La tour infernale (Hunter Zolomon)

22h

Lex Luthor jouait aux échecs

Le plateau était en érable, les pièces en acajou. Une œuvre d'art. Il jouait contre une intelligence artificielle, qui simulait le style de jeux de tel ou tel champion du passé. Ce soir il jouait contre Mikhaïl Botvinnik, l'un des grands stratèges. Luthor jouait les pièces blanches. Lui et son adversaire inhumain avaient choisit une ouverture « hollandaise ». Luthor ambitionnait de monter une forte attaque sur l'aile roi. Il réfléchissait à l'opportunité d'échanger un pion sur la colonne F lorsque les écrans l'interrompirent. Ils étaient disposés autour de son bureau, pour qu'il puisse converser directement avec ses subordonnés, tout en continuant à jouer à son jeu favoris.

« M. Luthor. Que fait-on à propos de ces gens à Chicago ? Certains sont rétifs à bourrer les urnes pour vous le jour de l'élection. Doit-on proposer plus d'argent ? »

« Oui et s'ils refusent encore, intimidez les, faîtes venir des gros bras. »

Luthor s'alluma un cohiba avec son briquet plaqué or arborant ses initiales. Il jeta un regard vers la baie vitrée en soufflant un rond de fumé. Metropolis illuminée de nuit, vu depuis le tout dernier étage de La Lexcorp Tower. Le milliardaire reporta son attention sur le plateau d'échec. Intéressant, il avait un petit avantage au centre. Il avait le choix entre la poussé du pion E et une manœuvre du cavalier. Les noirs seraient forcés de reprendre avec leur fou dans tous les cas. Lex joua un coup.

« M. Luthor, ce juge en Californie continue à insister avec ses citations à comparaître contre notre société. »

« J'ai assez perdu de temps à cause de lui, j'ai autre chose à faire. Dégommez le, engagez un tueur à gage, faîtes passer ça pour un accident, j'ai autre chose à faire. »

(Musique d'ambiance)


Le gardien de parking buvait le café et taillait le bout de gras avec un agent de sécu. Il entendit quelque chose, il repéra l'anomalie dans l'agencement des lieux. Il en lâcha son gobelet. Il saisit son talkie walkie et hurla :

« Code rouge, code rouge, intrusion. »


Lex joua un coup. Une nouvelle communication interrompit le cours de la partie. Un haut parleur crachota la voix d'un de ses sbires.

« Monsieur, nous avons un soucis. Il faut vous mettre en sûreté immédiatement. »

« Voilà autre chose, vous ne pouvez pas vous en charger sans me déranger ? »

« J'ai bien peur que non Monsieur. »

Lex enragea en regardant l'échiquier. S'il plaçait sa dame sur la case A5 maintenant ça ne servirait à rien, l'IA le contrerait aussitôt avec son coup de tour.


Le hall d'entrée, les agents de sécurité avancèrent et affichèrent cette expression du visage qui voulait dire : oh merde. La totalité de la baie vitrée venait de sauter en une myriade d'éclat. Un employé accourut vers eux au bord de la panique, il hurla comme si ça vie en dépendait : FUYEZ ! (en fait sa vie en dépendait vraiment)


Lex pensa : tour sur H3, pion sur H6, cavalier sur F3, pion sur F5, l'attaque ne sera pas facile à mener, imaginons une autre entrée. Une voix alarmante retentit.

« M. Luthor, la sécurité du rez de chaussé à été neutralisé. »

« Ah ? Quel poste de sécurité ? »

« La totalité... »

« Quoi ? »


3ème étage

Des agents de sécurité brandissant des torches électriques et des calibre 45 arpentaient les moquettes du service commercial.

« Vous avez une idée de l'endroit où il est ? »

Autour d'eux, parquet complètement éventré, le sol avait explosé sous les tirs, on avait tenté en vain de flinguer quelqu'un en pleine course.

