cold hand, broken soul (Diana)

« Papa ? » Diana soupire doucement en déposant Ophelia dans son lit. Penchée au dessus d'elle, elle caresse ses boucles sombres avec toute la tendresse dont elle est capable, un sourire rassurant étirant ses lèvres. « Papa n'est pas là ce soir, ma princesse. Mais c'est promis, il viendra te voir dès qu'il sera rentré. Papa est très occupé... Mais il viendra te voir pour te faire un câlin. Tu peux t'endormir, ma petite Amazone... » Ophelia la fixe de ses grands yeux verts pendant une poignée de secondes, et Diana déteste l'inquiétude qu'elle peut lire en eux. « Papa viendra, je te le promets. » Comme si elle comprenait exactement tout, Ophelia soupire à son tour. « Doudou ? » Diana attrape la peluche renard laissée sur la commode à côté de son berceau et la tend à sa fille. Elle l'enlace étroitement et ne dit plus rien, ses yeux fatigués restent accrochés à ceux de sa mère. Sans cesser de caresser ses cheveux, Diana lui chante sa berceuse préférée, la même qu'Hippolyta lui chantait près de cinq mille ans plus tôt. Elle chante jusqu'à ce qu'Ophelia s'endorme et elle attend d'être certaine que son sommeil soit profond pour quitter la pièce. Elle ne ferme pas tout à fait la porte de la chambre en sortant, elle la laisse entrouverte pour pouvoir entendre Ophelia si elle venait à se réveiller avant le matin. Ou simplement parce que l'absence de son père l'angoisse trop pour qu'elle puisse dormir sereinement. Pendant une seconde, Diana est tentée d'aller la prendre pour qu'elle passe la nuit auprès d'elle. Elle se ravise vite, changer les habitudes d'Ophelia serait le meilleur moyen de l'inquiéter davantage. Mais du haut de ses seize mois, elle a bien compris que tout n'est pas comme d'habitude. Jason est de plus en plus absent en soirée, et sa nervosité n'a échappé ni à Diana ni à Ophelia. Et ni l'une ni l'autre n'en comprennent les raisons. Ses humeurs sont plus changeantes que l'océan et Diana ne parvient pas à comprendre ce qui peut bien avoir réveillé toute cette colère en lui. Il n'en a jamais après elle, mais toute cette rage qui semble sortie de nulle part n'est pas moins troublante pour autant. Oserait-elle utiliser son lasso sur lui, ou encore ses dons de déesse, pour qu'il lui avoue enfin de quel mal il souffre ? Plus les jours passent, et moins cette idée lui paraît extrême.

Le téléphone sonne, encore et encore, mais Jason ne décroche jamais. Les messages qu'elle lui envoie sont lus mais elle n'obtient aucune réponse, ni à ses questions, ni à ses supplications. La frustration de ne pas comprendre ce qui lui arrive se mêle à la peur qu'il lui arrive quelque chose dans les rues de Gotham. Depuis les collines, elle a l'air d'une ville comme les autres... Mais les apparences sont trompeuses, chaque nuit l'enfer se déchaîne. Diana laisse un dernier message vocal sur le répondeur de Jason avant de se décider à aller se coucher, vaincue et dépitée. N'ayant plus l'habitude de s'endormir seule, elle met une éternité à trouver le sommeil. Des pensées toutes plus sombres les unes que les autres se bousculent dans son esprit et plus d'une fois elle songe à enfiler son armure, déposer Ophelia chez Etta et à aller chercher Jason pour le forcer à lui dire ce qui ne va pas, une bonne fois pour toutes. Mais elle ne peut s'y résoudre. Son époux, elle le connaît sur le bout des doigts. Une confrontation brutale ne servirait à rien sinon à le braquer davantage. Que faire, alors ? Ses fuites sont de plus en plus fréquentes, de plus en plus longues et de plus en plus douloureuses. Diana n'est ni sotte ni aveugle, et elle suit nerveusement les actualités de Gotham. Après avoir presque disparu, Red Hood est de retour dans les rues et il est plus violent que jamais. Les criminels ont plus peur de lui que de Batman, parce que cette chauve-souris là n'hésite pas à tuer ceux qui le méritent. Des coups, Jason en prend autant qu'il en donne. Les hématomes fleurissent sur sa peau, elle soigne sans un mot les coupures et les entailles qui nécessitent une attention particulière, elle pousse vers lui les traitements qui apaiseront ses maux physiques... Et ses questions demeurent sans réponses. Quand Diana n'était encore qu'une jeune Amazone curieuse, elle ne cessait de demander à sa mère si les dieux prient, eux aussi. Aujourd'hui elle le sait mieux que personne, les dieux prient plus fort que toutes les autres créatures de l'univers.

