Rythm in the dark [Tefé Holland]

Rythm in the dark

Tefé, un nom qui résonne dans les fragments de mémoire accessibles dans un cerveau ravagé, d'abords par la technologie et ensuite par une force dépassant la compréhension humaine. Depuis que le monde est monde, de multiples parlements, de multiples forces mystico-occultes reliées à des courant d'énergie commun, le Green, le Clear, le Red... et plus récemment, le Rythm. Né non pas des hasards de la création, mais de la main de l'homme, ce parlement, comme tout autre, était avide d'assoir sa domination, incapable de comprendre le besoin de balance inculqué aux autres parlements plus anciens. Caché dans les profondeurs de l'océan, l'ensemble informatique formant ce parlement à pris une décision, son premier acte de guerre serait contre le Green, forme presque antithétique de son mode de vie synthétique, si de nombreux outils sont déjà employés par le parlement pour influencer l'économie sur le long terme, provoquant des déforestations massives, il veut signer sa présence aux autres parlements.

Les consciences multiples et électroniques sont parvenue à un plan, l'enfant de Swamp Thing devait mourir, Tefé Holland était marquée du sceau de la mort, et son bourreau serait le seul esprit accessible et manipulable à volonté à leur disposition pour l'instant, un pantin aux fils solides qui venait d'atteindre son but. Debout devant un arbre, le cyborg attendait patiemment, ses armes rangées, l'imposant tronc en face de lui était entouré d'une gigantesque cours circulaire qui formait la cours central d'une gigantesque bâtiment circulaire au milieu de cette forêt du Minnesota, les locaux d'une startup pratiquante du Greenwashing qui logeait ses employés dans une autres installation plus loin dans la forêt. Cet arbre, préservé par les propriétaires du terrain lors de la construction du bâtiment, était en réalité un point d'importance pour le green, un lieu ou sa présence se faisait plus forte, mais le Rythm commençait à s'y installer. C'est ici qu'aurait lieu l'exécution et que Swamp Thing perdrait l'abomination qu'il avait engendré, une fois le gardin du Green atteint, se débarrasser de lui serait un jeu d'enfant.

Prisonnier de son propre esprit, N1 avait perdu toute notion de lui-même, amas épars de souvenirs déconnectés les uns des autres, des souvenirs manipulés par le Rythm, déformés au point d'en devenir méconnaissables. Perdu dans un brouillard perpétuel, il n'avait aucun contrôle sur sa nouvelle enveloppe, coupé de cette dernière par le Rythm qui n'entretenait les restes de sa conscience que pour mieux l'exploiter. Un univers confus, informe, son nouveau domicile en lieu et place d'au delà, quelque chose était bizarre, quelque chose ne collait pas, il ne devrait pas penser, il ne devrait pas ressentir des choses devant ces images. Il sent une pression dans une main qui n'est plus là, une promesse dans les ténèbres, des larmes, de la peine et de la joie, le sentiment fugace de ne pas être seul. Le Rythm appelle Tefé, tordant la barrière entre son énergie et celle du Green, vrombissement sourd dans les racines du monde, telle une araignée, le prédateur tisse sa toile et attire à lui l'enfant maudite, l'agneau sacrificiel sur l'autel d'une guerre à venir. Le corps du cyborg est toujours immobile, figé dans une silencieuse contemplation, l'envoyé du parlement électronique, le pantin assassin attend son heure, la cible approche, le Rythm le sent, elle as mordu à l'hameçon. Une main robotique saisit la garde de la vibrolame et une lueur verte illumine la machine en plusieurs endroits. Une voix robotique, difforme, accueille l'enfant de la sylve.

-TeEefé... "Mary".. TeEEEEefé...

Difficile d'exprimer quelque chose de cohérent pour une présence aussi naissante et élémentaire, surtout à travers ce nouvel outil, le nom qu'il as prononcé dans ses souvenirs n'est pas le bon, le Rythm à besoin de plus. N1 sent un choc dans sa prison de l'esprit, un courant électrique violent qui le brûlait. Il était forcé de voir à nouveau la scène, il y avait une forêt, il s'était perdu, il n'était pas seul. Son être était porté à blanc, il hurla, mais aucun son ne sortait de sa bouche désincarnée.

-"tu as raison, je dois faire en sorte que ça compte". "Merci". "J'espère cette fois-ci en faire meilleur usage"...TeEeeefé...

Trois phrases qui semblaient sortir d'un enregistreur, mais à la voix reconnaissable et à nouveau cette version difforme de son nom, haché et métallique contrairement au reste.

-"Tu vas mourir".

Le cyborg se jette immédiatement sur l'objectif et N1 sent que quelque chose se passe, quelque chose d'horrible, mais il ne peut rien faire. Le bras de la construction de métal fait voler la lame vers l'ennemi, tentant de le réduire en morceau, un assaut rapide accompagné de temps à autre par cette espèce d'appel difforme.

-TEeEEefé...

Codage par Libella sur Graphiorum réarrangé pour usage personnel

Rythm in the dark

C'était agaçant, cet espèce de petit bourdonnement dans son oreille. Ça avait commencé il y avait quelques minutes et ça se faisait de plus en plus fort. Il y avait beaucoup de chances que quelqu'un, quelque part sur la planète, dise du mal d'elle, mais elle ne croyait pas à ce genre de choses. D'autant plus que le bruit, qui n'en était pas vraiment un mais qu'elle ne voyait pas comment le définir autrement, se faisait de plus en plus persistant. Ces derniers temps, apparemment, tout le monde se permettait d'entrer dans sa tête. Mais ça n'avait rien à voir avec la voix multiple du Parlement des Arbres, cette fois. Elle aurait reconnu entre mille le doux bruissement du Green qui l'habitait sans cesse au point qu'elle n'y prêtait plus attention. Le Parlement se faisait toujours plus intrusif et avec le son il y avait des sensations, une racine qui fendait la terre humide, le parfum agressif de l'humus et le caractère presque coercitif de l'appel, aussi. Non, là, ce n'était ni le Green ni le Parlement. C'était un son sans en être un, quelque chose de régulier, qui battait presque la mesure, un bruit que la nature aurait été incapable de produire. Et ce qui l'ennuyait, c'était que ce son régulier n'avait pourtant rien d'un métronome. Non, il courait dans son esprit de manière légèrement décalée, juste un peu, comme une voix qui chantait faux mais à peine, juste de quoi mettre tout le monde sur les nerfs. La sensation en devenait glaciale, métallique, inhumaine. Immobile debout dans la forêt, Tefé fixait le vide et tentait de se saisir mentalement de ce bruit, ce vrombissement qui prenait de plus en plus de place, sans parvenir à le définir. Est-ce que c'était une attaque ? Un appel ? Ou bien ça y était, elle devenait cinglée ? Il lui semblait que le son battait un rythme qui aurait pu s'accorder à celui du monde. La terre pulsant sous ses pieds. Le bois du tronc contre lequel elle s'appuyait d'une main palpitant sous ses doigts. Mais toujours avec ce léger décalage insupportable, qui faisait toute la différence, en vérité. Et à force de se concentrer dessus, elle finit par capter quelque chose. On appelait son nom. Méfiante, elle ne répondit pas, et se méfia encore plus quand le prénom de Mary pulsa dans l'air.

