Même si la vie reprenait enfin doucement son court, que les choses se remettaient peu à peu en place. Que les psychopathes notoires de Gotham reprenaient du service après de longs mois sous le joug du Syndicat, il restait encore quelques problématiques qu'il faudrait prendre à bras le corps et secouer ce qu'il fallait être secoué. Bruce Wayne faisait partie du panier. Alfred le voyait bien se morfondre de plus en plus et il n'aimait pas ça.
Que les doutes assaillent l'homme, rien de plus normal. Mais il le connaissait plus combatif. Là, il se laissait aller, il donnait l'impression de vouloir baisser les bras, comme si c'était ainsi que l'on réglait les problèmes. S'il avait fini par mettre de l'eau dans son vin à son retour et lui offrir une épaule plus amicale, le majordome savait qu'il faudrait qu'il mette ses bottes de militaire pour botter les fesses de son fils de cœur, qu'il comprenne une bonne fois pour toute que ce n'était pas ainsi qu'il ferait avancer les choses.
Alfred avait passé sa journée dans la batcave, il prenait encore toujours soin des véhicules des justiciers ainsi que des animaux de Damian. Le gamin avait à nouveau disparu. Il était arrivé blessé et avait filé dès qu'il l'avait pu. L'ancien agent l'avait retrouvé sans trop de difficulté, il l'avait vu, ils s'étaient parlés. Il gardait donc un œil sur le môme, sans pour autant en avoir parlé à son géniteur. Déjà parce que Damian ne voulait pas lui parler, ensuite parce qu'il estimait que Bruce n'était clairement pas prêt à une confrontation. Il ferait encore tout foiré et Damian n'avait pas besoin de cela.
Ayant posé son bleu de travail, pour son costume de majordome, il avait préparé un petit encas pour le maître de maison, qu'il chercha quelques instants, avant de le retrouver au salon, plongé dans le noir, à se morfondre sur son sort sans doute. Sa mâchoire se crispa un instant, mais il ne fit pas de remarque, pas encore. La voix de Bruce monta dans la nuit et l'anglais haussa légèrement un sourcil. Voilà bien une question qui pouvait avoir plusieurs réponses.
- Vous souhaitez la longue, ou la courte liste, monsieur? Lâcha un Pennyworth quelque peu cynique.
Sans réelle délicatesse, il alluma la lumière de la pièce, puis vint poser le plateau sur la table basse, devant Wayne, tout en le fixant d'un air que l'on aurait pu qualifier d'un peu plus sombre.
Bruce n'avait pas besoin d'être cajolé, mais remué. Il fallait qu'il se réveille et arrête de broyer du noir. Il n'avancerait jamais ainsi.
Dernière édition par Alfred Pennyworth le Jeu 27 Sep - 15:53, édité 1 fois
Father's job.Derrière lui, Bruce percevait la présence du majordome qui l’avait élevé, veillé sur lui. Il pouvait presque voir sa grimace en l’écoutant parler ainsi. Alfred passait son temps à retaper aussi bien physiquement que moralement le justicier, faisant montre toujours de la même patience à son égard, quasiment sans jugement même si, Bruce devinait toujours les pensées de Alfred même lorsqu’il ne disait rien. Il n’était pas difficile de lire dans l’homme qui l’avait élevé, qui l’avait aidé à se relever après chaque chute, essuyer ses larmes comme ses doutes, et l’avait vu tant de fois se blesser plus ou moins grièvement. Sans Alfred, Bruce n’aurait sans doute jamais eu cette famille, cette vie, il aurait probablement finit par se faire tuer en tentant de venger la mort de ses parents. Il se souvenait de la première fois qu’Alfred l’avait surpris dans sa tenue, à l’époque un simple masque taillé dans une toile noire à l’origine un tee-shirt. Il se souvenait de la définition que lui avait donné le majordome de la vengeance puis celle de la justice. Bruce avait toujours été buté, plus que buté, obstiné, à la limite de la folie, mais il avait toujours écouté Alfred.