Diana se réveille en sursaut, tirée de son sommeil sans songes brusquement. Le cœur battant à tout rompre dans sa poitrine, elle se serait empressée de saisir son épée laissée à côté du lit si elle n'avait pas reconnu la silhouette de Jason dans la pénombre de la chambre. Elle reconnaît immédiatement l'odeur métallique du sang qui lui monte à la tête et tâtonne pour trouver l'interrupteur de sa lampe de chevet. « Jason... ? » Son prénom est un murmure à peine audible et le reste de sa phrase reste bloquée dans sa gorge quand il lui montre sa main. Ce qu'il reste de sa main. Le choc est si violent que Diana – pourtant prompte à réagir – reste pétrifiée d'horreur. C'est tout juste si elle parvient à distinguer des doigts et un poignet dans la masse sanguinolente que son époux lui montre. La chair et les os sont à vif, le sang coule à flots et tâche la soie bleue de leurs draps et Jason est pâle, très pâle. Bane. Sa gorge se serre à l'annonce du responsable de ce carnage et son cœur se contracte douloureusement. Elle aurait dû obéir à son instinct, elle aurait dû... Elle ne peut pas se permettre de se focaliser sur les remords qui l'envahissent. Par pour le moment. Quand il bascule mollement sur le matelas, Diana retrouve le contrôle de ses membres et elle se précipite pour l'empêcher de glisser par terre. « JASON ! » Elle ne s'entend par hurler, mais les pleurs soudains d'Ophelia lui font comprendre qu'elle l'a fait. « Ne t'évanouis pas, ne t'évanouis pas, je te l'interdis, tu entends ? » Il faut qu'il reste conscient, au moins jusqu'à ce qu'elle parvienne à l'emmener à l'hôpital. D'un geste assuré, elle le tire sur le lit et l'y allonge et elle attrape le chemisier qu'elle a laissé sur le fauteuil de la pièce pour le nouer sous son coude pour qu'il ne se vide pas de son sang. « Qu'est-ce que tu as fait, mais qu'est-ce que tu as fait... ?! » Ses mains tremblent. Ophelia pleure de plus en plus fort. Et Jason porte le costume de Red Hood, elle ne peut pas le conduire ainsi à l'hôpital sans risquer de dévoiler son identité au monde entier.

Elle prend une profonde inspiration pour empêcher la panique de s'installer. Les Amazones ne s'affolent pas devant les blessures de leurs congénères, elles savent comment s'en occuper. « Parle-moi, Jason. Dis-moi n'importe quoi, mais parle-moi. » Elle immobilise tout son bras du mieux qu'elle le peut, mais le moindre de ses gestes doit provoquer chez lui une douleur insupportable. Les cris d'Ophelia lui serrent le cœur mais elle ne peut s'en préoccuper tant que Jason sera dans cet état. « Il faut que je te retire ton uniforme. Je ne peux pas t'emmener à l'hôpital comme ça... » Elle déchire les tissus et le métal du haut de sa tenue avec la même aisance, en faisant de son mieux pour ne pas trop le bouger. Elle doit ensuite retirer toutes les armes qu'il porte pour ne pas éveiller les soupçons et une fois que c'est fait, elle se précipite dans la cuisine pour aller chercher un filtre concocté par les guérisseuses de Themyscira et censé apaiser les douleurs. Elle retourne dans la chambre et glisse sa main derrière sa nuque pour le soutenir et l'aider à le boire. « Bois ! Bois si tu ne veux pas perdre connaissance. Il faut que j'appelle... Je ne sais pas ! » De ses doigts plein de sang, elle attrape le téléphone laissé sur la table de nuit et fait défiler ses contacts jusqu'à trouver le nom de Barry. Il décroche à la première sonnerie et rapidement, elle lui explique la situation et lui demande de venir veiller sur Ophelia. Il sera là plus vite que n'importe quel autre membre de la Ligue, et la situation est plus qu'urgente. Barry accepte et Diana lâche le téléphone sans avoir raccroché. Elle enfile maladroitement ses vêtements de la journée pour ne pas arriver à l'hôpital à moitié nue et s'autorise un soupir de soulagement quand les pleurs de sa fille cessent après qu'un éclair rouge ait traversé la maison. « Debout, Jason. Flash va veiller sur Ophelia. Et moi, je t'emmène aux urgences. DEBOUT ! » Elle passe un bras sous lui pour le relever. En théorie, il n'a pas besoin de se lever lui-même, mais il faut qu'il reste conscient. Il faut qu'il reste conscient.

Diana n'aime pas les hôpitaux. Elle sait qu'ils sont essentiels, qu'il s'y passe parfois de véritables miracles... Mais Diana ne les aime pas. Elle ne s'y est jamais rendue que pour les mauvaises raisons. Elle déteste l'odeur qui y est omniprésente, et ces murs blancs qui se couvrent si vite et si facilement de sang. Elle se sent impuissante face à la détresse des patients et de leurs proches. Peut-être qu'elle déteste les hôpitaux parce que c'est l'un des rares endroits où ses pouvoirs ne lui sont d'aucune utilité. Assise sur un fauteuil dans l'une des nombreuses salles d'attente du Gotham General Hospital, elle ne peut rien faire sinon attendre que quelqu'un vienne lui donner des nouvelles de Jason. Les gens ne semblent pas de soucier de la présence de Wonder Woman, elle n'est même pas certaine que quiconque ait réellement fait attention à elle. Pourquoi l'auraient-ils fait ? Chacun ici attend dans l'angoisse de savoir si les personnes qu'ils aiment vont bien, si elles sont encore en vie. Même si elle avait revêtu son armure et brandissait son lasso et son épée, Diana est sûre qu'elle aurait été invisible. Jamais le temps ne lui a semblé s'écouler aussi lentement. Elle fixe l'une des horloges affichées dans la pièce et maudit les aiguilles qui paraissent tourner bien moins vite qu'elles n'auraient dû le faire. Tout le monde retient son souffle à chaque fois qu'un médecin ou une infirmière semble s'approcher, et quand c'est une mauvaise nouvelle qui est annoncée la plupart des tristes témoins se détournent avec pudeur. Diana grimace et se tortille sur son fauteuil. Elle fait tourner nerveusement son alliance sur son doigt. Elle connaît la mort, c'est une vieille amie, elles se croisent souvent. Mais ici, son odeur est partout. Imprégnée dans les murs et les sols, sur les vêtements du personnel, sur les brancards. Hadès lui-même en serait dégoûté.

