People don’t take trips, trips take people • Jinny Hex

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Jinny Hex & Conner Kent

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C'est fini. Enfin. Il n'y a plus de jeu de survie, plus de prison dont il faut s'évader. Après un semestre éprouvant, passé à se battre contre le premier venu et à essayer de retrouver des visages familiers, Conner a enfin l'occasion de souffler car il est de retour à la maison. Le Mont Justice n'a pas été sa première destination une fois l'épisode " Santa Prisca " terminé. En effet, il avait jugé plus important de commencer par faire une petite escale à Smallville, se doutant que Martha faisait partie de ceux ayant la chance de ne pas connaître le supplice qu'avait représenté Terre-IV. Quoique... Peut-on réellement parler de chance quand on observe les conséquences qu'a eu l'absence d'une partie de la planète sur leur monde d'origine. La ferme des Kent a fortement été touchée, à l'image du reste du secteur agricole. Si le demi-kryptonien s'accorde un moment de répit, ce n'est que pour mieux revenir aider sa grand-mère adoptive par la suite. Le quartier général de la Young Justice n'est peut-être pas l'endroit idéal pour se reposer actuellement, chacun de ses membres a vécu des choses différentes durant les six mois qui viennent de s'écouler et chacun digère ce retour au bercail à sa façon. Puis, même en temps normal, l'ambiance à l'intérieur de la base ne peut être que mouvementée avec autant de jeunes adultes réunis dans le même bâtiment. Pourtant, Kon-El se voit très mal prendre des vacances ailleurs qu'à Rhode Island. Ses nerfs n'ont cessé d'être testés depuis la fin du Bartpoint. Luthor lui a révélé des choses qu'il n'aurait peut-être pas voulu découvrir avec du recul, il a recroisé une vieille connaissance qu'il a l'impression d'avoir abandonnée pour la seconde fois et la succession d'affrontements qu'il a connus il y a peu ont fini par venir à bout de son endurance. De plus, la fatigue psychologique qu'il ressent en ce moment lui a bien fait saisir une chose : il est encore très loin de pouvoir se considérer comme aussi exceptionnel que Superman, que ce soit aussi bien en terme de pouvoirs qu'en terme de mental. A peine une crise est-elle finie qu'une autre montre déjà le bout de son nez, mais Clark se dresse toujours face à elles, le torse bombé et sans jamais se plaindre. Conner, lui, n'est pas comme ça. Il est épuisé. Il ne l'admettra pas à voix haute, mais il n'a jamais eu autant besoin de ses amis que maintenant.

Il y a des gens avec qui communiquer n'est pas nécessaire, un seul regard suffit pour qu'ils comprennent à quel point Superboy est perturbé. Il aura beau leur mentir et détourner la conversation, ils sauront toujours quand il ne va pas bien. Ces personnes sont probablement celles qui trouveront les mots justes pour l'apaiser, mais paradoxalement, ce sont aussi celles qu'il essaie d'éviter. S'il se sent capable de faire bonne figure devant les autres, il sait qu'il craquera devant ceux qui le connaissent le mieux. Son retour au Mont Justice est encore relativement récent, ce qui signifie qu'il n'a pas encore eu l'occasion de croiser Tim ou Megan et une partie de lui espère secrètement que cela durera encore un peu. S'il y a bien une chose que le clone redoute, c'est de montrer le moindre signe de faiblesse devant ces derniers. Il est cependant conscient qu'il ne pourra pas repousser ce fameux jour fatidique bien longtemps, surtout s'il continue d'arpenter les couloirs de la base comme il est en train de le faire. Sa marche est interrompue quand il aperçoit de la lumière émaner d'une chambre qui n'est que très rarement occupée. Un fin sourire étire ses lèvres parce qu'il sait ce que cela signifie : la petite-fille du célèbre Jonah Hex leur fait honneur de sa présence. « Yo. » Il s'adosse à la porte, déjà ouverte et la salue d'un simple geste de la main. « Content de constater que même le terrible Brainiac n'a pas réussi à avoir raison de l'intrépide Jinny Hex. » Le contraire l'aurait étonné. Jinny est une enfant de la campagne et Conner sait très bien de quel bois sont faits ces gens-là. C'est peut-être pour cela qu'il l'apprécie autant, même s'il ne saute pas de joie à chacun de ses passages. Kon-El a beau avoir évolué en quatre ans d'existence, mais exprimer ses sentiments de manière physique est quelque chose qui le dépasse encore. Les étreintes le mettent toujours aussi mal à l'aise, il n'est d'ailleurs jamais celui qui les lance. Rares sont les élus qui peuvent se vanter d'avoir eu une réponse positive et immédiate de sa part avec ce type d'échange. Qu'importe, il n'en demeure pas moins sincère dans ses propos quand il avoue se réjouir de la savoir en bonne santé.

« Ça fait un petit temps que l'on ne t'a pas vue au Mont Justice. » La demoiselle est un électron libre et incapable de s'installer quelque part bien longtemps. Toutes les personnes résidant à Happy Harbor la perçoivent comme appartenant à l'équipe, mais le demi-kryptonien a l'impression que la rouquine voit plus l'espace privé qui lui est réservé comme une chambre d'hôtel plutôt que comme un véritable chez elle. « Laisse-moi deviner, tu commençais à saturer de ne voir que des hommes saouls se battre dans ton saloon, c'est ça ? » Jinny est différente des autres membres de l'équipe. Red Robin et Kid Flash ont choisi de mener une vie de super-héros, Superboy a littéralement été conçu pour ce but, mais son interlocutrice, elle, on dirait que tout lui est tombé comme cela un jour. Elle apporte en quelque sorte un " brin de normalité " au sein de la bande de jeunes à problèmes qu'ils forment. « Oh ! Tant que j'y suis. » Il glisse ses doigts dans la poche de sa chemise, à la recherche d'un trousseau de clés que la Texane reconnaîtra facilement puisqu'il s'agit du sien. « Attrape ! » D'un mouvement du poignet, l'objet décolle de sa paume et suit la trajectoire d'une parabole parfaite jusqu'aux mains de sa détentrice. « J'ai profité de ton absence pour réparer deux-trois trucs. Je suis surpris que ce bon vieux Colonel fonctionne encore avec tout ce que tu lui fais traverser. » Cette camionnette-là n'évite pas les obstacles. Oh non, elle leur passe à travers. Ce n'est qu'après avoir parlé que Conner repère le double sens présent dans sa dernière phrase. A sa façon de conduire, il se dit parfois que Jinny n'a pas conscience que le véhicule qu'elle pilote est un pick-up tout ce qu'il y a de plus banal et non un monster truck, même la batmobile ne pourrait supporter ce que le Colonel vit au quotidien. Est-ce qu'elle possède une assurance automobile ? Kon-El ne lui a jamais posé la question, mais la réponse lui semble plutôt évidente. Toutes ses mésaventures mettraient n'importe quelle compagnie en faillite.

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Pour quelqu’un qui se prétendait nomade et n’aimait se poser nulle part, elle devait bien l’avouer : en posant le pied à Mont Justice pour la première fois depuis plus de six mois, elle l’avait songé très fort, ce home sweet home. L’endroit avait beau être dénué des éclats de voix habituels, il y avait un réconfort certain dans la familiarité relative des lieux, et Jinny n’avait plus qu’à se demander si, et espérer que, la joyeuse petite bande de la Young Justice allait bien. Comme dans un rêve éveillé, elle avait retrouvé le chemin de sa chambre, absolument inchangée depuis la dernière fois qu’elle y avait fichu les pieds, et s’était effondrée sur le lit, vidée de ces quelques semaines de voyage sans fin. Si elle avait été ravie de faire un crochet par la Louisiane sur le retour, elle se sentait, elle aussi, arriver doucement mais sûrement au bout de son rouleau personnel. Et pour la première fois depuis six mois, elle avait l’impression d’avoir retrouvé son chemin. Dans cette chambre encastrée dans une montagne, elle n’avait plus besoin de courir. Plus besoin de regarder par-dessus son épaule, plus besoin de réfléchir à ce qu’elle ferait si elle croisait une Amazone ou si elle tombait sur un type louche en faisant du stop. Finalement, songeait-elle, c’était peut-être pas si mal, la vie de sédentaire. Et finalement, peut-être qu’elle devrait réfléchir à la possibilité de poser ses valises ici un peu plus longtemps. Impensable quelques mois auparavant, mais aujourd’hui ? Peut-être qu’elle avait un peu grandi. Peut-être qu’elle avait un peu vieilli. Peut-être qu’elle avait réalisé que finalement, on était mieux bien accompagné que seul. Et, comme pour faire écho à ses pérégrinations mentales, une voix familière la tira de ses rêveries, la poussant à relever son chapeau de ses yeux ; et à adresser un sourire ravi à la silhouette qui avait eu le bon goût d’apparaître dans l’encadrement de la porte. « Yooo. » répliqua-t-elle en pointant un index vers lui, pouce levé pour mimer un de ses célèbres pistolets. Superboy. En un seul morceau. Voilà qui faisait plaisir à voir. « Rien ni personne n’aurait pu m’empêcher de revenir pour voir Wally te courir sur le haricot et donner des cheveux blancs à Robin. » Elle plaisantait évidemment. Sauf sur un point : elle était vraiment contente de le revoir. Et ils lui avaient vraiment manqué, le gang des jeunes justiciers. Même si elle préférait encore l’admettre à demi-mot.

Il avait raison, ça faisait une éternité qu’elle n’était pas passée dans le coin, elle une fois encore, elle sentit ce léger étirement dans sa poitrine qui, de loin, pouvait peut-être ressembler à un peu de regret. Mais l’avantage, avec Conner, c’était qu’il ne poussait pas le débat plus loin – pas comme Wally pouvait le faire à chaque fois qu’elle passait ces portes. Conner, lui, se contentait de constater la chose, et de passer à la suite. Une simplicité qui lui convenait très bien, à Jinny, et qui trouvait même écho dans la sienne. Marrant, cette façon dont, à une époque, la seule idée de devoir faire équipe avec le clone de Superman-himself lui donnait l’impression de devoir soulever une montagne à un doigt – et aujourd’hui, de tous les membres de la Young Justice, elle trouvait qu’il était sans doute le plus approchable. Juste un brave garçon à tendance grognon. Ou peut-être que c’était leur héritage commun de campagnards qui lui donnait une opinion biaisée. Bah. Elle bascula pour se redresser et s’asseoir sur le rebord du lit, juste à temps pour attraper au vol son trousseau de clés – son trousseau de clés ! Son pick-up ! Conner aurait pu lui annoncer qu’ils avaient tous gagné à la loterie, que tous les vilains du monde avaient été battus, que Kurt Cobain était revenu d’entre les morts, elle n’aurait pas affiché une mine plus extatique, elle qui se contentait d’habitude d’un vague sourire tranquille. Voilà, à quoi ça ressemblait, un vrai sauveur. Ca n’était pas une question de cape ou de superpouvoirs : c’était le génie de la mécanique qui se dévouait pour remettre sur pieds son pauvre véhicule et lui annonçait, quand elle en avait le plus besoin, que tout allait bien. Béni sois-tu, Conner Kent. « Conner, je sais qu'on doit te le dire tous les jours, mais... t'es un héros. Merci. Je t’en dois une. » s’exclama-t-elle en se levant, sincèrement reconnaissante pour cet immense service rendu. Mais la moquerie à peine dissimulée ne tomba pas dans l’oreille d’une sourde. « A force de le réparer, t’as dû déteindre sur lui. Bientôt je serai obligée de l’appeler Supertruck au lieu de Colonel. Tu viens ? » rétorqua-t-elle en glissant son six coups dans son étui, avant de passer devant Conner pour sortir de la chambre et mettre le cap droit sur le garage. Car c’était bien une chose d’avoir des nouvelles rassurantes du docteur, elle tenait aussi à voir le patient, aussi tôt que possible.

Le garage, domaine de Conner qu’elle squattait allègrement dès qu’elle était dans les parages – quel plaisir d’en franchir à nouveau les portes après tout ce temps. Et tout de suite, elle aperçut la silhouette volumineuse de son cher pick-up, et piqua un sprint dessus pour bondir à l’arrière et soulever la bâche et – ouf, le coffre de Jonah était toujours là. Et toujours fermé. Et en un seul morceau. Et quand elle l’ouvrit, elle put constater que toutes les possessions de son dangereux arrière-arrière-grand-père y étaient toujours. Merci, mon dieu. « Allélujah. » murmura-t-elle en refermant la précieuse malle. « T’imagines pas le nombre de fois où je suis passée au bord de la crise de nerfs, ces six derniers mois. Brainiac m’a téléportée sur Terre-4 sans mon pick-up, et sans mon coffre. Tous les jours j’imaginais des scénarios catastrophes en me demandant si quelqu’un allait mettre la main dessus et détruire le monde pendant qu’on avait le dos tourné. » soupira-t-elle et s’asseyant sur le toit du Colonel, dont la carrosserie malmenée tenait pourtant encore miraculeusement le coup. L’esprit enfin apaisé, elle pouvait se permettre de respirer. Et retrouver son attitude de cowgirl du dimanche détendue et pragmatique, qu’elle préférait largement à ces instants de panique qui ponctuaient son quotidien depuis qu’on l’avait propulsée au rang d’héroïne. Sous la bordure de son chapeau, ses yeux noisettes détaillèrent Conner à la recherche de blessures plus ou moins visibles, songeant que des Atlantes ou des Amazones devaient bien être les seules personnes au monde à peut-être pouvoir lui faire une égratignure, à celui-là ; mais, n’avisant rien de particulièrement alarmant, elle se contenta de lui demander : « T’es le premier que je croise depuis que je suis revenu. Tu as eu des nouvelles des autres ? Robin, M’Gann, Wally… ? » Oui, vraiment, c’était bien, de commencer par Conner. Avec lui, pas d’effusions, pas de situation de crise. Après six mois de solitude absolu, ça lui convenait très bien, de reprendre en douceur et au naturel. « Je vous ai cherchés quand on était là-bas, mais j’ai bien peur de n’être tombée que sur des gravats. Même pendant l’invasion du Syndicat du Crime, je ne me rappelle pas un tel chaos. » En parlant, elle faisait jouer le poids rassurant de son trousseau de clés dans sa main. « Comment tu t’en es tiré, toi ? » Elle, elle avait surtout joué d’ingéniosité et d’une bonne dose de chance, relativement épargnée par toutes les horreurs qui avaient frappé cette autre Terre, mais qu’en était-il de Conner ?

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Il suffit de constater l'entrain de Jinny pour saisir que sa camionnette et elle ont été séparées pendant trop longtemps. Superboy reste en retrait, les bras croisés contre son torse, et se contente d'observer les émouvantes retrouvailles entre la Texane et son pick-up. Il comprend maintenant ce que ressent le présentateur de Pimp my ride quand le candidat du jour découvre les transformations apportées à son véhicule, bien que les modifications ne soient que très minimes dans ce cas-ci. Ses connaissances en mécanique automobile ne sont malheureusement pas assez pointues pour qu'il puisse se permettre de faire du Colonel une voiture digne des plus grandes marques de luxe, mais il n'en reste pas moins fier de son travail car la tâche n'a pas été facile. Puis de toute façon, changer l'apparence de son SUT ne semble pas être une priorité pour la cowgirl, celle-ci ne s'est d'ailleurs jamais plainte de son état. Le clone attend que sa camarade ait terminé d'inspecter son précieux coffre pour s'autoriser à monter à l'arrière du Colonnel, lui aussi. Son dos se cale contre l'un des rebords de la benne pour éviter qu'il ne perde l'équilibre en s'asseyant. « J'ai pu en croiser quelques-uns sur Terre-IV. Robin et moi avons atterri au même endroit, mais nous avons dû nous séparer assez tôt. Après, je ne m'en fais pas trop pour lui. On parle de Red Robin quand même. » Tim est incapable de voler ou de soulever des objets faisant deux fois son poids, mais Kon-El le considère comme le plus capable d'entre eux, le véritable surhumain de l'équipe. Il mériterait peut-être même plus le titre de Superboy que lui. Non seulement il est persuadé que son meilleur ami ne s'est pas fait trucider lors d'un combat, mais en plus il est sûr que ce dernier est actuellement en route pour le Mont Justice ou Gotham. Ils auront des nouvelles très bientôt, il leur faut juste patienter. C'est pour les autres membres de l'équipe que Conner s'inquiète. Ce n'est pas leur manque de talent qui l'effraie, ceux-ci ont déjà démontré à bien des reprises qu'ils étaient plus que compétents, simplement sa personnalité protectrice qui a plus tendance à prendre le dessus avec eux plutôt qu'avec le rouge-gorge. « Kaldur et moi sommes rentrés ensemble, j'imagine qu'il doit être dans les parages. Quant aux autres, je n'en sais absolument rien. » Il n'a jamais vu Wally une seule fois sur l'autre monde. C'est un peu plus compliqué avec Megan. Ils étaient encore ensemble quand Brainiac a décidé de tous les renvoyer chez eux. Tout ce qu'il peut faire, c'est prier pour que ses partenaires manquants reviennent en un seul morceau ou qu'ils fassent signe de vie, histoire que quelqu'un soit en mesure de les rapatrier.

