« Citoyens de Gotham City. Ce soir, je déclare l'ouverture de la plus grande chasse à l'homme de votre histoire. Bruce Wayne, l'homme derrière le masque de Batman, est vulnérable. Il est la raison pour laquelle tant de malheurs se sont abattus sur cette ville durant les vingt dernières années. J'offre dix millions de dollars à celui qui m'apportera sa tête. Quant à toi, Chevalier Noir... tu combattras. Tu affronteras les malheureux qui souffrent par ta faute et tu vas les empêcher de te tuer. Mais à la fin, tu seras acculé comme un rat, et tu mourras. »
Le message de Black Mask, alors que le bat-signal venait de s'allumer dans l'obscurité grandissante de la nuit, retentissait partout. Il avait réussi à se connecter à tous les écrans de Gotham, à tous les haut-parleurs, et il diffusait son annonce pour que personne ne puisse ignorer la mise à prix de Batman.
« Tu es un homme puissant, Wayne, et un ennemi d'une valeur considérable. C'est pourquoi j'ai choisi quatre assassins pour te traquer personnellement, et crois-moi, ils parviendront à remplir leur tâche. Et même si tu parvenais à les vaincre, qui empêcherait quelqu'un de s'en prendre à ta chère Catwoman ? Si seule, si vulnérable dans l'East End ? Entends, peuple de Gotham, la faiblesse du Chevalier Noir : Catwoman ! Tuez-la, et la chauve-souris sera vulnérable. Tuez-la, et j'offrirai un bonus de dix millions supplémentaires pour sa mort. La chasse commence. »
Il s'était écoulé deux minutes et trente-huit secondes quand l'explosion retentit dans l'East End. Sans même chercher à la localiser précisément, Bruce savait d'où elle venait : l'appartement de Selina. Les assassins avaient sans doute prévu leur coup depuis un petit moment, et il n'était donc pas surprenant qu'ils aillent directement là-bas. En arrivant sur les lieux, étonnamment, le Chevalier Noir ne trouva nulle trace des agresseurs, et il n'entendait que les échos des flics pourchassant des malfrats dans les rues adjacentes.
« Alfred, comment ça se passe de votre côté ? »
« Plutôt bien, monsieur. Personne n'a cherché à pénétrer dans l'enceinte, si c'est là votre question. De toute façon, ils n'y parviendraient sans doute pas. Le commissaire Gordon a envoyé du nouveau, en revanche. Je vous transmets le message de ce pas. »
« A toutes les unités, on signale une prise d'otages dans Old Gotham, près du port Miller. Des types armés ont été aperçus avec leurs prisonniers dans le centre commercial Riverfront Center. Si Batman et Catwoman apparaissent, n'intervenez pas. Le premier qui tirera sur eux pour toucher la prime de cet enfoiré de Black Mask sera viré. »
Gordon avait compris tout le danger de la situation, et Bruce était enclin à essayer de lui pardonner tout écart. A lui, et à ses subalternes, d'ailleurs. Car dix millions, voir vingt millions, représentaient une somme tellement conséquente et un espoir tellement énorme pour le Gothamite moyen que même le flic le plus intègre pouvait tomber. Et dans le GCPD, nombreux étaient les hommes et femmes aisément corruptibles, malgré autant d'années passées.
Le Chevalier Noir s'approchait du centre commercial en question quand il capta du mouvement à l'orée de son champ de vision. Cat ? Ou un des assassins ? Il rangea l'information dans un coin de son esprit, et se prépara à bondir. Il voyait, grâce à ses outils perfectionnés, qu'il y avait effectivement une dizaine de personnes pour trois otages. D'abord, il allait s'occuper d'eux, et ensuite, il s'occuperait de Black Mask.
"Set your eyes on the setting sun This is the turnaround, turnaround Do you mind me forever young? This is the turnaround, turnaround ♪"
Dès les premiers échos de la diffusion, Selina était déjà loin de l’East-End. Son objectif ? Fuir. Et si ce n’était pas Kyle qui l’avait accompagné dans cette tâche, c’était bien Catwoman qui l’en sortirait. Du moins elle l’espérait. Mais les hauts parleurs ruinèrent son plan. En plein saut, elle rippa sur un toit avant d’atterir lourdement et quiconque connaît le chat sait bien qu’il ne s’agissait pas là d’une simple maladresse : La voix empreinte de sadisme qui avait résonné dans Gotham était remontée le long de sa colonne vertébrale pour mieux la déséquilibrer, et elle resta un instant figée sur le toit la respiration haletante.
Quand Selina avait un problème, elle le contournait. Mais celui-ci était simplement trop gros pour se laisser aller à devenir une bête traquée. Catwoman grimaça en découvrant qu’il ne s’agissait pas d’une épine uniquement pour la chauve-souris, mais aussi pour elle. D’ordinaire elle aurait usé de sarcasme, rassurée de valoir autant que Bruce Wayne, mais l’heure n'était pas à la plaisanterie. Elle se redressa de tout son corps alors que l’explosion frappa Gotham comme la foudre, et sans même se retourner, la brune ferma les yeux, tout à fait consciente de ce qui venait d’être détruit. Alors, elle repris sa course.
***
La haine irradiait son corps comme un brasier mais c’est sans le moindre bruit et dans la plus grande des discrétion que Selina avait investi le centre commercial. Tapie dans l’ombre, elle avait déjoué les policiers postés un peu partout à l’extérieur et progressait sans précipitation vers le coeur de la prise d’otage. Quand Catwoman avait un gros problème, elle le réglait, point barre. Ah ça, voir son identité secrète révelée au grand jour n’avait donc pas suffit ? L’homme qu'elle haïssait le plus jouait désormais avec sa vie et celle de son Batman rajeunit. Mais, prête dans son costume de cuir, elle activa ses lunettes thermiques pour repérer le groupe, chacune de ses respirations la convainquait davantage d’agir. La règle était simple : elle était traquée par des chasseurs de prime ? Alors, tout ce qui lui restait à faire, c’était tuer le commanditaire. Et même si elle n’avait pas enlevée la vie depuis un moment, Selina se ferait un trop grand plaisir d'abattre Black Mask elle-même.
A pas de loups, elle escalada un des piliers principaux de la structure pour faire l’équilibriste sur la charpente en fer. Là elle eut tout le loisir d’observer dans la pénombre. Ses yeux allaient et venaient, mais, perchée ainsi au plus haut du bâtiment elle ne se sentait pas seule. Elle murmura : de toute façon à cette distance aucun des gars ne l’entendrait :
Ah, tu es là, j’ai failli attendre. Cette faculté ne disparaîtrait jamais : reconnaître la chauve-souris avant même de l’entendre ou de l’avoir ne s’appliquait donc pas qu’à son amour perdu. Malgré elle, Selina se détendit à peine. On était jamais trop de deux pour ce genre de sauvetage, cernés de potentiels inconscients armés, appâtés par une récompense alléchante en échange de leur tête. L’ambiance était moins tendue que leur premier face à face, néanmoins la brune se sentit obligée de parler : comme elle l’avait toujours fait, elle combla en quelques mot le silence qui s’était installé dans la concentration lourde d’avant-assaut.
Tu as entendu, je suis un bonus qui vaut son pesant d’or. Elle sourit jaune.Dommage qu’il se soit gourré en affirmant que j’étais ta faiblesse, Chevalier Noir.
Cat était venue avec ses griffes et son fouet, mais rangé dans son dos il y avait un pistolet. Quoi qu’il en coûte, chacune des balles serait pour Black Mask : elle ne voulait pas prendre le risque de le rater mais cela voudrait dire lui éviter une mort lente et douloureuse. Cette enflure le paierait, pour avoir été d'un sadisme sans nom dans son passé, pour avoir détruit son appartement, pour l'avoir menacé elle, et surtout l'avoir menacé : lui.
Tout le langage corporel de Selina indiquait à quel point la situation lui pesait, et quel point il lui était inconfortable de se retrouver ainsi prise en étau par les actes de Black Mask. Le passif entre les deux était si violent et si haineux que pendant un bref instant, Bruce fut tenté de lui dire d'attendre. Qu'il pouvait s'en occuper, et qu'il n'allait pas la laisser risquer sa vie pour une énième vengeance. Mais personne ne pouvait la forcer à agir ainsi, et il aurait été bien idiot d'essayer ; une perte de temps qui n'aurait fait qu'ajouter une tension supplémentaire.
Aussi se contenta-t-il de lui adresser un léger grognement d'affirmation, puis de donner quelques indications :
« Alfred est en train de chercher l'identité des quatre assassins, pendant qu'on s'occupe de cette prise d'otages. Et à ce propos, il sera facile de les libérer : les hommes de Black Mask sont armés mais dispersés, et ils ne veillent pas vraiment sur les prisonniers. Le cordon de sécurité du GCPD n'a même pas fini de se mettre en place, je pense donc qu'il vaut mieux agir maintenant plutôt que de risquer de prendre une balle perdue. »
Son scanner balaya le bâtiment, et il découvrit sans surprise un tunnel d'accès lui permettant de passer directement du toit au sol, sans être vu ni entendu. L'obscurité était son alliée, la nuit, son domaine, et ces hommes n'avaient aucune chance. Restait à espérer qu'aucun assassin de Black Mask ne serait assez fort ou fou pour tenter quelque chose au pire moment. Mais s'ils étaient bons – et ils l'étaient certainement – alors ils essaieraient.
Mais pas tous en même temps. Car aucun n'avait envie de se partager la récompense.
