The night is still young, just like "you and me" (Hope)

Hope & Jason

You act like it's you against the world, but it's really just you against yourself.

Quelques fausses notes dans ta partition. Une clé de sol un peu ratée, à la courbe imparfaite. C'est ainsi que tu décrirais ta relation avec le monde qui t'entoure. Plus particulièrement, avec les gens. Tellement de ratures que tu n'as pas eu le courage de réécrire. Tu t'es accoutumé à la solitude, à vivre ta vie derrière une vitre, où les autres ne te voient pas. Ou ne te regardent pas. La nuance est essentielle. Tu n'as jamais eu vraiment d'amis, parce que quelque part tu as tout fait pour ne pas en avoir. Tu t'es efforcé de n'être qu'un courant d'air, qu'un bonjour-au revoir, une ombre qui passe et qui disparaît. Tu l'admets, tu as une part à jouer dans cette manche ratée. Parce que tu avais trop peur de t'ouvrir à quelqu'un. Trop peur d'être déçu. Trop peur de souffrir. Tu as vu tes parents disparaître, s'éloigner, alors pourquoi des inconnus, eux, seraient restés à tes côtés ? Tu as toujours cru que pour recevoir il fallait donner. Parce que jamais personne ne t'a appris comment faire autrement. C'est Diana, après vint-cinq années, qui t'a montré qu'être toi-même, parfois, était bien assez. Elle t'a tendu la main quand tu t'y attendais le moins. Elle t'a accueilli chez elle, sans même te connaître, et elle t'a apporté tout ce à quoi tu pensais ne pas avoir le droit. Aujourd'hui, et grâce à elle, tu te sens prêt à baisser la garde. Et pas seulement pour contre-attaquer. T'es prêt à parler, te confier, ne plus avoir honte de ton passé. Un passé dont tu te détaches petit à petit. Qui ne guide plus tes pas et tes envies.

Et sans elle, tu ne serais probablement pas sur le pas de la porte d'Hope Williams. Sans masque. Sans costume. Juste toi, Jason. Et ce malgré votre mauvais départ. Faut dire que braquer une arme sur quelqu'un n'est jamais gage d'une belle amitié. Mais depuis, elle t'a vu à genoux, le cœur en miettes, le corps de celle que tu aimes dans les bras. Difficile de se cacher derrière quoi que ce soit quand votre poitrine est béante, à la vue de tous. Peut-être a t-elle alors commencé à entrevoir l'homme derrière le masque rouge à ce moment là. Tu ne lui as pas facilité la tâche, mais tu n'as jamais prétendu être digne de quoi que ce soit. Elle n'était qu'une infirmière que tu as obligé à te rafistoler. Une ombre dans sa vie, comme tu l'as toujours été. Un passager éphémère avant de repartir. En laissant une trace indélébile, certes, mais qui n'a jamais eu pour vocation de devenir quelque chose de plus. Et pourtant. Elle sait qui tu es, que toi et Red Hood ne faites qu'un. Pendant quelques heures, vous avez eu un ennemi commun, des griffes duquel tu es parvenu à l'en tirer. Est-ce assez pour te trouver ici, invité à entrer chez elle ? Qu'est-ce que tu vas lui dire ? Qu'est-ce que vous allez faire ? Tes craintes peuvent paraître irrationnelles, mais t'es presque certain qu'elle les partage avec toi. Vous n'êtes pas des amis. Pas encore ? Aimerais-tu seulement qu'elle le devienne ? Tu inspires et expires alors que tu t'apprêtes à frapper quelques coups contre sa porte pour marquer ta présence. Affronter des criminels qui pourraient avoir ta peau, aucun souci, mais passer une soirée tranquille et agréable avec Hope, alerte rouge dans ton esprit un peu détraqué. Ce n'est pas censé être aussi difficile, et peut-être que ce ne le sera plus une fois les premières minutes passées. C'est paradoxale d'avoir autant de contrôle sur certaines choses, et aucun sur d'autres.  

La porte s'ouvre enfin, et se dessine alors la silhouette de la jeune femme sur le pallier. Tu fais de ton mieux pour ne pas paraître trop gêné, d'autant que tu es réellement heureux de cette invitation. Un peu surpris sur le coup, mais tout aussi impatient. Tu soupçonnes Thomas d'être également une raison de ces retrouvailles. Est-ce que leur relation a évolué depuis la dernière fois ? Quelque chose te dit que tu ne devrais pas tarder à le découvrir. Et c'est pas faute d'avoir essayé de pêcher quelques informations chez l'intéressé. « Chouette paillasson ! » Tu lui souris, avant de lui tendre une boite de chocolats. Un peu banal, mais probablement le moins risqué. T'es pas encore très à l'aise avec les codes imposés par la société, plus habitué à tous les briser. « Et promis, je suis venu sans arme. » Clin d'oeil à votre première rencontre un peu mouvementée. T'as t-elle déjà seulement vu en civil ? Pas dans un tel contexte en tout cas. Pas beaucoup d'efforts de ce côté là, un jean et ta veste en cuir. Diana t'a toujours conseillé d'être toi-même, alors c'est exactement ce que tu fais. Sans artifice. Pour le meilleur comme pour le pire.

Hope était fébrile. Elle tournait dans son appartement comme un animal en cage et avait une furieuse envie de s’en échapper. Si elle s’en allait maintenant elle pouvait encore faire semblant de rien, elle pouvait prétendre une urgence à l’hôpital … C’était une très bonne excuse ça, imparable. Elle pouvait même encore avoir le temps d’envoyer un message, éteindre toutes les lumières et faire croire qu’elle n’était pas là, ça lui éviterait de devoir traverser la ville. Elle ne voulait pas vraiment sortir de chez elle, il faisait un froid polaire à l’extérieur et chaque sortie était un risque potentiel de se faire agresser … Ou même de tomber sur lui, ce qui serait pire encore. Elle ne pouvait décemment pas lui faire faux bond et le croiser ensuite dans Gotham. Elle était certaine de le croiser si elle sortait, il avait des yeux et des oreilles partout. Mais c’était bien la raison pour laquelle elle l’avait invité, non ? Parce qu’il entendait suffisamment de choses en ville pour lui avoir déjà sauvé la vie deux fois. Lui, Red Hood. Jason. Elle l’avait invité pour le remercier de l’avoir sortie du jeu sadique du Joker, elle l’avait fait sur un coup de tête après des semaines d’hésitation, après une énième nuit passée aux urgences, après avoir poussé un coup de gueule sur un criminel à la sauvette qui avait essayé de la menacer alors qu’il se vidait de son sang. Elle avait soudain pensé à lui et elle avait regretté de ne pas avoir pu mieux le remercier, alors elle avait pianoté quelques mots sur son téléphone et le message était parti. Et bon sang, il avait répondu. Il avait accepté ! Elle n’y avait pas cru. En fait, quand elle avait lu son message le lendemain, elle avait sincèrement cru avoir la gueule de bois – juste pour croire qu’elle avait envoyé cette invitation sous le coup de la boisson. Mais non, hein. Elle était parfaitement sobre en l’invitant, le contraire eut été étonnant de sa part. Et maintenant, elle regrettait. Elle cherchait comment se sortir de ce guêpier sans le froisser. Le coup de l’urgence médicale, c’était vraiment une bonne idée …