Puis, la question fatidique finit par arriver. Conner s'attendait à ce que cette dernière soit posée à un moment ou un autre, alors il ignore pourquoi cela le surprend autant. Se soucier des autres est une bonne chose, mais qu'en est-il de son état à lui ? « Moi ? » Petit moment d'hésitation. On ne lui a pourtant rien demandé de compliqué. Dire la vérité ne blessera personne, au contraire, cela le soulagerait même. Il n'était pas au top de sa forme quand ils se sont rencontrés non plus, le Syndicat du Crime ayant temporairement supprimé ses pouvoirs, et elle ne s'était jamais moquée de lui. Il n'y a aucune raison pour cela change aujourd'hui. Voilà là l'occasion de mettre son complexe d'infériorité de côté pour une fois, personne ne lui a jamais demandé de bomber le torse en permanence après tout. « Je... » viens d'apprendre que mon deuxième père est le plus grand criminel de la planète, je suis retombé sur la première amie que je me suis faite et l'ai abandonnée juste après. Pour terminer, j'ai passé quelque temps en prison dépourvu de mes pouvoirs. Bref, je suis épuisé et j'ai besoin de changer d'air. Ah ouais, mon père a été président des Etats-Unis pendant un an et quatre mois aussi. Pas mal, hein ? « Plutôt bien, j'ai envie de dire. Ce n'est pas une petite gue-guerre entre Amazones et Atlantes qui aura raison du Boy of Steel. » En fait si, mais ce n'est pas aujourd'hui que le courageux Superboy fera preuve de vulnérabilité. Il va même jusqu'à lever son bras droit et tirer sur la manche de sa chemise, puis contracte son biceps, de sorte à faire ressortir celui-ci. A travers ce geste stupide, il essaie de mettre sa force et sa confiance en lui en valeur. Il est au courant de la première impression qu'il lui a faite, il y a deux ans. Il se dit alors qu'il peut jouer sur cela pour la convaincre. Il partage le même sang que Superman, cela le rend donc aussi puissant que lui par définition. CQFD. Le clone aimerait tellement que cette justification soit véridique.

Si Conner veut espérer garder un semblant de contrôle de la situation, il vaut mieux qu'il change de topic sans donner l'impression de faire cela volontairement. Interroger la rousse sur ses propres péripéties sur Terre-IV aurait pu être une bonne idée si elle n'avait pas déjà indirectement répondu à la question plus tôt. Par chance, ils ne se sont pas vus pendant longtemps, alors il ne lui est pas nécessaire de creuser bien loin pour que d'autres sujets émergent dans sa tête. « T'as prévu de rester combien de temps cette fois-ci ? » Une demande qu'il lui fait autant pour la distraire que parce que cela l'intéresse réellement. « L'équipe est encore incomplète pour le moment. Je pense que tous ceux qui sont déjà de retour apprécieraient que tu poses tes valises ici un peu longtemps que d'habitude. » Lui en premier, mais la rousse n'a pas besoin de le savoir. Le fait de l'avoir parmi eux rendra le Mont Justice un peu moins vide qu'il ne l'est actuellement. Et puis, plus que ça, cela laissera le temps au demi-kryptonien de lui poser une question qui le hante depuis qu'il a appris que la descendante de Jonah Hex traînait dans les parages. Il commence même à penser que c'est cette fameuse interrogation qui l'a guidé jusqu'à la chambre de Jinny sans qu'il ne s'en aperçoive et non le simple hasard. Ils ne sont que deux dans ce garage, y aura-t-il une meilleure opportunité pour lui de déballer son sac ? Sans doute pas. Qu'est-ce qui l'empêche de le faire tout de suite alors ? Toujours la même chose : cette constante peur du jugement d'autrui sur sa condition.

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Moi ? Oui toi, pas le Colonel, faillit-elle lui répondre, mais à la place elle se contenta d’un sourire en coin, notant tout de même que ça n’était pas tellement dans les habitudes de Conner, d’hésiter. Enfin, pas dans les habitudes qu’elle lui connaissait, en tout cas, pour ce qu’elle vivait en pointillés dans ce QG tout droit sorti d’un film d’espionnage. Et en fait, il hésita tant et si bien que Jinny se demanda s’il avait quelque chose de terrible à lui annoncer, ou si, tout simplement, les six derniers mois étaient vraiment difficile à résumer et jauger, là, comme ça, dans l’improvisation du moment. Et elle n’allait pas essayer de deviner, elle n’allait pas tirer de conclusions hâtives, ça n’était ni son job ni dans ses prérogatives. Alors elle se contenta simplement de ranger cette petite information dans un coin de son cerveau, peut-être pour plus tard peut-être pas, qui sait, arquant un sourcil volontairement insolent alors qu’il se permettait de faire le coq, avec son biceps qui faisait deux fois la taille de son bras à elle. Boys. Elle se laissa même aller à un rire léger, acceptant tacitement l’insouciance que Conner proposait. « C’est ça, vante-toi, espèce de frimeur. » rétorqua-t-elle en pliant son propre bras pour l’imiter – avec un effet final évidemment nettement moins impressionnant. Mais ça faisait du bien de rire un peu, et de retrouver les bonnes habitudes, après six mois à ne parler qu’à des pilleurs, des réfugiés, ou, dans les pires jours, des cailloux qui n’avaient pas tout à fait le même sens de la répartie. Du pipeau ou une vraie assurance, elle n’en savait rien, de ce qu’il lui livrait là, Conner, mais au fond, est-ce que ça avait la moindre importance ? Il ne lui devait rien. Si ça n’allait pas si bien que ça, et qu’il avait envie de lui en parler, il le ferait, sinon, il ne le ferait pas, et s’il allait bien, alors tant mieux, c’était aussi simple que ça. Chaque chose en son temps. Philosophie de cowgirl.

Le changement de sujet n’était peut-être pas des plus subtils, mais Jinny se laissa faire sans protester, remontant ses jambes sur le toit pour s’y asseoir en tailleur et méditer sur la question de Conner. « Je sais pas encore. » répondit-elle, songeuse, avec son accent traînant qui soulignait encore plus la réflexivité de sa pensée. Elle ne décidait jamais à l’avance combien de temps elle allait rester quelque part, pas même au Mont Justice, ou alors elle décidait d’une fourchette approximative et parfois s’y tenait, parfois non. Mais cette fois, elle voulait bien admettre que c’était un peu différent. Les six derniers mois lui avaient peut-être fait prendre conscience, malgré elle, de certaines choses, en ce qui concernait sa relation avec la Young Justice. Elle qui avait soigneusement évité de donner une réponse claire à Robin, sans qu’il ne la presse de le faire, et qui esquivait avec agilité toutes les tentatives pas très subtiles de Kid Flash de lui faire du chantage affectif pour qu’elle s’installe avec eux pour de bon, elle s’était bien rendue compte que finalement, elle avait eu bien du mal à ne pas sentir le poids de la solitude peser sur ses épaules, quand ils étaient là-bas. Et elle releva ses yeux noisettes sur Conner, touchée, un peu, quand même, par son affirmation. Depuis trois, bientôt quatre ans qu’elle avait quitté Dripping Springs, sans famille, sans attaches, sans point d’ancrage, c’était un drôle de sentiment, de sentir que quelqu’un, quelque part, voulait bien l’inclure dans ce petit cercle un peu spécial qu’était un foyer. Même un foyer aussi bizarre, hétéroclite, et épatant que la Young Justice.

« Mais j’y pensais, justement. A rester un peu plus longtemps que d’habitude. Voire même poser ma malle dans ma chambre… » Sa chambre. Ca c’était du progrès. « … au lieu de la laisser sous une bâche. Même sans parler d’à quel point ce serait plus sûr de laisser ces trucs ici plutôt que de me balader partout avec, je commence à me dire que ça pourrait être sympa, de me poser quelque part. » Pour la première fois depuis qu’elle avait laissé, derrière elle, un garage familial après une séparation difficile et la perte de la seule famille qu’il lui restait. Peut-être que quelque part, elle avait volontairement évité de poser ses affaires où que ce soit, pour éviter de replanter ses racines pour se les voir arrachées juste après. « Et quitte à redevenir sédentaire, autant que ce soit avec vous, non ? » ajouta-t-elle avec un sourire confiant – alors qu’en réalité, elle n’était pas si confiante que ça. Enfin, elle était nerveuse, quoi. Mais Conner était passé par là, lui aussi, lui aussi, il avait un jour été nouveau dans ce monde-là, dans toutes ces équipes de superhéros, alors elle partait du principe que si elle avait sa bénédiction, c’était bien que ça devait être la bonne solution. C’était pas tant ses superpouvoirs nettement plus super que ses compétences au tir qui, à ses yeux, donnaient à Conner toute la crédibilité qu’elle lui accordait. C’était tout le reste. L’expérience, sa façon de voir les choses et de voir le monde. Alors si lui disait qu’elle devait peut-être rester un peu, ça la confortait dans son idée. Et elle mentirait si elle niait que ce constat la soulageait un peu d’un certain poids. Sans soupçonner un seul instant, encore, qu'elle n'était pas la seule des deux à chercher des réponses à des questions muettes. « Enfin, ça veut pas dire que je renoncerai à une petite escapade camping de quelques jours de temps en temps. Ce serait dommage de laisser le Colonel dormir trop longtemps. Puis tu t’ennuierais si je te demandais pas de me le réparer tous les quatre matins. » ajouta Jinny en tapotant le toit de son fidèle véhicule. « On pourra embarquer des chamallows et faire des road trips de groupe à la campagne. Faut juste que j’aille chercher quelques affaires du motel où j’étais avant New Themyscira, et je serai prête. » A se poser. A peu près. La vie de nomade restait quand même attrayante, et elle aurait sans doute besoin d’un peu de temps avant de renoncer complètement à l’appel du large.

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Ouf, Jinny ne s'attarde pas plus sur le sujet. Les muscles de Kon-El se détendent progressivement alors qu'il soupire de soulagement en son for intérieur. S'il y a bien un défaut qu'il ne possède pas, c'est bien celui d'être prétentieux. Il s'en est plutôt bien sorti finalement. Nul doute que Ma' l'aurait réprimandé sur son comportement si elle était présente au moment des faits. Enfin, tant que cela porte ses fruits... Cerise sur le gâteau sa brutale incitation à changer de sujet est acceptée sans la moindre suspicion à première vue. Les fréquents allers-retours de la cowgirl ne l'ont jamais dérangés et il n'a donc jamais insisté pour qu'elle se pose durablement avec eux par conséquent, contrairement à ses amis. Il n'empêche que sa réponse l'a tout de même surpris. Il s'attendait à ce qu'elle lui déclare rester auprès des jeunes justiciers durant quelques jours, voire quelques semaines dans le meilleur cas, mais il n'en est rien. La chasseuse de prime a décidé de résider à Rhode Island pour une durée indéterminée. Conner ne peut qu'acquiescer aux dires de la Texane. Existe-t-il de meilleurs partenaires qu'une Martienne aux talents culinaires plus que douteux, un Atlante aussi sage que Bouddha, deux redoutables Amazones et un Kryptonien dont la plus grande préoccupation actuelle est de savoir s'il a hérité de la calvitie de son père pour débuter en douceur dans le monde des super-héros ? « T'aurais pas pu choisir une meilleure équipe, ni même un meilleur endroit d'ailleurs. La première chose qui m'a frappé en m'installant ici, c'est l'absence d'odeurs... particulières. » La joie de vivre en étant entouré de producteurs de méthane et d'autres substances moins nocives pour l'environnement, mais pas forcément agréables à sentir ni à regarder pour un être humain normalement constitué. « Puis tu peux dormir aussi longtemps que tu veux. Aucune chance que le coq du voisin te réveille à six heures du matin. » Pour un demi-kryptonien qui ne contrôlait ni sa super-ouïe ni son super-odorat avec précision à ses débuts, la ferme représentait un véritable enfer sensoriel. « Juste préviens-moi quand tu l'annonceras à Wally, histoire que je ne sois pas dans les parages. » Quatre ans n'ont pas suffi à l'habituer aux cris de joie de leur camarade bolide. Il le voit déjà courir dans tout le quartier général pour partager la bonne nouvelle, surtout qu'il est celui s'étant le plus investi pour la convaincre de vivre avec eux. « Spoiler alert : t'arriveras sans doute pas à fuir la fête de bienvenue qu'on t'organisera. » Et il est bien placé, lui qui a tenté de boycotter la petite soirée préparée pour sa venue ainsi que celle de Tim après l'attaque de Darkseid. Les chances qu'elle les convainque de célébrer sans qu'elle ne soit présente sont aussi minces que celles que le jeune homme imbuvable et asocial que Conner était possédait à l'époque. Qui sait ? Peut-être même qu'il s'associerait aux autres pour l'inciter à rester ?

Conner n'est pas déçu que Jinny émette toujours le désir de partir de temps en temps en vadrouille même si elle prévoit de s'installer de manière permanente à Happy Harbor. C'est ce qu'ils font tous après tout. Chacun avait une vie avant qu'ils ne se rencontrent et personne ne l'a abandonnée en intégrant la Young Justice. Superboy partage son temps entre la montagne et Smallville, voie même parfois Metropolis quand Superman demande son aide. Et il en va de même pour les autres qui ont des obligations envers Gotham, Central City ou Atlantis par exemple. Personne n'en voudra donc à la cowgirl si le besoin de partir en vadrouille devient trop fort pour qu'elle puisse y résister. Il n'est pas impossible que le clone s'emporte si elle profite de son escapade pour amocher le Colonel qui vient de faire peau neuve par contre. C'est d'ailleurs ce que cette dernière semble insinuer en plaisantant sur le fait que ses journées seraient plus fastidieuses sans la présence du pick-up dans son garage. Son visage adopte une expression faussement contrariée avant qu'il ne lui réponde. « Tout ce qui t'intéresse, c'est de me rajouter des heures de travail gâchées, en fait. » Il continue de surjouer en plissant les yeux pour se faire menaçant. « Rien que pour ça, je devrais commencer à te facturer les réparations. J'ai entendu dire que le métier de chasseuse de prime payait bien en plus. » Il préfère en rire maintenant parce qu'il sait que ce ne sera plus le cas quand il verra dans quel état la native du Texas lui ramènera Supertruck. Ce n'est malheureusement pas sa fausse menace qui l'encouragera à revoir sa manière de conduire pour son propre bien, mais aussi et surtout pour celui de n'importe quel être vivant se trouvant ou pas sur un trottoir.

« T'as l'air d'être du genre à voyager léger, mais n'hésite pas si jamais t'as besoin de main d'oeuvre pour le déménagement. » Il ne doit pas y avoir tant d'affaires que ça si tout est capable de rentrer dans une chambre de motel, mais sait-on jamais. « Il n'y a rien de mieux que la campagne, pas vrai ? » Cela contredit légèrement ses propos avancés sur l'endroit un peu plus tôt. Sa discussion avec Luthor lui a bien fait comprendre qu'il était une contradiction sur pattes donc bon... Faut-il vraiment s'en soucier ? Puis Jinny aura sans doute très bien compris où il veut en venir. Ce sont généralement les choses que l'on apprécie le plus que l'on critique le plus. Drôle de paradoxe. « C'est une très bonne idée en tout cas. Mon dernier road trip remonte à... » L'hybride réfléchit longuement, fouillant parmi ses souvenirs pour se rappeler de la dernière balade en camionnette accomplie aux côtés de Martha et Krypto. Ce n'est sans doute pas l'idée de road trip que la cowgirl se fait, mais c'est ce qui s'y rapproche le plus parmi toutes les aventures que le clone a vécues. Il se gratte la tête sous la difficulté qu'il éprouve face à cet exercice de mémoire, comme si cette action allait stimuler son cerveau. « Trop longtemps en vérité. Je veux être le premier à être averti quand ça se concrétisera. » Conner explore les quatre coins du globe chaque jour avec la Young Justice, mais il voyage très peu d'une certaine façon. Il se déplace jusqu'à l'endroit qui requiert sa présence, fait ce qu'il a à faire et s'en va aussitôt après. Partir en excursion et se poser là où personne ne l'interrogea est une idée qui lui plaît encore plus qu'il ne le laisse montrer. Surtout que Smallville est le seul paysage champêtre qu'il ait visité jusqu'à présent. Il n'y a aucune raison pour que cela tourne mal qui plus est. La pire chose qui pourrait lui arriver serait que le reste du groupe le force à chanter du Johnny Cash ou n'importe quel autre chanteur country un minimum populaire.

