- Dates clés a écrit:
- 1986 — Naissance en Kabylie
1995 — Premier voyage astral. Possession par un esprit malveillant et exorcisme, qui ne la laisse pas sans séquelles. Commence à entendre la Voix.
1998-2001 — Résidence temporaire à Alger, vit chez son oncle Saad.
Juillet 2001 — Départ pour Paris. Est hébergée par son cousin Maziz, fréquente le lycée pro.
Courant 2005 — Apparition de Superman, qui l’intrigue autant qu’elle lui permettra d’affirmer sa différence. Stoppe les mutilations de ses ailes.
Mars 2005 — Décès de Moqran, son père. Retour en Algérie pour les funérailles, insiste pour que sa mère vienne avec elle en France, sans succès. Cadette de la République, formation pour préparer concours gardien de la paix.
2006 — Concours interne pour accéder à la formation de gardien de la paix réussi.
2007 — Début de la formation et diplôme. Police judiciaire de Paris.
2008 — Rencontre avec un détaché américain au 36, dont elle s’éprend.
2009 — Sa mère tombe malade, Taninna accumule les crises. Souhaite rejoindre son petit-ami outre-Atlantique, à qui elle force la main.
2010 — Premier voyage aux USA, en périphérie de Gotham. Rencontre avec K’aarna et engrène le nouveau Cycle. Réanime une tortue décédée qu’elle baptise Luthor. Découvre l’envers de K’aarna, qui l’incite à siphonner l’énergie vitale des vivants pour se sustenter (mais surtout se stabiliser). Promotion interne en tant que brigadier.
2011 — Décès de sa mère Bejja. Crise incontrôlée et premier meurtre. Elle lui lègue un petit coffret qui renferme son pendule personnel. Souhaite s’installer avec son compagnon Connor à Gotham.
2012 — Départ pour les USA malgré les réticences de Connor. Réanime pour la première fois un cadavre humain, ce qui lui a valu un séjour de deux jours à l’hôpital de Gotham.
2013 — Demande et obtention de la Green Card grâce à la loterie. Acceptée en tant qu’officière à la GCPD. Littéralement horrifiée par l’existence d’Atlantis, lui rappelle ses peurs profondes.
Fin 2015 — Invasion extraterrestre. Les armées du monde se liguent et Taninna prend part à tout ceci. Rencontre avec un jeune mystique curieux. Ressort un peu plus abîmée de cet événement, son compagnon également.
Fin 2016 — Séparation avec Connor. Quitte les terres maudites de Gotham pour Metropolis.
Mi-2017 — Reçoit une offre d’emploi à la GCPD. Ils veulent la reprendre à la brigade criminelle.
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La tribu berbère dont elle est issue a été baignée dans le surnaturel depuis des temps immémoriaux, allant jusqu’à l’époque des premiers exodes. L’assise de l’Islam ainsi que la colonisation française sur leurs terres dénatura leurs pratiques. Pourtant, malgré les fortes tensions secouant le pays durant la guerre, ils restèrent soudés et tentèrent de subsister à leur manière. Certains d’entre eux, plus préoccupés par leurs idéaux que leur propre sécurité, se dressèrent contre le régime et portèrent main forte au FLN. Mais ses aïeux n’étaient pas faits de ce bois-là.
Bejja, sa mère et sorcière, héritière d’une lignée de modestes Homo Magi, s’occupait de confectionner des bijoux dont la résonance magique n’était pas anodine. Son père quant à lui était professeur de français et n’avait aucun lien propre avec les arts mystiques. Sous clause que Bejja n’use plus de la magie, ils se marièrent très tôt et, afin de perpétuer leur lignée respective, désirèrent un enfant. Ce qui s’avéra être des échecs constants, la grossesse ne parvenant jamais à son terme et se soldant par une fausse couche, et ce malgré leurs ferventes prières. Une situation éprouvante pour ce couple qui voyait le miracle de la vie leur échapper d’une façon tant injuste que douloureuse. Bejja, dans un dernier espoir, prit la dangereuse initiative d’user de la magie afin de forcer le cycle naturel.
On la baptisa Taninna dès qu’elle fut sorti du ventre de sa mère, deux tâches noirâtres marquant ses minuscules omoplates. Moqran, ayant d’abord cru au miracle, fut très vite rattrapé par la réalité qui leur faisait face. Il en voulut affreusement à son épouse mais se résigna à accepter cette enfant comme sa fille. En grandissant, ces petites excroissances devinrent des ailes de vautour aux couleurs de la nuit.