« Il se passe plus rien ici, je crois qu'il est partit à l'étage au dessus. »

« Impossible, on en vient, on l'aurait vu en passant. »


L'IA menaçait de prendre le cavalier de Luthor, le coup de fou paraissait évident, mais Luthor avait en tête un sacrifice de pièce spéculatif et…

« Monsieur ? »

« Quoi encore ? »

« Je crois que nous avons affaire à un méta-humain. »

« Intéressant, vous pouvez me donner un visuel ? »

Tous les écrans affichèrent le 8ème étage. Luthor passa en revue toutes les retransmissions de caméras et blêmit. Là deux agents de sécu ligoté l'un à l'autre. Ici, une porte blindée enfoncé. Là 10 agents en train d'accourir en agitant des armes automatiques. Quelque chose quelque part retentit. Les images des caméras se brouillèrent les unes après les autres. Un mur entier s'effondra, une pluie de paperasse se souleva dans un alignement complet de boxes de bureaux. Lex reporta son regard sur les renforts. Les 10 hommes étaient à terre inconscient.

« Intéressant. Vous n'avez pas pu le voir ? »

« S.. si...s..siii »

« Alors ? »

« Il est passé juste devant moi, il m'a vu… il... »

« Ne racontez pas n'importe quoi, vous êtes au 15ème étage. »

« Il y est déjà. »

« Mais pourquoi vous ne lui avez pas tiré dessus ? »

« J'ai pas osé, il… il... »

« Vous êtes viré. »


Des commandos en treillis avec LEXCORP marqué dans le dos surgirent des cages d'ascenseur. Ils pointaient des fusils à pompe calibre 12 et des M-16. Ils aperçurent ce qui restait du service comptabilité et virent un employé apeuré en train de ramper sur la moquette. Un appel d'urgence retentit dans l'oreillette. Le chef du groupe fit un signe à ses hommes :

« On décampe, il est déjà passé à l'étage au dessus. »


« Au 21ème étage vous dîtes ? Mais pourquoi je n'ai absolument aucun visuel de la part des caméras mitrailleuses ? N'allez pas me dire qu'il les as toutes débranchés, je ne vous croirais pas. »

« A vrai dire M. Luthor, il ne les as pas débranchés. »

« Ah vous me rassurez. »

« En fait elles ont toutes été arrachées. »


Remue ménage au 24ème étage. Les hommes en armes mettaient gilets par balles et armaient leurs fusils d'assaut. Un officier de sécurité surgit et leur dit :

« Laissez tomber les enfants, les balles n'arrivent pas à l'arrêter. Il va falloir sortir l'artillerie lourde. On a un méta-humain sur le dos. On va prendre les lasers. »

Il entra dans une salle aux murs plombés et contempla bouche bée la pièce. On avait arraché du mur le coffre-fort contenant les armes. C'est en tremblant qu'il saisit son talkie-walkie et annonça :

« Il est déjà passé à l'étage au dessus. »


Deux gardes du corps dans le style molosse musclé se pointèrent devant Luthor. Ils avaient des costards sombres trop serré, les étuis de leurs flingues dépassaient à travers leur veste.

« Patron, il faut vous évacuer. La menace approche trop vite, à la minute où nous vous parlons, il doit déjà avoir atteint le 30ème étage. »

« Déjà ? Très bien, allons à la chambre forte, mais prenez le jeu d'échec avec et ne bougez aucune pièce surtout, je n'ai pas encore finit ma partie. »


Les commandos approchèrent douuuucement. En tenant leur arme avec angoisse.

« C'est bon on le tient, il est encerclé. »

Ils convergèrent dans la salle de réunion pour cadre. Tout le mobilier avait été renversé. Il y avait eut de la baston ici. Ils remarquèrent sa présence. Ils en eurent le souffle coupé. Grésillement de la voix de Luthor dans un talkie-walkie.

« Alors ? A quoi il ressemble ? »

« Je… comment vous expliquez boss… il… il est... »

« N'ayez pas peur des mots petit, dîtes les choses comme elles sont. »

Tous les ventilos étaient allumés. Un commando nerveux en fit tomber un, le flux d'air souffla vers le plafond. Quelqu'un tira sous le coup de la surprise.