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Jinny afficha un sourire amusé, alors que Conner lui racontait déjà par le menu tout ce à quoi elle allait avoir droit en s’installant de façon plus ou moins permanente au Mont Justice. Pas d’odeurs bizarres et pas de chant du coq à des heures indues, un véritable luxe pour ces deux gamins de la campagne – encore qu’il lui manquait presque, le chant du coq, à Jinny, maintenant qu’elle passait plus de temps dans son pick-up que dans une ferme. Et une fête de bienvenue, dont la seule perspective lui arracha une fausse grimace et un rire bon enfant pour savamment dissimuler le petit pincement au cœur qui se faufila dans sa poitrine. Depuis trois ans qu’elle vagabondait en solitaire sur toutes les routes du pays, elle s’était faite à une certaine idée de la solitude comme de la compagnie d’autrui : aussi salvatrice qu’éphémère, comme des feux de camp temporaires le long d’un chemin de randonnée. Les autres entraient et sortaient de sa vie sans qu’elle ne cherche à les retenir, elle profitait de leur présence tant qu’ils étaient là, lumières épisodiques dans son existence de nomade, et puis… voilà. Sans ancre et sans attaches. Alors forcément, le tableau que lui peignait Conner, sans le faire exprès, avait de quoi l’intimider un tantinet. Mais hé, c’était ça aussi qu’elle avait cherché en revenant à Rhode Island, non ? Du changement. Quelque chose de nouveau. Alors voilà, si elle devait en passer par une fête de bienvenue, ma foi, elle était prête à jouer le jeu. Et puis, si Conner-grumpy-Kent avait survécu à la sienne, c’était bien que le baptême du feu ne devait pas être si terrible qu’il voulait bien le prétendre. Finalement, elle avait presque hâte – mais ça, c’était aussi un peu par esprit de contradiction. « Quoi ? Moi qui croyais que tu prenais soin du Colonel de bonté de cœur. Par générosité d’âme. La grande ville t’a corrompu, Conner. » rétorqua-t-elle, faussement offusquée. Pauvre Conner. Jinny était une créature d’habitude – et les mauvaises habitudes, elle en avait récupéré un paquet, à l’époque où il n’y avait qu’elle sur les routes de campagne et personne à renverser. Quelle idée d’inventer les trottoirs, aussi. Mais soit, elle voulait bien tenter de faire un effort. Au nom de sa sédentarité nouvelle, et pour ne pas perdre trop vite l’amitié du seul mécanicien au monde à qui elle veuille bien confier son cher Colonel.

Mais, tout autant qu’elle aimait l’enquiquiner avec ses histoires de véhicule, son camarade campagnard, elle lui adressa quand même un sourire reconnaissant. « Merci, partner. J’apprécie. » répondit-elle en touchant le rebord de son chapeau pour l’abaisser légèrement sur sa tête. Elle n’était effectivement guère chargée, mais peut-être que s’ils étaient deux, ça aurait le mérite d’aller plus vite. Et à l’écouter parler, Conner, Jinny commençait à se demander si ce n’était pas lui, des deux, qui avait le plus envie de prendre l’air. Mais elle le comprenait bien, cet éternel complexe des campagnards. Leurs petites bourgades natales leur paraissaient tellement minuscules et immobiles, comparées aux grandes villes, mais déracinez-les plus de cinq minutes, et tout ce qu’ils avaient en tête, c’était de retrouver leurs vaches, leurs moutons, leurs coqs qui chantent trop tôt et leurs immenses étendues vertes. Les expatriés comme eux étaient perpétuellement coincés dans un entre-deux – et quelque part, Conner l’était peut-être encore plus qu’elle. Alors forcément, il lui donnait une idée, Superboy. Enfin, moins une idée qu’une impulsion ; mais chez Jinny Hex, y avait-il vraiment une différence entre les deux ? « Et si on y remédiait maintenant ? » suggéra-t-elle, avec un naturel désarmant, comme si elle annonçait une évidence.

C’est vrai, quoi. Concrètement, qu’est-ce qui les empêchait de mettre ce petit projet à exécution ? « Robin et les autres ne sont pas là, et je sais pas toi, mais moi, aucune catastrophe n’attend mon intervention. Même mes affaires peuvent attendre au motel. Et je suis pas sûre qu’il se passe grand-chose de passionnant en ville jusqu’à ce qu’on commence à y voir clair dans tout ce bazar. » Peut-être donnait-elle l’impression de rompre tout de suite ses vœux d’immobilisme, mais à la vérité, qu’est-ce qui les retenait dans ce décor un peu solitaire et déprimant, tant que leurs camarades étaient en vadrouille ? C’était vrai qu’elle rentrait, techniquement, d’un long road trip, mais il y avait une différence notable entre partir à l’aventure à bord de son pick-up et se laisser porter d’autostop en autostop dans l’espoir de rentrer chez elle en un seul morceau. Maintenant que Conner en parlait, elle réalisait à quel point ça lui avait manqué, de prendre le volant, et de rouler là où le vent la porterait. Six mois, c’était long, bon sang. Et quelle meilleure compagnie pouvait-elle imaginer que Conner, pour une première escapade de la victoire ? S’il préférait, pour une fois, profiter du Colonel plutôt que de se coltiner les réparations, c’était bien le moins qu’elle lui doive. « J’ai bien compris que le Boy of Steel était inébranlable, mais franchement, tu penses pas que la campagne doit être plus sympa que la ville en ce moment ? » En parlant, elle s’était relevée de son perchoir et avait recouvert la malle de Jonah de sa bâche. Est-ce que c’était raisonnable de repartir si tôt après être rentrée ? Peut-être pas. Y avait-il quoi que ce soit qui les en empêchait ? Pas le moins du monde. Et même en partant du principe qu’ils avaient été relativement épargnés par les horreurs de New Themyscira, ce qu’il était probablement trop tôt pour affirmer avec certitude, pourrait-on leur en vouloir de chercher à échapper un peu à l’atmosphère anxiogène qui s’était emparée du monde entier ? D’un bond leste, Jinny sauta de l’arrière et grimpa à l’avant dans l’habitacle – non pas pour partir immédiatement, mais juste pour vérifier que toutes ses affaires étaient encore bien là. « Enfin, je te laisse y réfléchir. On n’est pas pressés. Aujourd’hui, demain, la semaine prochaine. Si t’as envie de te changer les idées, j’ai entendu dire que les forêts de Pennsylvanie valaient le détour, et c’est juste à quelques heures de route. » Elle passa la tête par sa vitre baissée et se dévissa le cou pour adresser un sourire à son camarade. « En dédommagement pour les réparations, et en guise d’excuses pour te mener la vie dure. »

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Jinny Hex & Conner Kent

◊ ◊ ◊

Depuis la mention du nom " road trip ", le jeune justicier n'est plus qu'à moitié concentré sur la conversation qu'il tient avec Jinny. Il n'a toujours connu que deux méthodes pour se changer les idées. La première consiste à s'isoler à Smallville et noyer sa frustration sous plusieurs heures de travail manuel. La seconde, peut-être un peu moins subtile, consiste à se défouler avec le matériel de la salle d'entraînement jusqu'à ce qu'il en oublie la raison de son mécontentement. Dans tous les cas, c'est à travers des activités physiques que Conner parvient à trouver un semblant de paix intérieure. Semblant parce que, au final, il est assez difficile de déterminer quand est-ce que son esprit est apaisé à cause de ses traits faciaux qui ne varient que très rarement selon la situation. Ses sourcils sont froncés de base quand il est calme, mais deviennent très très froncés quand la colère le gagne. Il est nécessaire de bien le connaître pour faire la différence. Sa cowgirl favorite semble avoir trouvé un troisième moyen de lui faire oublier les mois difficiles qui se sont écoulés. Elle argumente sa proposition, mais cela n'est pas vraiment nécessaire car sa décision est déjà prise. Il aurait cru qu'elle le connaissait maintenant assez pour savoir que planifier les choses à l'avance ne fait pas partie de ses habitudes. Agir au feeling est une façon de faire qui a toujours mieux convenu à son comportement. Autrement dit, partir à l'improviste et sur une envie soudaine ne l'ennuie absolument pas. Puis la Texane a raison, ce n'est pas comme s'ils allaient manquer à quelqu'un au Mont Justice vu que la plupart de ses occupants n'ont pas encore pointé le bout de leur nez. La réponse lui vient assez vite en tête malgré que sa sœur de campagne lui ait indiqué qu'il n'avait pas à se presser avant de prendre sa décision. « Allons-y maintenant, c'est parfait ! » Déclare-t-il tout de suite avec un peu trop enthousiasme pour un jeune homme qui a toujours prôné l'inflexibilité. Oups. Conner n'a pas pu retenir son ras-le-bol plus longtemps et en a finalement évacué une partie à travers sa déclaration malgré lui.

Le clone toussote sur son poing puis s'éclaircit la gorge. Son visage retrouve rapidement son attitude peu expressive, celui qui fait généralement réfléchir les inconnus à deux fois avant de venir l'aborder, sauf qu'il est sans doute trop tard, Jinny peut ne pas avoir été bernée par son mauvais jeu d'acteur. Il ne peut pas forcer la chance, c'est déjà un miracle qu'elle ait gobé son excuse précédente. « J'accepte uniquement pour le dédommagement, hein, faut pas croire. » Conner Kent alias La fierté jusqu'au bout, même quand ce n'est pas ou plus nécessaire. Il pourrait continuer de se justifier inutilement ainsi pendant des heures si on lui en laissait l'occasion. Le plus triste dans tout cela est qu'il ne se rend même pas compte qu'il provoque l'effet opposé en bombant bêtement le torse comme un coq pour sauver les apparences. Et encore, la dernière des Hex n'a pas connu la période où il s'imaginait être Superman. Lui aussi change de position, quittant l'arrière du pick-up pour regagner la terre ferme et se diriger vers la sortie du garage. « Donne-moi vingt minutes pour emballer quelques affaires et on pourra y aller. » Ce délai a été donné au hasard, il n'aura pas besoin d'autant de temps faire ses bagages. Ce n'est pas comme s'ils partaient à la guerre non plus, le strict minimum sera amplement suffisant pour la durée de leur petite escapade. Puis à quoi bon s'isoler en forêt si c'est pour y retrouver le même confort qu'à la maison ? Une fois la porte de sa chambre ouverte, sa super-vitesse l'aide à remplir son sac en un temps record. Superboy n'emporte rien de spécialement intéressant, principalement des vêtements et quelques sachets de nourriture qui n'ont pas périmé pendant les six mois d'absence en passant par la cuisine du repaire. Peu importe qu'il ait suffisamment chargé sa besace ou pas, l'habituée de la route avec qui il effectuera le road trip doit assurément disposer de tout ce qu'il aurait oublié d'emmener quelque part dans sa voiture.

Et le revoilà de nouveau dans son garage où Jinny l'attend. Il ne sait pas ce que cette dernière a fait pendant ce court laps de temps. Elle peut tout à fait être restée là à inspecter son partenaire métallique, tout comme il est possible qu'elle ait suivi son exemple et soit partie chercher quelques affaires à emporter. Ce n'est pas vraiment intéressant, au fond. Le plus important est qu'elle soit prête à lever l'ancre, ou plutôt le frein à main dans le cas présent. Conner jette son sac dans la benne de la camionnette avant de se faufiler à l'intérieur de l'habitacle, côté passager. Il essaie de garder ses émotions pour lui, mais le sourire qui déforme ses joues trahit son impatience. « Alors ? On y va, cowgirl ? » Sa main s'enroule autour de la poignée de sécurité située au-dessus de sa tête. De faibles tremblements font osciller son poignet et non, ce n'est pas l'excitation de partir à l'aventure qui les provoque. Il vient juste de se remémorer la réputation de celle qui fera office de pilote durant l'entièreté du voyage. « Simple mesure de sécurité. » Observer de loin le Colonel détruire son environnement est une chose à laquelle le demi-kryptonien est habitué. Être assis à l'intérieur quand le véhicule effectue son grabuge par contre... C'est une nouveauté pour lui. Oh, il ne dit pas que cela arrivera forcément. Seulement qu'il ne faut pas être expert en probabilités et statistiques ni même s'appeler Madame Soleil pour déduire à l'avance que le trajet ne se fera pas sans au moins un ou deux petits accidents sur le chemin.

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L’enthousiasme que même l’imperturbable Conner Kent fut incapable de dissimuler, arracha un sourire encore plus radieux à Jinny – et la mauvaise foi absolue à laquelle il se raccrochait pour restaurer un semblant de vraisemblance à son image de gros dur que rien n’ébranle l’aurait même fait éclater de rire, si elle n’avait pas eu peur de le vexer comme un pou, alors à la place elle se contenta de ricaner en secouant la tête. « Oh mais je ne crois rien du tout, moi. J’oserais pas. » rétorqua-t-elle quand même, juste pour le plaisir. D’un signe de la main, elle lui confirma l’avoir bien entendu, alors qu’il sautait de la benne pour partir chercher des affaires, et après qu’il eut disparu, elle soupira de contentement en rouvrant sa portière. Que ça lui avait manqué, ça. Une partie de rigolade, le bonheur de pouvoir discuter avec quelqu’un sans se demander s’il allait lui mettre un couteau sur la gorge pour la délester de ce qu’elle pouvait avoir de valeur sur elle dans un monde apocalyptique, la franche camaraderie sans se demander si tout pouvait finir demain. Bien sûr qu’elle était dangereuse, la vie de superhéros, mais leur monde à eux, comparé à celui dont ils venaient de revenir ? Un véritable paradis. Un paradis imparfait, un paradis régulièrement menacé par des forces qui le dépassaient, mais au moins, il valait la peine de se battre pour. Ne serait-ce que pour pouvoir, dès le lendemain, laisser la noirceur derrière eux pour profiter de ces petits moments d’allégresse où ils n’avaient plus besoin de se soucier de rien. Elle n’avait pas de grands idéaux de justice, Jinny. Sauver le monde juste pour pouvoir en profiter encore un petit peu, le temps qu’il durerait, en emmenant ses copains en voyage sans savoir de quoi ‘avenir serait fait, ça lui convenait très bien, comme philosophie. Alors, puisqu’ils avaient réussi, elle décida de laisser New Themyscira et ses horreurs dans un coin de sa mémoire pour l’instant, et d’imiter Conner. Après tout, leur road trip improvisé n’allait, justement, pas s’improviser tout seul.

Lorsque Conner revint, elle était prête, elle aussi – son inventaire dressé, deux-trois bricoles dans sa chambre quasiment vide récupérées en attendant de mieux la re-remplir, assurée qu’elle avait de quoi dresser un camp à peu près potable s’ils décidaient de rester dans les bois ce soir-là. De nouveau derrière son volant, elle accueillit son passage d’un hochement de chapeau chaleureux. « Ohlàlàààà mais c’est qu’il est impatient, en plus. » commenta-t-elle en glissant la clé dans le contact. Et, alors qu’elle allait démarrer le moteur, elle releva les yeux sur Conner, et resta sans voix un bref instant, connectant ses paroles au mouvement de sa main. Et elle pouffa de rire, en levant ostensiblement les yeux au ciel. « Vraiment, Conner ? » Oui, elle était moqueuse, évidemment, qu’elle était moqueuse. « Superboy a peur de ma conduite. Elle est bien bonne, celle-là. » Vroum, la clé tourna dans le contact, et le moteur ronronna de plus belle, comme neuf. Il avait visiblement fait du beau travail, le bricoleur. « Promis, on ne grillera même pas de feu rouge. Je ne voudrais pas te flanquer la frousse. » Et quelque part, finalement, peut-être qu’elle devrait être flattée, de réussir à faire peur à Superboy, avec sa conduite hasardeuse. Elle connaissait quelques criminels et autres super-vilains qui vendraient leur âme au diable pour pouvoir se réclamer du même privilège. Peut-être qu’elle devrait filmer le trajet, en fait. « C’est partiiii. » Et, la porte du garage ouverte, elle embraya et appuya sur l’accélérateur. Direction : l’aventure !

