sometimes, we screw things up for the better | nate

L’histoire de Nate est une histoire de renaissance et de rédemption, le genre d’histoire dont il avait l’habitude de rire au cinéma, se moquant avec humour de cette impression de copié-collé face à ces films d’action dont le héros perd tout, pour mieux se relever après s’être découvert une cause plus grande que lui. Il ne se doutait pas qu’un jour, il serait lui-même le héros de ce genre d’histoire – et quand il y pense, ça le ferait presque rire, cette ironie du sort. Presque – si toute la douleur qui y était associée n’était pas la source d’interminables cauchemars et d’angoisses innommables.

Nate est né dans le comté de Franklin, dans l’état de l’Ohio, au sein du célèbre clan Heywood. Une famille aussi étendue que soudée dans sa globalité, le genre de famille qui se réunit une fois par an pour une semaine barbecue qui mériterait presque une place dans le livre des records tant même les cousins les plus éloignés tiennent à participer. Et pour cause, dans le clan Heywood, la cohésion fait tout, et l’on s’unit autour de la figure inénarrable du patriarche incontesté de la famille : Hank Heywood, Commander Steel, héros de la seconde guerre mondiale et de l’Histoire américaine, symbole d’héroïsme et de patriotisme qui inspire sans jamais diviser. Une fierté familiale qui donne un sens à ce patronyme dont tout un chacun fait de son mieux pour s’en montrer le digne héritier. Nate ne fait pas exception à la règle, passionné par les histoires d’un grand-père qu’il considère comme son idole, lui demandant sans cesse de répéter ses aventures jusqu’à les connaître par cœur, se nourrissant de l’imaginaire héroïque qui lui donne la motivation nécessaire pour, lui-même, se battre et réussir tout ce qu’il entreprend en respectant les valeurs un peu datées d’honneur et d’intégrité.

Nate grandit à la campagne, dans une maison isolée d’une zone rurale du comté de Franklin, entouré de ses parents et de son jeune frère Kirk. Les temps sont rudes pour cette partie du clan Heywood, le père de Nate ne pouvant travailler autant qu’il le souhaite à cause d’une faiblesse cardiaque qui le force souvent à garder le lit et force son épouse à jongler entre deux boulots dans les champs environnants et comme serveuse dans l’un des restaurants de la ville voisine. Une situation difficile, mais dont ils s’accommodent du mieux qu’ils peuvent : Nate, lui, contribue à soulager la famille en leur donnant de l’espoir avec ses résultats scolaires exceptionnels. Kirk, lui, préfère commencer à travailler très tôt pour aider leur mère, et c’est sur Nate qu’échouent les espoirs d’un meilleur futur. Une pression qu’il supporte comme il peut, sous l’œil inquisiteur d’un père particulièrement exigeant, projetant sur son aîné tous les espoirs auxquels sa santé défaillante l’a forcé à renoncer. Une pression qui, au fil des années, craquèle la relation père-fils jusqu’à l’irréparable.

En plus de ses excellents résultats scolaires, Nate se révèle être un athlète de qualité et un atout imparable dans l’équipe de football américain de son lycée. Jeune quarterback prometteur, il se lance corps et âme dans ses entraînements et ses matchs, poussé par un coach qui voit en lui un sportif à l’avenir prometteur, et un père qui voit là sa chance de réussir à intégrer une bonne université et se construire l’avenir que lui-même n’a jamais eu. Le football est une passion pour Nate, mais aussi et surtout un potentiel ticket de sortie pour lui et sa famille – et le sport devient sa priorité absolue, espérant gagner une bourse pour l’université et peut-être même entamer une carrière professionnelle qui règlerait tous leurs problèmes.

Nate perd son père l’année de ses dix-sept ans, comme prévu d’une défaillance cardiaque. Une perte lourde qui pèse sur toute la famille et conforte le jeune homme dans ses objectifs : sans son père, il est l’homme de la famille, et a la responsabilité de son frère et de sa mère qui s’épuise toujours au travail sans jamais se plaindre. Un an plus tard, les rêves de Nate se réalisent : en 2001, il décroche une place à l’Ohio State University où il décide d’étudier l’Histoire, et une bourse couvrant l’intégralité de ses frais du moment qu’il rejoint l’équipe de football de la faculté. Enfin, l’avenir commence à briller pour Nate Heywood et sa famille encore en deuil.