Ne tenant plus en place, Diana finit par se lever et se dirige vers les toilettes les plus proches. Il faut qu'elle nettoie ses mains et son haut, ils sont couverts de sang. Elle essaie de contrôler ses tremblements quand elle frotte plus fort qu'elle n'auraient dû ses mains couvertes de savon. L'eau qui s'évacue est rose, alors elle continue jusqu'à ce qu'elle soit de nouveau limpide. Un simple coup d'œil dans le miroir lui fait comprendre qu'elle ne parviendra pas à nettoyer efficacement ses vêtements. Mais elle essaie quand même, incapable de supporter d'avoir le sang de Jason sur elle. C'est ridicule, au fond elle sait bien que son sang n'est pas différent de celui des autres, mais... C'est le sien. Et c'est pour cette unique raison que c'est intolérable. Elle sursaute quand une infirmière entre dans les toilettes et la surprend en soutien-gorge en train de frotter désespérément un tissu autrefois blanc. La jeune femme quitte la pièce sans un mot, et Diana ne s'attend pas à la voir revenir une minute plus tard pour lui tendre un t-shirt noir, toujours sans prononcer le moindre mot. Silencieuse elle aussi, Diana le saisit et l'enfile, puis jette le sien dans la poubelle des toilettes. Elles échangent un sourire – parfois, les mots sont superflus. Plus calme, elle retourne s'asseoir dans la salle d'attente. Une femme attire son attention. Elle semble avoir la cinquantaine, est Afro-Américaine et contrairement aux autres personnes présentes, elle a l'air... sereine. Diana s’assoit près d'elle et elle ne sait pas trop comment, mais la conversation s'engage entre elles. Elle s'appelle May et elle vit à Otisburg. Son fils a injustement été pris pour cible par un officier de police et il est mort quelques heures plus tôt au bloc opératoire. Elle a autorisé les chirurgiens à prélever ses organes pour sauver d'autres personnes. May attend patiemment de savoir si le cœur de son fils permettra de sauver une petite fille atteinte d'une malformation cardiaque. Diana est épatée par la force de caractère de cette mère, qui fait de son mieux pour voir le bon côté de la vie alors qu'elle vient de perdre un enfant. Quand May lui tend la main, Diana la prend et elles patientent ensemble.

« Wonder Wom – Diana Prince-Todd ? » Elle se lève d'un bond quand le chirurgien l'appelle. Elle ne peut s'empêcher de remarquer que ses vêtements sont propres, il s'est changé en sortant du bloc. « Son état est stable, ses constantes sont bonnes. Il avait perdu beaucoup de sang, mais nous l'avons transfusé avec succès. En revanche, malgré tous nos efforts, nous n'avons pas pu sauver sa main. Elle était trop abîmée, nous ne pouvions rien faire. » Diana doit rassembler tout son courage pour poser une question. « Vous avez dû l'amputer ? » « C'était hélas l'unique solution pour lui sauver la vie. Mais rassurez-vous, l'opération a été un succès, il s'en remettra très bien. » « Merci... Merci pour tout. Est-ce que je peux le voir ? » « Il est encore sous anesthésie, il devrait se réveiller d'ici une heure ou deux. Suivez-moi. » Diana lui emboîte le pas, mais pas sans avoir adressé un dernier sourire à May. Elle se promet de prendre de ses nouvelles dès que possible, en traversant les longs couloirs de l'hôpital et en s'éloignant progressivement de l'agitation des urgences et de l'accueil de l'hôpital. Diana a l'impression que tout le monde peut entendre son cœur tambouriner dans sa poitrine. Quand le médecin s'arrête devant une chambre, elle doit prendre une profonde inspiration pour se préparer à entrer. Elle n'écoute plus que très distraitement ce qu'il lui dit avant de quitter la pièce en refermant la porte derrière lui.

