There are no secrets that time doesn't reveal ⚔ Luka

C'était ... C'était assez étrange et déconcertant que de ressentir ce genre de sentiments et de sensations à son âge. On aurait beau le charmer, le brosser dans le sens du poil ou bien encore vouloir être dans ses petits papiers, cela ne changerait absolument jamais rien à son âge réel. Un décompte qu'il ne criait pas sur tous les toits, sans que cela n'ait quoi que ce soit à voir avec un quelconque orgueil qu'il refuserait de froisser. Il assumait son âge, Jason, ce n'était pas ça le problème. En réalité, le souci principal, c'était ensuite de faire comprendre aux gens comment Diable il était possible qu'il puisse réellement avoir franchi la barre des 5000 ans, quand, vu de l'extérieur, on ne lui en donnerait sans doute même pas encore 40. Voyez-vous, il y a des choses dans la vie qui créent de grandes nécessités d'explications supplémentaires. Là où certaines réponses ne pouvaient que soulever un fatras de nouveaux questionnements. La vérité, pure et dure, de toute façon, lui-même ne la connaissait que depuis peu, et encore ... Et encore, parce qu'il s'avérait qu'il continuait encore à en apprendre tous les jours. Preuve en était aujourd'hui même. Quand les choses étaient parties a volo dans cette étrange réalité, bien des éléments de son existence s'en étaient trouvés perturbés, et pourtant, il n'avait pas perdu le sens commun de la réalité, la vraie de vraie. Il avait donc dû se défaire des chaînes physiques et mentales qui l'entravaient pour pouvoir rejoindre sa sœur jumelle à Themyscira. Et ce n'était pas par couardise ou manque d'envie qu'il ne s'était pas joint à Diana pour remettre un peu d'ordre. D'une part, les Amazones, qui n'avaient absolument jamais entendu parler de lui dans cette réalité là, s'étaient sans doute en partie senties soulagées de pouvoir le garder sous surveillance et de l'avoir à l’œil. Sa propre tante, Antiope y compris, et ce alors qu'elle était bien la seule à savoir qu'il était impossible qu'il puisse mentir en se disant fils de la Reine Hippolyte.   Après tout, c'était elle qui l'avait enveloppé dans des langes avant de le confier au Dieu de la Forge, Héphaïstos, qui, comble d'un hasard pas si hasardeux que ça compte tenu de leur priapique de géniteur, se trouvait être son demi-frère, ou plutôt l'un de ces nombreux êtres, entièrement divins ou pas, qui partageaient avec lui le même père, à savoir Zeus lui-même. Et puis, d'autre part, Jason s'était fait un devoir de veiller sur sa nièce, de rester auprès d'elle. Une façon d'être utile, à sa manière, et de pouvoir conserver un bout de Diana auprès de lui. Et ce même s'il éprouvait un réel attachement envers Ophelia et que cela n'était en rien un transfert affectif.