Et à sa grande surprise – mais en réalité, pas tellement, parce qu’elle s’y attendait un peu – Conner se confirmait être un compagnon de voyage parfaitement convenable, qui n’avait pas l’air de rechigner à l’échange de boutades et qui, comble de l’extase, n’avait même pas sauté par la fenêtre quand elle avait mis la musique pour lui infliger quelques choix de country bien de chez elle, avant de mettre fin à son supplice et le récompenser avec une playlist plus acceptable aux yeux du grand public. Et elle tint même sa promesse, ne grilla aucun feu rouge, ne dépassa aucune limite de vitesse, et si ses jantes ou sa carrosserie avaient de nouvelles marques à l’arrivée, et bien, ça n’était pas de sa faute si les rues en ville étaient si étroites qu’elle était obligée de conduire un peu trop près du trottoir. Fort heureusement, ils atteignirent bientôt les routes de campagne, bien plus larges et moins fréquentées, sur lesquelles Conner pouvait, en théorie, se détendre, parce que beaucoup moins d’obstacles pouvaient se heurter à la détermination de Jinny Hex et sa conduite douteuse. « … et c’est comme ça qu’une des première fois que j’ai rencontré Robin, j’ai failli le renverser. » Oui, parce qu’évidemment, elle avait poursuivi ses efforts pour le rassurer, son passager. Mais hé, les road trips, ça servait à ça aussi. Apprendre à connaître un peu mieux ces gens qu’on côtoyait au quotidien, sans réellement toujours avoir le temps de creuser au-delà de la surface. Sans attentes, sans pression, juste parce qu’à part admirer le paysage et se soucier de se souvenir du chemin du retour, il n’y avait pas grand-chose d’autre à faire. Finalement, l’approche idéale pour une cowgirl vagabonde et un hérisson doublé boudeur. « Tiens, fouille dans la boîte à gants, il doit y avoir une carte de Pennsylvanie dedans. On n’a toujours pas de GPS, donc à partir de maintenant, tu vas jouer le co-pilote. » Autour d’eux, les grands espaces clairsemés de forêts de Pennsylvanie commençaient à se dessiner. Ils n’avaient plus qu’à trouver un endroit où s’arrêter, et ce choix, elle avait bien envie de le laisser à son camarade. « J’ai une question bête. » annonça-t-elle en déchiffra les panneaux devant lesquels ils passaient sans s’arrêter. « T’as déjà été en road trip ? » Quoi, elle l’avait prévenu. Mais comme Conner méritait quand même mieux qu’une question bizarre sans contexte, elle développa le fond de sa pensée : « C’est juste que tout le monde a eu des vies tellement hors du commun, dans la bande… plusieurs fois, j’ai remarqué qu’il y avait pas mal de choses que je prenais pour acquises pour tout le monde, alors que finalement, non. » Et Conner, si elle se souvenait bien, avait beau avoir l’apparence d’un jeune homme d’à peu près son âge, n’était finalement né que très récemment. Avec les pouvoirs d’un Superman en formation. Loin d’elle l’idée de lui rappeler un possible décalage qui pourrait le mettre à l’aise, elle voulait juste déterminer s’il elle devait dresser une bucket list de choses à faire pour son peut-être premier road trip. Quitte à se changer les idées, autant y aller à fond.

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Jinny Hex & Conner Kent

◊ ◊ ◊

Conner est à court d'arguments, alors il se comporte comme n'importe quelle personne de mauvaise foi en manque de répartie. « Ah ah... » Son faux rire transpire le sarcasme alors que son regard change de direction pour masquer sa gêne. Le mettre dans l'embarras est tout sauf une tâche ardue pour quiconque le fréquentant depuis suffisamment longtemps. Martha ne cesse de lui répéter que son ego le tuera un jour et elle n'a peut-être pas tord. Il n'y a aucune honte à avoir à se montrer emballé par une proposition de voyage, en plus, surtout pas en présence d'une amie. Beaucoup de choses ont changé dans le caractère de Kon-El, il gère mieux sa colère et pense un peu plus aux conséquences que ses actions peuvent avoir par exemple. Le fait de vouloir sauver les apparences à tout prix, quitte à paraître encore plus ridicule qu'avant, est toujours resté en place par contre. Pourquoi cherche-t-il à se justifier même ? N'importe qui à sa place craindrait de finir dans une crevasse avec la cowgirl au volant. C'est à moitié rassuré que le clone retire sa main de la poignée. Il prend tout de même bien soin de vérifier que sa ceinture ne s'est pas détachée au moment où son siège s'est mis à vibrer avec l'allumage du moteur. Il appréhende la suite des événements par la même occasion. Partir de manière aussi imprévue fait qu'il ignore tout de ce qu'ils pourront rencontrer et faire sur place. Il en faut plus pour l'inquiéter néanmoins, la présence de Jinny lui assure qu'il passera un agréable moment. Il est possible que cela soit dû à l'ambiance country qu'elle a installée dans son véhicule, mais le jeune homme se sent plutôt à l'aise avec la chasseuse de primes. Peut-être pas encore assez pour se confier facilement à elle, certes, mais suffisamment pour se laisser embarquer dans un road trip avec un certain enthousiasme. La preuve, il se permet même de prendre quelques libertés en abaissant la vitre pour faire passer son bras à travers l'ouverture, une action que l'on déconseille aux passagers de faire. A moins d'avoir plus de chance de voir le pare-chocs d'une voiture se briser en percutant son membre que de voir celui-ci se faire arracher, bien sûr.

Superboy n'a pas vraiment de genre musical préféré, écouter les chansons campagnardes qui passent à la radio ne le dérangent donc pas le moins du monde. Puis bon, il est habitué à en entendre quand il se déplace jusqu'à Smallville. Il y a cependant quelques différences entre le style texan et le style kansasais, mais rien de suffisamment choquant pour faire saigner ses oreilles. Il est de toute façon bien trop occupé à discuter avec la rouquine pour réellement prêter attention aux mélodies qui défilent. « Certains utilisent les réseaux sociaux pour rencontrer des gens. Toi, tu préfères les écraser. Chacun sa manière de faire du rentre-dedans, j'imagine. » Les jeux de mots lui viennent assez facilement quand il s'agit de railler les compétences au volant de son amie. C'est sa vengeance pour ses moqueries de tout à l'heure d'une certaine façon. Il fait cependant bien attention à ne pas pousser le bouchon trop loin parce qu'il sait que le retour de flamme ne se fera que plus fort par la suite. Kon-El est un râleur ainsi qu'un homme fier et brutal. Autrement dit, Jinny n'aura aucun mal à utiliser un de ses défauts pour lui faire regretter son insolence. Il préfère exécuter ce qu'elle demande avant qu'elle ne trouve une nouvelle pique à lui lancer et déplie donc la carte cachée dans le compartiment au-dessus de ses genoux. Il n'est pas habitué au poste de copilote, mais il fera de son mieux. « Le Delaware est à la fois un cours d'eau et un état ? » Ses yeux quittent le plan pour fixer la conductrice avec stupéfaction. « Tu le savais, ça ? » Conner a sans doute été influencé par Martha et tous les vieux retraités du Kansas qu'il fréquente régulièrement, mais il suffit en réalité d'un rien pour le surprendre. Même la plus banale des coïncidences est capable de l'émerveiller, même si cela ne se voit pas toujours à cause du visage stoïque qu'il arbore. « On pourrait se poser près du fleuve, qu'est-ce que t'en dis ? » Ou même ailleurs si la cowgirl le souhaite, le demi-kryptonien est déjà en train de chercher d'autres emplacements intéressants en cas d'un éventuel refus.

Le clone cherche une réponse à donner aux interrogations de Jinny. Il a honte d'admettre qu'il s'agit de sa première excursion de ce genre. C'est une activité à laquelle tous les jeunes se sont adonnés au moins une fois dans leur vie. Selon la télévision, tout du moins. « Bah en fait... » Petite hésitation, à nouveau. Il souhaite encore changer de sujet, mais rien ne lui vient en tête. Il est coincé cette fois. « Non, c'est mon tout premier. » Voilà, c'est dit. Heureusement qu'il y a une bonne justification derrière tout ça. « Mais bon, il ne faut pas oublier que je ne suis âgé que de quatre ans. T'imagines pas le nombre de choses que je dois encore expérimenter. Ou que je ne connaîtrai jamais, pour le coup. » Parce qu'il est directement né avec un corps d'adulte, le clone n'a aucun souvenir d'enfance. Martha, les Titans et la Young Justice ont essayé de palier à cela comme ils l'ont pu, mais il y a malheureusement des événements qu'il lui sera impossible d'expérimenter. Il n'a jamais été incapable de dormir le soir du 24 décembre parce qu'il voulait entendre le Père Noël déposer ses cadeaux au pied du sapin, par exemple. Il l'aurait d'ailleurs probablement pris pour un cambrioleur et lui aurait refait le portrait si ce dernier existait réellement. Il n'est jamais tombé à vélo non plus et a toujours trouvé stupide l'idée qu'une souris vienne chercher des dents sous un oreiller. Qu'est-ce qu'elle en ferait ? Puis comment saurait-elle dans quelle maison s'introduire ? En y réfléchissant un peu, le jeune Kent constate que beaucoup de personnages imaginaires pour enfants entrent par effraction dans le domicile des gens. « Si on enlève les invasions extraterrestres, les attentats méta-humains et les combats contre des robots, t'as probablement vécu plus de choses que moi. » Bien qu'officiellement justicière depuis moins longtemps que lui, la Texane est une véritable aventurière et nul doute que ses vagabondages ont dû lui faire voir toute sorte de folies également. « Légalement, t'es d'ailleurs pas censée pouvoir m'embarquer en road trip sans l'accord de mes parents. Je pourrais crier au kidnapping là maintenant. » Ce qu'il ne fera pas, bien sûr. Personne ne croirait qu'un homme de son gabarit ait pu se faire embarquer de force par une demoiselle moins imposante que lui. Tout ce qu'il obtiendrait en accomplissant cela, ce sont des rires de ceux qui l'entendront. Et Conner a déjà suffisamment été tourné en ridicule devant Jinny pour aujourd'hui, même si l'idée de voir cette dernière demander la permission de voyager avec son fils à Luthor ne lui déplairait pas. Encore faudrait-il qu'elle sache que les deux sont liés.

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Fut une époque où Jinny, à force de découvrir l’existence de nouveaux aliens, créatures magiques, mondes alternatifs, et autre expérimentations scientifiques parties de travers tous les quatre matins, avait l’impression de faire une crise d’angoisse à peu près aussi régulièrement. S’arracher à sa campagne natale pour découvrir les joies de la grande ville avait été une sacrée aventure, mais découvrir le monde des superhéros ? Un épisode psychotique à chaque fois. Enfin, elle n’avait jamais été psychotique, mais si elle l’était, elle imaginait que ça devait ressembler à ça. Puis, elle avait commencé à traîner avec un type qui se déguisait en rouge-gorge pour casser des dents, la petite-fille de Zeus, une princesse venue d’une autre dimension, un zigoto qui courait tellement vite qu’il pouvait peut-être même retourner le temps, et elle avait commencé à relativiser. Peut-être que c’était à ça que ça ressemblait, la maturité. En tout cas, elle préférait cette explication à l’idée qu’elle s’était simplement résignée à devenir chèvre. D’autant qu’il était quand même nettement plus vivable, et agréable, de laisser de côté la panique et l’inquiétude que tout ce nouveau monde avait d’abord occasionné en elle, pour invoquer maintenant une insatiable curiosité et une pointe d’émerveillement. Donc, si, quelques années plus tôt, elle aurait pu sincèrement s’étonner de la surprise de Conner face à sa découverte de la dualité du Delaware, aujourd’hui, elle n’avait aucune autre envie que d’en sourire, accueillant son émerveillement enfantin à lui avec la bienveillance qu’on était, après tout, en droit d’attendre d’une amie digne de ce nom. « J’ai dû l’apprendre à un moment au lycée, j’imagine, mais tu m’as rafraîchi la mémoire. » répondit-elle, et sans mentir, en plus. Quant à s’établir près du fleuve, elle trouvait l’idée parfaitement acceptable. Idéale, même. Une idée idéale. « J’en dis que le jour où Robin prend sa retraite, c’est toi qu’on devrait nommer chef d’équipe ! » déclara-t-elle en jetant un œil à la carte pour avoir une idée d’où tourner pour rallier le fleuve. Plan d’action décidé : cap sur l’aventure.

Il y avait quelque chose d’un peu touchant, dans la confession de Conner, et Jinny lui jeta une œillade de côté alors qu’ils s’engageaient sur la sortie d’autoroute qui les mènerait jusqu’aux abords du fleuve Delaware. C’est vrai qu’il n’avait techniquement que quatre ans, Conner. Et d’apprendre qu’elle l’embarquait pour son tout premier road trip, la gonflait un peu de fierté, malgré la pression supplémentaire – décidément, il ne fallait pas la rater, cette petite escapade, parce qu’elle espérait bien lui donner le goût du voyage et de l’aventure sur les routes, à Superboy. Et puis, il y avait tout ce qu’il sous-entendait, aussi. Elle ne s’était jamais vraiment posé la question, mais maintenant, elle réalisait qu’il avait dû naître comme ça : un jeune adulte sans repères duquel on attendait déjà tout sans lui donner le temps de passer par toutes les étapes par lesquelles tout le reste du monde devait passer. Seigneur. Quelle pression. Qu’est-ce que ça pouvait bien faire, de commencer une vie sans enfance, sans… rien ? Rien d’autre qu’une conscience forcée de grandir en un claquement de doigts. Normal qu’il soit grognon, finalement, avec tout ça. « Hé, faut voir le bon côté des choses. » remarqua-t-elle avec un sourire en coin, marquant une pause avant sa punchline. « Au moins t’as échappé à la torture de la puberté. » Bon d’accord, pas terrible comme punchline, mais échapper aux boutons d’acné et la voix qui mue, c’était franchement pas si mal. Et puis, comme elle ne pouvait pas vraiment amener de résolution à ses questionnements existentiels, elle pouvait au moins essayer de les alléger un peu, non ?

Jinny se fendit d’un franc éclat de rire en imaginant ce grand gaillard qui faisait gonfler ses biceps deux heures plus tôt crier au kidnapping. « Tu leur as donné mon numéro et mon adresse au cas où tu ne sois pas rentré avant dix-neuf heures ? » plaisanta-t-elle alors que le pick-up s’enfonçait dans une route plus sinueuse dans les bois, l’air boisé des conifères emplissant l’habitacle par la fenêtre ouverte – que c’était agréable, de retrouver un peu de nature, après tout ce temps. Et l’air vif de la forêt favorisait la réflexion, et l’introspection, et Jinny derrière son sourire méditait très sérieusement sur les paroles de Superboy. « Tu sais, c’est un peu une question de perspective, tout ça. Toi en quatre ans, t’as sauvé le monde un nombre incalculable de fois, t’as vécu des aventures folles, t’as appris à découvrir le monde en accéléré parce que t’as pas eu le choix… moi, jusqu’à mes vingt-et-un ans, j’avais jamais quitté le Texas. J’avais même jamais été plus loin qu’Austin, à une demi-heure de chez moi. » Ca n’était que début 2017 qu’elle avait pris son envol, après que plus rien ne l’ait retenue à Dripping Springs. Plus de mère, plus de père, plus rien. Peut-être que ça démolissait un peu son image de baroudeuse avec le voyage dans l’âme, mais elle lui devait bien ça, à Conner. De l’honnêteté, et une image un peu plus claire de sa kidnappeuse. Finalement, la grosse différence entre eux, c’était qu’ils n’avaient pas vécu au même rythme. Elle, elle avait eu tout le temps du monde, peut-être même un peu trop – et lui n’en avait pas eu du tout, jeté dans la frénésie d’un monde à la dérive sitôt qu’il avait ouvert les yeux. Ce qui l’amenait à se poser une question qu’elle s’était déjà posée par le passé, mais à laquelle elle n’avait jamais cherché de réponse, jusqu’à ce qu’il le mentionne dans sa boutade : comment il était né, Conner ? Enfin, elle avait bien compris cette histoire de clonage et de laboratoire, mais concrètement, qui avait eu cette idée démentielle ? Ses ‘parents’, c’était qui ? Est-ce qu’il avait seulement des gens qu’il pouvait appeler comme ça ? Jinny n’en savait fichtre rien. Et elle n’était pas tout à fait sûre d’avoir le droit de demander. « Attends, je crois qu’on arrive. » esquiva-t-elle savamment, alors qu’ils abordaient les bords du fleuve, et un peu plus loin, une clairière accessible aux roues exercées du Colonel qui en avait vu de bien pires. Vue imprenable sur l’eau, protégés du vent par les hauts arbres, et un grand soleil, que demander de plus ? « Ca m’a l’air bien, là, non ? » C’était même parfait, selon elle, mais vu qu’ils étaient deux voyageurs, hors de question de se garer sans son aval à lui aussi. Son premier road trip, par la barbe de Lincoln, il fallait que ce soit impeccable. « Et um, vu qu’on était partis sur de grandes discussions profondes et philosophiques… » En quelque sorte. « Juste pour définir les limites, c’est indélicat ou pas, si par exemple je te demande qui c’est que tu appelles tes parents ? » Parce qu’ils étaient là aussi pour s’amuser, et qu’elle préférait avoir une vision claire de ce qu’il considérait comme acceptable, le hérisson. « Comme ça je ne casse pas l’ambiance avec mes questions bizarres de cowgirl curieuse. » Après tout, l’inconfort, c’était facile à défuser en amont. Tant que Conner était honnête avec elle, elle, elle ne se formaliserait de rien. La vie et les road trips étaient bien trop courts pour ça, de toute façon.