Diana étouffe un sanglot en plaquant une main sur sa bouche. Wonder Woman ou pas, Amazone ou pas, elle n'était pas préparée à voir l'amour de sa vie étendu inconscient sur un lit d'hôpital, une main en moins, amputée au niveau du poignet et enveloppée dans d'épais bandages. Et puis il y a toutes les machines qui bipent autour de lui, la perfusion, les hématomes sur son visage et ses bras... Diana sait qu'elle n'a pas le droit de s'effondrer, elle doit rester forte, garder la tête sur les épaules. Ce qui est difficile pour elle le sera cent fois plus pour Jason. Elle tire une chaise pour s'asseoir à côté du lit, et pose ses mains sur son bras. Il est en vie. Il est en vie, c'est tout ce qui compte. Elle fronce légèrement les sourcils en se souvenant de ce qu'il lui a dit pendant qu'elle s'agitait autour de lui pour arrêter l'hémorragie et retirer ses vêtements. Qu'a-t-il voulu dire ? Elle ne comprend pas, mais elle ne peut pas non plus prétendre ne pas avoir remarqué son comportement différent, ainsi que celui de beaucoup d'autres personnes. Elle... Elle sursaute quand Jason remue doucement et tout de suite elle se lève. Penchée au dessus de lui, elle caresse ses cheveux de gestes qu'elle veut rassurants. « Tout va bien, mon amour, tout va bien. » Elle lui sourit, elle ne veut pas qu'il remarque l'inquiétude sur son visage. « Je suis là, tout ira bien. Je te le promets, tout ira bien. » Mais avant que tout aille bien... « Regarde-moi, Jason, regarde-moi. Ne regarde que moi. » D'ordinaire, Diana est douée pour rassurer ce qui ont besoin de l'être. Cette fois est c'est loin d'être le cas, elle ne sait pas comment annoncer à Jason qu'il a perdu sa main droite sans que ce ne soit un choc terrible pour lui. Sans doute parce qu'il n'existe aucune version rassurante de cette nouvelle. Alors il vaut sans doute mieux qu'elle soit franche et directe, comme toute bonne Déesse de la Vérité se doit de l'être. « Écoute-moi, écoute-moi... Tu es en sécurité, avec moi, il ne t'arrivera plus rien. Les médecins ont fait un travail remarquable pour te sauver, mais... Ils n'ont pas pu sauver ta main, elle était trop abîmée. Ils ont dû l'amputer, pour éviter les risques d'infection et pour qu'elle ne demande pas trop d'énergie à ton corps... Je suis désolée, mon amour, je suis terriblement désolée. Mais tout ira bien, maintenant, je te le promets. Je suis là. »

À compter de ce jour, rien ne sera plus comme avant. C'est un fait qu'ils vont tous les deux devoir accepter au plus vite afin de pouvoir continuer à vivre. La rudesse du choc n'en sera pas pour autant atténuée, Diana en a parfaitement conscience. Elle connaît Jason par cœur, elle devra le forcer à regarder la vérité en face, brutalement s'il le faut, pour qu'il parvienne à l'accepter. Mais pour le moment, elle doit le laisser constater lui-même ce qui lui est arrivé. Comme elle s'y attendait, Jason s'empresse de repousser les draps pour ne découvrir qu'un épais bandage qui cache son poignet, à la hauteur de l'amputation. Que va-t-il faire à présent ? Diana prend une profonde inspiration avant de lui répondre. « Ce que tu as toujours fait. Survivre. » Elle serre Jason dans ses bras et caresse doucement son dos pour se montrer aussi rassurante que possible, le sentant plus vulnérable que jamais. « Tout ira bien, je te le promets. » Ce sera difficile mais il s'en remettra. Ce n'est pas la première épreuve qu'il traverse et peut-être même n'est-ce pas la pire. C'est un coup dur, mais Jason est aussi têtu qu'il est persévérant. Cette attitude irréfléchie ne lui ressemble pas, Diana ne comprend pas comment il peut avoir laissé quelqu'un comme Bane prendre le dessus. Ce n'est pas encore le moment de poser des questions, mais elles se bousculent dans son esprit. Ce n'est pas la première fois que Jason est revenu blessé, mais c'est la première fois que c'est aussi grave. Comme si la rage l'avait aveuglé au point de lui faire oublier de prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter un tel drame... Pourtant, il est plus prudent que jamais depuis la naissance d'Ophelia. Il lui a bien dit qu'il se sentait différent, mais à quel point et pour quelle raison ? Diana ne peut le nier, le monde autour d'eux semble... Différent, comme vicié par quelque chose de terrible. Elle ne peut pas être la seule à l'avoir remarqué, mais pourquoi personne ne s'en est étonné ?

Diana se sépare de Jason à contrecœur quand le chirurgien qui l'a opéré rentre dans la chambre, accompagné d'une infirmière. Elle s'écarte juste assez pour pouvoir les laisser faire leur travail, mais sans pour autant être loin de Jason. Elle écoute attentivement les recommandations du médecin, sachant par avance qu'elle devra batailler pour convaincre son époux de prendre son traitement et traiter la plaie correctement. Elle ne peut s'empêcher de retenir son souffle quand l'infirmière défait le bandage pour dévoiler l'extrémité amputée de son bras. Le chirurgien a fait un travail remarquable, la plaie est propre et les sutures nettes, mais elle voit au regard de Jason que ce n'est qu'un très maigre réconfort. Perdre une part de soi-même au sens propre du terme, c'est un traumatisme qu'elle ne peut hélas pas comprendre comme lui. Son rôle sera de l'aider à apprendre à vivre avec un corps différent et l'empêcher de se laisser abattre. Quand le chirurgien et l'infirmière quittent la pièce, Jason dit exactement ce que Diana s'attendait à entendre et elle doit se retenir de lever les yeux au ciel. Elle se rapproche de lui et retrouve sa place sur le fauteuil près du lit. « Ne sois pas stupide. Tu n'arriveras pas à refaire ton bandage seul, du moins pas au début, tu risques de t'énerver et te frustrer inutilement. Ce n'est pas une "horreur", Jason. Que comptes-tu faire ? Tu n'as tout de même pas l'intention de me cacher ton bras pour  l'éternité ? » Diana soupire et pose une main sur son bras. Mêler douceur et rigueur n'est pas une tâche aisée, mais c'est la stratégie qu'elle doit adopter pour empêcher Jason de sombrer. « Je suis une Amazone. J'ai plus de cinq mille ans. Des blessures, j'en ai vues des centaines et j'en ai soignées autant. Je t'ai déjà vu à moitié mort, et crois-moi, c'était une vision bien plus cauchemardesque. Je referai tes bandages, que tu le veuilles ou non. C'est non négociable. » Elle déteste être sévère avec lui, mais Jason est parfois trop têtu pour lui laisser le choix.