Quoi qu'il en était, le fait était, aujourd'hui, que tout était rentré dans l'ordre, et que ... Et que, malgré tout, le demi-dieu tirait du bon de cette expérience tout de même plus qu'un peu amère. Il avait réellement pu passer du temps auprès de sa chère nièce, et, voyez-vous, cela avait réveillé en lui certains instincts qu'il avait enterré depuis longtemps et desquels il pensait réellement s'être débarrassé pour toujours depuis longtemps. Certaines des paroles échangées avec Diana n'avaient pu que faire écho à tout ceci, sans parler du fait que, d'aussi loin qu'il le savait, cette foutue Graal représentait encore une menace, pour lui comme pour tout descendant de Zeus. Ce qui était quelque peu amer, également, c'était qu'en réalité, le fait d'avoir sa propre famille n'avait jamais été une option qu'il avait viré du paysage juste parce qu'il n'en avait pas envie. Ou disons plutôt que si cela émanait réellement d'une vraie volonté de sa part, celle-ci tenait plus au fait qu'il avait refusé d'être égoïste que par pur dédain. Il était immortel, Jason, et il le savait. Il avait sillonné le monde et traverser l'Histoire depuis bien des siècles déjà. Et il avait donc vu et revu des êtres auxquels il s'était attaché vieillir puis périr, quand lui était resté toujours aussi jeune et toujours aussi bien vivant. Certains avaient péri de leur belle mort, d'autres dans des circonstances plus tragiques, mais d'une façon ou d'une autre, ils étaient morts. Alors, comme se faire aimer d'une femme, lui donner des enfants et la voir s'étioler chaque jour un peu plus ? Cela aurait été cruel de sa part que de priver un être d'un mariage avec quelqu'un qui partagerait le même destin, et qui vieillirait vraiment à ses côtés ? Comment se permettre de perturber des enfants en ne vieillissant jamais et en devenant un jour physiquement plus jeune qu'eux ? Et puis, surtout, comment ne pas représenter un risque pour eux, quand on connait la marâtre qui sert d'épouse à son géniteur, et qui ne manquerait sûrement pas d'une occasion de continuer de ruiner la vie des descendants de ceux que Zeus avait osé avoir, selon elle, avec la Reine des Amazones elle-même, à savoir Hippolyte ? Mais peut-être que, dans le fond, il y avait tout de même eu une part d'égoïsme là-dedans, pour s'éviter à lui-même de souffrir ...

Ce qui était très perturbant, c'était aujourd'hui de se retrouver devant cette porte, depuis au moins un quart d'heure déjà, sans savoir s'il devait frapper, ou s'il serait plutôt mieux qu'il fasse demi-tour. De l'autre côté, il y avait de fortes probabilités que se trouve l'un de ses descendants. Il avait le bras long, Jason. Ou plutôt avait-il suffisamment de bagages pour avoir des connaissances dans bien des domaines, et pour pouvoir disposer d'un certain nombre de contacts utiles qu'il pouvait alors faire jouer en cas de besoin, ou quand on lui devait un service. Même si encore fallait-il savoir par où commencer, quand on a autant de millénaires au compteur que lui, et qu'on a vécu la belle vie de globe trotteur sans non plus vivre comme un ermite abstinent et raisonnable. Et ce n'était pas vraiment comme si on pouvait dire que son cher père l'avait bien aidé, dans ce domaine, quand il lui avait demandé un coup de pouce, et ce même si, clairement, Zeus le lui devait bien ! Et ce bien qu'il lui ait tout de même lâché un indice. Au début, Jason avait clairement cru que Zeus se foutait de sa gueule en se payant même le luxe de l'insulter. Mais a posteriori, il avait compris que tout ceci tenait surtout de l'incompréhension due à un manque de volonté de son divin père de bien articuler. Alors, à la place de ce qu'il avait initialement compris, à savoir « Faux Con », Jason s'était réorienté vers le terme « Faucon ». Quoi qu'au début, cela ne l'avait pas vraiment aidé, et ... Et disons qu'il lui avait fallu quelque gymnastique de l'esprit pour finir par comprendre qu'il devait effectuer quelques traductions, et donc s'orienter vers la piste yougoslave. Ce même pays où il avait un peu atterri par hasard, au cœur de cette période complexe et tendue, dans cet espèce d'entre-deux bâtard et hybride faisant le pont entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et le début de l'ère communiste dans cette partie là du monde. Oh, mais les ennuis et les emmerdements d'esprit ne s'étaient pas arrêtés là, pour lui. Autrement dit, il ne pourrait pas dire qu'il se retrouvait par hasard devant cette porte, et qu'il tendait son coup au petit bonheur la chance. La piste avait été tortueuse, et la remonter lui avait coûté, surtout émotionnellement, car cela l'avait placé face à sa propre part de responsabilités. Lui faisant aussi réaliser que ce n'était pas parce qu'il n'en avait rien su et que, donc, il n'avait jamais fait partie de la vie de son fils que le monde s'était arrêté de tourner pour ce dernier, sa mère et sa famille, loin de là, même. Alors ... Alors, il n'avait aucune idée de la façon dont il serait reçu par cet arrière-petit-fils qui devait tout ignorer de lui, et qui pouvait sans doute en savoir si peu sur la réalité de ses origines. Il sortait de l'ombre comme un diable bondissait hors de sa boîte, Jason. Il avait déjà fait le coup à Diana, et ... Et disons que les débuts avaient été très froids, très compliqués et très périlleux. Allez, au pire ... En réalité, ce ne fut qu'après s'être brusquement décidé à sonner qu'il réalisa qu'il n'avait ni plan d'attaque, ni projet de replis. Oh oh ...

