DAILY PLANET ✸ quatorzième édition

La planète Terre fait à nouveau face à une menace venue d’ailleurs. La lassitude, la frustration, la colère sont présentes dans tous les esprits, les ravages de Brainiac encore trop présents dans les esprits ; mais cette fois, l’humanité a droit à un avertissement, et un temps de préparation. Cet avertissement, il nous est apporté par la Coalition, un groupe de superhéros venus des quatre coins du multivers. Leur point commun ? Leurs planètes ont été détruites par un ennemi commun : l’Anti-Monitor, une entité destructrice qui, d’après eux, aurait des vues sur notre planète. Leurs Terres perdues, ces héros venus d’ailleurs auraient choisi de nous prévenir, et de nous aider à éviter le destin tragique qui a échu à leurs planètes d’origine.

Entre méfiance et gratitude, les réactions du public sont partagées. Mais qui sont ces énigmatiques visiteurs aux intentions si altruistes ? Leur noyau central est composé d’un trio originaire de Terre-15 : Ozymandias, le Hibou, et le Spectre Soyeux, superhéros anciennement membres d’un groupe de justiciers appelés les Watchmen. Si aucun d’entre eux n’est un méta-humain, leur longue expérience de la lutte contre le crime rivaliserait avec celle de notre Ligue de Justice, et ce sont leurs prouesses technologiques, sous le leadership d’Ozymandias, qui auraient permis à la Coalition de gagner notre Terre. A leurs côtés, un nouveau Batman, se faisant appeler ‘Batman Beyond’, venu de Terre-12, et dont les compétences, comparées à celles de notre Batman, sont encore à mesurer. A la surprise de tous, un nouveau Superboy est également de la partie ; nous ignorons encore si sa planète comptait ou non un Superman, et si oui, quel a pu être son lien avec lui. Enfin, deux personnages particulièrement mystérieux complètent le tableau : Atlanna, une atlante s’affirmant reine d’Atlantis sur sa Terre d’origine, une Amazone se faisant appeler elle aussi Wonder Girl, mais affirmant ne pas venir de Themyscira, et Doctor Fate, dont la nature et les pouvoirs restent un mystère complet.

Selon Ozymandias et ses camarades, la Coalition a pu parvenir jusqu’à nous grâce à des brèches spatio-temporelles, la fabrique de l’espace-temps entourant notre Terre ayant été considérablement fragilisées par Brainiac. Si ces visiteurs du multivers ont bel et bien des intentions généreuses envers nous, nous ne pouvons néanmoins nous empêcher de poser la question : si notre monde est devenu si perméable au multivers, qui d’autre pourrait y poser le pied ? Et qui donc pourrait en partir ?

Q : Dick Grayson, le Boy Wonder. Dans vos débuts, c'est au-dessus des gratte-ciels de Gotham que vous voliez, à la recherche de voyous à mettre derrière les barreaux. Vous et le grand Batman formiez un duo à décourager le moindre mécréant. Or, il y a quelques années, vous vous êtes soudainement volatilisé. Pourquoi donc? Cet exil était-il dû à un conflit avec la chauve-souris? Ou Gotham n'était-elle pas digne de votre protection? Qu'est-ce qui vous a poussé à abandonner notre ville de la sorte?

Dick Grayson : Ce n'est pas une question d'être digne ou pas. Ni de Gotham ou pas. Nous nous battons pour sauver des vies, pas pour le mérite. Nous voulons éviter que d'autres vivent les mêmes catastrophes que nous avons vécues. Pas une seule fois j'ai sauté d'un toit en pensant à mon propre égo, ça irait à l'encontre de mes principes. Gotham est rongée par le crime et l'a probablement toujours été, mais le mal est partout, il se propage dans tout le pays, voire le monde. Je n'ai pas quitté cette ville à cause d'un conflit quelconque avec Batman, je l'ai fait pour étendre nos forces, pour être présent partout et essayer de sauver plus de vies humaines. Je croyais sincèrement être capable de faire mieux avec les Titans, tout comme Batman en affrontant de plus grandes crises avec la Ligue de Justice. Alors non, je ne pense pas avoir abandonné Gotham, et mon départ a prouvé que d'autres étaient prêts à se sacrifier pour le bien d'autrui, comme Jason ici présent.