Surtout quand il était question de la famille, un domaine où l’anglais s’y connaissait infiniment mieux que lui. Bruce avait eut l’impression de s’en être bien sorti avec Richard et puis il y avait Jason qui avait tout bouleversé. Pourtant, sur bien des points, Jason lui ressemblait. Encore aujourd’hui, il devait reconnaître l’obstination du jeune homme et sa vision noir et blanc du monde assez comparable à celle qu’il avait lui-même à son âge. Considérant tout ce qu’il avait vécu, Jason s’en sortait bien. Mais leur relation était quasi rompue. Bruce avait l’impression que tout ce qu’il faisait ne faisait qu’exacerber le fossé entre eux, que creuser l’aride terrain gigantesque entre eux. Il avait désormais le même sentiment avec Damian. Il savait pourtant, ce qu’il fallait faire, ne rien lâcher, continuer comme avant, s’en tenir aux règles, être présent, ne pas abandonner, au contraire, être plus présent que jamais, mais tenir bon devenait de plus en plus difficile. Et quand il regardait autour de lui, il avait l’impression que le monde s’effondrait un peu plus chaque jour. Il avait besoin d’un signe ou d’un coup de pied au cul, peut-être les deux.
Ahh la noirceur... Bruce était un pro pour ça. Quant au reste... Alfred avait bien souvent tenté de le faire changer, mais comment changer un homme qui aimait se retrouver dans la nuit, représenter la nuit et porter un masque? Difficile. Très difficile même. Alors il faisait de son mieux.
La question ne désarçonna guère l'anglais. Il secoua doucement la tête. Non, Bruce n'avait pas été aussi compliqué que Damian. Déjà parce qu'ils n'avaient pas le même passif. Damian était un jeune homme que l'on avait fait grandir dans un cercle protégé, comme un dieu presque et c'était ainsi qu'il agissait. En croyant que tout lui était dû, parce qu'il était l'élu. Bruce lui, avait vécu un drame. Il avait dû se remettre de la mort brutale de ses parents chose peu aisée pour un enfant de son âge. La vengeance avait été un des facteurs de sa guérison et puis il avait fini par comprendre que ce n'était pas ainsi que les choses devaient se déroulée, mais il avait gardé ce besoin de mener une justice presque aveugle.
- Non. Vous aviez vos idées, mais vous étiez plus souvent à l'écoute et le début de votre éducation n'a pas été aussi violent et intransigeant que celui de Damian.
Et malgré tout, Alfred avait une vraie affection pour ce garçon. Il suffisait de le voir avec ses animaux, pour comprendre qu'il n'était pas foncièrement mauvais et insupportable. Il avait juste un peu de mal avec le genre humain, voilà tout.
La suite le laissa un instant silencieux, parce que surpris. C'était suffisamment rare pour être noté. Bruce Wayne demandait de l'aide. Un jour à marquer d'une croix blanche. Les deux hommes se regardaient droit dans les yeux, Pennyworth eut alors un petit sourire, bien entendu qu'il était prêt à l'aider, que ne ferait-il pas pour lui? Et le simple fait que la demande vienne de lui... ne pouvait que faire tomber toutes les barrières du majordome. Il alla doucement lui poser une main paternelle sur l'épaule et lui proposa de s'asseoir à nouveau, s'installant à ses côtés sur le canapé.
Il n'y avait plus de majordome et de maître de maison, juste deux hommes, dont le lien était si puissant, que l'on aurait pu parler d'un père et son fils.
- Il est vrai que nous avons vécus beaucoup de choses en peu de temps. Et rien de bien heureux, mis à part votre retour à la vie... il ne voulait pas remuer le couteau dans la plaie, mais il était important que Wayne se rende compte que cet événement avait été plus que traumatisant dans cette famille.
Il fallait bien qu'il finisse par en comprendre toute la complexité. Tout ce que cela avait amené chez chacun et ce que ce retour voulait dire aussi. Parce qu'ils s'étaient tous sentis trompés et sur ça, il faudrait du temps à Bruce pour se le faire pardonner, c'était ainsi.
- Je ne vais pas faire une quelconque morale, mais est-ce que vous comprenez pourquoi vos fils agissent ainsi?
Que ce soit Jason ou Damian... Richard, Barbara, Tim, Stéphanie étaient plus équilibrés, plus calmes, ils savaient faire la part des choses, même si chacun à leur manière avaient aussi été touchés par ce drame.
