La peur. La peur a toujours trouvé son chemin dans le cœur des hommes, s’insinuant dans leurs pensées de la manière la plus insidieuse et perfide qui soi, secouant les âmes en peine au point de les faire cauchemarder la nuit. La peur corrompt et pervertit, blesse et rabaisse en faisant ressortir les plus bas instincts de ceux qu’elle avilit. Bien souvent ignominieuse conseillère mais parfois moteur des plus extraordinaires exploits, la peur est ancrée au plus profond de chaque être et aucun ne peut prétendre ne jamais y avoir été soumis, particulièrement au sein de Gotham City… Pendant des décennies, la ville a été plongée dans la terreur latente, la crainte du crime et du vice gangrénant ses rues et pourrissant ses habitants. Du crime organisé de Falcone aux vilains dégénérés tels que le Joker ou Mr Freeze, la cité ne connut aucun réel repos et l’intervention du Chevalier Noir, aussi bénéfique fut elle, ne put réellement instaurer une paix pourtant bien méritée. Cependant, le justicier et ses acolytes surent utiliser la peur contre ceux qui l’avait entretenu pendant si longtemps, semant le chaos et l’appréhension chez les criminels plutôt que chez les innocents. Grâce à leurs efforts, ils surent soulager les mœurs des plus démunis, instiguer l’espoir chez des gens qui croyaient l’avoir définitivement perdu. Et si leurs méthodes avaient parfois été à la limite de la morale, au moins avaient-ils eu l’impression de faire la différence…
Ce soir pourtant, ce sentiment d’accomplissement semblait avoir été balayé d’un revers de la main. La panique, l’horreur, la décadence : Gotham City était frappé du même effroi que celui qu’elle avait incessamment connu des années auparavant. En guise de responsable, le maître de la peur répondant au triste nom de Scarecrow et qui jubilait certainement de voir le chaos provoqué par son annonce quelques jours plus tôt. Déclarant sur toutes les ondes qu’il avait piégé la ville avec des bombes chargées de ses tous derniers psychotropes hallucinogènes, il avait ainsi donné un violent coup de pied dans la fourmilière grouillante de Gotham qui était depuis entrée en effervescence. La cité avait donc besoin de toute l’aide disponible pour garder l’ordre et empêcher le pire d’arriver et sans hésiter, Tim avait répondu à l’appel ! Accroupi sur le rebord de l’un des plus hauts buildings de la skyline gothamite, l’ancien Boy Wonder scrutait les rues en contrebas avec un air figé sur le visage, se remémorant un instant les innombrables heures qu’il avait passé ainsi dans sa jeunesse, alors qu’il épaulait encore le Chevalier Noir. C’était la première fois depuis des mois qu’il revenait en ces lieux, depuis l’annonce de la mort de Batman par le Syndicat du Crime à dire vrai, et se retrouver ainsi lui avait fait une impression des plus particulières, la peur des habitants provoquant chez lui un pincement au cœur qu’il ne pouvait dissimuler…
La peur, c’était également ce qui l’avait poussé à revenir dans sa ville natale. La peur d’affronter ses responsabilités, celle de risquer de transgresser la ligne de conduite qu’il s’était toujours fixé. Sujet à une certaine crise existentielle, la période était des plus délicates pour Red Robin et il avait choisi de revenir à ses racines pour éviter de se perdre. A des kilomètres de cela, ses compagnons de la Young Justice venaient en aide à des Titans en détresse, des Titans qui auraient certainement bien eu besoin des réflexions avisées de leur ancien leader. Ici, son ancien mentor reprenait finalement du service après avoir été déclaré mort pendant des mois et à la périphérie de la ville, son père adoptif récemment sorti d’années de coma avait découvert son identité de justicier et menaçait de tout révéler s’il n’abandonnait pas le masque et tout ce qu’il représentait. Aussi et face à ce dilemme de conscience compliqué, Tim avait choisi le moindre mal en ralliant les sauveteurs de Gotham, décidant de ne pas s’impliquer dans l’assistance des Titans car se jugeant émotionnellement trop investi et vulnérable pour risque de se mêler à leur problème. Il avait pris le parti de faire confiance à Kory pour gérer le problème et avait chargé Konner et Cassandra de l’épauler du mieux qu’ils le pouvaient. A la place, il se chargerait de stopper désamorcer les bombes du Scarecrow pour laisser le temps à son ancien partenaire de trouver un moyen de sauver une fois encore la journée.