Non. Elle avait déjà mis un temps fou avant de l’inviter, tellement de temps que ça semblait presque ridicule de le faire maintenant. Reculer ? C’était tout aussi ridicule. Si elle voulait le remercier – et elle voulait vraiment le faire – autant se jeter à l’eau. Ce ne serait pas si difficile. Il fallait juste qu’elle mette de côté le fait qu’il était un criminel, recherché par tout le GCPD. Qu’elle avait entendu toutes sortes d’horreur sur lui, l’impliquant dans des trafics divers – dans des meurtres divers. Elle frissonna et eut un petit rire nerveux qui résonna dans son appartement vide. Quelle connerie. Il lui avait sauvé la vie, point. Le reste, elle ne l’avait pas vu elle-même. Elle pouvait faire comme si ça n’existait pas. Elle pouvait presque. Elle allait y arriver … Elle sursauta quand on frappa à sa porte, et poussa un juron à mi-voix. Déjà ? Elle n’avait pas vu le temps passer. Elle inspira profondément, rejeta la tête en arrière une seconde pour fixer le plafond et se donner du courage … Et elle ouvrit la porte avec un sourire qu’elle espérait être assez naturel.

Elle fut presque surprise de trouver Jason sur le pas de sa porte – Jason et non pas Red Hood. Dans la lumière agressive du couloir, habillé de sa veste de cuir et souriant, il avait l’air … Et bien, normal. Et jeune. Elle n’avait pas fait attention à ça la seule fois où elle l’avait vu sans son masque rouge, et ça la frappait à présent. Il était plus jeune qu’elle, et il était à mille lieues de l’image mentale qu’elle s’était fait de lui. Cette constatation, si simple et naturelle, détendit un peu ses muscles crispés et elle se sentit soudain plus à l’aise. Juste un être humain, ce n’était pas si impressionnant que ça. Elle accepta la boîte de chocolats et murmura un remerciement surpris, avant d’émettre un rire narquois quand il parla de son paillasson. « Ma récompense pour aider les inconnus qui sonnent à ma porte … Un beau petit paillasson tout neuf. Merci du cadeau. » Elle avait tenté de répondre avec légèreté, pourtant elle s’était crispée. Evoquer Thomas n’était pas une très bonne idée, même si elle savait qu’il arriverait forcément dans la conversation à un moment. C’était juste venu plus tôt que prévu. « Vraiment ? » Demanda-t-elle, doutant presque qu’il ne cache aucune arme sur lui, pas même une toute petite. « Merci. » C’était sincère. S’il était vraiment venu non armé, elle appréciait le geste. « Tu ne devrais pas en avoir besoin. » Ajouta-t-elle avec un sourire malicieux, avant de le faire entrer chez elle. L’appartement ne payait pas de mine, d’autant qu’elle n’avait fait aucun effort pour le décorer en dehors des quelques photos de sa fille et de ses frères qu’elle avait encadrées sur un mur. Mais c’était la première fois qu’elle y recevait quelqu’un à manger, et elle avait essayé de redonner un peu de vie à tout ça. Au final, elle s’était juste cantonnée à ranger et à cuisiner, mais elle trouvait que l’effort était déjà conséquent. Elle se retourna vers Jason, et planta ses poings sur ses hanches pour avoir quelque part où mettre ses mains. « Bien … » Elle lui montra la table d’un geste un peu maladroit. Elle ne savait plus quoi lui dire, elle embraya donc tout de suite sur la raison de sa présence. « Je voulais te remercier pour ce que tu as fait, à l’hôpital. Avec le Joker. J’imagine bien que tu ne vas pas manger chez tous ceux à qui tu sauves la vie, mais tu m’as donné ton numéro, alors ça aurait été dommage de ne pas en profiter. » Elle l’invita d’un geste à entrer dans le salon, qui donnait sur la cuisine ouverte. « Alors, merci. » Que faisait-on ensuite, quand on recevait un invité chez soi, qu’on ne connaissait presque pas ? « Tu veux boire quelque chose ? Une bière ? »

Hope & Jason

You act like it's you against the world, but it's really just you against yourself.

Tu l'observes un instant, presque étonné de ne pas la voir dans l'urgence, seringue entre les doigts, ou mains pressées contre une plaie ouverte. C'est drôle, mais tu en aurais presque oublié qu'Hope est une femme comme les autres. Parfois, à trop regarder les gens à travers un prisme, on a dû mal ensuite à s'en détacher, comme si c'était leur nature même, et qu'il était impossible de concevoir d'autres facettes derrière le masque. T'es prêt à parier qu'elle éprouve elle aussi cette étrange sensation. Tu n'as pas le blouson marron sur tes épaules. Tu n'as pas la ceinture de munitions autour de tes hanches. Ni les bottes. Ni le rouge qui couvre ton visage. Mais celui qui se présente devant elle est paradoxalement qui tu es réellement. Quelqu'un qu'elle n'a jamais vu jusqu'à maintenant, alors que vos rencontres ne cessent pourtant d’accroire. Va t-elle prendre conscience que le vigilante tête brulée et parfois arrogant est le même homme qui se trouve devant elle, gêné de pénétrer ainsi dans son intimité ? Que finalement, il est bien plus facile pour toi de te battre contre les criminels que de faire preuve de sociabilité ? Conséquence d'un endoctrinement que tu subis depuis l'adolescence, et qui a eu pour néfaste effet de paralyser tes relations avec autrui. Mais il n'est jamais trop tard, pas vrai ? Et c'est exactement ce que tu es en train d'essayer de faire ce soir. De laisser Red Hood et Gotham au placard, pour simplement être Jason. Un mari. Un futur père. Et pourquoi pas bientôt un ami ? Il est évidemment bien trop tôt pour commencer à entrevoir ce que vous pourriez devenir, elle et toi, mais les efforts que vous fournissez tous les deux pour que tout se déroule au mieux est une preuve qui va dans le sens de quelque chose de positif. Un espoir.