Q : Il est vrai qu'on a eu vent de votre apparition à Blüdhaven, mais les rumeurs courent aussi que vous avez à nouveau disparu de la carte. Depuis quelques semaines, on ne voit plus Nightwing à la tombée de la nuit et ce, malgré le danger qui rôde autour et menace les citoyens. Le crime recommence à monter en flèche dans votre quartier, ce qui ne semble pas trop vous inquiéter. Blüdhaven ne vous convient donc plus? Est-ce parce que le sort des habitants vous préoccupe bien moins qu'avant ou parce que vous avez trouvé un projet plus intéressant pour occuper votre temps?  

Dick Grayson : Décidément, vous vous arrêtez aux apparences. Peut-être que Nightwing n'est plus dans les rues de Blüdhaven la nuit, mais je reste soucieux du bien-être des citoyens de cette ville, je n'ai jamais cessé de veiller sur eux. Il y a ceux qui opèrent voilés sous un masque comme je le faisais auparavant, et il y a cette nouvelle méthode que j'essaye d'appliquer. Certaines blessures m'ont forcé à changer ma façon de faire. C'est avec mon argent et mon temps que j'aide maintenant les plus démunis. Je ne laisse pas le monde sans renfort, encore une fois, ils sont nombreux à vouloir combattre les injustices. Gotham, Blüdhaven et les autres villes ils sont tous sous la protection de justiciers qui donneraient leur vie pour eux. Avec les nouvelles révélations du Peuple, j'ai simplement préféré apporter mon soutien différemment.

Q : Jason Todd, vous êtes marié à Diana Prince et de votre union est même née une petite fille, si je ne m'abuse. J'imagine que vous devez en être très heureux. Croyez-vous que celle-ci soit tout aussi heureuse d'apprendre que son père est un criminel? Pardon, ce n'est pas ce que je voulais dire. Ma question est plutôt la suivante: Pensez-vous donner un bon exemple à votre enfant en ayant ainsi recours à la violence pour faire régner ce que vous qualifiez de justice?

Red Hood : Et vous, comment qualifiez-vous ce qui se passe dans cette ville ? Quand un homme armé abat une famille pour une poignée de dollars, et que ce même homme court toujours les rues des mois plus tard, vous appelez ça la justice ? Quand le Joker n'a de cesse de s'échapper, encore et encore, et que sa liste de victimes se rallonge à vue d’œil, vous appelez ça la justice ? Ma justice à moi est radicale mais efficace. Je nettoie Gotham en mettant un terme définitif à la menace. Pas de récidivistes, juste des vies épargnées. Ce n'est peut-être pas un exemple à donner à ma fille, mais elle ne vivra pas dans monde manichéen, parfois la ligne se doit d'être franchie. Je ne lui demanderai jamais de l'accepter si elle ne s'en sent pas capable, mais je ferai de mon mieux pour qu'elle comprenne  au moins qu'ici bas il faut souvent se contenter du moins pire. Parfois, il ne s'agit pas de héros ou de vilains, de bon ou de mauvais, mais d'hommes qui sont prêts à se salir les mains pour que d'autres puissent dormir un peu plus tranquillement. Et pour répondre à votre première question, oui, je suis très heureux.

Q : C'est quand même assez paradoxal, de combattre le crime par le crime, surtout lorsqu'on en vient jusqu'à tuer pour soi-disant nettoyer les rues. C'est d'ailleurs une limite que Batman lui-même n'ose pas franchir, non? Prétendez-vous savoir mieux que lui ce qui doit ou ne doit pas être fait pour assurer la paix à Gotham? Ceux qui peuvent vivre et ceux qui ne le peuvent pas?

