Le combat était déjà en cours au Mack Center de Gotham lorsqu' Harvey Bullock entra dans la salle. Au moins 800 spectateurs. « Round 6 » indiquait le panneau de la nana qui arpentait le ring pendant la minute de pause. Sifflets et clameurs dans la foule : l'affrontement de ce soir, Griffith contre Moore. La cloche qui retentit au round suivant. Griffith qui tourne sur le ring, Moore qui lâche ses droites. Corps à corps au milieu du ring, Griffith calme, Moore le souffle court. « Break ! Break ! » crié par l'arbitre dans la mêlée, qui vient et qui repart. Moore qui avance, lent, les coudes hauts, Griffith le chasseur de tête, qui recule, après des crochets pas passés loin. Griffith la paresse, Griffith mort d'ennui. Bullock eut un éclair dans son esprit : le match est bidon. Le combat est truqué. Moore, plus de jus, en débandade. Griffith, crochets en recul et coups au corps. Griffith dans les cordes, Moore dessus, de tous côtés. Des coups de mauviettes, épaules et bras. L'abruti avec sa garde grande ouverte. Griffith avec une gauche paresseuse qui se dégage. Moore qui reprend son souffle, garde baissée. En plein dans le cadre, merde, c'est pas le bon qui va au tapis. Acclamations et hués dans la foule. Bullock qui se marre tout seul. Griffith avec son expression du visage : oh et puis merde. Qui attend le décompte. Il alla au coin neutre, mollo, au ralenti. A souffler ses baisers à la foule. L'arbitre qui compte : 6,7,8…. Moore qui se relève, les jambes flageolantes. Griffith qui gagne du temps, Moore qui revient, des coups merdiques, que dalle. A portée des bombes de Griffith, qui ratent leur coup de loin. Y'avait que l'air qui vibrait. Griffith qui fait semblant de haleter, au bord de l'asphyxie. Des bras qui font semblant d'être épuisés, ballants, comme morts. Moore, un pain de première du droit, puis un autre du gauche. Griffith qui va au tapis. Belle entube de KO. L'arbitre qui compte : 7,8,9,10… knockdown !
Quelqu'un cria : « Boooooouuuu ! C'est du chiqué ! » Une baston générale s'ensuivit. Bullock évita un coup. Il s'abrita derrière un gros type qui bouffait du pop-corn. Bullock répliqua par un coup de pied contre un autre emmerdeur. Bullock se fraya un passage à coup de coudes, en balançant quelques coups. Il choppa un des panneaux qui indiquait le numéro du round au bord du ring, et s'en servit comme bouclier. Il y avait une pluie de canettes de bières et autres projectiles du même genre dans la salle. Il courut vers le vestiaire, il déboula dans un couloir en lino. Un troupeau d'agents de sécu passa devant lui au pas de charge, pour rejoindre la salle et ramener le calme. Bullock entra dans un vestiaire et trouva Griffith en train de jeter ses gants et de se mettre une assiette de tacos au micro-onde.