Tu pénètres à l'intérieur de l'appartement, et aussitôt, ton regard analyse inconsciemment tout ce qui s'y trouve. Ce qui te frappe en premier, ce sont les nombreuses photos qui parsèment les murs, et où figure très largement une petite fille à ses côtés. T'es intrigué, et soudainement assailli par une dizaine de questions. Mais il est encore beaucoup trop tôt pour ainsi t’immiscer dans sa vie privée. Pour ne pas laisser le détective qui sommeille en toi prendre le dessus, tu t'efforces de reporter ton attention sur Hope. « Généralement, je ne reçois jamais de remerciements, alors une invitation... » Ce n'est pas pour la gloire ou les attentions que tu rôdes les nuits en risquant ta vie. Ce n'est pas pour recevoir une pluie de remerciements et de cadeaux. Tu le fais parce que tu le peux. Parce que c'est juste. Et parce que t'aimerais que ta ville redevienne un endroit sûr, où les enfants pourront jouer tranquillement, et les parents les laisser faire sereinement. Tes capacités te permettent de rendre les rues moins dangereuses, et c'est là la seule satisfaction que tu en tires. Mais c'est déjà bien suffisant. « C'est donc moi qui te remercie. » Tu lui adresses un fin sourire, reconnaissant, et prend place à la table qu'elle t'a désignée d'un geste. Que serait-il advenu d'elle si tu n'avais pas contré les plans du Joker ce jour là ? La connaissant, elle aurait pu s'en sortir. Rarement tu n'avais vu quelqu'un d'aussi combatif et téméraire. La première fois que tu l'a obligé à soigner tes blessures à l'hôpital, tu as découvert une femme forte, très peu désireuse de se laisser marcher sur les pieds. Peut-être aurait-elle foutue une raclée au Joker, qui sait ? Et cette simple idée, rien qu'à l'imaginer, t'arrache un nouveau sourire. « Une bière c'est parfait. » Plus les secondes s'écoulent, plus tu te sens à l'aise. Tu commences à te détendre, et tes craintes finissent enfin par se taire. Mais avec quelques bières il est certain que le processus sera encore plus rapide.

Tu décapsules la bouteille, avant de la porter aussitôt jusqu'à tes lèvres pour en boire les premières gorgées, délaissant par la même occasion le verre qu'elle a tout juste déposé à tes côtés. De vieilles habitudes dont tu ne parviens pas à te défaire. Une bière se boit directement au goulot. « Tu sais, je songe à arrêter tout ça. Être Red Hood. » Tu viens de lui confier un premier secret. Après tout, Hope t'a vu dans ton moment le plus intime et déchirant : la mort de Diana dans tes bras. Disons que ce sont des situations qui rapprochent, même inconsciemment. Rien que tu puisses dire ou faire, après cet épisode horrible à Gotham, ne pourrait être pire ou plus dérangeant que cet instant là. Et peut-être est-ce aussi une façon pour toi d'avoir l'opinion de quelqu'un d'autre sur cette décision. Quelqu'un que tu as déjà sauvé par le passé, et qui n'a aucun intérêt particulier à te voir baisser les armes et ranger le costume au placard. « Je crois qu'il est temps que je passe à autre chose. » Et par là, tu veux dire t'occuper de ta famille. Même si tu sais pertinemment que ce ne sera pas définitif, et que Red Hood sera toujours là pour aider en cas de catastrophe. Disons que dans un premier temps, tu vas simplement de moins en moins patrouiller, pour être un époux et un père le plus présent possible. Sans que Diana ne s'inquiète pour toi dès que tu franchiras la porte. Est-ce égoïste, ou tout son contraire ?

Elle se surprenait elle-même, Hope, à faire face à Jason pour le remercier de ce qu’il avait fait pour elle. Il venait de le dire lui-même, il ne recevait généralement pas de remerciements et elle comprenait assez bien pourquoi. Pendant des années, elle était restée loin des gens comme lui et elle les avait vus agir avec une colère bouillonnante. Mais elle n’était pas ingrate non plus et c’était la seconde fois que Jason la tirait d’une fin fâcheuse. De quoi revoir ses principes … Au moins un peu. Cela ne signifiait pas qu’elle avait subitement changé d’avis, simplement qu’elle était prête à faire un effort pour lui. Lui qui était plus humain que tous les autres et qui lui semblait soudain plus accessible, malgré tout ce qu’elle avait entendu sur lui. C’était plus facile de faire face à Jason dans son salon qu’à Red Hood au milieu du chaos de l’hôpital, ou à n’importe quel autre justicier masqué. Hope aimait le contact  de personne à personne, elle aimait les choses claires et franches. Ceux qui agissaient sous couvert de leurs identités secrètes avaient toujours quelque chose de suspect à ses yeux. Mais elle avait apprécié la franchise que Jason avait eue en enlevant son masque lors de l’attaque des Minotaures. Elle avait moins aimé qu’il déniche son numéro de téléphone et qu’il le donne ensuite à Thomas, mais elle n’avait plus de rancœur envers lui. Il n’y avait pas eu que du mauvais dans cette rencontre, même si elle préférait ne plus y penser. C’était de l’histoire ancienne. Elle était prête à accepter Jason à sa table pour le remercier, elle ne pouvait pas en dire autant de Thomas.