Il se souvient :
« Taninna ! Ça pour un nom d’oiseau… », ricanait Idir, le boucher du village.
La fillette portait le nom d’un oiseau de légendes berbères. Pour qui, pour quoi, peu importe, c’était ainsi choisi. Le sourire sur les visages qui l’entouraient, les félicitations offertes, les bénédictions inutiles. Taninna portait la marque d’un troisième parent invisible. Un Très-Haut.
………ELLE………………EST……………………………
Témoignages — Saad, oncle paternel« C’était une gentille fille. Je me souviens encore de ce jour où elle m’a demandé, du haut de ses cinq ans :
“Oncle Saad, qui va m’apprendre à voler ?”. Je lui ai dit que Dieu la récompenserait si elle persévérait. Elle m’a alors demandé si les oiseaux pourraient l’aider eux aussi. J’étais triste de la voir ainsi livrée à elle-même, vous savez. Ce n’est pas facile pour qui est différent, surtout chez nous, loin des marabouts et autres mystiques. Mais elle est une enfant d’Allah et Allah aime ses enfants. […] Quand je suis revenu la voir le surlendemain, la petite m’avait écouté. Il fallait qu’elle s’endurcisse, qu’elle apprenne à faire les choses seule. C’est comme ça qu’on grandit. Elle s’est blessée plusieurs fois mais a finalement réussi. (Ah, je vois encore les yeux furieux de sa mère me limer le visage !) Ithri l’a toujours soigné à l’aide d’onguent magiques. Je ne connais rien de tout ça et je n’ai aucune envie d’y jeter ne serait-ce qu’un œil curieux — j’estime que tout cela est haram, quoi qu’on en dise. […] Et à sept ans, elle savait voler seule. Je me suis toujours demandé pourquoi elle a tant été discriminé pour ça. C’est ce qui l’a empêché d’aller à l’école comme tous les autres enfants. Ils ne comprenaient pas encore sa différence. Avant qu’on ne lui attache les ailes dans le dos et les jambes, pour rendre son calvaire plus doux. Non, je n’ai jamais compris, et j’ai eu mal de la voir ainsi. Cette petite est d’entre tous celle qui se trouve au plus proche du Ciel… »
Témoignages — Ithri, grand-père maternel« Oh, oui : je l’ai laissé apprendre à voler, seule, tout en gardant un œil sur son ouvrage. Personne ici ne pouvait vraiment l’aider. Présent pour panser ses plaies, j’ai remarqué que ses ailes guérissaient seules au bout de quelques jours. J’ignore comment une telle chose est possible, quant bien même je pense connaître l’erreur commise par ma fille. Elle a donné la vie à un prix qui la fera disparaître avant moi. »
« Quand j’ai vu Taninna la première fois j’ai su qu’elle avait quelque chose de différent. Son aura était différente, singulière et émanait d’elle avec force. Je mentirais en disant que je suis son semblable, même si nos dons médiumniques respectifs sont comme frères. […] Quand elle a exprimé ses premières angoisses liées à ses pouvoirs, ma fille est venue me voir. Je lui ai parlé toute la nuit durant. Ma petite-fille était bien trop jeune à cette époque pour que je puisse lui expliquer quoi que ce soit sur le sujet. Mais un jour viendra où je lui transmettrai mon savoir. Précoce, bien trop : je l’avais détecté puis signalé, la faute à des réserves spirituelles déjà trop importantes. Face à cela, nous ne pouvions rien faire… »
« Le destin voulut qu’elle soit victime d’une possession. Neuf ans. Elle s’est réveillée en trombe et s’est faufilée à l’extérieur, d’où je l’ai vu s’agiter en hurlant. Il n’a pas fallu très longtemps pour que d’autres personnes soient tiré de leur sommeil, mais j’ai tout de suite agi en conséquence. J’ai senti une colère monstrueuse dégager de ma petite Taninna avant qu’elle ne disparaisse aux yeux d’autrui. Je sentais encore son énergie, son aura caractéristique : elle était là, près de nous, mais ne se manifestait plus comme un vivant. […] J’ai mis un certain temps à comprendre ce qui s’était réellement produit. Elle est devenu difficilement gérable, même pour moi, marabout. Nous l’avions enfermée dans un sceau dessiné au sol, seul moyen trouvé pour la maintenir à un endroit précis sans craindre de violentes représailles. »
