✸ MURPHY'S LAW

Loi de Murphy : Tout ce qui est susceptible de mal tourner tournera nécessairement mal.

Lois avait suivi avec attention le message de l'Horloger sur son téléphone. Encore un psychopathe, à croire qu'il y avait eu des promotions sur les cerveaux endommagés et les masques de carnaval. Elle ne s'était pas inquiétée tout de suite, elle était montée dans le train après avoir interviewé plusieurs personnes dans la banlieue de Metropolis, et n'avait bêtement pas songé à en descendre, accrochée à son portable et aux lèvres de l'Horloger. Quand il avait dit que Superman et Supergirl ne pourraient pas voir les bombes, elle avait froncé les sourcils, elle n'avait pas compris. Ce pauvre type ne pensait tout de même pas être capable de mettre les Kryptoniens dans l'embarras ? Elle ne savait même pas d'où il sortait, encore un grand malade qui pensait pouvoir réaliser avec les génies du mal parce qu'il avait eu une idée tordue. On le lui avait dit et répété, la confiance aveugle qu'elle plaçait en Superman finirait par lui causer des ennuis... En revanche, personne ne lui avait dit qu'elle risquerait de mourir comme une imbécile parce qu'elle avait préféré prendre le train pour rentrer chez elle, ou un taxi. Quand la bombe avait explosé, Lois avait eu un moment de blanc, suivie de très près par un "merde" qui avait résonné dans son esprit. Évidemment. Évidemment que cet enfoiré allait faire sauter le monorail ! Et elle, pour faire honneur à sa réputation d'aimant à problèmes, elle était dedans. Si elle survivait, Perry allait la tuer, et ce serait mérité. Mais à priori, elle allait mourir comme une abrutie quand le train allait faire le grand plongeon, et le rédacteur en chef du Daily Planet ne pourrait qu'aller fleurir sa tombe. Elle imaginait déjà la pierre tombale, grandiose : "Lois Lane, morte pour un scoop débile". Le plus triste dans l'histoire, c'était que ce serait véridique. Lois avait hurlé quand les wagons s'étaient précipités dans la vide, à peine retenus par le reste du train. Elle avait tenté de se rattraper aux sièges, un passager avait même essayé de la rattraper, sans succès. Elle avait dégringolé dans le wagon, et s'était écrasé lourdement... contre une fenêtre. « Oh merde. » Et ça exprimait tout juste le fond de ses pensées. Entre des dizaines de mètres de vide et elle, il n'y avait qu'une mince petite vitre, qui commençait déjà à se fendiller sous son poids. Surtout, pas de panique. Respire, ça va aller. Lois n'avait jamais été très douée en auto-persuasion mais là, c'était nécessaire si elle ne voulait pas simplement se mettre à hurler, comme le reste des passagers dont la vie ne tenait littéralement plus qu'à un fil. Ce n'était pas la première fois qu'elle frôlait la mort, mais ce n'était pas pour ça qu'elle y était habituée. Elle se voyait déjà se fracasser le crâne et les os sur le bitume, et on ne pouvait pas dire que l'idée était alléchante. Et puis si la vitre ne cédait pas, ce serait l'arrière du wagon et il s'écraserait au sol et elle terminerait en plusieurs morceaux, adieu dignité. Où étaient les Kryptoniens ? Il y avait urgence là, des dizaines de vies étaient en jeu. Oh, elle se doutait bien qu'ils étaient déjà en chemin, mais... Les secondes de la fenêtre qui l'empêchaient d'être précipitée dans le vide étaient comptées. « Mais arrêtez de gueuler, ça sert à rien ! » Lois avait peur, alors elle devenait désagréable. Au moins, son voisin était encore sur son siège, lui. « A la limite, je ne sais pas, priez, mais arrêtez de gueuler ! » Ça faisait vraiment chier, quand même. Tout ça pour avoir tenté de faire plonger Luthor. Connard.