Elle déposa une bière devant Jason et eut un sourire en le voyant boire directement au goulot. Ca, ce n’était pas étonnant. Elle avait bien fait de ne pas trop se prendre la tête en préparant le repas, Jason n’était pas du genre à boire du thé le petit doigt en l’air. Pas de chichis, il était naturel. Et elle préférait largement son attitude détendue, qui la mettait elle aussi plus à l’aise. Elle s’assit en face de lui avec une bouteille de jus de fruit, dont elle se versa un verre. Elle était en train de le boire quand il reprit la parole, et elle reposa lentement son verre sur la table. Elle était surprise, mais bien davantage par le fait qu’il se confie ainsi à elle que par la teneur de sa révélation. Elle ne l’aurait certes jamais imaginé en train de remballer son costume de Red Hood – qui n’était d’ailleurs pas si vieux, si elle avait bien compris – mais elle aurait encore moins imaginé qu’il veuille lui en parler. Elle était touchée qu’il se livre ainsi, si simplement. « Vraiment ? » Cette décision devait être terriblement dure à prendre. Elle s’appuya contre le dossier de sa chaise et contempla Jason. « Ca ne va pas te manquer ? Je sais que j’aurais énormément de mal à quitter mon job en sachant qu’il y a toujours des gens qui souffrent et qui ont besoin d’aide. Même en sachant qu’il y a d’autres médecins, je crois que je serais incapable d’arrêter. Et pour toi, avec Batman qui est mort, ça laisse peu de candidats derrière pour essayer de sauver les gens de Gotham. » Elle ne voulait en aucun cas influencer sa décision, et encore moins le faire culpabiliser. Il prenait sa décision en son âme et conscience et elle n‘avait aucun droit de regard dessus. Mais elle voulait sincèrement savoir comment il envisageait les choses. « Je ne te compare pas à Batman, qu’on s’entende bien là-dessus. Mais ça fait des années que les mêmes tarés sillonnent les rues, et on ne peut pas dire qu’il ait eut énormément d’effet sur eux. Le Joker est toujours là, pour ne citer que lui. Et je me demande bien comment Batman pouvait vivre avec ça sur la conscience. » Toutes ces victimes qui se multipliaient, sans qu’il ne fasse rien de réellement efficace … Et puis, le petit Robin qui était mort, sans que ça ne le pousse à faire quoi que ce soit de plus. Hope ne pouvait pas comprendre ça. « Tu m’avais juste l’air un peu plus efficace. » Elle grimaça et eut un geste d’excuse de la main. Batman, ce n’était vraiment pas le sujet. « Ce n’était pas une plaidoirie pour que tu continues ce que tu fais. Il paraît que tu es un criminel, ça devrait en soulager pas mal que tu te calmes. » Ajouta-t-elle, moqueuse. Beaucoup de flics ne savaient pas comment gérer un Red Hood en liberté. Elle ne savait pas si sa disparition serait un bien ou un mal, elle ne savait vraiment pas. Il l’avait sauvée, elle, et elle ne doutait pas qu’il en avait sauvé beaucoup d’autres. Mais ses méthodes … Elle ne pouvait décemment pas les approuver. « Et le plus important, c’est que toi, ça te soulage. » Elle se leva pour aller chercher des bols remplis de chips et d’autres petites choses salées à grignoter. Le genre de trucs qu’elle s’interdisait d’acheter en temps normal pour ne pas être tentée de dévorer le paquet entier en une soirée. Le genre de trucs qu’il devait adorer autant qu’elle. « Tu voudrais passer à quoi d’autre, alors ? » Elle était curieuse de le savoir. Mais elle se doutait que sa décision n’avait rien à voir avec une nouvelle vocation de bureaucrate ou de boursicoteur … Plutôt avec une guerrière Amazone. Hope ne risquait pas d’oublier l’intensité de l’amour que Jason vouait à Wonder Woman.

Hope & Jason

You act like it's you against the world, but it's really just you against yourself.

Tu t'appuies contre ta chaise, si fort que tu manques presque de la faire basculer. Tu ne t'attendais pas à ce qu'elle te dise ça. Qu'elle te voit comme une figure efficace de la lutte contre le crime à Gotham – plus même, qu'elle te l'avoue. Car tu le sais, tu as pu le constater de tes propres yeux, Hope ne porte pas les héros costumés dans son cœur. Pour elle, et difficile de l'en blâmer, ils sont sources d'ennuis et de malheurs. Quand ils sont là, c'est que quelque chose ne va pas. Et malheureusement, ils sont là bien trop fréquemment. Ton opinion sur eux diffère de la sienne, mais ça ne t'empêche pas de comprendre son point de vue sur l'activité héroïque – et tout son inverse – à travers ce monde. Alors cette façon qu'elle a de presque de te mettre le doute, c'est perturbant. Tu fronces les sourcils, le regard perdu dans le vide de la pièce, tout en écoutant chaque mot qui s'échappe d'entre ses lèvres. Les habitants de Gotham perdraient tant que ça à te voir abandonner le costume ? Est-ce que ta disparition engendrait une hausse soudaine de la criminalité ? Quelque part, tu connais déjà les réponses à ces questions, tu n'as juste aucune envie de t'y attarder. Oui, évidemment que ton départ aurait des conséquences néfastes pour la ville. Mais est-ce que leurs vies font le poids face aux femmes de ta vie ? Non, certainement pas. T'es parfaitement conscient que ton choix est cruel, égoïste, mais il se doit d'être fait. Tu ne peux concilier une vie de famille et une vie de justicier. Et si hier tu n'avais rien à perdre, aujourd'hui, c'est tout son contraire. « Et toi, ça te soulagerait ? » Tu lui souris, un sourire que beaucoup verrait comme provocant. En vérité, ce n'est pas réellement le cas. Elle est médecin, elle sauve les gens en toute légalité, contrairement à toi, qui tue sans la once d'une hésitation. Elle et toi, vous êtes diamétralement opposés. Elle répare, fixe, soigne. Tu détruis, condamnes et assassines. Pourtant, et malgré vos flagrantes différences, tu sais désormais qu'elle ne te méprise pas. Méprise plus. Parce qu'elle a vu de quoi tu étais capable, et que peut-être, maintenant, elle a compris qu'il existait plusieurs moyens de venir en aide à ces gens. Même si parfois, les méthodes sont discutables et à l'encontre de ses principes. Alors non, ce n'est pas de la provocation, c'est une réelle question. Est-ce qu'elle, Hope Williams, se sentirait moins en sécurité dans les rues de Gotham si tu n'étais plus là pour veiller sur elles ?

