shadow of the colossus (billy)

Il avait senti sa présence sitôt qu’il avait passé la frontière. Comme un éclair déchirant le voile délicat du ciel, Billy Batson avait crevé la barrière magique invisible qu’Adam avait restaurée après sa débâcle des Sept Péchés Capitaux, alertant immédiatement l’ancien champion de la magie de sa présence ; mais quand bien même il n’y aurait pas eu de barrière à outrepasser, Adam savait d’expérience qu’il aura senti cette aura à mesure qu’elle aurait approché de Shiruta. Une aura si semblable à la sienne, nourrie des dons du même sorcier, et de la même foudre vivante. Batson. Adam s’était immobilisé dans ses pas alors qu’il déambulait dans les jardins à ciel ouvert du palais, causant confusion et perplexité chez ses conseillers bien peu habitués à le voir si distrait pendant qu’ils discutaient des affaires courantes du pays. Hélas, aucune affaire courante ne saurait être plus importante, plus cruciale, ou plus urgente que la soudaine arrivée, impromptue et malavisée, de son rival. Il approchait, songea-t-il en se concentrant sur cette signature magique trop familière, et honnie, dont la présence dans ses frontières suffisait à lui faire bouillir le sang de rage. Que faisait cet inconscient ? Etait-ce la Ligue de Justice qui l’envoyait jouer les chiens de garde et vérifier que le terrible Black Adam ne retombait pas dans ses travers après la trêve de conclue avec Wonder Woman ? Ou cet imbécile avait-il tout à fait perdu la raison ? Il approchait, sentait-il, et il filait droit sur la capitale, un voyage qui, avec la vitesse de Mercure, ne lui prendrait que quelques secondes. Il fallait réagir. Maintenant.

Sans doute Billy allait-il trop vite pour être remarqué à l’œil nu pour le commun des mortels, mais Adam n’était pas le commun des mortels – et il le vit, son satané rival, passer et repasser dans le ciel de Shiruta, comme autant de provocations destinées à attiser l’impatience déjà grandissante du dirigeant du pays. Alors Black Adam n’attendit plus, et décolla à son tour, l’éclair d’Aton crépitant sur celui qui lui barrait le torse. Le Kahndaq se relevait à peine de l'attaque de la fille de Darkseid, et du désastre que les péchés avaient failli occasionner lorsque Fate avait réussi à faire tomber la barrière pendant que lui affrontait la Ligue de Justice ; et nombre de ses compatriotes avaient encore besoin de son assistance. Ce dont il n’avait pas besoin, c’était d’un garnement qui n’avait toujours pas compris où était sa place. Il avait un pays à reconstruire, un peuple à préserver en ces temps difficiles dont leurs ennemis n’hésiteraient pas à tirer parti – ils avaient même déjà commencé, des mouvements de factions terroristes endormies profitant du chaos pour se réveiller près de leurs frontières. Quoi que veuille le nouveau champion, ça devrait attendre. Et s’il ne voulait pas entendre ses avertissements, Adam n’aurait aucune difficulté à user de la manière forte. Sa patience n’avait jamais été des plus légendaires, mais vis-à-vis de Billy Batson, et après avoir vécu six mois d’enfer sur une Terre à l’agonie ? Autant dire qu’un seul mot de travers suffirait à lui faire abandonner ses bonnes résolutions.

Dans le ciel, loin de Shiruta, les deux rivaux pouvaient s’affronter sans craindre d’atteindre la population, et Adam n’eut aucun mal à retrouver et rattraper Billy – qui lui donnait l’impression qu’il avait voulu qu’il le rattrape. Que préparait-il, encore ? « Billy Batson ! » aboya-t-il, sa voix résonna dans le ciel soudain assombri comme un coup de tonnerre. « J’ignore que ce que tu viens faire au Kahndaq, mais tu sembles oublier que tout intrusion d’un ‘superhéros’ américain est considéré ici comme une déclaration de guerre avec les Etats-Unis. Je pensais que même un enfant pouvait comprendre un concept aussi simple. » Qu’on ne vienne par lui dire qu’il ne faisait pas d’efforts. Salomon avait-il donc renoncé à conseiller son protégé ? Où était la sagesse, dans l’impertinence d’une telle intrusion ? Les poings serrés, le champion du Kahndaq contenait tant bien que mal sa fureur et l’irritation que la seule vision de son rival ne manquait jamais de provoquer en lui, brasier éternel nourri au fuel de sa colère ; accordant à son ennemi une dernière chance de lui fournir une bonne excuse pour sa présence, ou bien de faire demi-tour. Il n’y aurait, de sa part, aucune pitié pour la moindre maladresse. « Je n’ai pas de temps à perdre avec tes enfantillages, et il ne s’est rien passé qui justifie une intervention de la Ligue de Justice. Je t’accorde trois secondes pour réaliser ton erreur, et sortir de mon pays. C’est ton dernier avertissement. » Et ça n’était certainement pas lui qui regretterait de devoir en passer aux mains.

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Something’s wrong with Billy Batson. Ce n’était pas son aura, ce n’était pas la foudre de Zeus, et il fallut quelques instant à Black Adam pour pleinement mettre le doigt sur ce qui le dérangeait dans cette étrange intrusion, et dans l’attitude de son rival. Billy était un gamin stupide, imprudent, et insolent, mais Adam l’avait aussi vu sagace, rusé, et surtout, prompt à se fier à l’intuition que lui conférait la sagesse de Salomon. Mais aujourd’hui, le champion face à lui avait l’attitude exactement inverse. Impulsivité, provocation, et surtout, une rage bouillonnante qui en devenait presque palpable dans l’air devenu électrique des cieux du Kahndaq. La colère, la furie ne faisaient pas partie des attributs de Billy Batson ; pas en temps normal. Et pendant un très bref, et très déroutant instant, Adam eut presque l’impression de soudainement se regarder dans un miroir. Il ne savait pas quelle était la raison de la colère de son ennemi juré, mais c’était assurément la première fois qu’il avait l’impression d’avoir quelque chose en commun avec lui ; et il n’était pas sûr que le parallèle lui plaise. Cette façon de foncer droit en territoire ennemi, de mettre l’adversaire au défi, avec la détermination d’un lion resté trop longtemps en cage, c’était lui, c’était son modus operandi, et c’était exactement pour cette attitude que le Sorcier avait finalement décidé de le bannir dans l’amulette et l’enfermer dans le tombeau de Ramsès II. Quelle ironie, si cet imbécile de garnement, après tous ses grands discours, décidait finalement de suivre la même voie. Peut-être s’agissait-il là d’une fatalité, inévitable, pour tous les champions de l’humanité. Mais quelles que soient les raisons derrière la présence hostile de Billy sur ses terres, il était hors de question qu’il lui pardonne l’intrusion. Et qu’il la laisse durer plus longtemps que nécessaire.