Father's job.Bruce réalisait, à mesure qu’il devait se confronter au rôle de père, ce qu’avait dû vivre Alfred, les sacrifices qu’il avait fait, et surtout, ce qu’il lui devait. Sans lui, Bruce se serait consumé dans la vengeance. Peut-être qu’il restait toujours à la limite, il en avait conscience, mais par sa force, sa présence, et son obstination à le pousser à s’ouvrir aux autres, Alfred avait créer la bat-family, avait donné à Bruce la famille qu’il désirait sans même le savoir. D’abord Richard, puis Jason, Tim s’était imposé mais Alfred avait beaucoup influencé Bruce dans sa décision d’accepter que Tim porte le costume de Robin alors que la mort de Jason le hantait encore. Bruce savait qu’il menait la vie dure à Alfred qui ne rêvait que d’une chose le voir prendre sa retraite. Il en avait conscience et parfois, s’en excusait. Mais ces rares moments étaient justement rare, parce qu’il ne se posait jamais, ne discutait jamais vraiment de ces choses là avec Alfred. Le temps était venu, devenu nécessaire, vital même.
Au moins était-il rassuré à l’idée de n’avoir fait endurer à Alfred un calvaire. Parfois il se demandait comment il avait pu rester à ses côtés après tout ce qu’il lui avait fait subir. Mais cela lui indiquait aussi une règle absolue. Quoi qu’il arrive à Damian, quoi qu’il fasse, Bruce sera toujours là pour lui. Comme il savait que Alfred serait toujours là pour lui. Au fond, Damian n’était pas un mauvais garçon. En dépit de son éducation sanglante, en dépit de ce qu’on lui avait fait subir, il avait appris en un temps reccord à accepter les règles du chevalier noir, il avait même monté un zoo dans la Bat-cave, recueillant lui aussi ses âmes perdues. A sa manière, il imitait Bruce. Peut-être que tout ce dont avait besoin Damian c’était du temps. Bruce ignorait comment faire, comment s’y prendre, il n’avait pas été un père talentueux pour Dick, il avait été maladroit avec Jason, animal blessé avec Tim, il avait besoin de toute l’aide possible pour être à la hauteur avec Damian qui avait terriblement besoin de lui, d’eux.
A présent, Alfred parlait de son « retour à la vie ». Comme Bruce détestait cela. Non pas qu’il en voulait à Alfred ou à Damian, au contraire, il comprenait parfaitement dans quelle situation il les avait plongé, seulement il détestait qu’Owlman ait réussit à lui infliger cela, à leur infliger cela, et il se détestait pour l’avoir laissé faire. « Je… je comprends parfaitement Alfred. Quand j’ai combattu le syndicat, j’ai compris que nous allions perdre. A cet instant, je n’ai pensé qu’à ce qu’ils feraient une fois que je serais mort, que toute la ligue serait morte, car Clark était bien évidemment le suivant. Bien sûr, j’aurais dû prévoir qu’il me ferait passer pour mort, qu’il réduirait Gotham à son territoire, j’aurais dû prévoir ce que cela serait pour vous tous, ma famille, Alfred. J’y ai songé, trop tard, évidemment. Mais ce drame que vous avez vécu aurait pu être réel. Je ne suis pas certain que j’aurais pu m’échapper vivant sans l’aide de Poison Ivy. » avoua-t-il honnêtement.
Batman avait tendance à penser qu’un jour chacun de ses alliés de la ligue pourrait se retourner contre lui, et avait prévu un plan pour mettre hors d’état de nuire chacun d’entre eux. Mais il n’avait jamais pensé un jour se retrouver contre une version maléfique de la ligue, seul. Car à l’instant de sa capture, il était seul face à tout le syndicat. Il aurait pu appeler à l’aide, mais il y aurait eu plusieurs cadavres au lieu d’un. A cet instant, il ignorait les points faibles du syndicat mise à part le soleil bien sûr, mais celui-ci venait de disparaître. Il n’y avait qu’un seul moyen de les vaincre, de s’assurer de ne pas finir en cadavre, de sauver tout le monde, de protéger les siens, c’était de faire mine d’être vaincu. Ce qu’il était, après tout. Bruce n’avait pas orchestré tout cela, il avait seulement essayé de faire jouer une situation dramatique, fatale en sa faveur. Il n’était qu’un humain, et mieux valait pour sa survie qu’il ne l’oublie jamais. Ses gadgets l’aidaient à ce moment là, il n’avait pas son armure ni kryptonite. Il était parti étudié ce qu’il pensait être une fausse piste, et était tombé pile dans leur repère. Sans doute aurait-il dû se méfier plus avant d’aller plus loin… et sa mauvaise habitude d’opérer en solitaire… Mais Clark était au plus mal, Diana occupée…
« Je sais ce que vous pensez Alfred, ce qu’ils se demandent tous. Pourquoi je n’ai pas fait appel à vous avant d’aller étudier cette piste ? Je pensais que c’était une fausse piste, c’était presque trop évident. » Admettre qu’il s’était trompé, demander pardon, voilà quelque chose d’inhabituel, presque autant que d’appeler à l’aide, d’admettre qu’il ne pourrait s’en sortir seul. Mieux valait tard que jamais, pas vrai ?
