Ask the sea for mercy | ft. Mera & Arthur

Arthur Curry était accoudé au bar de Portland dans le Maine, à 30 km d'Amnesty Bay. Le trac avant son rendez-vous avec sa femme. Il regardait pensivement sa choppe de bière. Elle était remplie à ras bord. Il n'y avait pas encore touché. Le barman jeta un coup d'oeil en douce à ce colosse de client qu'il n'avait pas reconnu comme Aquaman. Avec son jean sombre et son débardeur noir, Curry tenait plus du biker que du héros de la Justice League niveau allure. La télé du bar beuglait. Un bonimenteur de choc débarqua à l'écran pour faire l'article sur la nouvelle gamme de voiture Buick. Le barman prit la télécommande et changea de chaîne. Débarqua Bucky le castor qui vantait les mérites du dentifrice Ipana. Le barman leva à nouveau la télécommande et éteignit la télé. Le vide des heures creuses. Presque pas de clients. Deux vieux jetons en train de jouer aux échecs à la table du fond et juste ce grand gaillard chevelu et barbu accoudé au bar depuis presque 15 minutes. A fixer sa bière, mais sans y avoir touché une seule fois. Comme si la tempête dans son crâne lui avait fait oublier de consommer sa boisson.

« Un problème l'ami ? »

« Ouais. Mon frère me hait et ma femme va bientôt accoucher. Mais je sais même pas si le gosse est de moi. Elle non plus d'ailleurs. Et elle en aime un autre.»

Le barman leva les yeux au ciel en séchant un verre avec son chiffon. Encore des anecdotes de biker à la con. Sans doutes que le frère du grand type était un mec du même acabit, avec un blouson en cuir avec une tête de mort ou un truc du même style. Intrigue de bikers pour la mésentente sans doute. A tout les coups : le petit frère avait piqué sa bécane à l'autre alors que le grand frère avait l'exclusivité ou un truc du genre. Sans doutes que sa femme l'avait trompé avec un barbeau à la fête foraine de la campagne du coin, où tous les bikers venaient se retrouver pour tailler le bout de gras.

« Mais au moins j'ai récupéré mon habitation. »

Le barman s'imagina tout de suite que son client à l'allure de gros dur, devait loger dans un appart bon marché. Genre un 2 pièces situé au dessus d'un magasin de locations de bateau. Peut-être même une caravane ? Il demanda presque moqueur :

« Vous l'aviez hypothéqué pour récupérer votre moto ? »

« Non, les autorités fédérales me l'avaient saisie parce que j'étais Aquaman. La Cour Suprême a annulé la mesure et m'a rendu mon phare, car je suis un membre de la Justice League. »

Le barman fit un rire poli comme si la blague avait été drôle. Mais le chevelu avait lancé ça si sérieusement qu'il se demandait s'il plaisantait. Arthur se leva et quitta le comptoir. Alors qu'il se dirigeait vers la porte, le barman lui lança intrigué :

« Eh ! Mais vous n'avez même pas bu votre bière ?! »

Mais l'atlante était déjà dehors.


Le phare d'Amnesty Bay. De hier à aujourd'hui. Une réminiscence du passé lorsqu'Arthur découvrit le mot de son ennemi le plus acharné. Hier : Black Manta qui s'introduit ici pour lui. Thomas Curry en dommage collatéral. Aujourd'hui : le même qui s'introduit ici pour lui. Mera Curry en dommage collatéral. Il sentit ses genoux flancher. Cette trouille qui ne dit pas son nom. La terreur, la vraie. Pas celle qu'il pourrait éprouver avec le risque de se faire dessouder contre sa Némésis. Celle de la perdre ELLE. Pire, celle de le perdre LUI. L'enfant. Celui à naître qui n'a même pas encore conscience d'exister. Réminiscence : Mera qui lui prend sa main et la pose contre son ventre. On ne savait dire ce que signifiait le visage d'Arthur en laissant tomber au sol le mot que lui avait adressé Manta. Panique impuissante ou froide détermination à la retrouver ? On ne savait dire. Il décampa aussitôt. En passant il renversa un cadre. Une photo de Thomas Curry en compagnie d'Atlanna qui tenait un nourrisson dans ses bras : lui. A côté de cette photo, Arthur avait fait encadrer un mot qu'il avait rédigé à la mémoire de sa mère.