Les dieux soient loués, Billy n’était toujours pas du genre à se taire sur ses états d’âme, et c’est de lui-même qu’il révéla à son rival les raisons de son ire – des raisons auxquelles Adam ne s’était pas attendu, et qui le prirent de court. Juste assez pour lui faire louper un demi-battement de seconde, et donner à Billy l’ouverture nécessaire pour lui foncer dessus et ouvrir officiellement des hostilités. Ce n’est qu’un dernier moment qu’Adam, mû par un pur réflexe de survie, se mit en garde pour encaisser les coups du garçon – bien plus meurtriers que ceux auxquels il l’avait habitué. Billy ne cherchait plus autant à se retenir. Il n’essayait pas de le contenir, il essayait réellement de lui porter atteinte. Et chaque coup que lui portait son rival résonnait dans le ciel comme un coup de tonnerre. Theo Adam ? C’était donc ça, qui l’avait poussé à traverser deux continents et un océan ? Black Adam serra la mâchoire, sentit les poings de Billy secouer ses os de leurs ondes de choc qui auraient suffi à ébranler un immeuble entier sur ses fondations. « Le destin, Billy ? Vraiment ? » Profitant d’une très brève ouverture alors que son rival levait à nouveau le poing pour le lui abattre dessus, Adam se saisit de son bras et du col de sa cape. « Tu ne connais rien au destin, Billy. Salomon éclairerait peut-être ta lanterne, si tu lui prêtais attention ! » Et sans perdre un instant, imprimant un mouvement de rotation dans leur vol, Adam projeta Billy aussi loin de lui qu’il le put, instaura une distance entre eux qui devrait lui permettre de reprendre la main et contre-attaquer. Si Billy cherchait à régler ses comptes, il avait frappé à la bonne porte.

Poussé par la vitesse de Heru, Adam piqua directement sur Billy, lancé à pleine allure, et accéléra encore en le percutant de plein fouet de son épaule – le tonnerre éclata encore dans le ciel du Kahndaq, alors que les deux champions allaient au coude à coude, fendant les cieux à une vitesse vertigineuse, chassant les nuages à chaque nouveau coup donné. « Theo Adam est parti, Billy ! » riposta-t-il alors que les étincelles des foudres de Zeus et Aton elles-mêmes semblaient s’affronter. « Je n’ai pas repris forme mortelle depuis notre duel, tu le sais parfaitement ! Theo est enfermé depuis cinq ans, et je n’ai aucunement l’intention de lui laisser la place ! » Theo Adam, aussi méprisable soit-il, avait rempli son office. Les circonstances avaient été malheureuses, et les actes méprisables de son descendant n’inspiraient en lui que dédain et aucune reconnaissance, mais ils avaient été un mal nécessaire à son retour. Pour ses pêchés, Theo pourrissait maintenant quelque part sur un plan astral dont il ne reviendrait jamais. Un exil semblable au sien, mais, à ses yeux, infiniment plus mérité. « Si c’est la vengeance que tu cherches, c’est inutile. Theo est déjà puni, et il n’est nulle part où tu pourras l’atteindre. » Rentre chez toi, Billy, lui disait-il en silence. Il comprenait – par tous les dieux du panthéon, qui était mieux placé que lui pour comprendre les élans revanchards de son rival ? Mais le fait était que l’heure de la vengeance, pour lui, était passée. Relâchant Billy, Adam pivota à toute vitesse et lui asséna un puissant coup de pied, espérant l’envoyer piquer droit vers le sol. Les Batson. Jamais Adam ne l’admettrait, mais il lui arrivait, aujourd’hui encore, de voir leur image dans les souvenir flous et chaotiques de Theo. L’expression de parfaite surprise et réalisation sur le visage du père après que Theo l’ait poignardé dans le dos dans le tombeau de Ramsès II. L’horreur sur les traits de la mère qui avait supplié le bourreau d’épargner ses enfants. Oh oui, Adam, pour la première fois depuis leur rencontre, pouvait comprendre Billy. Mais hélas, il ne pouvait lui accorder sa vengeance.

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Cet enfant n’était réellement pas fait pour être le nouveau champion – et le Sorcier avait été un fou d’accorder de si grands pouvoirs à quelqu’un d’aussi jeune, inexpérimenté, et irresponsable. Car c’était bien là tout le nœud du problème, aux yeux du terrible Black Adam : non seulement Billy avait été béni par les dieux dans le seul but de le défaire, lui, mais comble de sacrilège, il lui apparaissait comme la personne la moins digne au monde d’un tel honneur. Qu’y comprenait-il, cet adolescent rebelle, impulsif, insolent, qui n’avait pas la moindre éducation ni la moindre compréhension de formidables pouvoirs qui lui avaient été offerts ? Salomon avait beau murmurer à son oreille, la divinité ne faisait pas tout. Ce qu’Adam voyait en Billy, indépendamment d’un rival, c’était aussi la cristallisation d’un déclin. Le déclin de la magie, assassinée par le Sorcier qui, pris de peur, avait été assez lâche pour dissimuler le Roc de l’Eternité aux yeux des Hommes, et avait pratiquement éradiqué toute magie de la planète. L’humanité n’était pas digne de la magie et de son immense potentiel, mais un enfant comme Billy, oui ? Quelles pathétiques excuses. Le Sorcier avait été lâche, égoïste, cruel, et maintenant, il envoyait un enfant finir ce qu’il avait échoué à faire tous ces siècles auparavant. La mâchoire d’Adam se contracta sur la colère. Ce n’était pas lui, qui était en faute. Ce n’était pas lui, qui avait condamné l’humanité à des siècles de ténèbres et de désespoir en la privant de la magie qui, autrefois, courait dans le monde avec le même naturel que l’oxygène, au lieu d’être l’apanage de quelques privilégiés. Tout était de la faute du Sorcier, ce serpent manipulateur, et Billy n’était rien d’autre que sa dernière œuvre en date. Un pantin, rien de plus. Pire encore : un pantin aveuglément volontaire.