Il y avait des hommes fait pour s'occuper d'une famille, d'enfants. Ce n'était pas vraiment le cas de Bruce. Il avait beau être l'un des esprits les plus logiques qui soit, un détective hors pair, un justicier faisant bien son travail, il n'était pas aussi bon en ce qui concernait les relations humaines. Bruce était un solitaire. Voilà tout, il fallait l'accepter. Alfred n'avait pas de doute sur le fait qu'il aimait tous les membres de cette batfamily, c'était juste qu'il ne savait pas comment faire avec eux, parce qu'il avait toujours fait tout pour lui. Ce n'était pas une pensée égoïste, bien au contraire, il se sentait sans doute de devoir repousser tout ce qui pourrait mettre en danger des proches et risquer de le mettre lui-même, en mauvaise posture. Ce n'était pas si facile d'être à sa place, parce qu'il avait fait son choix, le masque et la nuit, plutôt que la famille. Il fallait qu'ils l'acceptent, tous autant qu'ils étaient, même si ce n'était pas agréable. C'était ainsi et à l'âge qu'avait cet homme, il serait bien difficile de le faire changer d'avis.
Pennyworth n'était pas aveugle, il savait et il l'avait accepté. Voilà pourquoi il restait à ses côtés et puis... s'il n'était plus là, qu'adviendra-t-il de Bruce? C'était une question à laquelle il ne souhaitait pas voir de réponse un jour. Tout ce qu'il voulait, c'était bien de rester suffisamment longtemps présent, jusqu'à ce que quelqu'un prenne le relais. Une femme par exemple... oui, notre homme ne désespérait pas. Un jour, un jour, il en trouverait une.
- Mmm... vous n'êtes qu'un homme Bruce, vous ne pouvez pas tout prévoir, même si vous êtes sans doute celui qui est le plus capable de voir toutes les possibilités qui s'offre à vous. Ce que l'on vous reproche, c'est bien de ne pas avoir donné un seul signe. Et ça... ça pèse lourd dans la balance. Personnellement, je sais que vous faites tout, bien trop souvent, en solitaire. Mais là... en effet, vous n'auriez pas dû. La problématique est sans doute plus profonde... Damian pense sans aucun doute que vous l'avez abandonné, comme les autres, mais il est encore un enfant. Il a besoin de son père et Talia en a profité pour le récupérer et lui mettre toutes ses idées imbéciles en tête. Vous ne pouvez pas le laisser aller à la dérive ainsi! Il est rancunier, il a la tête dure, il ne se laissera plus approcher si facilement... c'est à cela que vous auriez dû penser, avant tout. C'est là qu'il va falloir apprendre à changer votre façon d'aborder les problématiques... car ce gamin, c'est votre fils, de sang.
Cela ne voulait pas dire qu'il était plus important que les autres mais... le lien était encore différent, surtout aux yeux du jeune garçon, qui s'estimait supérieur à tous les autres. Il fallait apprendre à l'apprivoiser et pour le coup, Wayne avec sa fâcheuse tendance à foncer tête baissée dans le danger sans réfléchir aux conséquences, avait tout foutu par terre.
- Nous ne referons pas l'histoire Bruce... maintenant c'est vers l'avenir qu'il faut regarder. Qu'allez-vous faire? Parce que rester à broyer du noir, dans le noir, ne fera clairement pas avancer les choses... et je vous ai connu beaucoup plus combatif.
Autant dire qu'il était prêt à lui mettre les coups de pieds nécessaires pour qu'il se reprenne en main. Qu'importe ce qu'avait fait Bruce, Alfred serait toujours là pour lui. C'était ainsi.