« Je vais passer par cet accès. Je me charge des criminels qui déambulent à l'étage, occupe-toi de ceux près des otages. Ils ne verront rien venir, et on pourra faire sortir les prisonniers avant même que Black Mask ne s'aperçoive qu'on est là. »
Ils se séparèrent donc, Bruce ne dissimulant qu'à peine un dernier regard pour la jeune femme. Il avait énormément réfléchi, depuis leur dernière rencontre, et il ne savait toujours pas quoi dire ou quoi penser à propos de Cat. Leur lien refusait de partir, aussi distordu, craquelé et morcelé soit-il, et Alfred n'avait pas su trouver de mots qui auraient pu l'aider à y voir plus clair. Le majordome, au fond, souhaitait peut-être que tout redevienne comme avant.
C'était même presque certain.
« Monsieur, madame, j'ai du nouveau. »
Evidemment, il avait réglé la fréquence pour leur parler à tous les deux. Après tout, ils faisaient équipe, encore une fois. Pour le meilleur comme pour le pire.
« J'ai pu trouver quelques éléments susceptibles de vous intéresser. Black Mask a contacté beaucoup de tueurs à travers la planète pour espérer vous éliminer, mais beaucoup ont refusé de signer. A priori, personne ne veut se frotter à vous, maintenant que le monde sait à quel point vous pouvez être dangereux. En revanche, les quatre qui ont été engagés sont un peu méconnus dans notre région du monde, mais beaucoup plus en Europe. »
Il y eut un temps de pause, durant lequel Bruce se faufila derrière un premier malfrat, une fois dans le centre commercial. Il l'assomma en toute discrétion, avant d'avancer vers le suivant.
« Je reviens vers vous dès que j'en sais un peu plus. Le commissaire Gordon a ordonné au cordon de sécurité de ne pas intervenir, mais une équipe du SWAT est tombée dans une embuscade dans Otisburg. Black Mask s'y est peut-être réfugié. »
"Set your eyes on the setting sun This is the turnaround, turnaround Do you mind me forever young? This is the turnaround, turnaround ♪"
Et si moi je veux qu’il sache qu’on est là ? siffla-t-elle avec agacement.
Mais Selina leva finalement les yeux au ciel en acceptant de se plier à ses directives. L’envie d’aider les civils, puis principalement le besoin de réduire Black Mask en cendres, passait au-dessus de sa fierté féline. Elle savait que s’en remettre à Bruce serait un bon moyen d’arriver à ses fins, et de toute façon elle connaissait d’instinct ses qualités de fin stratège. L’animosité qu’elle éprouvait à son encontre s’était calmée sensiblement depuis leur dernier face à face. Il faut dire qu’elle s’était assez défoulée sur lui.
La rage l’avait emportée, tempétueuse, incontrôlée et incontrôlable. Elle avait frappé avec tout son coeur, encore et encore, causant au corps de la chauve-souris quelques dégâts. Le chat s'était acharné. Une fois chez elle, Selina avait beaucoup pleuré, accusant véritablement ce deuil, le subissant. Puis, les nuits suivantes, dans ses cauchemars, elle revoyait cette scène de passage à tabac, elle revoyait le sang qui coulait du nez de ce Batman qui s’était laissé faire. Sa capitulation sans doute un aveu de ses propres remords, et elle l’avait certainement encore plus fait culpabiliser. Aujourd’hui elle était différente, touchée quelque part au fond d’elle par les mots tendres, inconditionnels de cet homme à qui elle avait fait porter la faute de tous ses malheurs. Quand elle le voyait à présent, elle ne voyait qu’un Atlas. Mais, pour l’heure, plutôt mourir que de s’excuser.
Ils se coordonnèrent avant leur assaut. Surprise par le dernier regard du Batman, elle haussa un sourcil avant de finalement s’atteler à ses propres tâches. Elle sourit en descendant silencieusement jusqu’au lieu où les otages étaient maintenus captifs, la voix du majordome dans les oreilles :
C’est bon de vous entendre sur le terrain, Alfred. Elle se tut avant de se glisser derrière une colonne puis contre un distributeur de peluche. Pour elle-même, Selina haussa une épaule alors qu’Alfred évoquait la réputation de leur couple inattaquable. Elle minauda malgré la tension et murmura : C’est bien ma veine, j’ai toujours voulu me faire courir après par un français ~ Faites qu’il y ait un français...! Elle entendit Alfred se racler la gorge, tandis que de son côté, elle roulait dans la pénombre. Catwoman se hissa sur la poutre puis atterrit sur l’un des gros bras seul, utilisant la technique des ciseaux avec ses jambes pour l'étouffer. Ceci fait elle se dirigea vers le deuxième pour le tirer dans un coin et le frapper dans la gorge, l’empêchant d’appeler à l’aide. Elle s’en occupa les uns après les autres, sans bruit, tel qu’on l’avait toujours formée, il y avait longtemps. Elle s’étira :
C’est fait ici, Bat. Je vais libérer les civils.
Elle s'approcha doucement des trois otages sans les brusquer et les débarrassa de leurs liens. Allez, rejoignez l’entrée du centre, vous ne craignez plus rien.
Puis elle disparu dans le noir avant de rejoindre Batman, alertée par ce qu’avait dit Alfred. La batmobile sera peut-être un peu trop visible, mais je crains que ma moto ne nous protège pas beaucoup si on nous tire dessus à feux croisés, indiqua-t-elle à Bruce après avoir gagné l’étage où il se trouvait. Evidemment elle plaisantait. Tirons-nous.
Ils quittèrent le bâtiment, mais Selina ne pouvait s’empêcher de grogner : Pourquoi Otisburg ?
Ils avaient échappés à la police et vaincus les preneurs d’otages, mais un Otisburg bourré de tireurs embusqués ressemblait à un suicide.
« Ce doit être l'un des assassins. Je parie que l'équipe du SWAT n'est pas entièrement éliminée, et il s'agit d'un piège pour nous attirer là-bas. Ou pour attirer l'un d'entre nous. C'est pourquoi nous allons y aller. »
Il appela son bolide fétiche, celui qui le caractérisait le plus. L'engin avait subi de très nombreuses améliorations, ajustements et autres modifications au cours des années, et plusieurs modèles s'étaient suivis jusqu'à arriver à celui-ci. Lucius Fox avait travaillé dur pour adapter la nouvelle Batmobile aux dernières trouvailles des ennemis de Gotham, et le destrier du Chevalier Noir avait fière allure.
Bruce s'y dirigea, grimpant siège conducteur, accompagné par Selina qui s'engouffra gracieusement au poste passager. Leur duo fonctionnait.
« Alfred, qu'est-ce que vous avez trouvé ? »
Le moteur rugit, puis le bolide fonça à toute allure dans les rues de Gotham. Le Chevalier Noir réalisa, un peu tard, que c'était la première fois qu'il touchait la Batmobile depuis de nombreuses années. Sur sa Terre, il avait abandonné son utilisation longtemps avant de fuir sur un satellite, car il n'en avait plus. Il éprouvait une certaine satisfaction pour le moins inattendue.
Mais la voix du majordome le ramena à la réalité :
« L'équipe du SWAT a été attaquée par une femme arborant des tatouages significatifs sur le visage. J'ai pu l'identifier rapidement, grâce aux caméras de sécurité : Jian Miller, une Britannique d'origine vietnamienne. Formée par la Ligue des Ombres, avant d'en être excommuniée pour manquement à ses devoirs. Aucune capacité métahumaine à signaler. Navrée, madame, mais elle n'est pas le Français que vous recherchez. »
« Où se cache-t-elle ? »
« Près du Westward Bridge. Deux membres de l'équipe du SWAT ont des transpondeurs qui émettent depuis un immeuble de bureaux à proximité du pont. Le GCPD n'a pour le moment envoyé personne sur place, vous avez donc le champ libre pour vous occuper du premier de vos quatre ennemis du soir. »
Foncer ainsi droit dans le piège ressemblait à une très mauvaise idée, mais il fallait le faire. L'assassin les attendait, et eux, ils voulaient l'arrêter. La confrontation, inévitable, rapide et brutale, allait avoir lieu, et le plus tôt serait le mieux. Ou du moins, selon leurs termes à eux. Batman ne craignait personne, mais il voulait s'assurer que personne ne le surprendrait. Ou ne surprendrait Cat.
Il tourna le visage vers elle.
« Dans la mesure du possible, restons ensemble. Nous aurons plus de chance de les vaincre ainsi, car ils s'attendent probablement à ce que nous agissions séparément. »
Il se mura dans le silence de longues minutes, les bâtiments de Gotham défilant autour d'eux. Seul le moteur faisait du bruit, car lui ne bougeait pas, elle non plus, et il n'y avait pas de musique dans la Batmobile. Dick, Jason et Damian avaient voulu en mettre. Lui, il s'y était toujours refusé. La musique l'empêcherait de se concentrer, et il n'était pas dans la Batmobile pour le plaisir.
« Alfred m'a dit qu'il t'avait proposée de venir au manoir... avec tout ce qu'il s'est passé récemment. »
Point. A elle de répondre. Comme toujours, qu'importait l'univers, la Terre, l'époque, leur relation. Ils parlaient toujours de la même manière. Instinctivement, ils se comprenaient, se parlaient.
"Set your eyes on the setting sun This is the turnaround, turnaround Do you mind me forever young? This is the turnaround, turnaround ♪"
Hm, ça ne fait rien, souffla Selina sourire aux lèvres à la remarque d’Alfred.