« J’ai senti la noirceur de l’âme qui désirait la corrompre. Elle voulait prendre le contrôle, gagner ce combat que j’imaginais interminable. Cet esprit était si mauvais que l’exorciser du corps n’aurait su régler tous les soucis qu’il provoquait déjà. Je fis le choix de piéger l’entité dans le corps d’une jeune chèvre. Une mesure prise pour sauvegarder l’équilibre mis en péril sur nos terres et dans nos coeurs. J’ai alors gravé un sceau magique à vif dans sa peau, ne pouvant prendre le temps de le tatouer comme nous le faisions parfois. J’ai exorcisé ma petite fille avant de donner la mort à la chèvre-réceptacle. Taninna s’en retrouva définitivement abîmée, elle aussi. Car ce jour-là, j’ai perdu l’usage de mes yeux. »
………ENCORE……………ET………………
Témoignages — Bejja, mère« J’ai dû l’envoyer loin de nous. Ça ne pouvait plus durer, elle était devenue trop turbulente ici, je n’arrivais pas à la garder sous contrôle malgré nos efforts. Alors Moqran a décidé de l’envoyer à Alger quand elle a eu douze ans, et ce malgré la guerre civile qui nous avait secoué. Elle y est resté pendant trois ans, a continué sa scolarité. Une fois un passeport en sa possession, nous lui avons envoyé le maximum d’argent pour qu’elle puisse partir pour la France, chez un de ses cousins. Sa place était là-bas, son avenir n’en serait que meilleur. Même nous, quelques temps plus tard, on a dû s’installer à Tizi-Ouzou et abandonner nos terres. »
Témoignages — Saad, oncle paternel« Alger, c’est différent de leurs montagnes. C’est la ville, et dans la ville il y a la vie et le danger. Les tensions qui faisaient rage n’ont pas beaucoup rassuré Taninna, qui était à l’affût de tout. Elle me disait qu’elle voyait des choses, beaucoup de choses, et même qu’elle entendait une Voix lointaine et insistante. […] Un jour, le GIA a frappé sur des fourgons de police, pas très loin de son école. Ce jour-là, elle est rentré très tard. Grâce à Dieu Ahmed l’a retrouvé saine et sauve : elle était resté assise à côté des décombres et des cadavres. Elle n’avait pas réussi à bouger ! J’étais furieux car j’avais crains le pire et elle en a subit les frais ce soir-là. Ici dans la ville, elle ne pouvait pas voler comme elle le voulait, pas dans notre pays. On lui cachait les ailes sous ses vêtements la majeure partie du temps, ma femme et moi, pour qu’elle n’ait pas de problèmes. C’était dur pour elle mais c’était pour son bien. Les gens différents comme elle avaient beau exister parmi nous, il suffisait parfois de peu pour devenir une cible au milieu d’une foule mouvante et affolée. […] Je me rappelle que depuis ce jour-là elle parlait de la police sans arrêt. Quand Tani croisait un agent au coin de la rue, elle le dévisageait longtemps, jusqu’à ce qu’il disparaisse de son champ de vision. […] Ithri venait parfois du village pour lui apprendre des choses. Il en profitait pour nous rassurer sur son cas, qu’elle ne représentait ni un danger pour elle, ni pour les autres. Nous avions besoin de ces mots, bien sûr. […] Un apprentissage, c’est certain. Et pas sous notre toit. Je ne savais pas de quoi mais je le devinais. Nous autres étions étrangers à tout ça et il était préférable qu’il en demeure ainsi. »
………TOUJOURS……LÀ………………………
Témoignages — Leila, femme de Saad« C’est la fille de son frère Moqran, je n’ai jamais posé de questions sur elle, Saad me disait seulement quelques petites choses par-ci par-là. Je n’étais pas à l’aise avec Taninna, je ne savais pas comment m’y prendre. Ce n’était pas notre fille et même si j’essayais de la traiter aussi bien que notre fils Kader, il y avait quelque chose qui me gênait. Au fond de moi, je savais qu’elle avait quelque chose en plus que nous tous. Ce n’est pas comme Ithri, ça non. Ça me dérangeait vraiment. […] Je sais qu’il y a d’autres personnes différentes comme elle chez nous ou ailleurs, certains veulent même utiliser leur différence pour protéger et aider les gens. C’est bien, mais que sont-ils réellement ? Pourquoi ne sommes-nous pas capables de telles prouesses ? Le serons-nous un jour ? Je n’en sais rien. Je songe parfois au fait qu’ils soient des soldats d’Allah, bénis comme nous le serons jamais. Plus dignes. À moins qu’ils ne soient l’inverse ? Ça m’échappe. L’État lui aussi ne parvient pas à savoir, alors il réprime ces interventions férocement. Ne serait-ce que pour respecter les préceptes de l’Islam, notre religion d’État et la mienne également. Certains sont chassés du territoire, et c’était d’autant plus vrai pendant la guerre civile, lorsqu’elle était avec nous. Taninna n’a pas subi le même traitement de faveur et j’en remercie Dieu, car elle est un enfant d’Algérie comme nous, quant bien même son destin l’a mené de l’autre côté de la mer. »