Father's job.A la vérité, cette fois-ci, il n’aurait pu leur donner signe de vie. Une fois enfermé, il n’avait plus aucun moyen de communiquer avec l’extérieur. Même s’il y avait d’autres personnes retenues prisonnières, aucune n’aurait la chance de s’échapper, hormis avec lui, quand il a réussit à sortir de là. Poison Ivy. Il était difficile de concevoir qu’il aurait pu leur donner un quelconque signe. D’autres fois, peut-être avait-il agit seul, pensant ainsi les épargner, il lui était également arrivé de tenir à distance la bat-fam pensant qu’ils ne pourraient faire face. Mais il se trompait rarement là dessus. Quand Jason était parti seul tenter de retrouver sa mère biologique et avait croisé la route du Joker, Batman ignorait qu’il était parti. Il ne l’aurait jamais laissé seul, sans surveillance ni protection. Mais Jason était alors un adolescent, presque un jeune homme. Il avait comme Damian à présent, ressenti le besoin de sortir du giron paternel. Bruce croyait qu’il s’agissait également de cela, bien sûr, Damian s’était senti abandonné mais s’il n’avait été un adolescent pleins de contradiction, il aurait réfléchi comme il savait si bien le faire, froidement, clairement, et aurait compris la tactique du chevalier noire. Bruce devait cependant s’estimer chanceux, si Damian l’avait cru prisonnier, il aurait pu tenter seul une attaque contre Owlman. Mais il doutait que Alfred l’aurait laissé faire. Quoi qu’il en était, Alfred avait raison, c’était le passé.
« Croyez-moi Alfred, si j’avais pu vous avertir, je l’aurais fait. Owlman me ressemblait beaucoup, assez pour savoir comment j’agit habituellement. Il s’est assuré que je ne puisse contacter aucun de vous. Et c’est sans doute pour le mieux. Damian aurait cherché à me retrouver. Je n’ai aucun doute sur ses capacités, Alfred, mais c’est encore un enfant. Le fait qu’il soit parti si soudainement le prouve. Il agit par impulsivité. Je dois prendre soin de lui, nous devons le faire, même s’il affirme le contraire. Il a besoin de nous. » Alfred le savait évidemment, et cette tirade était bien plus pour lui que pour le majordome qui connaissait autant son cœur et ses secrets, que les fantômes habitant dans celui de son fils. Bruce savait que c’était son fils de sang, Damian était buté comme lui, solitaire comme lui, et capable d’affronter ses démons seul même s’il craignait d’y perdre la vie. « C’est bien mon fils, aucun doute là dessus. Le fait qu’il ai prit cet appartement seul, qu’il soit suffisamment buté pour refuser de me voir, le prouve. Les chiens ne font pas des chats, comme on dit. » ajouta-t-il en adressant un sourire amusé à Alfred.
S’il était rare que Bruce sourit, plus encore de la part de Batman, Alfred était le seul petit veinard à en bénéficier, c’était d’ailleurs lui qui le faisait sourire. L’humour très british de l’homme qu’il considérait comme son père adoptif avait toujours été une soupape bienvenue surtout lorsque leurs vies étaient menacées. Oh bien sûr, l’humour moins subtil de Richard lui manquait, manquait globalement au manoir, comme actuellement, Damian et son cynisme lui manquait cruellement. Même les animaux le ressentaient. Le zoo de son fils aménagé dans la cave hurlait depuis son absence. Il faudrait qu’ils prennent une décision concernant les animaux si Damian persistait à ne pas revenir d’ailleurs. Vivre dans une cave sans lumière n’était pas le meilleur des choix pour des animaux. « Je ne rumine pas, Alfred, je réfléchis. » fit-il avec un pointe d’humour. « Comment puis-je ramener Damian ici ? Est-ce une bonne idée de le ramener ici ? Est-ce qu’un garçon de son âge peut vivre seul ? Il est trop jeune pour cela, non ? » En réalité, il savait comment retrouver Damian et le forcer à lui parler, suffisait de se mettre sur sa route lors de ses rondes. Damian faisait le même parcourt chaque nuit comme s’il voulait croiser son père. Peut-être était-ce cela d’ailleurs. Volontaire. Bruce y croyait. Toute la question était ensuite, que faire, comment apporter son amour sans être étouffant, comment le protéger sans l’enfermer, comment l’élever sans le façonner ?
