blood, tears and kryptonite ✸ KORY & KARA

On ne touche pas aux enfants. Ce n'était même pas là un précepte que Koriand'r avait appris sur Terre, et qu'elle avait ignoré jusqu'à l'heure de son crash sur la surface terrestre, en pleine ville. On ne touchait pas aux enfants. C'était comme une vérité, une certitude implacable qui traversait les galaxies autant que les siècles et les sociétés, bien qu'au sein de ses études humaines, la jeune femme avait pu comprendre que, tout de même, cela n'avait pas toujours été le cas, ici, sur cette planète qui l'accueillait, ou plutôt sur laquelle elle s'était réfugiée sans même trop le chercher, sans même trop le choisir. Pour elle, une telle logique dépassait le simple stade de la constatation et de l'apprentissage. Cela allait plus loin, c'était bien plus personnel, bien plus viscéral. Sans doute parce qu'elle avait elle-même été une enfant, un peu comme tout le monde, certes, mais que contrairement à l'immense majorité, sa propre enfance, si idyllique, prometteuse et emplie de promesse s'était achevée dans l'horreur absolue, quand la Citadelle était venue l'arracher des bras protecteurs des Seigneurs de Guerre d'Okaara, pour la jeter dans la bouche béante de leurs vices et dépravations. Elle avait souffert, immensément, avant que son adolescence ne prenne la même direction, sous le joug des Psions cette fois-ci. Alors, elle était loin d'en être sortie indemne, et évidemment, cela l'avait laissée plus que marquée et traumatisée. Ce qui achèverait sans doute quiconque de lui expliquer qu'elle avait tord, si et seulement si elle parlait de tout ceci, ce qu'elle ne faisait pas, à l'exception notable de Dick, bien évidemment, et de sa propre sœur, pourtant responsable de ses premiers maux auprès de la Citadelle, mais victime, comme elle, des expérimentations et des tortures malsaines des Psions. Et si être mère lui était un peu tombé dessus, phénomène loin d'être prémédité mais sans aucun doute circonstance des plus logiques à la vie sexuelle si épanouie qu'elle avait partagé avec Dick dès le début, la jeune femme avait épousé sa première maternité, puis la seconde, avait une force et une rage débordantes. Elle s'était sentie faîte pour cela, pour avoir des enfants, pour leur transmettre une partie d'elle-même, l'héritage d'un monde aujourd'hui disparu. Et si les Tamarans partageaient plus de concordances avec les félidés qu'avec les humanoïdes, alors la comparaison entre la mère lionne et ce que Kory était en mesure de faire pour ses petits était toute trouvée !

Inutile d'expliquer pourquoi elle s'en était donc prise si violemment à cette parfaite inconnue, dès lors qu'elle avait débarqué en furie et en trombe sur les ruines de l'école maternelle où se trouvaient Mar'i et John. Le petit bout de chou qu'était son fils ne fréquentait les lieux que depuis quelques jours, et seulement le matin. Et il avait fallu que ... Il avait fallu que tout ceci arrive juste avant l'heure du midi, causant sans doute également, alors, la mort des premiers parents et premières nourrisses venus chercher les plus jeunes pour déjeuner. Mais, aussi cruel et cynique que cela pouvait être, présentement, de toutes ces morts là, Koriand'r n'en avait absolument rien à faire. L'essentiel, au début, avait été de retrouver ses propres enfants. Et quand on lui avait désigné l'ambulance dans laquelle on s'affairait déjà à leur prodiguer les premiers soins les plus superficiels, alors qu'ils étaient encore en vie et relativement indemnes, elle n'avait pu que se précipiter vers eux, les enserrant dans ses bras. Mar'i avait tremblé, mais elle n'avait visiblement pas pleuré. Mais Kory l'avait tout de même sentie ébranlée, et on le serait à peu. Avait-elle dû ... Avait-elle dû sa survie à sa part tamaraneanne ? Quoi qu'il en était, la petite lui avait certifié avoir protégé son petit frère, avec une fierté dans cette voix tremblante. Et John, lui ... John ne semblait pas avoir compris la gravité de la situation, ce qui était sans doute mieux ainsi. Alors, oui, elle aurait pu rester dans cette ambulance, mais ... Mais elle avait entendu un paramedic évoquer le cas de cette jeune femme blonde qui venait d'arriver et qui semblait déjà les aider, à mains nues, à dégager les victimes. Et son sang n'avait fait qu'un tour.

Elle avait passé tant d'heures devant la télévision, pour s'occuper, lors de sa première grossesse, car, alors, la vie sur Terre lui était encore si étrangère, et elle aurait risqué de trop attirer l'attention sur elle et de commettre bien des impairs. Et les Américains semblaient raffoler des histoires de meurtre et de crime. De tout ceci, Kory avait retenu bien des choses, dont le fait que certaines criminels n'avaient aucune honte à être parmi les premiers sur la scène de leurs propres exactions, pour soit disant aider et donc se dédouaner de tout soupçon. Elle avait embrassé ses enfants, et fait jurer à Mar'i et John de rester ici, et de veiller l'un sur l'autre. Avant de bondir hors de l'ambulance, déterminée à ... En réalité, elle ne songeait à rien. A rien d'autre qu'à protéger ses petits, et à s'assurer que cette femme sortie de nulle part ne vienne pas s'acquitter de bien finir le boulot commencé. Kory aurait sans doute dû prévenir Dick, mais cela ne lui effleura pas l'esprit, sur le moment, la vie de leurs enfants étant en jeu. En plus, il demeurait encore comme perdu dans tout ça, sans parler du fait qu'il aurait certainement voulu la raisonner, voire même intervenir, et le simple fait de le savoir lui aussi en danger ... Le choc fut sans doute violent, mais Kory ne savait ni ne pouvait encore se mesurer quand elle était sujette à de fortes émotions. C'était ainsi, pour son peuple. Et la blonde allait en faire les frais, alors qu'elle lui était littéralement rentrée dedans, sans prendre de gants et sans se ménager, histoire de la projeter hors de là, plus loin, et de pouvoir lui régler son compte, avant de discuter. C'était bien ainsi qu'agissaient les soldats, non ? Ils vous frappent, et après, ils vous parlent, même si, alors, malheureusement, parfois, vous n'êtes certainement plus du tout en mesure de dire ou de faire quoi que ce soit !

« Sale monstre ! Tu viens de repaître de la vue des cadavres d'enfants innocents, c'est ça ? » Oui, elle déraisonnait. Oui, elle prenait des risques, en déployant déjà une partie de l'étendue de ce qu'elle était en mesure de faire, et ce sous son identité et son apparence humaine. Mais elles étaient toutes deux passées à travers plusieurs gravats, là où plus personne ne pouvait sans doute avoir de visuel sur elles. Et Kory avait les pensées confuses, dirigées en un seul sens : défendre ses enfants, et annihiler toute menace. Quitte à pulvériser la jeune femme face à elle, là où deux starbolts réchauffaient déjà de plus en plus la paume de ses mains.