« Bravo petit, la meilleure entube que j'ai jamais vu sur un ring. »
« C'est comme ça qu'on distrait les idiots qui payent pour venir voir ça, sergent. »
« A d'autres, qui touche quoi dans l'affaire ? »
« C'est le Pingouin qui a arrangé ça. Il a parié sur Moore. Le marché c'était que je perde ce soir, pour me faire jeter des poids légers. Je monte en poids moyens et Cobblepott me laisse le droit d'affronter Kid Hogan. Comme ça je lui fout sa branlée et je gagne un billet au passage. »
« T'aurais pas vu Theodore Grant ? J'ai eut un tuyau comme quoi il était présent à Gotham. Je me suis laissé dire qu'il irait peut-être laisser traîner ses guêtres dans des soirées pugilistiques comme celle-ci pour se marrer un bon coup. »
« Z'avez regardé s'il était au premier rang du combat ? »
Du bruit dans le couloir, Bullock entrouvrit la porte et aperçut des journalistes attroupés autour de quelqu'un. Lorsqu'il vit des petits mômes courir dans cette direction pour avoir des autographes, il comprit aussitôt de qui il s'agissait. Harvey fendit le groupe de presse vers Theodore Grant, au centre des attentions. Bullock brandit son insigne et glapit plein d'autorités :
« Police ! Plus un geste ! »
Il se planta devant Grant et les journalistes médusés, puis finit par abandonner sa tête de méchant pour glousser :
« Je plaisante ! »
Bullock fit semblant d'envoyer un direct du droit et un crochet du gauche vers Theo. Les journalistes profitèrent de l'occase pour prendre une photo. Bullock annonça au boxeur :
« Mon gros, j'ai besoin de toi. Que dis-je ! Le GCPD, et même la ville de Gotham ont besoin de toi ! Viens prendre une bière ou un donuts avec moi. C'est la police qui régale. »
Le grill-room de chez Joe. La clientèle de 21h. Des body-builder en débardeur de culturistes qui viennent bouffer de la viande blanche pour gonfler. Des vieux jetons avec leur déambulateurs. Des ambulanciers qui faisaient un dernier gueuleton avant le service de nuit. Des touristes venus du Missouri en train de s'échanger des cartes postales de Gotham : des vus du Wayne Enterprise et du City Hall. Ils avaient gribouillés des projos du bat-signal sur le toit des bâtiments pour se marrer.
Bullock s'enfila une platrée de bacon tout en jetant un regard aux affiches d'anciens combats qui trônaient dans des cadres au dessus du comptoir : Moorer contre Foreman, Klitschko contre Brewster, Liston contre Patterson. Le box qu'il squattait avec Grant était plutôt sympa. Loin du juke-box avec la voix chevrotante de Sinatra en train de chevroter that's amore. En plus ils avaient vu sur le papier peint mural. Que des trombines de boxeur, pages arrachés de Ring magazine. Voilà Ali avec son sourire juvénile. Voilà Holyfield avec sa tête de pasteur évangélique. Voilà Frazier en train de balancer un crochet du gauche. Voilà Marciano en train de foutre KO un autre rital. Voilà Theodore Grant lui-même en train de lever les poings. Bullock gloussa. Il agita sa fourchette vers le Grant en chair et en os en face de lui sur la banquette.
« Le GCPD organise un combat d'exhibition prochainement, z'êtes au courant ? Au départ on voulait ça en 6 round, mais le maire de Gotham nous as dit que ça ferait poule mouillé, alors il a mit ça en 10 round. »
Bullock fouilla dans sa poche de veste et en sortit la page arrachée d'un journal qu'il déplia et fit glisser sur la table jusqu'au boxeur.
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Article du journal Gotham Globe
Le combat de l'année à Gotham.
Notre ville a reçu un don de Dieu : deux boxeurs du cru qui sont nés et qui ont grandi à moins de 8 km l'un de l'autre. Deux pugilistes accomplit. Braven Dyer et ses jambes en arceau qui balance ses cuirs à la volée, faisant jaillir les étincelles jusqu'au premier rang lorsque partent ses uppercuts. Douglas Hilliker qui pénètre sur le ring tellement détaché et maître de lui qu'il est aisé de le croire immunisé à la sueur. Ses directs pénétrants assaisonnent le visage de ses adversaires jusqu'à ce qu'ils ressemblent au steak tartare du Grill de Mike Lyman. Les deux hommes sont des poètes : Dyer poète de la force brute, Hilliker anti-poète de la vitesse et de la ruse. A eux deux ils ont gagné plus de 80 combats professionnels et ont perdus moins de 10 fois. Sur le ring, comme dans les rues de Gotham City, les deux hommes sont dur à