Un camion braqua sèchement à gauche et mordit le trottoir. Le fourgon de convoyage qui était sur la route freina brusquement. Le coup de patin fit chasser l'arrière. Il percuta le camion de plein fouet.
7h du matin, à l'angle de la rue Slamani et de de la rue Abdelhak Kouider. Une des parties résidentielles d'Alger Centre, au sud des jardins botaniques du Hamma. Le choc fit caler le moteur des deux véhicules. 3 convoyeurs descendirent du fourgon pour évaluer les dégâts. Rue calme à 7h du mat, pas de passants sur les trottoirs. Pas encore de brouhaha causé par l'accident. Sous le capot, le radiateur du fourgon explosa. La vapeur d'eau siffla et se répandit partout. Les hommes toussèrent et s'essuyèrent les yeux. 3 hommes surgirent des rues avoisinantes.
Ils portaient des masques noirs. Ils portaient des gants noirs et des chaussures à semelle de crêpe tout aussi sombre. Ils avaient des ceintures portes-outils avec des bombes asphyxiantes dans des étuis. Ils avaient des vestes noirs à manches longues boutonnées jusqu'au cou. La vapeur d'eau leur servait de paravent. Ils s'approchèrent et sortirent des armes à feu munies de silencieux. Les convoyeurs toussaient encore. Ils leurs tirèrent dessus en pleine tête. Les victimes s'effondrèrent. Les hommes masqués observèrent la rue. Elle était encore calme. Toujours pas de passant ni de brouhaha causé par l'accident. Homme masqué n°1 avait le chiffre « 8 » brodé sur le col de sa veste. Homme masqué n°2 avait le chiffre « 11 » brodé sur le col de sa veste. Homme masqué n°3, visiblement le leader, avait le chiffre « 64 » brodé sur le col de sa veste. Ils ouvrirent la porte du fourgon. Des curieux commencèrent à se manifester. Des gens écartaient des rideaux de leurs fenêtres. D'autres entrouvrirent la porte. On voyait quelques courageux sur le pas de leur véranda. « 64 » fit un signe à ses collègues. Ils mirent tous des masques à gaz. Ils dégoupillèrent leurs bombes asphyxiantes et les balancèrent dans la rue. Les émanations en surgirent et se répandirent sous forme de brume acide. Ils entrèrent dans le fourgon. Des sacs d'argent liquide et des mallettes étaient entassés sur des étagères murales. Ils fouillèrent et balancèrent le contenu dehors. Rien à faire du fric. Les billets s'envolèrent dans le vent. Des gens s'approchèrent pour tenter de grappiller des billets de banques en train de valser. L'un des homme masqué en noir sortit 4 bombes asphyxiantes, les amorça et les lança. Il les projeta à droite et à gauche. L’atmosphère devint encore plus brumeux et acide. Les gens sur les vérandas crièrent, toussèrent, et rentrèrent en courant dans leur maison. Les hommes en noir continuèrent à fouiller le fourgon en ignorant royalement les billets et les lingots d'or. Ils trouvèrent ce qu'ils cherchaient dans une des valises. Un objet de collection empaqueté dans une chemise en papier kraft. Ils déchirèrent l'enveloppe et contemplèrent le bouquin : un volume relié cuir, avec pour titre : K'aarna. Ils le mirent dans un sac de jute et décampèrent. Ils traversèrent la rue envahie par les tourbillons de billets de banques emportés par le vent alors que la brume s'éclaircissait et disparaissait peu à peu. L'homme masqué au chiffre « 64 » brodé sur son col jeta un dernier regard. Son chiffre signifiait qu'il avait tué 64 personnes.