Billy l’accusait de mentir, d’avoir menti à son peuple, et au Sorcier, et Adam sentit la fureur bouillir de plus belle dans ses veines – cet enfant ne comprenait vraiment rien de ce qu’il s’était vraiment passé, pas vrai ? Et Adam s’apprêtait à répliquer, quand Billy se retransforma, se laissant chuter dans l’air pour éviter la foudre d’Aton – et pendant un bref, très bref instant, le dirigeant du Kahndaq l’aperçut, ce visage souriant, mais déformé par la douleur. Une vision à laquelle il ne s’attendait pas, et qui suffit à le déconcentrer assez longtemps pour que Billy reprenne sa forme immortelle, et effectue une percée fracassante en lui percutant la mâchoire. A peine Adam eut-il encaissé le coup que le poing de Billy connecta avec son abdomen ; la force du choc le plia en deux de douleur, et l’onde de choc, ainsi qu’il l’apprendrait plus tard, avait pu être entendue à une centaine de kilomètres à la ronde. Billy ne retenait pas ses coups. Cette fis, Billy frappait pour de bon. Sonné par l’enchaînement, Adam ne put l’empêcher de le saisir à la gorge, et grimaça en s’emparant de son bras, tentant tant bien que mal de lui faire lâcher prise lors qu’il sentait la foudre de Zeus, menaçante, crépiter tout autour d’eux. « Toi… » siffla Adam, la gorge écrasée par la prise de son rival. Et les mots de Billy, perfides et vicieux, frappèrent exactement là où le sale gosse voulait frapper. « Tu ne sais rien, Billy Batson. » articula Adam, les yeux furieux, lançant des éclairs – littéralement. Puisque Billy souhaitait perdre son temps en provocations : qu’il en soit ainsi. Soudain, Adam se propulsa en avant, son front percutant brutalement celui de Billy de plein fouet, et sans perdre un instant, il profita de son désarçonnement pour se baisser et remonter les deux pieds tendus pour envoyer ses talons décrocher un coup brutal dans la mâchoire de son adversaire.

Sentant la prise sur son cou se desserrer d’un coup, Adam en profita pour échapper à son emprise et se faufila dans le dos de son rival pour lui décrocher un nouveau coup de pied dans le dos. « Je mens à mon peuple ? J’ai menti au Sorcier ? Ouvre les yeux, stupide enfant ! » aboya Adam, en fonçant droit sur Billy, les poings tendus devant lui – crac, un autre coup particulièrement brutal. Billy voulait lui faire du mal ? Parfait. Lui aussi. Tant pis pour les bonnes résolutions de paix qu’Isis avait tenté de lui inculquer. Tant pis pour Wonder Woman, tant pis pour la Ligue. C’était lui qui était venu le défier. A lui d’en payer les conséquences. « Le Sorcier ne t’a accordé ses pouvoirs que parce qu’il avait peur de moi ! Il a agi en désespoir de cause, pas parce que tu le méritais. C’est ça que fait le Sorcier : choisir des pantins pour mener les combats à sa place ! » Il était bien placé pour le savoir. Il avait été à sa place un jour. Mais plus jamais. Plus jamais le pantin de qui que ce soit. Encore moins d’un ingrat. « Le Sorcier t’a-t-il dit ce qu’il a fait, le jour où il a réalisé qu’il ne pouvait pas me manipuler à sa guise ? Il m’a enfermé dans l’amulette – puis il a retiré toute la magie dont il était capable de la Terre. Pas pour vous protéger : parce qu’il avait peur que quelqu’un d’autre ne vienne lui voler son trône de pacotille ! » A lui, maintenant, d’agripper Billy par le cou, et de le soulever au-dessus de lui, ses doigts serrant si fort autour de sa nuque que, n’eut-il eu la résistance d’Atlas de son côté, ses os auraient été réduits en miette. « Penses-tu que ça ne soit qu’une coïncidence qu’il ait choisi le fils des victimes de Theo pour champion ? T’a-t-il parlé de destin ? Regarde-toi, Billy. » persifla-t-il. Mais, alors qu’il parlait en fixant son rival droit dans les yeux, il ne put s’empêcher de se demander : était-ce à ça qu’il avait ressemblé, lui, lorsqu’il avait libéré toute sa rage sur les ennemis du Kahndaq, tous ces siècles auparavant ? « Il t’a choisi parce qu’il savait que tu cèderais à la colère. Que tu reviendrais tuer Theo – et moi, par la même occasion. Il ne t’a pas choisi pour tes mérites. Il t’a choisi pour tes parents. Il t’utilise, et il les utilise, eux ! » Et, ponctuant, ses paroles, Adam laissa la foudre d’Aton, sauvage, impitoyable et magnifique, surgir de l’éclair sur son torse pour frapper directement son rival. Ouvre les yeux, Billy. Qu’il se rende au moins ce service, à défaut d’être un champion digne de ce nom.