vaincre. Dyer, ancien challenger pour le titre mi-lourd, classé n°4 de la catégorie. Hilliker, ancien champion d'Amérique du Nord des poids moyens avant de monter en mi-lourd où il avait été n°8 mondial. Les deux boxeurs n'ont encore jamais combattu l'un contre l'autre. Mais le sentiment du devoir les a rapprochés dans l'esprit. Et tous deux ont rejoints les rangs des services de police de Gotham City pour continuer à mener un combat hors du ring. La guerre contre le crime. Dyer a résolu le stupéfiant cambriolage de la banque Gotham-Citizens en 2014 par le Riddler. Hilliker a capturé le Chapelier Fou, le célèbre criminel. Ils sont aujourd'hui tout deux en poste au commissariat central. Braven Dyer, 32 ans, sergent à la Brigade de la Répression des vols. Et Douglas Hilliker, 29 ans, agent à la Brigade des Patrouilles du centre-ville. Nous avons récemment demandés à nos deux héros pourquoi ils avaient abandonnés leurs meilleurs années de boxe pour devenir policiers. Leurs réponses sont significatives et montrent leurs qualités d'hommes :
Sergent Dyer : « La carrière d'un boxeur ne dure pas éternellement, ce qui reste toujours c'est la satisfaction de servir sa communauté. »
Agent Hilliker : « J'ai voulu combattre deux adversaire plus dangereux, plus précisément les gangsters et les tarés d'Arkham. »
Braven Dyer et Douglas Hilliker ont fait de grands sacrifices afin de servir leur cité. Le jour du prochain vote organisé par la municipalité, c'est aussi ce qui sera demandé aux électeurs de notre ville, accepter la proposition d'un emprunt de 5 millions de dollars dans le but de rééquiper en matériel moderne le GCPD et de permettre une rénovation des différents locaux de police de la ville, ainsi que du remplacement de leur parc automobile. Gardez à l'esprit les exemples de Dyer et Hilliker. Dîtes « oui » à la proposition B le jour du vote.
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Bullock observa Theodore tout en prenant une gorgée de bière. Il joua avec sa fourchette en lâchant :
« Vous savez ce pense les huiles de la police? Que la proposition B va être battue à plate couture le jour du vote. Le public est un peu remonté contre le GCPD, à cause de notre inefficacité. Les gens ont l'impression que c'est Batman et toute sa clique qui nettoie les rues à notre place. Et y'a une part de vrai là-dedans. Nous ne réussirons pas à obtenir plus d'argent. C'est pour ça que les pontes du commissariat ont eut l'idée de battre le rappel en proposant un combat de flic façon Vegas, afin de rameuter l'enthousiasme de l'homme de la rue, lui faire croire qu'on est des dur de dur aussi fort que lui là.»
Bullock retourna la page du journal, dévoilant un autre article qui avait en gros titre sur 5 colonnes: Le Red Hood a encore frappé.
« Un combat en 10 rounds, dans 3 semaines, au Gotham Square Garden, 30 000 à 50 000 spectateurs attendus. Les billets sont vendus à 8 dollars pièces. En gros faut impressionner l'électeur en lui en donnant pour son argent. Une moitié de la recette du combat sera réservée aux œuvres de la police, qui aide les familles dont l'épouse ou l'époux flic est mort sous les balles des criminels. L'autre ira à une association caritative à déterminer. Mais voilà on a un problème... »
Bullock un peu gêné, qui fait signe à une serveuse au comptoir.
« Hilliker est forfait. Cet abruti s'est fait exploser l'arcade sourcilière à l’entraînement par son sparing partner. Et on a besoin de trouver un remplaçant en urgence, vu que les chefs refusent de reporter le combat, la carotte à vendre est bien trop importante. »
La serveuse apporta une assiette remplie à ras bord de donuts, sous les yeux émerveillés du flic.
« Dyer est un pourri, Falcone lui fournit des paniers-cadeaux, Maroni lui fournit des putes. Black Mask lui fournit des dollars. Champion, si vous acceptez de monter sur le ring pour lui éclater la tronche et l'envoyer à l'hosto, disons que la chose ne vous sera pas reproché en haut lieu, bien au contraire. De plus... »
Bullock avec son sourire tout malicieux, en train de croquer dans un donut à la pistache.
« Le Pingouin a misé 300 000 dollars sur la victoire de Dyer par KO dans une cote à 3 contre 1 chez les bookmakers. On veut le voir rétamé sur le ring pour faire perdre du fric à Cobblepott. »
Bullock qui mâche la bouche grande ouverte en parlant.