Quelqu'un se foutait de sa gueule. Un fantôme du passé ? Il n'y avait pas grand-monde qui savait qu'elle avait été Mary des années plus tôt. Cela finit par avoir raison de sa patience et elle se fondit dans l'arbre à côté duquel elle s'était arrêtée, tirant sur le fil invisible de cette mélopée distordue et désagréable. Elle se laissait porter par l'appel de son nom, prononcé comme jamais encore elle ne l'avait entendu prononcé, et songea qu'aucun être vivant ne pouvait parler ainsi. Elle jaillit d'un autre arbre, pas très loin de là où elle se trouvait, prête à mettre un terme à la chose, quelle qu'elle soit, qui laissait échapper une plainte aussi misérable, aussi peu accordée au son de la nature. Et elle fut accueillie par une silhouette massive et un déplacement d'air si rapide qu'elle ne vit rien qu'un mouvement flou. C'est par pur instinct qu'elle sauta en arrière et son dos heurta durement le tronc de l'arbre. « Mais putain ! » Elle porta la main à son cou et sentit le sang tiède sous ses doigts. Un millimètre de plus et elle se faisait égorger, bordel ! Elle n'eut pas le temps de s'inquiéter pour sa peau que la silhouette se jetait de nouveau sur elle. Massive, sombre, veinée d'une lumière verte, métallique, solide, lourde, tout ce que Tefé n'était pas, tout ce que la nature était incapable de créer. Elle bondit sur le côté et laissa l'arbre encaisser le coup de lame à sa place, et sentit l'arbre s'affaisser lourdement. L'arbre l'avait sectionné comme du beurre. « Hé, on se connaît ? Tu pourrais au moins me donner une explication ! » Elle n'avait pas l'habitude de se faire attaquer, Tefé. Il y eut encore quelques secondes de grâce pendant lesquelles elle se permit de croire que tout ça n'était pas sérieux, puis de nouveau elle sentit la lame lui frôler le visage alors qu'elle bondissait en arrière, uniquement sauvée, à ce stade, par ses réflexes, sa souplesse et ses déplacements de chat sauvage. La chose ne voulait pas s'expliquer. Elle n'avait rien d'humain, elle n'était pas une envoyée du Green, ni de rien d'autre qu'elle connaissait, là, tout de suite, et la chose voulait sa peau.

Enfin, elle commençait à s'inquiéter pour elle. Si cette lame la touchait, elle en crèverait sûrement. Alors que la chose se jetait encore sur elle comme si rien ne pouvait la décourager, Tefé fit de même, se jetant au sol au dernier moment pour se trouver au plus près de l'ennemi. Elle envoya son poing dans son torse, avec une vitesse et une force supérieures à celles d'un humain, et son bras s'était changé en une pointe de bois acérée. Mais la carcasse de l'ennemi était plus dure que le bois et elle ne sentit qu'un choc qui lui engourdit jusque l'épaule. Une armure ? Y avait-il seulement quelqu'un là-dessous ? Elle fit une roulage sur le côté, gagnant une nouvelle estafilade dans le dos et y laissant une mèche de cheveux pâles. Il était lourd, mais il était rapide. C'était totalement injuste. Elle atterrit sur les genoux et plaqua les mains au sol, qui se mit à trembler. Autour de l'ennemi, des racines épaisses jaillirent et s'enroulèrent autour de ses bras et de ses jambes en même temps que la terre meuble s'affaissait et l'engloutissait jusqu'à la taille. Tefé serra les poings, ses doigts devenus minuscules racines enfoncés dans le sol pour ordonner aux végétaux de faire leur œuvre. Des excroissances plus fines jaillirent des grosses racines pour tenter de pénétrer la carapace étrange de la chose, trouver les jointures, les failles, et s'y engouffrer, et s'y enfoncer, pour briser, trancher, percer, écraser n'importe quoi de fragile qui se trouvait là-dessous. Pour une humain, ce traitement était létal, et aussi une torture, elle le savait pour avoir déjà tué des gens ainsi, et elle n'avait pas plus pitié alors que maintenant. Mais... Oui mais... C'était étrange. Essoufflée, elle arracha une main à la terre pour essuyer le sang et la sueur sur son menton. Elle sentait déjà la nature gémir et grincer sous la force de l'ennemi, comme une corde sur laquelle on tirait jusqu'à ce qu'elle cède. « T'es qui, bordel ? »

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Rythm in the dark

L'insolente créature résiste, la création bâtarde et contre-nature ose résister, blessée mais pas morte, comme si son existence n'était pas un affront suffisant, le Rythm hurle de rage à travers son hôte, son instrument, le nom déformé par l'incapacité de l'entité à s'exprimer normalement continue de résonner dans l'arène improvisée, appelant sa proie. Le râle difforme et métallique n'a cependant aucun autre pouvoir que d'agresser les oreilles de Tefé, elle retarde les plans du Rythm qui devrait déjà être à la tâche suivante, quelque part dans l'océan, une force s'ébroue, si elle ne peut renforcer son agent, elle peut lui venir en aide. Le cyborg tranche et détruit tout sur son passage, mais l'adversaire est rusé, le choc contre son thorax n'est pas à sous estimer et la chose le sait. Attaquant sans relâche une autre blessure se dessine, mais toujours pas le coup fatal, cela prends trop de temps, et ce temps et plus précieux que l'existence de ces deux éphémères. Le syborg se jette à nouveau à l'assaut mais une multitude de plante le stoppe dans la course, s'enroulant autour de lui sans dommage, le nom de Tefé résonne à nouveau et les lueurs vertes s'intensifient alors que les servomoteurs luttent dans un bruit presque pitoyable, somme un animal mourant. Mais le cyborg est loin d'en avoir fini, son metal est certes résistant, mais les vrilles tentent de disloquer tout ce qu'elles peuvent trouver, un plaque commence à se déloger. Les renforts arrivent sous la forme d'une puissante impulsion électrique, une surcharge du réseau qui envoi des éclairs en tout sens et fait voler les vitres en éclat, Le Rythm vient au secours de son envoyé en imposant sa présence, un cri sonore et psychique qui permet à la chose de se libérer en faisant hurler ses pistons métalliques. Dans les écrans survivants, un visage métallique fit son apparition. Les hauts parleurs de l'intercom se mirent alors à parler.