Elle évinçait la tension qui montait en elle, déterminée à éliminer cette femme comme de la vermine. Catwoman s’accouda à la pseudo fenêtre de la Batmobile. Revoir cet engin roulant l’avait piqué au coeur, bêtement mais elle s’était ressaisi, avait pris place. D’ordinaire, elle serait déjà en train de jouer avec les commandes qu’elle avait appris à connaître, s’attirant le mécontentement de Bruce, mais elle se contenta d’être sage et impassible. Elle fit reposer son menton contre le dos de sa main, écoutant Alfred et regardant Gotham autour d’eux. N’importe qui y souhaitait leur mort, cité pauvre et à l’agonie comment leur en vouloir ? Selina n’était pas certaine qu’elle n’aurait pas cherché elle-même à s'emparer d’une telle somme. Mais la situation était autre maintenant qu’elle n’avait pas la possibilité de changer d’identité, exposée au grand jour.
Black Mask avait fait une erreur, en acculant le chat. Tout le monde sait que piéger l’animal ne fait que le rendre plus agressif, plus sauvage encore qu’il ne l’était, et Cat était tout sauf un chat domestique. Elle le ferait payer pour tout, et s’il fallait défaire tous ses pions un à un pour y arriver, soit. Le regard perdu dans le vide elle digérait sa haine pour que ça n’interfère pas avec la mission. Puis, elle sentit le regard de l’homme sur elle :
Deal, répondit-elle calmement sans même se retourner. Elle le respectais un peu plus. Elle avait peu à peu accepté son existence, mais pour l’heure elle ne ferait pas semblant de l’apprécier. La brune prenait avantage des capacités que son fiancé avait lui aussi : c’est-à-dire la stratégie, l’ordre, la capacité d’analyse, la force, les aptitudes de combat et d’encaissement des chocs... C’était comme remettre une veste sur mesure, même après des années. Selina savait comment il se battait, comment son corps réagissait au sien durant la bataille. Leurs réflexes, leurs anticipations, ils étaient semblables. C’était dur à admettre mais évident : Batman était son partenaire. Même changé, même rajeunit, même étranger, il le restait. Alors elle se pliait de bonne grâce -pour l’heure- à ses directives.
Le silence ne la gênait pas, elle y était accoutumée. D’habitude pourtant c’était elle qui le rompait. Quelle ne fut pas sa surprise de prendre Bruce la main dans le sac à faire de la petite conversation. Elle cligna des yeux et se décida à le regarder, son menton quittant son appui délicatement :
Il a essuyé deux refus déjà, mais avec l’état de mon appartement je n’ai pas d’autre choix.
Une pause. Elle s’imaginait déjà remettre les pieds au manoir Wayne avec appréhension,
Que l’on soit clair, je n’ai pas besoin de toi. Je fais ce qu’il faut pour survivre tant que ce ne sera pas tassé, c’est tout.
Elle releva la tête vers la route, plus loin devant eux se dressait Otisburg et le Westward Bridge. Selina rajusta ses lunettes, pour se préparer machinalement. Elle observait le pont, la structure alentour des bâtiments.
Dans lequel sont positionnés l'équipe du Swat ? Son indicateur thermique ne servait à rien de l’extérieur. Selina réfléchissait. Comment savoir que les forces de l’ordre n’allaient pas se retourner contre eux et tirer à vue ?
La réponse était laconique, mais Bruce n'avait pas envie de faire un effort pour paraître enjoué ou blasé. Il savait que de toute façon, Cat ne pensait pas à mal en disant ça, et que son ton pouvait certes paraître sec, elle n'en pensait rien. Intérieurement, cela lui coûtait certainement de devoir vivre au manoir, et il pouvait la comprendre. La dernière fois qu'elle avait envisagé ça, il y avait eu une promesse, un engagement... un projet. Là ? C'était la force des choses, la nécessité, qui la poussait à faire ça. Et aussi peut-être, même si elle ne l'admettrait jamais, la bienveillance d'Alfred.
Ils arrivèrent finalement à destination, et la Batmobile s'arrêta doucement aux pieds d'un bâtiment de huit étages. Les coordonnées envoyées par Alfred pointaient sur un immeuble de bureaux, où une société d'aide informatique trônait habituellement. A cette heure-là, bien sur, aucun employé n'était sur les lieux, mais ils ne seraient sans doute pas très heureux de savoir qu'une prise d'otages y avait lieu.
La prise d'otages. L'arme préférée de Black Mask. Ses assassins voulaient copier ce modèle ? Tant pis pour eux.
« Faisons attention. Je doute qu'elle soit complètement seule... et quelque chose me dit que les autres assassins ne sont pas loin. »
Batman sortit de la Batmobile, mais au lieu d'aller vers le bâtiment, il se dirigea vers le coffre du véhicule. L'ouvrant, il fouilla à l'intérieur, sans chercher réellement à dissimuler le vaste arsenal qui s'y trouvait aux yeux de Catwoman. Il savait que de toute façon, elle avait une plutôt bonne connaissance de ce contenu. Ses mains se tendirent vers un appareil ressemblant à un pistolet à colle ; le bat-gel. Très utile pour faire exploser les surfaces légères et prendre quelqu'un par surprise... ou créer diversion.
« Le scanner de la Batmobile ne révèle rien. Ces murs sont truffés de plomb. Alfred, pouvez-vous lancer la Batwing dans le ciel ? Nous allons avoir besoin de plus d'yeux que nous n'en avons actuellement. »
Il referma le coffre, et se tourna vers sa partenaire. Il ne marqua pas d'arrêt, n'eut pas d'hésitation, mais pourtant, il la vit aussi clairement qu'autrefois : sublime, féroce, avec la pluie qui mouillait son costume moulant. Indomptable, et pourtant si fragile. Impressionnante, et pourtant si discrète. La seule femme qu'il pouvait aimer plus que le reste de la planète. La seule personne pour qui il abandonnerait la cape, s'il le fallait.
Mais ce ne furent pas de tels mots qui sortirent de sa bouche :
« Passe par les étages inférieurs, je vais passer par ceux du haut. On se rejoint là où seront les otages. Et... sois prudente. »
Bruce s'écarta et s'envola jusqu'au toit, à l'aide su bat-grappin. Evidemment, ce fut le moment où la majordome intervint, ayant cette fois prit soin de ne parler que sur son canal personnel.
« C'est bon de vous voir travailler à nouveau ensemble. Comme quoi, tout s'arrangera, inévitablement. »
Le Chevalier Noir ne répondit pas à ce trait d'optimisme. Avait-il servi le même à Cat ? Peut-être, mais sans doute pas avec les mêmes mots alors.
"Set your eyes on the setting sun This is the turnaround, turnaround Do you mind me forever young? This is the turnaround, turnaround ♪"
Selina n’eut même pas à siffler en posant les yeux sur le matériel de pointe accumulé dans le coffre. Elle resta cependant déçue en voyant Bruce s’équiper uniquement de cet arme-ci, et encore plus désappointée lorsqu’il referma l’arrière de la Batmobile :
D’accord et moi j’ai pas de joujou ? plaisanta-t-elle. Il fallait croire qu’il était difficile de faire perdre à Catwoman sa facétie. Des traits d’humour se perdaient ça et là, passant au travers du voile sombre qui recouvrait ses pensées, ces dernières semaines. Mais, une sensation qui naquit en croisant le regard de l’intéressé lui fit perdre tout sourire. Qu' y a-t-il ? Qui es-tu en train de voir, Wayne ? se demanda Selina. Elle pouvait presque percevoir ce qu’il ressentait, sans mettre pour autant le doigts dessus. Mais, tout s'enchaîna plutôt vite :
Compris, répliqua-t-elle avant de le voir s’envoler. Elle fonça, s’élançant comme toujours avec une grande légèreté, rapide et sans bruit avant de s’engouffrer dans le bâtiment. Mais son esprit était ailleurs. Quoi, tu me comprends maintenant c’est ça ? s’adressa-t-elle par la pensée au chevalier Noir. Tu l’as vu aussi c’est ça ? Un double fantomatique. J’espère bien que ça t’aura fait aussi mal qu’à moi.
Madame, je détecte un preneur d’otage dans l’escalier de secours.
Pas de mot encourageant ce duo de son côté. Alfred savait que la fierté lui hérisserait tous les poils du corps. Le chat dévia de sa trajectoire pour gravir les escaliers et emprunter la porte coupe-feu. Elle ne laissa pas le temps au type d’être surpris, lui arrachant la mitrailleuse et lui filant un coup de pied. Il tomba dans les escaliers, sonné, et un coup de poing acheva de le tranquilliser. Selina continua en gagnant le milieu de l’immeuble, elle avait gardé la mitrailleuse, sachant très bien qu’elle ne s’en servirait pas. Pas en tant que tel en tout cas. C’était et ça resterait une femme de poing. Et même si ses adversaires étaient armés jusqu’aux dents, Batman ne la laisserai pas répliquer par balles.
L’ouverture de la porte fut rapide, et Catwoman plongea derrière l’un des nombreux bureaux qui composait la pièce, directement tenue en joue par l’un des preneurs d’otages. Elle grimaça en entendant la salve de tirs, les épaules voûtées pour garder sa tête à l’abri :
Bat, où est Miller ?
Il fallait se méfier, être entraînée par la ligue des ombres laissait présager d’une préférence pour le combat rapproché. Ses élèves savaient se rendre invisible et-...
