You do plan to have dinosaurs on your dinosaur tour, right ? || Nate

You do plan to have dinosaurs on your dinosaur tour, right ?

Il faisait chaud, c’est la première chose que Zee se dit en traversant le portail dimensionnel qu’elle venait de créer dans son salon. Quand on n’était pas en situation d’urgence, un portail, ça se travaillait, et ça se faisait à l’abri des regards indiscrets, aussi. Pour cette petite expédition, elle avait eu tout le temps d’y penser, et fait venir Nate exprès jusqu’au manoir qu’elle louait à l’année Gotham. Elle se retourna pour voir s’il l’avait suivi. Elle savait que voyager à travers les dimensions – ou même le temps, ou même, encore plus basique, l’espace – n’était pas encore quelque chose à quoi il était habitué. Elle distinguait le vieux parquet de son salon et les immenses bibliothèques qui couvraient les murs. Le temps que Nate la rejoigne, elle claqua des doigts et un livre, vieux et relié, s’arracha de son étagère pour traverser le portail à son tour, en voletant comme un pigeon un peu bourré. Zee s’en saisit brièvement. Il appartenait à son père, et à un homme nommé Travis Morgan avant lui, qui le lui avait donné de bon cœur, lui avait raconté Zatara. Mais c’était une longue histoire. Zee avait depuis longtemps, en prévision de ce petit voyage, gravé dans sa mémoire le contenu du journal de Morgan. Elle avait laissé Nate le regarder autant qu'il l'avait voulu. Mais elle s’était dit soudain que Nate apprécierait peut-être de l’avoir pour de bon. Elle ne voyait pas d’inconvénient à le lui donner. Elle savait que son père n’y aurait vu aucun inconvénient. Une fois que Nate fut à ses côtés, elle lui tendit le journal. « Garde-le. Il te sera plus utile qu’à moi. » Elle embrassa le paysage qui s’étalait devant eux, vaste plaine vallonnée, sableuse et herbeuse, hauts plateaux et montagnes pointues dans leur dos, et face à eux, au loin, l’orée d’une forêt dense et verdoyante. Le soleil était haut dans le ciel, et de ce que Zee avait compris des notes de Travis Morgan, ça n'était pas prêt de changer. « Skartaris ! » Et donc, il faisait chaud. Elle referma le portail sur le sombre salon du sombre manoir de la sombre Gotham et d’un sort, changea ses vêtements. Elle n’était pas une aventurière, elle. Elle n’avait pas tout prévu, et certainement pas songé à sa garde-robe. Le cuir disparu, au profit d’un short en jean, de solides chaussures de marche et d’un débardeur et d’une chemise à carreaux. Peut-être qu’elle ajouterait un chapeau tout à l’heure…

Elle se tourna vers Nate pour évaluer sa réaction. Elle faisait la fière, mais c’était la première fois qu’elle osait mettre un pied dans cette dimension. Bien sûr, elle en avait entendu parler par son père, et elle s’était documentée – un peu. Travis Morgan, un pilote de l’armée américaine, s’était crashé au Pôle nord et avait découvert cet endroit, qu’il avait toujours cru situé au centre de la Terre, façon Jules Verne. Zatara lui avait raconté qu’il s’agissait en fait d’une dimension parallèle. Elle n’avait jamais cru la moitié de ce qu’il lui avait raconté ensuite, même si le journal de Morgan évoquait les mêmes bizarreries. Pour elle, cela n’avait tout simplement rien à voir avec les Homo Magi. Elle s’assit sur un rocher, le temps de reprendre ses esprits, de réaliser où elle se trouvait : l’un des monde colonisés par les Homo Magi, fuyant la Terre pour des raisons obscures. Elle savait que cela avait un rapport avec la chute cataclysmique d’Atlantis – un autre endroit où elle n’avait pas encore osé mettre les pieds, même s’il n’en restait que des ruines. Pourtant, c’était là-bas qu’avaient vécu les ancêtres de sa mère. « Je crois que Morgan dit au début de son journal que la première chose qu’il a remarquée ici, c’était que le soleil ne se couchait jamais… » Bon pour le bronzage. « Il y a une carte, aussi. Du genre illisible. » Du moins c’était son avis. Une carte simplette qu’un homme seul et perdu avait dessinée. En vérité il y avait de quoi admirer Morgan. Il avait fait de ce qui aurait pu être les pires années de sa vie, une aventure extraordinaire. Elle n’était pas certaine d’en avoir eu la force. Peut-être était-ce là la force des aventuriers, de ceux qui n’avaient peur de rien et certainement pas d’explorer l’inconnu, de quitter le cocon des choses familières.

Elle se releva et s’étira. « Tu te souviens, je t’ai parlé des ancêtres de ma mère qui vivaient dans une Atlantis aujourd’hui disparue, et comment les Homo Magi se sont dispersés dans plusieurs mondes, dimensions et villes cachées sur Terre ? Voilà, c’est un de ces endroits… Morgan en a surtout rapporté les spécificités badiques. Mais d’après mon père, Skartaris n’a rien du paradis. » Et elle ne lui avait pas vraiment posé de questions, persuadée qu’elle était qu’ils auraient tout le temps d’en parler et même d’explorer ce monde ensemble. Eh bien, c’était pour cela qu’elle avait entraîné Nate dans cette histoire ! Pour ça, et parce que ce voyage complètement dingue ne pouvait que lui changer les idées, à lui aussi.

Codage par Libella sur Graphiorum

Wow. Dire qu’il en restait sans voix aurait été un euphémisme : Nate Heywood, Docteur Nate Heywood, historien et superhéros de son état, était resté proprement bouche bée dès l’instant où Zatanna l’avait entraîné à travers ce portail, une sensation des plus bizarres (à laquelle il ne s’habituerait sans doute jamais) mais qui n’était rien comparé au sentiment de pure extase et d’ahurissement qui le submergea face au spectacle qui s’offrait à eux. De Gotham, sombre, froide et glauque, ils étaient passés à d’immenses étendues vertes, l’horizon embrasé par ce fameux soleil qui ne couchait jamais, une herbe sèche qui crissait presque sous leurs pieds comme s’ils étaient dans la savane. Heureusement qu’il avait pensé aux lunettes de soleil et aux chaussures de marche sur bon conseil de son acolyte. « Holy shit. » murmura-t-il, perdu dans sa contemplation – jusqu’à ce que Zatanna se décide d’ajouter du bizarre et de l’extraordinaire en changeant sa tenue d’un claquement de doigts, arrachant une exclamation surprise à son compagnon. D’accord, ce n’était pas la première fois qu’il la voyait pratiquer la magie. Mais il fallait bien admettre que de près, c’était encore plus cool que sur scène. « Ca devait être pratique ça pour éviter les vestiaires au lycée, non ? » commenta-t-il en soupesant le livre entre ses mains. Le journal de Morgan, un héritage des plus énigmatiques pour le non-initié qu’il était… et un héritage qu’elle avait décidé de remettre entre ses mains. « J’en prendrai soin, promis. » assura-t-il, gratitude dans la voix et sourire suspendu au coin des lèvres.

Ouvrant le livre à une page au hasard, et fit tourner les pages jusqu’à trouver la carte en question. Il avait eu plusieurs fois l’occasion de parcourir les écrits de Travis Morgan au manoir de Zatanna lors des préparatifs de leur expédition, mais se retrouver maintenant sur le terrain, c’était une tout autre paire de manches. Ils étaient au milieu de nulle part, avec, au final, très peu de pistes reliant cet endroit à la famille Zatara. C’était de l’expédition pure et dure, comme Indiana Jones lui-même n’aurait jamais pu rêver, comme Nate n’aurait jamais pensé entreprendre, retranché derrière ses livres et des rêves pleins la tête qui entretenaient son imagination plus que sa réalité. Sa réalité était encore trop chaotique, trop nerveuse, trop incertaine pour qu’il puisse se le permettre.

Enfin, ça c’était sans compter Zatanna, et ses ancêtres aussi mystérieux qu’originaux. Et s’il était honnête, le jeune Heywood devait bien l’admettre : il était aux anges.