Qu'est-ce qu'on est censé dire, dans ces cas là ? Par où doit-on commencer ? Quel ton doit-on utiliser ? Faut-il y aller en douceur, tourner autour du pot pendant des heures, ou bien encore être direct, aller droit au but sans prendre de gants et sans chercher à ménager son interlocuteur ? Est-ce qu'il faisait ça uniquement pour lui, ou y avait-il également une réelle volonté de sa part de combler un manque ? Il ne connaissait rien de cet arrière-petit-fils qui était visiblement le sien. Rien, ou presque. Il ne savait pas ce qu'on avait bien pu lui dire et lui raconter au sujet de cette famille maternelle restée au pays quand sa propre mère avait fui. Il ignorait s'il savait ce qui s'était passé, si on l'avait informé du fait que son grand-père avait grandi sans père, ou si, au contraire, on avait comblé les trous et les manques pour lui, en brodant un récit où le mensonge flirtait avec la volonté de ne pas faire de la peine. Quoi qu'il en soit, maintenant, c'était trop tard pour faire demi-tour. Il arrivait de toute façon bien trop tard pour recoller les morceaux avec celui qu'il aurait fallu. Son fils n'était plus, et ... Et il n'y pouvait rien. Ce qui ne le dédouanait pas entièrement de cette responsabilité qui était tout de même la sienne. Car Jason était suffisamment bien placé pour savoir qu'on pouvait reprocher bien des choses à ceux qui auraient dû savoir et qui n'avaient pas su. Et ce même si ces personnes avaient été prises involontairement dans cette situation, et qu'elle n'avait pas jouer au fameux jeu du "j'ai rien du, j'ai vu, j'ai rien entendu" ... Après tout, lui-même était né dans le mensonge et la dissimulation, et lui-même avait souffert de ne pas avoir vu qui de droit venir vers lui pour lui révéler toute la vérité au sujet de sa filiation. Mais ... Mais, d'une certaine façon, le laps de temps passé entre la procréation de ce fils qui avait été le sien et sa présence à lui, là, sur le palier de la porte de l'appartement de son arrière-petit-fils, et bien cela ne représentait rien comparé au nombre d'années où lui avait attendu la vérité, et où lui en avait été en quête. Mais certaines choses ne se comparent pas, par décence. En attendant ... En attendant, encore une fois, inutile de vouloir faire demi-tour. Inutile, parce que, visiblement, il n'était désormais plus seul sur ce palier, et que c'était bel et bien à lui qu'on s'adressait.

« Bonjour ... Et bien ça dépend de qui vous êtes ... » Il ne lui avait pas répondu comme un pauvre con, certes, parce qu'il lui avait quand même dit bonjour, et parce que son ton était resté plutôt engageant, et qu'il n'avait pas adopté sa posture de querelleur des forges, comme disaient ses anciens camarades forgerons, mais maintenant que ses mots étaient sortis de sa bouche, et bien ...