Est-ce qu'Alfred allait croire Bruce sur parole pour cette fois? Rien n'en était moins sûr, car il était capable de ne pas donner signe de vie pendant de longue période. Une simple moue marqua ses traits. Ce n'était pas le moment de débattre là-dessus, comme il l'avait dit, le passé devait être mis derrière eux. Quoi qu'il en soit, il était quand même heureux de le revoir vivant. Et quelque part, il voyait ses paroles comme des sortes d'excuses, car ce n'était pas vraiment le genre du bonhomme d'en faire beaucoup, enfin pas de façon direct en tous les cas. Ce qui était un problème pour le plus grand nombre, puisque c'était bien ce qu'attendait une grande partie de cette famille.
Bon, qu'il estime que pour le bien de Damian, c'était mieux que personne ne sache rien, fit légèrement secoué la tête au majordome, ce n'était vraiment pas la meilleure façon de voir les choses. C'était bien trouvé des excuses pour quelque chose qui au final, ne l'était sans doute pas, ou très difficilement. Et il était clair que si Bruce se permettait de parler ainsi à son fils, ce dernier risquait de l'envoyer paître.
- Évitez de dire cela devant lui... fût bien tout ce qu'il avait à lui répondre pour le coup.
La mise en garde était nécessaire. L'anglais connaissait le caractère de l'héritier Wayne, le sang chaud faisait vite qu'un tour et cette tête brûlée ne pourrait presque que le prendre mal. Lui qui cherchait tellement l'approbation de son père, même s'il faisait tout pour lui montrer le contraire. Il n'était encore qu'un gosse.
Le majordome était, par contre, tout à fait d'accord sur le fait que ce garçon avait besoin d'eux. Et son géniteur avait tout à fait le droit d'être dépassé par cela. Pour autant, il n'avait pas à le montrer, en tous les cas, pas à ses enfants adoptifs.
- Pour prendre soin de lui, il va falloir que vous appreniez à être un peu plus... empathique. Surtout le concernant, lui. Je sais que c'est quelque chose qui peut être compliqué, qu'il a ... disons... un sacré caractère, mais vous allez devoir passer cette armure. Hochant de la tête. En effet, on ne pourra nier cette paternité.
Sans compter qu'ajouter à cela, le mix du sang de Talia et ça donnait presque une bombe à retardement. Autant dire que Damian n'avait pas fini de leur en faire baver. L'anglais l'avait compris depuis bien longtemps déjà.
Le sourire de Wayne était suffisamment rare pour être apprécié à sa juste valeur. Même si les circonstances pouvaient ne pas vraiment s'y prêter. Au moins, cela montrait que l'homme se reprenait gentiment en main, enfin l'espérait-il. Il lui rendit légèrement son sourire, avant d'hausser un sourcil, tout en remettant ses lunettes correctement.
- Bien entendu, vous réfléchissez. Fit-il quelque peu ironiquement. Parfois ce n'est pas loin de ruminer, monsieur. Lâcha-t-il sur le ton de la conversation, avant de réfléchir très sérieusement à ses questions. Il se posait d'ailleurs les bonnes. Vous ne pourrez pas le ramener ici, ce sera à lui de décider de revenir... en effet, il n'a pas vraiment l'âge pour se retrouver seul dans un si grand appartement. Même s'il a l'air de le croire, il n'est pas encore prêt totalement à tout gérer seul. Surtout qu'il a été longtemps - trop même - habitué à être servi. A ce que l'on fasse beaucoup de chose pour lui. Pour autant, si vous débarquez avec vos gros sabots pour l'attraper par le col et le tirer ici, il repartira instantanément. Il va falloir user de tact... vous pensez pouvoir y arriver?
Alfred se passait une main dans les cheveux, tout en connaissant presque pertinemment la réponse. Entre père et fils, rien n'était facile. Damian attendait beaucoup de son père et son père... son père ne savait guère y faire avec les jeunes. Il était trop Batman et pas assez Bruce Wayne, alors lui parler de tact... enfin... qui sait... peut-être ferait-il un effort. - Il serait bon, peut-être, de commencer par le faire réintégrer les Teen Titans, qu'il ne soit plus solitaire. Ensuite, petit à petit, trouver le moyen de le faire revenir ici. Bien que je pense qu'il voudra revoir ses animaux.