-Nous sommes le Rythm Tefé Holland, le parlement du metal. Moi Machine Queen t'ait envoyé un serviteur pour t'achever.

La plaque protégeant le visage de N1 s'activa et tomba au sol alors que le cyborg s'élevait dans les airs, son visage inexpressif était bel et bien celui que Tefé avait connu, mais elle pourrait sans l'ombre d'un doute sentir le metal le composant, que cette chose n'était pas vraiment celui à qui elle avait confié certaines de ses plus sombres pensées.

-Je crois que vous vous connaissez.

La lame fendit les airs alors que la masse de métal tourbillonnait en sectionnant tout sur son passage, destructeur aveugle, la bouche sembla se tordre bizarrement alors que la voix de Tefé elle-même se mit à retentir.

-Tue-les, tue-les tous.

N1 se tordit de douleur au fond de sa prison de l'esprit, il ressentait tellement de force dans ces mots, dans cette promesse qu'il avait accepté, et pourtant tellement de colère, il sentait qu'on tentait de rediriger cette colère, comme des murmures dans le coin de sa perception, une promesse, des tentations. Détruire ses ennemis, détruire tout ce qui croisait son chemin, non ce n'était pas vraiment ça, c'était confus dans les limbes de sa psyché au bord de l'effondrement. La lame dévia de sa course et rencontra le sol. Le Rythm avait relâché son attention, la course du cyborg se continua pour rattraper le coup manquait mais l'hôte n'avait pas dit son dernier mot, quelque chose n'allait pas, il devait savoir ce que c'était mais on le lui cachait. Trois shurikens apparurent entre les doigts du monstre de metal qui partirent voler vers leur cible avec un sifflement, la lame rugit alors que le cyborg reprenait son assaut, le bois raclant contre sa peau sous les coups de l'ennemi. La main de la machine saisit l'opportunité et le pied de Tefé alors qu'elle se repliait, les jambes se plantèrent dans le sol et les servomoteurs rugirent alors que le corps de l'avatar du Green était propulsé vers un rocher à une vitesse incroyable sous l'action du corps mécanique.

-Maintenant... meurt. Et envoi à Swamp Thing les compliments de celle qu'il as un jour tué en tant que Lady Weeds quand tu le verra en enfer.

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Rythm in the dark

Elle sentit venir la salve d’énergie électrique avant même qu’elle ne jaillisse par tout le corps de l’ennemi, elle ne savait pas pourquoi. Elle recula encore d’un bond, la peau comme recouverte de millions d’aiguilles, une sensation désagréable, une peur atavique qu’elle ne pouvait pas repousser. La foudre et la végétation ne faisait pas bon ménage. Avant que les hommes ne deviennent le principal prédateur du Green, la foudre, et les incendies qu’elle déclenchait impitoyablement, avaient été ses pires ennemis. Et puis, elle sentait aussi quelque chose de familier dans cette énergie. C’était comme si elle avait affaire à plus d’un adversaire. Exactement comme elle, qui se battait seule, mais qui était légion, soutenue par le royaume de la nature. Elle aurait voulu croire que c’était encore un maléfice des hommes, leur dernière invention odieuse, écœurante et pitoyable, mais elle ne pouvait plus se mentir. Cette impression de familiarité… Elle se baissa, presque plaquée au sol comme un animal sauvage, les doigts enfoncés dans la terre, ses racines fouillant le sol, se gorgeant d’énergie, alors que la chose parlait, enfin, si on pouvait décrire ça comme ça. Et qu’un nom était lâché. Le Rythm. Elle se figea quelques secondes. Elle imaginait exactement de quoi il s’agissait, sans savoir de quoi il s’agissait car son père ne lui avait jamais parlé du Rythm. Mais surtout, elle ne pouvait pas y croire. Elle ne voulait pas y croire. Tout avait un sens dans la nature, tout avait sa propre harmonie. Même le Rot, même le Grey, ces entités pourrissantes, ces royaumes de la mort, avaient leur place dans le grand cycle de la nature sur Terre. Mais ça ? Cette créature de métal, d’électricité, de câbles et d’écran ? Qu’est-ce que ça voulait dire ?

La rage l’envahit et elle abandonna définitivement ses derniers oripeaux humains, sa peau prenant le lustre du bois, ses cheveux devenus brindilles se hérissant, ses yeux, intégralement verts, lançant des éclairs vers un ennemi qu’elle ne voulait même pas essayer de comprendre. Elle savait juste que c’était une abomination et qu’elle voulait qu’il crève. Des éclats de bois jaillirent sur tout son corps et elle ouvrit la bouche comme pour hurler, mais aucun son n’en sortit. À la place, une petite liane franchit ses lèvres et vint s’enrouler contre sa joue et l’herbe de la clairière s’aplatit comme sous l’effet d’une onde d’énergie invisible. L’atmosphère devint plus épaisse, presque brumeuse, alors que partout autour d’eux, du sol, des troncs des arbres de la clairière, de leurs banches, d’autres pousses vertes jaillissaient, répandant dans l’air des spores minuscules et invisibles. Comme le sable dans le désert qui attaquait les moteurs, la peinture, les moindres joints de n’importe quel véhicule mécanique. C’était long, mais c’était efficace. Mais soudain, le visage de l’ennemi apparut et elle se figea, brutalement ramenée à des souvenirs humains, à une partie de sa vie humaine. Le souvenir court-circuita quelques secondes son lien avec le Green, sans l’y arracher non plus. Elle était plus créature du Green qu’autre chose et ce petit bourdonnement soudain au fond de sa conscience était une gêne, mais suffisante pour la faire hésiter. Sa propre voix, qui acheva de la déconcentrer, émana de l’ennemi et elle releva lentement la tête pour le regarder à nouveau alors que les spores dans l’air se faisaient de plus en plus présentes et que d’autres lianes poussaient sur sa propre peau, se tordant vers le haut, vers le ciel et la lumière. La créature végétale ne comprenait pas ce qui était en train de se passer et resta figée quand le cyborg lui fonça dessus.