Maintenant qu'il les avait balancés, ses mots, par réflexe et presque du tac au tac, il se dit qu'il aurait mieux fait de les ravaler. Ou plutôt, il se dit qu'il ne s'y prenait pas exactement comme il fallait, dans ce genre de situation, et qu'il aurait dû répondre autre chose. Mais il était quand même vrai qu'il ignorait qui était le type face à lui. On lui avait fourni des infos, mais pas de photos. Et puis, maintenant qu'il prenait mesure de la situation, il se disait que tout ça, c'était certainement pas le genre de truc qu'on révèle de but en blanc sur le palier d'une porte, alors qu'il peut y avoir des voisins qui épient derrière leur propre porte, des mères commères qui se feront un plaisir de tout répéter en déformant les choses, et des sales cons qui profiteraient de la moindre brèche pour vous faire chier. Lui, il s'en fichait un peu le concernant lui. Il ne vivait pas là. Mais si l'homme qui se tenait face à lui était celui là même qu'il était venu voir ... Ouais, pas cool de lui pourrir la vie si en plus, la nouvelle qu'il avait à lui annoncer ne l'enchantait guère. Alors, il se reprit, en commençant déjà par ressortir les mains de ses poches de veste en cuir, puis en soufflant un bon coup, avant de se lancer. En espérant que les mots lui réussiraient plus, cette fois-ci.

« Je cherche Luka Rafael Falko Corleone. Je ... » Quoi ? Lui annoncer qu'il avait connu son arrière-grand-mère ? Dans les faits, ça avait du sens, mais remis dans son contexte, ça n'en avait plus trop. Parce qu'après tout, il avait encore la gueule d'un trentenaire, alors que celle qu'il avait aimé serait bien plus âgée, physiquement, si elle était encore de ce monde. Allez, on recommence Jason. En étant moins cryptique cette fois-ci. « J'aimerais lui parler, en fait ... Ou "vous" parler, si vous êtes Luka. »

Tout ceci était quand même un sacré imbroglio. Mais, dans le fond, qu'est-ce qui ne l'était pas dans la vie de Jason ? On ne pouvait en effet pas exactement dire que tout dans son existence avait toujours été d'une normalité et d'une banalité sans bornes. Il était d'une union des plus particulières, avait vécu dans l'ignorance de la réalité de ses origines pendant bien longtemps, s'était découvert des ramifications familiales sans commune mesure, et pour finir, il avait été plongé tout entier dans de drôles de péripéties depuis qu'il avait découvert qui se trouvait être sa sœur jumelle. Pendant longtemps, pour en rajouter une couche, il avait voyagé à travers le monde sans s'attacher sentimentalement à qui que ce soit, ou plutôt sans se poser dans une relation amoureuse longue et viable. Le résultat était là : il avait fini par avoir un enfant, et peut-être en avait-il même d'autres, et il n'en avait rien su pendant bien longtemps. Sans doute aurait-il dû s'y attendre, à force de tenter le Diable et de multiplier les liaisons. Quoi qu'il en était, la situation présente était elle aussi très compliquée, mais Jason ne voyait pas trop comment les choses pourraient être simples dans un tel contexte. Existait-il réellement une façon de s'y prendre meilleure que les autres ? Était-il possible de faire les choses en douceur sans que personne ne voit sa vie en être bouleversée ? Il avait pris une profonde respiration avant de s'adresser au jeune homme, et pourtant, c'était comme s'il sentait que tout son organisme était en manque d'oxygène, et cela lui tournait un peu la tête, à dire vrai. Il avait besoin de se donner du courage, et il avait sur lui ce qu'il fallait pour ça. Sauf que de dégoupiller directement sa flasque de whisky et s'en enfiler une rasade d'un coup d'un seul, cela le ferait sans doute moyen. Mais il était de plus en plus perdu, et perturbé, entre ce qu'il devrait dire et faire et la conversation qui s'était engagée.

« Gladys ? Je n'ai aucune idée de qui il s'agit ! » Un instant, il s'interpella sur l'image qu'il pouvait bien renvoyer de lui-même. Est-ce que le type face à lui le prenait pour un demeuré, ou est-ce qu'il cherchait réellement à l'aider ?