Spoiler:

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Jinny Hex & Conner Kent

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Aucune mauvaise nouvelle n'est venue déranger leur road trip jusqu'à présent. Tout se passe bien. Il n'y a qu'un élément qui pourrait perturber le voyage à l'heure actuelle : l'empressement qui commence à gagner Superboy. Ce dernier a eu le temps de se demander mille fois quand est-ce qu'ils arriveront en une minute, bien qu'il n'ait jamais questionné la conductrice à ce sujet. Hors de question de confirmer ce que la cowgirl a déjà deviné depuis bien longtemps, qu'il est un impatient qui ne s'assume pas. Il préfère continuer la discussion en réprimant sa hâte bien au fond de son esprit, ce qui n'est pas plus mal en vérité. Échanger avec sa partenaire de route lui permet d'en savoir un peu plus à son sujet. Oh, ils ont déjà eu le temps de se découvrir en deux ans, mais ce sont les petits détails personnels que chacun va pouvoir apprendre sur l'autre, des petites informations qui ne se partagent pas forcément en grand groupe et en pleine euphorie. Et ça tombe bien parce que les secrets, ce n'est pas ce qui manque avec tout ce que le jeune homme a récemment traversé. Mais ils ne sont pas encore au temps des révélations. Ce sont des sujets plus légers qu'ils abordent en ce moment, comme le fait qu'il devrait être celui qui commanderait la Young Justice si Tim venait à démissionner. « C'est ce que je n'arrête pas de répéter, mais personne dans l'équipe ne veut l'entendre. Je suis trop " impulsif " à ce qu'il paraît. » Le clone met l'accent sur le défaut qu'on lui reproche en imitant des guillemets avec le majeur et l'index de chaque main. « Les autres membres doivent être jaloux, si tu veux mon avis. » Ou dotés de bon sens, c'est selon l'appréciation de chacun. Il s'agit d'un poste qui ne lui conviendrait pas de toute façon. Diriger un groupe aussi hétéroclite que le leur demande des nerfs d'une solidité incroyable. Conner craquerait sans doute dès la première mission et se mettrait à crier comme il le fait déjà maintenant, même quand les choses vont bien. En plus, la Trinité lui tomberait dessus à chaque fois qu'une situation tournerait au vinaigre, ce qui arriverait assez régulièrement s'il était aux commandes. Il se voit déjà se prendre le chou avec Batman parce que leur mission n'aurait pas été accomplie avec suffisamment de discrétion. Non, être celui qui n'écoute que la moitié du plan et improvise le reste est bien plus amusant. Et beaucoup moins stressant, accessoirement.

L'hybride apprécie le fait que Jinny essaie de le réconforter sur l'enfance qu'il a manquée, mais cela n'est pas vraiment nécessaire. Il s'est fait depuis bien longtemps à l'idée que son cas devait être unique dans toute la galaxie et le vit plutôt bien la plupart du temps, même s'il y a quelques moments où il n'aime pas être le seul dans un groupe à ne pas avoir accompli ce que le reste juge basique ou fondamental. C'est la vie. Puis c'est un mal pour un bien comme le dit si bien la Texane, car il y a beaucoup de moments marquants qu'il n'aura jamais vécus, mais il aura également été épargné d'innombrables de situations gênantes. Les boutons d’acné et les draps qui se mouillent mystérieusement pendant la nuit, il laisse ça à ceux qui ont grandi de façon classique. « Oups, j'ai dû oublier. Bah qu'importe, t'auras qu'à appuyer un peu plus fort sur le champignon quand ils auront envoyé la police à ma recherche. Tu dois avoir l'habitude de faire ça avec tous tes excès de vitesse, non ? » Superboy est tellement habitué aux crimes de grande envergure qu'il a du mal à juger la gravité des méfaits plus anodins. Il n'y a donc aucune différence entre brûler un feu rouge et fuir les forces de l'ordre après avoir commis une infraction de son point de vue. Sa camarade lui a avoué un peu plus tôt être accoutumée à réaliser l'une de ces deux fautes, alors il n'a pas trop de mal à imaginer qu'effectuer l'autre ne la dérangerait pas plus que cela. « Jinny Hex, la globe-trotter de première catégoris, a donc un jour été sédentaire dans sa vie. Un mythe vient de s'effondrer dans ma tête, sache-le. » Le clone la charrie légèrement, mais il a bien compris où cette dernière veut en venir. Il n'y a pas de bon ou mauvais parcours, chacun évolue à son propre rythme.

La conversation avance et le sourire de Conner, ou ce qui y ressemble plus tout du moins, disparaît petit à petit. Le tout premier thème sensible de la journée vient de s'immiscer dans leur discussion. Le demi-kryptonien rentre son bras à l'intérieur, de sorte à pouvoir l'utiliser comme support pour son menton. Il cache son embarras en tournant la tête vers la fenêtre. « Que ce soit indélicat ou pas, la question est déjà posée de toute façon. » Il s'agit tout autant d'une constatation que d'une reproche. Il a fallu qu'elle l'interroge à ce sujet aussi tôt dans leur road trip. Tant pis pour la joyeuse ambiance que la demoiselle était parvenue à installer. Il avait déjà dans l'idée d'en discuter avec elle à un moment ou un autre de toute façon. Tout comme lui, la dernière de la lignée des Hex possède un héritage dont il lui est bien difficile de se débarrasser. Le jeune homme aurait cependant apprécié qu'ils aient le temps de faire une ou deux choses en Pennsylvanie avant que le sujet ne soit amené sur la table. M'enfin qu'importe, la question lui a été posée et il ne compte pas se défiler. « Je pense t'avoir déjà dit que toutes mes cellules ne provenaient pas de Superman, pas vrai ? J'ignorais qui était l'autre donateur à l'époque, mais c'est plus le cas maintenant. Je pourrais changer mon nom de famille en " Luthor " si je le voulais. » Il anticipe sa réaction et s'attend à la voir se tourner vers lui en lui faisant de grands yeux. « Ouais, exactement comme dans " Lex Luthor ". » Et voilà, Jinny est la seconde personne à être mise au courant de son lien de parenté, la première étant Aqualad avec qui il a eu l'occasion d'échanger avant, lors de leur incarcération à Santa Prisca. Même ses plus proches confidents tels que Red Robin ou Miss Martian ignorent encore son lien de parenté avec l'un des plus grands criminels du monde, pour vous dire à quel point il est encore difficile pour lui d'en parler alors que cela fait plus de six mois qu'il a appris la nouvelle. « De tous les humains qui peuplent la planète, il a fallu que je sois le fils du pire d'entre eux. T'imagines ça ? » Probablement que oui, la famille de sa partenaire de voyage n'est pas tout blanc non plus. Tout comme lui, une figure controversée fait partie de son arbre généalogique, pas au même niveau, certes, mais cela doit quand même compter.

« Et t'as raison, cet endroit est parfait pour s'installer. » C'est sa façon à lui d'alléger la lourde atmosphère qui a pris place dans le pick-up de Jinny. Qui plus est, cela lui permet aussi de répondre à sa précédente question, celle à laquelle il n'a pas prêté attention à cause du sujet qui a été abordé juste après.

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Good job, Jinny. A peine avait-elle posé la question, et à peine Conner avait-il détourné le regard, qu’elle avait compris avoir touché un point sensible – alors que c’était justement ce qu’elle avait voulu éviter. Dix sur dix pour les talents de diplomate, hein. La cowgirl se mordit l’intérieur de la joue, se sermonnant intérieurement pour son indélicatesse et ses gros sabots qui faisaient encore des siennes. Qu’est-ce qu’elle était rouillée, à cet exercice. Essayer de se faire des amis, au-delà de la convivialité et de la bonhomie qu’elle avait ramenés de son Texas natal, au-delà de la sympathie et la camaraderie du premier abord ; c’était comme remonter à vélo après des années sans pratiquer, et se casser la figure sur les dix premiers mètres. Et comme il n’y avait rien dans la malle de Jonah, à sa connaissance, qui lui permette de remonter le temps, il fallait maintenant qu’elle compose avec l’embarras d’avoir visiblement accidentellement touché un point sensible. Elle avait cru qu’un peu d’humour et de légèreté suffirait à faire passer une pilule potentiellement difficile. Tu parles, Charles. Et en plus, Conner n’avait pas peur de faire preuve d’une admirable franchise, lui aussi – même si pour le coup, sa franchise ne servait qu’à enfoncer le clou et donner envie à Jinny de s’enterrer six pieds sous terre. Welp. La question était posée, en effet, et Jinny décida de ne surtout pas pousser le bouchon et de se concentrer sur la route pour ne pas aggraver encore son cas. Allons. Tout le monde faisait des bourdes un jour ou l’autre. Le tout, c’était de se rattraper, et si vraiment elle le gonflait, elle n’avait aucun doute quant à la capacité de Conner de retrouver le chemin de Mont Justice avant même qu’elle n’ait le temps de dire qu’elle était désolée.

Les hauts pins de la forêt de Pennsylvanie défilaient alors qu’ils approchaient du fleuve Delaware, mais tous les plus beaux paysages du monde n’auraient pas pu la distraire de la bombe que Conner décida de lâcher sans prévenir. L’air de rien. Certes en répondant à sa précédente question, sauf qu’elle avait cru le sujet clôt, et qu’heureusement qu’elle ne buvait rien parce qu’elle se serait sans doute étranglée avec. Au lieu de ça, elle détacha son regard de la route pour plisser des yeux en lui retournant son œillade. Luthor. Comme dans Lex Luthor, oui, confirmait-il avant même qu’elle n’ait le temps de le dire à voix haute. Prise de court par la nouvelle, elle se laissa aller contre le dossier de son siège et reporta son regard sur la route. « … wow. » Ouais, wow. Ca, c'était ce qu'on appelait mettre les pieds dans le plat, et en beauté. Et elle adressa une dernière œillade à Conner à travers le rétroviseur alors qu’il laissait finalement son amertume s’exprimer. Et une pointe d’anxiété ? Et Jinny de retenir un soupir, et tout trait d’humour qu’elle aurait pu sortir de son chapeau de cowgirl, parce que Conner, lui, n’avait pas l’air de trouver ça très drôle. Et qui aurait pu le blâmer, hein ? Effectivement, pas elle. Pas quand elle se promenait avec Hex en patronyme. Pas quand plusieurs générations la séparaient de son ancêtre problématique, et qu’elle en ressentait encore le poids au quotidien, quand bien même elle tentait de garder le meilleur et repousser le pire de son héritage. Alors un père ? Comme Lex Luthor ? Yep, c’était un beau mal de crâne qui l’attendait, Conner. Encore absorbée dans ses pensées, c’est lui qui l’en tira en changeant de suet de conversation, alors que le pick-up débouchait, enfin, sur les rives du fleuve ; et devant ce paysage bucolique et qui respirait le grand air et la liberté à souhait, elle ne put retenir le sourire réjouit qui vint lui étirer les lèvres. « Alors adjugé vendu. C’est l’heure de poursuivre ton baptême du feu. » décida-t-elle avec autorité, en sortant du chemin pour garer le Colonel dans l’herbe.

L’endroit avait un petit air de paradis terrestre. La rive sur laquelle ils s’étaient arrêtés aurait eu de quoi ravir n’importe quel campeur : une petite clairière d’herbe verte, la forêt de pins derrière eux dont la brise agréable portait l’odeur jusqu’à leurs nez, et un peu plus loin, l’herbe se fondait dans la terre et le sable pour créer une petite plage qui aurait été parfaite pour pêcheurs et baigneurs. Le genre de petit coin tranquille où elle se serait presque attendue à trouver une petite maison de bois, reculée de tout, pour un ermite heureux qui n’aurait pas à se soucier de fin du monde imminente ni d’invasions alien. Quittant l’habitacle de sa camionnette, Jinny fit quelques pas dans l’herbe en s’étirant, inspirant profondément l’air vivifiant de la forêt toute proche, bercée par le chuchotement du fleuve qui coulait tranquillement à leurs pieds. Oh oui, ils avaient bien choisi leur spot. « Hey, Conner. » lança-t-elle en revenant vers le véhicule, les pouces dans les passants de sa ceinture. « Désolée d’avoir remué quelque chose de désagréable. T’as raison, c’était une boulette de ma part. » Et ils n’aborderaient plus le sujet à moi que lui ne l’aborde. Ca lui paraissait bien comme compromis ça, non ? Elle garderait pour elle tout ce que ces révélations avait provoqué dans sa tête – qu’elle avait songé qu’il avait décidément plus pris de Superman que de Luthor, et est-ce qu’il était en contact avec ce dernier, et est-ce que du coup il perdrait ses cheveux quand il vieillirait, et surtout, comment est-ce qu’il allait, lui, après avoir appris son héritage franchement polémique ? Laissant son chapeau glisser dans son dos, retenu à son cou par sa cordelette, elle passa une main dans ses cheveux roux en désordre et lui adressa un grand sourire. « Bon. La première étape, c’est de faire du feu. Hors de question que je te laisse repartir d’ici sans avoir testé les s’mores en pleine nature. Donc ton job, c’est de nous trouver du bois sec et de nous bricoler un feu de camp pendant que je décharge ce qu’il faut. » Est-ce qu’elle se permettait de donner des consignes à Superboy ? Absolument. Mais c’est qu’elle prenait son rôle de mentor très au sérieux, Jinny Hex. Un premier road trip, ça n’était pas une affaire de plaisanterie, après tout. « Montre-moi que la vie citadine ne t’a pas privé de tes réflexes de campagnard débrouillard, country-boy. » Délibérée, la provocation. Mais entre gosses de la cambrousse, ils avaient absolument le droit.

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Jinny peut s'applaudir. Elle a réussi à détendre Conner et à faire en sorte que les tensions dues à ces six derniers mois de calvaire abandonnent progressivement son corps. Puis, une seule de ses questions est parvenue à alourdir l'ambiance. Le langage corporel du jeune homme a, heureusement, bien été interprété et la cowgirl n'a pas cherché à s'étaler plus longuement sur le sujet. Ce n'est qu'un timide sourire qu'il lui adresse quand elle lui vient lui présenter ses excuses un peu plus tard, histoire de lui faire comprendre qu'il ne lui en veut pas, même si le mal est fait. Par chance, ils sont finalement arrivés à destination et le paysage qui s'offre à lui fait quelque peu oublier la situation malaisante précédente. Une grosse bouffée d'oxygène l'aide à percevoir les différences entre l'air métropolitain, qu'il est plus habitué à respirer, et l'atmosphère forestière qui plane tout autour du fleuve Delaware. On pourrait presque se croire à Smallville une fois que l'on quitte les zones résidentielles. Un autre point positif : ses oreilles ne sont pas harcelées de part et d'autre par les bruits environnants. Ici, les klaxons ne se font pas entendre toutes les cinq secondes et il n'y a pas de risques que quelqu'un ait l'idée saugrenue d'entreprendre des travaux à des heures impossibles. Seule la nature cherche à montrer sa présence. Et Jinny aussi. Cette dernière le ramène à la réalité en lui affublant sa première mission du jour. Elle obtient d'abord un haussement de sourcil en guise de réponse, Kon-El est presque offensé par ce qui lui a été demandé. « T'as pas plus dur à me présenter ? Cette tâche-là, je peux te la faire en dix minutes. » Le revoilà qui se remet à bomber le torse, considérant déjà la tâche comme accomplie avec brio avant même de l'avoir commencée. En le prenant par les sentiments, sa camarade ne pouvait qu'obtenir une réaction de ce genre de sa part.

S'il y a bien une chose sur laquelle le garçon d'acier refuse d'être remis en question, c'est sur son appartenance à la cambrousse. Côtoyer des Martiennes, des Atlantes et des Amazones ne l'a pas privé de ses restes. La récolte de bois se fait un temps record et boost alors sa confiance. Les plus gros morceaux serviront de support tandis que les fines feront office de combustibles. C'est sans compter sur la partie la plus difficile de la tâche néanmoins : allumer un feu. Le clone a beau s'y prendre de toutes les manières possibles, aucune étincelle ne surgit. Pire encore, les morceaux qu'il utilise craquent à chaque tentative. Sa concentration est telle qu'il ne voit même pas les minutes défiler et ne se rend compte du temps écoulé que lorsque Jinny revient voir son avancée. « Attends, je crois que je commence à attraper le truc. » Absolument pas. Il en est toujours au même stade qu'après que la cowgirl l'ait laissé à son propre sort. Il serait plus facile d'assumer que réaliser un feu de camp est bien plus compliqué qu'il ne l'aurait imaginé, mais ce serait aller contre tous ses principes. Conner Kent n'abandonne pas. Rien n'est impossible pour Superman, donc rien n'est infaisable pour sa réplique non plus. Il suffit qu'il s'acharne encore un peu et il finira par atteindre le résultat attendu. La frustration de ne pas y arriver influe sur le contrôle de sa super-force et la branche calée entre ses doigts finit par se briser. « Bordel ! Je déteste les feux de camp. » Une chose qui n'a pas changé en quatre ans d'existence est le fait que le justicier est toujours incapable de retenir sa langue quand quelque chose lui déplaît. Il faut toujours qu'il le dise à voix haute. Habituée à son impulsivité, Jinny aura vite fait de traduire son attitude comme un signe de sa mauvaise foi. Son aversion pour les feux de camp n'est que factice. S'avouer vaincu face à de vulgaires bouts de bois est le véritable problème.