Red Hood : Batman n'ose pas franchir la limite parce qu'il sait qu'il n'en reviendra pas. Moi, j'arrive à prendre assez de recul sur mes actes pour ne pas devenir totalement comme eux. Finalement, n'est-ce pas moi le plus sensé si c'est lui qui redoute de finir à Arkham ? Il a ses méthodes, j'ai les miennes. A l'arrivée, je pense avoir évité plus de crimes que lui. La nuit dernière, un homme a été tué sous les yeux de sa fille. Ils rentraient d'une course au supermarché du coin et un type a déboulé pour lui voler son téléphone. Il a refusé. Le type a tiré. Il a bien évidemment été arrêté après, mais vous savez ce que l'on a appris par la suite ? Qu'il venait de sortir de prison, peine purgée, prêt à être réinséré dans la société. S'il avait croisé ma route avant, une vie aurait été sauvée, et cette gamine n'aurait pas eu à vivre sans son père. Si un jour vous perdez quelqu'un, vous penserez à moi, j'en suis certain. Vous vous direz que si ce criminel était tombé sur moi plutôt que sur Batman, les choses auraient été totalement différentes.

Q : Une dernière question pour vous messieurs. Puisque nous sommes dans le vif du sujet, je me permets de m'aventurer sur ce sentier: Nightwing, Red Hood, vous êtes tous les deux d'anciens Robins, l'acolyte du chevalier noir qu'on connait aujourd'hui comme étant le célèbre Bruce Wayne. Bien que vous voliez désormais de vos propres ailes, j'imagine que vous lui vouez encore un grand respect. Peut-être est-il même une inspiration pour vous? Après tout, c'est lui qui vous a montré la voie du vigilantisme. Ce qui m'amène à me demander ceci: Duquel de vous deux Batman est-il donc le plus fier, à votre avis? De l'anti-héros qui terrorise les criminels par ses méthodes brutales et certainement déraisonnables, ou du justicier qui a raccroché son costume et délaissé la ville de Gotham puis, paraît-il, celle de Bludhaven?

Red Hood : C'est facile d'émettre un jugement assise sur votre fauteuil confortable. Vous êtes libre demain soir pour un reportage sur le terrain ? Je suis persuadé que votre rédacteur en chef serait ravi que vous lui rameniez de telles images. Et non, je sais pertinemment qu'il n'est pas fier. Mais vous voulez un scoop ? Je me fiche de son approbation ou de son opinion sur ma façon de faire les choses. Ce n'est pas pour lui que je sors tous les soirs, c'est pour ceux qu'il n'a pas été capable de protéger en permettant aux bourreaux de sévir à nouveau. Vous n'êtes pas de Gotham, mais je ne devrais pas vous l'apprendre, ici, avec un peu d'argent et de relations, personne ne reste bien longtemps derrière des barreaux. Quelle solution reste t-il ? Je serais heureux d'avoir votre avis sur la question et sur la façon dont vous percevez la justice de nos jours.

Dick Grayson : Se poser ce genre de questions n'est clairement pas notre priorité. Nous savons tous les deux qu'il est fier de nous. Peut-être n'approuve t-il pas les méthodes de Jason, ou encore mon retrait de la scène super-héroïque, mais il sait que grâce à notre implication le monde peut redevenir un endroit où l'espoir est permis. Vraiment, je crois que les personnes qui se posent cette question sont ceux qui cherchent à créer un gouffre entre nous. Jason est mon frère, et tout comme Batman, je suis fier du bien qu'il fait autour de lui. Peut-être n'agit-il pas comme le ferait notre mentor, mais il reste un homme qui tenterait tout pour vous sauver si votre vie était en danger. C'est ce que j'appelle être un héros.