Sérieusement, ils étaient tous deux mal barrés si tous deux ne se comprenaient absolument pas. Mais il fallait tout de même bien reconnaître que c'était à Jason d'éclaircir la situation car, après tout, c'était lui qui s'était pointé en ayant un truc à dire. Son interlocuteur, lui, se contentait de vouloir rentrer chez lui, sans rien avoir demandé ! Sauf qu'en tentant de préciser les choses, le demi-dieu ne semblait absolument rien avoir éclairci. Ou tout du moins s'il lui semblait à lui avoir enfin de quoi mieux percevoir les choses, puisque son vis-à-vis ne l'avait absolument pas rembarré en lui disant qu'il se trompait de personne, pour l'autre type, c'était tout sauf bien plus clair ! Et même, voilà qu'il adoptait une posture bien plus tendue et soupçonneuse. Ce qui n'arrangeait rien.

« Waller ? C'est le mari de Gladys ? » Il était paumée, perdu. Ouais, il avait même l'impression d'avancer dans les sables mouvants, d'en avoir jusqu'au cou et de commencer à suffoquer. C'étaient quoi ces conneries ?

Il sortit sa flasque d'alcool fort de la poche intérieure de sa veste, avant de fermer les yeux. Comme pour faire le vide dans sa tête, parce que là, il y avait un sacré bordel, et ça partait en tous sens. Voilà, bon, il pensait avoir mis la main sur le bon type, à savoir son descendant, une pensée qui, à elle seule, lui donnait un sacré tournis, mais il se trouvait que le dît descendant, lui, ne semblait absolument rien capter. Prenant alors une bonne lampée d'alcool, en avalant un brin de travers, Jason manqua de tout recracher, non sans être pris d'une sacrée quinte de toux. Quand tout se calma, et qu'il posa le regard sur Luka, cela l'incita à se refaire une bonne rasade de whisky, parce que, sérieusement, la situation s'engageait très mal, et qu'il se sentait perdre tous ses moyens. Il ne cherchait en rien à impressionner son descendant, il voulait juste lui dire la vérité, et ce sans qu'on la lui ait demandée, mais, oui, tout partait en tous sens, et il ne pouvait plus rebrousser chemin. Surtout parce que Luka semblait ne pas trop apprécié la conversation, et que Jason doutait fort qu'il laisse tomber simplement si Jason décidait de se barrer à cet instant, et ce bien qu'il n'avait absolument aucune idée de ce qui se tramait dans l'esprit de son interlocuteur. Il y avait confusion et erreur sur la motivation de Jason, certes, mais de là à ce qu'il comprenne lui-même toute la situation. Évidemment, à force de s'enfiler cul sec tout le contenu de sa flasque, cela n'allait pas dans le bon sens, ni pour améliorer la situation, ni pour son propre organisme. De quoi lui donner un sacré haut le cœur. Et avant que la catastrophe ne s'échoue sur les pieds de Luka, ou même sur les propres siens, Jason s'élança vers la trappe du vide-ordure pour y vomir un bon coup. Cela ne lui ressemblait pas, lui qui avait une endurance divine à toute épreuve, mais disons que l'anxiété de la situation combinée au fait qu'il s'était tout enfiler sans grande pause et qu'il avait chaud et était mal à l'aise de base, et bien ... Et bien, tindin, comme on dit, hein ... S'essuyant la bouche et reprenant son souffle, il balança la flasque dans le vide-ordure avant de se reprendre.