Elle jette la boite de donuts vide sur le sol. Elle se gratte ensuite légèrement le ventre, avant d'ouvrir une boîte de nouilles chinoises. Elle l'avale en quelques minutes, avant de la jeter avec les six autres déjà sur le sol. Elle était un cadavre, un légume. Empli d'émotions contradictoires. Cela faisait une semaine, une semaine qu'elle n'avait pas parlé à Diana et qu'elle n'avait pas revu Jason. Une semaine, qu'elle avait failli mettre fin à la vie de son nouvel ami. Si elle pouvait s'être considérée comme telle. Elle ne savait plus trop où elle en était. Parce que Kara, elle avait failli à sa tâche. Elle s'était perdue sur le chemin de la lumière, empruntant un bref instant le chemin de l'obscurité. Et ça, elle n'arrivait pas à se le pardonner. C'est pourquoi, elle était allongée là, sur le canapé monté par Jason en train de dévorer des tonnes et des tonnes de mal-bouffes. Elle s'était efforcée de sortir de chez elle pour ses examens, mais elle n'avait même pas prit la peine de regarder ses mails pour vérifier qu'elle avait été admise au prochain semestre. Non, elle se fichait de tout. La seule chose qui comptait, était qu'elle avait tourner le dos à la justice pendant un bref instant. Et qu'elle s'était prise pour une déesse assoiffée de sang. Et cette action la rongeait terriblement. Elle allume sa télévision et commence à zapper les chaînes. Il n'y avait rien d'intéressant à regarder, si ce n'est des épisodes de séries qu'elle avait déjà regardé au moins une dizaine de fois. Elle n'était pas prête à le faire une nouvelle fois. L'image change subitement, et affiche une vidéo parasite. Elle tente de changer de chaîne, mais cela lui est impossible. Elle fronce les sourcils, et écoute attentivement. Elle reste interdite Kara, tiraillée par une peur de perdre la raison une nouvelle fois. La ville avait besoin d'elle, elle avait besoin de son soutient et de sa puissance. Mais la kryptonienne n'était pas certaine d'en être capable. Elle ne savait pas si cette lumière, était toujours en elle, ou enterrée à jamais avec les blessures sanglantes de Jason. Elle se lève et fait les cents pas. Clark serait peut-être capable de gérer les bombes à lui seul, si Conner lui venait en aide. Elle pourrait peut-être rester sagement chez elle, et attendre. Attendre que tout soit réglé. Sans qu'elle ne s'y mêle et qu'elle ne joue à Dieu, comme Jason lui avait suggéré. Mais elle le regretterait, si de nombreux civils périssaient et qu'ils auraient pu éviter cette situation si elle s'y était elle aussi mise. Elle est tiraillée, mitigée par toutes ces pensées qui lentement l'entraînent vers le fond. C'est la voix de Clark au loin qui la sort de ses pensées. Flamme au début, et brasier ensuite. La lumière en elle se réveille, et son palpitant lui indique la vérité. Elle retrouve la raison la gamine, et dans un geste culte, retire les boutons de sa chemise pour découvrir son costume. Elle s'envole par la fenêtre.

L'air siffle dans ses cheveux, elle tente de sonder la ville à la recherche d'une bombe, mais l'Horloger n'avait pas menti, il lui était incapable de les retrouver. Il avait clairement choisi des lieux contenant du plomb. Il fallait qu'elle réfléchisse, et vite. Ils devaient être des lieux importants, assez importants pour marquer la finance mais aussi d'autres domaines de Metropolis. Et assez importants aussi, pour qu'il y ait de nombreux dommages collatéraux. Elle continue de voler, déesse solaire qui surplombe la ville. Elle s'approche du lieu où se trouve Superman. Elle fonce dans sa direction, alors qu'elle le voit en train d'essayer de remonter le train, une rousse accrochée à son cou. Lois Lane. Elle sourit, la gamine, tellement son cousin est prévisible. Mais c'est autre chose qui fini par attirer son oreille. Elle fonce sous le pont, et dépose ses pieds au sol. Un vieillard est coincé sous une énorme barre de fer. Elle le regarde, laisse le civil faire un garrot autour de la jambe du vieillard puis décide d'intervenir. « Laissez-moi gérer ça. » Elle regarde le vieillard d'un air réconfortant, chose que le policier à côté d'elle n'avait pas réussi à peindre sur son visage. « Je vais faire ça vite, ne bougez pas votre pied tout de suite. » Elle lui sourit, puis rapidement, d'une main, soulève la barre de fer et la jette au loin en évitant soigneusement de faire d'autres dégâts. « Allez chercher les secours pour qu'ils s'occupent de lui, s'il vous plait. » Elle sourit au policier, ne voulant pas que son ton paraisse trop sec puis s'envole. Elle s'approche de Superman, Lois toujours accroché à son cou. « Partout où vous vous trouvez, les ennuis semblent vous suivre mademoiselle Lane. » dit-elle dans un demi-sourire, tentant de détendre légèrement l'atmosphère. « Superboy est en chemin, essaie de bien te comporter en attendant. » Elle sourit à Lois, puis à Clark. « Je t'appellerai si j'ai besoin d'aide. Fais attention à toi. » et dans un regard maternel et protecteur, la blonde s'envole haut dans le ciel. Elle surplombe la ville, se laisse baigner par les rayons lunaires. Ses oreilles sont aux aguets, son palpitant est en émoi. Sauver des vies lui avait manqué. Ses oreilles traversent le continent, et elle se rend compte, comme Clark avant elle, que de nombreuses villes sont prises d'assauts. La coïncidence était bien trop grande, pour en être une réellement. Elle entend les battements de cœurs au loin de Diana et Jason, et le sourire satisfait sur son visage, qui apprécie de savoir qu'ils sont en vie malgré les attaques la rend légèrement heureuse. Elle leur avait fait du mal à tous les deux, mais ils ne l'avaient pas ménager non plus. Si la rancœur subsistait toujours entre eux, car les événements étaient trop frais. Kara espérait au fond d'elle, qu'ils trouveraient la force de lui pardonner ses actes. C'est alors qu'elle le capte, le son aigu et léger. Le timbre d'une bombe. Elle fonce vers les lieux sans attendre.