Le silence s'installe pendant un court instant, avant que Diana ne se lève. Elle s'assoit sur le bord du lit en veillant à ne pas débrancher accidentellement la machine qui relève ses constantes ou sa perfusion. Elle prend une longue et profonde inspiration. « Écoute-moi et écoute-moi bien, parce que je n'aurai sans doute pas le courage de me répéter. » Elle le regarde dans les yeux, avec une expression à la fois bienveillante et déterminée. « Ce n'est qu'une main. » C'est dur, direct et sincère. C'est un discours qui sera difficile à avaler mais qu'il doit absolument entendre. « Mais toi, tu n'es pas qu'une main. Jason Todd n'est pas qu'une main. Mon mari n'est pas qu'une main. Le père d'Ophelia n'est pas qu'une main. Red Hood n'est pas qu'une main. Tu t'es battu, tu es tombé, mais la bataille n'est pas terminée pour autant. Tu ne vas pas baisser les bras, tu vas te relever  et faire ce que tu sais faire de mieux. Ce ne sera pas facile et ce sera long, mais il est hors de question que tu passes le restant de tes jours à te morfondre. Ta carrière de justicier ne s'arrête pas parce que tu as perdu une main. Ta vie non plus. Tu sais te battre avec une main dans le dos, je t'ai déjà vu faire. Je t'apprendrai à devenir parfait. S'il le faut, tu passeras par l'apprentissage strict d'Antiope. C'est elle qui a fait de moi la meilleure guerrière de cette planète. Si elle doit te faire suer par tous les pores de ta peau pour que tu te relèves et reprennes confiance en toi, alors soit. » Diana lui laisse quelques secondes pour encaisser ses paroles avant de reprendre, d'une voix plus douce. « Tu as perdu une main cette nuit, mais tu aurais pu perdre la vie. Si tu étais mort, je t'aurais sorti du Tartare par la peau du cou et je t'aurais fait passer l'envie de recommencer. » Elle hausse un sourcil, avec un petit sourire au coin des lèvres. « Ce n'est qu'une main. Toi, tu es beaucoup plus que ça. »

Les bras croisés sous sa poitrine, Diana observe Jason silencieusement depuis plusieurs minutes déjà. Il est sorti de l'hôpital trop tôt à son goût, mais une journée de plus dans sa chambre l'aurait rendu fou. Les médecins lui ont préconisé du repos, alors naturellement Jason s'est empressé de reprendre son entraînement quotidien. Diana aurait aimé qu'il fasse au moins semblant de les écouter, mais elle préfère le voir reprendre du poil de la bête plutôt que de s'apitoyer sur son sort. Mais cela fait tout de même des heures qu'il s'entraîne avec acharnement, à tel point qu'elle avait finir par s'inquiéter de ne pas le voir remonté et s'était demandée s'il n'avait pas fait un malaise. À l'étage, Ophelia s'est réveillée de sa sieste et prend son goûter tranquillement avec Donna, qui est venu leur rendre visite. Elle est beaucoup plus apaisée depuis le retour de son père à la maison, mais Diana la sent toujours anxieuse. Elle est trop petite pour comprendre ce qui est arrivé à Jason, et pourquoi il lui arrive d'être de mauvaise humeur. Mais il suffit qu'elle lui sourie pour lui faire oublier ses tracas, au moins le temps d'une étreinte. Diana soupire tout bas, incapable de ne pas malgré tout s'inquiéter pour Jason, craignant qu'il ne se blesse en voulant trop en faire trop vite. Il lui semble être encore plus impatient qu'il ne l'était avant de perdre sa main, sans doute parce qu'il tient à prouver, à lui et à tous ceux qui l'entourent, qu'il est encore capable de se battre et de manier les armes, encore capable d'être le Red Hood que tous à Gotham connaissent et craignent. Quand il remarque finalement sa présence, Diana lui sourit tendrement. « Bien sûr que tu vas y arriver. » Cela ne fait aucun doute, ce n'est même pas une question qui mérite d'être posée. Tout ce que Diana souhaite, c'est qu'il ne s'épuise pas et ne repousse pas ses limites trop vite.