………SI………SOIF……………………
Témoignages — Maziz, cousin« Quand je l’ai eu à la maison à Barbès, elle allait fêter ses seize ans. Ça faisait bizarre de la revoir après autant de temps, la dernière fois que je l’avais vu, elle en avait à peine huit. On m’a raconté tellement de choses sur Tani, j’étais pas sûr de vouloir y croire. Mais la famille c’est la famille non ? On prend soin les uns des autres. C’est notre sang, c’est comme ça ! […] Elle a réussi à s’intégrer même si elle avait un peu de mal avec certaines expressions typiquement françaises. À mon avis elle faisait pas trop d’efforts non plus, vu ce qu’elle pouvait balancer à certains ! Les quatre vérités dans leur nez, comme ça, sans pression aucune. Ça me faisait pouffer au début mais vous pouvez être sûrs que quand ça vous arrive, vous l’avez mauvaise. D’autant que dans le quartier, il valait mieux pas trop se l’ouvrir, encore moins quand… enfin, vous voyez ce que je veux dire. Enfin bref…elle a redoublé deux fois sa classe de terminale parce qu’elle préférait s’amuser (elle a commencé à fumer à cette période). Elle tenait tête à tout le monde, même à moi, c’était pas croyable. J’avais l’impression d’avoir un autre garçon sous mon toit. Tellement qu’elle s’est prit des coups, mais le souci c’est qu’elle a commencé à les rendre… heureusement qu’elle était petite de taille, ça reste plus facile pour se faire entendre et respecter, mais ses ailes étaient franchement impressionnantes une fois déployées. […] Elle s’entendait bien avec les garçons et ça dure encore, toujours prêts à faire les quatre cent coups ensemble. Elle n’était pas méchante mais elle avait ses phases on va dire. J’ai déjà dû l’emmener d’urgence à l’hôpital parce qu’elle devenait ingérable. Des crises de colère, paf, comme ça. On a jamais su pourquoi d’ailleurs. Mais même là-bas c’était parfois tendu. On l’a gardé une semaine et demie en psychiatrie mais vu qu’elle se barrait sans arrêt, on a laissé tomber. On s’est dit qu’il fallait qu’elle trouve un moyen de se défouler, de s’exprimer pour éviter de péter des câbles pour rien. Et vu qu’elle pouvait pas toujours voler dans le coin, bah…elle volait pas…(bon, sauf en banlieue)…et au lieu de ça il a fait du tir à l’arc, ça lui a plu. Un moment seulement… parce que Tani m’avait lâché un jour : “Je suis pas un putain de cupidon !” et là, on a comprit qu’il valait mieux pas pousser le bouchon. Au moins, on a réussi à lancer la machine. »
Témoignages — Bejja, mère« Quand son père est mort (c’était en 2005) elle est directement retournée au pays. Elle savait que c’était risqué mais elle y est allé quand même. Pour elle, le voyage a été éprouvant. Très éprouvant. Elle était si triste…Tani a voulu m’emmener avec elle en France. J’ai refusé. Je ne pouvais pas quitter mon pays ! Je ne pouvais pas rester avec ma fille. Je ne parvenais pas à me l’avouer, mais j’avais peur d’elle. Peur qu’elle disparaisse. Comme si elle n’était pas vraiment celle que j’ai enfanté mais plutôt une part de cet « autre » que j’ai désespérément invoqué à notre secours. Elle m’a parlé de ses progrès en magie, et j’ai cru voir dans ses yeux une flamme éteinte. Qu’elle entendait toujours cette Voix et qu’Ithri ne savait pas (ou ne voulait pas) dire quoi que ce soit à ce sujet. […] Cela fait des années que je souffre en silence. Depuis qu’elle est née, depuis que j’ai laissé de moi dans cet ouvrage. […] Ma Tani m’a dit que bientôt, elle allait être officier de police, comme elle le voulait, que ce n’était qu’une question de temps. Elle m’a aussi dit qu’elle irait parler à Moqran, que je pouvais lui dire n’importe quoi et le message lui serait transmis. Je n’ai rien dit, mais j’ai pensé :