La scène de l'accident, avec sa pluie de billets de banques et ses 3 morts sur la route resta vide et immobile pendant 5 minutes. Les gens restant cloîtrés chez eux et n'osant pas sortir. Puis un portail magique s'ouvrit en plein milieu de la rue. Le Doctor Fate en sortit en lévitant cape au vent. Il arrivait toujours avant les policiers par ses portails dimensionnel lorsqu'un événement singulier et dramatique, lié au spiritisme arrivait de par le monde. Il se posa au sol et arpenta la rue pour l'examiner. Le soleil rutilait sur son casque d'or et le symbole d'Anubis sur son torse. Il vit des riverains qui restaient prudemment à distance en contemplant cette scène surréaliste. Les algériens aperçurent le Dr Fate. Ils affichèrent cette expression du visage qui voulait dire : « eh merde. ». Fate s'arrêta devant les corps et les observa. Il leva la tête vers le fourgon d'où s'échappait encore des billets par ci par là. Il entendit des sirènes de police au loin. Il devina qu'il y avait au moins 6 ou 7 voitures rien qu'au bruit des sirènes en train de se superposer. Il lévita au dessus du sol et s'éleva au dessus de la rue pour mieux contempler et comprendre la scène. Il cogita et comprit que les assaillants étaient venu dérober quelque chose de bien plus précieux à leurs yeux que l'argent, et qu'on convoyait dans ce véhicule. Vers une banque ? Un musée ? Une collection privée ? Dr Fate se reposa au sol. Les sirènes de police se rapprochèrent. Au bout de la rue un môme lui fit un signe de la main. C'est qui le Monsieur avec une cape qui vole dans le ciel ? Le sorcier inclina sa tête casqué dans sa direction et fit signe à l'enfant à son tour.
Il ouvrit un nouveau portail magique et s'engouffra dedans. L'instant d'après il avait disparut.
Fiche codée par NyxBanana
Obscurantis Order
Taninna Aït Oukaci • Kent Nelson
Metropolis, Minuit.
Coup de téléphone chez Taninna Aït Oukaci.
« Agent Oukaci ? Je ne vous dérange pas ? J'espère que vous ne dormiez pas. Je sais qu'il est tard, mais vous êtes la seule inspectrice que j'ai sous la main. »
Le capitaine de la brigade de répression des vols au bout du fil.
« Il s'agit d'un cambriolage plutôt violent sur Tremaine Sud. Le proprio a pour nom Kent Nelson. Il était sortit pour l'opéra et c'est en rentrant chez lui qu'il a constaté ce qui s'était passé. Il nous a appelé aussitôt. »
…………………………
1684 Tremaine Sud.
La seule maison éclairée de partout dans tout le quartier à cette heure nocturne. Des voitures garés sur le devant : rôdeuses de flic avec lumières des gyrophares encore allumées. Deux flics en uniformes manipulant des torches aperçurent Taninna.
« Eh ! On vous attendait. Visez un peu la victime. »
Ils braquèrent leurs torches sur la pelouse. Voilà le chien. Gorge tranchée et mâchoire serrée autour d'un chiffon imprégné de produits chimiques. Le grillage délimitant la propriété était à côté, quelqu'un l'avait sectionné pour pénétrer dedans. Un des agents commenta :
« Voilà le topo. Le type revenait de l'opéra au centre ville. Il était allé voir Verdi. Il a trouvé le corps de son chien puis sa porte fracturé. Il nous as ensuite appelé. Il est à l'intérieur si vous voulez l'interroger. »
L'intérieur de la maison était nantis. Des tapis persan d'Ispahan et de Chiraz partout sur le sol. Des masques incas, khmers, fatimide, yamatos et coréens sur les murs. Des vitrines avec des antiquités. Des sous-mains en verres arborant des images de la vallée des rois en Égypte, du Mont Fuji au Japon et du temple d'Angkor Vat au Cambodge. Une miniature du symbole d'Anubis trônait sur le haut mur du hall. Le salon n'avait pas un seul mur visible, des étagères de bibliothèque partout à n'en plus finir cachaient tous les murs. Environ 6000 volumes à vue de née au bas mots. On avait vandalisé la pièce tout comme les autres à la recherche de quelque chose. Visez tous les livres répandus sur le sol après avoir été jetés et malmenés : Aristote, le Tao Te Ching, le Coran, les Tantras des boudhistes, Platon, la Bhagavad-Gîtâ des hindoues, le manuel d’Épictète, la Sîra, le Paradis Perdu de Milton, les hâdith de Al-Bukhârî, au cœur des ténèbres de Joseph Conrad, la Bible, Vie des 12 césars de Suétone, la somme théologique de Saint Thomas d'Aquin, etc.