Quant au manque, et bien, fut un temps où tu avais besoin de cette violence, de cette destruction. C'était ta thérapie. Frapper des poings, évacuer une colère viscérale. Mais ce n'est plus le cas, tu as trouvé une stabilité, celle que tu as toujours cherché et que Diana t'a offerte, sans jugement. Tu attrapes les petits salés qu'elle vient de poser sur la table, la légèreté de l'ambiance contrastant avec le sérieux de vos confidences. « J'aimerais retrouver une vie normale. » Celle qui te fait défaut depuis toujours. C'est ta chance, et tu ne peux pas la laisser passer. Rien, absolument rien ne ferait le poids face à tout ce que peut te donner Diana. De l'affection, de la tendresse, et bientôt une petite fille. Tu bois une gorgée de ta bière fraiche, avant de lui faire une nouvelle confidence : « Je vais bientôt être papa. » Tu ne peux contrôler ce sourire gigantesque qui se dessine aussitôt sur ton visage. Parler d'elle est déjà une joie indescriptible, alors qu'en sera t-il quand elle sera vraiment à vos côtés ? Hope ne s'attendait certainement pas à ce que quelqu'un comme toi puisse un jour devenir père, et pourtant ! Comme quoi il y a de l'espoir pour tout le monde – ou presque – et le simple fait de tendre une main peut sauver bien des vies. « Et Red Hood n'est pas l'image que j'aimerais donner à ma fille. » Tu n'as aucune honte de qui tu es, bien au contraire. Cette double identité, quoi qu'il arrive, fera toujours partie de toi. Le Red Hood est et restera à jamais Jason Todd. Mais tu ne peux nier que ce n'est pas l'exemple que tu aimerais donner à ton enfant. Tout comme tu ne pourrais jamais simplement rentrer chez toi le soir avec du sang sur les mains. Comment pourrais-tu la prendre dans tes bras, tout en ayant pris des vies quelques minutes auparavant ? Et là, t'es certain qu'elle comprendra ton choix, sans la moindre hésitation. Après tout, n'est-ce pas une petite fille que tu as vu sur les photos avec elle ? La question étant : où est cette petite fille ? « J'imagine que c'est la meilleure des raisons pour passer à autre chose, non ? » Elle a cette instinct maternelle, c'est plus qu'évident, seulement, tu espères ne pas avoir appuyé là où il fallait pas en appelant à lui. Même si tout paraît presque normal entre vous, et que la gêne est retombée, tu ne la connait pas réellement. Et si tu as de bien nombreux secrets, elle en a probablement tout autant. Mais ce n'est pas là une incitation à en parler, c'est seulement une merveilleuse nouvelle que tu voulais lui annoncer. Tu n'as pas précisé qui était la mère, mais tu n'en as pas besoin, pas vrai ?

« Soulagée que Red Hood disparaisse ? » Répéta-t-elle. En premier lieu, Hope ne sut pas quoi répondre. Elle regarda Jason, essayant de considérer pour de vrai cette éventualité. Elle ne s’était jamais posé la question, puisqu’elle n’avait pas le choix. Ces gens qui jouaient aux justiciers, elle les subissait depuis des années, et jamais de bon cœur. Pour Jason, c’était peut-être différent. Un peu. Parce qu’il y avait la dimension plus humaine et qu’elle savait quelques petites choses sur l’homme derrière le masque, elle ne pouvait pas le considérer comme Batman ou les autres. Et puis, il l’avait sauvée personnellement, et elle avait également essayé de le sauver. De sauver Wonder Woman. « Non, je ne pense pas. » Finit-elle par répondre. Voilà, elle l’avait admis, et il était l’exception qui confirmait sa règle. « Peut-être que je commence à te voir différemment, c’est tout. Le fait que tu ne me braques plus quand tu me vois, ça aide. Mais ne le répète pas hein, j’ai une réputation de rabat-joie à tenir. » Elle haussa les épaules, un sourire en coin. « Mais je n’arrive pas encore à imaginer que tu vas vraiment arrêter, alors ça ne compte pas. » Pourtant, il semblait prêt à le faire, ça ne semblait pas être une décision en l’air. Elle se doutait que cela avait quelque chose à voir avec Wonder Woman, mais elle ne s’attendait vraiment pas à la raison qu’il finit par lui donner.

Un sourire tout aussi gigantesque que celui de Jason s’étala sur le visage de Hope en entendant la nouvelle de sa paternité. Elle fut sincèrement heureuse pour lui, et il semblait si fou de joie qu’elle n’aurait de toute façon pas pu faire autrement que d’être contaminée par son bonheur. Elle le connaissait peu, pour ne pas dire pas du tout, et pourtant à cet instant elle avait l’impression qu’il était un ami proche. Rapprochés par une bonne nouvelle, pour une fois. « Félicitations ! C’est fantastique ! » S’exclama-t-elle. Elle tendit la main pour lui serrer brièvement le bras tandis que son cœur se compressait à la pensée de Tessa. Sa fille lui manqua soudain avec une violence douloureuse, et le sourire de Hope vacilla, mais elle s’efforça de focaliser son attention sur Jason. « Ca me fait vraiment plaisir pour vous deux. Surtout après ce que vous avez vécu. » Car il s’agissait forcément de Diana Prince, il ne pouvait pas en être autrement. « Toi, papa ! Je comprends bien mieux pourquoi tu veux laisser ton masque derrière toi ! » Il allait avoir un enfant … Une petite fille. Bien sûr qu’il ne voulait pas qu’elle naisse dans la violence qui régnait dans sa vie. Bien sûr qu’il voulait lui donner ce qu’il y avait de meilleur, et que ça commençait par une existence stable et sûre. Bien sûr qu’elle comprenait. Et à nouveau, elle dut se forcer pour revenir à la conversation, pour ne pas juste plonger droit au fond du gouffre. « Je comprends très bien … Mais il y a d’autres façons de faire ce que tu faisais, différentes de celles de Red Hood. » Elle n’allait tout de même pas le lui apprendre. « Wonder Woman donnera une autre image à votre fille … A moins qu’elle ne prenne sa retraite elle aussi ? » Elle avait posé cette dernière question avec humour, sans y croire une seule seconde. Que Red Hood cesse ses activités sanglantes pour leur enfant, c’était compréhensible, mais elle n’imaginait pas Wonder Woman disparaître ainsi. « Vous avez des méthodes bien différentes. Et elle est un modèle pour beaucoup. Tu n’as jamais songé à t’y mettre ? » L’Amazone était peut-être une des rares dans le camp des super-héros pour qui Hope avait une réelle estime. Ca n’avait pas toujours été le cas, mais Diana Prince était assez différente des autres pour que même Hope s’en rende compte et revoie son jugement. Elle comprenait que beaucoup de jeunes la prennent pour modèle. Et elle comprenait aussi que Jason soit tellement amoureux d’elle. Elle était vraiment curieuse de connaître son avis sur la question : avait-il déjà envisagé de changer ses méthodes pour adopter celles de sa bien-aimée ? « Là tu vois, je pourrais te dire que ça me soulagerait que tu continues tes activités si tu changeais un peu tes méthodes. » Elle lui adressa un regard amusé.

