SEVEN SINS ✸ (soirée Métropolis, groupe 1)

soirée à Métropolis (groupe 1)

the true ogirinal sin is blind destruction

La reconstruction de Métropolis après l'attaque du Syndicat du Crime se poursuit. Mais pour cela, la ville a besoin de vous. En effet, afin que vous puissiez apporter votre pierre à l'édifice, le maire a organisé une soirée dans le but de financer un monument en hommage à toutes les victimes de l'incident. Une façon de faire participer tous ceux qui ont perdu quelqu'un durant le terrible événement, ou simplement de donner aux autres l'occasion d'exprimer leur compassion. La soirée se déroule à Centennial Park, où se tient une scène où plusieurs artistes pourront jouer, ainsi qu'un énorme banquet qui vous permet de vous restaurer tout au long de la nuit. Une boite à dons est également disposée dans un coin surveillé du parc, pour permettre à tout le monde de participer selon ses moyens au memorial.

Participants : Layla Cook, Floyd Lawton, Zatanna Zatara, Tracy Trevor.

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quelques précisions :

→ La soirée est entièrement sous votre contrôle, puisque pour une fois, c'est VOUS l'élément perturbateur. Sous l'influence de votre péché capital, c'est à vous de semer la discorde, et de rendre cette soirée...inoubliable.
→ Vous avez tous un péché qui vous a été donné, c'est donc le moment de le laisser s'exprimer. Le but étant vraiment que votre caractère soit exacerbé. Le contraste doit se faire ressentir.
→ Évitez de faire des posts de plus de 800 mots, pour que le rp aille vite. Entre 500 et 800 mots, c'est l'idéal.
→ C'est l'occasion de nous faire un beau défilé de mode, en chic ou en casual, faites nous rêver, sortez les photos.
→ Gardez l'ordre de passage pour tous vos tours. Sauf si l'un d'entre vous ne peut pas poster.
→ Pour pimenter le jeu, si vous le souhaitez, des défis sont à votre disposition ici SEVEN SINS ✸ (soirée Métropolis, groupe 1) 2602746429

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→ Have fun, lâchez-vous, be bad and naughty SEVEN SINS ✸ (soirée Métropolis, groupe 1) 474824242

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Ce n’était ni sa robe trop longue, ni ses talons trop hauts hauts, ni la foule de gens massées devant elle qui l’empêchaient de fendre la foule à travers le parc pour se diriger vers la grande scène montée sur un espace dégagé, où étaient censés se produire des groupes dont elle connaissait probablement le nom et la musique, mais dont elle se fichait bien probablement. Elle se fichait de cette soirée tout entière et le seul fait d’y être venue malgré tout la mettait en colère. Elle avait répondu à l’invitation il y avait un moment maintenant, puisque cette ville prenait tout son temps pour se reconstruire, sans que cela change quoi que ce soit, d’ailleurs. Elle était bien contente de ne pas habiter à Metropolis puisque visiblement, les impôts prélevés par les politiques du coin servaient à tout sauf à la réhabilitation des bâtiments. C’était ridicule de devoir participer à ce genre de sauterie stupide et cynique après tout ce temps. Et elle s’énervait elle-même d’être venue malgré tout, alors qu’elle avait oublié jusqu’à la raison qui l’avait poussée à accepter de venir. Elle voyait les visages se tourner à son passage simplement parce qu’elle était un peu connue et ne répondait à aucun salut, à aucun sourire ni à aucun regard insistant. Droit devant, jusqu’à ce que cela n’ait plus de sens d’avancer, et alors, elle n’aurait plus qu’à s’agacer en faisant du sur-place. Oui, voilà, elle ne tenait pas en place. Le bruit, le monde, sa robe stupide qui entravait ses mouvements, les voix, les rires aigus, l’hypocrisie qui transpirait par tous les pores de la peau de ces gens… S’ils voulaient aider, qu’ils aident, tous les jours, et non pas en signant un chèque une fois par an. Ce temps perdu ! Cet affront à son temps à elle ! Et bon sang, pourquoi est-ce qu’ils s’obstinaient à rester sur son chemin alors qu’il était évident qu’elle voulait aller quelque part – et qu’est-ce que ça pouvait bien leur faire de savoir où ?

Un flash lui éclata soudain au visage et elle se figea avant de se tourner vers l’odieux bonhomme qui venait de la prendre en photo. Un photographe accrédité par la municipalité ou par un journal quelconque pour faire un rapport sur cette grande soirée, probablement. Il la salua d’un geste. « Une autre, miss Zatara ? Pour le Daily Planet ? » Il était charmant. Vingt-cinq ans à tout casser, avec des taches de rousseur et un sourire un peu timide. Elle le foudroya du regard. Littéralement. Sa bouche se tordit alors qu'elle marmonnait un sort et un éclair claqua entre eux, et soudain, le jeune photographe avait disparu. Les gens autour d’elle poussèrent des cris, puis se mirent à rire et à applaudir. Mais que c’était drôle ! Que c’était bien fait ! On aurait dit la réalité. Zee se baissa et ramassa un cliché à ses pieds, sur lequel figurait le jeune homme, les yeux écarquillés, l’air surpris, immortalisé sur papier avant qu’il ait pu comprendre ce qui lui était arrivé. Le tour classique du prestidigitateur. Elle l’avait envoyé ailleurs. Aucune idée d’où. Elle glissa le cliché sous la bretelle de sa robe et reprit sa marche, direction la scène. Elle avait envie de gâcher la fête, pour leur montrer à tous à quel point c’était vain, à quel point ils étaient vacants, ridicules et inutiles. Elle aurait pu tous les enfermer dans une photo que le monde ne cesserait pas de tourner, que la ville ne se reconstruirait ni plus vite ni moins vite et que les gens continueraient d’être stupide et de tout casser. Bon, casser quelque chose, elle pouvait le comprendre, elle en avait très envie, en cette seconde, tant tout l’énervait – les gens, les proches et les inconnues, et les suppliques, les demandes, les exigences, les pressions de toutes sortes, les regrets et les responsabilités. Et oui, cela l’amuserait de briser les digues et de laisser libre cours à la colère qui l’habitait en ce moment. Une idée à creuser. Et du coup, cette scène, ces projecteurs et tous ces gens très importants qui s'apprêtaient à y faire la danse du ventre pour un public acquis ou qui n'en avait rien à faire lui semblait tout de suite plus attirante. Elle reprit son chemin avec un demi-sourire.

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« LAWTON, ON ABANDONNE. REVIENS, C'EST UN ORDRE. » La voix de Flag grésille dans ton oreille, alors que tu te frayes un chemin parmi les contaminés pour retrouver l'enfant. Le stade de Métropolis a été mis en quarantaine, officiellement pour des fuites de gaz, officieusement pour des supporters infectés par un produit toxique testé par l'armée américaine. Et que se passe t-il quand Lex Luthor perd le contrôle de la situation ? Il appelle Amanda Waller pour nettoyer le bordel. Tous ces gens simplement venus assister à un match en famille ou entre amis se sont transformés en zombies super agressifs qui auraient déjà déchiré ta chair si tu ne portais pas ton costume. La mission était de récupérer le seul immunisé présent, mais les choses se sont compliquées, et vous avez eu pour ordre de tout arrêter, et d'opter pour le retrait. Tu ne sais que trop bien ce que cela signifie : si tu ne trouves pas ce gosse, ce stade va être rasé, et ses occupants avec. « Négatif, Flag. J'ai le gamin en vue, je vais le choper. » Ton avancée est pénible, les contaminés s'accrochent aussi bien à tes bras qu'à tes jambes, et tu t'efforces de ne pas croiser leur regard, un mélange de peur, de rage et d'incompréhension. « Dis à Waller d'attendre cinq minutes. » Le silence, puis finalement : « Okay. Cinq minutes, Deadshot. » Cinq minutes, c'est tout ce dont tu as besoin pour atteindre l'enfant. Il se dessine sous tes yeux, à mesure que sous la force de tes poings tu écartes les zombies de ton chemin périlleux. Dans ton dos, tu entends le reste de l'équipe qui couvre tes arrières, suivant ton exemple, et refusant eux aussi d'abandonner ces gens à un sort qu'ils n'ont pas demandé, et qu'ils ne méritent pas. « Je te tiens ! » L'enfant dans tes bras, tu n'as plus qu'à trouver une sortie pour rejoindre Waller, et les hauts gradés d'A.R.G.U.S, qui attendent bien évidemment quelque part à l'abri, pendant que vous risquez votre vie pour réparer la connerie des autres. Tu es le pion sacrifiable, celui qu'on envoie dans la gueule du loup, et dans ces moments, les seuls sur lesquels tu peux réellement compter sont tes partenaires, dans la même merde que toi. Soudés d'une bombe dans la tête. Les dents d'un contaminé se frayent un chemin jusqu'à ta peau, ou presque, alors tu les lui exploses d'un coup bien placé. « Saloperie. » Tu sais que ce ne sont que des innocents là-derrière, mais celui-ci a manqué de peu de te transformer en cadavre ambulant tout droit sorti d'un film de Roméro. Tu accélères ta course pour les derniers mètres qui te séparent de la zone de sécurité et... bingo ! « Enfant sécurisé, mission accomplie. » Nouvelle réussite plus ou moins glorieuse de la Suicide Squad.

Alors que tu foules l'herbe du parc, tu es presque frustré des sourires que tu lis sur leurs visages, à tous ces inconnus que tu croises. Tu les envies, d'être aussi naïfs. De n'avoir aucune idée de ce que vous avez empêché tout à l'heure. Ils se goinfrent, ils boivent, ignorant que cette soirée, quelque part, ils te la doivent. Tu aimerais pouvoir être à leur place, aussi stupides, aussi peu préoccupés par tout ce qui ne tourne pas rond dans ce monde. Mais quitte à être venu, autant profiter toi aussi, comme eux, de ce que la ville a à offrir pour récolter quelques chèques, et tu attrapes un verre de champagne, avant de poursuivre ton chemin. Le reste du squad est probablement déjà parti, alors tu es seul à errer dans une soirée qui ne te ressemble pas, mais qui quelque part, t'a malgré tout fait envie. Une vitrine de la normalité. Vitrine fausse et erronée, mais vitrine quand même. A croire que tu es prêt à te contenter de peu dernièrement. Tout, mais pas une autre soirée à ruminer seul chez toi, te questionnant sur tes choix, tes erreurs, et sur pourquoi eux peuvent sourire à pleine dents, alors que le tien est toujours forcé. Pensées embuées, paralysées par une jalousie féroce, tu ne vois pas la jeune femme qui te coupe la route, et tes réflexes ne sont malheureusement pas assez vifs pour empêcher le verre de couler sur sa robe. « Wow, désolé. » Et tu l'es, vraiment. Mais tu vois aussitôt dans son regard que tes excuses ne seront pas suffisantes pour réparer ta bêtise maladroite. « Quoi ? Je me suis excusé, me regardez pas comme ça. » Sourcils froncés, tu n'es pas enthousiaste à l'idée de subir la mauvaise humeur des autres, alors qu'il y a encore quelques heures tu étais encerclé de gens contaminés, à la recherche d'un enfant sur le point de se faire tuer. Un petit garçon, qui aurait tout aussi bien pu être Eddie. Mais cette fois, cette fois-ci, t'as réussi à le sauver. Enfin, c'est ce que tu essayes de te dire, tentative de t'auto-persuader, mais n'ignorant pas qu'à la merci de Waller, rien n'est impossible.

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Luka. C'est la seule chose qui occupe mes pensées depuis quelques jours. La seule personne devrais-je plutôt dire. Depuis cette soirée chez moi, je dois dire que certaines idées et envies ne m'ont pas vraiment quittée. Mon gros problème, n'est-ce pas ? La difficulté de réprimer mes pulsions physiques. J'ai du mal à comprendre pourquoi je suis si frileuse à m'engager alors que je suis si accessible physiquement. Je ne comprends toujours pas ce que je recherche dans cette proximité physique. J'essaie surement de combler quelque chose. Ce vide si immense en moi. Mais ça ne marche pas vraiment. Et comme Luka s'y refuse... pour de bonnes raisons. Je ne peux que les comprendre. Son histoire est poignante. Elle m'a secouée, je dois bien le dire. Je comprends mieux maintenant. La façon dont il se perçoit, la façon dont Steve le perçoit. Mais cela ne change pas vraiment ce que je ressens. Au contraire. Cela n'a fait qu'augmenter sa présence dans mes pensées. C'est presque agaçant. Et surtout très frustrant. Alors quand j'ai reçu l'invitation pour cette soirée à Metropolis de mon ancien cabinet, je n'ai pas proposé à Luka de m'accompagner. J'avais juste besoin d'une pause. Besoin d'air. De ne plus penser à lui. Mais cela semble mal partie. J'ai enfilé une robe bleue, parfaite pour une soirée de ce genre. Ni trop longue, ni trop courte. Parfaitement adaptée, malgré mes envies plus que dépravées. L'objet de ces envies n'étant pas là, il n'est pas nécessaire d'être sexy. J'aurais bien d'autres occasions de l'être en la présence de Luka. Me faufilant entre les gens, tentant de repérer mon frère qui est surement là, quelque part, j'échoue finalement non loin du banquet. J'attrape plusieurs petits toasts, les enfournant presque tous en même temps dans ma bouche. Je vais prendre une dizaine de kilos si je continue à manger pour compenser ma frustration. Après avoir dévoré plusieurs toasts et autres petites gourmandises apéritives, je m'éloigne du banquet pour ne pas trop prendre à manger. J'emporte tout de même un verre de vin blanc pour m'occuper les mains.