Son sourire se transforme en rire quand Jason lui demande de la rejoindre et elle se rapproche de quelques pas. « Cela te manque de te retrouver sur les fesses avec la pointe d'une épée sous le menton ? » Diana attrape au vol l'épée qu'il lui lance, et elle la fait passer d'une main à l'autre pour se familiariser avec son poids et trouver son équilibre. « Ne le prends pas mal, mais tu t'humilieras de toute façon devant Antiope... Comme n'importe qui d'autre sur cette planète. Après qu'elle est revenue du royaume d'Hadès, je crains de ne plus être la meilleure guerrière qui soit. » Un prix qui n'est pas cher payé pour le plaisir de l'avoir de nouveau parmi eux. Diana fait quelques mouvements d'épée sans quitter Jason des yeux. « Antiope sera sans pitié, impitoyable. Elle te fera travailler le moindre de tes mouvements jusqu'à ce que tu atteignes la perfection. Dix fois, cent fois, mille fois, et tu recommenceras au moindre échec. Elle te mettra hors de toi, tu auras l'impression qu'elle est injuste et demande l'impossible. C'est ce que toutes les Amazones qu'elle a entraîné ont ressenti avant de réaliser qu'Antiope a fait d'elles l'armée la plus dangereuse et la plus gracieuse qui existe sur Terre. » Et sans prévenir, Diana attaque et quelques tours de bras plus tard, Jason est déjà tombé sur séant. « Tu as déjà oublié la première leçon ? Ne baisse jamais ta garde et n'assume jamais que ton adversaire aura le même code de conduite que toi. » Cette fois, Diana ne lui tend pas la main pour l'aider à se relever. Jason doit le faire seul, rapidement et sans lâchant son arme en ne comptant que sur la force de ses jambes pour y parvenir. Elle ne doute pas une seconde qu'il en soit capable, mais il faut qu'il apprenne le plus vite possible à oublier ses anciens réflexes pour les remplacer par de nouveaux.

« Ne pense pas à la main que tu as perdu. Imagine simplement que tu ne peux pas t'en servir parce qu'elle est attachée dans ton dos. » Alliant le geste à la parole, Diana fait disparaître sans propre main droite dans son dos, comme si elle était prisonnière de liens invisibles. « Tes professeurs ne t'ont pas appris à devenir parfaitement ambidextre et ils ont eu tort. Mais tu es doué, tu apprends vite. Il va falloir que tu revoies ton équilibre, que tu repenses ta façon de manier les armes et surtout, que tu apprennes à attaquer et à parer avec une seule et même main. Tes ennemis percevront ta main en moins comme une faiblesse, ils te penseront diminué. Bien, tu exploiteras cet a priori contre eux. » Son expression se radoucit un peu, et elle se rapproche de Jason pour corriger sa posture avant de se remettre en position, toujours avec une main dans le dos. « Commence par le début. Ne te précipites pas, ne sois pas impatient. Il faut que tu habitues ton poignet aux mouvements. Va trop vite, et tu ne feras que te blesser. » Un sourire encourageant sur les lèvres, Diana se prépare à parer les coups. « Montre-moi. »

Contrairement à ce qu'il peut parfois lui arriver de penser de lui-même, Jason n'est pas brisé. Il ne l'a jamais été. Il a traversé des épreuves, toutes plus difficiles les unes que les autres et il est toujours parvenu à se relever. Il a perdu une main, mais son être ne se résume pas à cela. C'est un coup dur, mais ce ne sera pas une fatalité. Son entraînement sera long, rigoureux et peut-être même douloureux, mais il deviendra meilleur que jamais. Elle sera intransigeante, Antiope le sera aussi, mais ce ne sera pas en vain. Bruce a façonné le guerrier, Diana façonnera le vainqueur. Un vainqueur qui ne se sentira pas diminué, un vainqueur qui ne doutera pas de lui, un vainqueur qui le restera même lorsque – inévitablement – il perdra. Il a un peu de mal à retrouver son équilibre, mais Jason est un homme qui apprend vite. Plus vite que d'autres de ses élèves, la chance à un apprentissage déjà peu commun. Il tombe, se relève, il tombe, se relève. S'il y a bien une chose que Diana admirera toujours chez Jason, c'est sa détermination. Une détermination qui se transformera parfois en acharnement ou en entêtement, mais c'est sans doute sa plus grande qualité. Quand il décide finalement en avoir eu assez pour la journée, Diana ne cache pas son sourire. « Tu trouveras ta position naturellement, au fur et à mesure. Ne sois pas trop impatient, et ne laisse pas les échecs te frustrer et te décourager. Quelle expression employez-vous, déjà... ? Ah, oui : Rome ne s'est pas faite en un jour. » Sans cesser de sourire, Diana va elle aussi reposer son épée sur l'un de leurs nombreux supports d'armes – trop nombreux, peut-être. « J'aimerais que tu t'entraînes avec d'autres Amazones, avant de devenir l'élève d'Antiope. J'en ai déjà parlé avec Donna, elle serait ravie de nous aider. Quant à Cassandra, je suis sûre que vous pourriez apprendre beaucoup l'un de l'autre. » Même si Diana est sans doute sa professeure favorite pour d'évidentes raisons, un peu de diversité ne pourrait que lui profiter. D'autant plus qu'elle n'est peut-être pas aussi sévère qu'elle aimerait l'être avec lui, pour des raisons similaires. Un problème que Donna n'aura pas, de quoi le préparer à la terrible intransigeance de sa tante.