Elle se leva quand il posa sa dernière question, prenant le prétexte de lui ramener une seconde bière pour ne pas avoir à lui répondre en face. Elle n’avait pas manqué les regards qu’il avait posés sur ses photos, il savait qu’elle était maman. Il en appelait à son instinct maternel et elle n’avait pas du tout envie de lui répondre. Elle n’était pas la mère qu’il pensait qu’elle était. « Si, bien sûr. » Répondit-elle finalement d’un ton un peu froid. En s’en rendant compte, elle essaya de se rattraper : « La meilleure raison qui soit. Et si tu peux te permettre de le faire alors n’hésite pas. » Il fallait prendre les devants avant la suite des questions, alors elle poursuivit en retournant à table avec la bière de Jason. « Ma fille vit chez son père, tant que je bosse à Gotham. Je ne veux pas qu’elle grandisse ici. Et comme j’ai du mal à me défaire de mon boulot … Ca va rester comme ça encore un peu. » Voilà, elle avait débité ses mensonges, elle allait passer pour la mauvaise mère qui faisait passer sa carrière avant ses enfants. Elle avait l’habitude maintenant, même si elle aurait préféré ne pas mentir à Jason après qu’il lui ait parlé si ouvertement de ses projets et de sa vie privée. Il lui avait fait confiance, lui.

Hope & Jason

You act like it's you against the world, but it's really just you against yourself.

Toi, papa ? C'est les bons mots. Qui aurait misé sur la tête brûlée de la famille ? Dick a eu bien plus de conquêtes, et aurait été plus enclin à devenir père le premier – que ce soit voulu ou par accident. Tim, lui, tu ne le connais pas assez pour avoir un recul nécessaire sur les relations qu'il entretient avec les femmes. Tu as bien entendu quelques bruits de couloir sur Stephanie Brown et lui, mais tu n'as jamais cherché à en savoir plus. Ce qu'il s'est passé entre eux, et ce qui en a découlé, ne regarde qu'eux. Quant à Bruce, l'arrivée de Damian dans sa vie n'a finalement pas bousculé tant que ça ses habitudes. Il reste le même. Froid, distant, s'évertuant presque à tout faire pour ne pas se comporter comme un père. Parfois, tu as de la peine pour Damian, et parfois, tu te dis que ce sale morveux a bien ce qu'il mérite. Alors oui, ça fait de toi le premier à concevoir un enfant désiré et qui sera chérit plus que n'importe quel autre bébé au monde. Hope ne te connait pas, pourtant, tu peux lire une joie palpable  et sincère dans son regard. Elle est heureuse pour toi. Peut-être même plus que certains membres de ta propre famille. « Non, Diana ne va pas encore prendre sa retraite. Mais le monde va devoir faire sans elle quelques mois. » L'accouchement, et ce que vous appelez ici le congé de maternité. Vous avez déjà prévu de partir sur Themyscira pour mettre votre enfant au monde, et pendant ce laps de temps, l'humanité devra se reposer sur les autres membres de la Justice League. Quelques fois, tu aurais pu lui demander de tout arrêter. D'abandonner sa carrière de Wonder Woman pour entièrement se consacrer à votre vie de famille. Mais tu n'en as pas le droit. Et tu n'es même plus certain d'en avoir l'envie. Diana a besoin d'aider les autres, c'est dans son sang, dans son cœur. Elle a le pouvoir de changer les choses, et pour elle il serait inconcevable de ne pas mettre ses dons au service de la planète. Elle est de loin la personne la plus altruiste et empathique que tu connaisses. Parfois même à l'égard de ses propres ennemis. Renoncer à tout ça ne la rendrait pas heureuse. Loin de là. Et ne voulant que son bonheur, tu te plies volontiers à ses envies, au détriment des tiennes. Même si ton cœur se serre chaque fois qu'elle franchit le pas de la porte, tu ne seras pas celui qui mettra fin à son combat.

Changer tes méthodes ? Mais n'est-ce pas justement ton radicalisme qui apaise les rues de Gotham ? Elle a raison, tu pourrais modifier ton approche extrême en quelque chose de plus posé, mais combien de criminels finiraient par sortir de prison et recommencer ? Evidemment, tu n'es pas un psychopathe qui exécute le premier pauvre type qui croise ta route. Non, avant d'ôter une vie, tu te renseignes sur eux. Pour être certain de ne pas condamner quelqu'un qui pourrait encore s'en sortir. Ceux pour qui tu n'as aucune pitié sont de la pire espèce. Ce sont les malades, ceux qui ne changeront pas et qui ne cesseront jamais de semer le mal partout là où ils passent. Serial killer, violeurs, pédophiles. A quoi bon les enfermer s'ils seront libres plus tard de recommencer ? Tu ne dénigres pas les méthodes de Diana – qui peuvent parfois s'apparenter aux tiennes – mais tu ne te vois pas devenir quelqu'un d'autre. « Ce ne serait plus moi. Je sais que ce n'est pas au goût de tout le monde, mais au moins, avec moi, ils ne recommencent plus. » Plutôt mettre ta carrière entre parenthèses que trahir tes principes. Que de bafouer la raison qui t'a amené à rôder dans les rues.

Quand elle se lève, tu ressens aussitôt le malaise. Tu viens tout juste de toucher le point sensible. Elle peut bien trouver un prétexte pour fuir, tu n'es pas dupe. Quand elle revient, tu fixes son regard, à la recherche d'une réponse plus sincère que celle qu'elle vient tout juste de te donner. Une fille qu'elle ne voit que rarement, et elle voudrait te faire croire qu'elle s'en satisfait ? Tu ne connais peut-être pas encore grand chose à la parenté, mais tout de même, c'est presque t'insulter que de vouloir te faire gober de telles sornettes. Si elle le fait, néanmoins, c'est qu'elle ne tient pas à en parler avec toi. Ce que tu peux comprendre. Tu n'es pas le plus avenant en matière de relations sociales. « C'est donc ton choix ? » Tu portes la seconde bière à tes lèvres pour en boire quelques gorgées. C'est avec douceur et précaution que tu veux aborder ce sujet vraisemblablement épineux. « Tu sais, il n'y a pas que du mauvais à Gotham. C'est vrai que ce n'est pas toujours facile, mais si je suis capable de voir ce que cette ville a de beau à offrir, tu le peux aussi. » Tu as vécu en son sein, elle t'en as fait baver. Enfant des rues, tu as regardé la misère droit dans les yeux. Mais au final, elle a fait de toi l'homme que tu es devenu aujourd'hui. Et tu ne penses pas avoir à rougir de quoi que ce soit. Tu n'es pas parfait, certes, mais Gotham n'a pas freiné ton épanouissement. Au contraire, elle t'a obligé à te surpasser. « Et elle vit où alors cette petite fille ? » Ta question n'est évidemment pas innocente. Et la réponse pourrait aisément trahir ses propres propos. Ce n'est pas un piège que tu lui tends, c'est une incitation à te faire confiance.

