Leave out all the rest # Orphée

La grande Sparte se dresse par de-là les montagnes lorsque Selena vient au monde. Tête brune aux airs innocents qui ne connait pas de grands tourments lors de son enfance. Fillette vive aux préceptes justes, elle ne recèle aucune fourberie mais se plait à offrir, de son temps et de son attention. La curieuse vibre au rythme de la vie de sa cité et assiste à ces conflits qui tiraillent les siens, prenant la vie d’êtres chers et moins chers, tous pleurés par la belle qui déplore leur absence. Celui qui manque le plus à sa vie, pilier essentiel pour la vie d’une demoiselle demeure son père. Arraché à ses bras par l’ennemi, vaincu au combat d’un coup trahi, porté alors qu’il aidait un autre, elle le pleure peut-être encore aujourd’hui. Des larmes silencieuses qui parfois la tirent de son sommeil. S’ensuivit cette période sombre où sa mère vit l’espoir dans le mariage. Malade de chagrin à la mort de son époux, elle vendit presque ses filles pour qu’elle aient, selon ses propres mots, « une vie meilleure ». Cette vie dont ne rêvait guère Selena, cette vie qu’on lui imposa. Elle trouva en son époux un homme sévère, exempt de toute compassion ou amour. Néanmoins, il la traitait avec considération, comme cette femme qui faisait la fierté de son mari, altruiste, forte et cultivée. Cette femme au caractère fort qui put tout encaisser, cette femme qui lui offrit de beaux enfants alors qu’elle sortait à peine de l’adolescence. Cette même Selena qui ne versa plus de larmes, amère et ambitieuse, désireuse de vengeance et paniquée à l’idée de sombrer à nouveau. Elle inculque des valeurs à ses enfants, les préservant du monde en leur contant de belles histoires mais les prévenant de sa fausseté en décrivant les scènes de guerre qui déchirent souvent les hommes. Les dieux décidèrent de rappeler son époux qui fut lapidé après avoir été emprisonné. Ses enfants, au nombre de cinq n’eurent guère un meilleur avenir. Très jeunes, à peine entrés dans l’adolescence, ces trois aînés, ces garçons au grand cœur et à la lame peu acérée pour l’âge furent priés de prendre part aux combats. Selena ne les revit jamais. Peu avisée par les autres pour gérer l’empire familial laissé par son époux assez renommé à Sparte, on lui arracha ses filles une à une. Treize, quatorze ans. De belles princesses qui ne demandaient à briller que l’on condamna à un enfer qu’elles devraient supporter. Mariées de force, elle ne put rien faire pour briser ces unions et se contenta d’être présente, de la seule façon qu’elle put. Se rebeller aurait conduit à sa mort. Serait-elle un soutien viable une fois de l’autre côté ? Pourtant, faire face à cette situation qu’elle n’a pu empêcher, malgré son acharnement la rendit aigrie et au bord de la folie. Ses idées basculant presque vers le suicide. Oter sa vie offrirait peut-être une parcelle d’espoir à ses filles si son sacrifice était salué par les dieux qui parfois répondaient aux bienveillants ? L’esprit au bord du gouffre, le cœur en lambeaux, Selena n’était que l’ombre d’elle-même.