cela en valait la peine. Car pour toute cette peine, pour toute cette souffrance, elle avait eu Eddie et maintenant Zoe. Sa si précieuse petite fille. Sans tout ça... zoé n'aurait jamais été. Impossible pour une mère de regretter ses enfants.  Les morts comme les vivants. Eddie et Zoe étaient ce qu'elle avait offert de plus beau au monde. Elle regrettait simplement d'avoir autant failli à leur égard.

« Merci pour ton honnêteté » souffla t-elle simplement. Enfin aurait elle aimé dire. Enfin tu m'as dit la vérité. Mais elle savait Floyd assez intelligent pour comprendre tout ce qu'elle ne disait pas.  Elle aurait pu lui dire qu'elle espérait pour lui que cette femme en valait la peine.  Car si après toute la souffrance que cela avait apporté, il se rendait finalement compte de l'inverse, elle en aurait été encore plus attristée. Mais ça aussi elle préféra le garder pour elle. Ce n'était plus son problème à présent. Tout ce qui avait pu rester de leur historie commune était mort ici et ce soir. Maintenant, il serait le seul à vivre avec le poids de ses prochaines erreurs. «  Bonne nuit ». Une grimace sur la bouche, elle se leva et rejoignit le canapé dans lequel dormait toujours profondément sa fille. Elle réajusta la couverture elle son corps frêle d'enfant et se posa sur le fauteuil.  Visage dans une main, elle s'endormit. Avec l'espoir cependant que demain serait un jour meilleur.