« C’est complètement dingue. » souffla-t-il, ses yeux clairs allant des pages du livre à Zatanna et au paysage environnant. « Bon, je ne sais pas exactement où on est, mais normalement tu nous as téléportés pas loin de l’endroit où Morgan s’est écrasé en avion. Si on va vers le sud, on devrait tomber sur la ville de Thera et pouvoir faire une première escale ici. » La route ne serait pas sans risques, mais entre les pouvoirs de sa camarade et sa constitution quasi-indestructible, ils devraient s’en sortir sans trop de dommages. Enfin, elle, surtout. Dans ces contrées inconnues, allez savoir si l’acier pouvait vraiment résister à tout et n’importe quoi.

Tournant la carte pour l’inspecter de plus près, Nate émit un sifflement. « Et si on se trompe de chemin, on fonce droit dans la gueule des… hommes-lézards mutants. » Il marqua une pause. « Enfin, ne paniquons pas. Si ça se trouve ils sont pacifiques, Morgan n’a pas précisé. Il a dû courir très vite dans l’autre sens en leur tombant dessus, sans prendre le temps de leur parler. »

S’avançant pour se tenir aux côtés de Zatanna, il lui montra la carte de plus près, pointant leur location supposée du doigt, puis la ville de Thera sur la carte sommaire de Morgan. Puis, son doigt glissa plus au sud, au-delà des montagnes rocheuses sanglantes (décidément, il avait un don pour nommer les choses, le brave homme), du repère des hommes-chauves-souris, et du Lac des Rêves. Tout un programme. « En continuant plus au sud, peut-être en suivant la rivière plutôt qu’en passant par les montagnes, d’ailleurs, on arrivera dans la ville de Shamballah. Je sais qu’on n’a pas beaucoup d’informations sur ta famille ou les Homo Magi, mais tu as bien dit que la famille de ta mère s’étaient rendus à Atlantis, pas vrai ? Et bien Shamballah... » Laissant sa phrase en suspens, il tourna les pages du livre à un post-il qu’il avait laissé là lors d’une précédente consultation. « D’après Morgan, Shamballah est blindée de technologie atlante. Si il y a bien un endroit par lequel on devrait commencer, je dirais que c’est là. »

Nate avait conclu son exposé d’un air tout fier, et avec le sourire enthousiaste d’un enfant partant à la découverte d’un nouveau terrain de jeu. Allez savoir combien de temps ils allaient s’aventurer dans cet El Dorado sans or (il aurait peut-être dû laisser un mot à son grand-père), mais une chose était sûre : il était ravi que l’extraordinaire Zatanna Zatara ait pensé à lui pour cette expédition digne de la Ligue des Gentlemen Extraordinaires.

Il allait en dire autant lorsqu’un rugissement, du genre très bruyant et très inquiétant et d’un animal qu’il n’avait jamais entendu auparavant, perça l’air paisible de la plaine, figeant Nate sur place. « … je t’ai dit que Morgan parle aussi de dinosaures dans son bouquin ? »

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De base, le sens d’orientation de Zee n’avait rien de magique : pas besoin de s’ennuyer avec ça quand on pouvait se téléporter et ouvrir des portails où on voulait. Autant dire que dans un monde totalement inconnu et qui ne répondait pas aux codes humains, ce serait encore pire, et entendre Nate balancer l’air de rien qu’il ne savait pas « exactement » où ils étaient la rassura un peu. Ça voulait bien dire qu’il en avait quand même une petite idée. Encore qu’être perdus ici ne serait pas un problème. Elle avait fait le test, ponctuellement, et elle pouvait les ramener sur Terre à tout moment – sauf mauvaise surprise. Il ne fallait jamais écarter les mauvaises surprises. Elle n’était pas du genre à foncer tête baissée quelque part sans s’inquiéter un minimum de tous les scénarios possibles et imaginables. Mais dans toute cette histoire, elle avait plus réfléchi à ce que ce voyage signifierait pour elle et moins passé de temps à apprendre la carte par cœur. « Thera… » Elle se demanda si sa mère avait déjà prononcé ce mot. Si elle avait seulement foulé cette terre. Probablement pas. Malgré tout, cet endroit avait été – et était peut-être encore – peuplé par des Homo Magi. Le peuple de Sindella. Et apparemment, des hommes-lézards mutants. Elle tourna un visage impressionné vers Nate, qui semblait aux anges, lui, et pas du tout paniqué. Elle lui sourit avec affection. Il y avait très peu de personnes avec qui elle aurait voulu se trouver ici et il était définitivement dans le top 3. Elle avait l’impression qu’elle n’avait qu’à se laisser porter. Elle baissa les yeux sur la carte, qu’il avait beaucoup plus étudiée qu’elle, de toute évidence. Quand il prononça le nom de Shamballah, elle se sentit parcourue d’un frisson. Atlantis telle que les Homo Magi l’avaient habitée n’existait plus, du moins ne devait-il en rester que des ruines. C’était là-bas qu’était née sa mère, et un jour, quand elle en aurait le courage, elle irait visiter ces ruines – probablement qu’elle embarquerait Nate, d’ailleurs.

Elle s’étira pour chasser la tension qui la gagnait petit à petit. Il fallait profiter de ces instants. Il faisait beau, le paysage était magnifique, aucun homme-lézard mutant à l’horizon pour le moment, et elle s’était choisi un guide de compétition. « Merci Nate. Je ne crois pas que j’aurais eu le courage de faire trois pas ici sans toi. J’espère que tu écriras l’article le plus édifiant de tout le milieu universitaire mondial ! » Elle ne savait pas si Nate en avait l’intention mais quoiqu’il en soit, ça ne la dérangerait pas s’il le faisait. Cet endroit ne lui appartenait pas. Et que les hommes en aient connaissance ne la dérangeait pas non plus. C’était le cours naturel des choses que des êtres fassent des découvertes et les partagent avec leurs semblables, et de toute façon, bien peu de gens pouvaient réellement se rendre ici. Elle était venue en quête d’une partie de son histoire, du moins de l’histoire de ses ancêtres, mais elle espérait que Nate trouverait ici lui aussi de quoi combler son cœur et son âme. Elle ne pouvait pas prétendre le connaître depuis des années mais elle avait pu constater à quel point son sourire s’évaporait parfois en un battement de cils. Ici au moins, il avait l’air ravi.

Là-dessus, un bruit. Zee n’intégra pas du tout de quoi il s’agissait, jusqu’à ce que Nate parle de dinosaures. « Des dino… hein ? Cet endroit est vraiment bizarre ! Je sais bien que les Homo Magi ne sont pas des hommes, malgré leur apparence, mais tout de même ! » Comment pouvait-on vivre en bonne intelligence avec des dinosaures ?? Peut-être que ça expliquait le côté « disparition de leur civilisation »… Enfin, elle avait sa petite idée sur la vraie raison. La guerre, et la quête de pouvoir, encore et toujours… Le rugissement retentit à nouveau. Est-ce qu’il était plus prêt ? Zee était sûre qu’il était plus prêt. « On devrait bouger. Direction le sud et Thera, alors ! » Elle se mit à marcher – est-ce que le sol était le même que sur Terre ? est-ce qu’elle extrapolait ? est-ce que c’était important ? – avant de se figer et de se tourner vers Nate. Non parce que, comment est-ce qu’on trouvait le sud dans un monde où le soleil restait en permanence au zénith ? Il avait parlé de montagnes, un peu plus loin. Ah oui, donc le sud, c’était par là-bas. Elle se remit en marche. « J’ai vérifié, au fait, le temps s’écoule à peu près de la même manière ici et sur Terre, donc on ne devrait pas rentrer chez nous et découvrir que nos enfants sont devenus grands-parents. » Enfin, façon de parler. Et le « à peu près » était une nuance importante. Mais l’un dans l’autre, ils devraient pouvoir s’y retrouver. Soudain, elle crut sentir comme un frisson sous ses pieds. Comme si la terre frémissait. « Est-ce que Morgan a parlé de l’activité sismique de cet endroit ? » Bon, ça pouvait être toutes sortes de choses, à commencer par une petite secousse banale et habituelle. Ou alors, un très gros dinosaure. Mais à choisir elle préférait les petits tremblements de terre.