Je retrouve la marée humaine de corps qui se pressent dans le parc dans le but de donner des fonds pour reconstruire Metropolis. Je ne reconnais aucun visage. Et finalement, je vois un homme renverser son verre sur une femme qui ne semble pas très aimable. Il s'excuse et s'adresse à nouveau à elle qui ne semble pas accepter ses excuses. L'homme est dans une mauvaise posture. Cette harpie ne semble pas vouloir le lâcher. Peut-être à cause de sa dégaine un peu trop détendue ? Ou juste parce qu'elle est une vieille peau aigrie par la vie. Je m'approche de l'homme, glissant mon bras sous le sien avant de l'embrasser sur la joue, et de dire : « Mon chéri... Ca fait au moins dix minutes que je te cherche... ». Je regarde l'homme, plutôt beau, qui semble avoir mon âge avec lequel je pourrais très bien m'assortir si j'en avais envie - et lui aussi, bien sûr - avant de me tourner vers la femme disant : « Oh... Il est maladroit... ». J'avise la tâche et lui donne un conseil pour ravoir la tâche et rattraper sa robe, lui indiquant aussi l'endroit où elle pourra se nettoyer avant de la saluer et d'entraîner l'homme qui s'apprêter à essuyer les foudres d'une femme pour avoir détruit sa robe haute couture. Une fois éloignés, je relâche son bras et lui dis : « Vous devriez faire plus attention. Essayez de ne pas détruire une autre robe qui coute presque littéralement un bras... ». Je souris un peu amusée avançant encore de quelques pas, ce qui nous amène non loin de Zatanna que je viens d'apercevoir. La jolie brune porte une robe rosée, très longue. Elle est superbe dans cette robe. Mon regard glisse sur elle. Difficile de ne pas apprécier la vue, même si je préfère largement le corps de Luka. Le bel italien s'impose à nouveau dans mon esprit. Je tente de le chasser, y arrivant partiellement, avant de reporter mon attention sur l'homme que j'ai entraîné un peu à l'écart, de force, le pauvre. Je dis : « Et pardon pour ce numéro... Parfois ça ne sert à rien de discuter avec une femme ». Je souris à nouveau amusée. Les femmes sont difficiles à suivre parfois. J'en profite pour me présenter : « Je m'appelle Tracy. Tracy Trevor ». Une simple question de politesse. Qu'il sache à qui il s'adresse. Et puis, je suis plutôt curieuse. J'aime rencontrer de nouvelles personnes, cela a toujours été le cas. Il a l'air moins ennuyeux que les autres. Quand Zatanna regarde dans notre direction, je lui adresse un sourire ainsi qu'un signe de tête pour la saluer.

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Tu plaisantes, j’espère. Layla pince les lèvres, le regard fixé sur son écran de téléphone, à lire et relire le dernier message de sa mère qui lui annonce que finalement elle ne viendra pas à la soirée pour cause de migraine intempestive. Un imprévu qui arrangeait bien le professeur Margaret Cook (de sa propre admission : elle n’avait jamais prétendu aimer ces soirées mondaines que les conférences auxquelles elle participait la forçaient parfois à faire acte de présence) mais qui la poussait à demander (intimer) à sa fille de s’y faire sa représentante, pour accompagner la directrice d’un département très important d’études de blablabla – d’un geste rageur, elle range son téléphone et, les yeux rivés devant elle, ravale la bordée de jurons qui lui venait à l’esprit avec une aisance déconcertante pour s’enfoncer dans la foule. A la recherche d’une directrice qu’elle a déjà perdue de vue. Formidable.

Qu’est-ce qu’elle foutait là, de toute façon ? Elle ne s’était déplacée, n’avait quitté Morro Bay que pour faire plaisir à sa mère et assister à sa présentation – cette soirée caritative n’était que la cerise sur un gâteau qu’elle n’avait pas demandé. Metropolis n’était pas encore reconstruite ? Qu’est-ce que vous voulez qu’elle en ait à faire ? Tough luck. La ville de Superman n’était pas la seule à essuyer des catastrophes ces temps-ci, et alors qu’elle balaye l’assemblée du regard, elle admet volontiers ne pas ressentir la moindre once de compassion pour ces prétendus malheureux qui se régalent la panse pendant que d’autres galèrent à reconstruire leur quotidien. Elle n’a pas sa place ici. Elle a une autre ville à reconstruire pour de bon, elle. Et ce monde l’étouffe, les parfums trop forts des eaux de Cologne de ces messieurs l’agressent, les voix trop fortes éclatent à ses oreilles comme autant de coups de feu qui lui déchirent les tympans, et tous ces corps autour d’elle qui s’amassent et refusent de bouger, véritable prison de chair humaine – et son hôte n’est définitivement plus en vue et elle est prise au piège, avec rien d’autre en ligne de mire que la frustration et la colère mêlées de panique qu’elle sent monter en elle à vitesse grand V. Tic toc. Comme le crocodile de Peter Pan.

Elle joue des coudes, sans scrupules pour les côtes du malheureux politicien qu’elle malmène pour se frayer un chemin vers un coin de fête plus aéré, cherche du regard un visage familier, rien qu’un seul, quelqu’un pour endiguer la vague alors que pendue à son cou, une bague ensorcelée se met doucement, mais sûrement à chauffer. Pas maintenant, Amy. Et elle le trouve, son visage familier – comme une plaisanterie, comme une erreur dans l’univers. Floyd Lawton à une soirée caritative à Metropolis. Layla s’arrête net dans sa course, et un bref instant, la colère retombe pour laisser place à la surprise. Ils ne s’étaient pas vus pendant cinq ans, et voilà que le destin s’amusait à les placer sur la route l’un de l’autre dans une ritournelle qui lui échappait encore. Elle va pour faire un pas dans sa direction ; et s’interrompt brusquement en voyant une jeune femme se jeter à son bras dans une proximité qui dépasse largement le cadre de la cordialité. Tic toc. Tracy Trevor. Tic toc. Le crocodile se rapproche encore et la bague à son cou la brûlerait presque, si elle n’était pas occupée à chercher son souffle coupé par la brusque rafale brûlante qui ravage son âme – attisée par un fantôme, par un démon peut-être aussi, elle n’en sait rien, elle s’en fiche. Elle la fusille du regard, celle qu’elle pensait presque une amie, à qui elle avait fait confiance, et qui lui avait récemment annoncé qu’elle ne pourrait plus compter sur elle (c’était normal, s’était-elle dit alors, ça n’était pas contre elle, simple avancée professionnelle) – elle le fusille du regard aussi, lui et sa montre qui n’indique plus l’heure, et elle se fusillerait du regard si elle le pouvait, ébahie et furieuse de ce déferlement d’émotions contradictoires. Tic toc, et le boom se rapproche.

Elle serre la mâchoire, et s’arrache à sa contemplation, les veines bouillonnantes sous sa robe noire, pour partir dans l’autre sens – qu’ils l’aient vue, qu’ils s’amusent tous les deux, elle s’en fout. Eux deux, ces gens, cette soirée, ils peuvent tous partir en fumée. Oh, que n’aurait-elle donné pour en avoir le pouvoir, de tout faire sauter d’un claquement de doigts. Et alors même que la pensée lui traverse l’esprit, soufflée par un petit fantôme doublé d’un péché fort peu discret, elle croise un autre regard familier, d’un bleu d’un autre monde, comme ces monstres et ces esprits dont elle lui avait révélé l’existence. « Zatanna ? » Et les revoilà face à face, la sorcière et la hantée récalcitrante. En aurait-elle eu le pouvoir, elle aurait vu, à son côté, son petit fantôme s’accrocher à sa robe, monstrueuse de noirceur et de haine alors qu’elle rugit silencieusement à la face de Zatanna.

A son cou, la bague brûle pour de bon, et elle porte sa main à sa gorge avec une grimace de douleur. « J’en connais une qui n’est pas exactement ravie de te voir… » Tic toc. Le compte à rebours démarre.

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Dans la foule, elle reconnut des visages – les faces blêmes et couardes des habituels pique-assiettes, people, politiques, chefs d’entreprise, même des criminels notoires, symbiotes inévitables du bon fonctionnement du ruche urbaine. Sans faire aucun effort pour restreindre ses pensées, elle sentait sa magie bouillonner dans ses veines et s’évader de toute sa personne pour aller s’enrouler comme du lierre invisible et brûlant autour des visages et des poignets des gens qui passaient à proximité. Eux aussi finiraient par trouver cette soirée absurde. Leur compagnon stupide. Leurs amis inutiles, leur vie artificielle et leurs buts ridicules. Au point de vouloir hurler, donner des coups de poing et des coups de dents. Mais pour l’heure, Zee ne prêtait absolument pas attention à ce qu’un peu de magie psychique relâchée dans la nature pouvait bien causer dans son entourage. Elle capta une silhouette familière, petite blonde gracile, en train de galocher un anonyme, et au moins ces deux-là s’amusaient un peu. Si elle en fut jalouse – de les voir s’amuser alors qu’elle trépignait sur place –, le sentiment s’évapora, consumé par la colère qui dévorait tout comme un brasier. Puis elle entendit un cri, poussé d’une voix aiguë d’enfant. Oh non, pas des enfants, en plus ! Mais ce cri rageur, elle le connaissait bien, et son regard balaya la foule. Elle crut voir une petite silhouette diaphane courir entre les jambes des invités, juste une seconde.

Zee détacha son regard de l’heureux petit couple et ce faisant, tomba sur Layla qui regardait le même couple avec l’air de vouloir les assassiner sur place. Oh, mais si seulement quelqu’un, n’importe qui, voulait bien passer à l’acte ! Comme une mèche qui n’attendait que d’être allumée par une seule petite flammèche… Elle vit Layla fendre la foule vers elle comme un brise-glace, en causant tout autant de dégâts. Accrochée à ses basques, l’inévitable Amy, qui montrait les dents, déjà, la mort dans les yeux. La colère, plus forte que n’importe quel autre sentiment qui ravage, et plus encore que l’amour. La magicienne haussa les épaules. « Pourtant, moi, ce soir, je suis plutôt contente de la savoir avec nous. » Et qu’est-ce que ça pouvait faire si pour Layla, c’était une mauvaise nouvelle ? Zee aurait dû être horrifiée, mais l’horreur passe et trépasse, comme on dit, balayée par la satisfaction qu’elle ressentait de savoir Amy, la plus en rage d’entre tous, celle que le monde avait broyé sans jamais en payer le prix, parmi eux. Elle haussa les sourcils en direction de Tracy et de l’homme. « Une connaissance à toi ? » Une question purement rhétorique. Elle s’en fichait, déjà, et en plus, elle connaissait la réponse. Elle savait juste que Layla était en colère. Et sa colère nourrissait la sienne.

Elle baissa les yeux et tendit la main vers Amy. « nU tnop ertne sel sednom, te sel sneil es tnecrofner… » Aurait-elle un jour voulu exorciser Amy que Zee aurait lancé exactement le sort inverse. Éloigner les deux plans dimensionnels l’un de l’autre et couper une à une les chaînes grâce auxquelles elle se maintenait dans le monde des vivants. Elle sentit la brûlure de la magie dans tout son corps quand les deux plans s’agencèrent au plus près l’un de l’autre et soudain, la silhouette d’Amy sembla gagner en netteté, ses contours apparaissant aux yeux de tous à chacun de ses mouvements, brièvement. Zee pouvait voir les liens qui l’attachaient à Layla devenir plus solides, plus assoiffés aussi. Elle tendit la main et arracha la bague au cou de Layla avant de la jeter dans la foule – stupide, stupide Zachary et ses stupides jérémiades, qu’il aille se faire foutre. Amy poussa un autre hurlement et se jeta sur elle, et Zee dut faire un pas en arrière. Le bas de sa robe était déchiqueté. Elle dut se retenir de gifler le petit fantôme – oh mais pourquoi se retenir, en fait ? Elle la repoussa rudement, sa main passant à moitié à travers elle, mais à moitié seulement. « Arrête de te comporter comme une gosse et va jouer ailleurs ! » Mais jamais loin, n’est-ce pas ? Sale gamine ! Maintenant que Zee avait ouvert une porte magique entre Layla et elle, elle avait de quoi s’amuser. Et Layla aussi, du reste, grâce aux petits dons de son amie. Bon, ça finirait par lui coûter la santé, et même la vie, à beaucoup plus court terme que prévu, mais qu’est-ce que ça pouvait bien faire ? Elle désigna Tracy et son compagnon du menton. Autour d’elles, certaines personnes commençaient à élever la voix, et une femme jeta son verre à la tête de son rencard. « Regarde-les. Rien que de les voir, ça me donne envie de mettre le feu. » Elle parlait en général, mais elle ne voyait aucun mal à ce que pour Layla, ce « les » désigne deux personnes en particulier. En revanche, elle était on ne peut plus littérale quant à son envie de mettre le feu.

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Face à cette femme qui transpire la superficialité, et dont le mépris se ressent dans cette façon qu'elle a de te regarder, la tension est si palpable que tu crains de la voir sa matérialiser et d'en perdre le contrôle. Dans ses yeux tu peux lire son désarroi de voir sa robe hors de prix salie par ton verre de champagne, et quand tu te sens observé de bas en haut, comme si tu n'étais ni plus ni moins qu'un chien au fond d'une ruelle auquel elle n'a pas l'habitude de prêter attention, t'es tenté d'attraper une autre coupe pour cette fois lui envoyer en plein visage. T'es pas pris au sérieux, toi et tes baskets, alors qu'à son doigt elle porte un bijou qui pourrait suffire à rebâtir entièrement un bâtiment de cette ville. Sa belle vie. Ses magnifiques vêtements. Son compte en banque plein à craquer sans avoir besoin de porter un masque et des armes. Tu les détestes, mais paradoxalement, t'aimerais pouvoir te glisser dans leur peau l'instant de quelques jours. Pour leur partager tes démons, alléger le poids de tes épaules, et trouver un équilibre dans leur quotidien insipide mais sans épée de Damoclès au-dessus de la tête. Tu n'as jamais eu aussi envie de vivre que depuis que Waller a implanté une bombe sous ta peau, toi qui n'avais pourtant plus aucun goût pour cette vie déjà anéantie. Finalement, ces zombies que tu as affronté tout à l'heure, étaient bien plus vivants que tu ne le seras jamais. Le bras qui se glisse soudainement sous le tien manque de peu de te faire sursauter. A tes côtés, une jolie blonde que tu ne te souviens pas avoir déjà croisé, mais dont le naturel et la nonchalance te mettent le doute. D'abord surpris, tu te laisses finalement prendre au jeu, comprenant que cette inconnue est en train de t'épargner une rixe verbale qui t'aurait peut-être valu une expulsion immédiate de la soirée. « Regardez un peu autour de vous, ça évitera ce genre d'incident. » Tu appuies les conseils de ta partenaire, ne prétextant pas parler uniquement de ce soir, avant de lui tourner le dos et de te laisser guider vers un endroit plus en retrait de la foule. Et bien, il semblerait qu'elle vienne de te sauver des griffes d'une vilaine harpie. « Merci, je vous en dois une. » Tracy Trevor. Voilà un nom qui t'interpelle. Trevor. Le seul que tu connaisses travaille aux côtés d'Amanda Waller. Et en portant plus attentivement ton regard sur elle, tu serais prêt à parier qu'un lien de parenté existe entre les deux. « Floyd Lawton. Enchanté, Tracy. » Et ta soirée vient de prendre un tournant plus intéressant, maintenant que tu es en bonne compagnie.