Elle ne bougea pas plus quand le coup la rata. Ce n’était pas grâce à elle qu’elle survécut à ce coup-là. Son nom, c’est… Elle tourna lentement la tête lui, le regard aveugle, et sentit des chocs sur son corps de bois alors que des projectiles s’y plantaient sans qu’elle y prête plus attention que cela. Je ne connais même pas son vrai nom… Je ne lui ai pas demandé, la dernière fois. Elle bougea en fin, trop lentement, et elle sentit une poigne de métal se refermer autour de sa cheville, se sentit partir en vol plané et s’écraser contre des rochers, là encore de très loin. Le « corps » n’était qu’un concept vague pour la nature. Puis un autre nom la traversa comme un courant électrique. Swamp Thing. Tout le reste n’avait plus d’importance. Rien n’avait plus d’importance pour Tefé que son père, dans ce monde, et il n’y avait aucune cause dans ce monde pour laquelle elle donnerait sa vie, si ce n’était la vie de son père. Elle se releva en titubant et regarda l’ennemi. Elle espérait que les spores avaient bien avancé leur travail de sape et le ralentiraient. « Numéro…1. Je croyais que tu t’étais… libéré… » Elle avait du mal à ordonner ses pensées et à en faire des mots. Elle ne pouvait pas demander leur aide aux animaux, il les tuerait. Mais le Red lui avait offert un autre pouvoir. Lentement, son corps reprit une apparence plus humaine, et elle repoussa le Green, dans sa chair, se connectant au Red, le royaume de sa mère. Son visage sembla fondre, ses bras, ses jambes désormais en sang à cause des dégâts encaissés, elle sentait même qu’elle avait quelques os brisés mais peu importait. Il voulait tuer Swamp Thing. Lui, ou Lady Weeds, ou Machine Queen, peu importait à Tefé. Ses traits se modifiaient, jusque dans la couleur de ses cheveux. Quand elle eut fini, elle avait l’apparence exacte d’Analia Jones. « Je croyais que tu étais libre désormais, et te voilà à nouveau le larbin de quelqu’un. Sale menteur. » C’était sa voix à elle, puisqu’elle n’avait pas, comme lui, la capacité d’imiter celle des autres, mais peu importait, parce que les mots étaient aussi les siens. Il avait brisé une promesse. Il lui avait menti. Elle courut pieds nus dans l’herbe, son corps reprenant la quasi-apparence d’un arbre alors qu’elle sautait sur lui et s’enroulait, ses bras et des jambes devenus branches, autour de son cou. Mais son visage, malgré le lustre boisé, était toujours celui d’Analia. « Menteur ! » répéta-t-elle. « Et toi, Machine Garce, attends-moi sagement, je viens te faire exactement ce que mon père a fait à ta copine ! » Mais d’abord, il fallait faire quelque chose à propos de Numéro 1.

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Rythm in the dark

La première erreur de Machine Queen avait été de sous-estimer la force de frappe de son adversaire, la seconde avait été de penser que Numéro 1 avait entièrement disparu, avalé par la machine, qu'il était incapable de lutter. Et en révélant son identité pour faire souffrir sa victime, il lui avait donné les moyens de lutter. Le cyborg commençait déjà à accuser le coup de leurs petit échange sans prise de gant, mais celle qui un jour avait eut pour nom Lady Weeds ne voyait que la victoire, le dernier coup manqué n'était qu'une erreur, il n'y avait aucune chance pour que ce qu'il restait de conscience dans un cerveau endommagé et modifié puisse prendre le dessus, il ne l'avait jamais eut et ne l'aurait jamais, il était esclave de son nouveau maître. Et comme les spores qui attaquaient chaque petit espace en s'accumulant et en grippant le système peu à peu, le feu de la révolte n'était pas éteint au fond du cœur du cyborg. Numéro 1 sentait l'appel, ce son lointain, la promesse qu'il avait faite, la résolution qu'il avait pris, il s'approcha de l'origine de ce son et tenta de l'attraper, quelque chose n'allait pas, que faisait son corps ici? Il était mort non? Il se souvenait du visage de Waller sur l'écran, étrange... un mauvais rêve? Non, il était bel et bien mort, il le savait au plus profond de lui, alors que faisait-il ici? Et ou était-il d'ailleurs. Son esprit s'embrouilla, pourquoi était-il mort? Qui était Waller? Pourquoi la détestait-il? Vraiment étrange, mais plus important.

Qui était-il lui?

Le réacteur hurla à nouveau, un son strident se fit entendre et de la vapeur commença à s'échapper du cyborg qui désormais irradiait de chaleur, le métal se chargeant de cette chaleur, provoquant la mise à feu des spores, augmentant l'effet presque surréel de la vision de son corps métallique laissant échapper quelques flammes dans des petits bruits de combustion pendant que le moteur sifflait de plus en plus fort. Les pistons s'activaient et sa vitesse augmenta instantanément, quittant le champs de vision de Tefé qui commençait à se transformer, le sifflement fut accompagné d'un soudain craquement alors qu'une articulation, endommagée par les spores et la nouvelle puissance dégagée par le réacteur située au delà de son design, lâchait comme une étagère mal fixée, mais le Cyborg ignorait cela, ses optiques fixés sur l'objectif. Qui le regarda avec les yeux de sa sœur, Machin Queen ne s'était pas attendu à ça, l'esprit fracturé et meurtri de Klaus était fortement lié à elle, il reprit instantanément le siège du conducteur et un hurlement de rage s'échappa des hauts parleurs du bâtiment, provoquant l'explosion de certains d'entre eux. Le visage du cyborg passa d'inexpressif à perdu alors que son regard se posait d'abord sur Tefé, ensuite sur le genoux éclaté de sa jambe gauche au bout duquel, pendant au vent dans sa course effrénée, se situait le bas de la jambe et le pied. Son regard revint sur sa sœur.

-Analia...

D'une pirouette, sa jambe valide se planta dans le sol et il se mit face à elle, immobile, étrangement humain.

-... N4...

Sa main passât sur le visage reconstitué de sa sœur dans un geste tendre, mais automatique, l'épée continuait de vibrer dans son autre main et le sifflement s'était pour l'instant atténué.

-... aide moi.

Un arc électrique le frappa dans le dos et il sentit le contrôle repartir, projeté en arrière comme si il s'était s'agit d'un hameçon et d'un fil de pêche qui l'avait agrippé, il sentait à nouveau le contrôle lui échapper, il sentait que quelque chose n'allait pas bien, sans pouvoir dire quoi. Le sifflement reprit de plus belle alors que le Rythm supprimait à nouveau sa présence. La lame vombrit de nouveau et du metal se mit à voler se fixant sur la jambe de Klaus comme une réparation de fortune d'un ingénieur un peu cinglé et ignorant des règles de sécurité. C'était tout ce que Machine Queen pouvait faire pour le moment en attendant qu'ils aient accès à mieux. Mais cette succession d'échec venait de lui apprendre la peur de ce qu'elle affrontait.