Diana affiche une expression surprise, mais ravie, lorsque Jason lui propose de passer une soirée en famille à l'extérieur. Depuis combien de temps ne sont-ils pas sortis ? Trop longtemps, c'est la réponse évidente. « Je pense que c'est une merveilleuse idée. Il est un peu tard pour aller au parc, et je crains qu'Ophelia ne soit pas encore assez grande pour apprécier de voir un film au cinéma. J'en conclus donc que nous allons aller au restaurant, ce qui est parfait. Mais d'abord... » Diana se penche vers Jason comme pour l'embrasser, avant de froncer le nez. « Va prendre une douche, mon amour. » Elle éclate de dire, un brin moqueuse mais pas le moins du monde sérieuse. « Pendant ce temps, je vais me préparer et préparer Ophelia. Je vais enfin avoir l'occasion de lui mettre la jolie robe qu'Etta lui a offerte pour son anniversaire ! » Tout de même pas cruelle, Diana dépose un baiser sur la joue de Jason. « À la douche, Red Hood. » Elle remonte à l'étage où elle retrouve son jumeau, qui lui remet Ophelia et les embrasse toutes les deux avant de prendre congé. Il salue Jason qui passe dans le couloir avant de prendre congé, et Ophelia lui dit au revoir jusqu'à ce qu'il ait refermé la porte derrière lui. Diana enlace sa fille étroitement avant de l'emmener dans sa chambre pour la changer et comme son habitude, Ophelia ne proteste pas une seule seconde, elle se contente de faire changer son jouet de main quand Diana lui enfile les manches de son adorable petite robe bleu marine avec des nœuds en velours plus clair. Elle coiffe ses petites boucles brunes pour y remettre un peu d'ordre et lui enfile ses chaussures, puis c'est toute fière de sa nouvelle tenue qu'Ophelia suit sa mère jusqu'à la chambre qu'elle occupe avec son père. Diana l'installe au milieu du lit avec sa peluche préférée pendant qu'elle se change à son tour. Elle opte pour un ensemble noir, classique mais élégant.

Jason les rejoint pendant qu'elle apporte une touche de maquillage à son visage, rien que par coquetterie. Ophelia tend les mains vers son rouge à lèvres mais Diana le range avant que leurs draps blancs ne soient tâchés d'un rouge certes ravissant, mais certainement impossible à faire disparaître de la soie. Du coin de l'œil, elle surveille Jason. Elle ne veut pas lui donner l'impression de surveiller ses moindres faits et gestes, mais elle ne veut pas non plus qu'il s'énerve parce qu'il ne parviendra pas à faire une chose ou une autre du quotidien. Tout prendra du temps, que ce soit l'apprentissage du combat amazone ou quelque chose d'aussi simple que d'enfiler ses vêtements. C'est d'ailleurs quand elle le voit mettre une chemise qu'elle prend les devants, pour éviter toute frustration avant le début de leur soirée. « Laisse-moi t'aider. » Comme si c'était parfaitement naturel, elle boutonne sa chemise, ajuste son col et s'en détourne comme si de rien n'était, comme si elle le faisait tous les jours sans y penser plus que cela. Elle prend Ophelia dans ses bras et dépose un baiser sur son front. Fatiguée par son après-midi avec son oncle, la pouponne pose la tête contre l'épaule de sa mère en suçant son pouce. « Alors, où est-ce que tu aimerais aller ? Une envie particulière ? Peu m'importe, tant qu'ils proposent des glaces sur la carte des desserts. » Peu lui importe, tant qu'ils peuvent profiter tous les trois d'une parenthèse heureuse, aussi courte qu'elle puisse être. Ce moment de répit, ils y ont doit, ils le méritent.

Tout ce que Diana veut, c'est voir Jason être de nouveau heureux. Être de nouveau lui-même, sans que la perte de sa main n'affecte indéfiniment sa psyché et son quotidien. Ce n'est qu'une main, voilà la maxime qu'elle n'a de cesse de lui répéter et de lui faire répéter. Certaines choses sont différentes à présent, oui, mais cela ne doit pas l'empêcher de vivre. Ce n'est pas un deuil facile à faire, mais Diana l'accompagnera jusqu'au bout du chemin, pas après pas. Tant pis pour ceux qui n'ont pas été capables de le soutenir tout au long de sa vie, ils ne le méritent pas. Mais Diana, elle, n'abandonne personne. Elle tient bon, peu importe la force du courant. Son entêtement, elle l'a hérité d'Antiope et quiconque connaît de près ou de loin l'Amazone c'est que ce n'est pas rien. « Trop habillés pour l'endroit ? Tu sais, Etta m'a dit un jour que toutes les excuses sont bonnes pour se mettre sur son trente-et-un. » Diana sourit et dépose un baiser sur le front d'Ophelia, qui est encore bien trop petite pour se soucier des vêtements qu'elle porte. Prêts tous les trois, ils s'installent dans la voiture. Dans son siège pour bébé, Ophelia va certainement s'endormir le temps du trajet, juste assez pour reprendre des forces pour leur soirée. Au volant, Diana laisse Jason la guider, mais elle ne tarde pas à deviner leur première destination. C'est toujours un plaisir de retrouver Joe et son restaurant – surtout depuis qu'il a créé une carte de desserts spécialement pour elle. Comme à son habitude, Diana salue chaleureusement leur ami et le laisse même gazouiller avec Ophelia le temps d'étudier le menu. Jason prend la même chose que d'habitude et pour toujours contraster avec son époux, Diana commande l'une des excellentes salades de Joe ainsi qu'un petit dessert pour Ophelia, qui est encore trop petite pour goûter aux plats de leur ami. Mais un fondant au chocolat, sera pour elle comme le Saint Graal après son petit repas et sa compote. Leur commande servie, Diana ne manque pas de remercier Joe mille fois avant de reprendre la route.