Animaux qui pour le moment, étaient à la charge d'Alfred. Comme tant d'autres choses...
Father's job.Bruce écoutait Alfred, en réalité, il buvait littéralement ses paroles. Perdu qu’il était dans son rapport avec son propre fils. Il se demandait si ça avait été aussi difficile avec Dick. Il ne s’en souvenait pas. Le plus dur avec Richard avait été de vainement tenter de l’éloigner de sa vie de justicier. Comme avec Tim. Tous les garçons qu’il avait éduqué étaient butés, à leur manière. Jason était celui qui ressemblait le plus à Damian. Il se souvenait de la rage du jeune garçon, de sa difficulté à contrôler cette colère en lui, de ne pas exécuter les criminels, de retenir ses coups. Damian avait les mêmes difficultés excepté que lui, savait parfaitement d’où lui venait cette rage, et qu’au contraire, ça ne l’aidait aucunement. Bruce avait cru que les choses s’amélioraient entre eux, et sans doute était-ce le cas, jusqu’à ce que ce maudis syndicat apparaisse.
Au fond, il avait conscience qu’il y aurait toujours un syndicat, toujours une menace. S’il voulait protéger Damian, il devait le former à être paré à tout. Car jamais son fils ne renoncera à l’héritage. Il comprenait mieux pourquoi il s’était enfuit. Parce que la cape ne lui était revenu. Bruce avait du mal à se projeter dans la tête de son fils parce qu’il ignorait ce qu’il vivait. C’était plus facile de savoir ce que ressentait un orphelin qu’un enfant aux parents impossible à égaler, impossible à combler. Il comprenait le dilemme, la dualité en lui, parce qu’il se connaissait autant qu’il connaissait Talia mais il n’avait aucune idée de ce que c’était de vouloir combler ses deux parents, de relier ce qui n’est pas possible, de se faire sa propre identité au milieu de deux fortes personnalités. Il pouvait comprendre les agissements de son fils mais comprendre ce qu’il ressentait, il mentirait en disant savoir ce que c’était.
« Ce n’est pas la question de son caractère, j’aurais des difficultés à lui en faire le procès. C’est que je ne sais pas ce qu’il ressent. Je peux essayer de comprendre, mais affirmer que je sais ce qu’il ressent serait mentir. C’est mon fils et pourtant, j’ai des difficultés à comprendre. Ce n’est qu’après coup que… j’arrive pas à anticiper ses actes. C’est cela qui me trouble le plus. » Parce que Bruce Wayne est Batman, le meilleur détective du monde, le type capable d’anticiper les plans diaboliques de ses adversaires éprouvant des difficultés à comprendre son propre enfant, à anticiper ses mouvements et ses décisions. Peut-être parce qu’il était trop impliqué ?
« Le forcer à réintégrer les Teen Titans ne fonctionnera pas, il faudrait qu’ils lui demandent, et encore… le mieux serait qu’ils aient besoin de lui, et qu’il l’apprenne d’une tierce personne, ni de moi, ni de ses camarades. J’ai cru comprendre qu’ils avaient des difficultés, faisons-en sorte que les chaînes de Gotham en parle. Ceci est facilement réalisable. J’ai encore des liens avec Vicky Vale. » fit-il réfléchissant à haute voix même s’il savait que Alfred allait sans doute désapprouver qu’il manipule ainsi son propre fils. Mais il connaissait Damian, il était trop fier pour accepter un ordre direct de son père, et il serait capable de tourner le dos aux Teen Titans si ceux-ci l’appelaient à l’aide, de toute façon, Bruce doutait fortement qu’ils le fassent. Damian avait son caractère, difficile. Intégrer une équipe était difficile pour lui. Pourtant, nécessaire.
« Les animaux, c’est ce qui le passionne. Plus que reprendre le flambeau. Nous pourrions envisager de créer une fondation. Il est encore jeune pour la diriger mais correctement guidé, épaulé, il pourrait véritablement s’investir dedans. » Damian était trop jeune pour tout ce qu’il entreprenait, mais ce gamin avait été privé de toute enfance, directement élevé pour régner sur la ligue des ombres par un grand père n’ayant en vérité nullement envie de lui céder le pouvoir. Non seulement Damian était habitué à être servi mais de surcroit il était devenu méfiant depuis la trahison de son grand père. Bruce devait lui montrer qu’il avait confiance en lui, qu’il pouvait lui confier quelque chose d’important pour lui, lui tenant à cœur.