« On le tient ! On le tient ! On le tient ! Continuez à tirer ! Ne le laissez pas s'échapper ! »

Un commando inconscient retomba sur un ventilo, le souffle partit vers le fond de la pièce, un poster électoral « Luthor for President »  scotché au mur s'envola. Les murs explosèrent sous les tirs. Poussière de plâtre partout. Des balles à tête creuses ricochèrent, des fragments de balles jaillirent en tout sens et ajoutèrent à la confusion. Un des commando tomba à la renverse, sa tête heurta un ventilateur en marche.


Le bunker de Luthor. Multiples écrans retransmettant les images caméras de l'immeuble, bruit de tirs des mitrailleuses automatiques. Rien à faire. Luthor fixait son échiquier. Un ordi portable retransmettait les coups de l'IA. Les noirs menaçaient un mouvement sur le roque adverse. Luthor évalua une manœuvre sur une diagonale et songea que…

« Patron, je crois qu'on a enfin un visuel. »

Luthor leva la tête. Voilà le 38ème étage. Incendie partout. Ses sbires dans un sauve qui peut général qui décampent dans tous les sens. Et tout à coup ils l'aperçurent LUI. Les gardes du corps de Luthor tressaillirent, leur pomme d'adam fit un aller retour dans leur gorge. Luthor se leva et en renversa son jeu d'échec. Toutes les pièces se répandirent sur le sol. Il l'observa. Voilà l'intrus qui marche à travers les flammes comme si de rien n'était. On aurait dit un démon sortit de l'enfer.


Le comptable jeta une fléchette en plein sur le portrait souriant de Lex Luthor qui était affiché au mur. Marre des heures supp, marre de ces foutus alertes de sécurité. Il avait allumé la radio pour couvrir le bruit. Débarqua un bonimenteur de choc qui vanta les mérites de la dernière gamme de voiture Buick, suivis d'une pub de Bucky le castor qui faisait l'article pour le dentifrice Ipana. Le comptable tria ses factures. Il aperçut Zoom à moins d'un mètre. Il s'esclaffa. C'est quoi ce bordel ? Il lança hilare :

« Puis je vous aider ? »


Les gardes du corps de Luthor avaient remit l'échiquier sur pied et remit toutes les pièces dessus. Luthor reprit sa partie. Il se demanda s'il devait diriger le jeu vers l'aile dame. Mais l'emprisonnement provisoire du cavalier interdisait de jouer le fou comme il l'entendait. Et puis les noirs menaçaient de jouer le cavalier en D3, ce qui ferait échec et…

Grésillement dans un talkie-walkie. Lex s'en empara et dit :

« Bon alors ? Ça en est où ? Vous pouvez me confirmer qu'il n'a pas encore atteint le 43ème étage ?»

Bruit de hurlement plus loin, puis plus rien. Quelqu'un qui saisit le talkie-walkie à l'autre bout, on l'entendait nettement. Lex entendit ce silence qui fout les jetons, puis ce bruit de respiration à peine audible, à mi chemin entre le prédateur et l'humain. Juste à l'instinct comme ça : c'est LUI. Lex lança sur un ton aussi empoisonné que cordial :

« Bienvenue à la Lexcorp Tower. J'espère que la visite te plaît. Je suis au 100ème et dernier étage. J'espère que tu as assez de souffle pour monter là-haut. A tout à l'heure. Ah au fait, quand mon scalpel arrachera tes aponévroses et tes apophyses épineuses sur la table d'autopsie de mon laboratoire, je te jure que tu va le sentir passer. »

Lex balança le talkie-walkie à l'autre bout de la chambre forte, il s'écrasa contre le mur. Lex songea : il faudrait quand même ménager la case B3 sur l'échiquier, si je pose ma tour dessus, le pion adverse sur la colonne sera prit au piège.