Codage par Libella sur Graphiorum

Dinosaures, hommes-lézards, technologies atlantes – Nate Heywood en avait entendu des absurdités depuis une poignée d’années, mais il fallait bien avoir que même dans un monde peuplé de superhéros aux pouvoirs extraordinaires et sans limites, cette petite excursion prenait des allures de film de série B dont, il devait bien l’avouer, il était plutôt fan. L’extravagance du monde des héros était quelque chose à laquelle on s’habituait à la longue, surtout quand l’ombre d’un célèbre grand-père planait au-dessus de soi comme un constant rappel de son héritage, mais la magie ? Les créatures extra-terrestres ? Ca, c’était une autre paire de manches. Bien sûr, son scepticisme naturel s’était immiscé dans sa compréhension de ce drôle de monde au début, le poussant à rejeter ce qu’il ne connaissait pas encore, mais sa curiosité innée et son goût de l’aventure avaient rapidement repris le dessus. Surtout avec une guide comme Zatanna qui avait un don particulier pour lui montrer tout ce que ce monde inconnu avait de plus étrange à offrir. Un monde qui lui était étranger, et dont les règles lui échappaient totalement, mais dans lequel il pouvait bizarrement se sentir presque à son aise. Après tout, s’il cognait un dinosaure un peu trop fort par mégarde, c’était moins grave que de déboîter l’épaule d’un passant en le bousculant sans le faire exprès dans la rue.

Emboîtant le pas à sa camarade d’aventures après que celle-ci ait failli partir dans la mauvaise direction, Nate chaussa ses lunettes de soleil (regrettant de ne pas avoir amené un chapeau par la même occasion – le tableau Indiana Jones-esque en aurait fait pleurer George Lucas d’émotion), et répondit à son commentaire (pertinent) sur la temporalité de l’endroit par un ‘hmmm’ songeur. « A peu près ? Quel genre d’à peu près ? A peu près à peu près, ou ‘la guerre de 40 ne durera que quelques mois selon les Alliés’ à peu près ? » commenta-t-il, pensif. Au moins il était bon de savoir qu’ils pourraient facilement rentrer chez eux. Certes, ils pouvaient rester dans ce monde où l’oxygène était apparemment de mise, mais il doutait que tout y soit particulièrement human-friendly. Surtout après lecture du journal de Morgan. Une magicienne et un homme d’acier avaient sûrement plus de chances de survie que le commun des mortels, mais rester prudent ne pouvait pas leur faire de mal.

Soudain, Zatanna s’arrêta et Nate haussa les sourcils de surprise à son commentaire. « Activité sismique ? »répéta-t-il l’air dubitatif, avant de baisser les yeux sur leurs pieds ; flûte. Evidemment qu’il ne sentait rien. Il retint un soupir contrit et tendit l’oreille, attentif, plissant les yeux vers l’horizon.

Au début, ce ne fut qu’une tâche informe au loin. Puis, à mesure que la forme approchait, des détails se révélèrent aux deux aventuriers en herbe. La masse uniforme se révéla être constituée de plusieurs individus bien distincts, une quinzaine, peut-être même une vingtaine de bipèdes particulièrement larges et particulièrement hauts. Nate fronça les sourcils, tentant tant bien que mal d’identifier les spécimens en question. « Holy shit. » laissa-t-il échapper, les yeux soudain écarquillés de stupeur. Et sans doute d’un poil de panique et – évidemment – d’excitation. « Des tyrannosaures ! On a un troupeau de tyrannosaures qui nous fonce droit dessus – cours ! »

Sans attendre que Zatanna propose une solution magique (la magie, c’était bien joli, mais est-ce que ça pouvait résoudre si facilement un problème de vingt tyrannosaures ? Il estimait qu’ils n’avaient pas le temps d’en débattre) Nate commença à courir – du moins, aussi bien qu’il le pouvait avec ses 171 kilogrammes d’acier trempé et cette maudite seconde peau, si nécessaire pour garder les autres en vie, mais qui transformait le moindre mouvement un peu brusque en effort titanesque. Autant dire que Nate Heywood n’avait plus exactement le rythme de course de ses anciennes prouesses de quarterback. Tout en courant, ses pieds qu’il ne prenait plus la peine de contrôler laissant de profondes empreintes dans le sol meuble, il pointa du doigt devant lui. « Il devrait y avoir un fleuve plus à l’ouest ! Là où il y a les arbres ! On pourra les semer là ! »

Bifurquant vers l’ouest, et réprimant l’envie de dire à Zatanna de partir devant sans l’attendre (la magie pourrait bien lui être utile après tout), Nate suivit son équipière en puisant dans toutes ses forces pour tenir le rythme, dégringolant la colline jusqu’à ce qu’ils atteignent le rivage. En se retournant, il devint clair que les braves bêtes avaient gagné du terrain. Un peu trop dangereusement. « C’est sûrement le bon moment pour te dire que je ne peux pas nager. Si tu pouvais, genre, nous faire léviter jusqu’à l’autre rive, ce serait vraiment vraiment cool. » souffla-t-il à Zatanna d’un air quelque peu alarmé, avant de reporter son regard sur les tyrannosaures en approche. Nom de dieu qu’ils étaient terrifiants. Mais bon sang qu’est-ce que c’était cool. « C’est pas normal. Un troupeau de cette taille, ça devrait attaquer un autre troupeau, pas deux snacks perdus comme nous. Pas d’aussi loin. » Il marqua une pause. « … à moins que ce ne soit eux, le snack en train de fuir. »

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En vérité, Nate n’avait pas vraiment besoin de réponse à sa question. S’il y avait eu un tremblement de terre en cours, Zee l’aurait probablement su, reliée comme elle l’était à la terre par sa magie élémentale. Non, évidemment que non ce n’était pas un séisme. Ce que c’était, Nate l’exprima très clairement – et si elle n’avait pas été trop occupée à écarquiller des yeux ronds face au troupeau qui galopait dans leur direction, elle aurait peut-être pu apprécier la joie qu’elle crut déceler chez lui alors qu’il énonçait l’impensable. Elle serait bien restée là à regarder d’un air impressionner mais, comme il le disait si bien, mieux valait plutôt courir. Elle emboîta le pas à Nate, dont la course faisait tout autant trembler la terre que celle des dinosaures qui les rattrapaient tranquillement. Elle ajouta son rythme au sien, encore qu’elle ne soit pas la sportive de l’année, mais très vite, en voyant le fleuve et derrière, la forêt, elle comprit qu’ils allaient devoir faire mieux que simplement courir. En regardant par-dessus son épaule, elle vit que les tyrannosaures gagnaient du terrain. Elle voulait bien croire Nate quand ce dernier affirmait qu’ils ne leur couraient pas vraiment après. Ils étaient juste les victimes collatérales d’un comportement inexplicable, ou explicable par une raison à laquelle elle ne préférait pas penser. Ils couraient vers le fleuve et à quelques mètres de l’eau seulement, sans s’arrêter, elle lança : « noitativéL ! » Elle décolla à quelques mètres du sol, entraînant Nate avec elle pour leur faire traverser l’obstacle, avant de les faire se poser de l’autre côté. « Regarde-les… Je ne peux pas croire que ces bestioles sachent nager, et pourtant, on dirait qu’elles vont tenter la traversée… Tu dois avoir raison, elles ont la trouille. » Ce qui n’était pas très bon pour eux, cela dit.

