Arthur ♆ King of the seven seas

La différence. Je l'ai toujours ressentie. Aussi loin que remonte ma mémoire. Aussi loin que remonte mes souvenirs. Sa sensation s'est toujours manifesté en moi. Que ça soit par des regards, par des gestes, des paroles... Ou même par solitude ou isolement. Depuis tout jeune je me suis sentis différent. Le monde m'a forcé à éprouver cette sensation. Autant que je la ressentais vivre avec véhémence dans chaque partie de mon être. Comme si je n'étais pas là où je devrais exister. Comme si je n'étais pas à ma place, nulle part dans ce monde... Excepté en cet instant... « Mère ? » Je la découvrais pour la première fois. Je pouvais, enfin, tisser les traits sur un visage qui m'avait toujours été inconnu et que je n'avais jamais su comment imaginer. Une existence pour ainsi dire inconnue, souligné par les silences et les discrétions de mon père quant à son sujet. Une quête d'identité me hantant jours et nuits, tant dans mon esprit de jeune gamin perturbé que d'adolescent égaré ou encore de jeune adulte ne sachant trop où il allait. Aujourd'hui, cette vérité trouvait son sens et apportait les réponses qui n'avaient eu de cesse de se multiplier au fil des années. C'est dans le visage d'une mort imminente que je découvris les secrets de ma vie. « Arthur... Orin... Mon fils... » Une main faible et tremblottante se lève jusqu'aux abords de mon visage. « Non, ne parlez pas mère. Économisez vos forces. » Lui intimais-je aussitôt, avec une tonalité aussi douce qu'inquiète et bienveillante. « Il es trop tard pour moi, mon fils... » Jusque dans la fatalité, elle ne voulait briser ces retrouvailles, à tel point que sur son visage n'apparaissait aucune douleur. Les marques de sang tâchait son corps meurtri et macabrement violenté. Une souffrance certaine pouvait se lire par les blessures dont elle se voulait victime. Pourtant, je n'ai jamais perçu un sourire aussi beau, aussi apaisé et aussi réconfortant puisse-t-il être. « Non, ne dites pas ça mère. Je suis là pour vous retrouver... Pour être à vos côtés... Pour vous connaître... Pour rattraper toutes ces années perdues... » Elle continuait de me regarder avec son tendre sourire, raffermissant le contact de ma main sur sa joue. En quelques jours, en quelques heures, tout s'était manifesté dans une rapidité qui avait de quoi vous dérouter, vous égarer. Hier encore, je n'étais qu'un homme traînant derrière lui le décès de son bon vieux père. Je demeurais cet adulte différent, que l'on ne côtoyait pas trop, ou à qui l'on s'adressait avec méfiance ou moquerie. Hier encore, je n'étais qu'un étranger qui ne savait pas d'où venaient certaines capacités me valant cette notion de différence. Je ne me voyais qu'errer éternellement avec mes innombrables questions dans le renferment et la solitude la plus totale. Partageant mon quotidien entre l'alcool, les bagarres de bar et d'étranges conversations avec les poissons bordant les rives d'Amnesty Bay. Hier encore, je ne savais rien d'Atlantis. Je ne savais rien des atlantes, ni du lien qui m'unissait étroitement à cette reine mourant dans le creux de mes bras. « Les Atlantes peuvent vivre des siècles, sans que cela semble une éternité... Pourtant, toutes ces années depuis lesquelles j'ai du secrètement t'abandonner à ton père m'ont semblé éternelle... » Une larme perle dans ses yeux. Une autre s'en suivit. Mon coeur se déchire alors, et il m'est difficile de retenir toute forme de sanglots également. « Seule Mera ici présente a eu vent de ton existence et de la relation illégitime que j'ai entretenu avec Thomas et, tout comme toi... Je l'ai aimé et l'aimerai toujours de tout mon coeur mais... » Son corps se soulève dans un spasme et un toussotement de douleur, l'affaiblissant d'avantage jusqu'à lui faire perdre peu à peu son sourire. « Mais ton frère, Orm... L'a découverte aussi. » Un autre toussotement s'ensuit. « Tu as vécu dans l'incompréhension... Dans la tourmente... Mais tu as l'âme pur et le coeur généreux, mon Arthur... Mon fils... » Plus elle parlait, plus je sentais la vie quitter son corps avec rapidité et véhémence. « Ne parlez plus mère, je vous en prie. Reposez vous, restez avec moi. Je... Je suis là... Tant de questions... Tant de mystères... Et tant de retrouvailles... Restez avec moi mère, je vous en prie... » Il se fige sur son visage : ce dernier et ultime sourire. « Toutes les réponses que tu cherches demeureront... » Sa main vagabonde vient se poser faiblement à la surface de mon torse, précisément sur mon coeur. « là... » Elle prend une pause. Quelques secondes lourdes d'émotions et de silence. « Je te lègue Atlantis... Et ce royaume qui te revient de droit... En veillant au bien de notre peuple, tu me sentiras toujours en toi, et à tes côtés... Je serai toujours là... » Son corps s'abandonne. Un dernier souffle de vie quitte ses lèvres. Sa tête se laisse aller vers l'arrière. Son étreinte prend totalement fin. Alors que les larmes noyent mes yeux et que ma gorge se serre au point de me rendre muet, je regarde la mort l'emporter. Maintenant. Pour toujours. À jamais. Ma différence de toujours prenait un sens. La lumière des cieux guidant l'âme de ma mère dans des contrées paisibles illuminent à la fois le chemin qui se devrait d'être le mien. Découvrir qui l'on est. Percevoir un héritage insoupçonné. Devenir ce pour quoi on est prédestiné, sans y être préparé. Tel était son lègue. Tel était sa volonté. Tel était tout ce que je pouvais honoré pour faire perdurer sa mémoire et me montrer digne de son amour secret et de ses espérances inavouables.