Une rencontre particulière et une nouvelle amie ! (Pv avec Zatanna Zatara)

Quoi de mieux qu’un verre pour se changer les idées ? Comme elle se faisait cette réflexion beaucoup plus souvent qu’avant, Zee commençait à comprendre comment le cerveau imbibé de certains fonctionnait. Ne plus supporter les quatre murs d’une maison vide où erraient des fantômes, elle était habituée. Elle avait fui le manoir de son père après sa mort – sans pour autant se résoudre à le vendre – rien que parce qu’elle ne supportait pas de ne pas entendre sa voix ou ses pas tous les jours. Annuler des spectacles de magie, c’était plus inhabituel de sa part, mais elle n’en avait pas vraiment besoin pour vivre, en vérité, et si avant, elle se serait sentie coupable d’abandonner son public, en ce moment, elle ne voulait rien devoir à personne. Il suffisait de se dédouaner de toute culpabilité et de toute responsabilité. C’était facile, du moins ça en avait l’air. De même que faire taire la petite voix qui tentait sans cesse de lui faire comprendre à quel point elle était stupide et puérile, en ce moment. Toujours est-il que, après être passé saluer Barry, elle avait simplement marché quelques minutes dans les rues de Central City, jeté un coup d’œil à l’heure et estimé qu’il était bien dix-neuf heures quelque part sur la Terre, de sorte qu’elle entra dans le premier bar venu histoire de faire une pause. Sentiment paradoxal de vouloir être seule, mais de vouloir l’être en groupe, entourée d’autres personnes tout aussi seules qu’elles. Certains disaient que le malheur se supportait mieux à plusieurs, mais elle n’était pas d’accord. Elle voulait juste repousser d’une heure ou deux tout ce qu’elle était censée faire en tant que Zatanna Zatara. Alors qu’ici, dans ce bouge, elle pouvait être Mlle Personne.

Elle entra dans le bar discrètement, jetant un coup d’œil à la cour des miracles. Rien de bien méchant, rien d’anormal, rien de bizarre. Rien à voir avec les horribles troquets de Gotham, et pas non plus d’enfants braillards ou de scène avec un karaoké. Cette pensée la fit rire toute seule. Elle se dirigea droit vers le comptoir, dépassant un type assis tout seul à une table en train de boire et de regarder une photo. Cette scène seule suffit à la renseigner sur l’état moral du bonhomme. Personne d’heureux ne venait boire tout seul en tête à tête avec une photo. En d’autres temps peut-être qu’elle se serait incrustée à sa table pour lui faire la conversation, lui changer les idées. Ces temps-ci, elle se sentait d’humeur moins philanthrope. Elle s’assit au bar et commanda trois shots de tequila qu’elle aligna devant elle pour les observer un moment. À quoi pouvait-on boire quand on était seul ? La paix dans le monde ? Why the hell not ? Elle leva un verre et le goba d’une traite – à la paix dans le monde, donc.

Elle tourna légèrement sur son tabouret de bar pour s’abîmer une nouvelle fois dans la contemplation des clients. Trois types autour d’une table ici, à parler à voix basse. Un vieux l)-bas, le nez dans sa chope vide, qu’il posa devant trois autres chopes vides. Deux piliers de bar au comptoir comme elle, les yeux à moitié fermés, dodelinant de la tête. Des jeunes en groupe sur deux tables en train de rire. Rien de bizarre. Rien d’anormal. Son regard se porta de nouveau sur le type en tête à tête avec sa photo. De tous, c’était lui le plus étrange. Mais peut-être qu’elle l’était aussi. Elle se saisit d’un second shot et le but à son tour. À la fin de la guerre dans le monde. Et à ce rythme, elle n’aurait plus de raison de trinquer.

À force d’observer les gens et surtout le type qui buvait tout seul en regardant une photo, les yeux dans le vague, Zatanna ne put s’empêcher de capter des conversations. Quand ça parlait d’événements bizarres, forcément, ça attirait sn attention, ou peut-être qu’elle était biaisée et que la moindre étrangeté lui paraissait tout de suite appartenir au monde de l’occultisme. Mais tout de même, une petite fille qui avait disparu… Cela aurait pu être n’importe quoi, et surtout un boulot pour la police, mais quand le mot « créature » fut prononcé, elle soupira en hochant la tête. Elle pouvait aussi bien rentrer chez elle et faire comme si elle n’avait rien entendu. Ou pas. En voyant le type tout seul réagir lui aussi, se lever et partir, elle se dit qu’elle pouvait autant aller jeter un coup d’œil. Comme il allait dans la même direction que lui, elle finit par comprendre qu’il avait eu la même idée qu’elle… Mais tout le monde ne pouvait pas s’improviser super-héros. Même pas elle, alors lui ? Qui était ce type et que pensait-il pouvoir faire ? Eh bien, elle verrait bien…