Leur seconde destination, Diana ne la connaît pas. Mais elle fait confiance à Jason, il ne les conduirait pas n'importe où. Elle est quelque peu étonnée lorsqu'ils débouchent dans un immense parking où plusieurs dizaines de voitures sont déjà garées. Puis lorsqu'elle aperçoit l'écran géant, elle comprend de quoi il s'agit. « Tu as eu une excellente idée, je suis certaine qu'Ophelia va adorer. » D'ordinaire, Diana ne laisse pas Ophelia avoir accès aux écrans, mais elle est prête à faire une exception pour cette fois. D'autant plus que ce n'est pas comme si elle avait le nez collé à un téléphone ou à la télévision, bien au contraire. « C'est une excellente idée, je suis sûre qu'elle va adorer. » Ophelia semble très excitée par la perspective de voir son premier dessin animé, puisqu'elle agite ses petites mains en babillant gaiement. « J'ai un aveu à te faire... Moi non plus, je n'ai jamais vu le Roi Lion. » Diana rit doucement. Elle a beau avoir intégré le monde des hommes depuis plus d'une décennie, elle a rarement eu le temps de combler ses lacunes dans le domaine. La faute un quotidien chargé, et à un certain désintérêt pour l'audiovisuel, elle veut bien l'avouer... « D'après Citizen Steel, ma culture cinématographique laisse cruellement à désirer... Entre deux fins du monde, il va falloir que tu remédies à cela. » Toujours souriante, Diana se penche pour embrasser Jason, trop longtemps au goût d'Ophelia qui met sa main sur sa joue pour la repousser en faisant mine de bouder. Diana éclate de rire et tire la langue à sa fille. « Désolée, ma princesse, mais tu vas devoir t'habituer à voir tes parents échanger des marques d'affection. » Elle entend déjà ses beurk et des baaah d'adolescente dégoûtée par l'amour évident de ses parents.

Un peu avant que le film ne commence Diana pose la tête sur l'épaule de Jason. « Tu as eu une merveilleuse idée, mon amour. Ce n'est pas tous les jours que j'ai l'occasion de me fondre dans la masse. » Diana adore être Wonder Woman, mais son statut de déesse-princesse-super-héroïne n'a pas que des avantages. Profiter d'un moment en famille dans un lieu public, c'est devenu presque impossible. Mais dans ce cinéma de plein air, tout le monde a les yeux rivés sur l'écran et personne ne fait attention à elle. Au moins pour un soir, elle sera une femme comme une autre. Au moins pour un soir, ils seront une famille comme les autres. « J'espère que ce dessin animé n'a rien d'effrayant, j'ai entendu dire que certains d'entre eux ne sont vraiment pas faits pour les enfants... Si elle fait des cauchemars, tu te lèveras pour la rassurer ! » Diana fait mine d'être sérieuse avant de se tourner elle aussi vers l'écran. Même si elle fait attention à ce qui se joue, c'est davantage l'attitude de Jason qu'elle observe avec le plus grand soin. Elle est soulagée de le voir se laisser aller à un peu de bonheur et de sérénité. Impossible de savoir combien de temps la paix durera, alors ils ont tout intérêt à en profiter aussi longtemps que possible. C'est vrai, il y a toujours quelqu'un quelque part qui commet des actes odieux. Et il y en aura toujours, c'est malheureusement l'une des tristes facettes de l'humanité. Mais personne ne peut être partout à la fois et en tout temps. Personne, pas même Wonder Woman, Superman, Flash, Batman ou qui que ce soit d'autre. Les héros sont faillibles, comme tout un chacun, n'en déplaise à ceux qui pensent devoir être sur tous les fronts à chaque heure du jour et de la nuit. Diana le pensait aussi, avant. Mais grâce à la sagesse d'Athéna, elle a compris que ce ne serait jamais possible. « J'aime beaucoup cet endroit », murmure-t-elle tout bas pour ne pas perturber la concentration d'Ophelia, qui regarde les lionceaux de ses yeux verts grands ouverts. « Nous devrions venir ici plus souvent. Qu'est-ce que tu en penses ? Ce pourrait devenir notre petite tradition à nous. Enfin, cela dépendra des films projetés, évidemment, mais... Je pourrais m'y faire. Même si l'odeur de ton burger va rester incrusté dans les fauteuils pendant au moins une semaine. » Diana fronce le nez avant de déposer un baiser sur la joue de Jason. Ophelia éclate alors de rire et applaudit en s'agitant sur les genoux de son père. À n'en pas douter, il va falloir lui acheter un lion en peluche bientôt.