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Restait-il un peu de Theo en Adam ? Parfois, rarement, Black Adam se posait la question. Si Billy était encore indubitablement lui-même lorsqu’il adoptait sa forme semi-divine, pour lui, l’affaire était bien plus complexe. Ce n’était pas une, mais deux personnalités qui se disputaient une même enveloppe, et si Adam savait pertinemment avoir écrasé celle de son alter-ego mortel, celle du malheureux Theo condamné à n’être plus qu’un spectateur distant des agissements de son ancêtre, Teth-Adam se demandait, parfois, si son infâme descendant réussissait à avoir une quelconque emprise sur lui. Depuis bientôt cinq ans qu’il avait fait son grand retour sur cette Terre, pas une seule fois ne s’était-il retransformé. Se retransformer, c’était rendre le contrôle à Theo, et se soumettre à sa volonté à lui, accepter qu’il ne réapparaîtrait que si son lointain descendant acceptait de prononcer le mot magique. Hors de question de laisser l’avenir du Kahndaq entre les mains d’un homme aussi instable et irréfléchi. Hors de question de prendre le moindre risque qui pourrait remettre en cause sa propre existence, et par extension, la sécurité de son royaume. Un peuple entier dépendait de lui, et de lui seul – que Billy choisisse d’y voir une excuse servie par l’arrogance et l’orgueil, n’était pas son problème. Il ne libèrerait pas Theo. Il n’offrirait pas à Billy la vengeance dont il pensait rêver. Et si Billy ne voulait pas comprendre, ou ne pouvait pas comprendre, parce qu’il n’était qu’un gamin impulsif et immature qui refusait d’écouter Salomon quand ses émotions entraient en jeu, Adam refusait d’être tenu pour responsable. Quelle ironie, vraiment, que Billy l’ait tant accusé de s’être laissé corrompre par la puissance de ses dieux, quand il avait l’air de si bien suivre le même chemin. Le Sorcier avait voulu se choisir un nouveau champion à cause de ses prétendus manquements – sans songer que, peut-être, c’était lui qui condamnait ses champions à une inévitable damnation, avec ses procédés lâches et manipulateurs.

Et si c’était ça, le nouveau champion, alors peut-être faisait-il bien de se laisser consumer dans la rage et le pouvoir. Révélait-il ses vraies couleurs, Billy Batson, dans cette bataille au sommet, alors qu’ils libéraient les foudres de Zeus et Aton sans le moindre sens de la mesure ? Révélait-il son vrai visage, le prétendu champion de la magie, quand il lui retournait ses coups en évitant soigneusement de répondre à ses questions et ses mises en garde ? « C’est tout ce que tu as à répondre, Billy ? » cracha Adam avant de grogner de douleur en encaissant ses coups. « Je te parle de tes pouvoirs, du Sorcier, de ton destin, et tout ce que tu trouves à me répondre, ce sont des punchlines et des provocations qui n’amusent que toi ? » Et on lui reprochait de trouver ce monde indigne, vide de sens, et ne méritant pas de survivre ? Billy était supposé être le champion de l’humanité. Son protecteur, et son représentant, béni par les dieux. C’était ça, alors, l’humanité ? De la vanité, du vide, les caprices d’un enfant pour qui tout n’était qu’un jeu ? Bam, un nouveau coup chargé d’électricité qui envoya une décharge douloureuse dans le visage d’Adam – est-ce que c’était du sang, qu’il goûtait dans sa bouche et sentait couler de sa lèvre ? La dernière fois qu’il avait saigné, c’était justement lors de sa première confrontation avec Billy. Mais cette fois, l’issue serait différente. Si Billy semblait avoir carrément régressé sur l’échelle de la maturité, Adam, lui, estimait avoir largement appris de ses erreurs. Cette fois, il ne laisserait pas ses provocations puériles l’induire en erreur.

Alors que Billy s’apprêtait à lui asséner un nouveau coup, le poing complètement chargé de la foudre de Zeus, Adam croisa les bras en croix devant son visage – et le coup se réverbéra sur l’or protecteur sur ses avant-bras, envoyant une puissante décharge sismique dans l’air qui se transforma en véritable onde de choc. Si les dégâts étaient évités, la puissance de l’impact suffit néanmoins à séparer les deux adversaires, et le corps imposant d’Adam alla tout droit s’écraser dans une dune, y creusant un trou de la taille d’un cratère de météorite, provoquant un immense soulèvement de sable avec lui. Péniblement, Adam se redressa sur un coude. Avant de tendre l’oreille, reconnaissant au loin le vrombissement caractéristique des voitures armées de ses troupes, qui avaient dû entendre le bruit du combat depuis leurs postes avancés dans le désert. En grimaçant, Adam acheva de se relever, et sans plus se préoccuper de Billy, s’envola à leur rencontre. « Black Adam ! Nous avons vu l’attaque ! Que se passe-t-il ? » aboya le lieutenant-chef en sachant pertinemment que l’ouïe surdéveloppée de son leader ne manqueraient pas ses paroles malgré le vacarme du moteur. « Faites demi-tour immédiatement ! C’est entre moi et l’autre champion ! » répliqua Adam en venant se poser à leurs côtés alors qu’ils arrêtaient le véhicule et en descendaient, leurs armes déjà braquées sur l’horizon, prêts à accueillir le rival de Black Adam. « Il est là, je le vois ! » s’exclama l’un des soldats, et Adam pivota sur ses talons pour reconnaître la silhouette de Billy, découpée sur le fond du soleil couchant. Maintenant, la situation était différente. Maintenant, ça n’était plus que les deux rivaux pouvait se permettre de retourner ciel et terre sur leur passage. Ses hommes présents, Adam refusait de les mettre en danger pour l’attitude puérile de son rival. « Laisse ces hommes repartir, Billy ! » lança-t-il en s’élevant dans les airs pour s’interposer entre eux et lui – l’éclair d’Aton crépitant plus furieusement que jamais, débordant de son torse, de ses yeux, de tout son être. « Ou ta folie furieuse nouvellement trouvée te poussera-t-elle à également chercher la mort d’hommes incapables de se défendre face à tes pouvoirs ? N’est-ce pas exactement l’un de tes nombreux griefs envers moi ? »