Il entra dans la maison, et elle le suivit en silence, le pas léger. La bâtisse n’était plus habitée, les murs écaillés étaient pourris et humides, le mobilier vieux et brisé. Elle repéra du sang. Et sentit une forte présence occulte. Comme des traînées noires et invisibles dans l’air, poisseuses et dégoûtantes. Un démon. Son cœur battit plus vite. Avant, elle aurait seulement froncé le nez, et plus vite on mettait le feu à cette engeance, mieux c’était. Mais désormais, tout démon qu’elle croisait était une potentielle mine d’informations. Elle s’avança dans un couloir, passa une porte, entra dans le salon et tomba sur l’inconnu. Lequel se retourna vers elle, une arbalète à la main. Elle faillit sourire. Une arme humaine. Et si futile s’il y avait vraiment un démon dans cette maison… « Ne vous en faites pas pour la demoiselle, elle sait ce qu’elle fait. Et vous aussi j’imagine si vous êtes venu jusqu’ici. » Elle contempla le salon, les murs souillés de sang. Quelque chose de terrible était arrivé ici, et arriverait encore si personne ne faisait rien. « Vous devriez pointer votre truc ailleurs, je ne suis pas venue vous attaquer. Il y a quelque chose qui se cache ici, mais j’imagine que vous le savez déjà. » Il n’était quand même pas venu ici par hasard.

Zatanna était toute prête à désarmer cet inconnu, qui pointait sur elle de façon fort impolie son arbalète, mais elle n’en eut pas besoin. De lui-même, il rangea son arme, avant de reprendre ses activités, puisqu’il semblait être venu ici pour une raison précise… et vu ce qui s’était passé dans cette maison, la magicienne se doutait bien pourquoi. Il n’était pas venu faire le ménage. Non, elle avait affaire à un flic, ou un privé, ou un magicien, comme elle. Ou encore un prêtre – on ne savait jamais où ils fourraient leur nez, ceux-là. L’inconnu le renseigna de lui-même sur le pourquoi de sa présence ici. Magie, donc. En revanche, elle esquissa une grimace en l’entendant parler de faire de la magie alors que ce n’était « pas son truc ». Déjà qu’utiliser ce genre de pouvoir quand on était un expert représentait toujours un risque et avait toujours un coût… Elle était censée s’inquiéter, non ? Le surveiller un minimum ? Il avait des pensées suicidaires ou quelque chose comme ça ? S’il faisait exploser la maison et le quartier avec, elle n’en mènerait pas large.

Alors qu’il quittait le salon, Zee fit le tour de la pièce, effleurant les murs, les meubles, un bibelot par-ci par-là pour tenter de s’imprégner de l’énergie sombre et gluante qui s’était déchaînée ici… Cela lui donna des frissons. La violence, la souffrance, quelque chose d’horrible, qui avait attiré jusqu’ici deux magiciens, rien que ça… Là-dessus, l’inconnu débarqua de nouveau dans le salon, une expression satisfaite sur le visage. Elle regarda sa trouvaille, restant en retrait alors qu’il lançait son sort, curieuse de voir de quelle nature était sa magie. Occulte, définitivement. Magie noire, un peu, sur les bords. Maîtrisée, malgré ce qu’il avait prétendu. Elle suivit la brume du regard, la vit prendre forme, prendre vie et rejouer une scène banale d’un quotidien tout aussi banal, du moins avant que l’horreur ne frappe. Elle poussa un soupir exaspéré en voyant le démon commettre son massacre et emmener les enfants. Elle ne le reconnaissait pas, et probablement que John ou Jason auraient pu l’identifier. « Ce n’est jamais simple, quand des enfants sont impliqués… » murmura-t-elle. Elle doutait qu’ils soient encore en vie. Mais ce n’était pas une raison pour ne rien faire.

Elle s’avança dans le salon, là où s’étaient tenus les enfants, et particulièrement le plus petit. Elle avait vu, sur l’image formée par la fumée, qu’il agrippait contre lui un lapin en peluche tout usé par les câlins. Elle poussa quelques débris du pied et trouva la peluche. Elle la ramassa, en chassant la poussière, mais pas le sang qui l’avait taché. « ecaffE el gnas iul-sdner as étuaeb natna'd. » Le sang disparu enfin et le lapin reprit son apparence d’avant l’attaque, tout mâchonné, mais propre. Le petit garçon y était très attaché – un lien réel pouvait se créer entre les gens et les objets, particulièrement avec les enfants. Elle caressa une des oreilles, puis murmura : « iom-ertnoM ùo tse not ima. » La peluche s’agita entre ses mains et Zee la sentit dégager une énergie subtile, celle du petit garçon. Comme un fil ténu, elle pouvait sentir cette énergie s’étirer à travers le salon, la maison, la rue, la ville… Zatanna jeta un coup d’œil au magicien. « Je peux nous amener là où est le petit garçon. Vous voulez venir ? » Elle ne doutait pas que la réponse soit oui. Il lui suffisait d’ouvrir un portail dimensionnel et ils arriveraient sur place. Même si l’enfant était peut-être déjà mort.