Du regard, tu suis son attention qui se porte ailleurs, et ton cœur manque aussitôt un battement Aux côtés de la brune avec qui elle semble échanger de loin, se trouve une silhouette beaucoup trop familière. Layla. Le dernier endroit où tu aurais imaginé la trouver. La coïncidence est trop belle pour ne pas la saisir, d'autant plus après vos derniers échanges chez elle à Morro Bay. Tu as besoin de lui parler. Envie de la voir. « Vous permettez, je vais saluer une amie. » D'un signe de la tête, tu l'invites à te joindre si le cœur lui en dit, d'autant qu'elle semble elle aussi avoir une connaissance avec qui échanger quelques banalités. T'as dit que c'était une amie, mais en vérité t'en es pas certain. T'aimerais pouvoir donner un nom à ce que vous êtes, pouvoir déterminer ce qui vous unit, mais ce soir plus que jamais, tu n'en as pas la moindre idée. Alors que tu t'approches des deux femmes, tu sens leur regard lourd peser sur toi, et qui te donne presque l'envie de faire aussitôt demi-tour. Le silence qui s'installe entre vous quatre est pesant. Aussi tranchant qu'une lame sur ta peau. Te voilà en pleine inquisition, sans comprendre la raison de ton jugement. « Salut. » Qu'est-ce que tu peux bien dire d'autre, alors que tu sens, mal à l'aise, que ta présence n'est pas requise. Tu pensais que les choses étaient redevenues à la presque normale après vos messages de la dernière nuit, mais visiblement, tu t'es trompé sur toute la ligne, et te voilà maintenant contraint d'essuyer une colère que tu sens bouillonner dans le bleu de ses iris. Tu jettes ensuite un œil curieux mais méfiant à la brune qui l'accompagne. Qui est-elle ? D'où sort-elle ? Tu aimerais la faire disparaître d'un claquement de doigts, pour pouvoir t'accaparer celle qui t'intéresse vraiment, et pour qui tu es en train d'affronter le vent glacial d'une froideur à toute épreuve. « Floyd. » Tu ne lui tends pas ta main, la seule chose que tu lui offres, c'est une menace silencieuse. Ce qui se dégage d'elle ne te plait pas. Et qu'elle se trouve aux côtés de Layla ne te plait pas non plus. « Vous vous connaissez d'où exactement ? » Ta question est sans détour, brutale, et ne masque pas ton agacement. En cinq ans, elle a pu s'en faire des amis. Mais celle-ci, c'est déjà une de trop, quand ce que tu désires va à l'encontre de ce que tu obtiens.

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Il me remercie et se présente à son tour. Ce nom est loin de m'être inconnu. J'avais trouvé quelques petits éléments sur la suicide squad dans les affaires de mon frère. Mais c'est en intégrant S.H.A.D.E que j'en ai le plus appris sur l'équipe de Waller. Alors forcément, ce nom ne m'est pas inconnu. Je n'aurais pas pu le reconnaître n'ayant pas eu accès à une photo, mais le nom lui, sonne à mon esprit, attisant le brasier de ma curiosité. Parfois, je joue un peu de chance : je rencontre des gens qui sont beaucoup plus intéressant que je ne l'aurais pensé. Je ne regrette pas cet élan de proximité et de générosité. Et même s'il ne porte pas vraiment de tenue la plus appropriée pour ce genre de soirée, cela ne me dérange pas. Il a bien d'autres avantages. Je lui souris et lui réponds : « Enchantée moi aussi, Floyd ». Le temps d'observer à nouveau Floyd, que je viens tout juste de tirer des griffes d'une harpie tâchée de champagne, et Zatanna n'est plus seule lorsque je la regarde à nouveau pour la saluer. Le manège qui se trame autour d'elles me tire un léger froncement de sourcil. Mais ce qui m'intrigue le plus c'est que je reconnais la jeune femme qui est aux côtés de la brune que j'ai rencontrée à Gotham : c'est Layla. L'une de mes anciennes clientes, activiste pour une association défendant les droits de la nature. Et malgré le fait que je ne sois plus son avocate, je la croise souvent en ce moment, comme sur cette plage de Morro Bay, dont je dissimule les quelques blessures qu'il me reste habilement sous le maquillage. La cicatrisation est presque terminée, cela n'est donc pas difficile. Voir les deux femmes discuter m'incite à me demander si elles se connaissent et surtout comment. Alors je me retrouve partagée entre l'envie d'en apprendre plus sur Floyd et l'envie de savoir si Layla et Zatanna se connaissent. Heureusement pour moi, alors que je reporte mon attention sur l'homme à côté duquel je me trouve, il me signale qu'il voudrait saluer une amie. J'acquiesce en lui souriant et comme il se dirige justement vers celles qui attiraient mon attention, je me permets de suivre son invitation silencieuse. Cette soirée prend une tournure des plus intéressantes. Éclipsant certaines choses qui s'imposaient un peu trop à moi. La curiosité m'étreint le coeur, élargissant mon sourire qui se veut chaleureux et poli alors que nous arrivons à la hauteur de ces deux femmes. Il est le premier à les saluer et j'ajoute un : « Bonjour » simple et chaleureux aux deux femmes que je connais. Je ne vais pas plus loin. Il semblait vouloir la saluer - laquelle des deux, il me suffit de suivre son regard pour le comprendre - peut-être a-t-il quelque chose à lui dire. D'ailleurs, il commence par se présenter pour Zatanna puis pose la question qui me brûle les lèvres. Je suis vraiment impatiente de connaître la réponse, même si je tâche de me contenir du mieux que je le peux. Et parce qu'il semble soudainement plus raide, je demande : « Comment allez-vous toutes les deux ? ». Et les réponses qu'elles ont à m'apporter m'intéressent vraiment. J’imagine que l’invitation était plus polie que voulue, mais manque de bol pour lui, quand j’ai envie de quelque chose, je m’en donne les moyens. Et comme il m’offre une occasion toute particulière de cumuler mes deux curiosités du moment, je la saisis sans me soucier de ce qu’il en pense. Étrangement, le regard de Layla emplie d’une colère que je ne vois jamais aussi intensément m’interpelle. Quand à ce qui se dégage de Zatanna, je dois dire que c’est également inquiétant. Mais ce genre de questions ne se posent pas, n’est-ce pas ? Enfin, pas dans l’immédiat. La foule est étrange. Elle est nerveuse, différente des foules que je connais habituellement dans ce genre d’endroit. C’est perturbant. Mais au moins cela m’offre une concentration absolument salvatrice.

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Layla ne répond même pas à la question de Zatanna, et se contente plutôt de détourner le regard pour sonder la foule derrière la sorcière – tout pour que son attention se fixe ailleurs, plutôt que sur la sensation de brûlure à l’acide qu’elle sent chercher à la dévorer de l’intérieur, par vagues plus ou moins douloureuses alors qu’elle devine encore du coin de l’œil la présence de Floyd et Tracy. Qu’elle sent autour d’elle la proximité de ces gens alors qu’elle aurait voulu les dégager d’une rude poussée pour se faire de l’air. L’explosion est contenue, pour l’instant, au cœur de murs solides et blindés à l’acier. Mais elle gonfle, à chaque seconde qui passe dans cette atmosphère étouffante d’hypocrisie, de mensonges, et de machinations.

Et les murs commencent à se boursoufler, les premiers joints commencent à sauter alors que, sans qu’elle ne s’en rende compte, pas consciemment, Zatanna lui plante une dague dans le dos. Elle ne l’entend même pas, cette formule à l’envers dont elle n’aurait pas compris le sens, trop concentrée sur les afflux de rage qui émanaient de Zatanna et nourrissaient la sienne, elle ne voit même pas, ou oublie aussitôt, la bague arrachée à son cou, seul garde-fou entre elle et son petit fantôme qui venait de prendre plus de consistance que jamais. Les liens entre elles sont comme des chaînes brûlantes autour de ses poignets, de ses chevilles, de son cou, et ils se resserrent soudainement jusqu’à lui couper le souffle au moment où la petite Amy se rapproche dangereusement de leur plan de l’existence. Une douleur fulgurante lui traverse la tête (au moment même où Amy se débat, furieuse, face à la magicienne) et elle porte une main à son front, bêtement, pour la contenir, pour chasser les vibrations à ses oreilles, pour lutter contre les flashs sombres et glaciaux qui lui traversent l’esprit et les cris qui résonnent dans son crâne et…

Et d’un seul coup, plus rien. Comme s’il ne s’était rien passé, ou que tout ça n’avait duré qu’un quart de seconde. Elle retrouve son souffle, elle se raccroche à la voix de Zatanna et, involontairement, suit du regard le spectacle qu’elle lui désigne – et Layla se raidit, retrouve une composition stoïque quand bien même ses yeux brillent d’un feu glacé, alors que les deux objets de son ire approchent dangereusement de la zone de risque. Impact dans cinq, quatre, trois… « Salut. » se contente-t-elle de répondre – service minimum, un regard à l’une, puis à l’autre, qui s’attarde un peu alors que derrière ses prunelles, la rage a pris la forme d’un véritable blizzard. Elle se sent acculée, le dos au mur alors qu’on lui a retiré tous ses moyens de lutte habituels, et qu’autre chose de plus sombre, de plus pernicieux s’instille dans ses veines. Une bête sournoise, que leurs questions à tous les deux titillent, comme s’ils la provoquaient avec un bâton. Et elle s’apprêtait à mordre.

« Ca va. » Elle la voit bien, la curiosité dans les yeux de Tracy – elle voulait savoir, elle était curieuse, elle voulait soulever les pierres pour voir quels secrets se cachaient dessous. Déformation professionnelle ou voyeurisme, la frontière lui avait toujours paru mince dans ce genre de métier, et même si elle n’a rien dit, Layla se sent l’envie de déjà l’envoyer balader ; mais c’est l’attitude de Floyd, surtout, qui l’interpelle. Oh, cinq ans avaient beau avoir passé, elle la connaissait encore par cœur, cette expression de défiance absolue, cette lueur assassine dans le regard. Elle l’avait déjà vue, entre deux paroles échangées avec d’autres, cette possessivité qui rôdait toujours pas très loin de la surface – mais si à une époque elle avait su exactement comment composer avec, ce soir, elle a envie de le gifler. C’était l’hôpital qui se foutait de la charité. Un courant d’air froid balaye la foule, les balaye eux, un bourdonnement s’installe dans ses oreilles et elle remarque à peine les ampoules des luminaires les plus proches d’eux clignoter d’affolement. Les chaînes se resserrent, tirent sur sa peau sans laisser de traces visibles.

Quelqu’un, dans son dos, tire dessus comme on tirerait les ficelles d’une marionnette, et titille encore la bête qui commence à grogner.

Ses yeux quittent enfin Floyd et viennent se poser sur la magicienne, en même temps qu’elle croise les bras sur sa robe toute en transparence noire. « On s’est rencontrées par accident, en quelque sorte. » Pas de détails. Elle ne tenait pas entrer dans les aspects techniques de ses agissements pendant le règne du Syndicat du Crime ce soir. « Mais disons que Zatanna a toujours eu un talent certain pour mettre le nez dans mes affaires, et qu’elle a toujours tendance à réapparaître quand je ne m’y attends pas. Et où je ne m’y attends pas. Et qu’elle accepte rarement ‘non’ comme réponse. » La référence voilée à sa récente visite en Alaska déclenche quelque chose en elle, déverrouille une nouvelle vanne – et à quelques pas d’eux à peine, un homme laisse échapper une exclamation de douleur en lâchant son verre de champagne qui va éclater par terre, comme s’il s’était brûlé. Par instinct, Layla regarde ; et sent son sang se glacer alors qu’elle croit deviner, fuyant dans la foule, la silhouette à peine perceptible d’une petite fille. Elle frissonne, hésite un instant, mais comme par magie, quelque chose la pousse à se concentrer à nouveau sur les deux nouveaux arrivants.

« Et vous ? » demande-t-elle sèchement en s’efforçant de retrouver son flegme habituel, qui lui échappe pourtant. « Ca fait longtemps que vous vous connaissez ? De loin, vous avez l’air de bien vous entendre. Le monde est petit. » Son ex-avocate et son ancien partenaire. Ca sonnait comme une mauvaise blague.

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« Salut » « salut » « ça va ? » « ça va » – oh, mais quel enfer ! Zee tapotait du pied par terre, elle ne pouvait pas s’en empêcher. Encore un peu et elle aurait pu visualiser sa jauge de patience monter dans le rouge à côté de sa tête pour finalement exploser. Elle sentait leurs émotions, la rage, la jalousie, l’envie, le désir, le besoin, tout ça qui se mélangeait entre eux quatre pour former comme un maelstrom de violence et d’égoïsme. Il n’y avait qu’à lâcher prise. Il n’y avait qu’à laisser le raz-de-marée se déverser sur eux, sur les autres, sur tout le monde, il n’y avait que comme ça qu’elle pouvait imaginer se sentir mieux. Ces derniers jours avaient été trop insupportables. Ces dernières années, même. Oui voilà, on se taisait, on obéissait, on faisait le bien comme on tond sa pelouse le dimanche, comme si c’était normal, comme si c’était naturel et que tout le monde était d’accord là-dessus sauf elle. Le regard assassin que l’inconnu, qu’elle ne connaissait ni d’Ève ni d’Adam mais qui semblait déjà lui en vouloir pour quelque chose, acheva de la rendre folle. Heureusement, à ses côtés, il y avait les yeux clairs de Tracy, et tous ces détails idiots auxquels elle essaya de se raccrocher : sa blondeur, sa beauté, sa robe… Mais chez elle aussi, il y avait quelque chose de différent. De gênant, et cette gêne était comme un grain de sable dans le mantra intérieur que la magicienne se répétait pour contenir la magie qui bouillonnait comme dans un volcan – tuot ari neib, tuot ari neib, tuot ari neib.

La question de l’homme lui fit lever au ciel. Pas difficile de voir que le vrai problème, pour lui, faisait un mètre cinquante, avait des cheveux roux et se tenait à côté d’elle. Et là encore, tout l’énervait – que ce type la regarde comme si elle avait trucidé son chien ; que Layla ne l’envoie pas balader ; qu’ils n’aillent pas tous les deux régler leur problème ailleurs ; que Tracy leur demande comment ça allait, oui, rien que ça. Parce que ça n’allait pas. Ça n’allait jamais. Il y avait toujours quelqu’un en train de crever quelque part, ou quelque Anglais se traînant sous un tabouret de bar au lieu de répondre à ses messages, ou un alien envahissant un coin du globe, et sachant cela, ici, c’était l’angoisse totale. Elle hocha la tête sans un mot aux explications de Layla, oui voilà, l’Alaska, les révélations forcées, Amy. Elle sut pour de bon qu’elle avait fait une bêtise, alors, avec Amy. Elle adressa un sourire dépité à Tracy. « Je crois qu’on ne va pas tarder à gêner. » Pauvre Tracy. Pauvre Zee. Pauvre Layla et pauvre Floyd. Quelque part, elle le ressentait, ils étaient des victimes. Mais elle en avait marre d’être une victime. Dans la foule, des cris retentirent et Zee suivit des yeux Amy, qu’elle distinguait parfaitement, elle. La gamine renversait tous les plateaux et les verres qu’elle pouvait, donnait des coups de pied, mordait, griffait, hurlait, exprimait sa rage.