Deux policiers bavardaient plus loin dans l'embrasure d'une porte pour tenir compagnie au type qui habitait ici et pour tenter de le réconforter. Voilà Kent Nelson en tenue de soirée. Il portait un complet noir Valentino avec un nœud pap en soie. Ses yeux brillaient de tristesse pour son chien. Son visage était défait. Son corps tout entier paraissait enfoncé vers l'intérieur. Il était assis en tailleur contre le mur à même le sol. Comme si tout l'apparat de sa maison n'avait plus aucune importance. Les deux flics aperçurent Oukaci et s'éclipsèrent pour lui laisser la scène de crime.
[HJ : N’ayant pas l’information je me suis permise de dire qu’il y avait une caméra à l’extérieur. Si ça t’embête - ou si tu veux en rajouter une autre, - j’éditerai sans problèmes!]
Nelson leva la tête surprit. Il ne s'attendait pas à l'arrivée d'une nouvelle venue avec les autres policiers. Il fut encore plus étonné par l'aspect de cette femme. Des ailes. Il songea : méta-humaine. Kent se demanda si elle avait obtenu cet attribut grâce à la science, la génétique ou la magie. Il songea qu'il serait intéressant de poser sa main sur elle et de fouiller dans son passé pour découvrir ce qu'il en était. Une fois muni de son casque il avait ce pouvoir. Mais il préféra s'abstenir même s'il était très curieux. Il n'était pas très moral d'observer le passé et le présent des gens. Le Dr Fate ne le faisait qu'en cas de nécessité ou de danger, quand cela servait ses objectifs.
« Il s'appelait Siwa, comme le nom de cette oasis perdue en Égypte. »
Nelson se releva avec un air de lassitude non dissimulé et observa la femme avec un regard scrutateur. Était-elle de la police ? Logique si les agents l'avaient laissé venir ici. Mais improbable vu ses ailes de méta-humaine. Kent se demanda si elle n'était pas une super-héroïne, malgré son absence de masque ou de costume. Elle le sollicita pour des questions. Kent pencha plutôt pour une membre de la police. Elle tenait plus de l'investigatrice que de la justicière.
« Oui bien sûr allons dans la bibliothèque, il y a des sièges qu'ils n'ont pas vandalisés. »
Nelson la guida vers la pièce et jeta un regard accablé sur tous ses précieux livres répandu par terre. De tout le carnage dans sa demeure, c'était visiblement ce qui était advenu de ses livres qui semblait l'offusquer le plus. Kent Nelson avait tout de l'érudit reclus. Il s'assit tout en présentant un fauteuil poliment à sa visiteuse et répondit à ses questions en conservant un air assez taciturne.
« Si j'ai des ennemis ? »
Et comment…
« Pas que je sache, mais vous savez ce que c'est. Dès qu'une personne est un peu nantis, elle est facilement prise pour cible par des criminels. »
Elle lui demanda si quelque chose avait été dérobé. Il lui répondit ce qui était en partie vraie :
« Non je ne crois pas. Tout m'a l'air d'être encore ici. Je pense qu'ils cherchaient de l'argent en liquide. Sinon ils auraient prit quelques tableaux ou objets rares et n'auraient pas fait un tel saccage. »
Nelson l'observa. Vu le nom qu'elle lui avait donné en se présentant, elle n'était pas originaire du continent. Kent se demandait d'où sa famille venait avant de s'être arrêté en Amérique. Terre africaine ? Vu son teint, il la soupçonnait d'avoir une famille native de l’Égypte, peut-être même du Liban. Afrique du Nord ? Peut-être, donnant très fort sur sans doutes. Moyen-Orient ? Sans doutes, donnant très fort sur probablement. Elle lui demanda s'il était visé personnellement. Kent s'empressa de détourner la conversation en répondant par une autre question qu'il souhait poser lui aussi.
« Juste entre nous, pardonnez ma curiosité mais… A quoi devez vous vos ailes ? »
Bruit de pas dans le hall. Kent tourna la tête et aperçut 3 nouveaux venus qui venaient d'apparaître dans la maison. 3 hommes en complet gris. Très agents gouvernementaux. Ils avaient quelques signes distinctifs en dehors de leur costard cravates. Homme n°1 avait un écusson d'une université. Homme n°2 avait un insigne de confrérie et association charitables. Homme n°3 portait un œillet à sa boutonnière. Les 3 hommes sortirent des insignes fédéraux de leur portefeuille et les exhibèrent.