Il faut finalement l'intervention de la Texane pour que les premières flammèches voient le jour et enflamment le tas de brindilles. Le dégoût d'avoir dû déclarer forfait lui reste en travers de la gorge. Assis sur un rondin de bois et recroquevillé sur lui-même, Kon-El ne peut s'empêcher de grogner à chaque crépitement qu'il entend, comme si même le feu cherchait à lui rappeler son échec. « Je continue de penser que j'étais pas loin d'y arriver, t'aurais pas dû m'aider. » Puis, de toute façon, tout ceci aurait été plié en deux secondes s'il avait déjà développé sa vision thermique. La prochaine fois sera la bonne, Conner en mettra plein la vue à sa sœur de campagne. L'hybride devrait même la remercier, en réalité, ses actions lui ont permis de ne pas se tourner lui-même en ridicule pendant trop longtemps. S'il avait été seul, il aurait passé la nuit tout entière à essayer de créer un feu. Et même la journée d'après s'il le fallait. Peut-être la soirée suivante également. Se résigner est un verbe absent de son vocabulaire. « Hey... » murmure-t-il presque à l'attention de sa partenaire de voyage. « T'avais pas à t'excuser tout à l'heure. C'est juste que c'est encore relativement nouveau pour moi, toutes ces histoires de paternité. Tu ne pouvais pas savoir. Il va bien falloir que le demi-Luthor assume l'autre partie de ses origines à un moment ou un autre de toute façon. Puis il se connaît. S'il n'en parle pas ouvertement, il viendra bien un jour où il divulguera l'information par inattention, et pas forcément dans le meilleur contexte qui soit. Garder pour lui ce qui le hante ne lui réussit jamais, le héros finit toujours par craquer et par adopter un mauvais comportement, influencé par ses tourments.

« Bref, tout ça pour dire que t'as pas à t'en vouloir. En plus, tu n'as pas été gâtée niveau héritage toi non plus, je me trompe ? » Le demi-kryptonien indique le Colonel d'un geste de la tête. Ce n'est pas tellement à la camionnette qu'il fait référence, mais plutôt à la malle qu'elle transporte. D'après le peu d'informations que sa détentrice lui a divulguées à son sujet, il s'agit de l'un des quelques cadeaux laissés par son aïeul. Et c'est précisément là que Kon-El veut en venir. « Comment tu fais pour vivre avec le fait que le nom que tu portes n'est pas tout blanc ? » Jonah Hex est un célèbre cowboy au karma discutable. Kent ne le connaît que de nom et des quelques histoires que la descendante de celui-ci a pu lui raconter à son sujet, mais il a bien compris qu'avoir " Hex " comme nom de famille peut causer des problèmes dans certains endroits du pays. Tout comme lui, les actions d'une personne avec qui la rousse est liée par le sang impactent sa vie dans une certaine mesure. Malgré cela, le clone n'a pas le souvenir de l'avoir déjà entendue se plaindre de son arbre généalogique et du fardeau que peut représenter son patronyme. « T'as pas peur de finir comme lui un de ces jours ? » Bon sang ne saurait mentir. La preuve, son amie gagne son pain de la même manière que son ancêtre. Conner, lui, adopte le même comportement super-héroïque que son géniteur kryptonien, mais rien ne dit qu'il ne fera jamais preuve d'autant de cruauté que son paternel de la Terre, que la violence dont il peut faire preuve une fois en colère et que son mépris de l'échec ne proviennent pas des cellules perfides de l'ancien président. Kon-El lève les yeux vers le ciel, regarder son interlocutrice pendant qu'il se confie est une tâche bien trop ardue pour lui, encore plus que celle de faire un feu de camp. « Moi, ça me terrifie. Je partage des choses en commun avec Superman à cause de ma condition de clone, du coup je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas pareil avec l'autre. » Chaque évocation de Luthor est un rappel pour Conner de la relation particulière qui les unit. Il ne veut donc plus l'appeler par son nom, ce dernier a déjà suffisamment été cité comme ça pour la journée.

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« Désolée country-boy, mais j’avais faim, moi. » Qu’elle rétorqua, réprimant un rire, mais incapable quand même de résister à une petite provocation – c’était ça qui était drôle avec les gens fiers, après tout, et elle n’hésitait pas un seul instant à se compter elle-même dans le lot, et donc à s’arroger le droit de malmener ses semblables. Superboy inclus. Après tout, après avoir passé une bonne heure à le regarder se livrer à une bataille dantesque avec quelques morceaux de bois, c’était aussi un acte de clémence, que d’intervenir plutôt que de le laisser s’enfoncer dans un puits sans fonde de haine et de rancune envers les feux de camp. Mais qu’est-ce qu’elle s’était marrée, dans son coin, quand même. Elle avait presque eu l’impression de se revoir elle-même apprendre les mêmes gestes avec sa mère, des années plus tôt, sauf qu’elle avait été moins grande et moins baraquée ; un spectacle des plus amusants dont elle avait profité en essayant de ne pas vexer son pauvre camarade, prétendant décharger des affaires, gratter quelques cordes sur sa guitare, effectuer quelques préparatifs en attendant le fameux feu de camp. Et que ça faisait du bien, de n’avoir à se soucier de rien d’autre que d’un bête feu de camp réfractaire, et pas du reste du monde, pendant quelques minutes ou quelques heures. Même Conner avait eu l’air complètement dévoué à sa tâche, comme si sa bourde un peu plus tôt avait déjà été complètement oubliée. L’ambiance bon enfant d’un road trip en bonne et due forme était de retour, et elle, elle était ravie de lui montrer ses trucs et astuces de texane nomade pour allumer un feu sans s’arracher les cheveux, et d’attendre patiemment qu’il décide d’abandonner son attitude de hérisson vexé. Assise en tailleur devant le feu, à même l’herbe, Jinny s’occupait maintenant à préparer les divers snacks et autres paquets de chips qu’ils avaient ramenés avec eux – sans oublier évidemment les marshmallows à griller – et ne s’attendait même plus à ce que Conner ne ramène le sujet Luthor sur le tapis. Sauf qu’en fait si. Son geste suspendu en l’air, alors qu’elle décapsulait une bouteille de soda, Jinny ne sut que dire, pendant un instant ; mais malgré tout, entendre Conner la dédouaner de son impair la soulageait d’un poids sur ses épaules. Sans rancune, donc. Et elle lui tendit son soda, avec un sourire qui voulait dire exactement ça : sans rancune.

Et elle ? Jinny laissa échapper un rire, léger mais sans réelle joie – plus amusé que vraiment hilare, alors qu’elle se servait elle-même dans leur réserve de boissons. Pas été gâtée, c’était une façon de le dire, effectivement. Pendant qu’elle écoutait les réflexions de Conner, elle se recula pour venir s’adosser à un large tronc d’arbre couché. Visiblement, elle lui avait donné plus de grain à moudre qu’elle ne l’avait pensé, à Superboy – ça ou il en avait gros sur la patate et n’avait pas vraiment eu l’occasion d’en parler avant. Sous l’ombre de son chapeau qui avait retrouvé son crâne, elle lui dédia une œillade songeuse, à son co-pilote. Diable. C’était que ça carburait sec, là-dessous. Et qu’il soulevait toutes les questions qu’elle s’était elle-même posées un million de fois, sans avoir eu personne pour y répondre depuis la mort de sa mère. T’as pas peur de finir comme lui, un de ces jours ? Jinny ne répondit pas tout de suite ; mais elle sentit, en même temps, cette drôle de boule dans son ventre qu’elle n’avait pas ressentie depuis ses premiers temps sur les routes, et dans le monde de la chasse à la prime, et cette amoule qui s’alluma dans sa tête. C’était à elle qu’il posait la question à voix haute, mais visiblement, c’était surtout pour lui-même, qu’il se le demandait. Oh, Conner. Même s’il ne la regardait pas, un léger sourire chargé d’indulgence vint ourler ses lèvres. C’était pas tous les jours qu’il était donné à qui que ce soit de voir Superboy avoir peur – et encore moins l’admettre. Du pouce, Jinny repoussa son chapeau sur sa tête, et laissa échapper un soupir. « Ouais. Moi aussi je me pose la question, de temps en temps. » admit-elle finalement. Elle, elle ne voyait aucune ressemblance entre Conner et cette crapule de Lex Luthor, mais elle était plutôt bien placée pour savoir qu’un héritage ne se résumait pas toujours à quelque chose de visible. Parfois, il se cachait aussi dans les recoins les plus sombres, tel le monstre sous le lit, prêt à bondir hors de sa cachette sitôt que l’on baissait un peu trop la garde. Le tout, avait-elle fini par se dire avec les années, c’était de savoir lui envoyer sa botte dans la figure sitôt qu’il devenait trop envahissant. Une approche un peu naïve, sans doute, mais ces dernières années ne lui avaient pas donné tort, alors pourquoi s’inquiéter outre mesure ?

« Tu sais ce que j’ai lu un jour, à propos de Jonah ? Qu’il avait tué plus gens qu’il n’y a d’âmes en Enfer. Dramatique comme sens de la formule, hein ? » reprit-elle avec une pointe d’amusement prudent dans la voix. Ah ça, il y en avait, des histoires, à propos de Jonah Hex. Et même s’il y avait quelques optimistes pour le dépeindre comme une sorte de anti-héros du Far West, l’immense majorité des historiens, et de quiconque dans le sud du pays prêtait attention aux légendes urbaines locales, s’accordait pour dire qu’il était probablement un tueur à la gâchette facile et à la morale aussi rigide que douteuse. Le genre de type qui laisse une empreinte sanglante dans l’histoire du pays. Et dans celle de ses descendants, aussi distants soient-ils. « C’est difficile avec lui de séparer le vrai du faux. Tous les gens qui ont pu le connaître sont morts depuis longtemps, je ne pourrai jamais savoir ce que ça veut vraiment dire, finir comme lui. Ca dépend d’à qui tu demandes, je suppose. D’après les descendants d’une tribu apache près de chez moi, c’était ni un homme, ni un démon – une sorte de fantôme qui était malgré tout du côté de la justice. Et d’après d’autres gens que j’ai pu croiser ailleurs, un fou furieux qui a décimé des villes entières. J’ai vu un cimetière ou deux remplis exclusivement de ses victimes. Avec les registres pour le prouver. » se remémora-t-elle. Oh oui, elle en avait croisé, des gens qui avaient une dent contre Jonah, ou, du moins, qui en avaient encore peur, après toutes ces années. Comme si son fantôme pouvait encore revenir les hanter. Peut-être à travers elle, même. « Il y a une famille en particulier, dont ma mère m’a parlé. Les Turnbull. Jonah se les est mis à dos, et depuis, paraît-il, ils en ont après tous les Hex de la planète. » C’est-à-dire plus grand monde, à l’heure d’aujourd’hui. « D’après elle, il s’est passé quelque chose quand j’étais bébé. Mais j’ai plus entendu parler d’eux depuis, donc j’imagine qu’ils ont eu ce qu’ils voulaient, ou qu’ils se sont lassés. » Elle haussa les épaules, et contempla le feu un instant. C’était un sacré casse-tête, l’héritage de Jonah, même sans prendre en compte sa foutue malle. Et elle, après avoir grandi dans une sort e de paranoïa instillée par sa mère, elle avait décidé, à tort ou à raison, de s’en détacher. Parce que le monstre, les monstres, n’étaient finalement jamais sortis de sous le lit, parce que finalement, Hex, ça n’était plus qu’un nom, un fantôme, mais un fantôme sans autre pouvoir que celui qu’elle, elle voulait bien lui donner. Pas vrai ? « Mon nom n’est peut-être pas tout blanc, mais moi, je n’ai rien à me reprocher. Enfin, si, comme tout le monde, mais pas comme lui. Je suppose que dans mon cas, c’est important que je me souvienne de quel genre de personne il était, ou a pu être, que je reconnaisse le poids de ce qu’il a fait… mais je refuse de devenir un substitut. »

Le tableau familial des Hex n’était ni tout blanc, ni tout noir. Juste un immense patchwork avec mille nuances de gris, où personne ne pouvait avoir complètement raison ou complètement tort, et elle, elle devait composer avec ce flou artistique complet. La plupart du temps, ça lui convenait. Elle avait l’habitude. Mais elle se rendait bien compte, en parlant, que ça ne répondait peut-être pas complètement aux questions de Conner. Lui, au contraire, son tableau était très blanc d’un côté, et très noir de l’autre. Un grand écart impossible, mais avec lequel il devait vivre quand même. « Evidemment, plus facile à dire qu’à faire quand cent cinquante ans me séparent de Jonah alors que toi, c’est plus… immédiat, hein ? Je comprends que ça te perturbe. J’avoue que j’ai du mal à voir le chauve siphonné en toi, mais je comprends que ça te fasse peur. » Jinny étendit ses jambes devant elle en soupirant. « T’en as parlé avec Superman ? » S’il y avait bien quelqu’un à même de le soutenir et de répondre à ses questions, ce serait bien lui, non ? L’autre père. L’autre moitié de l’impossible équation.

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Jinny Hex & Conner Kent

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Il est plus facile pour lui de profiter du feu de camp une fois l'épisode Superboy vs les morceaux de bois passé. Puis la tournure que prennent leurs échanges lui chasse sa défaite face à de vulgaires brindilles de son esprit pour qu'il puisse pleinement écouter ce que Jinny a à lui raconter sur sa façon de vivre avec la dangereuse réputation de son aïeul qu'elle est forcée de se trimbaler. Il semble y avoir des motifs derrière les meurtres commis par le légendaire Jonah, mais que ceux-ci soient passables ou non, tout porte à croire que ce dernier possède autant de sang sur les mains que Luthor, si pas plus. Pour le moment, en tout cas. Les yeux de Conner s'écarquillent d'ailleurs faiblement suite à cette découverte. Enfin, tout le monde ne considère visiblement pas le défunt chasseur de prime comme un malfaiteur, là où il est désormais de notoriété publique que l'homme d'affaire chauve n'a jamais rien accompli de louable dans sa vie. Le lien de parenté que chacun des deux campagnards partage avec les deux individus n'est pas identique non plus, comme le précise si bien la Texane. Il apprécie cependant le fait qu'elle soit plus optimiste que lui à l'idée qu'il ne marche jamais sur les pas de son père humain. Aqualad n'a jamais mal tourné, lui, donc il y a peut-être de l'espoir pour le garçon d'acier également. « T'as intérêt à me mettre une balle en kryptonite en pleine tête si tu t'aperçois que mes cheveux commencent à reculer, parce que ce sera ça, le premier signe de ma déchéance. » Sa phrase est accompagnée de trois légers coups de coude contre l'épaule de la rousse, histoire de lui faire comprendre que tout ce qu'il lui raconte ne l'empêche pas de pouvoir faire preuve d'un minimum d'humour. Peut-être qu'elle n'a pas tord et qu'il n'est pas nécessaire d'autant s'inquiéter, que l'éducation des Kent et la bienveillance des personnes dont il s'est entouré le prémunissent d'un jour suivre l'exemple de son criminel de géniteur terrien et de virer du mauvais côté. Et même si le pire venait à se produire, l'hybride suppose que ses camarades seront en mesure de le faire revenir à la raison.

« J'espère m'en sortir aussi bien que toi en tout cas. » Le demi-krytonien marque une brève pause, juste le temps qu'il faut pour porter sa bouteille de soda à ses lèvres et l'éloigner l'instant d'après. « Seul l'avenir nous le dira, j'imagine. » Il secoue ensuite négativement la tête quand l'implication de Superman dans toute cette histoire est demandée. « Il n'y a que Kaldur et toi qui êtes au courant pour le moment. » Pour le moment car il finira bien par en parler aux membres de son cercle rapproché d'amis à un moment ou un autre. Quelque part, Superboy ne regrette pas qu'Aqualad et Jinny soient les deux premières personnes avec qui il en parle. Même s'ils ne lui fournissent pas forcément les réponses qu'il attend, ils comprennent au moins ses tourments étant donné qu'ils ont été des situations similaires. Il a tout à gagner à s'inspirer de la manière dont chacun a géré son héritage familial non-désiré. Une partie de lui se dit même que ces derniers lui apporteront une aide bien plus précieuse que Kal-El.