Elle vit que sur scène, des musiciens étaient en train de s’installer. Un jour, Tracy lui avait dit qu’elle œuvrait pour protéger les gens de ceux qui avaient les capacités de leur faire du mal. Tous ces gens, toutes ces âmes, si elles se faisaient dévorer, ce serait comme un cadeau. Ou un sacrifice. Elle secoua la tête. Dans son dos, une vieille dame décolla du sol pour atterrir dans un énorme rosier aux épines acérées. cigaM ! Même si ce n'était pas elle qui avait fait ça. Puis Zee glissa son bras sous celui de Tracy. « Je crois qu'on s'ennuie, non ? Ça vous dirait de vous rapprocher de la scène ? La musique adoucit les mœurs, à ce qu'il paraît. » Elle resserra sa prise sur le bras de la jeune femme, sans savoir si c’était pour s’y accrocher comme à une bouée de sauvetage ou pour l’empêcher de s’en aller. « uD tnev, sel sneg ! » En toute honnêteté, elle avait juste voulu utiliser une image pour s’exprimer, mais elle sentit sa magie se soulever et lui échapper, et une bourrasque violente balaya le sol devant eux, fendant la foule, repoussant les gens et en faisant tomber plus d’un sur les fesses, jusqu’à ce qu’un passage soit libéré entre eux et la scène. Bon. Catwalk, alors.

Codage par Libella sur Graphiorum & gif tumblr

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Incompréhension. Alors que t'en viens presque à regretter d'être tombé sur elle ce soir. Des années de disparition et d'absence pour que le destin s'amuse à jouer aux dés avec votre relation encore fragile, de un à cinq tu perds, six tu gagnes. Du moins, fragile, tu ne pensais pas qu'elle l'était, jusqu'à ce soir, quand dans son regard, tu lis toute l'animosité qu'elle ressent à ton égard. Et oui, bien sûr que ça fait mal, alors tu enfiles toi aussi ton grand manteau noir de colère, pour cacher le reste. Ce que tu ne veux pas éprouver maintenant, que tu ne peux pas éprouver, sous peine d'empirer une douleur déjà lancinante que tu essayes de ne plus écouter. La gorge serrée, tu la détailles longuement, réalisant seulement maintenant que jamais tu ne l'avais vue aussi élégante. Il n'y a que dernièrement que tu as pu entrer dans la normalité de son quotidien, et te voilà désormais propulsé dans une toute autre sphère, brûlante, sur laquelle tu t'abîmes les doigts. Le froid, quand il est élevé, peut consumer lui aussi.

Si votre relation est ce soir incertaine, en suspend quelque part où tu n'arrives pas à la récupérer, tu comprends néanmoins que celle qu'elle partage avec cette Zatanna l'est tout autant, voir pire. Et si tu n'en cernes pas encore la nature exacte, tu modères quand même la menace qu'elle représente, sans pour autant la faire disparaître complètement. Parce que c'est à ses côtés qu'elle se tient, tandis que cette agressivité passive t'est entièrement adressée. Qu'est-ce que tu fais là, à subir l'assaut de deux femmes rongées par un mal indéterminé et dont tu es l'une des victimes. Tu le vois, que quelque chose ne tourne pas rond chez elles. Que cette Layla n'est nullement celle avec qui tu as passé une soirée parfaite à la fête foraine. Que tout ceci, ta présente ici, cette rencontre imprévue, cette froideur tenace, n'est pas normal. Mais tu es trop distrait par tes propres émotions pour prendre la fuite. Alors que tu devrais. Fuir. Te barrer tant qu'il est encore temps, et la laisser avec ses remords. Quand tu tournes la tête vers Zatanna, ses mots venimeux en bouche, tu rajoutes aussitôt : « En effet. » Oui, elle te dérange. Elle vous dérange. Tu n'aimes pas ce qu'elle dégage, ni cette atmosphère dangereuse que tu sens se refermer sur vous. Tu regrettes presque maintenant d'avoir croisé le chemin de Tracy, qui n'a rien demandé de tout ça, et qui se retrouve dans un piège dont elle ne mesure pas les conséquences. Tracy, prise à son tour en grippe par la colère injustifiée et insensée de Layla. Tu entends le reproche dans le son de sa voix, rauque, comme d'habitude, mais encore un peu plus sous l'emprise d'une force mystérieuse, qu'elle soit la tourmente de son esprit ou autre. Sa question n'est pas anodine, emprunte de secrets que tu sais bien gardés et dont tu perçois quelques bribes à travers la serrure du coffre. « Depuis cinq minutes, en fait. » Le ton que tu emploies se cale à la froideur du sien. Et tu ne détailles pas l'histoire de cette rencontre, anodine, même drôle, mais estimant que ce serait de toute façon une perte de temps. Tu ne la quittes pas du regard, insistant, pour y déceler le regret dans le clair de ses prunelles. Parce que tu n'aimes pas ces reproches cachés. Sans pour autant te questionner sur leur légitimité. « C'est quoi ton problème ce soir ? » Oui, tu oses le demander, sourcils froncés par la colère et par tout le reste que tu as planqué derrière les nouvelles protections que tu viens de dresser. Tu te braques, incapable de laisser ce qui compte vraiment s'exprimer. Tu étouffes. Encore. Tu réduis au silence les non-dit, et tant pis si tout finit par exploser.

Zatanna s'éloigne au bras de Tracy vers la scène, voulant vous entrainer dans sa folie. Et alors que tu commences à la suivre, sans réellement savoir pourquoi – mais probablement parce que tu sais que Layla le fera – tu te stoppes subitement quand tu vois la foule s'écarter sur son passage. Okay. Avant que ta partenaire te devance, tu lui attrapes le poignet, autoritaire, possessif. Mais pas comme un objet, comme quelqu'un qu'on sent s'échapper et qu'on ne sait plus comment retenir. Aussi maladroit le geste soit-il, il reflète un désespoir certain. « Hors de question que tu suives cette fille. » Pourquoi ? Parce qu'elle est tarée ? Parce que sa tête te revient pas ? Ou parce que t'aimerais qu'elle ne soit qu'à toi ? Ça martèle dans ta tête, ça tambourine dans ta poitrine, et ça bouillonne dans tes veines. Tu dois reprendre le contrôle, avant qu'il ne soit trop tard. « On peut partir d'ici. On peut aller discuter ailleurs. » Ou comment creuser sa propre tombe. Mais tu ne sais pas comment faire, comment t'y prendre, pour qu'elle comprenne que tu ne veux pas que ça se passe comme ça. Que tu refuses que ce que vous aviez il y a encore quelques heures soit noyé dans cet océan de fureur.

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Le vent qui souffle sur cette soirée est bien plus froid que je ne l'aurais pensé. Et contraste étonnamment avec ma peau brûlante. Le regard de Layla est... étrangement froid et j'ai du mal à comprendre pourquoi. Enfin froid... je ne suis pas sûre que ce soit le bon mot. J'ai l'impression que si elle pouvait m'arracher les yeux, là, elle le ferait. Et je ne comprends pas ce que j'ai pu faire pour m'attirer de telles foudres. C'est un peu exagéré comme réaction pour avoir changé de travail et l'avoir confiée à l'une de mes anciennes collègues qui prendrait autant soin d'elle que je n'ai pu le faire pendant si longtemps. Je fais une légère moue, un peu ennuyée. Je n'aime pas que les gens soient en colère contre moi, surtout quand je n'ai rien fait. Après tout, j'ai un certain talent pour énerver les gens, particulièrement ceux qui tiennent à moi. A chaque fois que je pense une décision impulsive qui m'amène à mi-chemin entre les simples blessures et la mort certaine, je m'attire les foudres de Steve et de mes amis. J'imagine que si nous progressons sur la voie sur laquelle nous nous sommes engagés, Luka fera bientôt partie des gens qui s'énerveront après moi pour ce genre de raisons. Mais là, je n'ai rien fait qui mérite un tel déferlement de froideur. Ceci dit, cela ne l'empêche pas de me répondre. Elle va bien. Mais bizarrement, j'ai du mal à la croire et je plisse un peu les yeux.

Zatanna, elle, ne me répond pas. Elle aussi est étrange. Elle semble moins avenante que lorsque nous nous sommes rencontrées. Mais peut-être a-t-elle passé une mauvaise journée. Floyd leur demande d'où elles se connaissent et Layla répond. Elles se connaissent donc bien. Si j'avais encore un doute, ce n'est plus le cas. Mais la réponse de Layla est étrange. Une rencontre par accident. Il semble que Zatanna soit coutumière de ce genre de rencontre, à l'évidence. Elle décrit ensuite la façon dont Zatanna peut s'imposer et apparaître quand bon lui chante. Je souris un peu amusée. J'imagine que cela doit l'agacer. Mais qu'elle doit sans doute y trouver un certain réconfort également. Zatanna me donnait l'impression d'être ce genre de personne prête à tendre la main. Là, maintenant, c'est un peu moins le cas. Mais je veux croire que c'est simplement parce qu'elle ne se sent pas très bien. Après tout, Layla n'est pas aussi antipathique en général. Peut-être est-ce cette soirée. Elle nous retourne la question et la pique semble... très aiguisée. Floyd et Layla se connaissent, cela ne fait plus aucun doute. Mon regard passe de l'un à l'autre. Silencieusement. Qu'est-ce qui se trame entre eux ? Dans quoi est-ce que j'ai encore mis les pieds ? Je regrette de ne pas être restée à la maison. Le fil de mes pensées se trouble un peu alors que j'imagine l'infinité de possibilités qui se seraient ouvertes à nous si j'étais restée à Washington. Rejoindre Luka. Tenter de faire tomber sa chemise pour découvrir une à une ses cicatrices. Y glisser la pulpe d'un index curieux, impérieux. Les soigner de baisers et le rassurer quant à son apparence qui est loin d'être aussi repoussante qu'il ne semble le croire. Ma température corporelle monte d'un cran.

Je retiens in extrémis mon soupire presque brûlant et sort de mes pensées en entendant les propos que Zatanna m'adresse et Floyd ne tarde pas à lui répondre avec une certaine agressivité. Un léger sourire malicieux glisse sur mes lèvres « Mhh... ». Je regarde Layla et répond à Zatanna : « Layla sait que j'adore déranger. Pousser les gens dans leurs retranchements... C'est comme ça que je l'ai souvent tiré de mauvais pas ». J'adresse un clin d'œil à Zatanna et un sourire bienveillant à Layla. Même s'ils semblent tous les trois sujets à une colère étrangement incontrôlable, je ne compte pas me laisser démonter. J'ai envie de passer une bonne soirée. La proximité de tous ces corps... Un groupe de musicien qui s'installe. Une danse endiablée pour exorciser le mal qui me ronge. Personne ne pourra m'en empêcher. Floyd répond à Layla que nous nous connaissons depuis cinq minutes seulement, avant de lui poser une question. Holly woo. Je comprends mieux pourquoi il est sous la coupe de Waller. Et moi qui pensais pendre de mauvaises décisions... Lui s'est carrément jeté sur une mine anti-personnel. Je me tourne vers Layla et lui dit : « Une histoire hilarante... Enfin d'ici quelques jours. Une harpie à la robe hors de prix tâchée par le champagne de Floyd. Je me suis contentée de faire diversion, puisque... ». Je m'approche de Layla, glissant contre elle pour l'embrasser sur la joue franchissant des frontières que je n'avais jamais franchies avec elle. Je me tourne vers Zatanna pour l'embrasser sur la joue à son tour, de la même façon. Tout comme je l'ai fait quelques instants plus tôt pour sortir Floyd du pétrin dans lequel il s'était jeté et tentant subtilement de le sortir de celui dans lequel il vient de se jeter. « Un simple baiser peut résoudre tous les maux, n'est-ce pas ? ». Je souris à nouveau malicieux reprenant place aux côtés des trois autres adultes énervés qui m'entourent.

Zatanna met fin à mes tentatives de désarmement en m’entraînant vers la scène. Je sens la bourrasque de vent partir de nous et constate avec un certain étonnement qu’un chemin se trace à présent devant nous, grâce à la chute de plus personnes. Plusieurs ? Beaucoup en fait. Je me tourne un peu vers Zatanna et je souris amusée quoiqu’un peu intriguée : « Voilà une solution très radicale… Une recrudescence de coccyx fêlés risquerait de gâcher la soirée cependant… Non ? ». Il y a à la fois une certaine innocence et un peu d’ironie dans mes propos. Une façon plus ou moins subtile de lui signaler que c’était peut-être un peu trop. Cependant, alors que les gens se relèvent autour de nous et que Floyd continue à sauter à pieds joint sur sa foutue mine, j’entraîne Zatanna au milieu de la foule. Les premiers accords s’élèvent de la scène et je regarde Layla l’invitant à nous rejoindre d’un signe de tête insistant avec un regard qu’elle ne connaît que trop bien. Celui qui ne souffre pas d’un quelconque refus. Sans attendre, je commence à danser. Tous ces corps autour de nous. J’ai déjà bien plus chaud. Et c’est bien dommage que Luka ne soit pas là ce soir. Je regarde Zatanna l’attirant un peu plus à moi pour danser. Autant en profiter non ? Et puis, la danse apaise les cœurs autant que les baisers. Ils pourront défouler leur agressivité en bougeant.