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Ce n’était pas censé arriver. Sa rivalité avec Billy Batson ne les concernait qu’eux, les deux champions délaissés par leur Sorcier démissionnaire – et si les soldats du Kahndaq avaient été entraînés à parer à toutes sortes de situation, le seul adversaire contre lequel Adam priait pour ne jamais avoir à les envoyer, c’était son rival. Parce qu’il savait de quoi il était capable, même si Billy lui-même n’avait jamais fait qu’effleurer son véritable potentiel. Il était un dieu, quand bien même cela lui arrachait la gorge de l’admettre, et eux, n’étaient que des hommes. Alors, de voir cette escouade tenter de lui porter assistance malgré le danger, faisait presque complètement oublier sa colère à Adam. Il n’était plus question de rabattre le caquet d’un gamin en roue libre, il était question de protéger ses hommes contre une potentielle menace qui réalisait à peine son pouvoir. Qui réalisait à peine sa dangerosité. Qui réalisait à peine les abysses au bord desquels il dansait, lui qui s’était toujours targué de vivre dans la lumière. Les poings serrés, le corps faisant barrage entre Billy et ses hommes, Adam ne put s’empêcher de se demander s’il s’entendait parler, le nouveau champion de la magie. Mais aussi, il se demanda, pendant un instant, si c’était ça, qu’avaient ressenti ses adversaires en le voyant arriver, prêt à les écraser pour ses propres idéaux. Sur ce point, au moins, Billy avait raison : tout ce que le garçon menaçait de faire, lui, Black Adam, l’avait fait sans l’ombre d’une hésitation. Parce qu’on lui avait tout pris, et qu’il avait puni les responsables, par vengeance et pour être sûr que personne d’autre au Kahndaq n’endurerait son propre calvaire. Et Billy ? Billy, apparemment, voyait en lui le bourreau de ses parents, et avait décidé, à son tour, de ne pas risquer de voir l’histoire se répéter. Quel étrange sentiment, de se voir ainsi de l’autre côté du miroir.

Et parjure ultime, voilà que Billy tentait maintenant de retourner ses propres hommes contre lui. Et Adam la sentit, la surprise de ses soldats, qui échangèrent des regards perplexes, et il croisa les bras, toisant son rival alors qu’il essayait pitoyablement de ternir son image. A quoi s’attendait-il ? A les convaincre de retourner leurs armes contre leur champion ? A instiller la graine d’une révolte dans leur esprit ? La déception, cette fois, était réelle. Billy ne comprenait vraiment pas. Et quelque part, Adam n’était même pas convaincu de pouvoir lui en vouloir. Qu’est-ce qu’un enfant des Etats-Unis aurait pu comprendre au désespoir de tout un peuple, pillé, martyrisé, assassiné, saigné à blanc dans l’indifférence la plus complète, et dont les prières, seules, l’avaient ramené à eux ? Le venin de Billy glissait sur eux comme du savon, trop étranger, trop éloigné de leur réalité pour que le jeune homme puisse espérer être pris au sérieux. A refuser, encore et toujours, comme le reste du monde, de comprendre que si Adam était encore au pouvoir, c’était parce que c’était aussi là le désir de son peuple. Un peuple qui en avait assez d’être infantilisé par ceux-là même qui les avaient laissés agoniser pendant des siècles. « Retournez au palais. Ce ne sera pas long. » « Bien, Adam. » Et, avec un dernier regard méfiant envers Billy, les quelques hommes présents grimpèrent à nouveau dans leur véhicule, firent rugir le moteur, et s’éloignèrent à travers les dunes en soulevant une vague de sable derrière eux. A nouveau, ils n’étaient plus que deux. « La prochaine fois que tu cherches à t’en prendre à l’héritage du Kahndaq, tente de mieux choisi ton sujet, Billy. » remarqua-t-il en se concentrant à nouveau sur son rival.

Mais quelque chose ne collait toujours pas. Pendant des années, Billy n’avait pas particulièrement cherché le conflit. Jamais il n’avait cherché à en finir définitivement, jamais, même, ne lui avait-il reproché à voix haute la mort de ses parents. Quelque chose avait dû déclencher cette crise, mais quoi ? Et, alors qu’il se posait enfin la question, l’attentif Zehuti lui rappela deux dates qui, elles aussi, se faisaient miroir l’une de l’autre. Et le regard d’Adam s’éclaircit, comprenant enfin ce qui, peut-être, avait fait sauter les dernières barrières de Billy Batson. « C’est aujourd’hui, n’est-ce pas ? » demanda-t-il. « L’anniversaire de leur mort ? C’est pour ça que tu as décidé de venir, aujourd’hui, régler tes comptes avec Theo ? » Ca expliquerait tout. Son impulsivité. Sa décision irrationnelle. Cette agressivité qui, malgré tout, ne lui ressemblait pas. Billy avait-il seulement jamais fait son deuil ? Avait-il jamais pu le faire ? « Je ne peux pas effacer le passé, Billy, et toi non plus. J’ai conscience des crimes de Theo et des miens. J’ai conscience que ce qui m’attend, une fois qu’Anubis me reprendra, sera une éternité de tourments. Nous sommes tous les deux mortels, moi autant que toi. » Peut-être pouvaient-ils errer plus longtemps sur cette Terre, mais indéfiniment ? Il serait bien trop arrogant, même pour lui, de s’en convaincre. « Mais tu as un jour essayé de me convaincre qu’il existait une autre voie que celle de la rage et de la vengeance. C’est toi qui as réussi à m’arrêter, toi, aussi, qui as rendu mes cendres au Kahndaq. Es-tu vraiment prêt à renoncer à tes préceptes pour suivre le même chemin que moi ? Regarde-moi, Billy. » argua-t-il en s’approchant à pas lents de son rival. Rival, et reflet tout à la fois. « Regarde-moi, et pose-toi la question : es-tu prêt à devenir comme moi ? » Avec tout ce que cette métamorphose impliquait. Un empoisonnement de l’âme. Du sang indélébile sur les mains. La solitude implacable des meurtriers. Tout autant de prix qu’Adam avait payés, et qu’il ne regrettait pas – mais Billy, lui, mesurait-il réellement les implications de ses actes ? Ou n’était-ce là que la souffrance d’un orphelin qui ne savait plus comment demander la justice qui lui avait été niée par la force des choses ?