Grâce à une enquête rondement menée depuis son arrivée, Red Robin avait finalement trouvé l’emplacement de l’une des bombes et, s’il n’avait pas encore d’idée de comment cette dernière pourrait être désamorcée, il espérait au moins pouvoir s’en approcher et faire évacuer les lieux pour éviter que la situation ne s’aggrave. Malheureusement pour lui, le bâtiment concerné ne l’aiderait pas forcément à mener son plan à bien. « Le Gotham Mercy General Hospital… Vraiment, les vilains manquent cruellement d’originalité lorsqu’il s’agit de choisir une cible… ». Quelques mètres plus bas, il pouvait voir les urgences débordées par le nombre de patients affluant à cause des émeutes en ville, apercevait les ambulances filant dans les rues de la métropole pour porter secours aux potentielle victime du climat instauré dans la cité. Inspirant un grand coup, Tim porta sa main à son oreille en se raclant la gorge : « C’est moi O. Je suis sur place, prêt à fouiller l’hôpital de fond en combles. Peux-tu isoler sur les plans les zones susceptibles d’abriter la bombe ? Aussi, j’ai fait en sorte que des oreillettes soient transmises au commissaire Gordon afin qu’il soit prévenu de nos avancées, il ne devrait donc plus tarder : je nous connecte à la fréquence pour qu’on puisse se coordonner au mieux. ». Enclenchant son modificateur de voix, Red Robin réajusta par la même occasion sa capuche avant de reprendre : « Commissaire, ici Red Robin, vous me recevez ? Si c’est le cas, nous allons avoir besoin de votre aide pour assurer la coopération du personnel soignant, d’accord ? ». Sans attendre de réponse, le justicier s’élança du toit pour atterrir sur celui du centre hospitalier, prêt à enfin passer à l’action. A sa plus grande surprise, il ne fut pas le premier à s’y réceptionner, la vue d’un nouveau protagoniste le faisant alors sourire : « Eh bien, pour une surprise : j'aurais parié sur Nightwing plutôt que sur toi ! Mais je suis ravi que tu sois là, K. ». Comme dirait le proverbe, the more the merrier…
Il y en avait des cinglés dans cette ville et même si pour James c’était le Joker celui qui lui faisait le plus peur, il savait aussi que Scarecrow et ses toxines étaient dangereuses. Il n’était pas immunisé contre et c’était quelque chose qui lui faisait peur. Il savait ce dont ces substances étaient capables et franchement, il n’avait pas envie de revivre un moment traumatisant de sa vie. Il en avait vécu bien trop et il ne voulait pas s’en souvenir. A la place, il préférait largement faire son travail de policier. Alors, il avait donné ses ordres à ses troupes. Ses deux meilleurs agents étaient déjà sur le coup. Bullock était partit s’occuper de parler à Poison Ivy et Renée elle, était à Coast City. Il espérait donc avoir des nouvelles rapides du premier pour savoir si Pamela avait un remède à leur donner pour éviter d’autres émeutes et problèmes. S’ils pouvaient au moins trouver un antidote ça serait un bon début. Mais James ne s’était pas attendu à recevoir un paquet sur son bureau. Evidemment, personne ne savait d’où ce dernier venait et le policier savait donc qui le lui avait apporté. Enfin, c’était ce qu’il pensait, parce qu’après l’avoir ouvert, il découvrit une oreillette. Ca n’était pas Batman ça. Il ne lui avait jamais donné un tel objet. Le mettant dans son oreille, il n’entendit rien. Alors au lieu de se tourner les pouces à attendre, il alla donner d’autres consignes à ses hommes. Il fallait aider les civils au moins et faire en sorte que personne ne se mettent à briser des vitrines et décident de commencer à voler son voisin. Ca n’était pas simple d’arrêter ce genre de comportements, mais ça serait un début.