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Elle ne le lâche pas du regard non plus, têtue comme une mule dans sa colère, missile lancé dans sa course sans que rien ne puisse l’arrêter, elle qui avait passé sept années de sa vie à apprendre à les désamorcer, ces saletés. Et ses joues s’embrasent, à la fois de honte et de culpabilité mêlées dans l’injustice de ses accusation voilées, et sous le coup de sa rebuffade à lui. C’était quoi, son problème ? Elle va lui dire, ce que c’est, son problème. Mais alors que ses yeux jettent des éclairs, et avant qu’elle n’ait le temps d dire quoi que ce soit, c’est Tracy qui intervient, Tracy qui voulait tout savoir des secrets des autres tout en taisant les siens (après tout, elle ne savait toujours pas ce qu’elle fichait à Morro Bay pendant l’invasion, ni ce que signifiaient ces apparents pouvoirs – tu parles d’une avocate sans histoires). Tracy qui, ce soit, réussit l’exploit de lui couper l’herbe sous le pied de quelques explications savamment placées, et de la faire taire d’un baiser sur la joue. Comme un de ces bisous magiques que les parents font aux enfants pour que tout aille mieux : et d’une certaine façon, ça fonctionne. Pas par le soulagement ou par la tendresse – mais parce que Layla est trop interloquée pour se souvenir de la raison de sa colère première. Elle fait presque un bond en arrière, mais la chose est si rapide qu’elle en reste figée de stupeur ; inconsciente de la prouesse de Tracy qui vient de court-circuiter, momentanément, les différentes influences qui la poussaient dans les flammes de la rage depuis qu’elle avait posé le pied à cette soirée. « … j’en sais rien. » répond-elle enfin à Floyd en suivant des yeux Tracy et Zatanna qui s’éloignent. Un bref instant, la colère a déserté sa voix, dans laquelle ne subsistent que l’incompréhension et la clarté du moment. Mais déjà, elle sent un fil invisible la tirer dans la direction des filles, au cœur de la fête qu’au fond elle ne voulait que fuir. Elle est tellement confuse qu’elle en oublie presqu’aussitôt les autres invités qui s’envolent devant eux. Et soudain, une prise sur son poignet, qui l’empêche d’aller plus loin. Elle fait volte-face pour fusiller Floyd du regard – de quel droit pensait-il pouvoir lui dire quoi faire ? Pourtant, cette fois, elle n’aboie pas, pas tout de suite, interpellée, quelque part, par sa proposition. Partir. Aller discuter ailleurs. Son souhait depuis qu’elle avait franchi les portails du parc sans sa mère, alors pourquoi était-ce aussi difficile de lui dire oui ? Ses tripes lui hurlent de partir d’ici, mais autre chose encore la retient. Autre chose qui tient les ficelles et s’aperçoit de son hésitation – autre chose que Zatanna a fait grimper en puissance et se refuse à abandonner cette soirée et ses multiples possibilités pour semer le chaos, ce qu’elle ne pourrait faire sans son hôtesse. Qu’y avait-il de pire que d’être sous l’influence d’un esprit, si ce n’était que cet esprit ne soit lui-même sous la coupe de puissances étrangères décuplant sa rage ?

« Pour qui tu te prends ? » Elle ne sait plus si c’est elle qui parle, ou si on met des mots dans sa bouche, mais de son point de vue à lui, ça ne devait guère faire de différence. Et comme pour la pousser encore dans ses retranchements, une véritable décharge électrique lui parcourt le cerveau, parvient à lui arracher une grimace. Sans demander son reste, elle tord le poignet pour se dégager de son emprise avec la même vivacité que si elle s’était brûlée. Elle voit rouge face à lui – dans sa rage aveugle, mais aussi comme des flashs d’avertissement. Danger, danger, danger. Danger de quoi ? Danger pour qui ? Lui, danger ? Pour lui, pour elle, pour quelqu’un d’autre ? « Tu n’as aucun droit de me dire quoi faire, d’accord, Floyd ? Ni toi, ni personne d’autre ! » Alors que s’il y avait bien une personne dans cette salle qu’elle aurait écouté, en n’importe quelles autres circonstances, c’était lui – parce qu’elle lui faisait confiance, comme à cette fichue fête foraine. Elle serre les poings, se débat avec elle-même. « Ca fait cinq ans que je me démerde toute seule sans personne pour me donner d’ordre. C’est fini, l’époque où tu pouvais m’en donner. » Fini depuis le jour où il était parti sans laisser d’adresse. Fini depuis le jour où elle avait refusé de revenir. Elle se détourne de lui pour s’empêcher de continuer à lui aboyer dessus et rejoindre Tracy et Zatanna dans la foule – alors qu’elle n’en a aucune envie – et est proche de la scène quand son seuil de patience, déjà bien réduit, arrive à saturation à force de sentir ces gens tout autour d’elle. Et le seuil de saturation explose à l’instant où elle sent quelqu’un, elle ignore qui, glisser une main autour de sa taille, sans doute pour l’inviter à danser. Layla n’a jamais apprécié qu’on la touche sans prévenir, mais ce soir ? Ce soir, ce contact la transforme en bâton de dynamite. « Ne me touchez pas ! » s’exclame-t-elle : et sa voix éclate comme un coup de feu, et elle sent, soudainement, comme une vague d’énergie surgir de son être et la quitter comme une onde de choc. PANG. A quelques pas, les batteries reliées aux haut-parleurs de la scène explosent en faisant jaillir des étincelles, et les lumières scéniques près de leur petit groupe subissent le même sort. Dans une rare démonstration de surprise, Layla sursaute et fixe, hébétée, les dégâts occasionnés. « … qu’est-ce que c’était que ça ? » marmonne-t-elle à l’adresse de ses deux camarades alors que le personnel s’efforce déjà de remplacer l’équipement foutu pour reprendre la soirée. Pourtant, elle a beau s’adresser à Tracy et Zatanna, spontanément, c’est vers Floyd que son regard se tourne, alerte, confus. Quelque chose ne va pas. Quelque chose ne va vraiment pas.

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Zee ne s’attendait pas à ça, du fin fond de sa colère. Un sourire, un regard complice, un baiser, autant de choses dont elle n’avait pas profité depuis… des millions d’années. Primitif, presque atavique, le tout petit bonheur physique induit par ces simples gestes de la part de Tracy fit office de verre d’eau versé sur le brasier. Cela la soulagea – un peu. Cela la fit atterrir de nouveau sur Terre – à peine. Et avec ça, il y avait la prise de conscience que rien de tout cela n’était normal. Bien sûr qu’elle était en colère, mais la colère, c’était normal. C’était même sain, quand elle était maîtrisée, quand elle servait de soupape à toutes les épreuves éprouvées. Cette soirée, cependant, n’avait rien de normal. Elle le voyait bien, que Layla n’était pas comme d’habitude, et elle savait bien qu’il ne pouvait y avoir qu’Amy. Elle ne connaissait pas assez Floyd pour juger, et quant à Tracy, elle semblait fidèle à elle-même, alors quoi ? C’était elle ? Juste sa faute ? Elle se laissa entraîner en serrant les dents, loin de la tension entre Layla et Floyd, des regards noirs, des pensées à peine dissimulées qui mettaient sa patience à mal, et elle le sentait, si elle perdait patience, elle pouvait faire tant de mal. Elle n’y comprenait plus rien. Elle avait envie d’exploser. Au lieu de quoi, ce furent les autres qui subirent le souffle d’une explosion magique – des autres qu’elle ne connaissait pas. Hébétée, elle eut le temps de remarquer qu’elle s’en fichait, de ce qu’elle avait fait, ça comptait peu au regard du feu qui brûlait ses entrailles. Elle se laissa entraîner par Tracy avec l’impression de traverser une nuée de moustiques, elle dut se retenir d’agiter la main pour chasser encore plus de ces inconnus qui se heurtaient à elle ou entre eux, eux-mêmes agités par des sentiments enragés.

Danser, cela aussi, c’était bien. Ça défoulait. Avec Tracy, d’abord, et d’un geste et d’un sort, Zee fit disparaître le bas de son encombrante robe pour être plus libre de ses mouvements. Le temps de quelques minutes brûlantes, elle put ne se concentrer que sur cela. Même si elle sentait le feu reprendre en elle, inexorable, désespérée de ne pas pouvoir lutter contre cela. Elle vit Layla et Floyd venir vers elles puis il y eut de l’agitation, et Zee sentit un courant violent la traverser, et sur scène, les lumières éclatèrent soudain. Elle eut l’impression que des milliers d’ampoules éclataient en elle en même temps et se figea. Layla avait l’air confus, mais elle, elle savait exactement ce qui s’était passé. Elle chercha Amy des yeux, la trouva un peu plus loin, au milieu de la foule qui, paniquée, commençait à ondoyer comme une vague. La fillette la fixait avec un sourire mauvais aux lèvres. « Vilaine gamine… » gronda Zee. Elle l’avait plus ou moins amenée dans ce monde, elle pouvait la renvoyer dans l’entre-deux où elle était coincée depuis tout ce temps. Cette seule pensée, captée par l’enfant, lui valut une douleur cuisante à la tête. Eh bien, elle était responsable. Elle avait permis à Amy d’agir plus solidement sur le monde des vivants – et sur elle également. Elle vit rouge pendant un moment, échaudée par la douleur insupportable.

Sur scène, un des organisateurs de la soirée tentait de se faire entendre par-dessus les cris, demandant à la foule de garder son calme, mais plus les gens tentaient de s’écarter de la scène, plus la panique les gagnait. Ils étaient à deux doigts d’un vrai mouvement de foule. Qu’ils se piétinent donc les uns les autres. Leurs cris lui étaient insupportables – ils appelaient à l’aide. Encore. Toujours. « Qu’ils se taisent ! » cria-t-elle en portant les mains à ses tempes, et une salve de magie s’échappa de façon désordonnée de tout son être. Sur scène, jaillissant des batteries explosées, des flammes s’élevèrent soudain, léchant le matériel alentour. Cette fois, la foule paniqua pour de bon. Elle se sentit poussée, tirée, agrippée. Elle-même se saisit du bras de Tracy pour ne pas la perdre, ne pas la voir se faire marcher dessus.

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Tu t’accroches, fermement, à vos souvenirs. Tu t'agrippes à eux, même s'ils te trainent sur du bitume derrière une voiture lancée à pleine vitesse. Ses mots, ils t'écorchent aussi férocement qu'une vilaine chute. Tu ne la reconnais pas, tu ne comprends pas sa colère, ni comment elle ne peut pas se rendre compte que tout ce que tu cherches à faire, c'est l'aider. Tout autour de vous, ça ne tourne pas rond. Tracy qui dépose des baisers sur leurs joues comme si ça allait suffire à apaiser les maux, et cette jalousie, féroce, paralysante, que tu ressens à l'égard de Zatanna alors que leur relation n'est placée sous le signe d'aucune amitié. Mais c'est suffisant pour que tu la sentes te consumer de l'intérieur, parce que ce rejet, c'est pour aller la rejoindre elle. Retrouver sa folie. S'aventurer sur un terrain inconnu où elle ne veut pas que tu la suives. Son geste, celui de retirer son poignet de son emprise, c'est aussi violent qu'un poing en pleine mâchoire. Alors oui, tu t’enivres de souvenirs passés en guise de mercurochrome sur la fragilité du présent. C'est fini. C'est elle-même qui le dit, et tu ne sais pas si c'est sa colère qui s'exprime ou si derrière tout ça se trouve malgré tout des relents de vérité inavouée. Tu refuses de croire que tout est déjà terminé, et qu'après une seule soirée de retrouvailles, il va déjà te falloir repartir, et oublier l'espoir d'une nouvelle chance. C'est peu six mois dans une vie, et tu réalises maintenant combien tu ne la connais finalement pas. Peut-être que tu t'es trompé. Peut-être que ce vous aviez n'était qu'éphémère, et que votre histoire n'a jamais eue pour but de survivre au champ de guerre. Ce soir, vous êtes en train d'en créer une nouvelle de guerre, et celle-ci, tu sais déjà que tu n'en sortiras pas indemne. Tu ne dis rien, et blessé, tu te contentes de la regarder s'éloigner, songeant à en faire de même dans le sens opposé. Mais il y a quelque chose qui te retient, quelque chose qui t'empêche de la lâcher, une envie d'y croire, alors que ta raison et ton cœur te supplient de ne pas rester. Pas cette fois.

Quand elle a le dos tourné, ton poing s'abat sur la table du buffet le plus proche de toi, et c'est au milieu de verres vides qu'il trouve son point de chute. Les morceaux pénètrent ta chair, laissant des traces vermeil sur la nappe immaculée. De la façon la plus désinvolte qui soit, sans même esquisser la moindre grimace, tu ôtes les parasites de ta main, et tu retrousses la manche de ta chemise pour ne pas laisser le sang la tâcher. Hésitant, tu finis par attraper le téléphone glissé dans ta poche et le porte à ton oreille. Quelques sonneries, puis : « Flag. J'ai besoin que tu me rendes un service. » Demander quelque chose à cet homme avec qui tu es continuellement en conflit n'est pas chose aisée, mais c'est nécessaire. Le silence se fait entendre plusieurs secondes à l'autre bout du fil, avant que Rick n'accepte de te rendre cette faveur. Une faveur que tu devras lui rendre, peut-être au centuple, tu en as parfaitement confiance. Avec Waller et A.R.G.U.S, jamais rien n'est gratuit. « J'ai besoin que tu me dises tout ce que tu sais sur une dénommée Zatanna. Je suis certain que tu la trouveras facilement dans les fichiers. » Prénom peu commun, la seule information que tu es parvenu à tirer au cours de la discussion, mais qui devrait être suffisante. Et en effet, Rick ne met que quelques secondes à trouver tout ce que tu as besoin. Qui elle est, d'où elle vient, quelle est sa nature, et de quoi elle est capable. Au loin, tu vois plusieurs éléments de la scène exploser, et Layla, plus ou moins consciente d'en être responsable, chercher ton regard, apeurée, confuse. « Est-ce qu'elle est capable de transmettre ses pouvoirs, ou d'influencer quelqu'un ? » Quelque chose qui justifierait tout ce qui se passe depuis que tu as croisé leur route. Malheureusement tu n'entends qu'à moitié la réponse de Flag, plus préoccupé par ce que tu vois que par ce qu'il te dit, et c'est un peu précipitamment que tu raccroches après l'avoir remercié.

Tu rejoins rapidement le groupe, prenant le risque de poser ta main intacte dans le dos de Layla pour la rassurer, lui faire comprendre que tu n'iras nulle part. Que quoi qu'elle dise, tu ne bougeras pas d'ici tant qu'elle sera là. C'est ensuite vers Zatanna que ton regard se pose, en sursautant, alors qu'elle hurle, perturbée, persécutée par des forces que tu ne vois pas mais que tu devines. « Arrête ! » Tu cries en retour, alors que la scène s'enflamme, et que la foule commence à paniquer en cherchant à fuir. Comme une fourmilière dans laquelle on viendrait de mettre un coup de pied. T'as l'impression de te retrouver quelques heures en arrière, quand tu étais encerclé d'une centaine de zombies au stade, prêts à te terrasser. « Aide-moi. » C'est à Layla que tu t'adresses cette fois, alors que tu grimpes déjà sur scène pour chercher les extincteurs de secours, toujours présents pour des questions de sécurité. Tu en donnes un à ta partenaire, avant d'essayer d'ouvrir le tien avec une main blessée. La tâche n'est pas aisée, et une grimace de douleur se dessine sur tes traits, mais tu finis par y parvenir et arrose les flammes avant qu'elle ne devienne ingérables. Réflexe de Marines bien utile. Tu laisses Layla finir le boulot, car maintenant tu as la responsable à trouver. Du regard, tu cherches Zatanna et Tracy au milieu de la foule. Le mouvement de panique les a amenées plus loin dans le parc, et quand enfin tu les repères, tu sautes de la scène pour les rattraper. Violemment, tu te frayes un chemin parmi le groupe de personnes qui cherche à partir, repoussant ceux qui vont au travers de ta volonté, de cette envie fulgurante de faire payer l'élément perturbateur de cette soirée. Et quand tu l'attrapes enfin, c'est sans aucune douceur que tu l'amènes contre le tronc épais d'un arbre, une main plaquée sur ses lèvres pour l'empêcher de prononcer le moindre mot. A l'envers ou non. « Tu dois arrêter ça maintenant. Tu vas finir par tuer quelqu'un. » Tu n'as plus envie de jouer. Tu refuses d'être le spectateur impuissant de son spectacle. Et par dessus tout, tu veux qu'elle cesse d'influencer Layla. D'une façon ou d'une autre, de près ou de loin, tu sais que c'est à elle qu'elle doit les événements étranges dont elle a été à la fois l'investigatrice et la victime.