Oh en voilà un joli petit chat ! Un rire dément ponctua la seule phrase qui permit à Cat de croire avec certitude que c’était justement la femme qu’elle cherchait. Une roulade sur le côté et elle changea de coin, cherchant le bon moment pour riposter. Mais il y avait trop de balles qui volaient, et seulement l’instant décisif pouvait lui éviter d’en prendre une perdue. Elle s’adressa à la chauve souris une fois de plus, qui se laissait désirer :
Voyons si cette garce mériterait d’empocher deux millions de dollars.
Il y avait peu de chances pour que l'un des malfrats parvienne à surprendre le Chevalier Noir. Avec leurs armes à feu et leur chef, cette Miller, ils étaient persuadés d'avoir le dessus. Ils se sentaient rassurés, beaucoup plus confiants, et surtout, ils avaient l'impression de maîtriser la situation. Alors qu'en réalité, ils ne pouvaient que suivre les ordres, et voir ce qui se passait devant eux. Face à Batman et Catwoman, quelle chance avaient-ils réellement de pouvoir obtenir un avantage contre le duo ?
Et pourtant.
Miller était là, dans ce bureau, juste en-dessous de ses pieds. Cat arrivait sur elle, et il y avait cinq preneurs d'otages également. Selina pouvait s'occuper de l'assassin, et lui, il pouvait s'occuper de l'otage et de ses ravisseurs. Il prit le bat-gel à sa ceinture, et en plaça judicieusement au-dessus des têtes de ses ennemis. Puis, quand ce fut fait, il se recula légèrement, prêt à bondir à l'instant même où l'explosion laisserait place à la fumée et à la stupeur.
Contrairement à ce que le GCPD – et même Gordon ! - avait longtemps pensé, le bat-gel ne créait qu'une explosion mineure, moins létale, qui étourdissait et ne faisait que briser les surfaces légères et faibles. Evidemment, une grosse dose pouvait détruire un mur épais, et par conséquent, tuer, mais Batman savait l'utiliser comme il l'avait prévu.
Ce qu'il fit.
« Monsieur, je crains que madame n'ait également besoin d'aide. Cette Jian Miller est coriace. »
Précision inutile, mais un rappel que le majordome tenait autant à Bruce qu'à Selina, et qu'il ne supporterait pas que la belle soit mise en danger futilement. Mais les explosions du bat-gel eurent un effet très positif : non seulement les malfrats furent trop choqués et surpris pour réagir quand le Chevalier Noir leur tomba dessus, mais en plus, l'assassin se retourna, une expression rageuse sur le visage. Sauf que sa hargne eut raison de sa lucidité ; et Cat en profita pour lui asséner un coup qui l'envoya contre le mur, où elle plongea dans les bras de Morphée.
Batman, rapide comme l'éclair, s'occupa des hommes armés. Les deux premiers eurent les bras fracassés et leurs têtes projetées contre un mur. Le troisième allait probablement avoir des séquelles à vie dans ses vertèbres et sa jambe gauche. Le quatrième, le plus gros, allait passer cinq mois dans un lit d'hôpital, à cauchemarder et à manger à la petite cuillère. Quant au cinquième, elle n'eut pas la chance de succomber aussitôt : il fut pris à partie par le Chevalier Noir... qui le saisit à la gorge pour l'interroger.
« Qui sont les autres assassins de Black Mask ?! Où se cache ton patron ?! »
« J... je sais pas !! Il nous a rien dit ! »
« Tu mens. Très mal, en plus. Ne me force pas à me répéter, ou tu vas dégringoler du haut de cet immeuble... et toute ta famille en souffrira. »
« Ok ok, arrête ! Je sais juste qu'un des assassins a parlé du pont qui mène à la vieille Arkham ! Il a parlé d'explosifs ou je sais pas quoi ! »
« Merci. »
Le malfrat eut la mâchoire brisée, et plusieurs côtes en moins, avant de finir au sol. Batman se détourna, et voyant que l'otage était déjà parti, il se remit en marche, passant près de Catwoman. Un rapide coup d'oeil le rassura, voyant qu'elle n'avait rien, et qu'elle était toujours prête au combat.
« Allons-y, nous avons notre prochaine destination. »
"Set your eyes on the setting sun This is the turnaround, turnaround Do you mind me forever young? This is the turnaround, turnaround ♪"
L’explosion ne laissa que peu de temps à Selina, et encore moins à Miller qui reçut le talon de la brune en pleine tête. Cette dernière alla se fracasser contre le mur en arrière, et la criminelle s’évanouit directement. Catwoman, alors campée sur ses pattes, se releva pour s’approcher du corps inconscient. Elle le bougea du bout du pied puis se passa les mains l’une sur l’autre, comme après avoir jeté les poubelles, dans le soucis du travail accompli. Elle la ligota : les flics la récupéreront après leur départ. Dur d’admettre que le duo marchait comme sur des roulettes encore une fois, mais le chat ne dit rien avant de s’approcher de l’interrogatoire musclé. Elle pouvait sentir, à la façon de faire de la chauve-souris que c’était un homme différent. La hargne et la brutalité avaient toujours fait partie intégrante du personnage du Batman, mais celui-ci était plus violent. Selina releva la tête pour le regarder :
J’en ai assez, j’ai l’impression qu’il nous pousse dans un jeu de piste. Nous sommes ses pions, rien de plus.
Elle se rapprocha un peu plus, bras croisés sur la poitrine, comme pour faire barrage à Bruce, forcer une halte.
Il reste Black Mask, et il aime ça : manipuler. La belle en avait fait l’expérience, et si d’habitude quand il s’agissait de super criminels elle fonçait, celui-ci la contraignait à la prudence. Cela ne pouvait être que ce à quoi ça ressemblait : un genre d’ascension vers le boss du jeu. Cependant, et malgré l’arme qu’elle pouvait sentir contre ses reins, malgré son évident optimisme quand à vaincre les assassins sur leur chemin, persistait un doute. Aussi, intimer -tant qu’il en était encore temps- la prudence à Wayne était la meilleure chose à faire.
Madame, Monsieur, des démineurs ont été dépêchés sur le pont. Vous devriez vous hâter.
Les yeux dans les yeux avec son fantôme, Catwoman finit par se détourner pour partir devant. Les éliminer tous, c’était ce qu’il leur restait à faire, de toute façon. Le plus tôt serait le mieux, surtout si cela lui permettait d’achever Black Mask au plus vite.
***
La batmobile eut un tressaut, peu avant d’arriver sur les lieux. Difficile de ne pas comprendre que ça avait explosé. Déjà, l’odeur de brûlé et le coin du point en morceaux menaçaient de créer le chaos. Le pont avait été évacué depuis un moment, Bruce et Selina n’eurent donc pas à s'enquérir des blessés. La jeune femme sortit du véhicule avec prudence :
Je vais voir. Couvres-moi, ordonna-t-elle avant de se jucher sur le pont abîmé. Mis à part le crépitement des flammes et les éboulements, l’endroit était d’un calme lourd. Catwoman, la main sur le fouet se faufila dans les décombres :
Alfred, d’autres informations sur qui nous devons chercher ?
L’assassin était sans visage, homme ou femme, ethnie, elle ne savait rien de l’individu et demeurait sur ses gardes. Elle crispa et décrispa le poing, ses griffes argentées s’agitant doucement dans le vide à mesure qu’elle tendait l’oreille, observait sans l’aide de ses lunettes thermiques (inutiles à cause du feu). Le chat toussa un peu avant de se tourner vers son partenaire :
Tu vois quelqu-...
Un coup, assené à l’arrière de la tête la déséquilibra sans pour autant vraiment l’assomer. Selina tenta de répliquer mais le criminel n’était déjà plus là. Une ombre mouvante et invisible. La brune posa genoux à terre, touchant sa nuque qui saignait mais peu. Son réflexe fut de lever les yeux vers Batman, mais à travers les flammes elle ne vit rien d’autre que le noir de la fumée. Une autre explosion mineure plus loin sur le pont fit trembler le goudron, et c’est étourdie que Catwoman s’appuya sur un bloc de gravas pour se lever : Il fallait bouger, et vite, avant que le viaduc ne subisse une autre casse et ne s’effrondre.
Cat avait été surprise... mais pas Batman. Il n'avait simplement pas eu la possibilité de réagir pour prévenir sa partenaire, ou la défendre. Car au moment-même où l'un des assassins sautait sur elle pour lui asséner un coup, un autre surgissait des ombres, frappant lui aussi avec violence la chauve-souris. Ce dernier grogna, recula, et se tint aussitôt à bonne distance de ce nouvel adversaire.
« Batman ! Enfin, je vais pouvoir toucher la prime tant attendue ! »
« Buchinski... »
L'Electrocuteur était bien là, sa tenue conductrice se terminant par deux énormes gantelets d'où s'échappaient des arcs électriques bleutés. Cet ennemi était un des premiers à avoir croisé la route du Chevalier Noir, que ce soit ici ou sur Terre-5, et il avait passé bien des années à Blackgate suite à sa confrontation. Il avait le visage marqué de vilaines cicatrices et de marques de brûlures, et il arborait un rictus ignoble qui donnait l'impression qu'il n'allait jamais prendre autant de plaisir qu'à tuer la chauve-souris.
S'il y parvenait seulement.
« Je pense que vous connaissez déjà tous les deux cet adversaire... en revanche, j'ai peu d'infos sur l'autre. Ou plutôt, j'en sais tout autant que vous. »
« Cat, je suis désolé, mais je crois que nous allons devoir danser à deux. »
« Tu ne t'en sortir... »
« Maintenant ! »
Avant même que Buchinski ne puisse réagir, Bruce lui envoya un coup de pied dans le torse, avec une force amplifiée par les systèmes de l'armure. Le coup repoussa le tueur aux gants électriques, qui vint frapper le dos de son acolyte assassin. A Cat d'en profiter pour trouver une opportunité suite à ce déséquilibre.