A l’université, il se révèle une fois de plus être un étudiant brillant, passionné par ses études et motivé, et l’athlète de choc que le coach avait espéré recruter. Enthousiaste, populaire auprès de tout, Nate ne fait pas mentir le nom des Heywood et entame ses débuts de sa carrière de sportif professionnel dans l’équipe de l’université, faisant la fierté de sa ribambelle de cousins qui l’adulent et n’ont de cesse de le lui rappeler à chaque réunion de famille. Match après match, Nate confirme sa place dans l’équipe, son talent et son fair-play, tacle après tacle, point après point. Très vite, il devient clair qu’un avenir lui est promis dans le sport, après même une fois son diplôme obtenu, Nate continue de jouer, décidant d’embrasser sa carrière de sportif plutôt que d’historien. Véritable star de son équipe, Nate est un oiseau en plein vol que rien ne semble pouvoir arrêter.

Jusqu’à la blessure fatidique qui lui coupa les ailes en plein vol. Quelques années après le début de sa carrière, en plein milieu d’un match qui avait pourtant si bien commencé, un tacle mal négocié d’un adversaire lui vaut une mauvaise chute, et une blessure au genou sévère le forçant à être transporté en civière pour l’hôpital immédiatement. Les heures qui suivirent ne sont, encore aujourd’hui, qu’un flou obscur et la source de nombreux cauchemars. Nate se souvient confusément d’avoir été noyé dans les anti-douleurs, son genou complètement paralysé, puis le retour de la douleur, la fièvre, sa mère morte d’inquiétude, la forme blanchâtre d’un médecin leur annonçant quelque chose à propos d’une infection inexpliquée, sa mère pleurant dans les bras de Kirk. Puis le trou noir.

Quand Nate s’était réveillé après l’opération, la douleur était toujours là. Sa jambe droite, en revanche, avait disparu à partir du genou.

Ses rêves de football et d’une vie pour lui et sa famille, où il pourrait permettre à sa mère de se reposer, et payer les études de son frère et de ses cousins, leur offrir à tous une vie meilleure, eux, avaient disparu aussi.

Pour Nate, la descente aux enfers est aussi douloureuse qu’interminable. Tous ses espoirs d’avenir anéantis, le jeune homme n’a plus rien à quoi se raccrocher, et les jours, les semaines, les mois se confondent en une série de nuits sans sommeil et de jours sans vie, subissant ses séances de rééducation à l’hôpital, chez le psychiatre que lui imposent famille et corps médical, se reposant un peu trop sur les anti-douleurs qui lui font oublier la douleur fantôme dans sa jambe et étouffent le reste du monde. Nate s’épuise, s’abrutit pour ne plus rien ressentir, survit au lieu de vivre, junkie unijambiste qui n’a plus de raison de continuer quoi que ce soit. Une année s’écoule dans ce brouillard auquel il préfère ne plus penser aujourd’hui, puis, sur les encouragements de son frère, commence à faire des efforts pour sortir de sa torpeur. Se raccrochant à sa deuxième grande passion, l’Histoire, Nate se replonge dans ses lectures et entame un master, puis un doctorat à l’Ohio State University encore une fois, finançant ses études avec un poste d’assistant-professeur. Malgré son addiction aux antidouleurs, sa santé se stabilise et Nate reprend du poil de la bête ; son optimisme légendaire et sa combativité commencent à lui revenir, et il parvient à décrocher les deux diplômes l’un après l’autre, décidant de s’orienter vers une carrière de chercheur.

Nate se bat, tous les jours, pour garder la tête haute et ne pas retomber dans la sévère dépression qui l’a quasiment détruit pendant les quelques années qui ont suivi son amputation. Il y a toujours des jours avec et des jours sans, et la douleur n’a de cesse de réapparaître dès lors qu’il arrête de prendre les médicaments auxquels il est devenu dépendant. Mais au moins, le futur ressemble vaguement à quelque chose. N’est pas Heywood qui veut, après tout – si son cyborg de grand-père a survécu à la seconde guerre mondiale, il peut bien survivre à une jambe amputée et une carrière avortée, non ?