laisse-le en paix. »
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Cette même année, elle s’engagea dans des études, ce qui ravit sa mère. Elle gardait un contact fréquent avec elle, souffrant de la savoir ‘seule’ de l’autre côté de la Méditerranée. Après avoir été reçue au concours, elle suivit une formation dont elle sortit avec un premier emploi à la police judiciaire de Paris. Depuis l’avènement de Superman, Taninna a cessé progressivement de se mutiler les ailes. S’insérer dans une société qui n’est pas réellement la nôtre en fin de compte, n’est pas forcément aisé dans le domaine professionnel. Les premiers mois au poste se firent avec les ailes sanglées à son dos, chose qui la perturba pendant longtemps. Un jour, elle est arrivée sans, et rien n’a vraiment changé. Les quelques regards surpris ou fuyants ne l’ont pas arrêtée. Les personnes comme elle, disait son supérieur, avaient le droit de servir la République autant que les autres. Elle qui voulait travailler sur le terrain était de fait envoyée le plus souvent possible, sa capacité de vol lui permettant d’être plus rapidement sur les lieux. Sur les réseaux sociaux, puis dans la presse, on a entendu parler d’un « ange gardien » ou d’un non moins inspirant « aigle noir ». Ce n’était pas le cas de certains de ses collègues qui usaient de remarques mal placées. Un vrai poulet chez les poulets ! Contre quoi elle avait certaines difficultés à se contenir, avouons-le. La franco-algérienne, connue pour être rancunière, savait cependant où mettre son grain de sel pour se faire à nouveau respecter.
Taninna est partie de chez Maziz quand elle a été diplômée pour s’installer dans une chambre de bonne, qu’elle a partagé avec un ami pendant deux bonnes années, le temps de trouver mieux. Elle a commencé à vivre plus librement à partir de ce moment-là. Ici en France, comme en Europe, les super-héros faisaient leur vie plus librement et pouvaient agir sans craindre de représailles - si ce n’est celles que leur réservaient certains super-vilains. Ce qui n’était pas le cas dans son pays natal, l’Algérie, où les super n’étaient pas aussi bien perçu qu’ici. Paris foisonnant d’individus en tous genres, Tani assista à quelques interventions héroïques, sans pour autant prendre part à tout cela. Leurs éclats et grands discours - lorsqu’il y en avait - ne parvinrent jamais à l’intéresser à proprement parler. Elle ne les considérait pas particulièrement, quant bien même ils agissaient pour le Bien. La capitale fourmillant déjà tellement, rajouter des super-slips masqués ne la fascina pas autant que d’autres citoyens. Néanmoins, elle fut confortée dans le fait que sa place était bel et bien à revendiquer.———
Témoignages — Vincent, brigadier-chef et ex-collègue« Dès qu’elle arrivait au poste, elle savait mettre l’ambiance. Toujours un sourire aux lèvres et ça même si elle avait l’air défoncée par la fatigue. On lui posait peu de questions personnelles en fin de compte parce qu’elle monopolisait le temps de parole. […] Ses ailes m’ont jamais dérangé, j’ai toujours trouvé ça plutôt fascinant en fait. C’était pas le cas de tout le monde j’en conviens mais ça on y pouvait pas grand-chose. »
Témoignages — Philippe, brigadier et ex-collègue« Une furie sur le terrain. Toujours prête à prêter main forte. Mais ce qu’elle aimait aussi, c’était les interrogatoires. Pourtant… elle avait horreur du mensonge et c’est ce à quoi on est souvent confronté dans le métier. Ce que j’ai trouvé étonnant c’est sa façon de percevoir les choses, elle était parfois tellement sûre de sentir le mensonge chez l’autre qu’elle faisait tout pour lui faire cracher le morceau. J’en ai vu peu lui tenir tête plus d’une journée, avouons-le. »