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C'est sans aucun complexe que je me fonds dans la foule. La proximité des corps m'enivre, m'enchante, me soulage. Sentir les mains glisser sur mes hanches, danser contre ceux qui sont là, me rapprocher de Zatanna et profiter de sa chaleur. Tout est fait pour que durant quelques instants je me sente mieux. Que mon corps soit plus calme. Que mes hormones redescendent. Je ne comprends pas très bien. J'ai toujours été un peu avide de contact charnel mais... pas à ce point. Et ce n'est pas parce que Luka est plus distant physiquement que je suis comme ça. Enfin... j'ai vraiment envie que ça marche entre nous et mon corps devrait savoir se satisfaire de ce que j'ai. Pourtant, il ne le fait pas. Le simple fait de penser à Luka m'enflamme totalement. Le simple fait de penser au fait qu'il ne soit pas encore en mesure de le faire me frustre à un point presque insoutenable. Alors je dois avouer que me retrouver dans cette marée humaine, de corps qui se frôlent, qui se serrent, de mains qui se baladent et qui sont presque obscènes par moment, cela m'apaise un peu. Cela me détend. Je me sens un peu mieux, rapidement. La robe de Zatanna est plus courte, et dévoile à présent ses très belles jambes. Un frisson remonte le long de mon échine. Les voir ainsi dénudées, offertes, me donne très envie d'y glisser mes mains pour découvrir la douceur de sa peau. Je me contiens cependant. Déjà parce que je ne veux pas la mettre mal à l'aise. Ensuite parce que je ne veux pas risquer de saboter la relation que je voudrais établir avec elle. De l'entraide. Obtenir des informations. Lui en fournir quelques-unes en retour au besoin. Elle qui est constamment en lien avec le monde des gens dotés de capacités extraordinaires doit avoir toutes les informations dont j'aurais besoin. Layla nous a rejointes, ce qui offre une distraction à mon envie de caresser les jambes de Zatanna. Mais lorsque quelqu'un essaie de toucher Layla d'un peu trop près, elle s'énerve et s'exclame. Ce qui semble déclencher un incident technique assez violent sur la scène. Je me fige, surprise. La coïncidence est troublante. D'ailleurs, Layla demande ce qui s'est passé. Je ne pensais pas qu'elle avait des pouvoirs, elle les aurait montrés à Morro Bay. Alors quoi ? Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi Layla est si en colère ? Pourquoi Zatanna a utilisé ses pouvoirs pour pousser les gens comme ça ? Je me tourne vers la magicienne et arque un sourcil interrogateur. Mais Zatanna ne répond pas. Et à son tour, elle semble submergée par la marée humaine et le bruit. Elle porte sa main à ses tempes et s'exclame à son tour, demandant à ce que les gens se taisent. Et la panique qui commençait à s'insinuer dans la foule s'amplifie lorsqu'un feu se déclare sur scène. Zatanna s'accroche à mon bras et la foule nous éloigne de Floyd et Layla. Je les aperçois sur scène avant de finalement me retrouver avec Zatanna en périphérie du parc. J'attrape la magicienne par les bras pour qu'elle me fasse face et je la regarde : « Calme toi Zatanna, il faut que tu te calmes... ». Si elle ne se contrôle pas, elle risque de tuer des gens. Et je ne peux pas la laisser faire ça. Mais crier n'est pas la solution, alors je reste calme et bienveillante. Mais il y a toujours tant de bruit et tant d'agitation autour de nous que j'ai du mal à voir comment elle pourra se calmer quand mon propre rythme cardiaque est si vif. Alors je m'approche d'elle, si prêt que je sens son corps contre la mien, sa chaleur irradier mon corps, et je pose ma main sur sa joue poussée par toutes mes hormones déchaînées et je lui dis : « Oublie les gens, oublie le monde, il n'y a que moi ». Je pose mon front contre le sien. Je pourrais presque l'embrasser, là maintenant, tout de suite tellement j'en ai envie. Mais je me contente de maintenir le contact visuel, mon regard plongé dans le sien pour tenter de la calmer.

Soudain, quelqu'un crève notre bulle sans aucune considération. Floyd pousse Zatanna contre un arbre, lui posant une main sur la bouche tout en lui ordonnant d'arrêter. Ma méthode était meilleure, j'en suis sûre. Je m'approche et j'attrape Floyd par le bras pour le tirer vers l'arrière : « Arrête ! Floyd arrête ça ! ». Je claque de la langue agacée et je tire encore : « Ca ne va pas aider... ». La violence ne fera que l'agacer encore plus. Agacer, attiser, je ne sais pas ce qui se passe mais elle ne se contrôle pas et j'imagine que c'est en lien avec ses émotions ou avec le trop plein d'agitation autour de nous. Alors autant dire que si on s'énerve encore plus, cela n'aidera pas. Nous avons besoin de calme. De silence. Et je n'arrive pas à faire reculer Floyd. Je me tourne vers Layla la suppliant presque du regard d'intervenir. Je me tourne à nouveau vers Zatanna et lui dis : « Essaie de rester calme... ». Puis je me tourne et je m'interpose entre Floyd et Zatanna pour le forcer à reculer et à rompre le contact physique. Il y a toujours beaucoup de bruit et je jette un regard mauvais à Floyd : « Tout le monde se calme. Tout le monde se calme et tout ira bien ». Je me redresse un peu, carrant mes épaules. Je sais être trop mince pour être vraiment impressionnante. Je regarde autour de nous. Mon regard s'attarde sur Zatanna. Et finalement je lève un peu les mains pour tenter quelque chose. Je me concentre sur les molécules qui composent l'air. Et je les fige. J'immobilise les particules qui se trouvent entre Floyd et les premiers invités. Le son se propage dans l'air. Mais comme l'air est figé, subitement, le bruit est atténué. Je soupire un peu de soulagement. Je fais craquer ma nuque et je me tourne un peu regardant tour à tour Floyd, Layla et Zatanna. « Ca va aller... ». Sinon, je fige le prochain qui s'énerve.

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Par quel miracle est-ce qu’il était encore là ? Alors qu’elle est en train de perdre pied, alors qu’elle essaye encore de réaliser ce qu’il vient de se passer, elle sent une main dans son dos et tourne vivement la tête, pour cette fois laisser échapper un soupir de soulagement plutôt qu’une onde d’énergie destructrice. Déchirée entre une partie d’elle-même rassurée de savoir Floyd encore là et une autre qui aurait préféré le savoir loin de ce carnage, même la colère qui la dévore ne suffit pas à contrer le point d’ancrage qu’il réussit à créer par sa présence. Il est là, il assure ses arrière, même dans la pire des tempêtes et au cœur de la fournaise. Comme avant. Et elle s’y accroche, à ce point d’ancrage – n’en déplaise à Zatanna, à Amelia, à toutes les forces de la création qui ont décidé de semer le chaos ce soir, elle ne lâchera pas. Et elle ne le lâchera pas, lui non plus. Lorsque c’est à Zatanna de laisser exploser le baril de poudre, ils sont deux à remarquer le début d’incendie, passée l’onde de choc, et c’est à deux qu’ils font face au désastre annoncé. « Je suis derrière toi. » l’assure-t-elle comme à travers un écran de fumée, mais le message passe quand même, et elle se débarrasse de ses talons pour sauter sur la scène et attraper l’extincteur qu’il lui lance. Est-ce que c’est mal, de remercier cette distraction bienvenue, grâce à laquelle elle extériorise le feu qui lui écorche l’âme ? Sans doute, mais l’heure n’est pas aux considérations morales. Rapidement, elle coupe la route au feu qui menaçait de se propager sur un arbre voisin et jette un œil à son partenaire qu’elle aperçoit grimacer de douleur. Dammit. Heureusement, les flammes sont vites contrôlées. « Floyd ! » Bon sang, où est-ce qu’il va ? Layla ravale ses appels, trop occupée à achever d’éteindre le feu, fébrile mais méthodique, le geste travaillé par des années d’entraînement. Une fois le brasier complètement éteint, elle jette l’extincteur vide sur le côté et scanne la foule du regard, à la recherche de son partenaire, de Tracy, et de Zatanna. « Bon sang. » Introuvables dans cette cohue. Mais au moins elle est-elle hors de ce chaos : elle se rapproche du bord de la scène pour mieux les chercher de sa hauteur, mais ce qu’elle aperçoit au milieu de la foule en pleine panique, ce n’est ni Floyd, ni Tracy, ni Zatanna. Layla blêmit, un poids se décroche dans sa poitrine et chute, bas, très bas jusque dans l’abîme. Et l’entraîne avec elle dans sa dégringolade. « Toi… » souffle-t-elle, alors que le fantôme d’Amy, treize ans, pâle, suintant de noirceur, la dévisage, parfaitement immobile au milieu du chaos ambiant. Elle était vraiment là, alors. Pour la première fois en dix-sept ans, le fantôme et la survivante coexistent sur le même plan – et pour la première fois, Layla voit, de ses propres yeux, le petit esprit en détresse, consumé par la rage et la douleur, qui s’est attaché à elle comme un naufragé à son radeau.

Mais avant qu’elle ne puisse dire quoi que ce soit, le fantôme d’Amy s’esquive et fend la foule dans la direction opposée. « Amy, attends ! » Sans réfléchir, Layla se lance à sa poursuite, furieuse de la voir lui échapper, joue des coudes sans se soucier de fêler une côte ou une arcade sourcilière au passage, et se fraye un chemin là où elle a cru la voir disparaître. Et elle est la première surprise de se retrouver à nouveau avec ses trois camarades, sans nulle trace d’Amy en vue. « Où est-elle… » commence-t-elle avant de s’interrompre face à la scène abracadabrante qui s’offrait à elle. Floyd étouffant à moitié Zatanna, Tracy qui la suppliait du regard de l’aider. Autour d’eux, un silence étonnant, comme étouffés dans une bulle d’air. Et soudain, Amy se matérialise à nouveau sous ses yeux, juste à côté de Zatanna plaquée contre l’arbre, et esquisse un sourire sinistre avant de lui toucher la main. Le cœur Layla manque un battement. « Floyd, il n’y a pas que Zatanna. Elle est - » Sa tirade qu’elle espérait rapide est interrompue net. C’est dans son dos qu’Amy s’est matérialisée, et qu’elle lui couvre la bouche d’une main brûlante pour l’empêcher de parler. Progressivement, c’est comme si une ombre recouvrait son esprit tout entier, et que quelqu’un d’autre prenait les commandes. Et à nouveau, le brasier. Dans son esprit, Amy s’amuse à appuyer sur tous les boutons rouges possibles et imaginables, et jette de la nitroglycérine sur les flammes pour les raviver. Elle la force, la contraint à tourner la tête vers Tracy – Tracy et ses bonnes intentions, Tracy et ses envies de sauver le monde et de calmer les conflits, Tracy qui voulait les empêcher d’exploser, contenir la tempête au lieu de lui laisser libre cours. Tracy devait être écartée. Dans l’air qui lui paraît incandescent, Layla (ou Amy ?) tend le bras et, d’une bourrasque, force la trop apaisante, trop dangereuse Tracy à reculer de quelques mètres ; avant de tourner à nouveau la tête et le regard vers Floyd et Zatanna. Encore une fois, l’esprit de la petite morte lui fait tendre le bras, en direction de son ancien partenaire. Mais cette fois, rien ne se passe. Et si l’un des deux pouvait voir à l’intérieur de son esprit à cet instant précis, il verrait une gosse en retenir une autre de toutes ses forces. Zatanna le lui avait bien dit, que ça empirerait avant qu'elle ne réussisse à reprendre le contrôle. Alors c'était maintenant ou jamais.

Il ne l’avait pas lâchée, elle ne le lâcherait pas non plus.

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Sourde et aveugle à tout ce qui l’entourait, elle ne sentit pas Tracy la tirer à l’écart, ne l’entendit pas lui parler, d’abord. Seul bourdonnaient le chaos, tous les bruits mélangés, si douloureux. Puis, petit à petit, le chaos passa en arrière-plan et des mots traversèrent sa bulle de rage et de souffrance. Oublie les gens, oublie le monde. Un frisson la traversa, remonta jusqu’à sa gorge et resta là, coincé. Elle rouvrit les yeux pour trouver Tracy à quelques centimètres d’elle. Ses yeux comme un reflet des siens – comme ceux de sa mère, le souvenir lui revint, bêtement, comme les petites choses de la vie remontent parfois à la surface dans les moments difficiles. Oublier les gens, oublier le monde, c’était exactement ce qu’elle voulait. Et entendre Tracy lui dire cela, comme une permission, comme si c’était normal, et pas horrible, de vouloir se détourner du monde, fit dégringoler un poids de ses épaules, et soudain, les larmes lui montèrent aux yeux. Cramponnée à Tracy, elle tentait de profiter de cette éclaircie dans son esprit embrumé pour comprendre ce qui lui arrivait, car bien sûr, que ce n’était pas normal. « Tracy… Il faut que je parte. Je ne peux pas rester ici, je suis désolée… » Elle inspira à fond, maintenant la colère en retrait le temps d’une respiration.

Et puis, comme si le cœur de l’ouragan se déplaçait et que de nouveau, les éléments se déchaînaient, Floyd apparut, l’arrachant de l’étreinte de Tracy, la plaquant contre un arbre, et plaquant sa main contre ses lèvres. Une explosion de souvenirs lui vrillèrent l’esprit – tous, tous à un moment ou à un autre, ils l’avaient bâillonnée, lui avaient déchiré la gorge, avaient tenté de la noyer, de l’étouffer, tout pour la faire taire. Rage, outrage, et peur, aussi, primitive. Puis de nouveau, la voix de Tracy, et les mots comme un baume sur des brûlures. Elle se força à respirer, autant qu’elle pouvait. Elle sentit un changement bizarre dans l’air, comme une pression, et un demi-silence se fit autour d’eux. « Ça va aller », disait Tracy. La solution n’était pas qu’elle s’en aille, qu’elle fuie. Puis elle vit Layla qui les regardait. Vit Tracy soudain voler dans les airs. Amy et Layla qui luttaient – cela, c’était sa faute, entièrement sa faute. Elle avait abandonné Layla à Amy. Oui, voilà, il y avait certaines choses qu’on ne pouvait pas fuir. Zee lança un regard plein de rage à Floyd, enfonçant les ongles dans les paumes de ses mains, laissant le bois du tronc boire son sang, former des lettres – un seul mot. noitativéL. S’arrachant à ses mains, elle s’envola au-dessus de la foule, s’envola pour laisser éclater sa colère loin de Floyd, loin de Tracy, loin de Layla et des autres. Un hurlement s’échappa de sa gorge, recouvert par le tonnerre, et alors, la pluie s’abattit sans prévenir sur le parc, quand bien même il n’y avait aucun nuage dans le ciel. Générant encore des étincelles sur scène, mais achevant de tuer dans l’œuf le début d’incendie. Faisant se calmer les gens, qui levaient les yeux vers le ciel, étonnés, comme se réveillant d’un mauvais rêve. Lui donnant, à elle, l’impression de ne pas pleurer.