C’est en 2014 qu’encore une fois, tout bascule. Les réunions de famille annuelles des Heywood sont quelque chose que Nate a appris à redouter depuis la perte de sa jambe droite – ses petits cousins, pauvres gosses, toujours un peu trop curieux sans soupçonner l’inconfort qu’ils lui causent. Mais ce jour-là, c’est l’horreur et le désespoir qui s’abattent sur le clan Heywood : alors que la plupart de ses membres sont réunis pour se retrouver dans la joie et l’insouciance, Nate déjà assis avec sa béquille à ses côtés pour prendre des nouvelles des uns et des autres, un groupuscule du Quatrième Reich fait son apparition, et dans une rage indescriptible, décime l’assemblée sans défense. Nate, paralysé sans sa jambe, assiste impuissant au massacre, tentant tant bien que mal de repousser leurs assaillants surhumains, de mettre fin à ce cauchemar. Las : oncles, tantes, cousins s’effondrent et le sang irrigue la pelouse comme une pluie démentielle. Nate horrifié voit son frère Kirk et sa mère mourir sous ses yeux, changés en statues de métal par un colosse d’acier qui tourne ensuite son attention vers lui. S’armant de la seule chose qui se présentait à lui, sa béquille, Nate parvient à l’enfoncer dans la gorge du dénommé Reichsmark, et le force à se retirer lorsque Hawkman apparaît pour sauver ce qui peut l’être. Blessé, couvert du sang métallisé de Reichsmark, marqué au fer rouge par le carnage auquel il vient d’assister, Nate s’effondre et perd conscience.

Lorsqu’il se réveille, une nouvelle vie commence pour Nate Heywood.

A la surprise du docteur Mid-Nite, qui a réussi à le soigner, la peau de Nate semble avoir absorbé le sang de Reichsmark et développé des propriétés particulières. En l’espace de quelques jours de coma, sa jambe manquante est complètement remplacée par une jambe en acier indestructible, et une attaque de panique à son réveil prouve à Mid-Nite et autres spectateurs présents que le jeune homme  développé une force surhumaine absolument stupéfiante. Très vite, deux choses deviennent claires : toute la structure génétique de Nate a été modifiée, transformant même ses terminaisons nerveuses en acier organique, le privant entièrement de son sens du toucher ; et par conséquent, cette force surhumaine dont il est désormais pourvu lui est complètement incontrôlable. Heureusement, Nate a un allié de force dans cette bataille contre ce nouveau corps qui lui échappe : son grand-père, Hank Heywood. Avec son aide et celle d’autres scientifiques spécialisés dans la nano-technologie, Nate se voit doté d’un costume spécial, aussi fin que résistant, une seconde peau spécifiquement créer pour restreindre ses mouvements et ainsi réduire au moins de moitié sa force considérable. Le costume force Nate à faire des efforts pour effectuer le moindre mouvement, et avec quelques ajustements, lui permet de se mouvoir presque normalement : de marcher sans laisser des empreintes de pas de dix centimètres de profondeur dans le béton, ou d’ouvrir une porte sans l’arracher de ses gonds. L’année qui s’ensuit est un long et pénible apprentissage, durant lequel Nate réapprend à vivre sur deux jambes, mais sans sensations, à se sevrer de ses anti-douleurs, et à renouer avec ses jeunes cousins qui ont survécu au massacre.

Epaulé de son grand-père et de Midnite, Nate s’adonne à un ‘entraînement’ strict pour apprendre à contrôler les propriétés si particulières de son corps, et en tester les limites. Après quelques tests, Mid-Nite en vient à estimer que l’acier dont Nate est constitué une fois transformé est tellement résistant, qu’il ne faudrait rien de moins qu’un missile AIM-9 Sidewinder pour espérer l’assommer.


Sous l’emprise de la seconde peau, utiliser sa force surhumaine devient un effort conscient, qu’il apprend également à maîtriser. Il apprend également le détail de la malléabilité de sa peau : plus résistante que la normale, mais plus organique qu’acier à son état naturel, il lui suffit d’un minuscule effort de volonté, presque un réflexe, pour ‘steel up’ et que son corps devienne instantanément plus acier qu’organique, revêtant cette dureté et couleur grise argentée de l’acier qui constitue désormais son métabolisme. A mesure que les mois passe, Nate apprend à activer son armure à volonté, à contrôler sa force, à vivre avec cette seconde peau qui restreint tous ses mouvements et le fatigue pour le bien de tous, à naviguer dans un monde ou ses sensations tactiles n’existent plus. Il fait son deuil, pétri de douleur, lui qui ne sent plus rien, suivant les conseils de Mid-Nite et de son grand-père pour réussir à mettre un pied devant l’autre sans s’effondrer et entraîner l’immeuble avec lui.

Les mois passent, et Nate Heywood apprend à se relever pour lui-même, pour ses jeunes cousins, et bientôt, pour plus de gens qu’il n’en peut compter.