« Alors champion? Feu vert? Mais il y a une condition. Vu que les réjouissances du Gotham Square Garden sont arrangés par les flics, vous aurez pas le choix pour un détail : votre entraîneur. »
Bullock qui se désigne tout fièrement de ses deux pouces. Au même moment le juke-box balança "Eye of the tiger"
Bullock avait les yeux qui brillaient suite à l'acceptation de Grant. Il s'imaginait déjà recevant les félicitations de la hiérarchie lorsqu'il annoncerait qu'il avait convaincu le champion de mettre les gants pour la grande exhibition pugilistique organisée par le GCPD. Il tapa du poing sur la table, faisant voler quelques donuts au passage et lança plein d'enthousiasme au boxeur après qu'il lui ait demandé quand est-ce qu'il commencerait les réjouissances :
« Mais dès que possible bordel ! Nom d'un donut, le bonheur n'attends pas ! »
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Bullock n'aurait pas parié un donut à la crème et à la noix de coco, que le combat allait déclencher un tel chambard dans Gotham City dans les deux jours suivants. Les deux boxeurs avaient droit à l'usage illimité du gymnase de l'académie de police pour leur entraînement. Mais Harvey, qui ne voulait pas que les flics pourris partisans de Braven Dyer viennent nuire aux séances d'entrainement de Grant, avait plutôt opté pour que celui-ci s’entraîne dans un clandé appelé le « Ringside » dans lequel les molosses de Black Mask venaient faire de la muscu et jouer aux durs.
Le combat déchaîna les passions au GCPD et en ville lorsqu'on apprit que le nouvel adversaire de remplacement pour Dyer, était un champion du monde en titre. Toutes les places du Gotham Square Garden furent vendues dans les 24h qui suivirent l'annonce dans la rubrique sportive du Gotham Globe. Le lieutenant de police du poste de Burnley à qui l'on avait officiellement attribué la cotation et la prise de paris pour le GCPD donna aussitôt Grant le champion, favoris à 3 contre 1 contre Dyer. Le réseau de bookmaker professionnels de la ville donnait le flic pourri favori par KO à 2 contre 1 en raison de son punch contre le poulain de Bullock. Mais Grant par décision sur le pointage des juges à 5 contre 3 si le combat allait jusqu'au bout. Les paris interservices battaient leur plein et on avait installé des tableaux de paris dans tous les postes de police de la ville. Les journaux de Gotham alimentaient la folie ambiante dans leurs rubriques. Le comble du mauvais goût vint d'Oswald Cobblepott qui pour faire la promo du combat, demanda à l'orchestre de l'Iceberg Lounge de composer une chanson le « Boxe Tango ». Soutenue par un ensemble de jazz, une soprano à la voix sensuelle roucoulait : « Dyer et Grant c'est pas du sucre, c'est pas des bleus qui s'tapent des cuirs, c'est sûr que c'est pas d'jeu. Mais m'sieur Braven moi y m'enflamme. Et m'sieur Theo il m'laisse sur place. Sans arrêter la nuit durant, ça s'ra du délire et excitant. »
En se baladant sur le territoire du Pingouin après l'annonce du remplaçant, Bullock remarqua des tickets de paris changeants de mains. Et quand il se balada en ville, il reçu des « ça c'est du mec. » de la part de dockers et d'ouvrier qu'il croisa au hasard. Tout le monde savait que Grant avait hérité de lui comme entraîneur vu que le combat était organisé par les flics. En revanche Braven Dyer jetait maintenant un regard noir à Bullock à chaque fois qu'il le croisait dans les couloirs du commissariat central. Bullock ne tarda pas à apprendre que les inspecteurs de la Brigade des moeurs avaient suspendus leurs descentes chez les bookmakers, afin que Cobblepott soit en confiance et augmente sa mise de 300 000 dollars sur son champion que Bullock voulait voir perdre au profit du sien. La surprise dans le milieu du crime vint de Killer Croc. Depuis sa cellule du pénitencier de Belle Reve, il avait misé le peu de fortune qu'il avait (264 dollars) sur Grant mettant Dyer KO à la toute fin des 10 rounds. Faut dire que le crocodile à face humaine était en froid avec le Pingouin. Killer Croc clama à tous que si son favoris arrivait à emporter le morceau, il irait même jusqu'à convaincre Harley Quinn, sa pote du Suicide Squad, de se payer un week-end bien brûlant avec Theodore.