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C'était chaud, ça brûlait, et s'il y avait quelque chose que Tefé n'aimait pas, c'était la chaleur. Elle avait l'impression que le cyborg pouvait prendre feu à tout moment, le métal fondre et elle, s'enflammer à son tour comme du bois sec, la plus grande peur du Green depuis que les hommes avaient fait leur le feu et s'en servait pour déforester la planète. Elle ne lâcha pas prise cependant alors que N°1 marquait un temps d'hésitation. Est-ce que sa technique de fouine fonctionnait ? Peut-être qu'elle pouvait le vaincre en combat mais ça lui paraissait trop fatiguant et trop hasardeux. Elle ne pouvait pas compter sur la chance avec lui. Malgré tout elle sentait que ses attaques répétées commençaient à faire de l'effet. Celles du cyborg aussi, cela dit. Elle se raidit quand soudain il lui demanda de l'aider, enfin, ce n'était pas vraiment à elle qu'il s'adressait mais probablement à sa sœur. N°14, hein ? Tu parles d'un fratrie. Comme le faisaient toutes les constructions humaines, cependant, le corps artificiel de N°1 semblait prêt à se déliter, même s'il se dégageait de cette armure une étrange impression, depuis le début. Elle ne ressentait pas chez lui le vide et la froideur du métal habituel. Il y avait presque de la vie, un genre de vie déformée et détournée de ce qu'elle était censée être à l'origine, une quasi-abomination. Comme une horrible pantomime du Green ou du Red, faite de métal, de plastique et de verre. Elle le laissa lui toucher le visage juste pour profiter de ces quelques secondes de répit, pour retrouver son souffle. Elle doutait que la vision de sa sœur suffise à le calmer et effectivement, ça ne dura pas longtemps, mais son appel à l'aide lui avait suffi. Il était de nouveau l'esclave d'elle ne savait pas quoi. Et il avait pour mission de la tuer. Elle n'avait pas à tergiverser plus longtemps : c'était elle qui le tuerait. Pour se sauver elle-même, et pour le libérer, lui, une bonne fois pour toutes.

Mais avant d'en arriver à de telles extrémités, il fallait déjà qu'elle vienne à bout de ce qu'il était devenu. Elle reprit une forme vaguement humaine et vaguement téféienne pour le regarder sans un mot. Comme elle continuait de sentir cet étrange présence émanant de son armure, elle en conclut que le véritable ennemi se cachait justement là-dedans. On aurait dit qu'elle avait une volonté propre, en tout cas une volonté différente de N°1. Le débarrasser de ce truc pouvait faire aussi bien le job, et si ça ne suffisait pas, au moins serait-il possible pour elle de le mettre hors d'état de nuire. Elle sentait que les spores avaient déjà pas mal endommagé cette carcasse immonde. En revanche, cette épée qu'il brandissait lui foutait bien trop les jetons pour qu'elle s'approche encore de lui. C'était mauvais, pour elle, pour sa nature, ce n'était pas le bois et la chair qui pourraient arrêter cette lame. « Tu sais quoi, ça tombe bien que tu ne sois pas mort finalement. Il y a un truc que j'ai oublié de te demandé la dernière fois. » Sous le sol, invisible, le Green s'activait. Des centaines et des centaines de racines, fines comme des lianes, se rassemblaient sous le cyborg. Elle y était presque. « J'ai plus envie de t'appeler N°1, ce type-là est censé être mort. Comme moi, je ne suis plus Mary, elle aussi elle est morte. » Elle sentait monter en elle la force du Green comme une vague, un soulèvement de vie, d'énergie pure alors que la conscience collective de la nature répondait tout entière à son appel. « C'est quoi, ton nom ? » Elle ne pouvait plus bouger, elle-même devenue quasi partie intégrante du sol, de la terre, de l'herbe, et en dessous des racines. Mais peu importait, de toute façon si elle n'arrivait pas à l'arrêtait, est-ce qu'elle arriverait à le fuir ? Même pas sûre...

Soudain des centaines et des centaines de racines jaillirent du sol sous et autour de N°1 et partirent aussitôt à l'assaut de l'armure. Tefé l'avait vu de ses yeux : il était possible d'endommager cet horrible assemblage à la fois mort et vivant qui semblait être devenu le nouveau maître de N°1. Pour ça aussi, Tefé avait la haine, pas seulement parce que sa propre vie était attaquée. Que les gens comme lui, comme elle, se fassent toujours avoir, se fassent toujours baiser au final, que l'histoire de leur vie ne change jamais, ça la mettait hors d'elle. Les racines se glissèrent sous les plaques, s'immiscèrent dans toutes les failles, toutes les ouvertures, s'enroulèrent autour de chaque câble, chaque piston, compressèrent chaque petit composant électronique. Sans pitié, comme un parasite, probablement une sensation désagréable, voire pire, mais comme pour tous les maux, parfois il fallait souffrir pour en être débarrassé. « Bats-toi, N°1 ! Analia serait malade de te voir dans cet état. Et moi, ça me fout la rage, putain, réveille-toi ! » Et sous l'armure, les racines s'agitèrent, se dilatèrent, se compressèrent, pour faire sauter l'armure. C'était quitte ou double désormais. Ou ça marchait, ou ça ne marchait pas. Ah, il y avait aussi la possibilité que ça marche trop tard. Mais Tefé n'était plus assez humaine pour s'en inquiéter le moins du monde.

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Rythm in the dark

Dans sa prison numérique, Machine Queen s'impatientait, ce combat n'avait que trop duré et la fille de Alec Holland refusait de mourir, usant de toutes les ruses et tromperies pour interférer avec l'esprit fragmenté prisonnier du vaisseau de métal qu'ils utilisaient, les partie définitivement biologiques, bien que marqués par la transition vers un nouvel état de pureté, étaient une science inconnue, un nouveau terrain qu'elle avait tout le mal du monde à pratiquer. L'esprit de ce mortel était des plus complexes à appréhender tant les clés lui manquaient pour imaginer un seul instant l'état de confusion qui habitait sa victime, le combat acharné qu'il luttait pour remettre en place ce qu'il pouvait. Tel un film mis entre les mains d'un monteur fou, sa vie n'avait aucun sens, le début et la fin se mêlaient, les dates se confondaient, les visages, les événements, tout ça était trop difficile à conserver en un seul morceau. Mais il se sentait si mal, et la reine décida que c'en était assez, que cet ennuyant visiteur devait disparaître si ils voulaient atteindre leurs objectifs, trop abîmé malgré la réparation express reçue, délivrer le coup fatal serait impossible dans ces conditions, la puissance de Tefé était trop grande pour l'instant.