Evidemment, ils ne s'arrêtèrent pas là. L'affrontement se poursuivit, dans un mélange complet de coups et de combos, de feintes, de contres, d'opportunités et de férocité. Seuls, Batman et Catwoman étaient redoutables. Ensemble, ils étaient invincibles. Et très vite, ce fut comme si rien n'avait jamais changé. Très vite, ils étaient de nouveau complices, fusionnels dans leurs gestes et dans leurs assauts, coordonnés tels deux danseurs capable d'exécuter la plus parfaite des chorégraphie. Tel un seul individu.
L'Electrocuteur fut le premier à tomber. Sa face ravagée percuta finalement un bloc de métal, et il gisait, assommé, sur le sol. En revanche, l'autre assassin mit bien plus de temps avant d'être vaincu. Et il était redoutable, par ailleurs, car il dégaina finalement des lames, et virevoltant entre eux, il se mit à asséner des coups d'une précision et d'une force mortelles.
« Rends-toi, tu ne peux pas gagner ! »
« Non... mais je peux te toucher. »
Son accent évoquait les pays de l'Est. Mais ce n'était pas sa voix, le danger.
En effet, il savait se battre, et il le prouva jusqu'à ce qu'il fut mis à terre par un coup commun des deux costumés. Et pourtant, même après avoir vaincu ce troisième assassin, Bruce ne se sentait pas satisfait. Il avait reconnu certains coups, certaines façons de bouger, et il n'était donc pas spécialement surpris de sentir ses côtes hurler de douleur. Mais, stoïque comme à son habitude, il n'en montra rien.
« Nous avons réussi à les neutraliser... allons désamorcer les autres bombes. Les démineurs n'arriveront jamais à temps. »
Il sortit son bat-grappin d'un geste plus lent et plus faible qu'il ne l'aurait voulu, et fit signe à Cat de s'approcher de lui. Ils voyageraient plus vite ainsi.
"Set your eyes on the setting sun This is the turnaround, turnaround Do you mind me forever young? This is the turnaround, turnaround ♪"
Cat s’était laissée surprendre une fois, mais pas deux. Danser ? Pas de problème, s’il arrivait à la suivre. Catwoman livrait son combat dans les braises volatiles, la lumière rougeâtre luisait du même feu que sa détermination à vaincre. Elle usa de son fouet pour déséquilibrer leurs adversaires, entrechoqués grâce à la frappe de Batman.
Elle pensait à Black Mask, puis surtout elle voulait récupérer Isis, son chat resté chez une amie un temps, caché. L’animal devait certainement se battre farouchement pour sa liberté à l’heure qu’il était. Pour elle aussi, Selina ferait payer leur ennemi. Car si elle n’avait pas eu cette prescience, la minette aurait explosé avec le reste de ses biens, de sa vie. De ce qu’il restait du moins depuis le départ de l’ancien Bruce Wayne. Catwoman en eût presque la nausée. Défaite de Buchinski, en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire.
Un accord tacite pour dire que ça fonctionnait, et Selina s’étonna derechef de leur duo : il ne la suivait pas, il faisait corps avec ses gestes, les épousait à la seconde près. Une boule se forma dans sa gorge alors qu’elle retrouvait cette inutilité de parler, ce dialogue instinctif avare de mots qu’avait été leur language. Mais l’heure n’était pas au sentimentalisme. Catwoman s'essoufflait à peine, réussissant à esquiver la plupart du temps mais la lame de l’assassin était parvenue à l’effleurer quelques fois. Les coupures superficielles seraient autant de fraîches cicatrices à ajouter à la collection. Avec son fiancé, ils avaient pris l’habitude de les compter, et Catwoman était en mesure de dresser une carte de toutes celles de Batman. Jamais dans la demi-mesure, elle avait appris son corps par cœur. Ils l’achevèrent d’un coup de pied commun, et c’est là qu’elle remarqua sa cuisse entaillée avec amertume. Cela chauffait, mais ce n’était pas grand chose. La belle boitilla deux minutes avant de railler :
C’était qui celui-là ? Je suis la seule à avoir une impression de déjà-vu ?
Occupée à observer le corps qui gisait, elle n’avait pas vu le bras tendu de la chauve-souris, et s’en approcha dès qu’elle leva les yeux vers lui. Dans d’autres circonstances, elle aurait certainement boudé son offre, mais sa cuisse la démangeait désagréablement, et grimper dans cet état aurait été une trop grosse perte de temps. Elle lança son fouet qui s’enroula autour du poignet de Batman, et l’attira à elle. Plus pour l’embêter, le déstabiliser qu’autre chose, elle voulu lui enlever -peut-être- cette assurance qui l’avait gagnée à la vue d’un duo bien huilé qui pourrait repartir. Malgré tout, il lui fut difficile de ne pas ressentir une certaine alchimie une fois proches. Selina apposa le plat de la main sur son torse pour le repousser, mais le liquide chaud et carmin qui couvrit le cuir de sa main la fit paniquer :
Bat !
Elle le débarrassa de l’emprise du fouet pour mieux voir. La lame de l’assassin avait dû cisailler la chair et se glisser entre les côtes. Le chat n’avait rien remarqué à cause du noir du costume. Mais déjà Bruce déclenchait le bat-grappin d’une main et passait un bras autour de sa taille de l’autre :
Tu aurais dû rester en bas et me laisser m’occuper des bombes, l’enguirlanda Catwoman en tâchant de se tenir à lui. Ils repasseraient pour l'atterrissage en souplesse. La brune s’extirpa pudiquement de ses bras avant de chercher la bombe, irritée. Elle savait bien que ça ne servirait à rien de prendre garde à lui, qui ne s’occupait jamais de son état tant que tout n’était pas fini. Selina se pencha au dessus du vide, examinant le mur de la structure principale du pont et… bien sûr la bombe n’y était pas. Collée sur l’un des longs câbles qui régissaient le viaduc, c’était à se demander comment
Selina s’élança, légère comme un cerf-volant utilisa son fouet comme un type de tyrolienne pour glisser jusqu’à la pâte à explosif. Elle pirouetta pour se retrouver accroupie juste au dessus et jeter un œil au temps restant :
On a 10 minutes. Il faut trouver les autres. Aussi étonnant que cela puisse paraître, la belle avait déjà désamorcé des bombes. Elle utilisa ses griffes pour sectionner les fils et balança l’objet dans la River Merchant. Il lui fut facile de remonter sur l’arche où elle avait abandonné Batman, mais grimaça tout de même en poussant sur sa jambe. Lui l’aidait à les repérer et elle les neutralisait, et ce avant que les démineurs n’arrivent. Le pont était à peu près sauf alors elle s’assit avec lui, dont le souffle était rauque et inhabituel :
Il te faut des soins. Je m’occupe de Black Mask. Elle réfléchit une seconde : Enfin, si je sais où aller. Elle attendit qu’Alfred dise quelque chose, mais il était tout aussi accoutumé au tempérament borné qui ne différait pas dans les deux versions de l’homme. Sans rien brusquer, elle repoussa la main qu’il appuyait sur la blessure pour l’examiner. Selina retint une grimace en l’effleurant. C’était moche :
Ecoute je-...
Le ronron des pales de l’hélicoptère s’intensifia avant qu’elle ne lève finalement la tête :
Batman, Catwoman ! siffla une voix portée par un mégaphone. Black Mask s’est entendu dire que vous vouliez le voir. L’engin s’approcha du haut de l’arche : Il s’est dit que vous ne refuseriez pas son invitation.
Tss… s’agaça le chat. Le dernier tueur doit être avec lui. A moins qu’il ne soit dans l’hélico, glissa-t-elle à Batman tandis qu’on déroulait une échelle de corde au dessus de leur tête, le spot aveuglant dirigé dans leur direction.
« C'est un piège grossier, en tout cas. Une bonne raison d'y aller, de toute façon : l'assassin nous mènera à Black Mask lui-même. Et une fois que ce sera le cas, nous pourrons les neutraliser... et nous assurer que Sionis ne sévisse plus. Après toi. »
Batman laissa sa partenaire grimper la première à l'échelle. Certes, elle n'était pas beaucoup plus blessée, mais c'était surtout parce qu'il avait la curieuse impression qu'il allait se passer quelque chose dès que l'un d'entre eux se mettrait à grimper les cordes. La brune aux yeux verts commença à monter, étape après étape, et il ne se passa rien jusqu'à ce qu'elle atteigne la moitié. Le vent s'était mis à souffler, balayant l'échelle, la faisant virevolter, tandis que l'hélico produisait un bruit assourdissant au-dessus de leurs têtes.
En somme, le parfait camouflage pour un autre bruit.
Ce bruit provint de derrière Batman. Il se retourna, faisant volte-face aussi rapidement qu'il le pouvait, parfaitement conscient qu'il n'aurait certainement pas une grande fenêtre d'action face à ce qui arrivait. Et pour cause, il eut l'impression d'avoir un bus qui le heurtait de plein fouet. Une masse informe et puante, verdâtre, de plus de trois mètres, l'emporta avec elle, et ils sombrèrent tous les deux dans le vide.
Il y eut un cri, quelque part au-dessus. Cat ? Un des hommes de Sionis ? Quelqu'un d'autre ?
Impossible à dire. Le vent soufflait tellement à ses oreilles que le Chevalier Noir ne pouvait pas identifier la voix. Si ça se trouve, il n'y avait même eu aucun cri.