Le bordel organisé durait depuis seulement 48h après que Grant ait donné son feu vert à Harvey lors de leur rencontre au resto. Mais ça commençait à agacer Bullock qui avait obtenu un congé dans sa Brigade, vu qu'il était l’entraîneur d'un des deux boxeurs. Bullock se ramena au Ringside dans un vieux survet qui lui donnait plus un air de sprinter du dimanche sur le retour que d'un vrai entraineur sportif. Il annonça son arrivée à Theodore en tapant dans un sac en cuir. Bubu se planta devant le ring d'entrainement.
« Alors champion? T'as trouvé un hôtel décent pour ton séjour en ville? Tu peux loger chez moi si tu veux. Mais je te préviens, y'a des cafards. »
Bullock qui se marre en envoyant un direct dans le vide. Il fit semblant d'envoyer un crochet du droit suivis d'un uppercut du gauche sur Grant.
« Je plaisante!!! (enfin pas vraiment) »
Bullock s'approcha de Grant, dans le style confidence-de-toi-à-moi.
« Au fait, on a un problème. Tu te souviens champion, que la moitié de la recette du combat doit être attribué à une association caritative? Mais aucun des gars ne s'accorde sur le sujet. Y'a Montoya qui veut qu'on reverse le pognon à la maison de retraite où végète sa mère. Y'a le chef de la brigade des narcotiques qui demande que ça soit l'Hôpital de Metropolis, parce que c'est là-bas qu'il s'est fait opérer de la prostate. Y'a je sais plus qui, qui a proposé la Croix-Rouge de Coast City. Un autre a cité je sais plus quel orphelinat de Central City. Alors du coup y'a le commissaire Gordon qui a dit: c'est le champion qui choisit. Après tout c'est toi qui va grimper sur le ring pour te taper l'autre animal. »
Bullock s'était attendu à ce que le champion propose de donner la recette du combat à une œuvre caritative ordinaire, tel que l’hôpital de Gotham ou la croix rouge. Mais il apprit avec surprise que le boxeur souhaitait voir l'argent attribué à des orphelinats et autres centres d'aides qu'il avait ouvert à Star City. Bullock se rappela son propre père, qui avait été boxeur avant de finir ouvrier à l'usine Proto-Tool de Gotham, celle juste à côté d'Ace Chemicals. Son géniteur aussi avait consacré du temps à un orphelinat : celui de Johnston, à Blüdhaven, New Jersey. Le flic chercha son bloc-notes, qui lui servait de carnet pour recueillir les aveux lors des interrogatoires, afin de noter le souhait de Grant. Il ne le trouva pas et réalisa qu'il avait abandonné sa veste de détective pour son survêt miteux d’entraîneur douteux.
Le champion s'en démangeait une sévère visiblement. Il voulait une séance de sparring. Bullock obtempéra en s'esclaffant. Il se prépara et enjamba les cordes pour rejoindre le champion. On aurait dit qu'Harvey venait de débarquer d'une autre planète. Il ne prenait pas de risques contre le numéro 1 de la catégorie mi-lourd. Bubu avait revêtu des gants Everlast, un plastron d’entraîneur pour encaisser tous les coups au corps. Et contrairement à Theodore, il avait revêtu un casque de protection d’entraînement de la marque… Grant. La plus célèbre à l'heure actuelle pour les équipements pugilistiques. A chaque fois qu'il lui délivrerait un coup comme un direct au front, Theo allait être contraint de taper sur son propre « nom » affiché en logo juste au dessus de la trombine de Bullock… Plus qu'une séance de sparring partner, on croyait voir la rencontre entre un félin et un alien débarqué de la planète donuts. Quand le champion glissa au flic d'éviter la crise cardiaque, Bullock répliqua en se frappant la poitrine de ses gants :
« Eh ! De un j'ai pas encore 80 ans au compteur, de deux, j'ai affronté le Joker et j'ai survécu ! Alors pour la crise cardiaque tu repasseras ! »
Puis il avança, lançant un direct lourd pour cogner le torse de Grant et le forcer à reculer dans les cordes.