Tout ce que le demi-Luthor à offrir à son interlocutrice en guise de réponse, c'est un bête haussement d'épaules. « Superman a mieux à faire que de s'occuper d'un gosse en pleine crise identitaire. Surtout en ce moment. » Un extraterrestre comme ils n'en ont jamais vu s'apprête à envahir leur planète, Kon-El préfère donc laisser son mentor se concentrer sur ce qui importe réellement plutôt que sur des soucis qui ne le concernent que lui, au final. Il n'est ni Lois ni Kara, qui plus est. Lui, il passe au second plan. Après qu'il n'y ait plus personne à sauver pour la journée. « Puis lui et moi n'avons jamais été vraiment proches, on ne va pas se mentir. Je ne sais même pas comment parler de trucs pareils avec lui. Pour te dire, c'est plus facile pour moi de me confier à toi plutôt qu'à lui alors qu'il est le plus impliqué de vous deux dans l'histoire. » Et leur relation est ainsi depuis que le jeune homme est sorti de sa cuve pour explorer le monde. Il ne l'a jamais vraiment exprimé devant les autres, mais il envie secrètement la majorité de ses partenaires qui peuvent constamment trouver une oreille attentive en ceux qui les ont introduits dans l'univers des super-héros. Il y a toujours un sentiment de malaise lorsque le clone doit faire part de ce qui le tourmente à son modèle génétique. Il met un point d'honneur à toujours se comporter comme si rien ne l'ébranlait en sa présence, comme si aucun obstacle sur Terre n'avait jamais réussi à lui saper le moral. C'est l'image que l'Homme d'Acier renvoie au reste du monde, alors son double juge que lui aussi doit être perçu de la même manière. Puis, plus que les chamboulements qu'il traverse, c'est le jugement qui pourrait venir avec qui le terrifie. Il craint que, en apprenant qui est son second père, Superman se méfie de lui et qu'ils en reviennent au point zéro, lorsque le simple fait de réussir à s'adresser la parole sans détourner la parole relevait déjà du miracle. « Ce ne sera pas la première fois que je le déçois, mais j'ai tout de même peur de sa réaction. » J'ai peur. Ce n'est pas tous les jours que quelqu'un peut se vanter de l'avoir entendu prononcer ces deux mots. A voix haute, tout du moins.

Kent ne pensait pas que monter à bord du Colonel réussirait à autant lui délier la langue. Il en est venu à confier à sa camarade des choses bien personnelles que prévu finalement, mais cela lui fait du bien, mine de rien. Il lui reste encore du chemin à parcourir avant qu'il puisse avancer sans se soucier de la réputation inscrite sur certaines branches de son arbre généalogique comme le fait la cowgirl, mais il le sent déjà plus léger. Et prêt à pleinement profiter de leur voyage, par la même occasion. « Tu m'as parlé de s'mores tout à l'heure, sinon. Qu'est-ce que c'est ? » Questionne-t-il en reprenant son visage curieux. C'est une partie de sa personnalité qui ressort moins souvent que son côté grognon et conflictuel, mais Conner a pourtant toujours été un grand avide de connaissances. Probablement parce que beaucoup de choses lui ont été privées lorsqu'il se faisait encore appeler Projet 13, il désire maintenant connaître tout ce que Cadmus lui a empêché d'expérimenter durant bientôt presque cinq ans. Et Jinny lui a prouvé être une parfaite formatrice dans bien des domaines jusqu'à présent. Le continuera-t-elle de l'être ?

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Que Kaldur et elle ? Wow, quel honneur ; et ça n’était même pas ironique comme pensée, en plus. Elle ne blaguait pas quand elle comparait ouvertement Superboy à un hérisson, mis la comparaison avec un chat un poil féral aurait tenu la route aussi : difficile à approcher, plus difficile encore à apprivoiser. Enfin, l’apprivoiser, elle en était encore loin, mais l’approcher, visiblement, elle avait, d’une façon ou d’une autre, un peu par accident, fait un pas dans la bonne direction, alors, pour ne pas le mettre mal à l’aise, elle se contenta de hocher la tête. Hé, s’il en était à blaguer qu’elle pourrait bien lui coller une balle de kryptonite dans la tête s’il en venait à dérailler, c’était que le moral n’allait pas si mal, non ? Même si l’humour de Conner se révélait étonnamment sombre, au moins, pour ça, il avait trouvé bon public, le sagouin. « Ca veut dire que c’est à nous que revient la charge de te rappeler l’existence d’implants capillaires ? Hé, entre Luthor, Black Adam et Hugo Strange, tu crois qu’il y a corrélation entre calvitie et super-villainie ? » Quoi, ça se tenait parfaitement comme hypothèse, non ? Enfin, si on excluait le Limier Martien de l’équation. Et qui sait, peut-être que Batman était chauve comme un caillou, sous son masque. C’était ça, qui était bien, quand comme Jinny on débarquait comme une fleur dans ce monde-là : rien ne paraissait assez dingue pour être impossible, et l’on pouvait laisser divaguer sa folle imagination sans penser à la brider. Dans les moments comme ceux-là, où l’impossible devenait possible, où les milliardaires siphonnés pouvaient combiner leur ADN avec des aliens surpuissants (et personne, personne ne pourrait jamais convaincre Jinny qu’il n’y avait pas là un fantasme bizarre et non-assumé de la part de Luthor, mais elle se garda bien de partager cette conviction avec le fruit de ces drôles de recherches), mieux valait en rire qu’en pleurer, pas vrai ?

Hélas, toutes les situations ne s’y prêtaient pas, et un père pas vraiment consentant qui ne trouvait pas le temps d’écouter ou de venir en aide à son clone égaré, ça ne lui donnait pas vraiment envie de rire, à Jinny. Elle souriait moins, alors que Conner lui dressait le portrait d’un superhéros capable de porter le monde sur ses deux épaules, mais visiblement désemparé face à une situation sur laquelle il n’a pas vraiment de contrôle. Loin d’elle l’idée ou l’envie de juger Superman, l’homme qui sauvait le monde inlassablement après avoir perdu le sien, et ne s’était sans doute pas attendu à ne plus être le dernier des Kryptoniens, mais… une part d’elle-même ne pouvait s’empêcher d’éprouver une pointe de regret face à la situation de Conner. Et de Superman. Elle n’avait jamais perdu tout un peuple, ni toute une planète, la rouquine, mais ne plus avoir de famille vers qui se tourner ? Etre le dernier de son nom, ce sentiment d’isolement que seuls les vrais orphelins et les sans-familles pouvaient connaître ? Ca oui, elle connaissait. Plutôt bien, même. Sans doute son seul point commun avec l’homme d’acier. Et elle, elle savait qu’elle donnerait beaucoup de choses pour qu’on lui révèle que oh, plot twist, il existait encore un autre Hex quelque part. Alors oui, forcément, ça la désolait un peu, de constater que Conner se retrouvait dans la même situation qu’elle, tout seul et sans ressources face aux multiples questions que posaient son héritage, et son existence même, alors que, contrairement à elle, il existait encore quelqu’un dans ce monde capable de l’aider à surmonter tout ça. Quelqu’un qui aurait dû, et pouvait peut-être encore, le tirer de cette solitude existentielle qui le poussait à se confier à une simple fille de la campagne qui aimait un peu trop les Colts et mal conduire.

« T’as pas choisi qui t’a fait, Conner. Si Superman est seulement la moitié du type qu’il a l’air d’être, il sera sûrement déçu par Luthor, mais pas par toi. » répondit-elle en lui adressant un sourire compatissant. « Même si je comprends que t’aies peur. » Parce qu’à sa place, elle aurait sacrément les chocottes aussi. « Et puis si un jour vous en parlez et qu’il est vraiment déçu, alors il te mérite pas. Et j’irai lui coller une patate moi-même, à l’homme d’acier. » Parole de Hex. Et sur ces belles paroles, le changement de sujet bienvenu lui arrache un franc sourire, et elle gratifia Conner d’une tape amicale sur l’épaule avant de se redresser pour galoper jusqu’au Colonel et grimper dans sa benne pour fouiller dans leurs réserves à l’arrière. Puis, elle revint en trottinant, les bras chargés d’un précieux butin constitué de marshmallows, de biscuits, et de barres de chocolat. Ah, s’il voulait son baptême de camping, Conner Kent, il allait l’avoir ! Avec un soupir de contentement, elle se laissa retomber aux côtés de son camarade. « Trouve-toi une branche pour te faire une brochette. Ce soir, tu deviens un vrai baroudeur, Kent. » Et, en prof très sérieuse qu’elle était, elle lui montra tous ses secrets : comment planter le marshmallow et le tenir au-dessus du feu pour que tous les côtés en fondent juste ce qu’il faut, comment vite déposer le marshmallow bien brûlant sur le biscuit et le chocolat pour que le chocolat fonde par association, comment poser le deuxième biscuit pour former un sandwich. Et après ça, elle lui apprit même comment coincer un morceau de chocolat dans le marshmallow, pour encore plus de délice totalement saturé en sucre. Si avec ce savoir-faire, il ne lui en mettait pas plein les yeux, à Superman, alors Jinny ne savait plus quoi faire. « Alors ? » demanda-t-elle à son compagnon d’aventures en mordant dans son propre s’more. « On est pas bien, là ? » Elle espérait qu’il réponde oui, quand même. Parce qu’elle, ma foi, elle était plutôt pas mal. Lâchant un soupir de contentement, Jinny laissa son regard dériver vers le fleuve, dont le bruissement et les clapotis complétaient agréablement les craquements du bois de leur feu de camp. « On faisait tout le temps ça avec ma mère quand j’étais petite. Quand elle est tombée malade, on a fini par ne plus pouvoir partir, donc on a arrêté. Mais je me suis promis qu’un jour je ferais comme elle, et que je transmettrais cette tradition à quelqu’un. Ca me fait plaisir que ce soit toi. » Son frère d’armes, et surtout, son frère de la campagne. Un peu de familiarité dans ce monde de brutes. Et puis, elle était sûre et certaine que sa mère aurait approuvé son choix. Conner Kent avait peut-être été fabriqué dans une cuve, mais que Luthor le veuille ou non, il était taillé du même bois qu’elles. « Peut-être même que tu pourrais apprendre ça à Kaldur. Ou à M'Gann. » Quoi ? Si on ne pouvait même plus rire, hein.

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Jinny Hex & Conner Kent

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Le jeune Kent se surprend lui-même à autant se livrer sur ses inquiétudes vis-à-vis de son sombre héritage. D'ordinaire, il se serait contenté de se triturer les méninges dans son coin, à chercher par lui-même des réponses que seuls les autres peuvent lui apporter. Puis, quand il aurait atteint le point de saturation, il aurait passé des journées entières à maltraiter les sacs de sable de la salle d'entraînement du Mont Justice quand il ne serait pas en train de fracasser le visage du premier méta-humain criminel à portée de vue contre le béton. Se confier auprès d'autrui n'est ni finalement pas si mal que ça. Moins de personnes souffrent et, mieux encore, personne ne le réprimande pour ses manifestations de colère excessives. Dans le cas présent, cela lui permet même de découvrir les joies de voyager sans n'avoir rien prévu au préalable, si ce n'est tout un stock de railleries sur la façon de conduire de Jinny. Par chance, celle-ci ne s'offusque jamais de son humour et trouve toujours comment rebondir à la perfection. Comme lorsqu'il plaisante en annonçant qu'il faudra l'appréhender dès les premiers signes d'un début de calvitie. « Si Robin était présent, il nous conseillerait sans doute de vérifier ce que l'on avance avant de de déclarer quoi que ce soit, mais cette hypothèse me plaît bien. » Le taux de vilenie serait donc inversement proportionnel à la quantité de cheveux que l'on possède sur la tête, mmh ? Autant le simple fait d'imaginer un tel lien entre ces deux phénomènes l'amuse, autant Superboy doute qu'ils arrivent à tirer de réelles conclusions. Il ne risque pas d'être le plus utile des deux pour y arriver en tout cas, ça c'est sûr. Observer, analyse, puis déduire. Il préfère laisser cela aux grosses têtes comme Tim. De telles tâches demandent de la patience et, bien qu'il fasse un effort, il lui faudra encore un certain temps avant de pouvoir ajouter cette qualité à sa courte liste de vertus.

« La cowgirl du Texas contre l'alien du Kansas, faites vos paris dès à présent. » Ses lèvres libèrent un petit rire à l'idée de voir Jinny en venir aux mains avec son père de Krypton. C'est un spectacle qu'il ne manquerait pour rien au monde. Fierté oblige, ce n'est qu'à travers quelques coups d’œil vers la native de Dripping Springs et de rares sourires à l'occasion que le garçon d'acier lui montre sa gratitude. La remarque de cette dernière lui rappelle qu'être dans les bonnes grâces de son modèle génétique n'est finalement pas aussi vital qu'il a tendance à le penser. Pourquoi chercher l'approbation d'un justicier qui ne se préoccupe pas de vous quand vous avez déjà obtenu celle de l'équipe de jeunes super-héros la plus cool qui soit ? La Young Justice, et les Teen Titans dans une certaine mesure, ont beaucoup plus contribué à son évolution que Clark. Ce dernier l'a aidé à avoir un certain contrôle sur ses pouvoirs, mais les choses n'ont pas été plus loin. Il n'a jamais souhaité que son double l'accompagne sur le terrain et ne l'a jamais aidé à s'améliorer, contrairement à ses amis alors que la plupart d'entre eux ont moins d'expérience que Superman. Relever cette différence lui fait remarquer à quel point il est absurde que l'avis de celui-ci importe plus que celui de ceux qu'il côtoie au quotidien.

Le clone hausse un sourcil en observant le soudain élan d'énergie qui envahit sa camarade. Il ne pensait pas que sa question, posée le plus innocemment du monde, provoquerait un tel enthousiasme chez elle. Son intérêt ne fait que grimper en conséquence. Les fameux s'mores doivent réellement en valoir le détour pour que la chasseuse de primes réagisse de la sorte. Conner patiente alors, laissant la dernière des Hex fouiller dans son pick-up pendant qu'il profite des faibles vagues de chaleur émanant du feu de camp. Sa curiosité est au plus haut niveau quand il la voit revenir tel Wally après avoir dévalisé le frigo du Mont Justice pour son " petit creux de minuit ". Du chocolat, de la guimauve et des biscuits. Martha crierait sans aucun doute au scandale en découvrant la quantité massive de sucre que la rouquine s'apprête à faire avaler à son jeune disciple avide de connaissances. Kent n'a jamais compris pourquoi sa grand-mère adoptive a toujours tant tenu à ce que son alimentation soit la plus saine possible en permanence, ce n'est pas comme si sa constitution pouvait lui permettre de mourir du diabète, après tout. Dans tous les cas, cette habitude à manger bio et équilibré fait qu'il appréhende ce que son amie va lui faire goûter. L'envie d'apprendre s'avère heureusement plus fort et il suit donc les instructions qui lui sont données avec énormément d'attention. Les morceaux de bois ont réussi à le mettre à l'amende, mais ce même échec ne se reproduira pas deux fois en un jour. Chaque geste est répété presqu'à l'identique, l'entièreté de son attention est focalisée sur la préparation de ces fameux s'mores, si bien que l'hybride ne s'autorise à sortir de son silence que pour montrer sa satisfaction quand il obtient un résultat similaire à celui de Jinny. Il ne reste plus qu'à déguster désormais. « Hum... est le seul bruit qui s'échappe de sa gorge pendant qu'il mâche sa confiserie. Il fixe sa formatrice sans réellement la regarder, trop occupé à user de son sens du goût pour analyser ce que ses dents sont en train de mastiquer. L'effort de concentration le fait plisser des yeux avant qu'il ne se décide finalement à déglutir quand il se juge prêt à donner son avis. « Ça passe. » Toute cette attente pour ce seul commentaire, oui. Le demi-kryptonien a toujours préféré se contenter d'un " j'aime " ou " je n'aime pas " pour donner son avis sur ce qu'on lui propose, être plus précis sur ce qui lui plaît ou non est une chose sur laquelle il travaille encore.