Lorsque Darkseid et son armée de paradémons déboulent sur Terre, Nate n’a qu’une idée en tête : mettre le reste de sa famille à l’abri. C’est à cette occasion qu’il met ses nouvelles capacités à l’épreuve pour la première fois : en faisant face, seul, à un groupe de ces grotesques créatures qui leur tombé dessus au moment où il les menait en direction d’un camp sécurisé dans leur Ohio natal. Une histoire qui remonte aux oreilles de son illustre grand-père, et bien entendu de son cousin Henry Heywood III, lui aussi super-soldat du calibre de Commander Steel, qui dès lors l’encouragent à ne pas rester inactif dans cette terrible période. Après une courte période d’hésitation, Nate se remémore les récits de Hank qui ont peuplé son enfance, la mort de sa mère et de Kirk, son impuissance face au Quatrième Reich, sa nouvelle jambe, son nouveau corps. Nate Heywood était déjà tombé au fond du gouffre. Désormais, face à Darseid et son armée, il avait le choix : continuer de creuser, ou pousser un bon coup pour remonter.

Son choix est fait.

Au début, Nate intervient quand le danger survient, protégeant les foules des attaques répétées de Darkseid. A mesure que le temps passe, il apprend non plus à limiter ses nouvelles capacités, mais à les utiliser contre ses ennemis, malgré la deuxième peau : après tout, quel besoin de se retenir face à des créatures venus d’il ne savait quel enfer spatial ? Il finit même par recevoir, encore une fois grâce à son grand-père, une deuxième armure, un véritable costume de héros comme il avait pu en rêver quand il était gosse, protégeant son corps à l’état organique. Après l’armure, vient la coordination : au lieu d’opérer seul, Nate se bat conjointement avec son grand-père et son cousin. Un trio de Steels, avec la niaque de ceux qui ont vu le pire et s’en sont relevés quand même. Nate n’a pas changé le cours de l’histoire face à Darkseid, mais il a cogné plus d’un démon en orbite et sauvé plus de vies qu’il n’en peut compter. Enfin, Nate a un but dans la vie. Enfin, Nate a trouvé une cause qui donne un sens à son existence abjecte, à toute la souffrance qu’il a endurée, à ce corps encore étranger et qui est pourtant désormais sien.

Une fois la menace Darkseid passée, c’est au Syndicat du Crime et sa nuit interminable de faire leur apparition. Là encore, Nate ressort le costume et rejoint grand-père et cousin dans la lutte, croisant au passage d’autres superhéros – réalisant à peine encore qu’il en faisant, en principe, désormais partie. La Ligue de Justice, les Titans, toutes ces organisations de surhumains qui sauvaient le monde de façon quasi-quotidienne. Les voir à l’œuvre de manière aussi directe l’inspire, l’émerveillerait même, si les circonstances n’étaient pas aussi tragiques ni aussi dangereuses. Nate redouble d’efforts, catapultant les vilains qui ont le malheur de croiser sa route au trente-sixième sous-sol. Au détour d’une bataille particulièrement difficile en compagnie d’autres héros, il a même la surprise de se voir affublé d’un nouveau nom : Citizen Steel. Un hommage à la tradition familiale, tout en respectant son refus d’un quelconque titre.

Malheureusement, Nate a beau avoir repris goût à la fois à la vie et à son nouveau job de justicier, tout le monde n’a pas sa chance. En 2017, c’est au tour de son cousin, Steel, Henry Heywood III, de tomber au combat. Un coup rude pour les Heywood déjà affaiblis, pour son grand-père qui s’estime responsable de ce terrible sort, et pour Nate qui perd encore un être cher. Mais cette fois, Nate ne laisse pas cette nouvelle perte le faire replonger. Cette fois, Nate reste debout, et reprend la lutte. Plus hargneux que jamais, et plus déterminé que jamais à honorer le double nom d’Heywood et de Steel qu’ils partageaient tous les trois.

Une fois le Syndicat du Crime défait, le cours de la vie reprend pour Nate, qui gagne sa vie comme enseignant-chercheur à l’université de New York et voyage régulièrement pour ses recherches, tout en rendossant le costume de Citizen Steel quand le besoin s’en fait sentir. Vivant, réinventé, encore un peu fracassé mais empli qu’une énergie nouvelle et d’un profond désir de tirer le meilleur parti de ses circonstances si… particulières. Le pire est derrière lui, se dit Nate, fort d’une confiance renouvelée en l’avenir et la vie qui l’attend. Maintenant, il a tous les outils en main pour s’assurer que sa famille, et le monde, soient en sécurité. Pour que personne, plus jamais, n’ait à traverser ce que lui a traversé.

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