AVENGEDINCHAINS

Il avait touché juste. Billy avait beau avoir l’apparence d’un homme adulte, à cet instant, Adam la vit, cette étincelle de douleur dans son regard – une fracture dans l’armure du champion qui, l’espace d’un instant, le laissa entrevoir l’enfant sous la cape. Pas l’enfant qu’il honnissait, ni celui dont l’imprudence, l’insouciance et l’immaturité n’avaient de cesse de provoquer sa colère : l’autre enfant, l’orphelin, celui savamment caché dix mille lieues sous les mers de l’arrogance et de l’impulsivité. Un enfant dont l’aperçu, aussi bref fut-il, suffit à ébranler Adam dans ses fondations. Là, quelque part entre les fêlures qui se dessinaient sous les traits de Captain Marvel ou Shazam, se dessinaient les contours d’une histoire sur laquelle Adam, dans le fond, n’avait jamais pris la peine de s’attarder. Ou plutôt, qu’il avait pris soin de recouvrir, sans même en avoir conscience lui-même, de ses propres préjugés, se construisant une image de Billy Batson déformée pour satisfaire sa rancœur, sa déception, sa colère, son besoin dévorant d’un bouc émissaire sur lequel blâmer tous ses maux, en l’absence d’un Sorcier sur lequel prendre sa revanche. Et en cet instant, pour la première fois en cinq ans, l’image était craquelée, et Adam relâcha les poings, pris au dépourvu. Billy Batson, en cet instant, avait le même regard qu’il avait vu dans les yeux de si nombreux orphelins du Kahndaq. Billy Batson, en cet instant, malgré ses pouvoirs, malgré son apparence, malgré tout ce qui les opposait, était comme eux. Et peut-être que c’était risible, un champion millénaire qui n’en arrivait que maintenant à cette conclusion, mais le poids n’en était que brutal d’un seul coup sur ses épaules. C’était une chose, de voir en Billy son rival, son adversaire, un sale gamin capricieux – rien que des mots comme forteresse, parce qu’en cet instant, Adam aurait pu le jurer : c’était la première fois que Billy Batson lui apparaissant, non comme le gamin qu’il imaginait, mais comme l’enfant qu’il n’avait pas su voir. Et la différence, quoiqu’insignifiante pour d’autres, avait réussi à fracturer quelque chose dans la résolution de Black Adam.

Et cette fracture était insupportable ; glaciale, viscérale, tant et si bien qu’un sursaut révolté envoya une décharge électrique le long de son échine – non, non, non, Billy était l’ennemi. Enfant ou non, qu’est-ce que cela changeait ? Ou peut-être était-ce une de ses machinations ? Adam lui reprochait de trop nombreux défauts, mais le garçon était indéniablement rusé et ingénieux, l’avait déjà vaincu d’un trait d’esprit, et il refusait de reprendre ce risque-là. Pourtant, lorsque son rival s’approcha, une colère sourde dans le regard, Adam ne cilla pas, ni ne se jeta sur lui pour lui clouer le bec comme il aurait tant eu envie de le faire à peine quelques instants plus tôt. Et Billy, sans le savoir, sans le vouloir, probablement, mit le doigt sur une question à laquelle lui-même, parfois, avait peiné à répondre. Il était là, lui, Black Adam, le champion déchu et deux fois vaincu, pourtant. Il était là, et Billy avait raison : pour toute sa fierté, tout son égocentrisme, même Black Adam, dans ses heures de réflexions les plus terribles, se devait de le reconnaître, sa propre existence, à cette heure, était une anomalie. Une anomalie qu’il devait à qui ? A Billy Batson. A Billy Batson et à son peuple, dont les prières avaient été la clé pour le ramener d’entre les morts. Mais si les uns avaient désiré son retour plus que tout au monde, Billy, lui, ne l’avait ni souhaité, ni anticipé. Et pour la première fois, même si ça ne devait durer qu’un bref instant, Adam se demanda : que ressentait-il, Billy, de l’autre côté de la barrière ? Et pour la première fois aussi, Adam avait la réponse, dans les paroles de son rival. Incompréhension, injustice, révolte. Et Adam détestait, détestait ce constat brutal et aberrant, qu’il comprenait exactement ce rival qu’il honnissait tant.