Elle sentit l'attaque presque un quart de seconde trop tard, occupée à sa stratégie, l'armure réagit immédiatement à l'agression en prenant de la hauteur, des racines tentant de l'agripper, le moteur feu du couchant hurla à nouveau et les processeurs chauffèrent en même temps que les servomoteurs hurlaient à nouveau. La jambe déjà abimée fut rattrapée en premier, le sabre sectionna immédiatement ce qu'il restait de l'articulation et de son "attelle" pour se libérer, l'instant d'après, la vibrolame hurla en tranchant à une vitesse dépassant la perception humaine, avec une précision chirurgicale, chaque coup sectionnant les plantes à mesure qu'elle continuaient de progresser. Le mouvement s'intensifia à mesure que les racines se faisaient plus nombreuses, la repousse plus rapide, le sifflement s'intensifia jusqu'à ce qu'un craquement se fit entendre. Désormais à 7 mètres du sol, repoussé à mesure qu'il tranchait la masse végétale, le coude gauche présenta un signe majeur de dysfonctionnement et lâcha, envoyant du métal voler jusque dans le bâtiment qui commençait à s'effondrer, rongé par des racines qui venaient désormais de toute part. Encerclé, il ne restait qu'une chose à faire. Le bras droit bloqua la fonction de vibrolame d'une simple pression et arma son coup avant d'envoyer la lame fendra tout sur son passage, les racines finirent par atteindre l'armure terminant ce que le premier, assaut, le pollen et l'abus du réacteur feu du couchant avaient commencé. Des dizaines de bruits de craquement retentirent alors que chaque piston et chaque composant était la cible de la furie de la nature. Désormais réduit à un tas de métal meurtri, l'armure sentit cependant l'attaque se stopper, le coup avait atteint son but.

Les plantes lâchèrent et la carcasse s'effondra au sol dans un bruit sourd, les yeux mécaniques du cyborg observant d'un air vide le corps percé par une vibrolame vidée de toute énergie sans son porteur pour la manier, Machine Queen hurla à travers le Rythm tout entier de frustration, car le coup n'avait pas achevé la cible. Tefé était blessée, mais vivante, et il faudrait d'intense réparation au vaisseau. Le bâtiment avait été définitivement détruit par le denier assaut et elle avait perdu sa connexion, ce n'était qu'une question de minutes et de satellites, mais elle ne savait pas ce qui allait advenir d'ici là.

La lumière des étoiles dans le ciel et un vent calme, voilà tout ce qu'il sentait, tout ce que son esprit pouvait percevoir. Il sentait que le monde était enfin tangible, même si pour l'instant il ne sentait pas grand chose, l'image n'était pas indistincte, il voyait clairement, pour la première fois depuis longtemps. Son cou se tourna et il observa d'un air absent la pitoyable moitié de bras encore rattachée à son corps sur la gauche et l'absence quasi généralisée du reste de ses membres. Avaient-il été toujours comme ça? Il se souvenait pourtant avoir déjà... marché, ou un truc du genre, une activité avec des jambes et un corps complet. Le moignon de metal le leva un peu, plus loin il y avait une fille, il la connaissait.

-Tefé!

C'était le nom de qui ça? Celui de la fille? Elle était étrange, et visiblement mal en point. Il se sentait un peu responsable, mais c'était étrange, il la connaissait? Son esprit fut agressé par plusieurs décharges qui provoquèrent un grimage étrange sur son visage.

-Je... je suis...

Son regard sembla s'éteindre et il regarda le sol comme si ce dernier avait la réponse. Il observa mieux le moignon et entre les plaques de protection, il y avait une mention.

-Hide...yoshi.

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Rythm in the dark

C’était la fin, pour lui ou pour elle, et elle espérait que s’ils devaient en arriver là, ce serait plutôt pour lui, mais elle n’avait plus vraiment conscience de ce qui se passait, à ce stade. Elle savait seulement, clairement, avec une lucidité affolante à l’apogée de la bataille, pourquoi elle se battait. Pas seulement pour survivre, pas seulement pour botter le train de N°1. Au dernier moment, à la dernière seconde, elle avait compris qui était l’ennemi. Elle avait été à la place de N°1 des années plus tôt et elle comprenait enfin. Elle était une petite fille alors, à peine cinq ou six ans, quand le Parlement des Arbres s’était mis à murmurer à son oreille. Il avait eu tout pouvoir sur sa vie et sa mort depuis le jour où sa petite essence avait été arrachée du Green et désignée comme le prochain avatar avant d’être condamnée à mort quand le Parlement avait changé d’avis. Les Arbres l’avaient considérée comme une abomination, une erreur de la nature, une singularité n’appartenant ni au Green ni au monde des hommes, jusqu’aux jours où ils avaient pris conscience de sa puissance, bien avant elle, bien avant ses parents. Et alors, ils s’étaient mis à lui murmurer à l’oreille, et elle avait fini comme N°1, incapable de se contrôler, complètement sous la coupe du Parlement, à lui obéir au doigt et à l’œil, et pour les Arbres, elle avait massacré et massacré encore, poussant ses parents à lui arracher ses pouvoirs, à la priver de ses souvenirs et même de son propre corps et à la chasser, sous la forme de Mary Conway, de leur existence. Elle se souvenait de tout désormais et surtout de l’adoration absolue qu’elle pensait alors ressentir pour le Parlement des Arbres quand elle était sous leur coupe alors qu’en réalité elle ne comprenait pas ce qu’elle faisait ni même ce qu’elle ressentait, que sa colère, son dégoût des hommes et sa soif de sang et de mort n’étaient pas les siens mais ceux du Parlement qui avait empoisonné son esprit.