Pour ce qui était des bombes, James avait fait appel à l’équipe de déminage. Ces derniers attendaient les instructions. Leur chef étaient prêts à foncer dans toutes les directions, mais ils ne savaient pas où se trouvaient les bombes et l’épouvantail avait été clair sur le fait que si une bombe sautait, les autres s’enchaîneraient. Il fallait donc être prudent. Mais avec les informations qu’il eut eu fil des minutes, il indiqua à l’équipe de déminage d’aller dans les voies de métro. Apparemment il y avait de l’agitation. De son côté, on l’informa que l’hôpital était une des cibles et James partit directement là-bas. Avec quelques policiers, il fit en sorte de ramener le calme, mais ça n’était pas simple. Seulement, il fallait aussi évacuer les lieux. Alors qu’il regardait son téléphone pour voir si Bullock lui avait amené un message, James sursauta en entendant une voix dans son oreille. Il avait oublié ça.
Je vous reçois et je suis totalement d’accord.
En même temps, il aurait été idiot de dire le contraire. Alors qu’il allait vers une médecin il lui demanda le plus de détails possibles pour tenter de faire évacuer le plus de monde possible. Même si tout le monde n’était pas encore dehors, au moins ils pourraient faire en sorte d’éloigner les gens de la bombe dès que cette dernière aurait enfin était trouvé et mise sous bonne garde.
La panique régnait à l’hôpital. Il y avait ceux qui étaient persuadés qu’une bombe était cachée sous leur lit, et ceux qui venaient trouver refuge dans un endroit qu’ils considéraient comme intouchable. Ceux-là avaient fait doucement rire Hope quand elle les avait entendu pour la première fois, maintenant ils la faisaient grincer des dents. Ils envahissaient les couloirs qui étaient déjà bondés, et ajoutaient à l’hystérie ambiante – d’autant qu’ils comprenaient quelquefois assez vite que l’hôpital était loin d’être le lieu le plus sûr qui soit. Et puis, il y avait les blessés, qui arrivaient en un flot continu du centre-ville où les émeutes continuaient d’éclater à rythme régulier. L’hôpital manquait déjà de personnel et de moyens en temps normal, mais c’était encore pire depuis que l’annonce de l’Epouvantail avait résonné à travers les rues. C’était ingérable, pourtant il fallait continuer à faire au mieux. Hope courait d’un endroit à l’autre depuis bien trop longtemps, mais elle ne faisait plus guère que dispenser des instructions aux infirmières et des avertissements aux fauteurs de trouble. Elle ne pouvait rien faire de mieux, elle n’avait pas le temps. Tout le monde était à cran, et elle aussi. Elle préférait oublier la menace qui planait au-dessus de leurs têtes à tous, et préférait aussi oublier que l’hôpital serait une cible privilégiée, comme il l’avait déjà été par le passé. Repenser à l’horreur qu’elle avait déjà vécu dans ces mêmes couloirs quand les Olympiens avaient débarqués, cela lui donnait des sueurs froides. Elle ne doutait pas que l’Epouvantail voudrait frapper au plus fort, et que l’hôpital était donc un des meilleurs endroits de la ville pour y parvenir. Elle ne devait pas y penser. Ne pas céder à la panique qui enflammait tout le monde et qui faisait des nœuds dans son estomac quand elle s’autorisait à ralentir le moindre instant, et garder la tête froide. C’était le plus important.