Elle tendit la main vers le dinosaure de tête et marmonna un sort à l’envers, et l’animal se mit à grandir et à grossir, devenant ainsi encore plus menaçant que ce qu’il n’était déjà. En vérité, elle ne touchait à rien de la pauvre bête, il ne s’agissait que d’une illusion. Son grondement, multiplié par dix, résonna comme un coup de tonnerre dans l’air et toute la bande qui le suivait s’éparpilla dans toutes les directions le long du fleuve sans plus faire attention à tenir la meute groupée. Sa pauvre victime suivit quelques-uns de ses copains, qui couraient pour le fuir lui, à présent, et Zee eut tellement pitié de lui qu’elle dissipa l’illusion. Les tremblements de la terre se calmèrent, avant de disparaître complètement. Eh bien voilà ! Pas de t-rex encore plus gros qui leur courait après ! Mais avant qu’elle ait pu ouvrir la bouche, un vent violent se leva, lui envoyant ses cheveux dans la figure, alors qu’une ombre s’étendait sur eux comme si quelqu’un rabattait une couverture sur le ciel lui-même. En levant les yeux, Zee vit un énorme truc noir dans le ciel, qui semblait fondre sur eux. Vu la taille du machin, elle crut qu’il était quasiment sur eux, mais non : il était encore assez loin. C’était juste… « NU EMRONÉ FAIP EUQIROTSIHÉRP ! » Elle était tellement choquée qu’elle avait parlé backward sans y penser. La bête devait faire la taille d’un avion. En exagérant un peu. Pas moyen qu’elle fasse fuir ce truc avec une illusion de traîneau du père Noël ou elle ne savait pas quoi. Elle jeta un regard malheureux à Nate. « Allons dans la forêt ! » Et elle se remit à courir, en espérant que la canopée les mettrait à l’abri et découragerait l’animal de les poursuivre.

Il y avait peu de chance qu’ils arrivent à se mettre à couvert à temps, en tout cas. Ou alors, ça allait se jouer à un cheveu. Oh, comme elle aimait déjà ce monde, en quelque sorte… Malgré le danger, elle ne pouvait que se demander ce qui avait poussé les Homo Magi à venir se réfugier ici, et surtout, comment ils avaient vécu avec la faune et la flore locale. Et bien sûr, qu’est-ce qui avait provoqué leur chute. Mais en attendant, il y avait des chances pour que leur beau voyage s’achève déjà. « Tu es toujours aussi content de t’être laissé convaincre de venir ? » Elle préférait en rire plutôt que hurler, ce qu’elle avait fort envie de faire aussi, cela dit.

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« Oh mon DIEU. » fut la seule réponse de Nate aux exclamations à l’envers de sa comparse auxquelles il n’avait rien compris : mais il n’avait pas le temps de poser des questions, et en plus, il était à peu près sûr d’en avoir deviné le sens général. Une panique tout à fait compréhensible et explicable par l’oiseau préhistorique (un ptérodactyle à plumes, formidable) de la taille d’un avion qui piquait du bec droit sur eux. Sans doute n’avait-il que modérément apprécié être soudain privé du casse-croûte promis par le troupeau de tyrannosaures que Zatanna avait si savamment dispersés. Les yeux rivés sur le monstre ailé qui leur fonçait dessus, Nate ne dut son salut qu’à Zatanna qui capta son attention et lui rappela ce précepte si simple, mais si essentiel à la survivre en milieu hostile : courir. Après tout, Nate Heywood avait beau être un homme indestructible, pas grand-chose ne le protégeait contre une fin bien tragique au fond de l’estomac d’un ptérodactyle boosté aux hormones magiques. En tout cas, il n’avait nullement l’intention de s’éterniser pour tester son hypothèse.

La course reprit, Nate maudissant cette deuxième peau qu’il était tenté d’arracher pour se libérer de son entrave, trop conscient de sa lourdeur, de sa lenteur qui les mettait tous les deux en danger, conscient aussi qu’il les mettrait en danger s’il prenait la peine de la retirer, dilemme de tous les instants et surtout de ceux de vie ou de mort. « Ravi ! » s’écria-t-il en réponse à la question de Zatanna, se retournant pour constater la progression de leur poursuivant – oh non il était littéralement sur eux. « Je vais le distraire, COURS ! »

Suicide, sans doute, mais il ne serait pas dit que le docteur Nate Heywood se ferait manger tout cru par un ptérodactyle géant sans lutter. Nate s’arrêta net dans sa course et se retourna vivement, juste à temps pour voir la bête prête à refermer ses griffes sur lui : serrant les poings dans un instant de concentration, l’ex-footballer se campa fermement sur ses deux pieds, sa peau revêtant instantanément cette teinte argentée qui trahissant son invulnérabilité – et encaissa le choc lorsque l’énorme patte du monstre le percuta de plein fouet. N’importe qui d’autre aurait été empalé sur place par le choc : mais Nathaniel se vit à peine reculer de quelques pas, ses pieds labourant de profondes traces dans la terre alors que ses bras se refermaient sur la patte offerte. Rassemblant toute la force dont il était capable avec sa camisole de force, il maintint sa prise sur l’énorme oiseau-reptile qui se débattait, hissant et battant de ses ailes démesurées au point que Nate s’inquiétant de voir la forêt se faire arracher de ses racines (et Zatanna avec) et, faisant un pas de côté pour se donner plus d’élan, imprima à ses bras et son torse un mouvement de balancier, ramenant la bête vers lui avant de lui délivrer un coup de poing à la Heywood dans la cage thoracique.

Le choc était tel qu’une onde aurait presque pu être palpable dans l’air – le ptérodactyle laissa échapper un cri aussi aigu que déchirant, Nate relâchant sa prise et laissant le monstre décoller à plusieurs mètres. Sans attendre de voir à quel point les dégâts étaient importants, il décida de prendre ses jambes à son cou, gagna à son tour la forêt miraculeusement encore debout.

« Zatanna ? » appela-t-il une fois à l’abri sous la cime imposante des arbres environnant, foisonneux, jetant des ombres au sol comme autant de tâches d’encre sur l’herbe verte et jaune qui s’étalait sous leurs pieds. Il lui fallut quelques secondes pour s’orienter dans ce nouvel environnement – la végétation bizarrement familière, mais tout aussi bizarrement… étrangère. L’espace d’un instant, il se demanda combien de ses plantes pourraient le tuer s’il leur donnait la chance.

Soudain, une silhouette apparut sous son nez, et il laissa échapper un cri de surprise avant de reconnaître sa compagne d’aventures. « Zatanna ! Dieu merci, j’ai cru que tu t’étais fait manger par un Ent pendant que j’avais le dos tourné. » s’exclama-t-il, ostensiblement soulagé. En un clin d’œil, sa peau retrouva sa couleur chair et sa semi-invulnérabilité. Quelle aventure, mes aïeux. « Non pas que je pense que tu serais sans défense face à des Ents, hein... Ok, j'arrête de parler. La vache, c’est pas passé loin. Tu n’as rien ? » demanda-t-il en l’inspectant du regard – non pas qu’il lui serait très utile, ses compétences en premiers secours étant surtout limitées aux blessures sportives plus qu’aux blessures magiques, mais s’il devait commencer à paniquer, il aimait autant le savoir le plus tôt possible.

You do plan to have dinosaurs on your dinosaur tour, right ?

Le plus bizarre dans cette histoire, sans même parler des dinosaures, c’est que quand Nate lui hurla de courir parce qu’il allait « le distraire », pendant quelques secondes, elle trouva tout ça parfaitement naturel, comme si c’était un chien un peu énervé qui les poursuivait et pas un ptérodactyle de la taille d’un airbus. Elle se figea à l’orée du bois et se retourna, la bouche grande ouverte, pour hurler à Nate qu’en fait c’était complètement débile cette histoire de distraire l’animal, mais elle assista alors à une scène à laquelle elle n’aurait jamais cru assister un jour : le combat d’un homme contre un oiseau préhistorique géant. David contre Goliath, ou plutôt le choc des titans en fait vu comment Nate géra la situation. Zee connaissait sa capacité à changer la texture de sa peau et savait qu’il était plus fort et plus résistant, elle l’avait même vu se battre contre les paradémons et le reste, mais ça, ça n’avait absolument rien à voir avec tout ce qu’elle avait vu jusqu’à présent. Elle crut qu’il allait se faire écrabouiller, au lieu de quoi il encaissa le coup de patte sans quasi broncher, puis rendit un coup cataclysmique à la bestiole, qui agitait tant les ailes qu’elle dut faire apparaître un bouclier devant elle pour ne pas s’envoler. Une rafale plus puissante que les autres et le fait de voir Nate puncher un ptérodactyle réussirent cependant à briser sa concentration et elle fut balayée par un courant d’air, boulant fesses par-dessus tête dans la forêt. Elle se releva en chouinant.