Et à présent, c’était ce même ennemi qu’elle combattait au travers de cette carcasse de métal, elle le sentait. Pas le Parlement des Arbres mais quelque chose d’équivalent, et cela acheva de balayer ses doutes ou ses craintes alors que toute la puissance du Green s’abattait sur N°1. Elle ne craignait plus de lui faire de mal ni même de le tuer, pas plus qu’elle ne craignait pour sa propre existence dont les contours désormais étaient devenus flous tant qu’elle était imprégnée dans le Green. Tout ce qui importait c’était de détruire cet ennemi invisible et lointain qui s’était approprié l’existence de N°1 comme le Parlement des Arbres avait clamé la sienne. Elle ressentit un choc à un moment, une vague sensation de chaleur dans la poitrine, mais ni prit pas garde. Elle sentait le raz-de-marée végétal parti à l’assaut du métal, impossible à arrêter, parce que telle était la nature de la nature elle-même. Impossible à arrêter, toujours en mouvement, toujours en recommencement, se multipliant, grouillant, envahissant tout, la moindre faille, la moindre interstice. Puis tout sembla s’arrêter. Elle en fut étonnée, puis se rendit compte que sa connexion avec le Green avait été coupée, à cause d’elle, parce que ses forces la quittaient. Elle baissa les yeux et vit enfin la lame ennemie dont la garde dépassait de sa poitrine. En relevant le visage, elle vit aussi que N°1 s’effondrait lentement. Elle esquissa un sourire satisfait en constatant son état. J’ai gagné… Ou quelque chose comme ça. Elle arracha la lame de son torse et la laissa tomber par terre, puis sentit le doux contact de l’herbe contre sa joue alors qu’elle-même s’effondrait à plat ventre. Elle sentait la vie, pas la sienne, mais la vie en général, quitter son corps, la force du Green, bouillonnante, primaire ; l’énergie du Red, organique et brûlante, comme drainées de ses membres jusqu’à ce qu’il en reste d’elle que la carcasse humaine de Tefé Holland, avec ses maux et ses souffrance, ce lourd sac de viande qu’elle détestait tant et dont elle avait pu se débarrasser pour quelques minutes de cette lutte acharnée.

Elle ne pouvait plus bouger un cil, mais elle vit que N°1 remuait encore. Elle l’entendit prononcer son nom, puis un autre, et cela lui arracha un sourire. « Pfff… c’est ça ton nom ? » C’était dommage d’avoir dû en arriver là pour enfin obtenir ce précieux sésame. Elle sentait son sang se mêler à la terre sous elle qui le buvait avidement, dans l’ordre des choses, et prit conscience de son état pour la première fois. Elle renifla doucement. Putain, elle n’avait certainement pas envie de mourir. « Tu tapes super fort… Yoshi… Si j’avais su… » Devant son visage, un brin d’herbe s’agita, grandit de quelques centimètres et s’enroula sur lui-même, puis une petite fleur en jaillit et deux billes noires se posèrent sur elle. Tefé aurait bien voulu caresser cette étrange plante mais elle ne pouvait plu bouger. « Salut… » La fleur grandit soudain, s’enroula sur elle-même, s’épaissit, éclata en quatre membres végétaux solides, un large torse couvert de mousse et une tête reconnaissable entre mille et soudain, Swamp Thing se tint là, du haut de ses deux mètres, et rien que de le voir, cela fit monter les larmes aux yeux de Tefé qui n’était qu’une sale fille à papa dans les moments où elle agonisait par terre au milieu de nulle part. Il s’agenouilla au-dessus d’elle et elle sentit sa large main se poser sur son dos et une énergie bienfaitrice l’envahir. Elle ne pouvait pas complètement se servir du Green, mais lui, bien sûr, avait tout pouvoir. Puis il se releva et marcha vers ce qui restait de N°1. « Papa… attends… » Son père était la plus douce des créatures sur cette Terre. Mais elle savait qu’il était aussi sans pitié parfois, particulièrement avec les créatures extérieures au Green. Et s’il avait un point faible pour les humains, ce n’était probablement pas le cas pour le genre de créature qu’était N°1, surtout quand ladite créature avait blessé sa fille. « C’est mon ami… » souffla-t-elle encore, à bout de forces. La créature du marais se planta littéralement à côté de la carcasse abîmée et darda son regard rougeoyant dans celui de N°1. « Qui…es-tu ? » Dans sa voix grondaient toute la puissance de la nature et du Green, le poids atavique de milliards d'années d'existence. Et Tefé retint son souffle, car elle eut l’impression que ce n’était pas à N°1, ou Hideyoshi, ou quel que soit son nom, qu’il posait la question.

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Rythm in the dark

C'était à ca que ressemblait la fin, que son ancien esprit l'avait toujours envisagé, une mort au combat au service d'une cause, mais laquelle déjà? Alors que le colosse vert approchait, balayant les plaisanteries de sa fille d'une chappe de plomb alors que des yeux sans expression passaient sur son corps comme si il était un simple déchet dans le paysage, il sentit une indicible terreur l'envahir alors que sa vision commençait à monter. Un bruit dans son dos, celui des plantes qui le levait au niveau de la créature pendant qu'il lui posait une question, une simple question. N1 était terrifié, perdu, le bref sentiment d'accomplissement remplacé par quelque chose de plus primaire, il pouvait percevoir l'énergie pure du Green émanant de lui alors, entrant en conflit avec celle du Rythm qui s'atténuait à chaque seconde qui passait. Le HUD lui affichait l'échec progressif de chaque système, le pourcentage estimé de dommage à sa structure, toutes ces infos complétement inutiles car incompréhensibles pour lui qui ne savait même pas qui il était, qui avait balancé le premier nom qu'il avait eut sous les yeux. Le système de contrôle pulmonaire et les inhibiteurs étaient sans doute la seule chose qui empêchait son cœur de s'emballer à cet instant, mais les dommages étaient présents. Son souffle pitoyable sifflait entre ses dents de résine, dans sa mâchoire de métal, le long de sa langue en silicone, toute ces choses qui composaient son nouveau corps et qu'il n'appréhendait qu'à peine. Ses yeux écarquillés s'illuminèrent quelques instants et sa voix reconstitué par le module vocal résonna.

-Je... Je sait pas...

La réponse rebondissait contre les fragments de son esprit, lui échappait sans cesse, il voyait des murs blancs, un chat, celui qu'il avait croisé en quittant le laboratoire, quel laboratoire? Le train de ses pensées était encore désordonné, confus, il se battait avec des informations parfois contradictoires, des noms multiples, des souvenirs inconstants. Les yeux rouges et inquisiteurs ne le lâchait pas, il ferma les yeux pour essayer de se concentrer, mais c'était impossible. Il voulait la réponse, mais il ne l'avait pas. Ses yeux se posèrent à nouveau sur le titan qui l'observait en retour.

-Je crois que j'ai oublié.

Un flash lumineux et l'énergie de Rythm se fit écrasante, oppressante, il voyait les compteurs du HUD repasser au vert, derrière lui, dissipant les lianes alors que le métal se mouvait et que le corps de Klaus était reconstitué, le métal devenant liquide avant de se resolidifié comme animé d'une volonté propre, se tenait une forme imposante, plus large que le héros du Green et de même hauteur, les deux géants se toisèrent quelques secondes, les énergies respectives de chacun entrant en confrontation, se jaugeant en silence avec leurs protégés à leurs côtés. Klaus sentait son esprit basculer à nouveau.