Mais garder la tête froide allait s’avérer compliqué. Quand Hope vit débarquer le commissaire Gordon avec plusieurs policiers, elle sentit un bloc de glace lui tomber au fond du ventre. C’était mauvais signe ça, n’est-ce pas ? Elle s’approcha et il s’adressa directement à elle, lui demandant d’évacuer les patients. Elle n’eut même pas besoin de demander confirmation, elle avait compris que ses pires craintes étaient en train de se réaliser. L’Epouvantail avait donc réellement caché une bombe dans le bâtiment. Si elle explosait, ils compteraient les morts par centaines. Une telle toxine ferait des ravages chez les plus affaiblis. Sans compter ceux qui survivraient pour subir un empoisonnement hallucinant … « Evacuer ? Vous déconnez ? On ne pourra jamais évacuer tout le monde, il y a des patients qui ne peuvent pas être déplacés ! » La fatigue et l’inquiétude faisaient réagir Hope au quart de tour, mais elle n’avait pas de gants à prendre avec la police. Elle fit signe au commissaire de s’éloigner un peu pour discuter, histoire qu’aucun patient n’entende ce qu’ils disaient. Il y avait bien assez de problèmes comme ça sans en rajouter. « Et vous avez un lieu sûr où emmener tous ces gens ? » Elle en doutait fortement. Où qu’ils aillent, ils étaient trop nombreux, et le GCPD ne connaissait de toute façon pas l’emplacement de toutes les bombes, alors garantir leur sécurité en les faisant évacuer serait un faux espoir. « Il faut trouver cette bombe et la désamorcer, ou au moins la sortir d’ici ! » Cela se résumait à chercher une aiguille dans une botte de foin, mais ils n’avaient pas d’autre choix. Trop de vies étaient en jeu. « Mais si les patients comprennent qu’il y a une bombe … Ils ne doivent pas savoir. Je peux vous aider à la chercher et à garder le calme, et si vous trouvez son emplacement, on fera évacuer la zone, mais d’ici là, il faut éviter les mouvements de panique. » Elle inspira profondément, puis lui fit signe de la suivre. « Vous avez une idée des endroits où les frappés de Gotham préfèrent cacher leurs bombes ? »
Etre rapide était la clé, seulement il y avait tellement de chaos dans la ville, que ça n’était pas facile de tout maîtriser. James se disait parfois qu’ils devraient faire des cours particuliers, des sortes de stages, pour tous les policiers de la ville. Qu’ils sachent comment réagir face aux agissements du gang du Joker, face aux projets de Ra’s Al Ghul, se battre contre Cobblepott, tenter de comprendre Nygma et comme aujourd’hui, trouver une façon d’agir face à Crane. Rien de tout cela n’était simple et en plus, il y avait Arkham qui était une véritable passoire. Beaucoup de travail en perspective. Gordon faisait de sn mieux avec les moyens qu’il avait. Seulement, il savait aussi que ça ne serait jamais assez. Chaque ville avait son lot de problème, mais même avec l’aide de justiciers, ça n’était jamais assez. Eux aussi avaient leurs supers vilains à combattre. Lui, en tant que commissaire, devait pouvoir assurer sans les chauves-souris. Malheureusement ça n’était pas le cas. Il en avait la preuve avec un des Robin qui lui donnait des indications via son oreillette. Se retrouvant donc à l’hôpital, James fit en sorte que tout le monde évacue rapidement et si possible dans le calme. Pour cette seconde partie, il doutait que ça fonctionnerait vraiment. De son côté, il trouva un médecin qui était là et commença à lui parler. La jeune femme semblait comprendre la situation et il espérait qu’ils pourraient travailler ensemble. Cependant, avec ce que lui disait la médecin, James savait qu’en effet ça ne serait pas gagné. Suivant le mouvement de Hope pour aller loin des oreilles indiscrètes, il l’écouta avec attention. Elle avait raison, il n’avait pas de lieu sûr, mais l’hôpital n’en était plus un.
Ils doivent tous partir. S’ils restent ici, ils sont sûrs de mourir.
Seulement, à la suite de ses propos, il fronça les sourcils.
Vous pensez vraiment que ça n’est pas ce que nous cherchons à faire ? Même si nous parvenons à mettre la main sur la bombe ça ne veut pas dire que nous parviendrons à la désamorcer. Crane n’est pas un amateur et le moindre faux pas amènera la population dans son monde de délires.
Ca n’était pas quelque chose qu’il voulait vivre. Il avait déjà eu sa dose de problèmes avec le Joker et les autres, pas besoin d’en rajouter une couche. Soupirant aux propos de la jeune femme, il hocha la tête. Il comprenait de ne pas crier à la bombe tout de suite. C’était intelligent, mais ça ne voulait pas dire que ça aiderait à sortir les gens plus rapidement de là.
A vrai dire, ils en posent à peu près partout.
Il en avait vue dans des endroits même improbables, mais il n’allait pas lui dire toute la vérité non plus. Posant son doigt sur son oreillette, James décida de voir où en était le justicier.
Red Robin ? Avez-vous trouvé quelque chose pour nous aider à avancer ?
Si au moins lui avait une piste, ça serait un premier pas pour pouvoir tenter de s’en sortir sans trop de dégâts.
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