« Mr Nelson ? Nous sommes du FBI. Je suis l'agent Maslick et voici les agents Kellerman et Lindenaur. Nous enquêtons sur les effractions similaires à d'autres crimes fédéraux. Si vous voulez bien nous suivre. Nous prenons en charge cette enquête. »
Ils jetèrent un regard vers Oukaci, à mi-chemin entre l'étonnement pour la femme ailée et l'agacement de voir une méta-humaine être mêlée à tout ceci.
« Merci, nous prenons la suite. Mais nous vous ferons suivre nos rapports sur l'enquête. »
Kent les regarda de plus près. Les insignes du FBI étaient des vrais. Mais…
Homme n°1 avait le chiffre « 18 » brodé sur sa cravate. Homme n°2 avait le chiffre « 9 » brodé sur l'un des revers du col de sa veste. Et homme n°3 avait le chiffre « 12 » brodé sur le col de sa chemise. Kent voulu mettre en garde Oukaci. Il pria intérieurement pour qu'il ne se trompe pas sur son impression. Qu'elle soit bien originaire du monde méditerranéen et oriental comme il le soupçonnait. Il dit à la policière :
« Ils ne sont pas du FBI. Ils veulent me tuer. Gagnez du temps. »
Mais Nelson n'avait pas lancé la phrase en anglais à la jeune femme. Il lui avait dit en Turc. Puis il lui redit la même phrase en perse. Puis en Arabe. Puis en Berbère. Puis en Syriaque. Puis en Araméen. Il pria intérieurement pour qu'elle connaisse une de ces langues.
Les 3 agents du FBI s'observèrent avec étonnement. Ils ne comprenaient rien. C'est quoi ce délire ? Pourquoi le type parle en charabia du tiers-monde ?
[HRP : Y a pas de mal, je m'inquiétais un peu! J'ai moi-même eu un peu de retard pour la peine je fais pas trop avancer le schmilblick désolée, mais je préfère te laisser la main mise sur ces PNJs.]
Les 3 molosses numérotés se hérissèrent lorsque Nelson se leva pour passer dans une autre pièce, profitant des paroles d'Oukaci à propos d'aller chercher « quelques affaires ». En vérité il n'alla chercher qu'une seule chose. Il déplaça un tableau représentant les pyramides, dévoilant un coffre dissimulé. Kent effectua la combinaison et ouvrit la porte blindée. Il prit son casque enveloppé dans un tissu. Il retira l’étoffe et plaça l'artefact sur sa tête. Aussitôt son costume de soirée disparu et fut remplacé par sa tenue du Dr Fate : vêtements allant du pourpre au mauve sombre dans ses teintes, avec un plastron, des épaulettes et des avants-bras arborant la même dorure que son casque. Il revint dans la bibliothèque dévasté. Les 3 numérotés l'aperçurent et ne se formalisèrent même pas de sa tenue. Pas un haussement de sourcils, pas de mâchoire qui tombe sous la surprise. Nelson sut alors qu'ils savaient. Les 3 faux agents du FBI sortirent aussitôt leurs armes à feu. Sauf qu'ils ne les pointèrent pas sur Dr Fate… mais sur Oukaci. Un éclair de lucidité frappa l'esprit de Nelson : ils la considèrent comme plus dangereuse que moi. Pour ça qu'ils veulent l'effacer en premier avant de reporter leur attention sur moi.
Dr Fate fit un geste. Le fauteuil sur lequel il était assis quelques instants plus tôt pour parler à la policière lévita aussitôt au dessus du sol et se propulsa avec violence sur les 3 hommes. Au même moment, sous l'impulsion magique de Nelson, le lustre du plafond se détacha et tomba sur eux en faisant un détour défiant la logique. Dans la foulée une pluie de bouquin se souleva du sol, où ils avaient été foutu pendant le cambriolage et foncèrent vers les intrus pour s'abattre sur eux. La réplique du sorcier fut si rapide et si confuse que les 3 numérotés n'eurent pas l'occasion de tirer un coup de feu. Nelson tendit sa main vers Oukaci pendant qu'il faisait apparaître un portail dimensionnel derrière lui.