Dans un sens, Hope était soulagée que Wonder Woman ne prenne pas sa retraite. S’il y avait une seule personne qu’elle devait admirer dans toute cette troupe de justiciers en costumes, alors Hope choisirait Wonder Woman. Contrairement à Batman ou à Superman, elle ne lui inspirait pas de la peur, mais plutôt une sorte d’admiration. Elle avait eu du mal à le reconnaître, mais l’Amazone représentait un idéal, quelque chose de vrai et de fort. Elle n’était pas qu’un tas de muscles qui frappait sans réfléchir, elle semblait avoir une âme et un cœur. Wonder Woman était un modèle pour énormément de femmes, elles puisaient du courage dans son inébranlable résistance face aux épreuves, et sa maternité ne manquerait pas de la rendre plus humaine et plus accessible encore. Hope préférait la savoir toujours active plutôt que d’imaginer la Justice League aux mains de Superman et des autres. « Ils recommencent souvent, ceux qui se coltinent Wonder Woman ? » Hope n’en avait pas la moindre idée, pour être franche. Jason avait ses méthodes, l’Amazone en avait d’autres. Et à choisir, même si c’était Jason qui lui avait déjà sauvé la vie plusieurs fois, elle préférait que ce soit lui qui s’inspire de sa bien-aimée plutôt que le contraire.

Le sujet dévia sur sa fille, ce qu’elle regretta bien assez rapidement. Quand il lui demanda si c’était son choix, Hope planta ses yeux dans ceux de Jason et soutint ainsi son regard sans rien dire pendant quelques secondes, le visage fermé. Elle savait qu’il ne la croyait pas, pas complètement. Mais quoi qu’il puisse en penser, elle ne voulait pas aborder ce sujet, elle ne voulait pas dire la vérité. « C’est mon choix. » Lâcha-t-elle sur un ton si froid qu’il était clair que ce n’était pas le cas. « Je ne dis pas que c’est facile, mais c’est le seul choix que j’ai actuellement. » Sa mâchoire se contracta. Elle parlait trop, même sans rien dire d’essentiel, et elle s’en voulait. Mais il n’était pas un de ses collègues, ni même un ami de longue date. Ses mensonges sonnaient différemment face à lui, comme s’ils avaient plus de difficulté à sortir. Elle ne souhaitait pas lui mentir. Elle lui devait mieux que ça. Mais elle ne voulait pas qu’il sache, elle ne voulait pas l’impliquer là-dedans. Personne ne devait savoir, même pas cet homme en face d’elle qui avait déjà tué pour qu’elle ait la vie sauve. « Je sais. Si je travaille ici, c’est parce que … Dans le fond, j’aime cette ville. Sinon je me serais déjà envolée pour Star City. Ou Metropolis. » Ajouta-t-elle après une seconde d’hésitation. « J’ai grandi ici, j’ai encore mon père ici, et j’y ai de bons souvenirs. Comme toi, j’imagine. Mais j’ai eu le Joker en face de moi et il est hors de question que ça arrive à ma fille. » Quelle belle excuse. Tessa n’était pas plus en sécurité là où elle était … Et allez savoir comment, Jason le devina tout seul. Elle entendit tous les reproches qu’elle se faisait à elle-même dans l’anodine question qu’il lui posa, et elle le fusilla du regard. Furieuse contre lui de lire si facilement en elle, furieuse contre elle-même de son impuissance … Furieuse contre le monde entier, mais il n’y avait là que Jason, et c’est lui qui prendrait pour tous les autres s’il osait faire la moindre remarque. Puisqu’il lui reprochait silencieusement de lui mentir, elle allait lui dire la vérité. « A Blüdhaven. Un commentaire à faire ? » Son ton lui interdisait de dire quoi que ce soit, et son regard noir appuyait fortement l’interdiction.

Elle se détourna à nouveau pour aller s’éclipser d’un pas raide dans la cuisiner, où elle s’appuya sur le comptoir pour prendre de grandes inspirations et essayer de se calmer. Elle n’aimait pas la tournure que prenaient les choses entre eux, vraiment pas. Elle attrapa le plat qui cuisait au four depuis un moment, et le considéra tristement. Elle n’avait plus faim, plus du tout. Evoquer Tessa lui faisait toujours cet effet … Elle avait la gorge nouée et l’estomac bien serré, mais ce n’était pas la faute de Jason. Il fallait quand même qu’elle s’en rende compte. Elle soupira et revint dans le salon où elle déposa le plat sur la table, devant Jason. « J’ai fait des lasagnes, je ne savais pas ce que tu mangeais alors je suis allée au plus simple. » Fit-elle d’un ton mal assuré. Elle fit demi-tour et alla chercher les couverts, qu’elle déposa en silence à chaque place. Finalement, elle se racla la gorge et reprit la parole. Elle ne voulait pas le laisser sur sa dernière pique, il ne le méritait pas. « Ecoute, la situation avec ma fille est compliquée. C’est compliqué avec son père aussi. » C’était surtout compliqué avec son père. « Pour l’instant il vaut mieux que je reste ici et qu’elle reste là-bas. Quand ça ira mieux, elle reviendra habiter avec moi. Et on ira vivre ailleurs, parce que je ne veux vraiment pas qu’elle grandisse ici. On s’en est pas trop mal sortis toi et moi, mais je veux qu’elle ait une enfance plus facile que ça. Tu sais, pas de détraqué à chaque coin de rue, ce genre de chose. » Elle prit l’assiette de Jason pour lui servir une belle part de lasagnes, puis s’en servit un morceau bien moins conséquent. « Je voudrais qu’elle puisse aller à l’école à pied et qu’elle joue dans la rue, sans me demander si on va lui proposer de la drogue ou si on va l’embarquer dans un trafic d’organes. » Elle avait beaucoup d’attentes sur ce futur hypothétique, il fallait bien qu’elle s’accroche à quelque chose. Un jour elle récupèrerait sa fille, elle y croyait fermement. « Bon appétit, Jason. »

Hope & Jason

You act like it's you against the world, but it's really just you against yourself.