« Tu es à moi, Batman ! La prime sera à moi !! »
Killer Croc.
Le pire lézard de ce monde, évidemment, était de la partie. La dernière fois qu'il l'avait affronté, Bruce avait du plonger dans des égouts en compagnie de Dick, peu après son arrivée. Ils avaient trouvé un nid étrange, puant, et ils avaient tout détruit avant de ressortir et de forcer Waylon Jones à se rendre. Le GCPD avait essayé de le caser dans une cellule d'isolement spécialement prévue pour lui... mais le convoi n'était sans doute jamais arrivé. Sionis avait du s'en assurer, en prévision de cet instant où il jouait une nouvelle carte de son jeu.
Ils tombaient, tous les deux, accrochés l'un à l'autre.
Bruce ne pouvait pas parler, une patte immense accrochée autour du cou. Le choc de Killer Croc lui avait sans doute brisé une ou deux autres côtes. Il donna des coups de poing, des coups de bras avec ses lames sur les gantelets, mais il ne parvint pas à entamer réellement la peau du lézard géant. Les écailles, trop dures pour être percées ainsi, lui résistaient atrocement. Il persévérait, pourtant, tâchant de se libérer de la terrible poigne qui l'enserrait.
Le monstre approcha sa gueule puante, sa main se libérant légèrement. Bruce en profita pour utiliser une main libre et saisir un batarang, qu'il enfonça dans le bras de Killer Croc. Ce dernier hurla, de douleur et de colère, et il donna un puissant coup qui vint faire voler le petit objet. Le bras encaissa un choc difficile, lui aussi, bien que l'armure l'avait sans doute protégé d'une brisure. Mais toujours, ils tombaient, le vent tourbillonnant et les eaux de la baie de Gotham se rapprochant dangereusement.
A cette vitesse, le choc serait surpuissant.
« Tu es... à moi... Batman ! »
« Derrière...toi... »
Le monstre écarquilla les yeux, de surprise, comprenant qu'il avait commis une erreur. Batman activa alors le gadget qu'il avait saisi de son autre main : le bat-grappin. Planté dans la chair du monstre, dans son dos, le fil se libéra à toute vitesse, se fixant dans les structures fragiles du pont. Le choc fut, là aussi, brutal. Les poids de Killer Crc et de Bruce combinés, multipliés par leur vitesse de chute, furent suffisants pour leur couper le souffle à tous les deux, alors que le système les stoppait net...
… avant de céder soudainement, les faisant rechuter de plus bel.
Mais désormais libéré de la poigne de Waylon, le Chevalier Noir s'apprêta à déployer ses ailes pour se tenir hors de portée.
C'était sans compter sur une détonation, un tir, un trait unique. Venu de loin, venu du pont, venu d'un tireur embusqué quelque part sur les poutres en métal. Cet homme s'appelait Jason Gram, il était autrefois soldat dans l'armée canadienne. Après ce tir réussi, qui toucha sa cible en plein torse, il avait l'intention de rentrer chez lui, satisfait d'empocher la prime de Sionis. Il retira son arme, la démonta rapidement, puis la rangea dans un sac avant de s'éloigner discrètement.
Le Batman, lui, s'écroula comme une pierre dans l'océan. Mort.
"Set your eyes on the setting sun This is the turnaround, turnaround Do you mind me forever young? This is the turnaround, turnaround ♪"
Elle hurlait. Et ce cri, couvert par le bruit assourdissant de l’hélicoptère, déchira pourtant la nuit. Pour Selina, le son s’était coupé dès la début de la chute, et elle n’avait plus rien entendu ensuite. Seules ses cordes vocales enflammées témoignaient qu’il y avait bien eu un éclat de voix. Ah, il était bien difficile d’assister à ce genre de précipitation dans le néant. Elle avait beau avoir médit tout ce qu’elle pouvait, sur ce faux Batman, il restait lui. Impuissante, les évènements qui se succédèrent sous ses yeux l’empêchèrent de se méfier assez, et on attrapa son poignet pour la menotter :
Lâchez-moi, sous-fifres de mes deux, s’agitait Selina sous la poigne de 3 hommes qui la hissaient dans l’hélicoptère pour la balancer à l’arrière. Déjà, elle se redressait sur ses pattes pour attaquer avant qu’un dernier au physique de militaire afghan ne lui colle une seringue dans le cou. La colère pourtant, la fit perdurer assez longtemps pour qu’elle pousse l’un d’eux dans le vide. Puis sa vue se brouilla :
Je suis désolée, Alfred. Et elle tomba inerte.
***
De tous, le pire cauchemar de la brune était certainement celui-là. Voir Batman mourir, et être à la merci de son pire ennemi : Roman Sionis. Son rire enchanté, lui, ne provenait pas d’un songe mais bien de la réalité. Il lui fut difficile de revenir à elle, mais déjà elle sentit l’absence de ses lunettes de protection et de son masque. Ses courts cheveux noirs retombaient sur son front poissé par la sueur. Elle était suspendue par les poignets, mais où, ça elle n’en avait aucune idée. Selina plissa les yeux avant de le voir, un long couteau dans la main, élégamment effrayant dans son costume hors de prix. Debout lui faisant face :
Ahhh… il expira une longue bouffée. Selinaaa ~ ça faisait longtemps.
Elle cracha, il lui rendit en un coup de poing dans la mâchoire, qu’elle encaissa. Sa lèvre se mit à saigner :
Qu’avez-vous fait ?
Moi ? Mais rien de plus de ce qui était prévu, j’ai tué le Batman. Un éclat de rire franc et machiavélique s’échappait à présent du masque noirci. Mais il s’arrêta net en attrapant le menton de Selina :
Quoi, c’est quoi ça, maugréa-t-il, dégoûté. Tu pleures ? Nouvelle claque. Non, non, non ! Ce que je voulais c’était de la hargne, pas ça ! Les gars, c’est quoi ce travail ?! Alors qu’un homme de main allait répliquer il le frappa dans la trachée. Ce dernier s’écarta en émettant un bruit étouffé tandis que Catwoman ravalait la larme qui avait dévalé sa joue.
Elle ne voulait pas lui faire ce plaisir. Mais se contenir était difficile. Le regret pesait sur ses épaules finement musclées. La brune se remémorait la nuit où elle l’avait tabassé, le Batman rajeunit, lui qui ne méritait pas sa haine. Elle lui en avait voulu d’être lui, d’avoir pris une place qui, de toute façon, se devait d’être prise. Et maintenant, elle n’avait vraiment plus rien. Rien du tout. Pour ne pas avoir donné sa chance à Bruce 2.0 avant, elle avait perdu plus que ce qu’elle pensait. Dire qu’au début, tout ce qu’elle souhaitait c’était qu’il n’existe pas. C’était bien différent d’accepter qu’il n’existait plus.
Un violent coup de poing dans l’estoc la réveilla pour de bon, lui coupant le souffle. Les doigts gantés du Black Mask se frayèrent un chemin jusqu’à l’anneau de la fermeture éclair du costume de cuir.
Ne...elle toussa avant de tenter de le mordre. Ne t’avise pas de me toucher.
Et qu’est-ce qui se passera ? murmurait à présent Sionis. Tu n’es plus qu’un petit chat trempé, Catwoman. Et il descendit la fermeture pour réveler son soutien-gorge, puis,
« Monsieur, vos signes vitaux sont faibles... et j'ai perdu le contact avec madame. Je crains que Black Mask n'ait réussi à la capturer. Vous allez bien ? Bruce ? Maître Bruce, répondez ! »
Grognement difficile. Une main agrippa le rebord, puis tira avec force pour hisser le corps vers la surface. S'allongeant sur le dos, le Chevalier Noir resta un long moment silencieux, tentant de retrouver une respiration normale... malgré le trou béant dans son torse.
« Je... je suis là, Alfred. »
Le soulagement du majordome s'entendit depuis l'autre bout de Gotham.
« Dieu soit loué ! Vous m'avez – encore – causé la peur de ma vie, monsieur. »
« Désolé pour ça, Alfred. J'ai... j'ai été touché sévèrement, et j'ai perdu mon masque. Je crois que les systèmes de l'armure ne fonctionnent plus comme ils devraient. Mais... vous dîtes qu'ils ont Cat ? »
Un silence lui répondit. Durant ce temps, Batman se releva, et entreprit aussitôt de limiter les dégâts sur son corps en utilisant un des nouveaux gadgets que Lucius avait concocté : un gaz mousseux qui permettait de stopper les hémorragies et d'aider les tissus à guérir. Sommaire, temporaire, mais efficace. Sa respiration fut nettement plus facile dès qu'il eut terminé, après quoi il jeta la petite bonbonne dans l'océan.
« J'ai une localisation, je crois. Lorsque Killer Croc est tombé avec vous dans l'océan, il a disparu, et Sionis est venu récupérer Catwoman. Madame est probablement retenue par ce lunatique à l'heure qu'il est, et je pense savoir où ! Des communications du GCPD laissent suggérer que l'hélicoptère s'est posé sur le toit de l'ancienne aciérie de la famille Sionis. Celle que le Joker a longtemps utilisé, et qui est à l'abandon. J'imagine qu'il voit un côté plutôt poétique et malsain à se terrer là-bas. »
« Je vois. Je fonce là-bas. »
« Je suis tenté de vous dire de vous arrêter... mais vous n'en ferez qu'à votre tête, comme toujours. Et de surcroît, la vie de madame est en jeu. Alors allez-y. Je vais demander à Gordon de faire venir des renforts. »
Une heure et douze minutes plus tard...