« Ah, ouais, je l'ai déjà vue dégueuler comme une vache dans les chiottes. Parfois c'est comme ça, elle n'arrive plus à supporter la pression. (Ça doit être ça, non ? Pas cette histoire de pouvoirs ?) C'était pas rose tous les jours non plus, faut pas croire. J'ai pas voulu m'en mêler, j'ai vu comment elle m'a regardé quand je l'ai surprise. J'aurais jamais osé m'immiscer ! »
Témoignages — Alain, ex-collègue« Tani c’était le bon pote. Vous connaissez Gérard de la BAC ? Bah c’est elle, mais pas à la BAC. »
Témoignages — Amandine, ex-collègue« Quoi qu’on puisse en dire, elle nous a beaucoup aidé dans notre travail. Superpouvoirs ou pas Taninna a été un atout pour la brigade et l’avoir vue déserter nos rangs a été un coup dans notre flanc. »
« Elle avait une bonne résistance sur les scènes de crimes ou autre, mais ça ne durait qu’un temps. C’est comme si elle avait des vertiges, elle devait partir. C’est peut-être pour ça qu’elle n’a jamais accepté de promotion pour monter en grade… parce qu’elle n’était pas capable à cent pour cent de prendre sur elle ? »
Témoignages — Jean-Pierre, ancien concierge« Les plumes j’en ai balayé aussi, qu’est-ce que vous croyez ! J’ai l’impression d’avoir passé mon temps à faire ça quand elle louait cette chambre. Flic ou pas flic, tas de plumes ou pas, on ramasse sa merde comme tout le monde ! »
………VA……………………TOUJOURS…………MOI……
Témoignages — Lamia, amie« Je ne sais pas pourquoi mais, un jour, elle m’a touché pendant qu’on se parlait à une terrasse près de Saint Michel. Je me suis sentie de plus en plus fatiguée au fur et à mesure de la conversation, sans savoir pourquoi. J’ai toujours beaucoup apprécié Tani, mais j’avoue avoir été plusieurs fois victime de la même sensation à ses côtés. Hmpf, ça doit être qu’une coïncidence… »
Témoignages — Omri, ami« Je me rappelle qu’un jour elle a essayé de me porter pour que je puisse voir qu’est-ce que ça fait de voler. Elle a réussi à me hisser jusqu’au dessus d’un immeuble et pas plus, apparemment ses ailes avaient beau être régénérantes, elles pouvaient pas supporter longtemps un poids lourd comme le mien ! Bon au moins j’ai essayé et elle a pas dit non, c’était plutôt cool comme expérience. »
« Un soir on était tellement défoncé qu’on a refait le monde sur du Prince et du Groundation. Elle m’a avoué qu’elle s’était déjà coupé les ailes après s’être fait fournir de la morphine en scred. Mais elle m’a aussi dit que maintenant elle ne voulait plus le faire parce qu’elle avait le droit d’être ce qu’elle est, sans avoir à se cacher. Ne pas mentir. »
………VIENS……………………………
Témoignages — Connor, ex-conjoint« Taninna c’est toute une histoire. Je l’ai remarquée dès mon arrivée à Paris et c’est elle qui a fait le premier pas. Des numéros échangés et notre destin scellé, sans qu’on s’en aperçoive. »
« Je suis pas originaire de Gotham mais c’est là-bas que je travaille la plupart du temps. Elle semblait vouloir vraiment me rejoindre, cette ville l’intriguait. Mais je savais pertinemment quel danger cette foutue ville pouvait représenter, pour moi comme pour elle. Je le savais et pourtant, j’ai accepté toutes ses requêtes, jusqu’à accepter qu’elle vienne s’installer ici à mes côtés, aux Etats-Unis. »
« La loterie des Green Cards. Elle a été choisie. Le destin sans doute. Je n’aurais jamais dû accepter…jamais. »
…………………À MOI…………
———
………TU………………ES……………………………
Sa mère tomba malade en 2009. Et elle se laissa aller, mortifiée émotionnellement par le choc. Tani déborde, en colère, elle tente de se reposer sur Connor mais elle souffre. Elle le rejoint là-bas pour quelques semaines, pour se ressourcer.
………LÀ………………PLUS……………PRÈS……
Gotham la rend étrange. Les âmes sont en peine, les terres sont maudites, mais il y a surtout…
………TU………………ES……………………………
ELLE!
………LÀ?………………LÀ……LÀ……………LÀ!………
La Voix.
………ENFIN LÀ………POUR MOI……………………K’AARNA………
Un soir, elle s’en va.
ELLE. Elle, qui vit vraiment. Elle alléchée, elle guidée.
Mais qui ? Est-elle ?
………JE…M’APPELLE…………………………
Tani se retrouve dans un endroit où elle n’a jamais mis les pieds. Une sensation de froid mord à lui en brûler la face antérieure de son poignet, marquée d’une stigmate. Quand elle se réveille, elle a la garde de l’arme-artéfact contre sa paume. Une immense fatigue la submergea.