De nouveau, un souvenir idiot. « J’y tiens comme à la prunelle de mes yeux. Elle s’appelle Reviens. — C’est qu’une stupide bague, Zach. Une stupide bague pour un stupide magicien. — Tu ne diras pas ça une fois que tu la porteras. Elle est magique. Elle fait tomber les filles. Je te la confie. » Zee tendit la main et appela la bague – il avait dit qu’elle s’appelait Reviens, cet idiot, cet adorable idiot ! Et la bague revint, lourde, tiède contre sa paume. Zee voulait rentrer, même si elle n’était pas sûre de savoir où. Elle aurait voulu entendre quelqu’un lui dire qu’elle avait merdé, et alors ? Elle ne pouvait pas faire pire que lui, et ça les aurait fait rire, en plus, parce qu’ils étaient idiots. Pas en colère. Pas aigris. Pas trop malheureux non plus. Elle baissa les yeux sur Amy et Layla qui luttaient toujours face à Floyd. Et Tracy, allait-elle bien ? La flamme de la colère, à l’idée qu’elle soit blessée, jaillit de nouveau, mais plutôt que d’essayer de l’étouffer, elle s’en empara avec délectation, et la dirigea tout entière vers une seule entité : Amy. Elle serra la bague, enfonçant sans pitié ses bords tranchants dans sa main. « aL etrop tse esolc. aL trom enruoter à al trom, al eiv enruoter à al eiv. » Elle capta le regard qu’Amy leva soudain sur elle. Entendit son hurlement de rage, vit sa haine mortelle à son égard, que seule Zee pourrait voir désormais. Cette enfant serait toujours en colère, il n’y avait rien à y faire. Mais pas Layla, une fois qu’elle serait débarrassée de son influence. Et il en allait de même pour eux tous. Eux aussi étaient sous influence. La colère, la jalousie, la violence, et quoi d’autre ?

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Ton emprise est brutale, désespérée, alors que tu sens la situation t'échapper, comme le sang qui coule entre tes doigts. Pendant un instant, un bref instant, mais suffisant pour étudier sérieusement la question, tu songes à frapper un coup derrière sa tête pour la mettre hors d'état de nuire. Parce que tu ne sais pas quoi faire d'autre. Pas vraiment pour protéger tous ces gens, ne te souciant que bien peu de leur sort, finalement, toi qui n'a jamais prétendu être autre chose que ce que tu es vraiment : un homme qui fait tout pour survivre, et qui n'a pas pour ambition de devenir de près ou de loin un héros. Non, tout ça, tu le fais pour elle, pour Layla. Sans que tu ne parviennes à l'expliquer puisqu'il t'est difficile de comprendre les rouages d'une facette de la magie qui t'échappe, tu sais néanmoins que tout ce qui lui arrive est lié à Zatanna. Mais pourquoi ? Pourquoi créer une influence aussi néfaste ? Flag t'a assuré qu'elle n'était pas classée comme une menace dangereuse pour A.R.G.U.S, mais ce que tu vois ce soir est pourtant exactement ce que Waller t'enverrait chasser avec le squad. Au fond, t'aimerais croire que tout ceci n'est qu'un incident, un malheureux malentendu, mais tu ne peux pas te permettre de valider cette possibilité quand tu contemples, impuissant, ta partenaire perdre complètement pied. Elle qui a l'habitude des situations d'urgence, elle qui a fait du danger son quotidien pendant longtemps. Ce que tu as vu dans son regard quand elle s'est tournée vers toi, ce n'était pas de l'adrénaline, c'était de la peur. Et c'est elle aussi qui te guide maintenant, alors que tu tentes de trouver une solution à un problème qui te dépasse complètement.

Tu sens une pression sur ton bras, mais tu n'y prêtes pas attention, te contentant de rendre la noirceur du regard qu'elle te lance. T'es dans une bulle hermétique, où tout ce qui transparait est la colère que tu ressens à son égard, et à ta détermination à l'arrêter. La voix de Tracy est lointaine, elle parvient à ton oreille, mais tu l'entends sans l'écouter. Jusqu'à ce qu'elle s'interpose entre vous, t'obligeant à relâcher ton emprise. Les dents serrées, tout comme tes poings, tu t'écartes à contre-coeur, tout en faisant les cents pas rapides près d'elles, comme le ferait un fauve enfermé dans une cage. Tu as tué Eddie. Tu as abandonné le second. Tu as perdu Susan. Zoe t'a été arrachée. Tu ne laisseras plus personne te priver de ceux qui comptent pour toi. Tu ne supporteras pas une nouvelle perte, et surtout pas maintenant que tu viens de la retrouver. T'as l'impression d'être le monstre de cette configuration, tu sens leurs regards peser lourdement et sévèrement sur toi. Mais la vérité ? Tu t'en fiche. Elles ne sont personne pour toi. Tu te sens mal. Terriblement mal. Ta tête tourne, ton cœur menace d'imploser. Tu ne sais pas quoi faire pour reprendre le contrôle alors que toutes ébranlent chaque seconde un peu plus tout ce qui se passe autour de vous. T'as l'impression d'être perdu sur un pont en pleine tempête, cherchant à t’agripper n'importe où pour ne pas basculer par-dessus bord. Tracy te demande de te calmer, mais t'y arrives pas. Comment ? Qu'elle t'aide, qu'elle t'apprenne comment le faire, et peut-être que tu fera l'effort. Mais sa démonstration ne fait que renforcer ta peur, alors que tu découvres avec désarroi qu'elle aussi possède des pouvoirs hors du commun. Tu te sens menacé. Quand tu te sens menacé, tu fais des bêtises. Tu crains aussi pour la sécurité de Layla. Et quand tu sens la sécurité de tes proches en danger, alors là tu fais de terribles conneries.

Tracy recule brusquement, comme poussée par une force invisible, et tu tournes aussitôt ta tête vers Layla, le bras levé vers toi, prochaine victime d'un mal dont tu ne sais rien. « Layla...Tu dois reprendre le contrôle. » Le contrôle de quoi ? T'aimerais le savoir. Tu vois son visage se tordre, et son bras trembler, la lutte intérieure est réelle, violente, et tu comprends que c'est pour toi qu'elle se bat contre une autre partie d'elle-même. Et ton cœur se déchire. Parce que tu ne sais pas quoi faire pour elle, pour l'aider, pour couvrir ses arrières comme tu l'as toujours fait. Layla, elle est en train de livrer un combat, peut-être le pire de tous, et pour la première fois de votre relation, tu n'as aucune idée de ce que tu es censé faire pour la protéger. « Tu peux le faire, t'es la femme la plus battante que j'ai jamais connue. » Tu tentes de parler calmement, malgré ce mal qui bloque ta gorge. Puis tu avances pas à pas vers elle, et en l'occurence, vers le danger qu'elle représente. C'est probablement stupide, mais tu ne peux pas rester là, loin d'elle, alors que tu sais qu'elle a plus que jamais besoin de ta présence. La pluie qui s'abat subitement sur vous lave le sang sur ta main, et tu ne cherches pas à comprendre s'il s'agit là d'une précipitation naturelle ou une nouvelle manifestation de la magie. La chose qui cherche à la posséder, tu la distingues désormais. Pas une chose, une petite fille qui se dessine parfois derrière les gouttes de la puissante averse. Qui est-elle ? T'en sais rien, et si tu chercheras à obtenir les réponses en temps voulu, pour l'instant tout ce que tu veux c'est savoir Layla en sécurité, débarrassée de cette entité. Tu fais un autre pas. Puis encore un autre. Jusqu'à l'atteindre. Et n'écoutant que ton envie au détriment de ton instinct de survie, tu attrapes son visage entre tes doigts, délicatement, avec toute la tendresse qu'il est possible d'avoir. « Regarde-moi, je suis là. » Tu veux qu'elle se focalise sur quelque chose de rassurant. Sur son partenaire. Sur son ami. « Je t'ai dit que je n'irai nulle part. » Tu fais écho à ce moment d'intimité sur la plage, quand tu lui as fait cette promesse sans clairement l'annoncer. A moitié avouée, mais entièrement valable. Ce soir, tu lui prouves que tu disais la vérité, tout en l'incitant à repenser à la fête foraine, à vos rires, à votre étreinte, à tout ce qui vous définit, pour chasser l'ombre qui cherche à s'emparer de son esprit. « Tout va bien. Tu vas bien. » Tracy ? Zatanna ? Pour l'heure, tu n'as d'yeux que pour elle. Mais pour ça, peut-être que tu n'as besoin d'aucune influence.

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Tout va si vite que c'est presque effrayant. Pourtant, je ne suis pas du genre à paniquer facilement. Au contraire. L'armée de trenchers à Morro Bay était bien plus effrayante. Mais j'ai l'impression que mon crâne va exploser. Tout se bouscule, tout se percute et chaque nouvel événement semble créer une vague d'émotion qui déferle un peu plus pour chambouler l'ordre normal des choses. Moi qui n'avait déjà pas les idées très claires en arrivant, j'ai encore plus de mal à m'y retrouver et à savoir comment démêler tout ça. Une chose est sûre ce qui se passe ici n'est pas normal. S'il n'y avait que moi et mes envies affriolantes, je ne dirais pas, j'ai toujours été plus que limite à ce niveau-là. Mais le comportement de Layla n'a rien de normal. Je ne connais pas Floyd mais... étrangement j'ai l'impression qu'il est assez égal à lui-même. Quant à Zatanna, c'est assez difficile à dire, mais ce que j'avais découvert d'elle ne me laissait pas penser qu'elle pourrait se servir de sa magie comme ça, pour faire du mal aux autres. Alors... j'imagine qu'elle non plus n'est pas dans son état normal. Et les gens autour de nous sont aussi étranges. Quoique... les foules en panique se comportent toujours un peu comme ça tout bien considéré. Dans un premier temps, les choses se calment. Floyd ne contraint plus Zatanna contre l'arbre. Mon mur a permis de nous isoler un peu du silence. L'espace d'un instant, un infime instant, la pression semble retomber. J'inspire un peu et j'expire pour tenter d'apaiser les battements de mon cœur. L'organe tambourine si furieusement que mes tempes me font mal et que ma poitrine semble sur le point d'exploser. Et au milieu de tout cela, je ne peux m'empêcher de contempler encore les gens qui m'entourent. Littéralement. Physiquement, j'entends. D'imaginer des contacts, d'imaginer la douceur des peaux, de me questionner sur les zones qui déclencheraient le plus de frissons... Et même s'il y a des comparaisons à Luka dans chacune de ces observations, cela me parasite encore et encore.

Lorsque l'enfant se matérialise, j'entrouvre les lèvres de stupeur. Et tout le reste va si vite. Encore trop vite. L'enfant s'en prend à Layla et celle-ci perd le contrôle. Est-ce un démon ? Les démons peuvent-ils prendre une apparence si innocente ? Ou alors est-ce simplement une fillette qui peut se téléporter ? Difficile à dire. Je n'en sais rien. Et lorsque Layla est coupée dans son élan par cette petite fille qui étouffe la phrase qu'elle voulait dire, tout semble soudainement plus flou, plus noir. Et Layla perd le contrôle. Lorsqu'elle se tourne vers moi pour me souffle d'une bourrasque je ne peux rien faire. Poussée vers l'arrière par un souffle brutal, je m'écroule au sol. Je suis à quelques pas mais la distance me semble infinie lorsqu'elle se tourne vers Floyd. Je lève les mains, prête à la figer mais Zatanna réagit finalement. Elle s'élève dans les airs. Elle crie. Je la vois d'en bas. Je la vois et reste impuissante face à ce cri que je n'entends pas mais que je devine. Quant à la pluie qui commence à tomber elle n'est qu'une nouvelle vague de plus qui se rajoute à la confusion de la situation. Je me redresse et regarde à nouveau Layla. Et soudainement, l'aura noir de la petite fille disparaît. J'aurais voulu maintenir le mur plus longtemps mais les molécules d'air retrouvent leur mobilité et le bruit nous envahit à nouveau. Il nous percute avec une certaine violence. Je grimace et recule de quelques pas appelant : « Zatanna ! Zatanna revient ! ». Je l'entends encore me dire qu'elle doit partir. Mais la laisser partir dans cet état ne serait pas raisonnable. Elle pourrait aller se calmer, n'importe où ailleurs qu'ici ou ne trouver personne pour l'apaiser et laisser à nouveau éclater sa colère. Alors je préfère la savoir ici avec nous. Et puis, cela me permettra de pouvoir contempler plus longuement ses jambes des plus sublimes. Je grimace un peu et tente de sortir ces idées de ma tête. Il peut toujours et à présent je suis frigorifiée. Je l'avoue sans mal. Alors je relève à nouveau les yeux : « Et par pitié, fais cesser cette pluie ! ». Je n'arrive pas à discerner si la pluie tombe sur tout le parc ou si elle tombe seulement dans un périmètre précis. Sur nous, bien évidemment, parce que cela ne serait pas drôle. Je n'avance pas. Layla et Floyd sont toujours là, à quelques pas. J'entends vaguement la voix de Floyd qui semble parler à la jeune et j'espère très sincèrement qu'il réussira à l'apaiser. Et comme elle a l'air d'être entre de bonnes mains, je lève à nouveau la tête me protégeant les yeux d'une main pour y voir plus clair. J'aimerais que la magicienne revienne sur Terre, pour vérifier qu'elle va bien. Qu'elle va mieux. Si c'est possible. Tout est tellement bizarre ce soir. Et l'espace d'un instant, j'espère que mon frère n'est pas là, quelque part à essuyer le même genre de déboire.