Ce qui était difficile à faire entrer dans le crâne d'un Bruce Wayne, c'était bien le fait que Damian, étant encore un jeune garçon, ce qu'il avait besoin, par-dessus tout, c'était l'amour de ses parents. Le vrai. L'affection que tout un chacun devrait donner à l'autre. Mais ni Bruce, ni Talia n'était véritablement capable de faire une chose pareille. Et bien entendu, Damian ne pouvait pas le demander, car il ne le savait sans doute pas non plus vraiment. Mais allez tenter de faire comprendre cela. Heureusement qu'il ne pouvait lire dans l'esprit de son employeur, Alfred aurait pu lui coller une claque derrière la tête. Ce garnement était déjà paré à tout et ce n'était pas plus d'entraînements dont il avait besoin, mais juste de pouvoir agir en garçon de son âge. Ce qui n'arriverait sans doute jamais, le majordome en était parfaitement conscient et c'était parfois ce qui le faisait soupirer.
- On ne vous demande pas de deviner ce qu'il ressent Bruce, si déjà vous preniez la peine de l'écouter, au lieu de toujours vouloir lui imposer les choses, de croire que vous pouvez comprendre ce qu'il pense. Ce n'est pas n'importe qui. Il est votre fils et ce dont un fils à besoin, c'est d'un père, à l'écoute. Et pour le moment, tous les deux, vous êtes bien loin d'y arriver. Il n'y a rien à anticiper, il faut faire avec, croyez-vous vraiment que je savais par avance que vous aviez en tête, monsieur? Fit-il avec philosophie.
Pennyworth avait dû se mettre au diapason avec ce jeune héritier devenu orphelin du jour au lendemain. Il avait appris à faire avec. La patience et l'amour qu'il lui portait l'avait, bien entendu, aidé.
- On apprend à être parent, Bruce.
Wayne devait comprendre qu'il ne pouvait pas tout maîtriser, pas tout le temps. Encore moins quand cela concernait ses proches. Les Robin qui étaient passés par ici avaient chacun eu plus ou moins le choix, ils étaient heureux d'être les protéger de Batman, ils avaient aussi compris que la figure paternel de ce dernier n'apportait pas toujours ce dont ils avaient besoin, alors ils s'étaient pour le plus contenter de la chauve-souris. Damian, c'était différent, une autre histoire encore.
- Je n'ai jamais parlé de le forcer. J'ai simplement dit qu'il serait bon de le faire réintégrer un jour les Teen Titans, pour qu'il retrouve un esprit de groupe. Il faudra le convaincre, ce ne sera pas facile mais je suis certains que Kory ne sera pas contre. Ce qui est déjà un bon point. Il l'écoutait patiemment. On peut essayer cette technique, mais cela risque de le rendre toujours plus arrogant, je pensais à une mise à plat des problèmes, enfin...
Bruce pensait comme il le faisait toujours, n'est-ce pas?
- Pourquoi vouloir lui mettre encore plus de responsabilité sur le dos? Commencez par vous occuper des animaux qui sont ici serait déjà une bonne chose. Montrez que vous vous intéressez à ce qu'il aime, que vous prenez soin de ses affaires, que vous avez de l'estime pour lui. Laissez-le grandir comme un enfant de son âge. Ensuite, cette fondation, si vous y tenez toujours, vous la ferez quand il sera en âge de s'y intéressé vraiment. Il n'a pas besoin d'être spolié, d'avoir un empire à ses pieds, juste d'être écouté et soutenu. Est-ce que vous le comprenez?
Comment un grand enfant pouvait en élever un autre, c'était ce que l'anglais était en train de se demander. Une vibration se fit entendre, ses yeux vinrent se poser sur le téléphone qui était posé sur la table basse du salon. Petite moue de ce dernier, il savait que la conversation touchait à sa fin, une alerte enlèvement. Batman allait donc reprendre la main.
- Je pense que l'on a besoin de vous.
Lui transmettant l'info, il le laissait partir sans le retenir, à quoi bon? Ce n'était de toutes les façons pas aujourd'hui, qu'ils régleraient les problèmes... s'ils y arrivaient un jour.
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