L'aciérie était sinistrement silencieuse. Les hommes de Black Mask n'étaient certainement plus aussi nombreux qu'avant, et le fait que les quatre assassins avaient été vaincus ou neutralisés était la preuve que s'en prendre à Batman et Catwoman n'était pas chose aisée. Furtif comme à son habitude, le Chevalier Noir se fraya un chemin à travers le dédale de couloirs et de salles, neutralisant impitoyablement chaque ennemi sur sa route. Il n'avait plus qu'un but, et personne ne pourrait l'en empêcher.
Il faisait peur à voir, peut-être même encore plus qu'à l'accoutumée. Sa cape était déchirée, trouée, son armure abîmée et tâchée de sang, marquée de griffures et d'impacts. Son visage était tuméfié, sombre, et l'absence de masque lui donnait l'air d'un homme revenu d'entre les morts. Ce qui était le cas, d'ailleurs, aux yeux des vauriens qu'il affronta. Quand enfin il arriva à la pièce où était retenue Cat, il s'avança d'un pas simple, calme, léger.
« Tu n'es plus qu'un petit chat trempé Catwoman. »
Son dernier geste fut d'entailler le torse de Selina.
Pris dans son plaisir morbide de faire du mal, il n'entendit ni ne vit quoi que ce soit. Le léger frottement de la cape, le son des pieds bottés, le souffle de la respiration. Jusqu'au dernier moment, jusqu'à ce que Batman soit dressé juste derrière lui, il ne perçut rien de la présence de son ennemi.
Bruce abattit alors fermement sa main sur l'épaule de Sionis, le forçant à se retourner... et à écarquiller les yeux de terreur.
"Set your eyes on the setting sun This is the turnaround, turnaround Do you mind me forever young? This is the turnaround, turnaround ♪"
Il y eut, en soit, peu de minutes avant qu’ils ne voient débarquer Batman. Tous en amont, qui avaient bien vite croulé sous les coups, tous sauf Black Mask et Catwoman, viscéralement en train de se haïr. Elle s’était laissée faiblir mais les dents serrées, elle le toisait à présent, lui qui était si concentré à imaginer quel tableau peindre avec sa lame. Oh non, jamais elle n’aurait offert ce plaisir à Sionis de l’entendre crier. De toute façon, Selina aurait juré avoir donné toute sa voix plus tôt, perchée à l’échelle de l'hélicoptère. Chaque clignement d’yeux, elle ne revoyait que la chute : interminable, noire, définitive.
Son fouet avait disparu, son arme aussi, mais qu’importait. Elle tuerait l’horrible bourreau avec les dents s’il le fallait. De nouveau, c’était la colère qui primait sur le reste, elle ne devait pas oublier pourquoi ils avaient fait ce chemin ensemble avec Wayne, se concordant pour éliminer chaque pièce de cette mascarade géante. Alors oui, elle avait mal, mais elle aurait mal plus tard, elle saurait repousser ou du moins façonner pour gagner en puissance. Et-...
Et cela s’arrêta là. Les mèches courtes de la brune, comme un rideau lentement lui dévoilèrent cette silhouette connue. Pas de battement de cœur, un instant, mais celui qui suivit résonna plus fort. Les yeux verts de la justicière se mirent à serpenter le long de l’ombre qui se découpait en approchant, quelques mètres plus loin. Roman Sionis était trop absorbé par sa tâche, et Selina Kyle trop happée par ce visage à la mine sombre. Bloquée, enchaînée au choc, elle ne dit rien, et c’était comme si elle vivait enfin ce qu’elle aurait espéré vivre ces derniers mois : lui qui revenait à elle.
Les bleus et les ecchymoses pourtant, ne pouvaient lui cacher ce visage tellement connu, sensiblement différent. Elle ne pourrait jamais s’y tromper avec l’homme qui avait partagé une bonne partie de sa vie, et ce même si elle aurait voulu y croire. Kyle voulait y voir le fantôme qu’elle avait attendu (elle qui n’attendait jamais rien). Le noir émêché du costume en lambeaux qui s’avançait dans un silence complet, peignait un tableau du parfait spectre. Mais elle n’était pas dupe, ces traits-ci -d’une vive ressemblance avec les autres- Selina les voyait pour la première fois. Même rajeuni, c’était comme si on lui avait empoigné les entrailles pour la mettre devant le fait accompli. Elle poussa un soupir, à la fois peinée par cette vision mensongère et soulagée de le retrouver en vie.
Les choses s’accélérèrent. Black Mask qui se retournait et Catwoman qui atterrissait sur ses pattes avec moins de souplesse qu’à l’accoutumée, grimaçante. Elle avait eut le temps de finir de scier la corde avec ses griffes et désormais elle était prête à en découdre :
Tu parles beaucoup trop Roman, fit-elle avant d’essuyer le sang sur ses lèvres, de remonter sa fermeture éclair sur sa poitrine. Les maux de son corps rendirent sa remise debout difficile, mais les maux de l’âme ne la firent se tenir que plus droite. Il ne l’avait qu’à peine humilié mais elle le lui rendrait au centuple. D’un coup de patte elle lui fit lâcher son couteau, mais ils s’y mirent à deux pour le décimer. Tous ceux qui se trouvaient sur leur chemin le regrettèrent amèrement. L’écart entre la vie et la mort se rapetissait pour Black Mask, mais la brune retint le bras du Batman au dernier moment :
Il est pour moi, aurait-elle voulu dire, mais il n’y eut nul besoin de mot alors que leurs regards se croisaient. Jamais Bruce ne l’aurait laissé le tuer, elle doutait sa que version alternative soit d’un avis différent. Ce serait au CGPD de gérer.
En arrivant dans l’aciérie, l’escouade découvrirait son visage carbonisé tête en bas, pendu par le pied, une pancarte de fortune accrochée autour de la taille : “There’s no millions to offer anymore”.
***
Le petit jour succédait à la nuit tandis que les deux figures de l’ombre s’éloignaient du nord de Gotham. Le silence entre eux s’était appesanti, tandis que chacun essayait d’ignorer ses blessures. La fierté féline du chat lui interdisait tout geste sympathisant, indice qu’elle était heureuse de le savoir en vie. Elle avait pourtant beaucoup de difficulté à ne pas le dévisager, ni à ne pas vouloir le serrer contre elle, s’assurer encore une fois qu’il était fait de matière. Selina tendis la main sans brusquerie, se suspendit dans le dos de Bruce avant de s’approcher :
Monsieur, Madame ! s’écria la voix âgée d’Alfred à bord de son auto au point de rendez-vous.
« Retour à la maison, Alfred. Ce fut... ce fut une longue nuit. »
Oui, elle fut longue, et douloureuse.
Et pas uniquement à cause de ses blessures physiques. Certes, Bruce avait été attaqué par des armes blanches, il avait une vilaine plaie sur le flanc, le visage tuméfié et le corps saccagé, mais il tenait debout. Il tenait toujours debout, qu'importait la douleur. Mais psychologiquement, il était fatigué aussi. Il avait manqué de prudence à un moment, à un bref instant, et il avait failli en payer le prix le plus fort. Et de plus, il avait pu constater que son visage découvert, son identité révélée et mise à nue, ne changeait pas grand chose. Et ce constat était à la fois navrant et plat. En bref, une immense chape de fatigue s'abattait sur le Chevalier Noir, alors que les premières lueurs de l'aube venaient.
Le trajet du retour fut extrêmement calme. Alfred ne parlait pas, concentré sur sa conduite, tandis que Bruce ne regardait pas Selina, ni la touchait, ni rien. Il était occupé à pianoter des instructions sur ses gadgets, à l'intention du Bat-ordinateur et de la Batmobile. Cette dernière, pilotée par IA ? Rentrerait tranquillement à la Batcave.
Quel soulagement, toutefois, quand le véhicule arriva enfin sur les terres du manoir Wayne. Un repos bien mérité allait être de rigueur, et Bruce estimait qu'il allait peut-être laisser passer une nuit avant de retourner sur le terrain. Ou peut-être que non... car il restait du travail à faire. Roman Sionis était de nouveau entre les mains du GCPD, et sa traque avait pris fin, mais il avait encore beaucoup d'alliés qui voulaient avoir le plaisir de tuer Batman. Combien continueraient de mettre la ville à feu et à sang, en espérant toucher une prime lorsque la chauve-souris viendrait ?
« Madame, je vais vous faire couler un bon bain chaud. J'ai déjà pris la liberté de vous mettre des vêtements à disposition dans votre chambre. Appelez-moi si vous avez besoin de quoi que ce soit. Quant à vous, monsieur, je vais vous examiner. Et Lucius veut vous parler, si vous... vous êtes en état. »
« Merci Alfred. »
Plusieurs minutes plus tard, Bruce était assis, torse nu, dans la Batcave, les yeux rivés sur la chute d'eau qui masquait la sortie externe. Il avait encore le visage tuméfié et noirci, mais au moins, il se sentait mieux. Alfred, perché dans son dos avec un tablier, nettoyaient ses nombreuses plaies... car il en avait, au final, bien plus qu'escompté. Lucius Fox, impeccable dans son costume, se tenait non loin, une tablette à la main.