Elle crut avoir traversé un portail dimensionnel tant le décor avait brutalement changé, et pas que cela, d’ailleurs. Les arbres étaient gigantesques, les couleurs chatoyantes, l’air assez froid et surtout, stagnant. Ou plutôt, c’était l’atmosphère toute entière dégagée par la forêt qui donnait une impression de silence pesant, de monde où l’on n’entrait pas sans payer son ticket d’entrée. Elle entendit une voix l’appeler et se guida au son de la voix de Nate pour le retrouver, lui arrachant un cri de surprise qui lui arracha un cri à elle aussi. Elle abattit sa main sur l’épaule de l’historien, se fit mal et ravala sa douleur en s’exclamant : « C’était complètement cinglé de ta part ! » Elle reprit son souffle avant d’ajouter : « Et aussi, c’était incroyable. Tu devrais aller taper à la porte de la Ligue, ils t’adoreraient. » Elle se plia finalement en deux pour reprendre son souffle, les mains sur les genoux, hochant la tête en réponse à la question de Nate. Elle allait bien, oui, et lui aussi, aussi incroyable que ça puisse paraître. Puis elle se redressa en s’étirant le dos, le visage levé vers la canopée épaisse et colorée. « Cette forêt est magnifique en tout cas. C’est presque trop beau pour être vrai. » Et quel silence… Comme si aucune bestiole n’y avait élu domicile, ce qui semblait difficile à croire. « Je propose qu’on reste à l’abri dans la forêt un petit moment. Tu as bien parlé du sud, n’est-ce pas ? » Shamballah, leur objectif. Elle se baissa, arracha un brin d’herbe de la terre et souffla dessus, imprimant un sort sur la tige fine et légère. Le brin d’herbe se raidit et s’échappa de ses doigts en se mettant à tournoyer follement, avant de se figer dans la direction qu’elle lui avait ordonné de montrer : le sud.

Il n’y avait pas de chemin dans cette forêt, et tout se ressemblait. La dernière chose qu’elle avait envie maintenant, c’était de tourner en rond dans le bois pendant des jours. Elle avisa Nate pour vérifier qu’il était prêt, encore ébahie de le voir entier, au passage, puis elle se mit en marche. Et marcher dans une forêt silencieuse ou presque, avec le seul froissement des feuilles tout là-haut de temps en temps et l’écho de leurs pas sur les brindilles, eh bien au début, c’était beau comme une cathédrale, et ensuite, ça devenait un peu bizarre. « Tu te rends compte que Morgan est arrivé ici sans rien, pas de pouvoirs, pas de carte, aucune connaissance de ce monde ? Il faut être un peu fou pour faire aventurier, non ? » finit-elle par lâcher histoire de créer un peu de bruit dans cet endroit bizarre. Sa voix s’éleva au-dessus de son visage et se perdit dans les hauteurs de la canopée d’une façon qu’elle trouva étrange. Son brin d’herbe s’affolait de temps en temps à côté de son visage, avant de se figer de nouveau, et cela aussi c’était bizarre, et tout d’un coup, la voix furieuse de son père lui disant qu’elle se reposait trop sur la magie retentit dans son esprit. Aahahaha noooon… Il n’y avait aucune raison que ça n’ait pas fonctionné. Aucune raison qu’un genre de pôle magnético-magique foute son sort en l’air… À mesure qu’ils avançaient, le sol devenait de plus en plus meuble et humide, et l’air également – une brume épaisse s’élevait doucement du sol et s’enroulait autour des troncs. Zee avait regardé assez de films d’horreur pour se mettre à craindre le pire. « Nate… Si tu marches dans un marécage ou des sables mouvants, il va se passer quoi ? » Juste une question comme ça, en passant.

Codage par Libella sur Graphiorum

Le compliment ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd, et c’est un sourire radieux que Nate dédia à sa compagne d’aventure comme un enfant ravi d’avoir décroché une bonne note à l’école et les félicitations de son professeur. Entendre de la bouche de ses nombreux petits cousins qu’il était grand et cool et fort était une chose, l’entendre de la part de l’inimitable Zatanna Zatara, qui avait elle-même fréquenté la célèbre Ligue de Justice ? C’était déjà d’un tout autre acabit. Et s’il n’en dit rien, l’expression de son visage exprimait mieux que tous les mots du monde le bonheur que pouvait lui apporter la reconnaissance d’une consoeur bien plus expérimentée (et à son sens, infiniment plus badass) que lui.

« Le sud, oui. » confirma-t-il, observant autour de lui avant de l’observer elle pendant qu’elle bricolait son sortilège d’orientation – décidément, ça ne manquait jamais de l’impressionner ça aussi, même s’il s’agissait ‘juste’ de faire léviter un brin d’herbe et le faire pointer dans la bonne direction. « Quant à Morgan, je commence à demander s’il n’a pas passé un marché avec le diable, s’il a réussi à survivre à cet endroit assez longtemps pour écrire un journal et revenir en un seul morceau. Ou au moins en vie. » Déjà qu’avec une magicienne et un homme d’acier il cmmençait à s’interroger sur leurs chances de survie… et ils étaient là depuis deux heures à peine. Ou une. Même la perception du temps avait l’air différente dans ce monde. C’était pour le moins déconcertant, pour le novice que Nate était encore en matière de voyage inter-dimensionnel.

Se fiant entièrement à Zatanna et sa boussole magique, il acquiesça à son plan et la suivit dans les méandres de la forêt dont il n’aurait su dire si elle était plus proche de la jungle amazonienne ou de Fangorn – tous types de végétation luxuriante s’y mêlant joyeusement sans que la moindre règle élémentaire de logique biologique ou botanique ne semble s’y appliquer. Jungle, forêts de Brocéliande, marécage, tout ça se mélangeait sans que Nate ne parvienne à y voir la moindre normalité, les couleurs et les tailles variant du vague familier à l’absurde le plus sauvage. La forêt avait quelque chose de majestueux et luxuriant un moment, et l’instant d’après, d’inquiétant et de presque menaçant.

Décidément, la magie, c’était vraiment un autre monde. Littéralement, en l’occurrence.
Plus ils avançaient, plus le sol se faisait meuble sous leurs pieds, le paysage adoptant résolument des allures de marécages humides et étouffants qu’il se serait attendu à trouver dans les bayous de Louisiane, sans doute après avoir été frappés par une ogive nucléaire cent ans plus tôt.

La question de Zatanna, cependant, méritait réflexion. D’autant que Nathaniel pouvait déjà sentir ses pieds s’enfoncer de plus en plus profondément à chaque pas dans le sol de plus en plus malléable. Il baissa les yeux, voyant le sol pratiquement lui arriver aux chevilles. Il soupira, les sourcils froncés. « Euh… Je coule ? Je me noie ? Non, je crois pas qu’on se noie vraiment dans des sables mouvants, les gens meurent plutôt de la pression sur leurs os et leurs organes… Mais ça, ça ne marcherait pas avec moi, donc j’imagine que je mourrais étouffé ? » Comme frappé tout à coup (et à retardement) par l’horreur de cette éventualité, Nate releva les yeux vers son amie. « S’il te plaît, ne me laisse pas mourir étouffé dans des sables mouvants. Ce serait vraiment humiliant comme mort. »

Comme pour répondre à ses remarques, la cime des arbres sembla presque se refermer sur eux, annonçant de nouveaux troubles et de nouvelles menaces pour les deux aventuriers – du moins, c’est ce que se dit Nate, peu rassuré dans cet environnement qui ne le laissait clairement pas à son avantage. Doucement, ils poursuivirent leur progression, prudents, attentifs, silencieux.