« Ok, je crois qu'on est partis sur de très mauvaises bases, et c'est par ma faute, je crois bien ... » Tout était confus, et il ne pouvait pas faire pire, n'est-ce pas, alors autant y aller direct, sans prendre de gants, parce que, de toute façon, Luka ne pourrait pas tout prendre avec blase ? « Je ne connais pas du tout Gladys, ou ce dénommé Waller. Personne ne m'envoie, je viens de mon propre fait. Et si ça vous semble complètement improbable, alors la suite va vous paraître encore plus ubuesque. Parce que, là, comme ça, vous me donnez quoi ? 30, 35 ans ? Allez, 40 à tout casser. Je suis bien plus vieux que ça. Et j'ai connu l'une de vos arrière-grand-mères, il y a plus de 70 ans. Y a aucune bonne façon de vous annoncer ça, mais on a eu un fils ensembles, un fils dont j'ignorais l'existence. ... Je suis votre arrière-grand-père Luka. »

Peut-être que Jason vivait dans un autre monde. Par Zeus, sans vouloir offenser son paternel cependant, il venait même complètement d'un autre monde ! Une existence qui n'était en rien issu d'un univers parallèle venu s'entrechoquer avec cette réalité-ci, cependant, pas plus que lui-même n'avait effectué un mystérieux voyage entre diverses dimensions. Du moins, cette récente et assez déstabilisante expérience mise à part, quand la timeline s'était emmêlée les pinceaux et que Jason avait dû faire avec une réalité au sein de laquelle sa mère n'était plus en vie, contrairement à sa tante Antiope et à bien d'autres personnes. En réalité, ce qui devait sans doute expliquer le léger déphasage qu'il expérimentait et ne pouvait que renvoyer à la figure de Luka, bien involontairement, c'était le fait qu'il était vieux, si vieux, et que, pourtant, tant de nouvelles informations, récentes, venaient encore s'entrechoquer en lui, et que c'était le bordel, et qu'en plus de ça, il devait veiller à ne se prendre les pieds dans aucun fil qui traînait et dans aucun tapis. Parce qu'annoncer de but en blanc que l'on a plus de 5000 ans, ou répondre, quand on vous complimentait sur votre apparence, que, non, vous n'aviez pas un physique de dieu grec, mais plutôt de demi-dieu grec, parce que votre père se nommait Zeus et que votre mère, Reine des Amazones, n'était pas mal non plus dans le genre !, et bien ce n'est pas le genre de truc à faire quand la majorité de l'humanité ne sait pas encore trop sur quel pied danser. Les humains avaient visiblement encore bien des difficultés à savoir quoi penser de tout ça, quand leurs certitudes centenaires se retrouvaient plus que bouleverser et mises à bas avec l'apparition de plusieurs métahumains dans le paysage, voire même d'êtres venus d'autres planètes et d'autres dimensions ! Pour Jason, rien de trop choquant ni de trop surprenant, mais il pouvait comprendre le trouble et la déstabilisation, même s'il avait lui-même ses petits chocs à gérer et à encaisser. Et si Diana pouvait se raccrocher à son époux et à leur fille pour tenir le cap, et bien lui devait trouver d'autres façons de faire, bien qu'il savait très bien que sa cousine ne le laissait pas en plan, et qu'il pouvait aussi compter sur plusieurs autres personnes.