…………………………K’AARNA……………
Ça l’obsède et elle a besoin de la nourrir. Alors elle tranche de sa lame, psalmodie en babylonien et siphonne leur énergie vitale jusqu’à la dernière goutte. Mais elle ne se nourrit pas pour se soigner, elle la nourrit pour son propre plaisir, sa seule stabilité.
………SI SOIF……………………………………
Une fois de retour en France, elle est promu brigadière. Elle trouve une tortue morte près d’une route, la prend et veut la revoir marcher. Alors Tani a usé de sa magie pour la réanimer, lui insufflant de sa propre énergie spirituelle pour lui redonner ses fonctions motrices.
……DEBOUT……PETIT ÊTRE…………. Corps sans vie et sans conscience propre, les mauvaises langues parleront d’un vulgaire zombie. Mais cette tortue, baptisée Luthor, n’a pas faim de chair et n’erre que si la franco-algérienne le lui demande. Elle n’a pas perdu ses vieux toc animaliers mais la salade qu’elle lui offre ne la nourrit pas : tout comme K’aarna, elle doit la nourrir d’énergie spirituelle, présente en tout être, toute chose résonant suffisamment d’énergie. Si elle omettait de le faire, Luthor retournerait à la poussière, et cette fois-ci, à jamais.
Connor lui a posé des questions sur ce tatouage dont elle ne lui a jamais parlé. Tani prend l’habitude de porter une montre ou un bracelet pour ne pas avoir à se justifier, ne pas avoir à dire la vérité qu’elle ne peut réellement cacher. À lui, elle n’a pas menti. J’ai trouvé une pièce manquante de mon existence.
En 2011, lorsque sa mère décède, c’est l’implosion. La crise survient au mauvais endroit, mauvais moment. Ce soir-là elle n’est pas tout à fait seule et achève deux innocents dans le 20ème, K’aarna au poing. Pour la première fois, elle tuera. Taninna se dégoûte mais elle comprend bientôt qu’elle n’a plus le choix. Pour ELLE.
Quelque chose lui manquait, cependant. Quelque chose qu’elle alla chercher dans le monde de l’invisible. Elle s’exila de plus en plus sur le plan astral, fuyant le reste et en paya le prix. En effet, son espérance de vie fut grignotée par K’aarna durant cette période. Un écart qu’elle modéra, les effets secondaires étant bien plus nombreux qu’il n’y paraît.
Tani alla enterrer sa mère, ramenant avec elle quelques babioles dont elle a hérité. K’aarna lui murmure des mots, lui apprend qu’elle peut phaser temporairement dans l’astral, car c’est ainsi que l’arme-artéfact demeure : prise entre deux feux, comme l’explique sa création même.
- Spoiler:
K'aarna,
dite « l’Éveillée »Joyau d’érudition ou cadeau empoisonné ?
Cet artéfact magique prend l’apparence d’un sabre court à l’allure de cimeterre. Les origines de K’aarna, comme d’autres artéfacts baignés par la magie des âmes, ne sont toutefois pas complètement élucidées à ce jour. On suppose qu’elle serait née de la main du premier champion du dieu syrien Shemal, qui devint par la suite une puissante liche. Cette dernière, intéressée, aurait rapproché une nécromancienne de renom afin de profiter de sa position de vivante et ainsi assouvir ses desseins.
L’une, désireuse de joindre son essence pour en faire une arme capable d’altérer tant les esprits que les vivants ; tandis que l’autre fut cette volonté d’étancher son insatiable soif de connaissances jusqu’en assécher les puits d’âmes de l’outremonde. Une opération fondamentalement risquée qui condamna l’âme de la nécromancienne à rester enfermée dans l’objet et altéra l’essence de la liche jusqu’à la dépouiller d’une majeure partie de son essence spirituelle - dont ses connaissances qui faisaient d’elle une puissante créature, la rabaissant au rang de vulgaire spectre errant. K’aarna fut donc essentiellement marquée de la magie qui animait la liche, à mi-chemin entre ce plan de l’univers et l’astral.
L’objet serait donc resté à l’endroit où on l’a laissé - jusqu’à ce que ce dernier ne soit en présence d’une aura qui aurait réussi à l’aguicher, instaurant le Cycle qu’on lui connaît aujourd’hui.
D’abord récupérée par un vieil érudit du royaume de Saba, elle s’est endormie entre les mains de chacun des porteurs jusqu’à leur mort, emmagasinant les connaissances de ces derniers en conservant leur âme en son sein - et ce pendant des siècles durant.