Ce n’est vraiment que dans ce genre de situation, quand on est un homme d’acier s’étalant d’un seul coup dans un marécage parce qu’on n’a pas senti la racine d’un arbre s’enrouler d’elle-même autour de sa cheville, qu’on réalise à quel point le sens du toucher est crucial à la survie en milieu magiquement hostile. Nate laissa échapper un glapissement peu glorieux avant de s’étaler de tout son long dans la boue, la racine resserrant sa prise sur sa cheville avant de sortir du sol pour le relever comme si ses 170kg tous mouillés ne pesaient rien de plus qu’un bébé chiot – la tête en bas, les pieds en l’air, couvert de boue et d’herbe, Nate hurla comme si sa vie en dépendant (et finalement, c’était dans doute le cas) : « ZATANNAAAAAAAA HELP ! »

La fin de sa phrase fut étouffée par la racine qui le ramena brutalement dans la boue d’un bel effet coup de fouet, comme s’il n’était rien de plus qu’une tapette à mouches, avant de disparaître dans le marécage… toujours en étant attachée à la cheville de Nate, l’entraînant avec elle dans les sables mouvants. « ZAT. ME LAISSE PAS MOURIR. »

You do plan to have dinosaurs on your dinosaur tour, right ?

Elle sentait bien que cette forêt dégageait une atmosphère bizarre, ne serait-ce que parce que sa magie semblait ne plus être pareille, ici, elle le sentait jusque dans son sang. Et aussi parce qu’il était évident, du moins pour elle, que son sort d’orientation avait rendu l’âme depuis un bon moment, mais tel un bon père de famille sur la route des vacances, elle refusait de l’admettre et continuait d’avancer, avec Nate à la remorque, si plein de confiance en elle, qui pensait probablement qu’elle savait ce qu’elle faisait… Histoire de lutter contre l’inquiétude, elle papotait tranquillement dans ces bois infernaux, ce qui pouvait tout à fait être leur vrai nom, pour ce qu’elle en savait. Nate ne semblait pas inquiet de son côté, mais peut-être que s’il savait qu’elle ne savait pas où elle allait, ce serait différent. Ou alors, c’était un truc d’Indiana Jones, les gens comme lui ne craignaient pas de se perdre. Après tout, ils n’étaient pas dans le Sahara : s’ils marchaient tout droit, ils finiraient par ressortir de cette forêt, même si ce n’était pas au sud. Oui, pas besoin de flipper. Rassurée par ce petit numéro d’acrobatie mentale, elle conclut les propos de Nate d’une voix ferme : « D’ailleurs, à propos de ça, Nate, si l’occasion se présente à toi et quelles que soient les circonstances ou ce qui est en jeu : ne passe jamais de pacte avec le diable. Ni avec un démon quelconque. » Voilà, on ne faisait jamais assez de prévention sur le sujet et il n’y avait jamais de mauvais moment pour énoncer ce genre de leçon.

Une autre leçon utile, qu’ils apprirent la seconde d’après, était de regarder où on mettait les pieds quand on marchait dans une forêt visiblement vivante. Mais à la décharge de Nate, ils ne comprirent qu’elle était vivante que lorsqu’une racine fit trébucher ce dernier. Zee, qui marchait devant, était en train de faire des cauchemars éveillés de noyade dans la but et d’organes internes écrabouillés, et elle en était à claironner bien fort « Bien sûr que je ne te laisserai pas mourir comme ça ! Ni comme autre chose d’ailleurs ! » quand elle l’entendit s’étaler derrière elle. Dans d’autres circonstances, ça aurait été drôle, enfin un peu. Mais quand elle se retourna, elle vit que quelque chose l’entraînait vers les marécages. Elle ouvrit la bouche pour lancer un sort, qui franchit ses lèvres ainsi : « etaN, sros deeeeuuuuAAAAAAAAAAAAAAAAAAH ! » Une liane venait de s’enrouler autour de sa cheville à elle et l’avait soulevée dans les airs. Suspendue la tête en bas sous un branche d’arbre, elle vit que la force de la racine et le seul poids de Nate suffisait à le faire s’enfoncer dans la boue à toute vitesse. Sa propre ennemie – une foutue liane ! – se contentait de se resserrer autour de sa cheville, comme si la forêt voulait qu’elle admire le spectacle de son ami en train de se noyer ou pire encore. « aL euob erèbil etaN ! » réussit-elle à crier. Elle sentit l’onde de magie émaner d’elle de manière totalement incontrôlée, il y eut un drôle de bruit, comme un craquement, puis un silence de mort se fit.

Toujours la tête en bas, Zee regarda Nate, qui ne coulait plus. Ce qui était bien. Il faudrait qu’il se souvienne de ça quand il se rendrait compte d’à quel point le sort de Zee n’avait pas tout à fait eu l’effet qu’elle voulait. Autour du jeune homme – et sur plusieurs dizaines de mètres alentour –, le marécage s’était solidifié. Nate ne coulait plus, mais il n’était pas libre pour autant. Foutue forêt ensorcelé !! Elle tendit les mains vers son ami, puis se ravisa. « Qu’est-ce que tu en dis ? Tu peux sortir de là ? Je peux lancer un sort mais j’ai peur de te transformer toi-même en quelque chose, si j’insiste. Ma magie n’est pas fiable, ici. » La situation absurde et l’adrénaline retombant, elle ne pouvait plus s’arrêter de parler. « Et aussi, il faut que je t’avoue qu’on est perdus, ahah ! » Il lui fallut se souvenir de toutes ses forces de la raison de sa présence dans ce monde étrange pour justifier qu’elle se retrouve là, pendouillant la tête en bas et les bras ballants à dix mètres du sol, à regarder Nate pris au piège d’une boue dure comme la pierre.

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Oh crap oh crap oh crap. La situation était vraiment mauvaise, hein ? L’espace d’un instant, Nathaniel songea qu’ils avaient commis une grave erreur, de venir ici sans s’être plus préparés – et en même temps, se disait-il pour se rassurer et se dédouaner de toute responsabilité, comment auraient-ils pu se préparer à cet endroit où l’imprévisible était sous chaque pierre et les lois de la logique ou de la physique foutaient le camp par la fenêtre ? Avec le journal de Morgan ? Certes, il était plein d’informations utiles, mais tenait plus du journal de voyage d’un illuminé que du guide du Routard en terres magiques. Et flûte. S’il le voyait dans cet état, il était sûr que son grand-père se payerait bien sa tête.

Il coulait – et la seconde d’après, il ne coulait plus. La boue autour de lui se solidifia, et plutôt que de la sentir, Nate perçut confusément qu’il ne pouvait plus bouger, plus se débattre, complètement emprisonné dans un moule de simili-béton – Dieu merci sa tête était encore à l’air libre. Être suffisamment résistant pour soutenir les effets normalement dévastateurs de la pression était une chose, mais aux dernières nouvelles, la mort par asphyxie restait une possibilité tout à fait réalisable. Une hypothèse qu’il n’était pas pressé de tester, merci bien.

Dépité, Nate leva les yeux vers Zatanna, tout aussi en difficulté que lui. En d’autres circonstances, il aurait ri de la voir suspendue là, comme un jambon dans une vitrine de boucherie – s’il ne craignait pas de la voir subir le même sort que lui et être secoué dans tous les sens par la liane démoniaque, ou une quelconque créature sortir des bois pour faire d’elle son déjeuner. Zatanna ne l’avait littéralement jamais frappée comme une demoiselle en détresse, mais il fallait une première fois à tout, n’est-ce pas ? A sa décharge, Nate était tout autant un damoiseau en détresse : l’égalité des sexes était respectée. Surtout après sa dernière et très alarmante confession. « Et c’est maintenant que tu me dis ça ?? » s’exclama-t-il à moitié paniqué à la perspective d’être en plus perdus. Pas de magie, pas de sortilège d’orientation, rien du tout pour les aider à sortir de ce pétrin. Formidable. Un homme d’acier trop lourd pour le marais et une sorcière aux pouvoirs détraqués au pays de la magie. Ca allait tellement bien se finir, cette histoire.