Adam n’avait pas de réponse aux questions de Billy, mais il soupçonnait que Billy n’en cherchait de toute façon pas. Des questions dont un écho similaire lui parvenait, stupéfiant, d’un passé récent aussi : ces questions, Adrianna lui avait posé les mêmes, avant de devenir Isis. Que faisait-il à part régler des conflits de son propre cru ? Quelles leçons tirait-il du passé ? En avait-il seulement apprise aucune ? Adam chassa ces souvenirs de ses pensées, houle douloureuse qui lui rappelait trop l’absence de celle qui avait tenté, et pour un temps, réussi, même, à le remettre sur le droit chemin. Puis il clôt la distance entre lui et Billy, titan contre titan, la foudre de Zeus crépitant furieusement en se mélangeant à la foudre d’Aton dans leur lutte perpétuelle. « Tu ne sais rien de moi, Billy. » lâcha Adam, sentencieux. « Tu ne sais rien de ce pays, ni du coût de mon absence. Si tu veux savoir si j’ai été puni pour mes crimes, enferme-toi dans une amulette, et écoute les cris de millions d’innocents qui t’appellent en vain pendant deux mille ans. Et viens me dire, ensuite, à quel point j’ai eu tort de m’impliquer dans des conflits pour leur rendre justice. » Adam marqua une brève pause, la mâchoire crispée. « Viens me dire que tu n’aurais pas été prêt à tout pour briser ces chaînes et apaiser ces millions de voix. » Même s’il aurait pu exister d’autres solutions. Même si la sienne, peut-être, n’avait pas été la bonne. « Peut-être as-tu raison. Peut-être que ma présence n’est rien d’autre qu’une énorme injustice. Mais il est trop tard pour revenir en arrière. Je ne te laisserai pas me faire disparaître pour punir Theo, je ne te laisserai pas mettre le Kahndaq en péril. Tu veux du respect, Billy ? Alors je respecterai ta colère et ta rancune. Mais je ne te donnerai pas la justice que tu réclames. » Pour une fois, les rôles étaient inversés. Pour cette fois, c’était lui l’aberration, et Billy le bafoué à qui l’on niait la justice qui lui était due – même lui acceptait de l’admettre. Emprunter l’enveloppe corporelle de Theo Adam l’insupportait, mais il n’avait pas d’autre choix, et par conséquent, Billy non plus n’avait pas d’autre choix. En d’autres circonstances, en d’autres temps, s’il avait été un autre homme ou s’ils s’étaient rencontrés sous des augures plus favorables… alors peut-être l’aurait-il concédé, cet ultime sacrifice, pour donner à un enfant la justice que, dans d’autres circonstances, il lui aurait reconnu mériter. Mais il était trop tard. La fracture était trop grande, et le sang sur ses mains à lui, ce sang qui n’existait pas encore sur les mains de Billy, avait déjà tout empoisonné. Quoiqu’en disait Zatanna, quoiqu’en disait Isis, Adam n’arrivait plus, quand il posait les yeux sur son rival, à voir la moindre autre alternative. Il était trop tard. « Dernière chance, Billy. Quitte ce désert sans résistance. Avant qu'il ne soit trop tard pour toi. » La voilà, sa marque de respect. D'adulte à adulte, de champion à champion. Une dernière chance, de partir la tête haute, et de quitter ce sombre chemin sur lequel il avait l’air d’hésiter à s’engager.

AVENGEDINCHAINS

Shadow of the colossus

La petite voix dans sa tête refusait de se taire, elle lui disait de déguerpir, de prendre ses jambes à son cou et de quitter le Kahndaq pour aller s'excuser auprès de Freddy et Mary autour d'un bon chocolat chaud. Mais la culpabilité rongeait Billy comme un cancer, il n'avait en tête que les larmes de sa sœur jumelle et la douleur sourde qui l'avait pris ensuite. Et si le choc précédent avait beaucoup calmé le champion, ressasser tout ça aussi vite n'était pas fait pour le mettre dans de bonnes disposition, il se sentait si seul, si minable, c'était comme quand les services sociaux ou la police lui remettait la main dessus plus jeune, il se sentait si stupide. Adam avait déchiré son monde, sa famille et sa vie, Billy avait toujours gardé bon cœur malgré le mal auquel il avait été confronté, on lui avait pris sa famille et il s'était battu seul à moins de dix ans contre un système injuste, on l'avait forcé à accepter des choix qui n'étaient pas les siens toute sa vie, et si fort heureusement il n'avait jamais eut à subir certains des récits horribles qui se chuchotaient dans les couloirs des services sociaux, Adam aurait put provoquer bien plus de mal que son geste initial. Mais il n'avait jamais lâché et avait finit par être choisi, bien qu'un peu en désespoir de cause, par un Shazam agonisant et peu sûr de son choix. 10 ans et on lui rajoutait le poids de tout un pan d'existence ainsi qu'un ennemi empli de haine, de colère et gavé de pouvoirs équivalents voir supérieurs au sien vu la maîtrise du vieux à son arrivée. Il était fatigué, il sentait la même sensation que quand il voulait rentrer à la maison et regarder quelques animes téléchargés par Freddy en buvant un thé, enroulé dans un couette. Il aurait tout donné pour ça, mais il y avait la montagne, Adam, qui le séparait de cette vie paisible.

Il le vit s'approcher avec cet air menaçant qu'il faisait si bien et qui lui aurait sans doute valu l'oscar du plus gros tas de crottin de cheval si il avait seulement envie de le déposer dans ses mains, la foudre était chargée de la magie si familière et si différente d'Aton. C'est alors que ce qui se voulait sans doute comme un petit speech fort inspiré en faveur d'Adam fut le début d'un désastre qui était sans doute inévitable. En effet, Billy se fichait bien d'obtenir une réponse, d'avoir satisfaction, Adam l'avait dit lui-même, il lui était impossible de faire réparation de son acte sans mettre son existence même en danger, il ne pouvait pas réparer son tort sans abandonner son peuple, il n'avait rien à offrir car il ne voulait jamais rien donner, ce sale égoïste. Il essayait de piéger Billy en le faisant se mettre à sa place mais comme toujours c'était à lui de devoir la fermer. Il revoyait la réunion décidant de laisser Adam gérer ses affaires dans son coin, il pouvait voir les lèvres de Diana prononcer les mots qui scellaient toute possibilité pour ses parents de reposer en paix, leur assassin désormais non seulement libre mais tyran à vie, une vie très longue pour ne rien arranger. Si on lui avait dit que Brainiac allait débarquer dans les trente secondes cela n'aurait sans doute rien changé, n'avait-il pas le devoir de vaincre Adam après tout? N'avait-il pas le droit d'être récompensé pour tout le bien qu'il accomplissait? Un petit coup ni vu ni connu et il embarquait le grand balèze sur son épaule direction la tour, on lui trouverait sans doute un cellule confortable et à son goût à celui-là, Batman devait bien avoir un plan de contention quelconque après tout, il avait un plan pour tout le grincheux. C'est là que Adam déclencha la bombe en lui demandant de partir gentiment et de faire comme si de rien n'était. Il pensait vraiment qu'il allait en plus insulter la mémoire de ses parents en le laissant s'en sortir comme ça? Il avait rêvé le papy, Billy le repoussa en arrière avec une petite bousculade, provoquant une explosion d'étincelles entre eux et les séparant de quelques mètres. En croisant son regard à nouveau, il sentit à nouveau l'envie de le tuer, de mettre fin à sa pitoyable existence, il s'élança en avant en hurlant.

-C'est toi qui vas me suivre gentiment Adam!

