Ma voix brise le silence pendant que le ciel se craquelle une fois de plus au-dessus de moi. Mes yeux ne font pas attention aux éclats blancs qui découvrent les nuages de sa noirceur discrète et les quelques goûtes qui viennent choir sur mon poignet droit en cette nuit d'orage sont rapidement ôtées quand je passe ma main gauche sur ce dernier. Je prends soin de tirer sur ma manche pour que le manteau long et brun que je porte vienne couvrir ma peau davantage puis je profite du geste pour poser un regard hâtif à l'heure que révèle ma montre. 23:27.
J'essuie un reniflement que l'agacement a engendré, mon nez prend une plissure désagréable et pendant que j'entends la voix de l'un de mes hommes me parler, mon regard vient se jeter contre l'un des container de marchandise que présente ce port. Il parle rapidement, ses mots se brouillent dans la hâte avec laquelle il se déplaît à user de mon temps, ses mots s'enchaînent et je comprends, à l'entendre parler, qu'il aura bientôt terminé. Mais il ne dit rien d'intéressant, le bougre, alors je ne l'écoute plus ; mes doigts viennent trouver l'emplacement d'un régulateur de son comme ils doivent l'appeler et je baisse promptement la voix de l'homme me parlant au travers une oreillette.
Autour de moi, il n'y a personne. Il n'y a que la pluie qui tombe de plus en plus fort et le son que produisent mes souliers quand je frappe les flaques qu'elles produisent en martelant le sol ; mes pas se joignent aux coups de tonnerres et j'use à mon tour le bitume à grands coups de bottes noires. Et je me rends chez-elle, me dirigeant vers là où mes quelques souvenirs de Morgaine me soufflent d'aller : entre quelques cargaisons déposées là où se trouvait autrefois l'une de ses demeures. On allait la libérer, si elle ne l'était pas déjà, et pour y avoir prit part il y a de cela quelques siècles il m'est connu que la libération devait se faire là où résidait autrefois son foyer. Mais seulement voilà, Morgaine est âgée : bien trop pour n'en avoir eu qu'un, de foyer, alors j'avais dû envoyer bien trop d'hommes aux quatre coins du monde afin de repérer les lieux et s'assurer qu'elle ne puisse pas revenir.
Et c'est depuis cet instant que mon nez prenait bien trop souvent, dans un rictus sévère, cette plissure désagréable qui m'accompagnait depuis tant de temps que comptais ma présence dans ce monde ; car Morgaine ne m'est plus chère depuis bien trop de temps aujourd'hui et que des foyers, elle en avait eu plus que je ne pouvais en compter. Et je ne peux alors qu'espérer – et pour sûr, je déteste m'en remettre à l'espoir – ne pas la manquer.
Je suis seul au milieu de bien trop nombreuses cargaisons et la foudre s'abat à quelques kilomètres au Nord dans les eaux alentours, éclairant par accoue les containers : rouge et jaune pour la plupart, longs de dix à vingt mètres et d'une largeur de quatre. Ils sont répandus sur plusieurs centaines de mètres et ne ressemblent guère à ce qui avait été jadis un sanctuaire pour la magicienne.
Je suis venu seul car cet ancien foyer représentait quelque chose pour moi, car il représentait la naissance et la fin d'une relation. J'étais venu seul comme en signe de respect, sans savoir si elle serait là aujourd'hui ou si je croiserais ses hommes, son culte, la secte que dirigeait son fils. Ou bien personne.
La voix à peine audible de l'un de mes hommes fini par s'éteindre dans mon oreille : je remonte le niveau sonore.
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