« Tu sais, tu me rappelles mon père. »
Bullock qui se colle sur Grant, coincé dans les corps, quelques crochets du flic qui se perdent dans les bras et dans la garde du champion.
« Il avait gagné les Golden Gloves 1974 catégorie poids moyens en amateur. Il aurait fallut qu'il attende les jeux olympiques de 1976 pour passer pro. Mais il avait besoin de gagner sa vie. Mon père s'était marié à 22 ans seulement cet abruti. Il n'avait pas un rond et il ne savait rien faire. »
Échange de contres et de swing du droit. Bullock qui recule en mitraillant de direct du gauche, le poing droit en retrait, prêt à glisser un uppercut en douce, au cas où Theo jouerait les imprudents. Un crochet pas passé loin. L'air qui vibre. Bing ! Bubu sonné dans son casque. Ça balance et ça secoue dans tous les sens. Matraquage et retour au centre du ring pour un nouveau pas de tango, Harvey qui reprend le souffle cour :
« Donc mon père est passé pro de suite. Il a fait une carrière honorable. 13 victoires et 3 défaites. Mais il se prenait beaucoup de coups. Et il avait suffisamment de bon sens pour comprendre qu'il n'irait pas très loin à ce rythme là, qu'il finirait gâteux avant l'âge. »
Coup au corps, le plastron de Bullock mit à mal. Ça chatouille et ça défouraille. Un doublé dans la tête en réplique. Pas passé loin. Bubu avait adopté la garde de « Philadelphie » dans l'espoir d'envoyer un contre bien sentit au champion. Et un uppercut dans le vide, un. Bullock déjà en sueur, même pas deux minutes sur le ring. Trop de donuts. Jugement sans appel. Il choppa Theo et lui fit une clé de bras par dessus la tête, alors que les deux étaient en train de se débattre dans les cordes suite à l'accrochage, Bullock continua en haletant :
« Après avoir raccroché les gants, il a tenue un bar. Mais les Falcone ont fait cramer l'endroit. Il avait pas voulut payer la taxe de protection. Résultat il a finit ouvrier à l'usine Proto-Tool. Le corps y souffrait et c'était le degré zéro de l'aventure. Dans son temps libre il était éducateur à l'orphelinat de Blüdhaven.»
Fin de l'accrochage, les deux boxeurs qui se séparent, avec une série de crochets pour un nouveau pas de tango. Bullock, les mains à peine levés. A fixer Theo :
« T'as le même regard que lui. Celui d'un type qui a encaissé beaucoup de coups, sans toujours pouvoir les rendre. »
Les confessions du champion sur le ring firent sourire Bullock. La plupart des types qui montaient sur le ring cognaient souvent parce qu'ils avaient besoin de se venger de leur vie sur quelqu'un ou quelque chose. Grant avait une autre démarche en enfilant les gants. Il lui avoua même son insatisfaction. Ne pas en faire assez dans ses activités. Bien qu'il ne soupçonnait pas quelles étaient les vraies activités en question du boxeur, Bullock se reconnut dans cette allusion. Les tâches du GCPD tournaient souvent à l'amertume. Un doublé du droit envoya Harvey contre les cordes. Un uppercut du gauche s'écrasa sous son menton et lui fit valser la tête en arrière. Il rebondit contre les cordes à nouveau et se rétama contre Theodore, l'agrippant maladroitement des bras pour éviter de chanceler et de ne pas tomber. A la question du champion qui s'inquiétait du coup porté trop fort, Bullock répondit en maugréant :
« Bordel, ça me rappelle la fois où Gueule d'argile à arraché des planches avec sa boue, pour les projeter sur Batman. Le justicier a esquivé, mais j'étais derrière lui et je m'en suis prit une en revers dans le menton. Obligé de bouffer de la purée et des compotes à chaque repas pendant 1 mois après ça. »
Il chancela à nouveau en essayant de retirer son casque de protection. Il pencha sa tête sur le côté comme s'il faisait craquer l'une de ses cervicales pour la remettre en place. Il tendit ses mains pour attraper la bouteille d'eau que lui lançait Grant. Bullock réalisa une seconde trop tard qu'il portait encore ses gants de boxe. La bouteille glissa et rebondit sur le ring. En pestant, Bullock retira les lacets de ses gants avec ses dents, puis s'en débarrassa en les jetant au loin. Il récupéra la bouteille d'eau. Il tourna la tête étonné vers le sportif lorsqu'il lui posa quelques questions sur les difficultés des services de police de Gotham. Bullock posa la bouteille et donna un coup faiblard dans un sac de frappe, l'air de dire : par ou commencer ?