À une minute – voire moins – de la mort, Lois était incapable de penser à autre chose qu'à ce spot publicitaire complètement stupide qui passait en boucle à la télévision : comment se comporter en cas d'attaque de super-vilain. Ah. Ah. Ah. Ne pas paniquer ? Facile à dire, tout ce qui la séparait d'une chute de plusieurs dizaines de mètres n'était qu'une vitre que quelques millimètres d'épaisseur.  Se mettre à l'abri ? Si elle bougeait, elle était définitivement foutue. Appeler à l'aide ? Si Superman n'avait pas entendu l'explosion, et les hurlements des passagers, alors personne ne pouvait rien faire pour eux. Nerveuse, miss Lane ? Très légèrement. Elle sentait le verre commencer à craquer sous son poids, et autant dire que la perspective d'un saut à l'élastique sans élastique n'était pas franchement alléchante. Pétrifiée, Lois songeait très sérieusement à se mettre à prier elle aussi, quand le Kryptonien fit enfin son apparition. Si elle n'avait pas eu aussi peur, elle aurait pu lui faire une mauvaise plaisanterie, du genre "vous êtes en retard", mais tout ce qu'elle voulait, c'était qu'il la sorte de cette situation pour le moins épineuse. Briser la vitre et la rattraper ? D'accord. Aucun problème. Lois ferma les yeux, plus pour s'éviter de voir se briser que pour éviter les éclats de verre, et elle ne put s'empêcher de hurler pendant cette seconde où elle fut précipitée dans le vide, avant de retrouver les bras de Superman. « Il va vraiment falloir qu'on arrête de se voir comme ça. » Elle appréciait bien plus leurs rendez-vous sur le toit du Planet, ou la terrasse de son appartement. Si elle n'était pas en danger, c'était un plus. « Là, je crois que vous avez un peu plus important à faire que répondre à mes questions, mais si vous voulez me donner une interview après tout ça, vous savez que je ne dis jamais non... » Comme il le lui demandait, elle s'accrocha à son cou pour lui libérer les bras et lui permettre de rattraper les wagons avant qu'ils ne se détachent du reste du train et aillent s'écraser plus bas. Ce n'était pas la première fois que Lois voyait Superman en action en étant aux premières loges, mais elle était toujours autant impressionnée. C'était quelque chose, de voir un homme soulever un train comme s'il n'avait pas pesé plus lourd qu'une poignée de plumes, le tout avec une demoiselle en détresse accrochée au cou. Dans les wagons, les gens continuaient à hurler, certains paniqués, d'autres fou de joie de voir Superman. Il fallait dire qu'elle aussi, elle était bien contente de le voir. « J'avoue que plus vite je retrouverai la terre ferme, mieux je me porterai... » Loin d'elle l'envie de le presser ou de se montrer ingrate, mais elle ne pouvait pas dire qu'elle appréciait particulièrement la précarité de sa situation. Ce fut tout juste si elle ne soupira pas de soulagement lorsque le Kryptonien la ramena à terre après avoir repoussé le train loin du passage endommagé, et les wagons au sol. Les gens ne perdirent pas de temps pour en descendre, secoués mais bien vivants. Il y avait déjà les secours sur place ; et Supergirl. « Je vous jure que je ne le fais pas exprès », s'excusa-t-elle avec un air affligé lorsque la jeune femme lui dit remarquer que les ennuis la suivaient à la trace. Pour une fois, elle avait juste voulu rentrer chez elle, sans chercher d'ennuis. Autant dire que sa soirée s'annonçait pour le moins agitée. Grimaçant, Lois leva les yeux vers ce qu'il restait de la portion du monorail – elle l'avait échappé belle. « Merci... Je crois que sans vous, j'étais bonne pour me transformer en pancake. Pas la mort la plus glamour qui soit. » Existait-il seulement une belle façon de mourir ? Dans un sursaut d'esprit, Lois sortit son téléphone de sa poche. « Il ne reste qu'une minute avant que la prochaine bombe explose... Il a dit qu'il voulait jouer... Les bombes sont peut-être placées stratégiquement dans des endroits qui attirent le public ! Le parc d'attractions, le théâtre... La dernière fois, il a frappé à Gotham. Il a faut sauter des lieux de loisirs... » Ce n'était qu'une idée, mais si on suivait la logique de l'Horloger, ses cibles seraient choisies en fonction de leur degré de distraction. Et d'affluence. À chaque fois, il y avait eu des dizaines de victimes. Les secondes étaient comptées.