« Par ici. Il faut quitter cet endroit. Ils vont tous venir en plus grand nombre, c'est toujours leur méthode. »
C'était la voix de Kent sous son casque, elle pouvait être sûr que cet étrange type en costume excentrique, était bien celui avec lequel elle avait conversé juste avant.
………………………
Le portail magique ouvert par le sorcier débouchait sur le Coffee shop sur Carolina Highway. La clientèle de fin de soirée : des noctambules, des gens prenant quelque chose avant leur service de nuit, et des hommes solitaires venant draguer des femmes solitaires. Dr Fate invita Taninna à rejoindre une table d'un geste courtois de la main.
« Ici on devrait être tranquille pour parler. »
Pas sûr. A Metropolis, on était habitué à ce que des ahuris costumés comme Superman fassent régulièrement leur apparition, mais pas à ce qu'ils viennent fréquenter n'importe quel établissement public comme ça. Visez un peu ce type casqué avec sa cape et cette fille avec ses ailes ! Tout le monde les regarda, il y eut un moment de calme, cela fit décroître le brouhaha dans le restaurant. Tout le monde tournait la tête dans leur direction. Kent poussa des tasses de cafés qui étaient restés sur la table suite aux précédents clients. Il cherchait un endroit où poser ses mains. Il désigna du doigt le symbole d'Anubis sur son torse. Il dit à la jeune femme :
« Nous avons quelques choses en commun tous les deux comme vous l'avez comprit. Nous avons chacun passé notre enfance en terre africaine. »
Dr Fate sentit cligner des dizaines et des dizaines de paupières autours d'eux. Une serveuse s'approcha méfiante avec son bloc-note et son stylo.
« Bonsoir, puis-je vous aider ? »
« Rien pour moi merci. »
« Monsieur, vous êtes obligé de consommer dans cet établissement si vous voulez profiter de nos tables, sinon vous devez partir. »
« Ah...euh… et bien je vais prendre… un verre d'eau...euh… du robinet. »
Une fois la serveuse partit, Dr Fate continua :
« Et vous l'avez comprit, ces hommes bien que simples humains, ont apprit à déceler l'occulte, le mysticisme, l'ésotérisme. Vous avez vu leur numéro à chacun ? Ce chiffre indique le nombre de personne lié à l'inexplicable comme vous et moi, qu'ils ont abattus. »
Kent referma ses mains sur une des tasses de café vides laissés à l'abandon par les précédents clients. Ses mains touchaient presque celles de Taninna. Les gens les regardaient, un gros type en costume de fedex et un grand échalas les contemplaient carrément bouche bée.
« Avant que je ne l'oublie, il pense encore à vous. Il existe 6 futurs possibles dans lesquels Connor vous revoit. Même si ce n'est pas forcément ce que vous pensez. »
Les mains de Kent firent tourner la tasse vide qu'il tenait sur la table. Il toucha sans faire exprès les mains d'Oukaci.
(K'AARNA)
Et ses mains tressaillirent. Il les retira. Il jeta un regard circulaire à la salle. Ce satané coffee shop tout entier regardait dans leur direction.
J’étais pas certaine que le (K’AARNA) soit prononcé à l’oral, du coup je suis partie dans l’idée que ce n’était perceptible que par Kent. Baffe-moi si j’ai fait une erreur ofc :D
Lorsque la jeune femme lui saisit le bras, Dr Fate eut un mouvement de recul imperceptible. Elle le questionna sur sa révulsion. Nelson faisait face à un dilemme. Comment lui expliquer ? Comment trouver les mots pour lui dire que l'abîme regardait en elle et qu'elle ne tournerait pas son regard, tant qu'elle ne l'aurait pas consumé elle. Heureusement pour Kent, son casque dissimulait son expression du visage. Il préféra faire l'impasse sur ça et répondre plutôt aux autres inquiétudes d'Oukaci sur lui. Dr Fate lui répondit en berbère, mais ayant du mal à converser dans cette langue (car il ne l'avait plus parlé depuis 1963 au moins) il changea pour l'arabe qu'il maîtrisait mieux au cours de la conversation.