« J'avoue que j'ai souvent pensé à me faire muter à Metropolis. Mais tu connais le proverbe : quand on reste dans un endroit pendant trop longtemps, on finis par en faire partie. Y'a une époque c'était assez compliqué. Je suis entré en service sous l'ère du commissaire Loeb. Le GCPD avait touché le fond à l'époque. La peu reluisante brigade anti-émeute, touchait des pots de vin des industriels de la ville pour étouffer les grèves. A chaque fois que je trouvais des flingues illégaux dans la rue et que je les apportais aux scellés. Ces salopards s'empressaient aussitôt de les revendre dans la rue. Et quand je ramenais des objets volés ou de la drogue aux fraudes ou aux cambriolages. Il se grouillaient d'offrir ça aux Falcone ou aux Maroni pour leur lécher les lattes. Les camés en probation pouvaient même glisser un billet aux narcotiques quand ils faisaient leur test nalline, pour savoir s'ils continuaient à se droguer. Les salopard remplaçaient leur urine par de la pisse propre au labo. Ce qui était pesant, c'était que les mecs de la criminelle comme moi, étaient mit sous pression par les affaires internes. Ces abrutis essayaient de nous coincer juste pour avoir notre job et prendre notre place! Ils pensaient avec raison, que dans ma brigade, ils toucheraient encore plus de dessous de table de la part des Falcone. La plupart des mecs de mon unité se sont mit à rouler pour le Pingouin qui venait de débuter comme nouvel outsider à ce moment là. Juste parce que Cobblepott organisait des rencarts avec des petites cailles à la cuisse légère, aux flics qui lui vendaient leur âme. C'était un secret pour personne que toutes les serveuses de l'Iceberg Lounge était des racoleuses. »
Bullock se planta sous un punching ball. Il essaya de frapper en série des deux mains sur le ballon, mais le truc allait trop vite, il abandonna vite fait après avoir manqué la cadence et continua :
« Puis Gordon est devenu commissaire. Les choses ont commencé à aller mieux. Il a créé son unité anti-crime, qu'il calquait sur l'organisation du FBI niveau investigation. La police s'est repris en main. Les mafias se sont fait supplanter par les tarés en terme de terreur dans les rues. Mais le vrai renversement de situation, ça a été quand LUI il est apparut. »
Bullock ne prononça pas son nom. Mais il dessina dans le vide avec son doigt, le symbole d'une chauve-souris, pour faire comprendre à Grant de qui il parlait.
« La suite, tu la connais sûrement. Ils se sont multipliés. Y'avait aussi Robin, Nightwing, Batgirl, Huntress, Spoiler, Red Hood, Azrachose là et…»
Bullock en train de compter sur ses doigts, les yeux levés en l'air, dans une intense réflexion.
« Oh et puis j'ai perdu le fil à force. Y'en a tellement. Ouais les criminels ont plus peur de nous les flics depuis des lustres. Mais les masqués, ça ils en ont peur. »
…………………………
L'heure du repas.
Le Canter Room. Le traiteur-restaurant où Bullock dînait gratis (il avait fait échouer une tentative de chantage sur le patron). Il avait commandé pour Theodore, il ne lui avait pas laissé le choix : platré d'oeufs au plat, filets de poulets cajun en double avec sa sauce romarin-paprika, salade, montagne de pâtes, des rumakis et cet espèce de hors d'oeuvre d'Europe de l'Est qui s'appelait Kibitz quelquechose.