« Je vais lancer des rénovations dès demain matin, monsieur Wayne, comme vous me l'avez demandé. L'appartement de miss Kyle sera entièrement remis à neuf, et je veillerai à ce que personne ne revienne le piéger. La Batmobile a souffert, mais vous devriez pouvoir retirer vous-même les tags effectués sur ses flancs... toutefois, votre dernière requête va prendre du temps. »
« Du temps ? »
« Oui. J'ignore à quel point on peut évaluer les dégâts causés par Black Mask et ses sbires, cette nuit, pour la simple et bonne raison qu'il n'y a pas que des dégâts structurels. Les otages et les victimes sont peut-être plus nombreux que ce que vous avez croisés, et... oh, pardonnez-moi, miss Kyle, je ne vous avais pas vue arriver. »
Bruce tourna son regard vers elle. Il n'était pas surpris qu'elle soit descendue les voir. Il se demandait simplement s'il allait s'agir d'un moment délicat pour eux deux... s'il s'agissait d'un moment où elle allait vouloir lui parler. Il lui adressa un demi-sourire, tout de même, car il était soulagé de voir qu'elle était physiquement en parfaite condition. Au moins, elle n'était pas blessée.
"Set your eyes on the setting sun This is the turnaround, turnaround Do you mind me forever young? This is the turnaround, turnaround ♪"
Vous êtes un amour Alfred, comme toujours, fit-elle en regardant la maison dans le même temps. Bizarre de revenir ici. En fermant les yeux, elle pourrait presque retrouver ce parfum de passé, de révolu, de manquant. Elle trouva seule le chemin de ses appartements, se glissant dans la salle bain bienheureuse de se défaire de son costume. Les lunettes valsèrent, puis les chaussures et elle ôta sa deuxième peau avant de s’enfouir dans l’eau chaude. Selina jeta un œil tout de même aux vêtements pendus sur le présentoir.
La surprise de constater que ses anciens vêtements étaient toujours au manoir, laissa bientôt place à un sourire triste : Alfred avait choisi l’une de ses robes, portée la dernière fois pour une soirée en rooftop avec son fiancé. Elle ne l’avait pas gardé sur elle très longtemps, cela dit.
Le bain fut de courte durée, déjà parce que bien vite elle se mit à y grimacer. Toutes les coupures fraîches étaient empoisonnées par le savon, détendues par l’eau chaude, ce qui manqua de la faire jurer. Cat s’extirpa de la baignoire pour se sécher, s’habilla et prit la route de la Batcave, certain de tous les y trouver.
Pas étonnant que personne ne l’ai aperçue. Le chat s'était fondu dans le décor, silencieux sur ses pieds nus, le noir de son vêtement pour camouflage. Elle avait ouvert grand ses oreilles en se faufilant sans hâte vers le centre du QG secret. Élégante, la robe seyante n’était pas assez longue pour cacher l’entaille -peu profonde, mais laide- sur sa cuisse. Elle entra dans la lumière pour les rejoindre et salua Lucius d’un léger mouvement de tête avant de regarder Bruce. Il faisait peine, mais son sourire discret parut à Selina comme encore plus lumineux. Tendre, excusé, finement soulagé. Lui rendre fût automatique : après tout, elle n’a jamais sû rester véritablement de marbre face à cette gueule. Même différente, même abimée, même plus jeune, cette figure était celle d’un homme qu’elle avait chéri. Mais l’instant fut bref, Catwoman se retourna vers Fox avec sérieux :
Lucius, est-il vraiment nécessaire de le faire reconstruire ? Black Mask n’était sûrement pas le seul à connaître mon adresse. Je n’y serais plus vraiment en sécurité, même remis à neuf...
Ce constat était navrant, mais elle ne laissa pas abattre. Peut-être avaient-ils pensé à un plan ? Elle s’avança jusqu’à Bruce pour le dépasser :
Laissez, Alfred.
La voilà qui prenait la place du majordome, assise, s’affairant à son tour à désinfecter et recoudre. Comme si de rien, elle poursuivit :
J’ai d’autres planques, d’autres lieux de vie. Une fois que tout cette agitation sera retombée, il ne me manquera plus qu’à tout y recommencer.
Son calme était olympien malgré la petite ride qui se dessinait entre ses sourcils, concentrée. Les blessures du Batman n’étaient vraiment pas jolies, et demeurer délicate n’était pas évident. Cette tâche, la brune avait sauté dessus, par instinct, cherchant un contact qui la conforterait dans l’idée qu’il était bien de chair.
Laissons-le GCPD se charger de l’évaluation des dégâts. Cela mis à part, nous ne pourrons pas dire qu'ils ont fourni le plus gros du boulot. Le sourire de la belle était cynique. Demeurait cette relation épineuse avec la police de la ville. En effet, s’ils s'étaient déplacés sur chaque lieu ce soir là, ils n’avaient pas pour autant participé à l’évincement des malfrats ou au sauvetage des civils. Mais elle ne leur en voulait pas. Deux millions, c’était énorme. Et devoir contenir ses propres troupes n’avait pas dû être une mince affaire pour Gordon.
Pour l’instant, il faut se reposer. N’est-ce pas mon cher ? Ses gestes se firent un peu plus brutes, histoire de le contraindre à lâcher prise pour ce soir, enfin ce matin. Selina savait mieux que quiconque qu'il n’arrêtait jamais, mais revenir d’entre les morts (encore, plus ou moins) pouvait signifier prendre une pause. Le majordome et l’inventeur se jetèrent un regard entendu avant de retourner au manoir, et bientôt il n’y eût plus que le noir autour de Bruce et Selina, éclairés par le spot bleuté. C’était comme un cercle protecteur tracé autour de la tornade, pour l’apaiser peut-être, pour la contenir sans doute.
Le silence remplaça la faible agitation de la Batcave, et bientôt, les seuls sons provinrent de l'extérieur et des instruments dont se servait Selina. La cascade continuait de vrombir, les chauve-souris continuaient leurs allées et venues lointaines, et à l'extérieur, la faible lueur de l'aube amenait avec elle une nouvelle sonorité : le jour. Mais à l'intérieur, l'obscurité était toujours présente, bien qu'affaiblie par cette nouvelle clarté. Bruce, stoïque, ne soufflant mot, ne faisant pas le moindre bruit, n'esquissant aucun geste, laissait la belle faire son travail : soigner ses plaies.
Cet instant, qui s'étira doucement dans le temps, lui rappela des heures qu'il aurait aimé avoir. Lui rappela des choses dont il avait deviné que l'Autre avait vécu, mais que lui n'avait pas eu cette chance. Sur sa Terre, Cat n'avait été qu'un rêve, un baume, mais jamais leur relation n'avait pu atteindre un tel palier. Jamais ils n'avaient profité d'un moment aussi calme, à deux, seuls dans les ténèbres souterrains, et aussi... anodin, pour eux. Les rares fois où elle était venue au manoir, il n'y avait jamais eu de telle félicité.
Et là...
Là c'était terriblement doux. Terriblement, car il n'osait plus bouger ni parler. Il n'osait pas rompre ce moment, il n'osait pas se dire qu'à un moment, il allait falloir qu'il s'arrête. Qu'il allait falloir qu'il se lève, se dirige vers le Bat-ordinateur pour écrire le rapport de cette nuit, pour consigner ce qu'il s'était passé avant d'oublier des détails. Il ne voulait pas rompre l'instant, car alors, il lui faudrait dormir, se reposer, et de même pour Selina. Il ne voulait pas que tout s'arrête... même s'il le fallait.
Ses plaies n'étaient pas guéries, mais les plus importantes étaient désinfectées maintenant. Alors il fit un petit mouvement d'épaule, à peine perceptible, mais elle le sentit : alors elle s'arrêta. Et lui, il se leva.
« Tu devrais te reposer. La nuit fut longue. »
Il s'observa un instant dans le miroir, et il ne vit qu'un visage épuisé. Il avait l'habitude, mais surtout, il savait reconnaître quand il pouvait se permettre de relâcher la tension. Là, ce n'était pas le moment. Il tendit le bras vers un t-shirt, l'enfila, et se dirigea alors vers le Bat-ordinateur. Celui-ci s'alluma à son approche, et ouvrit aussitôt ce qu'il avait voulu commencer plus tôt : le dossier de cette nuit.
Il aurait voulu ignorer la présence de la brune dans son dos. Mais c'était impossible.
« Cette nuit aura été longue et difficile. Black Mask ne nous a pas épargnés, et il a donné tout ce qu'il avait pour nous vaincre. Comme prévu, nous avons su vaincre, et... et je suis content de voir que tu t'en es sortie sans mal. Malheureusement, il y en aura d'autres. D'autres moments terribles. D'autres moments où nous ne serons peut-être pas ensemble. »
Il prit le siège. Les rapports du GCPD affluaient, au petit matin, car il y avait de nombreux malfrats à coffrer et les restes de la chasse de Black Mask à régler. Déjà, Gotham News diffusait un reportage sur les lieux où avait été stoppé le super-vilain... mais rien concernant l'appartement de Cat.
« Va dormir, Cat. Je te promets de faire de même quand j'aurais fini ici. »
Il se tut.
Car il y avait trop à dire, car il n'y avait rien à dire. Il n'avait pas envie de devoir parler à cœur ouvert, de devoir tout déverser, de devoir prolonger ou recommencer une conversation difficile. Il ne voulait pas de tout cela, en cet instant, et il préférait donc repousser, encore. On aurait pu penser qu'il était juste ainsi : froid. Mais en vérité, il appréhendait cette conversation. Il ne savait pas où elle mènerait, ni si elle mènerait quelque part, ni si ce quelque part serait bon. Alors il préférait se taire. Il préférait repousser.
En espérant ardemment que la jeune femme fasse de même.
Accueil 
![The hunt begins [PV Cat] Empty](https://2img.net/i/fa/empty.gif)