Un jour minable a vu ta perte.
Ta mort a été stupide et cruelle.
Ta fuite ici a été un bref répit.
Tu cherchais une autre vie.
J'étais sensé être ton porte-bonheur.
Je t'ai faillit comme talisman.
Je me dresse aujourd'hui comme ton témoin.
Ta mort définit ma vie.
Je veux trouver l'amour que nous n'avons jamais eut.
Je veux te donner vie.

Arthur courut jusqu'au ponton du phare. Il retira son débardeur en passant. Il se posta au bout de la jetée face à l'Atlantique, comme son père l'avait fait 1 milliard de fois par le passé. Là, torse nue face à l'océan Arthur songea : l'histoire se répète. Le destin m'a retiré ma mère. Maintenant il va me priver d'ELLE. Il plongea bras en avant en pensant à Mera. Son visage se superposait avec celui d'Atlanna.


Il nagea à une vitesse qui défiait l'image que pouvait se faire les humains de l'habileté atlante sous les mers. Il fendit l'océan au milieu des murènes et des bancs de poissons. La plupart des êtres marins ressentirent la furie qui l'animait. Sans le vouloir, Arthur dispersa sur son passage des nuées entières de flétans et de saumons. Il fonça à travers les flots, du Maine à la Floride en passant par les côtes de la Virginie.


Au bout de plusieurs heures il termina sa course folle par une arrivée fracassante. Aquaman surgit des flots sur plusieurs mètres de hauteurs et atterrit avec fracas sur la plage où Black Manta l'attendait avec sa captive. Arthur retomba lourdement en soulevant du sable. Retenez l'image : comme si Poséidon en personne plein de colère venait d'apparaître. Arthur se releva, son visage crispé par une fureur sans nom. Les veines de son cou battaient à tout rompre. On pouvait deviner les battements de son cœur devenu fou derrière son torse. Celui-ci semblait n'être que cordes et câbles tendu pour le combat à cause de la rage qui l'habitait. Son regard alla de Mera à Manta et de Manta à Mera. Une sorte d'affolement dans le regard. Est-ce qu'il l'a blessé ? Est-ce qu'il l'a meurtrie ? Est-ce que le bébé est…

Malgré le coup de chaleur de la Floride, cette plage aux alentours de Miami avait un aspect sinistre derrière une façade de carte postale paradisiaque. La plage était délimitée par des rochers nus qui plongeaient tout droit dans l'eau à la limite des vagues. Les jetées de pierre avaient une allure menaçante. Il y avait certes des palmiers partout derrière, mais les promontoires était couverts de rochers et d'herbes brunâtre écrasées par le soleil qui vous donnaient plus envie de faire demi-tour qu'autre chose. A moins d'1km on pouvait apercevoir les plages de Miami. On distinguait les hôtels en bord de mer même à cette distance. Leurs façades peintes en rose vif, citron vert et jaune canari vous agressaient l'oeil.

Arthur réfléchissait à un moyen de délivrer Mera pour qu'elle puisse fuir loin du danger. La situation était critique. Lui même n'avait pas son armure atlante, ni son trident. La plupart des engins mortels dans la panoplie de Manta pouvaient donc le blesser. Et sans son arme de prédilection, il allait avoir un grand mal à percer les défenses adverses pour lui arracher son casque ou le mettre hors d'état de nuire. Arthur observa en urgence les alentours à la recherche du moindre atout. Là, une baraque de pêche en fer blanc. Idéal s'il en arrachait pour cogner Manta avec. Là, des câbles à haute tension qui mollissaient entre deux pylônes du chemin menant à la plage. Idéal pour foudroyer Manta s'il parvenait à le soulever pour le projeter dessus. Et puis bien entendu tous ces rochers coupants... C'est avec une sorte de prudence mélangeant rage impuissante et colère noire qu'Arthur lança au ravisseur :

« Pourquoi elle ? C'est juste entre toi et moi. Laisse là. C'est moi que tu veux, que moi. »

Arthur les bras en croix. Vaine provocation pour retenir l'attention de Black Manta sur lui et personne d'autres.