« Pardonne moi si je t'ai blessé en te parlant de Connor. Mais je ne peux ignorer passés et futurs des individus, je vois tout, c'est ma malédiction. Je n'ai pas vraiment choisis ça. Je suis un accident de l'histoire. Le hasard ou le destin a voulut que je prenne la place d'un sorcier, pour le remplacer comme passeur entre les mondes. »
Nouveau coup d'oeil. Les gens détournaient le regard dès que Fate les scrutaient. Certains décampèrent du Coffee Shop.
« Normalement j'aurais du devenir égyptologue ou orientaliste parvenu à l'âge adulte. Mais... Ils sont venus, ils ont tué mon père. »
De sa main libre, Dr Fate trempa son doigt dans le reste d'une tasse de café et dessina sur la table une croix gammée qu'il ponctua en travers par le dessin minimaliste d'un palmier. Il venait d'esquisser le symbole de l'Afrikakorps.
« J'aurais du mourir dans le désert, et finalement je suis devenu ce que je suis. Mais j'ai été un enfant avant tout ça. Regarde. »
Il serra l'avant-bras de Taninna en retour et lui montra en lui envoyant ses souvenirs dans son esprit:
Le Caire 1938
Les rues avaient des allures de fourmilières aux yeux de Kent qui avait 6 ans. Des écriteaux en arabe et en anglais, des policiers avec des chapeaux coloniaux. Protectorat indépendant ce pays ? On ne dirait pas. Près de la gare des gamins prenaient les voitures des riches britanniques d'assaut pour leur fourguer des colifichets pour touristes. Des perroquets genre gris du Gabon qui résidaient d'habitude dans les jardins d'Ezbekieh, tournaient en virant de l'aile au dessus d'une mosquée. La circulation se traînait. La plupart des noms de rues contenaient des dates de la récente histoire coloniale britannique. Le père de Nelson le tira par la main pour qu'ils évitent un Fellah et sa charrette tiré par un chameau : bordel ! Le père de Kent lançait des piécettes aux mendiants. Un perroquet fit une descente en piqué et se posa sur le rebord d'une fenêtre. Le petit Kent lui tendit la main pour le toucher. Il essaya de le caresser. La bestiole lui mordit la main. Kent pleura fort.
Ils descendirent au lido palace, tout près d'un des plans d'eaux artificiels de la ville. Kent détonait : le seul môme au milieu de tous ces occidentaux qui monopolisaient le bar. Kent alla jouer près du bassin rempli de carpes Koï. Pourquoi les anglais importaient toujours des animaux exotiques d'un continent à un autres ? Des chats postés sur le rebord en bavaient à l'idée de bouffer du poisson. Ils donnaient des coups de patte et claquaient des mâchoires sans jamais attraper leur proie. Les carpes étaient méfiantes. Le père de Kent s'enfila un Singapore Sling au bar. Il posa des questions : comment on fait pour aller dans les ruines des temples antiques de Fayoum ? Kent le curieux décampa, Kent le petit explorateur quitta le jardin, Kent l'imprudent déboucha dans une rue où des femmes faisaient cuire des trucs dans des plats devant des boutiques, façon jour de marché. Quelques beaux arbres autours, des palmiers et des frangipaniers en fleurs. Des flics bottés portant des matraques entourés de barbelés. Là des gosses aux visages dévorés par la faim en train de bouffer des appâts laissés par les bateaux de pêche au bord du Nil.
Le père de Kent le poursuivit en criant. Le môme courut en rigolant, son père l'attrapa dans ses bras. Le bord du Nil était une croisette au rabais. Les promontoires étaient couverts de rochers et d'herbe brunâtre. La route sur le côté était moitié bitume, moitié gravier. Voilà Kent en train d'entrer dans une mosquée pendant que son père discutait avec un commerçant du coin. Kent joua sur les tapis épais et trébucha. Les hommes en pleine salat laissaient faire. L'imam échangea avec quelques habitués juste après son office. Il leva un sourcil en apercevant le môme. Tiens ? Qu'est-ce que c'est que ça ? Le môme lui secoua l'étoffe de sa tenue. Tout le monde s'esclaffa.
Nelson lâcha la main d'Oukaci.