En plein dans le mille. La cible a été touchée en plein centre. Non pas que tu veuilles la mettre dans un tel état, mais elle t'a inconsciemment tendu une perche que tu n'as pas pu t'empêcher de saisir. Sa fille, sujet sensible. Il y a des photos d'elle partout dans l'appartement, mais aucune trace de sa présence. Et évidemment, une mère ne fait jamais vraiment le choix de laisser son enfant. Si elle n'est pas là, c'est parce que quelqu'un l'empêche de l'être. Et tu doutes fortement que ce soit Hope, contrairement à ce qu'elle aimerait te faire croire. Si c'était sa décision, elle ne réagirait pas ainsi. Elle ne dresserait pas un mur entre elle et toi. Elle ne te regarderait pas avec ces yeux là. Non, il se trame quelque chose dans sa vie, quelque chose dont elle refuse de te faire part. Qui pourrait l'en blâmer ? Après tout, tu n'es qu'un inconnu dans sa cuisine. Tu lui reproches de te mentir, mais tu en fais tout autant. Oui, tu lui as parlé de Diana, de l'enfant qu'elle attend, mais lui as-tu réellement parlé de Jason Todd ? Seulement la surface, seulement ce que tu veux que les gens voient de toi. Ton secret, ton passé, tu le gardes toujours enfui quelque part. Ce n'est pas équitable. Tu as appris dans ta relation avec Diana qu'une relation était basée sur un équilibre entre confiance et communication. Avant, tu étais plutôt du genre à ne faire aucun effort, à refuser toutes sortes d'autorité, et à te braquer à chaque tentative de rapprochement. Sans elle, tu ne serais évidemment pas avec Hope ce soir. Mais ce que tu considères déjà comme un pas en avant vers une vie sociale plus ou moins normale, n'est pourtant pas suffisant pour instaurer quoi que ce soit entre ton hôte et toi. Il va falloir donner plus si tu espères recevoir davantage. « Oh, Blüdhaven. Nightwing traine par là-bas. » Jeter de l'huile sur le feu, très mauvaise idée présentement. Tu ne cherches pas à la provoquer ou à gâcher la soirée avec tes sous-entendus. Blüdhaven. Il y a beaucoup de choses à dire sur le sujet, mais tu te retiens. Si ce n'est pas ton terrain de jeu favori, tu connais pourtant bien la ville. Elle est sombre, sale, presque tout autant que Gotham. Avec ses rues infestées de truands, la criminalité a encore de beaux jours devant elle. Dick est comme Bruce, il ne prendra jamais une vie, même si cela permettrait de faire considérablement baisser l'insécurité dans sa ville. Sa fille n'est pas plus à l'abri qu'ici qu'à Gotham. Mais ça, tu le savais déjà, que ce n'était qu'une piètre excuse.

Tu as horreur de cette tension qui se manifeste entre vous, mais tu n'as aucune idée de comment la désamorcer. Qu'est-ce que tu pourrais lui dire pour l'apaiser ? Tu crains de n'être doué pour ça qu'avec Diana. Finalement, la voir se lever pour s'occuper du repas est un soulagement, une pause dans cette ambiance pesante. « J'adore les lasagnes, c'est parfait. » Tu lui souris quand elle dépose l'assiette et les couverts devant toi. Et c'est elle qui prend l'initiative de revenir sur le sujet de la discorde. Cette fois, tu ne dis pas un mot, te contentant simplement de l'écouter parler. Tu comprends parfaitement où elle veut en venir. Gotham est une ville dangereuse, où il est facile de tomber dans des travers dont on ne revient pas toujours. Et pendant longtemps, tu pensais qu'elle faisait ressortir le pire chez les gens. Mais tu t'es trompé. Gotham c'est bien plus que ça. Si ça peut être le pire, ça peut également être le meilleur. Tu as vu des gens s'entraider, être solidaire dans les moments les plus difficiles. Et c'est ce que tu préfères retenir de ta ville. Cette petite lueur dans l'obscurité. Mais une lueur qui ne demande qu'à se propager. « J'ai grandi dans ces rues que tu méprises. » Tu fronces les sourcils, le regard plongé dans ton assiette de lasagne, conscient que tu es sur le point de faire un pas vers elle. Aborder ce sujet n'est jamais chose aisée, et il y a toujours des blessures qui menacent de se rouvrir. « Pas grandi dans le sens jouer au foot avec mes amis après l'école. Non, j'ai vécu dans ces ruelles, sur ces toits. Dans des abris de fortune, j'ai fait tout ce que je pouvais pour survivre. » Quand tu relèves les yeux vers elle, tu sais qu'elle va comprendre où tu veux en venir, ce que cela signifie. Etre orphelin, on ne s'en remet jamais vraiment. Il y a aura toujours un trou béant dans la poitrine. Toujours une pièce manquante dans le puzzle. « Je n'ai pas eu la chance d'avoir un foyer, ou une mère qui me racontait des histoires le soir. Tout ce que j'ai appris de la vie, je l'ai appris dans les rues de Gotham. Et ce que je suis devenu aujourd'hui, c'est parce que j'ai traversé toutes ces épreuves. » Pour l'instant, tu préfères lui raconter la version la plus courte, sans passer par les détails sordides de tes parents déviants. Ce qui tu essayes de lui dire est peut-être encore un peu flou, alors tu essayes d'être plus clair, plus concis. « Plutôt que de te soucier de ce que tu aimerais pour elle, peut-être devrais-tu te demander si elle ne préférait pas une vie aux côtés de sa mère ? Tout simplement ? » Gotham, Blüdhaven, quelle différence ? Aucune ville n'est parfaite. Il n'y a pas de paradis sur terre. Où qu'elles aillent, il y aura toujours des problèmes, toujours des ennuis. « Je ne suis pas en train de te juger ou de te donner des conseils. Je ne me le permettrais pas. Tout ce que je veux dire, c'est que tu souffres de son absence, et qu'elle en souffre également. Alors Gotham ou ailleurs, peu importe si vous êtes ensemble, non ? » Pour avoir été privé d'une mère, tu ne peux qu'encourager ceux qui ont cette chance de profiter de chaque instant. Le plus important dans la vie, c'est d'être auprès de ceux qu'on aime. Après, le reste n'a rien d'insurmontable.