Bref, il était un peu pommé, oui, concernant Waller, en partie parce qu'il n'avait pas qu'elle en tête, et aussi parce qu'il pensait à des choses bien plus importantes à ses yeux, même si ce n'était jamais qu'une question de perception et de graduation toute personnelle. Mais les informations se recoupaient tout de même progressivement dans son esprit. Enfin, il l'espérait. Mais c'était quand même qu'il avait passé pas mal de temps sur Themyscira, et que, du coup, et bien, le reste ... Il le savait très bien, mais le monde ne s'arrêtait pas de tourner juste parce que vous preniez du recul ou vous retrouviez quelque peu coupé du monde. Et comme ces changements, il ne les sentait pas encore trop se répercuter sur lui ... En même temps, qui, au gouvernement, était conscient de qui il était réellement ? En vrai, il s'inquiétait bien plus de la menace qui planait sur sa tête, ou sur celle de Diana, de sa nièce, et de tous leurs demi-frères et demi-sœurs, tout ça parce que Graal s'était mise en tête de buter tous les descendants de Zeus. Et c'était en partie pour ça qu'il se ramenait face à Luka aujourd'hui. Car il était persuadé que, dans le fond, cette fameuse Amanda Waller pesait bien peu face à la menace que représentait Graal ... Mais il avait quand même besoin de se donner du courage, et ce bien que, du coup, sa prestance devait s'en prendre un sacré coup ! Sans parler du fait que tout ceci ne semblait en rien pousser Luka à adopter une posture moins fermée, bien qu'il semblait encore l'écouter et qu'il n'avait pas encore décider de rentrer chez lui en le laissant sur le perron et en lui claquant la porte au nez. Ce que Jason percevait comme une bonne chose, à défaut d'y voir de réels signes encourageant. D'autant plus que son cher descendant décida finalement de ne visiblement pas croire un traitre mot de ce qu'il venait de lui annoncer. Jason ne voyait pas trop ce qu'il y avait de drôle à tout ça. Après tout, évoquer Valentina n'était en rien amusant pour lui, qui ne pouvait que se retrouver face à ses regrets et sa culpabilité. Et aujourd'hui, ce n'était pas auprès d'elle qu'il pouvait recoller les morceaux, pas plus qu'auprès de leur fils, tous deux décédés. Mais il y avait Luka, cependant, et la mère de celui-ci. Mais visiblement, toutes les bonnes choses ont une fin, même pour Luka, et même si, au final, Jason ne voyait pas trop ce qu'il y avait de bien dans sa réaction. En tout cas, le jeune homme en avait visiblement fini de rire, et renouait avec son attitude et son ton précédents, bourrus et taciturnes, et plus du tout amusés et rieurs. Il n'avait pas l'air commode, Luka, mais c'était peut-être une bonne chose. Même si Jason n'acceptait en rien de reculer et de s'en aller. C'était important, et il fallait que son arrière-petit-fils le comprenne.

« Je n'ai nullement l'intention d'aller où que ce soit. Pas quand c'est une question de vie ou de mort. » Lui-même adoptait finalement une attitude bien moins équivoque, campant autant sur ses positions que sur ses deux pieds, et exposant sans doute enfin une partie de son vrai visage, ou tout du moins une partie de la force de son caractère. « Tout ceci n'est en rien une plaisanterie, et cela nous dépasse tous deux. Croyez-moi, je ne suis pas le genre de personne à faire des blagues stupides, et encore moins à me foutre de la gueule de qui que ce soit concernant le sujet de la famille. Sans doute parce qu'on s'est bien foutu de ma gueule pendant des plombes. Pendant plus de 5000 ans, en fait. J'ai bien connu votre arrière-grand-mère, Valentina, dans un pays qui s'appelait encore la Yougoslavie. Je ne savais pas qu'elle attendait un enfant quand je suis parti, et ... Merde ! Je comprends que cela n'a pas de sens pour vous mais ... Vous savez très bien que des tas de choses dépassent l'entendement, ces derniers temps. Et bien considérez que ça, ça en fait partie. Et ... Je sais que ça ne se fait pas de mettre l'âge d'une femme sur le tapis, mais j'ai exactement le même âge que Wonder Woman, et vous savez qu'elle n'est en rien une menteuse. Qu'elle est celle qu'elle dit être, la Princesse de Themyscira, tout ça tout ça. Elle et moi, nous avons exactement le même âge parce qu'il se trouve que nous sommes jumeaux. Et vous, vous, vous êtes mon arrière-petit-fils. Et je viens pas vous annoncer ça pour déconner ou pour foutre le bordel dans votre vie, pas plus que j'essaie de me racheter une conduite, alors que ... Y a une saloperie de dégénérée qui traîne dehors et qui veut dézinguer tous les descendants de Zeus. Désolé, mais, du coup, vous faîtes partie du lot. ... Maintenant ... Maintenant, vous croyez ou pas. Maintenant, on continue de discuter de tout ça sur le pallier, ou alors vous me faîtes rentrer chez vous. »