« Je suis né dans le Massachusetts, mais en vérité j'appartiens au désert de cette contrée. Je ne le savais pas encore à ce moment là. Je vis dans le présent avec réticence, je vis dans le passé avec la rectitude d'un enfant qui à en lui ce sentiment de « pour toujours » qu'on perd tous bien assez tôt. »
Autours d'eux plus un seul client dans l'établissement. Au moins une demi-heure venait de se dérouler, même si dans cette vision onirique, Taninna avait pu avoir le sentiment que ça n'avait duré que 5 minutes.
« Mais assez parlé de moi. On a un autre problème plus urgent sur les bras. »
Le sorcier scruta la réaction de son acolyte d'un soir. Elle était medium, elle réagissait aux énergies mystiques elle aussi. Elle était plus à même de comprendre les aspects étranges de tout ceci. Elle le questionna sur ce qu'il avait perçu plus tôt chez elle. Il répondit laconiquement :
« La chose qui est en toi... »
Et elle l'interrogea dans la foulée sur l'identité de leur poursuivant. Demandant des détails avec une réelle curiosité. Nelson devina qu'elle n'avait encore jamais eut affaire à eux. L'envie de fouiller encore le passé de la jeune femme le reprit, mais il s'en abstint. Elle lui avait fait très clairement comprendre, qu'elle ne supportait pas ce genre d'intrusion. Kent assista à la réaction pleine de tensions d'Oukaci, alors qu'elle déployait ses étranges ailes. Il lui saisit aussitôt les deux mains et les serra très fort dans les siennes. Cela eut pour effet de ralentir le temps à leurs yeux. Une sorte d'aura imperceptible passa. La tension qui habitait Taninna sur le moment disparut. Kent lâcha :
« Je comprends ta douleur, cette chose a sa volonté propre. Tu es obligé de vivre avec. Alors que moi mon casque je peux le retirer. Mais cette chose va te dévorer. J'ignore si tu peux t'en séparer. Tu es obligé de composer avec, alors impose lui ta personnalité à toi. »
La situation redevint normal. Kent resta dans la même position, à lui serrer ses deux mains dans les siennes. La serveuse effrayée par la scène leur cria :
« Décampez d'ici ! Allez faire vos trucs bizarres ailleurs ! C'tun lieu honnête ici bande de tarés !»
…………………………
Ils trouvèrent un auvent qui les abrita de la pluie, qui commençait à tomber. Rue résidentielle étroite. Chantier de constructions à côté, qui s'ornaient de pancartes « Lexcorp ! Le roi de l'urbanisme, pour la ville de demain ! ». Le sol était entourés de détritus. Le Dr Fate était assis sur un gros pneu de chantier. Il portait toujours son costume de sorcier. Mais il avait retiré son casque et le tenait sur ses genoux. Il jeta un regard vers un panneau : Location libre pour le printemps 2018.
« Pour en revenir à nos poursuivants. Ils appartiennent à une secte dénommé Obscurantis Order. On les reconnaît aux numéros qu'ils portent sur le col de leur vêtements comme tu as pu le voir. Le chiffre indique le nombre de gens que chacun d'entre eux à tués. Ils traquent les marginaux tel que toi et moi, qui ont une affinité avec l'occulte ou l'inexplicable. »
Nelson observa les carafons de gnôle vide, le bois de construction détrempé et les débris de papier qui voletaient à cause du vent.
« Ils existent depuis un siècle je crois. La première fois que j'ai eut affaire à eux, c'était en 1964. Ils cherchent à dérober des artefacts. En clair ils veulent mon casque. Et ils veulent K'aarna qui est en toi. Et bien entendu ils veulent nous tuer pour s'approprier tout ceci. »
Kent se leva et s'approcha de Taninna, tout en gardant son casque sous le bras. Le bruit de la pluie résonna plus fort autour.
« C'est eux qui ont tués mon chien et ravagé ma maison. C'est mon casque qu'ils cherchaient. Ils ont attaqué un fourgon blindé en Algérie il y a quelques jours. Il transportait quelques objets de grandes valeurs, dont un livre sur K'aarna. Ils s'intéressent à toi. »
Kent remit son casque et tendit son bras pour toucher les ailes d'Oukaci. Il retira aussitôt sa main dans un geste confus.
« Pardon… j'aurais du te demander avant, c'est juste que… enfin j'ai vu tellement de choses, mais jamais une personne avec des ailes. »