Tout ce que reçoit la native de Dripping Springs en guise de réponse, c'est un grognement approbateur de la part de Superboy en même temps que ses dents s'enfoncent une nouvelle fois dans le biscuit. Le garçon d'acier ne se montre peut-être pas très expressif, mais ses actions parlent de toute façon suffisamment pour lui. Tout le monde ne peut pas se vanter de l'avoir embarqué en terre inconnue sur un coup de tête, ni de l'avoir vu se battre et perdre contre de vulgaires brindilles et encore de l'avoir entendu se confier sur ses craintes vis-à-vis de ses gènes terriens. Et tout ça en moins de vingt-quatre, en plus. Aucune de ces choses ne se seraient produites s'il n'était pas bien, là, comme le dit Jinny. Puis, Kent redevient silencieux quand cette dernière lui parle de ses activités avant qu'elle ne croise la route de la Young Justice. Sa relation avec sa mère lui rappelle un peu celle qu'il partage avec Ma'. Elle aussi lui a enseigné pas mal de principes qu'il aimerait un jour inculqué à autrui. Le clone sourit alors en apprenant qu'il est celui que la cowgirl a élu pour transférer son immense savoir culinaire. « Il n'existe pas de plus grand honneur sur Terre que d'avoir été choisi pour transmettre l'art ancestral de la confection de s'mores façon Hex à son prochain. » Déclare-t-il en bombant le torse, tel un preux chevalier, sélectionné parmi tant d'autres, à qui l'on aurait confié une tâche de la plus haute importance. Pas sûr qu'il soit un aussi bon professeur que la Texane, ceci dit. Le scénario le plus plausible est qu'il crie sur ses élèves parce qu'ils ne prépareraient par leurs biscuit-sandwich avec autant d'élégance et de talent que la sa sœur de campagne. C'est un détail qu'il ne laisserait passer sous aucun prétexte. Soit vous faites comme la rouquine, soit vous ne faites rien tout court. « Je ne sais pas comment t'as fait, mais j'ai l'impression que t'as réalisé avant moi à quel point j'avais besoin de changer d'air. » Ou peut-être que son interlocutrice a simplement su lire à travers tout le non-dit exprimé par son corps. Ou alors il existe encore une autre hypothèse ? « T'as peut-être bien des super-pouvoirs, toi aussi. »

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Les s’mores étaient donc testés et approuvés par le fils de Superman et Lex Luthor – non, stop, ne pas éclater de rire, Jinny, ce serait fort mal venu, même si ça sonnait vraiment comme une très mauvaise fanfiction que Luthor aurait écrite lui-même. Mais là n’était pas le sujet, l’important, c’était que ce monument de la culture du road trip remporte elle aussi l’approbation de Superboy, ce qui tenait à cœur à Jinny, parce que Jinny ne pouvait pas vraiment imaginer ce que ça faisait de naître dans un corps de vingt-quatre ans et d’avoir la pression qu’avait eu Conner sur les épaules. Lui, les souvenirs d’enfance, les expériences formatrices, toutes les conneries quand on est jeune parce qu’on n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans, il n’y avait pas eu droit. Parce qu’un foutu chauve dans une tour d’ivoire avait cru fabriquer un sujet d’expérience, plutôt qu’une vraie personne. Et l’Oscar du pire père de l’année revient à… satisfaite de cette petite victoire, Jinny mordit à son tour dans son sandwich outrageusement sucré et calorique. Depuis qu’elle avait quitté Dripping Springs, elle n’avait plus beaucoup d’attaches, dans sa vie, la cowgirl. Un pick-up rouge avec une malle pleine de trucs louches à l’arrière. Une copine moitié-humaine moitié-plante qui apparaissait et disparaissait quand ça lui chantait. Un ex-Robin reconverti vigilante radical. Ses attaches étaient devenues mobiles ; ou alors, elles étaient devenues des personnes, plutôt que des lieux familiers. Et maintenant, elle commençait à se demander si, peut-être, elle ne pourrait pas un jour ajouter son frère de la campagne à la collection. Pas de pression, pas de contrepartie ; juste le compter comme une constante, mouvante, mais constante, dans le paysage un peu cinglé de sa vie. Et puis, comme les autres, il irait et viendrait comme bon lui semble, et de temps en temps ils iraient sauver le monde avec le reste du gang. Oui, ça lui paraissait pas trop mal, comme plan.

Mais, comme il était un peu tôt quand même pour partager avec Conner ses conceptions un peu étranges et très personnelles de l’amitié nomade, elle se contenta de lui adresser un sourire et un pouce levé afin de signifier son approbation – voilà, Conner Kent, officiellement sacré chevalier du s’more, c’était acté devant les dieux du Delaware. Tant d’enthousiasme qui faisait plaisir à voir – l’héritage de Jinny et de sa mère était entre de bonnes mains. Tentant tant bien que mal de garder une soudaine situation de chocolat qui débordait sous contrôle, Jinny dut s’en désintéresser un bref instant pour relever les yeux sur Conner, et lui adresser un léger coup de coude amical accompagné d’un sourire un peu de travers ; un sourire de conspiratrice, un de ces sourires qui appartenaient aux gens qui avaient l’habitude d’en dire moins que ce qu’ils en pensaient réellement. « Un coup de chance qu’on se soit croisés au Mont Justice. » Coup de chance, destin, bah. Same difference. « On va dire que c’est l’habitude. A force d’être sur la route, on apprend à les reconnaître, ceux qui ont besoin d’un petit changement de perspective. » Si peu de gens prenaient le temps – ou pouvaient se le permettre – de s’aérer l’esprit quand leur monde devenait si étroit qu’ils s’en trouvaient écrasés. Jinny ricana. C’était pas des superpouvoirs, c’était du bon sens et un œil un peu avisé. Mais hé, c’était flatteur pour son égo, au milieu de sa nouvelle bande de super-colocataires. « Si ça a marché, c’est le principal. » Et peut-être qu’à son tour, il en prendrait l’habitude, et qu’un jour ce serait lui qui proposerait une sortie improvisée à une âme en peine. Qui pouvait savoir de quoi demain serait fait, après tout ?

Assise dans l’herbe, le dos contre le tronc d’arbre couché et ses coudes posés dessus, Jinny croisa les jambes devant elle et laissa échapper un soupir de contentement, profitant allègrement de cette pause bien méritée après tout ce qu’ils avaient enduré sur Terre-4. Les ennuis allaient revenir leur chercher des poux bien assez tôt. Ils l’avaient amplement mérité, ce bol d’air. « On a tous des noms un peu lourds à porter malgré nous, non ? Superman-Superboy. Luthor. Flash. Robin. Hex. Et j’en passe. » réfléchit-elle à voix haute, avant de hausser les épaules. « Vu le cadeau, je crois qu’on a le droit d’en garder le meilleur et de jeter le pire à la poubelle. » Et peut-être qu’il y avait un peu d’amertume, qui venait de se glisser dans la voix de Jinny. Elle en avait soupé, de l’histoire des Hex, en grandissant, et en même temps, sa mère lui avait-elle jamais réellement dit quoi que ce soit de substantiel ? A part instiller une paranoïa familiale, faire danser devant elle ce fantôme d’une énigmatique famille ennemie comme d’autres parents menacent leurs enfants du croque-mitaine, qu’avait-elle réussi, de ce côté-là, madame Hex ? Ouais, cette partie-là de l’héritage, désolée, mais Jinny n’en voulait pas. Et si Superman venait reprocher à Conner de ne pas vouloir de son héritage Luthor, c’est vraiment qu’il avait deux-trois choses à apprendre, l’homme d’acier. « Tu te vois remettre ça, un de ces quatre ? » ajouta-t-elle, inerrogatrice, en relevant la tête vers son compagnon d’aventures. « Si t’as envie de compagnie toi aussi quand ça arrive, t’hésites pas, okay ? Les road trips tout seul, c’est très bien aussi tu me diras. Mais des fois, ça n’a pas le même charme. Donc, que tu saches, même si c’est juste ‘hey, allons faire un tour’, sans questions ni discussions profondes… Deal ? » Et, puisqu’aujourd’hui était la journée de tous les possibles, elle leva le poing vers Conner, l’invitant à un fistbump – et tant pis s’il lui brisait le poignet au passage. Ca en valait la peine. En remerciement de l’avoir accompagnée ; parce qu’au fond, ils avaient été deux, ce jour-là, à avoir eu besoin de s’évader un peu.

AVENGEDINCHAINS

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Jinny Hex & Conner Kent

◊ ◊ ◊

Kon-El grimace en mastiquant sa confiserie. Le goût n'est pas déplaisant, mais il peine à se débarrasser des morceaux de guimauve fondue qui collent à ses dents, même le passage de sa langue dessus n'y peut rien. Converser avec Jinny l'aide heureusement à se focaliser sur autre chose que sur son inconfort. Il a l'impression de ne faire que ça depuis qu'ils ont franchi les frontières de la Pennsylvanie, mais le jeune homme hoche à nouveau la tête en signe d'approbation. Il ne voit pas bien quoi rajouter tant les pensées de la rousse sont en harmonie presque totale avec les siennes. " Presque " car quelques incertitudes persistent encore dans son esprit. Il est facile pour son amie de suivre les principes qu'elle évoque, elle est au courant du lien qui la relie à son ancêtre depuis bien plusieurs années. Lui, cela fait à peine six mois qu'il lui est possible de donner un nom à celui dont la moitié de ses cellules proviennent. Il est donc encore trop tôt pour qu'il se sente capable de vivre en ne conservant que les facettes qui lui plaisent de son héritage. Avec un nom comme celui de Luthor écrit dans son ADN, il n'est même pas certain d'y arriver un jour. « Pas sûr qu'il y ait quelque chose de positif à garder chez le vieux chauve, par contre. » Si le justicier refuse de lui donner le moindre surnom affectif, cela ne veut pas dire qu'il s'interdit également de l'appeler par tous les termes peu élogieux qui germent dans son cerveau. Tout en restant un minimum poli, bien sûr, parce que Madame Kent n'a pas élevé de malotru. « Ah ? Tu faisais peut-être référence à Superman ? » Son ton laisse difficilement savoir si l'erreur a été faite inconsciemment ou s'il s'agit là d'une tentative d'humour de sa part. La tâche paraît toutefois plus aisée à réaliser avec le géniteur dont il est le plus proche. L'homme d'acier est considéré comme le symbole de l'espoir partout dans le monde et sa réplique a déjà profité de son influence à bien des reprises.

Conner n'a pas à réfléchir très longtemps à une réponse aussitôt la question de la cowgirl posée. Il n'a pas râlé aujourd'hui. Enfin si, mais beaucoup moins que d'ordinaire. Il n'était même pas vraiment nécessaire à Jinny de continuer à développer sa proposition, l'attitude détendue du clone et les activités auxquelles il a accepté de participer laissent clairement sous-entendre qu'il est partant pour retenter l'expérience. D'autant plus que ce dernier soupçonne sa formatrice de détenir encore deux ou trois traditions de baroudeuse à lui inculquer. « Juste des s'mores et ce bon vieux Colonel, c'est ça ? » Superboy fera un effort pour ne pas embarquer ses complexes identitaires dans ses bagages la prochaine fois. Un franc sourire étire ses lèvres quand son poing se colle à celui de la cowgirl, un contact qui le met bien plus à l'aise que toutes les accolades auxquelles certains de ses proches le confrontent beaucoup trop régulièrement à son goût depuis le retour de Terre-IV. « Deal. Tout devrait bien se passer s'il n'y a aucun feu de camp à allumer. » Après les petites perles de sagesse que sa camarade lui a offertes, sa bataille contre des brindilles restera sans aucun doute le plus mémorable de ses souvenirs de la journée. Souvenir mémorable qu'il ne partagera bien sûr avec aucune de ses connaissances, parce que personne ne doit savoir qu'il est capable de survoler des buildings en un bond, mais est incapable de générer un feu avec des bouts de bois. N'est pas MacGyver qui veut. C'est avec des clés à molette et des tournevis que le jeune Kent est le plus habile. Ca, il l'a bien compris au cours de leur aventure. Il se surprend même à ne pas avoir usé de cette excuse pour justifier son incapacité à accomplir une tâche aussi simple. Puis maintenant que cette péripétie est passée, le demi-kryptonien commence à en rire lui-même.

Il s'est quand même bien amusé durant ce road trip, mine de rien, en plus de se sentir plus léger maintenant qu'il avait parlé de ses problèmes avec une autre personne, sans craindre le moindre jugement en retour. Il lui reste encore un certain travail à faire sur lui-même, mais nul doute que les pistes qui lui ont été données lui seront d'une grande utilité. « Au fait, Jinny. » Commence-t-il en tournant son regard vers son interlocutrice après s'être rendu compte que plus aucun morceau de biscuit ne se trouvait au bout de son bâton. La moue qu'il affiche sert autant à exprimer sa déception d'avoir terminé son s'more qu'à montrer l'embarras qui le fait traîner une dizaine de secondes avant qu'il n'aille au bout de son idée. « Merci pour ce road trip. » Les mots sortent un peu plus facilement que d'habitude. C'est peut-être parce que le garçon d'acier se sent réellement redevable à son égard que " merci " ne sonne pas comme la plus honteuse des vulgarités dans sa tête cette fois-ci. Il ne faut pas que cela devienne une habitude, mais il lui doit bien des remerciements aujourd'hui. Pour toute l'aide qu'elle a réussi à lui procurer sans forcément le réaliser.

(c) oxymort

Invité Invité

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« Juste des s’mores et ce bon vieux Colonel. » promit-elle, en affichant un grand sourire. Pacte scellé de poing à poing, promesse de gosses de la campagne qui n’avaient plus assez l’occasion de renouer avec leurs racines, qu’importe qu’elles soient réelles, ou adoptives, ou les deux. Qu’est-ce que ça lui avait manqué, à Jinny, de pouvoir embarquer quelqu’un et disparaître quelques heures au milieu de nulle part pour oublier ses problèmes. Hier, c’était ses disputes avec sa mère, qu’elle fuyait, aujourd’hui, c’était un monde menacé par des superintelligences intergalactiques, mais la finalité était la même. Même son cercle social avait perdu tout sens de normalité – des aliens, des vigilantes entraînés dès le biberon, des métahumains capables de la briser en deux d’une pichenette. Et au milieu de tout ça, il y avait Jinny Hex. Une gamine très ordinaire du Texas, qui n’était jamais sortie de sa région avant de recevoir un mystérieux coffre en héritage, et s’était sans trop comprendre comment retrouvée au milieu de tous ces gens extraordinaires. Et Jinny plaisantait souvent, en mission, de la dinguerie complète de leurs vies quotidiennes, se plaignant régulièrement d’être au bord de la crise de nerfs et d’accès psychotiques – l’humour pour donner une bonne couche de vernis par-dessus ce qu’elle enfouissait tout au fond de sa poitrine, pour ne pas devoir admettre que parfois, elle était sacrément désemparée face à tout ce qu’ils avaient à affronter. Elle ne manquait pas de courage ni de panache, la rouquine à chapeau. Mais elle n’était pas aveugle non plus. Et parfois, ça lui manquait, l’avant – cette époque où la vie était plus simple et où le monde se cantonnait aux frontières de Dripping Springs.

Alors oui – Conner l’avait dit bien mieux qu’elle, mais elle aussi, de temps en temps, elle en avait bien besoin, de juste des s’mores et ce bon vieux Colonel. Conner lui avait offert l’opportunité qu’elle n’avait même pas su chercher, après être revenue au Mont Justice ; constat dont elle s’amusait encore, quand la voix de son camarade l’arracha à ses pensées. Oof, était-ce de l’hésitation qu’elle percevait dans sa voix ? Patiente, Jinny attendit, sourcils arqués dans l’attente d’une sentence pleine de suspense. Et puis boum. Merci. Oh. Une étincelle naquit dans ses yeux noisettes, et un sourire vint ourler le coin de ses lèvres, avant qu’elle ne porte la main à son chapeau pour tirer légèrement sur le bord. « Merci à toi. » se contenta-t-elle de répondre. Elle avait bien compris que Conner n’était pas du genre à s’épancher ; alors ce merci, c’était une jolie surprise pour ponctuer leur drôle de voyage. Et puis, lui aussi, il avait bien mérité un remerciement. Pour cette dose de normalité, ce shot de familiarité quand tout foutait le camp partout ailleurs. Qu’il lui manquait, son Texas natal, ces derniers temps ; et qu’il était drôle, finalement, de retrouver ce sentiment réconfortant de chez-soi non pas en revenant à Dripping Springs, mais en compagnie d’un jeune homme avec qui, sur le papier, elle n’aurait jamais dû rien avoir en commun. Donc ouais – merci pour ce road trip, Superboy. Pour lui, ç’avait peut-être été l’occasion de se livrer à une introspection nécessaire et se débarrasser de quelques poids qui pesaient sur ses épaules ; pour elle, c’avait été l’occasion de se rappeler pourquoi elle avait finalement accepté de rejoindre la Young Justice, et peut-être, de repartir dans quelques heures de Pennsylvanie avec la certitude d’une amitié consolidée sur les rebords du fleuve Delaware. Elle n’avait vraiment pas envie d’en demander plus. S’il avait trouvé ce qu’il était venu chercher, alors elle aussi. Mission accomplie.

« Et ressers-toi des biscuits et des marshmallows, il me rend triste, ton bâton sans rien dessus. » qu’elle le charrie en lui faisant passer les précieuses denrées. Et comme ça, la trêve était signée, le reste du monde et ses désastres en pagaille, ses parents défectueux et ses chauves diaboliques, enfermés dehors pour qu’eux, les héritiers des bêtises des grands, puissent s’octroyer le droit de vivre un peu pour eux, aussi. Jinny, elle, irait même jusqu’à s’estimer rassurée. Elle avait longtemps hésité – trois ans ! – avant d’accepter de rejoindre les rangs de la Young Justice, officiellement, avait craint de ne pas y avoir sa place, de n’être qu’une intruse dans un monde qui n’était pas le sien. Peut-être qu’elle se sentirait encore comme ça, parfois, quand la vie deviendrait encore plus délirante qu’elle ne l’était déjà. Mais c’était pas si grave. Maintenant qu’elle était sûre d’y avoir un allié en la personne de Conner, d’y avoir cette précieuse présence qui, même en silence, lui rappelle qu’elle n’est pas réellement toute seule, alors tout irait bien. « Tu sais que j’ai jamais été au Kansas ? » fit-elle remarquer, pour relancer la conversation ; et qui sait, peut-être qu’un jour, au lieu d’aller se perdre dans les forêts de pins de Pennsylvanie, ce serait les champs de maïs et les grandes étendues battues par les vents, qui accueilleraient de prochaines pérégrinations de deux déracinés et un pick-up qui s’étaient trouvés, un peu par hasard, et un peu par choix.

FIN.

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