Respire, Nathaniel, et réfléchis. Zatanna avait raison : mieux valait qu’il essaye de se sortir de ce pétrin lui-même avant de se lancer dans de l’expérimentation trop risquée à son goût. « Peut-être… donne-moi une seconde… » Bon sang que c’était compliqué sans rien sentir. Nate se concentra, rassemblant toutes ses forces dans ses bras empêtrés dans la boue solidifiée : pour une minute, aucun résultat concluant. Mais à force d’augmenter ses efforts, il finir par voir une fissure craqueler la surface lisse du marais. Avec un grognement, il tira plus fort, forçant la boue à gémir et craquer et se plier à sa volonté ; et bam, d’un seul coup, il se libéra, l’élan l’envoyant en arrière alors que ses jambes étaient encore coincées. « Oui ! Ca fonctionne ! T'es un génie ! Bouge pas Zatanna, j’arrive - » s’exclama-t-il triomphalement, ignorant les morceaux de boue accrochés dans les plis de ses vêtements. S’appuyant du plat de ses mains, il poussa de toutes ses forces : à grands renforts de crissements, la boue protesta, ses mains laissèrent une empreinte profonde dans la substance aussi dure que la bière, et dans un bruit d’éclat, une première jambe se libéra, puis la deuxième.

Libre, enfin !

« Woo ! Mince alors, on aurait vraiment dû prendre des Go Pro pour filmer tout ça. A ton tour maintenant ! » Son enthousiasme revenu à la charge, Nate s’approcha de son amie toujours aux prises avec sa liane avant de s’apercevoir qu’elle était trop haut pour qu’il l’atteigne si facilement. Quant à grimper à une branche pour la détacher… avec son poids, autant dire que c’était mission quasi-impossible. Il ne pourrait même pas sauter pour s’y accrocher et la tirer vers le bas pour casser la branche. Il ne restait qu’une option viable… « Zatanna, je crois que je vais devoir casser l’arbre pour te faire descendre. Prépare-toi pour l’impact ! »

Sans attendre la réponse de sa compagne d’aventures pour juger de la viabilité de son non-plan, Nate se positionna face au tronc et positionna ses pieds sur le sol, épaules voûtées, bras écartés – dans le plus pur style du joueur de football prêt à bloquer la charge folle d’un adversaire. Et comme un joueur de football qu’il avait un jour été, il se jeta dans la mêlée, poussa contre le tronc, à l’affût des craquement du sol et du gémissement du bois pour le guider dans sa tâche. « Ca y est presque… accroche-toi ! » claironna-t-il alors que le tronc commençait à céder, et ses racines à s’arracher du sol.

En espérant ne pas accidentellement transformer Zatanna en pancake dans le processus : il avait trop d’affection pour elle pour lui souhaiter ce drôle de destin.

You do plan to have dinosaurs on your dinosaur tour, right ?

À quoi est-ce que ça rimait, une forêt ensorcelée, pour quelqu’un comme elle ? Zee prit bien le temps d’y réfléchir, en mode remise en question totale. Elle était ici parce qu’elle suivait les traces de ses origines. Les ancêtres de sa mère, qui étaient littéralement faits de magie, s’étaient éparpillés sur plusieurs mondes lorsqu’Atlantis avait coulé, et certains d’entre eux avaient atterri ici. Des magiciens, dans un monde où poussaient des forêts qui mettaient le bordel dans la magie. Cela remettait un peu tout en question, tout de même, non ? Autant elle pouvait accepter les dinosaures parce que c’était mignon, quand c’était petit, mais ne pas pouvoir lancer les sorts comme elle le voulait, cela la crispait un peu. Cela lui prouvait aussi à quel point elle se reposait trop sur ses capacités innées, exactement comme son père n’avait cessé de le lui répéter. Cela lui rappelait un peu l’époque où elle avait porté un appareil dentaire. Quoiqu’il en soit, elle vit que Nate prenait un peu mal la nouvelle qu’ils étaient perdus, mais justement, n’était-ce pas à cela que servait la relativité des choses ? Avant même de s’inquiéter de savoir s’ils allaient tourner en rond dans ce bois maudits et crever de faim comme deux chacals au point qu’on trouverait leurs corps desséchés dans plusieurs années, ils auraient d’abord dû s’extirper de cette situation stupide. Mais apparemment, le jeune aventurier pouvait se projeter un peu plus en avant dans l’avenir qu’elle – ou alors elle était plus douée pour faire semblant et se voiler la face, ce qui était une forte possibilité. Elle avait assez confiance en Nate, elle était sûre qu’il saurait se sortir de sa prison, et en attendant, elle marmonna quelques sorts de son côté, mais à part faire se resserrer l’étreinte de sa liane, qui a un moment sembla changer de couleur, aussi, il ne se passa pas grand-chose. Elle crut entendre l’arbre lui-même ricaner de ses efforts, et comme cela lui donna la chair de poule, elle tourna de nouveau son attention vers Nate.

Il était littéralement en train de soulever la terre, on aurait dit Atlas portant le monde sur ses épaules, enfin, toutes proportions gardées. Sa bouche s’arrondit en un « o » silencieux. Elle avait vu Superman faire ce genre de trucs impressionnants, maintenant elle voyait Nate. Il était définitivement fait pour la Justice League. Elle finit par l’encourager comme une pompom girl, parce que bon, c’était impressionnant, et dut se retenir d’ordonner au sol de lui donner un coup de main, au cas où son sort aurait eu l’effet inverse. Finalement, poussa un cri de joie en le voyant se libérer. Un jour, elle adorerait le voir faire un bras de fer avec Superman. « Oui vas-y, casse-moi ce petit pervers ! » Elle parlait de l’arbre qui s’était foutu d’elle tout à l’heure, enfin peut-être, et puis non elle n’avait pas vraiment pitié. Elle regarda Nate faire pression sur le tronc comme sur un terrain d’entraînement et sentit des vibrations parcourir son geôlier végétal. Effectivement, il y était presque. Tellement, que soudain, la branche qui lui broyait la cheville la libéra, d’un coup, et elle eut juste le temps de glapir « annataZ etivél ! » pour ne pas s’écrabouiller la tête première sur le sol. Elle sentit sa chute être freinée et se retrouva suspendue dans les airs à trente centimètre au-dessus de la terre. Il lui fallut toute sa concentration pour se libérer de cette étrange apesanteur, en gigotant pas mal, avec l’impression un peu gênante que ce n’était pas elle qui était aux commandes. Enfin, elle se retrouva sur ses deux jambes. L’honneur était sauf. « Bon ! Ce n’était pas si terrible, finalement. » Sa cheville bourdonnait tranquillement, et Nate avait l’air d’être passé dans une essoreuse – enfin, ses vêtements, pour être plus précise.

« Je te propose qu’on aille tout droit, et on retrouvera notre cap une fois sortie de cette maudite forêt, d’accord ? » Non pas qu’il y avait trente-six solutions. À moins qu’il ne soit aussi une sorte de super boy-scout capable de se repérer aux variations de températures dans l’air ou quelque chose comme ça. Ils n’allaient quand même pas passer toute la journée dans ce bois de compte de fées tordu, tout de même. Comme elle ne doutait pas que Nate soit d’accord avec elle, elle se remit en marche, tous les sens en éveil et refusant de lancer le moindre sort d’orientation, même si ça la démangeait, littéralement. Forcément, elle n’était pas sûre à cent pour cent d’aller tout droit, mais à un moment, il fallait juste y croire très fort. « Il faut juste qu’on sorte de cette forêt. » C'était comme un mantra, un pas après l’autre. « Parce que je ne veux pas essayer de nous téléporter sur Terre depuis ici, vu la fiabilité de ma magie, actuellement. Tu imagines où je pourrais nous envoyer ? » Il y avait tellement de possibilités – dont beaucoup de vraiment horribles – qu’elle-même aurait été incapable de le dire. Comme quoi, il ne fallait pas se fier au côté bucolique du voyage. Tout cela restait extrêmement dangereux. Et peut-être qu’elle avait véritablement entraîné Nate dans un piège mortel. Qui savait qui l’attendait sur Terre, qui s’inquiéterait de ne pas le voir revenir ? Femme, mari, enfants, parents… Stupide Zee, toujours à vouloir fourrer son nez partout !