Mais Billy ne comptait pas ramener Adam à la tour, mais à la morgue, une impulsion meutrière qui l'avait saisit et qu'il mit une fraction de seconde trop tard à maîtriser, son poing frappait vers le cœur dans un coup direct, non pas que ça aurait tué Adam, mais celà le révulsa à nouveau, la simple idée de se battre ainsi le dégoutant au plus profond de lui-même. Il retint son coup ce qui lui fut fatal, après ça il ne se souvenait pas de grand chose. Une cuisante douleur, la sensation du vent et le réveil. Billy n'aurait jamais dut aller au Kahndaq.

Codage par Libella sur Graphiorum réarrangé pour usage personnel

Il avait essayé. Mal essayé, peut-être, mais on ne pourrait pas lui retirer ça. En ce jour de deuil et de mémoire, un enfant en colère, déchiré par une perte injuste et jamais réparée, avait réussi, sans même en avoir conscience, à forcer Black Adam à plier le genou. Billy Batson n’avait peut-être pas obtenu les réparations ni les réponses qu’il attendait ce jour-là, mais il avait sans le savoir obtenu autre chose, que sa colère et sa douleur l’empêchaient de voir encore. Si la même scène avait eu lieu en n’importe quelles autres circonstances, jamais Black Adam n’aurait hésité à achever ce petit impertinent venu le provoquer directement sur ses terres. Jamais il n’aurait tenté de le raisonner, trop heureux d’en finir une bonne fois pour toutes avec cet imposteur dont l’existence même était une insulte à la magie et aux dieux dont il était un bien piètres représentant. Aujourd’hui, c’était différent. Un changement de ton, une glissade dans l’escalade perpétuelle de la violence et de la haine, un status quo invisible dont Adam était le premier surpris et que Billy n’avait même pas l’air de voir. Aujourd’hui, Black Adam s’était essayé au dialogue. Et avait lamentablement échoué. Faute d’exercice peut-être, ou parce que les dégâts causés étaient irréparables, mais qu’importe, le constat était là. Et tout le drame, peut-être, résidait là, dans le fait qu’il n’y avait eu personne pour les voir, ces ennemis mortels effleurer soudain leur humanité du doigt, et personne pour se souvenir que, pendant un instant, aussi bref soit-il, il y avait eu l’espoir d’un autre chose. Un autre chose qui désormais se perdait dans le sable du Kahndaq.

La bousculade de Billy marquait le point final de cette vaine tentative de raisonnement, et si Adam avait cru voir sa résolution vaciller dans les yeux du garçon, il comprit, dans ce mouvement agressif, qu’il avait perdu la partie. Les foudres de Zeus et Aton se lançaient l’une à l’assaut de l’autre alors que le champion tout en noir retrouvait son équilibre quelques mètres plus loin, la mâchoire serrée, l’œil impatient. Il avait essayé, mais Billy n’avait pas voulu l’écouter. Tant pis. Et Billy s’élança à nouveau sur lui en hurlant. Cédant à cette impulsion qu’il avait eu tant de mal à maîtriser, à cette noirceur qu’il avait si souvent reprochée à son rival et qui maintenant l’appelait de tous ses vœux. Il avait cédé. Et s’il réussissait, le regretterait-il ? Adam n’allait pas lui laisser l’occasion de le découvrir. Aujourd’hui, Billy Batson ne serait pas un meurtrier, parce qu’il avait fait l’erreur de retenir son coup, et parce qu’Adam refusait d’être sa première victime. Encaissant le coup qui aurait dû peut-être lui être fatal, Adam grimaça et attrapa Billy par le bras, profitant de l’ouverture pour le prendre à revers et le retourner d’une clé de bras, avant de lui envoyer un coup de genou dans la colonne vertébrale ; puis, Billy sonné, il l’attrapa par la cape et l’entraîna avec lui, loin, très loin, très haut dans le ciel, avant de le saisir par la gorge et de l’élever au-dessus de sa tête. « C’est terminé, Billy. » siffla-t-il, alors que l’orage grondait une dernière fois dans le ciel. « SHAZAM ! » Et le ciel, une dernière fois, se déchira en deux, alors que la foudre d’Aton s’abattait dans toute sa violence sur les deux champions.

Enfin, presque toute sa violence. Billy avait retenu son coup ; et Adam, lui aussi, l’avait imité. Debout au-dessus de la silhouette inanimée de son rival gisant dans le sable, le dirigeant du Kahndaq restait silencieux, incapable de savourer une victoire qui, ce jour-là, n’avait aucun sens, aucune signification, aucune gloire et aucun honneur. Celui qu’il voulait battre, c’était le rival désigné par le Sorcier, l’usurpateur dont l’existence menaçait la sienne. Pas un enfant qui pleurait encore la mort de ses parents. « Considère ceci comme un avertissement, Billy. Si tu remets les pieds au Kahndaq, je ne serai pas aussi clément. » Aujourd’hui, il avait gagné parce que Billy avait paniqué, parce que Billy manquait d’expérience. Alors il lui accordait, pour cette fois et cette seule fois, le bénéfice du doute. « Rentre chez toi. Tu as une famille qui doit s’inquiéter de ton absence. Oublie Theo Adam. Profite de ce que tu as encore, au lieu de convoiter ce que tu ne pourras jamais avoir, ou retrouver. » Qu’elle était personnelle, cette leçon-là. Tellement personnelle, que lui-même avait encore du mal à réellement l’apprendre. Peut-être Billy y arriverait-il mieux que lui, si seulement il voulait bien s’en donner la peine. « Je ne parlerai pas à la Ligue de ce que tu as tenté de faire aujourd’hui. Pars d’ici, quitte mon pays, et souviens-toi de ce que tu as failli devenir, la prochaine fois que tu les verras. Qu’au moins aujourd’hui te serve de leçon de sagesse. » conclut Adam en pivotant sur ses talons, sa cape noire claquant dans son dos comme dernier adieu dans cette parenthèse qui laissait même les dieux bien songeurs, et solennels.

Spoiler:

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