« Mon père est mort accidentellement à cause de toi. Ton père est mort accidentellement à cause de moi. On est quittes non ? Tu ne l'as toujours pas comprit pauvre demeuré ? C'est TOI que je voulais buter. Pas ton père. Je l'ai confondus avec toi. Si t'as un semblant de dignité retire le foutu casque qui te sert de visage et vient régler ça pour de bon qu'on en finisse ! »

Coup d'oeil au détonateur brandit par Manta. Un sentiment glacé parcourut l'échine d'Arthur rien qu'à l'idée qu'il enclenche son explosif. Il attrapa ensuite le trident d'un œil méfiant. Si en apparence son ennemi juré voulait juste son combat tant convoité, Aquaman ne s'y trompait pas : quel qu’en soit l'issu, il tuerait quand même Mera. Rien que par principe, et surtout pour lui infliger le plus de désespoir possible. Le criminel nautique lança les hostilités par un tir sournois de son casque. Curry valsa en arrière sous ce coup. Il se redressa les yeux enflammés par une lueur menaçante qui n'avait rien à envier à l'éclat des yeux rouges du casque de Manta. Mera l'avait sommé d'appeler de l'aide, même en ayant recours à son maudit frère. Mais s'il plongeait dans l'eau un bref instant pour lancer ses ondes aux poissons, afin qu'ils aillent chercher du secours, les renforts atlante n'arriveraient que tardivement après l'affrontement. Atlantis et Orm étaient trop loin.

Il n'eut pas le temps d'avoir des réflexions à ce sujet, son ennemi le chargea dans un corps à corps brutal. Pour pas changer il avait frappé sans prévenir, comme un cobra à l'attaque. Typique de Black Manta. Arthur pivota sur lui même, non pas pour lancer une botte meurtrière, mais pour tenter de se rapprocher de sa reine. S'il parvenait à libérer ses liens, il espérait qu'elle prenne la fuite. Qu'il puisse retenir assez longtemps celui dont il avait tué le père. Un coup en revers de Manta l'en empêcha. Le côté virevoltant des assauts de son rival avait quelque chose d'aveuglant. L'arme du pirate casqué était sans cesse en mouvement et l'oeil d'Arthur avait peine à suivre sa lame qui dessinait autours de lui un arc de cercle étincelant et mortel à chaque fois qu'il la repoussait de son trident avec gêne. Aquaman avait quand même pour lui d'être familié avec les attaques de son ennemi pour l'avoir déjà affronté. Il se pencha le plus bas possible et la lame lui arracha une mèche de cheveux en sifflant. L'atlante pivota sur ses talons, empêchant Manta de se jeter sur lui. Il se rapprochait un peu plus de Mera sur la plage tout en contenant le criminel. Arthur finit par sentir la morsure de l'acier sur son flanc. Il chancela, porta sa main à son bras en reculant. Ses doigts se mirent à rougir à cause de l'estafilade. Bien entendu cette égratignure avait été une diversion faite pour lui porter un coup plus avant. Manta avait visé son visage, offrant à Arthur une balafre sur un côté de sa bouche. Une futur cicatrice courte mais visible.

Arthur se redressa à nouveau, dans son geste il entrevit Mera qui saignait. Elle pouvait perdre l'enfant d'un instant à l'autre. Ce fut suffisant pour un déclic. Aquaman leva son trident. Il était tout à coup une image de la férocité élémentaire. Il se tenait les jambes plantés sur la plage, tous ses muscles tendus à l'extrême, ses traits figés en un masque de fureur mortelle. Ses yeux lançaient une sorte de haine comme si un voile de sang entier sur la plage n'allait rien y changer. Le visage d'Arthur afficha cet espèce de rictus féroce et sans joie qui avait inquiété tous les adversaires qu'il avait affronté jusqu'ici. Il murmura à travers ses lèvres tuméfiées et ensanglantées par le coup de Manta :

« Juste avant de crever, ton père a poussé un putain de cri désarticulé. Toute la fierté qu'il avait de lui même l'a complètement déserté. Et pourtant il en valait 100 comme toi. Imagine à quel point ta mort sera encore plus pitoyable en comparaison. »

Aquaman le chargea. Un mouvement inexorable que Manta n'aurait pu immobiliser malgré tout son savoir faire. La hampe du trident d'Arthur le heurta au torse, et son poing s'abattit sur son casque dans un fracas brutal. Si Kane n'avait pas été muni du fameux casque, Curry l'aurait laissé par ce seul coup avec une bouillie de dents brisées qui crache une écume de sang et de salive. Arthur continua sa course en abandonnant Manta. Il parvint enfin jusqu'à Mera. Il se recroquevilla sur elle. Il était figé rien qu'à la vue du sang qui s'écoulait au niveau de ses cuisses. Les deux mains raidies par l'angoisse, il arracha les liens qui retenaient captive la xebelienne avant que son ennemi ne remette ça toute griffe dehors.