« Et tu bouffes tout. Selon mes calculs, tu va perdre 600 caloris par jour avec ton entraînement alors avale tout ça, c'est ton entraîneur qui te l'ordonne. »
Bullock avait tout du diététicien du dimanche. Les murs du restos étaient recouverts de photos encadrés. Que des rues de Gotham. Plein de portraits d'immeubles art-déco et d'officine de commerce. Bullock désigna du doigt le cliché d'un magasin de spiritueux dans un cadre. Il commenta à Grant, comme s'il lui faisait la visite touristique :
« 2 skinheads ont braqués ce magasin à l'angle de Denker avenue et la 54ème rue. Le hasard a voulut que le Red Hood les attende dans l'arrière boutique avec un fusil à pompe remington. J'ai conservé un morceau de chevrotine dans un sachet, dans un tiroir de mon bureau. »
Bullock prit sa fourchette et engloutit ses frites. La porte du resto s'ouvrit. Un drogué de la connaissance de Bullock entra. Un sniffeur de nitrate d'amyle. Bullock l'avait coincé le mois dernier. Le drogué aperçut Bullock qui le fusilla du regard et décampa aussitôt. Il repassa la porte en une seconde. Bullock donna un coup de coude à Theodore et pointa du doigt la photo sur le mur de la vitrine d'un magasin de vêtement sur Crenshaw. Il commenta :
« 3 mafieux en costard Valentino qui roulaient pour Falcone sont entrés pour racketter le vendeur. Le hasard a voulut que le Red Hood les attende planqué derrière le rayon des pulls avec deux colts python 357 magnum, un dans chaque main. J'ai récupéré une de ses douilles. Un petit malin l'a mit dans un présentoir sur le comptoir de l'accueil du commissariat. Gordon lui a ordonné de jeter ça à la poubelle car ça faisait mauvais genre. »
Bullock avait déjà noté sur son calepin les grandes phases de l’entraînement de son poulain. Il voulait lui faire taper le punching ball en plusieurs phases, jusqu'à ce que les bras de Theo ne soient plus que caoutchouc et que ses yeux soient aveuglés par la sueur. Après ça il lui imposerait des rounds de 4 minutes contre des sparrings partners qui avaient la taille et le poids de Dyer son adversaire. Fallait que Grant s'habitue. Le style du flic pourri, ça consistait à foncer sans répits. Il se baissait en avançant, feintait toujours du torse. Et ses directs étaient dans le genre chasseur de tête. Lorsqu'il trouvait le chemin jusqu'à la mâchoire de son ennemi, Bullock savait de source sûr qu'on entendait l'impact de ses coups à 20 mètres de distance. Harvey pointa sa fourchette vers la photo sur le mur de la Pizzeria Barone à l'angle de Clarkson Street et Klein Avenue.
« 5 types du ghetto, façon gangsta rap attitude ont braqué le resto pendant le service. Le hasard a voulut que le Red Hood les attende planqué en cuisine avec un M60 dérobé dans un surplus de l'US army. J'ai du me taper le coroner. Crois-moi, c'est chiant quand tu dois tirer par les bras un cadavre qui a été coupé en deux par les tirs. Un de mes collègues a récupéré un bout de tissu arraché du masque de Red Hood. Il l'a revendu sur e-bay pour 3000 dollars. Si tu savais ce qu'on trouve dans les collections privées de nos jours. »
Un flic obèse entra dans le resto. Il aperçut Bullock. De loin il lui fit le symbole du donut avec ses mains avant de tapoter sa montre et d'indiquer « 17h » avec ses doigts. Ça voulait dire en langage codé flic : « on se retrouve pour grailler à l'heure dite ». Harvey dit à Theodore entre deux bouchés de steak.
« Oh et puis assez parlé de Gotham. Parle moi un peu de Star City. Je suis sûr que tu connais les dernières et les biens bonnes. Il doit s'en passer des trucs là-bas ? Non ? »