-Non... Pas encore... NON!

Une décharge électrique le frappa instantanément, ses membres se tordaient pitoyablement pendant que son visage semblait traversé de douleur. Son cri retentit dans le réel et agita le Rythm, sa conscience étant un peu plus dévorée et assimilée après cette agression, son essence se transformant à chaque seconde qui passait, un peu plus depuis que la nouvelle avait fait son apparition. Il perdit définitivement pied, sa tête basculant en arrière et son corps flottant dans les airs comme un pantin tenu par des fils.

-Alec Holland, tu n'a pas changé, mais le détruire aurait été inutile, il est mien désormais, aucun d'entre vous n'est en sécurité, je continuerait de le reconstruire et de l'envoyer à vos trousses. Je ne suis plus un simple avatar, mon pouvoir dépasse ta compréhension limitée... champion. Je te fait grâce de deux vies aujourd'hui, car nous avons un programme chargé, très chargé. Une guerre à mener, les autres membres du parlement en ont décidé, prévient donc les tiens, car nous n'avons pas l'intention de perdre, contre aucun d'entre vous. L'outil sera amélioré, la prochaine fois, c'est ta tête qu'il nous amènera.

D'un mouvement du bras, une vague de pure énergie chargée d'électricité carbonis les plantes alentours au milieu du rire sadique de la responsable, de son raillement métallique assourdissant.

-Cours Alec Holland! COURS!

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Rythm in the dark

Elle retenait sa respiration à ce stade. Elle connaissait son père : il était doux, et gentil, et empathique, il détestait la violence, particulièrement celle des humains. Il était le premier à tendre la main et à proposer son aide et à encaisser stoïquement toutes les horreurs. Mais elle savait aussi qu’il était en colère. En lui grondait une colère permanente comme un feu éternel qui faisait que même s’il était doux et gentil, même s’il détestait la violence, il était capable d’en faire usage sans s’imposer de limite. Jamais il ne le ferait par cruauté ou par plaisir et jamais il n’en éprouverait de la satisfaction. Mais il en était capable, et sans restriction, s’il estimait que c’était là sa seule option. Il fut un temps où cela le minait jusque dans sa chair végétale, mais ce temps-là était passé, il avait vu et vécu trop de choses, et si en cette seconde il considérait, en tournant son regard vers l’avenir, en avisant le monde – c’est-à-dire d’abord et avant tout sa fille, puis cette forêt, puis son marais, sa femme et enfin le Green – dans quelques jours, quelques semaines et quelques années, et qu’il voyait en la carcasse qui gisait devant lui une menace, alors il la détruirait ici et maintenant sans une hésitation et sans écouter une seule parole que Tefé prononcerait. Elle ne savait pas quelle était la bonne réponse à la question que Swamp Thing lui avait posée. Qui était-il ? Elle-même n’en savait plus rien et visiblement, N°1 non plus. Mais même ainsi, il n’y avait pas d’autre bonne réponse que celle de la créature du marais avait décidée en son âme et conscience.

Et pourtant, quand les mots désincarnés résonnèrent enfin dans la clairière, Tefé enfouit douloureusement son visage dans le sol humide. Cette réponse-là, elle ne les connaissait que trop bien, pour les avoir prononcés elle-même il y avait des années. Elle avait elle aussi erré sur cette terre sans savoir qui elle était, pendant très longtemps, et encore aujourd’hui elle se posait souvent la question. Sans nulle part où se rendre, sans personne pour l’attendre, sans but à atteindre ni raison particulière d’exister, comment savoir qui on était ? Et elle espérait que son père comprendrait cette réponse, parce qu’elle savait que lui aussi, en son temps, avait été une chose non définie et non déterminée, lui aussi s’était cru humain avant de tomber de son piédestal, ramené de force à la réalité, avec cruauté et pitié à la fois, par Constantine, qui lui avait expliqué ce qu’il était : une créature. Il n’y avait pas d’autre mot pour définir Swamp Thing et peut-être que c’était ainsi qu’elle-même aurait dû s’appeler, si elle avait eu le courage d’accepter la réalité. Une créature, une chose, un truc inconnu de personne et même d’elle-même. Et quant à ce qu’était N°1… Elle essaya de se lever pour rejoindre son père et réussit à se traîner à quatre pattes, ce qui était très bien tant qu’il n’y avait pas de témoin pour voir cette déchéance. « Je peux te le dire, moi, qui tu es. Ou du moins, je peux te dire qui pourra te l’expliquer… » Il avait une sœur, non ? Ça aurait dû suffire. Mais sa supplique fut balayée par un courant métallique de mauvais augure alors que la carcasse se tordit dans tous les sens comme un horrible spectacle de marionnettes.

La voix qui en jaillit n’était pas du tout agréable. Horrible non seulement par la façon dont elle sonnait – pas humaine, mais même pas organique, comme une légion de voix dissonantes qui formaient un tout désagréable, qui donnait la gerbe, le tournis, qui semblait courir sur sa peau comme des milliards d’aiguilles – mais aussi parce qu’elle émanait du corps de N°1 et que ce n’était clairement pas lui qui parlait. Encore une fois, elle se laissa grignoter par les souvenirs, et la façon dont le Parlement des arbres s’était approprié son corps pour faire passer ses messages mortifères aux humains. Les mots, qui plus est, étaient familiers. Un parlement, encore ? Elle était sûre que son père savait de quoi il retournait. Elle voulut s’approcher encore, puis sentit la décharge d’énergie exploser en brûlant tout sur son passage, et le corps de son père lui boucha la vue et lui cacha ce qui restait de N°1 alors qu’il éclatait en des centaines de lianes qui l’engloutirent comme dans un cocon végétal protecteur. Enfermée dans ce bouclier de bois et de plante, elle sentit la brûlure de l’attaque, ballotée dans tous les sens, puis ressentit un choc violent et atterrit à plat ventre sur le sol à l’autre bout de la clairière. Elle ouvrit un œil et constata, trop épuisée pour s’en horrifier, que tout était détruit, carbonisé, dans un rayon de plusieurs dizaines de mètres, et qu’il ne restait de son père qu’un tas de lianes entremêlées qui pesaient sur elle. Il s’en remettrait. Elle le savait. Quelque part sur cette terre, il se reconstituait déjà un corps. Elle chercha N°1 des yeux mais ne le vit pas, et de toute façon, son champ de vision devenait trop flou, et elle perdit connaissance. Pour la première fois depuis très longtemps, elle avait perdu un combat.

Codage par Libella sur Graphiorum