Elle en était là de sa petite pity-party quand devant eux apparurent des lueurs. Tout d’un coup, la crise de confiance s’évanouit : c’était l’orée du bois ! La sortie ! La sécurité ! Sauf s’ils ressortaient du côté où ils étaient entrés et que le ptéro-boeing les attendait ! Sur leur chemin, les branches tentaient de s’agripper à eux, griffant et déchirant, mais peu importait ; et d’abord, Nate pouvait ouvrir la marche, courir tout droit et tout casser sur son chemin, Zee n’aurait qu’à le suivre. Quand enfin elle jaillit à l’air libre, sous le ciel toujours bleu, le soleil brillant et l’air chaud, et surtout, le silence, signe de l’absence du ptéro-being, la magicienne put enfin souffler. Elle sentait son sang se calmer dans ses veines, et c’était comme si tout se remettait en place en elle. Parfait ! « Voilà ! On n’a plus qu’à retrouver la chaîne de montagnes de tout à l’heure et repartir vers Shamballah ! » Puis elle se tourna vers Nate. Si elle lui ressemblait un peu en termes de look, ils devaient vraiment avoir l’air de deux clodos. « Enfin, sauf si ça t’a suffi pour aujourd’hui. On peut rentrer et revenir plus tard, si tu préfères ! » Autant en profiter maintenant qu’elle se sentait capable de les ramener sur Terre. Non pas qu’elle n’avait pas l’intention de revenir. « Parce qu’on aurait pu mourir, et je viens de penser que tu avais peut-être des tas de gens qui t’attendent à la maison. » Et cette question-là, elle y pensait si peu souvent pour elle ou ses proches qu’elle finissait par l’oublier.

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« Zat ! » s’exclama-t-il en la voyant soudainement plonger vers le sol – ah non, elle lévitait. La tête à l’envers, le crâne à quelques centimètres à peine du sol, les bras gigotant dans tous les sens et l’air bloquée dans une bulle spatiale ou dans un piège anti-gravité plus que l’air d’une magicienne au top de sa forme, mais c’était mieux que rien. Nate en soupira de soulagement et relâcha sa pression sur l’arbre qui avait décidé de prendre son amie en otage. A sa proposition de sortir de cette forêt du diable, il opina du chef avec enthousiasme. Nate Heywood était un Indiana Jones dans l’âme, mais il était persuadé que même ce brave professeur Jones avait ses limites, et qu’une forêt enchantée contre laquelle il aurait été tout aussi mal armé en aurait fait partie. « Hey, du moment que tu ne nous envoies pas à Atlantis ou dans l’espace et qu’on peut encore respirer, je suis sûr qu’on trouverait un moyen de s’en sortir. » l’assura-t-il, en bon optimiste qu’il se devait d’être. Même si, il devait bien l’admettre, il n’était que modérément enthousiaste à l’idée d’atterrir en Enfer ou il ne savait quelle autre dimension absurde.

Marchant dans les pas de Zatanna, il la précéda dans la jungle dense lorsqu’il devint apparent que la forêt n’allait pas les laisser sortir si facilement, sans doute frustrée de voir ses nouveaux jouets tenter d’échapper à ses jeux cruels. Il arracha des racines, cogna des arbres, se débattit avec ses lianes, s’estimant heureux finalement qu’ils n’aient pas amené de Go Pro pour filmer ces instants de parfaite non-gloire. Il n’était pas sûr que la Justice League trouverait tout ça bien sérieux, malgré les encouragements de sa compagne d’aventures. Et enfin : la liberté. Le soleil, la terre ferme, et plus d’arbres fous pour les attaquer ou les enterrer dans un marécage particulièrement retors. « Woo ! » souffla-t-il en se postant à ses côtés, les mains sur les hanches – Dieu qu’il aurait aimé pouvoir profiter des rayons du soleil sur sa peau après cette mésaventure. Il laissa ses yeux dériver vers Zatanna, et laissa échapper un rire. « T’as une sale tête, Zatara. » De la moquerie, en toute bonne camaraderie, en toute amitié – il ne présentait pas mieux lui-même, mais l’humour était encore le meilleur moyen de dédramatiser une situation, non ?

Sa blague se dissout alors que Zatanna, plus raisonnable peut-être, proposait de rentrer. L’expression de Nate s’adoucit. Même si elle avait un grand sourire sur le visage et le rush d’adrénaline qui faisait encore briller ses grands yeux bleus, il croyait deviner une pointe de culpabilité et de doute dans sa voix. Typical Zatanna. Toujours à se soucier des autres, de ses amis – et plus encore, à se soucier de ceux qu’ils laissaient derrière. Mince alors. Maintenant qu’il y réfléchissait, Nate n’y avait même pas songé. Oh, il n’avait plus de parents à inquiéter, ses amis véritables se comptaient sur les doigts d’une main, et sa vie amoureuse était plus désertique que l’Arizona, mais comme pour le punir de son omission, l’image de son gang de petits cousins s’imposa dans son esprit.

Elle avait raison. Il pouvait lui arriver de l’oublier, mais il avait des gens qui comptaient sur lui, à la maison. Et s’il ne comptait pas laisser ça l’empêcher d’embrasser la vie de superhéros ou d’aventure, il devrait tout de même se souvenir, après toutes ces années, que tout ne tourne pas autour de sa petite personne en acier trempé. Et elle ? Qui l’attendait à la maison, hormis sa horde de fans ? Ses amis, héros ou pas – combien seraient là à la pleurer s’il échouait à remplir son rôle de sidekick pas magique ?

Beaucoup, il n’en doutait pas une seconde. Zatanna Zatara était souvent trop dure envers elle-même, mais maîtresse de la magie ou non, le respect et l’affection qu’elle inspirait quasi-universellement n’avait rien d’un biais cognitif.

Drôle de réalisation à avoir dans une dimension parallèle pleine de dinosaures géants et de forêts enchantées, mais c’était aussi ça, la vie de superhéros.

« Sois pas si dramatique. » répliqua-t-il avec un sourire en coin. « On s’est un peu fait malmener, c’est pas la fin du monde. » Comme pour illustrer ses propos, il secoua la poussière et les plaques de boue séchée accrochées à son t-shirt. « Mais je crois effectivement qu’on a pris des risques inutiles. On a voulu foncer tête baissée, mais il semblerait que même en ayant lu le journal de Morgan, il faut qu’on soit mieux préparés. Mieux armés, mieux informés, si on veut trouver ce qu’on cherche. »

Il n’allait même pas essayer de cacher qu’il était un peu déçu. Admettre un échec n’avait rien de simple, mais à ses yeux, ça l’était encore moins quand il savait que l’échec était encore plus grand pour l’autre. Prudemment, il s’aventura à poser une main sur son épaule, sans serrer.

« On reviendra très vite. Maintenant qu’on sait à quoi s’attendre, on va pouvoir préparer une autre expédition, avec plus de ressources, et on reviendra et on trouvera tous les indices nécessaires pour élucider le mystère des Homo Magi de Skartaris. Promis. »

Il savait, ou croyait savoir, à quel point ces recherches étaient importantes pour elle. Lui, son arbre généalogique, il le connaissait par cœur, de long en large et en travers, rabâché réunion familiale après réunion familiale. Ne pas savoir d’où il venait ? Avoir tout un pan de sa famille, de sa vie, caché derrière un épais brouillard impossible à naviguer sans le bon éclairage ? Il ne pouvait même pas imaginer ce que ça pouvait faire.

Zatanna méritait de trouver le bon éclairage et lever le brouillard. Et c’est exactement ce qu’ils allaient faire, peu importe combien de fois ils devraient affronter des ptéro-boeings et des marais maudits pour y arriver.