Un talisman à l’allure d’œil trône sur la garde dentelée, c’est ce qui lui a valu entre autre ce surnom, l’Éveillée, car ce dernier ne s’est jamais fermé depuis sa création; pour elle, éternellement soucieuse de l’environnement dans lequel elle se réalisait.
K’aarna n’est pas particulièrement mauvaise, sa puissante magie se met au service du porteur dont elle emprunte naturellement l’alignement, mais aussi l'espérance de vie. De ceux qui ont croisé sa route, tous s’entendront sur le fait qu’elle ne choisit ses porteurs aveuglément. Des critères qui lui sont à elle seule révélés - mais tout porte à croire que la qualité de l’aura y est pour beaucoup. Il y a donc fort à parier que si Taninna l'a aujourd'hui entre ses mains, ce n'est pas seulement pour ses jolies bouclettes brunes…
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…les moins :— le porteur est irrémédiablement soumis à la volonté de l'arme-artéfact qui est particulièrement gourmande en énergie (vitale et spirituelle)
— sa Voix est omniprésente, mettant à rude épreuve la résistance du porteur
— besoin de nourrir K’aarna d’énergie spirituelle en permanence ; les pouvoirs conférés par cette dernière usent également la réserve personnelle du porteur (en l'occurrence, Taninna)
— ayant un pied dans l’astral et dans notre plan de l’univers, K’aarna n’est pas toujours opérationnelle, ayant besoin de se ressourcer d’un plan à l’autre
— espérance de vie soufflée à chaque passage dans l’astral
— connaissances engrangées par l’arme inaccessibles au porteur pour le moment
— K’aarna emprunte l’alignement de son porteur ; elle est également sensible à son environnement et à la qualité des énergies qui l'affectent : si elles sont mauvaises, K’aarna le devient à son tour… vous connaissez la suite.
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Témoignages — Connor, ex-conjoint« Ça allait plutôt bien. Elle a même été acceptée. Depuis quelques temps, ils prenaient des immigrés avec la Green Card pour intégrer nos rangs. Faut dire que peu voulaient finir flic ici… soit ils finissaient corrompus jusqu’à l’os (ce n’est plus mon cas), soit ils finissaient six pied sous terre. Et Tani, avec ses facultés… j’ai eu peur qu’elle devienne la cible de certains super-vilains, alors qu’elle n’a rien demandé. Mais elle n’a pas voulu écouter et a préféré foncer. Je ne sais pas si elle va bien ou si elle va mal et je ne préfère pas demander… je crois que la vérité serait difficile à encaisser. »
« C’était terrible. J’ai… c’est la même année où on s’est quitté. Une invasion extraterrestre… sérieusement, même moi j’aurais pas cru ça possible. Tani a voulu prendre les armes tout comme moi. Si elle a subi les frais de son audace, j’ai quant à moi été sérieusement blessé plus tard, en mars 2017. J’ai perdu l’usage de mes jambes et… elle ne le sait toujours pas. »
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La Ligue de Justice. Des êtres qui étaient bien plus puissants qu’elle, à bien des niveaux. Est-ce qu’elle aurait pu faire partie de ces groupes de superhéros ? Tani ne se sentait pas aussi forte et ne se revendiquerait pas comme tel. Même K’aarna n’avait pas soif de ces choses-là, seule le gain de connaissances et l’énergie spirituelle l’intéressaient. En théorie. Pendant l’euphorie générale, elle a même réussi à réanimer un cadavre humain. Chose qui a attiré un jeune mystique curieux et qu’elle a fui.
Après avoir récupéré de ses blessures, Taninna est partie à Metropolis en abandonnant derrière elle Connor. K’aarna se nourrissait d’âmes viles et les énergies environnantes l’affectaient, jusqu’à l’alignement même de l’arme-artéfact. Rester ici c'était favoriser sa gangrène psychique.
Se refaire une vie, seule, loin. Oublier Connor. Devenu infirme lors d’une attaque sur Gotham. Taninna a du mal à se faire à cette idée, même aujourd’hui, mais K’aarna la maintient loin de cette ville maudite. Ce n’est pas le cas de son coeur qui l’appelle encore à le retrouver. Son équipe à Metropolis ne lui plaît pas particulièrement et elle a reçu récemment une offre d’emploi de la GCPD.
Réintégrer leur rangs, retourner là-bas.
De toute façon, elle n’était à l’abri nulle part.