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Depuis combien de temps n’avait-elle pas ressenti ça ? Une telle colère, une telle rage qu’elle aurait pu, si elle en avait eu le pouvoir, tout faire exploser d’un claquement de doigts, qu’elle aurait voulu hurler jusqu’à s’en arracher les poumons, jusqu’à se vider complètement de son souffle, de son énergie, de tout ce qui bouillonnait à l’intérieur et refusait de partir ? Des années, sans doute. L’adolescence, si elle devait parier sur quelque chose. Quand on lui avait pris une moitié d’elle-même et qu’elle n’avait rien eu pour la remplacer que cet ersatz en fer brûlant qui l’avait, pendant un temps, transformée en intenable furie. Puis elle avait trouvé des échappatoires. Sa colère, elle l’avait prise à deux mains, et l’avait placée dans chaque bombe, chaque explosif qu’elle avait pu désamorcer dans sa courte carrière. Parce qu’autrement, c’était intenable. Et à mesure que les années avaient passées, elle avait cru qu’elle avait réussi, à peu près, à tout évacuer. Qu’il resterait toujours un fond de colère, bien sûr, mais seulement des braises sous la cendre. Que le brasier était définitivement maîtrisé. Qu’elle avait eu tort. Mon Dieu, qu’elle avait eu tort.

Layla aurait pu jurer être en feu, à cet instant, alors que deux entités luttent dans son crâne pour reprendre le dessus, l’une prête à s’en prendre à Floyd, l’autre luttant de toutes ses forces pour reprendre le contrôle de la barre. Elle aurait voulu lui dire de partir, lui hurler de faire de demi-tour avant qu’elle ne s’en prenne à lui, mais évidemment que ce n’est pas aussi simple. C’est le désespoir, qui se coince dans sa gorge alors qu’il l’encourage au lieu de déguerpir, un rugissement qu’elle retient alors que Zatanna relâche le sien au-dessus de leurs têtes. Bénie soit cette pluie soudaine qui refroidit, au moins un peu, la brûlure incandescente sur son âme, qui fait glisser Amy alors qu’elle s’accroche. Elle ferme les yeux, et tressaillit, le bras toujours tendu devant elle, quand des doigts familiers effleurent son visage. Oh Floyd, espèce d’inconscient. Et pourtant, ça marche. Elle sent Amy se débattre, elle sent sa volonté de le repousser, ce type qui cherche à la faire partir, mais c’est sur lui que toute son attention se focalise, aiguisée par la pluie qui la lave de toute autre pensée parasite. Il ne savait peut-être pas ce qu’il faisait, mais c’était suffisant. Elle repousse le fantôme, s’accroche à lui, à leurs promesses, à ce fil ténu et malmené entre eux qui tenait pourtant encore par un quelconque miracle, et elle prend le pari de tirer encore dessus en espérant qu’il résiste à la tempête.

Et soudain, Zatanna rompt le charme. L’amputation est brutale, radicale, et insoutenable, au point qu’elle en perd presque connaissance, là, maintenant ; mais elle se raccroche à Floyd, de la même façon qu’elle l’avait encouragé à s’accrocher à elle, des années plus tôt, alors qu’ils fuyaient une prison dans le désert et qu’elle était celle qui avait la force de les porter tous les deux. Le souffle court, désorientée, son sang battant si fort à ses tempes qu’elle aurait juré que quelqu’un jouait du tambour de guerre dans son crâne, elle articule, d’une voix étranglée : « Où – Amy ? » Une question qu’elle se pose à elle-même, plutôt qu’à lui, qu’elle a besoin d’une secondes ou deux pour reconnaître. Et quand elle le reconnaît, ce regard presque vert dévoré d’inquiétude, elle panique. Seigneur, elle n’avait quand même pas… ? « Je t’ai blessé ? Floyd, est-ce que… ? » Mais elle l’inspecte, de haut en bas, fébrile, et il a l’air d’être en un seul morceau. Dieu merci. Las, au lieu du soulagement qu’elle aurait dû ressentir, c’est à nouveau la colère qu’elle sent bourdonner, un peu plus lointaine, mais toujours bien présente. Colère de l’avoir mis en danger. Colère de s’être laissée manipuler de la sorte. « Et Tracy ? » Alors que les souvenirs confus des dernières minutes lui reviennent avec fracas, elle se détache de lui sans le lâcher complètement, cherche Tracy du regard, la repère enfin dans la foule à son grand soulagement, la tête levée, à apostropher – Layla lève la tête pour l’apercevoir - Zatanna dans le ciel. Se foutant pas mal de marcher pieds nus sur la terre humide, elle prend fermement la main de Floyd dans la sienne. Sa façon à elle de lui signifier qu’elle était bien de retour aux commandes. « C’est pas normal, cette colère. » Elle regarde Zatanna, en parlant, mais c’est aussi d’elle, qu’elle parle. La pluie ne fait rien disparaître, mais comme un rideau de lumière, elle lui permet au moins d’être un peu lucide. « Pour elle non plus. Jamais elle n’aurait fait de mal à qui que ce soit autrement. Et Tracy… » Son regard se darde à nouveau sur elle. « Je ne sais pas comment elle fait, ou ce qu’elle fait, mais ça fonctionne. » Reprends le contrôle, Cook. Comme Floyd avait dit. « T’avais raison. Il faut qu’on parte d’ici. Tous les quatre. » On prend la colère, on la fout ailleurs. Elle aurait dû s’excuser – elle aurait dû lui dire tellement de choses à ce moment-là, mais si elle ne se concentrait pas sur l’action, elle sentait qu’elle risquait de déraper à nouveau. Le terrain était glissant – mais à eux quatre, ils pourraient peut-être mieux s’en sortir que le reste de cette foule en délire.

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En mettant de côté toutes les évidences comme fondement de sa colère – ses fautes des jours passés, cette présence négative qui ne la quittait plus, la confrontation avec Nick et son propre désespoir quand elle se laissait vaguement aller à songer au futur, il restait encore un paquet de rage en elle dont elle n’aurait pu situer l’origine. Elle se sentait vaguement mieux, maintenant qu’elle laissé cette énergie quasi inconnue et qui lui brûlait l’âme et les veines exploser dans les airs. La pluie, aussi, faisait son office. La migraine qu’elle se collait, petit cadeau d’au revoir d’Amy, qui était toujours là, toujours collée à Layla, mais désormais seulement dangereuse pour celle-ci et pas pour les autres, fut également la bienvenue, et elle s’y accrocha quelques secondes, les yeux fermés. Les sons lui parvenaient soudain, en décalé, alors que l’étrange truc qu'avait fait Tracy s’évaporait. Un écho lui parvint et elle baissa les yeux en voyant Tracy lui crier de faire cesser la pluie. Bizarrement, cette demande la fit rire, parce qu’elle n’était pas sûre d’être responsable de cette averse – c’était bien ce qui lui faisait peur. Bien sûr que c’était elle, mais elle n’avait jamais voulu ça. Cela dit, si elle commençait à faire la liste de ce qu’elle n’avait jamais voulu et qu’elle avait fait ou causé quand même, elle en aurait pour la nuit. Tracy allait bien. Layla aussi, apparemment. Floyd était toujours en vie ; victoire pour Zatanna, abîme de peur en songeant une nouvelle fois à ce qu’elle pouvait faire, et peut-être que sa place était bel et bien au fin fond d’une cellule d’ARGUS finalement. Le souvenir de Josh traversa son esprit et elle le repoussa le plus loin possible. Non, pas une cellule. Tout mais pas ça.

Elle redescendit à terre à mesure que la pluie cessait. Et qu’elle se rendait compte que la colère était toujours là. Indépendante de sa volonté. Oui voilà, plutôt que de toujours s’accuser, pourquoi ne pas se laisser le bénéfice du doute ? Les mots de Layla, comme un fanion. Pas normal, assurément. Les bras ballants, plantée là où elle s’était posée, elle ferma de nouveau les yeux. ediV not tirpse, edrager snad not emâ. Elle écarta tout ce qui grouillait à la surface, les derniers jours, les dernières semaines. Les morts et les très grosses bêtises. Que restait-il une fois cela mis de côté ? Comme un éclat brûlant, une flamme vive et inextinguible : la colère. La colère à l'état pur, au sens littéral du terme. N’avait-elle pas déjà goûté à cette magie-là ? Parce que c’en était. Mentalement, elle tendit la main, effleura la flamme qui aussitôt s’anima, enfla et sembla vouloir la dévorer. Zee rouvrit brutalement les yeux avec l’envie de mordre quelqu’un, et dut de nouveau se faire violence. Elle rejoignit les autres. Elle ne pouvait pas leur regarder dedans, pour le dire de façon poétique. Elle n’aurait déjà pas osé le faire dans son état normal, c’était déjà dangereux, alors dans son état actuel ? Mais elle se disait que peut-être, eux aussi avait en eux ce petit parasite dévoreur de personnalité. « Magie », dit-elle simplement. Avant de lever les mains et d’ajouter, juste au cas où : « Pas la mienne. »

Tracy, Floyd et Layla – et la passagère clandestine –, voulaient décamper de là; en même temps, la fête était devenue un peu naze, non ? Trop tôt ? Elle, elle voulait décamper tout court, aller s’asseoir sous une cascade au sommet de l’Himalaya sous le regard accusateur d'un maître à longue barbe ou quelque chose comme ça, là où il n’y aurait personne à trucider. Elle hésita à leur proposer de les téléporter quelque part. Elle aurait pu, mais elle avait conscience d’avoir brûlé en quelques minutes tout le capital confiance qu’elle avait pu bâtir si difficilement avec certains membres de leur groupe. Cela dit, Tracy commençait à l’inquiéter, à ouvrir grand les bras aux catastrophes ambulantes qui l’entouraient. « Allons sur le port, il n’y aura personne à cette heure et on trouvera toujours un coin qui ne manquera à personne en cas de… problème. » Oh, ça va ! Elle en connaissait un qui fracassait la moitié de la ville tous les samedis matins, et personne ne lui disait rien, enfin pas trop. Et en ce qui les concernait, il n’y avait aucune raison que leurs ennuis ne recommencent pas. Pour éviter les tracas, mieux valait saisir la dynamique de leur groupe. En ce qui la concernait, elle ne pensait qu’à une chose : s’isoler. Mais ça n’aiderait personne, pas même elle. Elle leva les mains, plaquées l'une contre l'autre, gardant vaillamment une respiration régulière. « Je nous emmène ? »

Codage par Libella sur Graphiorum & gif tumblr

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Amy. Ce fantôme au sens propre comme au sens figuré. Matérialisation d'un fragment du passé dont tu ignores tout, si ce n'est désormais le nom. Le doute se dissipe, ce n'est donc pas un triste hasard si elle a été la cible de cet esprit frappeur – littéralement – mais bien un événement qui n'est peut-être pas une première fois. Elle est déboussolée, désorientée, mais surprise ? … non, pas vraiment. Elle l'appelle, se questionne, comme si sa présence était presque normale. Si tu as déjà pu voir certaines cicatrices sur sa peau, tu découvres ce soir qu'elle en possède de plus profondes, au plus grand désarroi de la partie de toi qui aimerait l'avoir appris autrement, et avec la possibilité de les détailler, comme on caresserait du doigt les boursouflures des marques laissées par des temps plus durs. Mais as-tu seulement le droit de lui reprocher ces zones d'ombre, quand toi-même tu caches dans tes ténèbres des vérités difficiles à dire ? Non, tu ne lui en veux pas. Tu es soulagé qu'elle aille bien, et que peu à peu, elle reprenne le contrôle sur son corps et son esprit. Dans son regard, tu la devines, elle, pas cet ersatz qui a manqué de peu de te faire quitter cette catastrophique soirée. « Je vais bien. Tracy aussi. » Et c'est uniquement parce qu'elle est parvenue à se battre contre cette petite fille que tu as distingué à travers la pluie. Une dizaine de questions t'assaillent, curiosité brutale et justifiée, mais que tu fais taire pour l'instant, pour ne pas la brusquer et perturber une stabilité difficilement retrouvée. Quand elle attrape ta main, tu la serres tout aussi fort dans la tienne, soudainement apaisé par le contact physique qu'elle vient d'initier et dont tu avais cruellement besoin. Tu aurais pu la perdre. D'une façon ou d'une autre. Alors tu refuses de la lâcher, pour ne plus revivre cette horrible et dévastatrice sensation : celle de la sentir s'échapper sans savoir comment la rattraper.

Elle a raison, ce qui s'est passé ce soir n'est pas normal. Ce qu'elle ressent, et ce que tu ressens toi aussi au plus profond de toi-même, comme un diable sur ton épaule qui te murmureraient des mots sournois au creux de l'oreille. Tu ne sais rien de Tracy ou Zatanna, mais en ce qui la concerne elle, à l'instant où tu l'as rejointe, tu as su que quelque chose ne tournait pas rond. Partir, prendre la fuite, c'est la meilleure idée de la soirée, mais...à quatre ? Ton esprit se trouble, et tu passes ta main libre sur ton front, pour essuyer les gouttes de pluie qui perlent encore, officiellement, pour encaisser une décision qui ne te plait pas, officieusement. T'as besoin d'être seul avec elle, besoin de comprendre ce qui s'est passé, besoin de t'assurer que tout va bien entre vous. Tu ne veux pas de la présence des deux filles, parce que tu sais déjà que tout sera différent si elles interviennent dans une conversation que tu voulais partager qu'avec ta partenaire. Ton regard se pose alors sur elle, et tu ignores si elle comprendra ce qu'il signifie, ce qui se cache derrière l'assombrissement de tes prunelles. Ce n'est pas vraiment une contrariété, c'est une frustration. Vous avez encore tellement à rattraper, et voilà une précieuse occasion qui s'envole, au profit d'une amitié qui n'existe absolument pas entre vous quatre. Tu ne dis rien, braqué, jusqu'à ce que Zatanna se rapproche pour vous offrir son hypothèse. De la magie, merveilleux. Tes flingues ne pourront rien contre ça. Et c'est pas faute d'avoir envie de plomber les fesses de toute la foule du parc.

Vous emmener à bon port ? Tu hésites un moment, tête baissée, les yeux rivés sur l'herbe humide, pesant le pour et le contre de ta prochaine décision. Et comme à chaque fois que tu te sens perdu, incertain de faire ou non le bon choix, c'est à nouveau Layla que tu regardes, cherchant la réponse dans le bleu rassurant de ses iris. Tu ne veux pas la laisser. Mais ça revient également à rester avec le groupe. Tu pousses un profond soupire, avant de simplement acquiescer. Tu ne parles pas beaucoup, encore secoué par ce qui s'est passé, et luttant contre toi-même et cette envie tenace et dangereuse de tout faire pour la garder rien que pour toi. Mais l'évidence est là : tu ne sais toujours pas dire au-revoir. Tu sautes, je saute. Alors c'est ce que tu fais, en laissant Zatanna user de sa magie, malgré les incidents accumulés depuis que tu l'as rencontrée. Un acte de foi. Mais aussi de confiance. Tu serres plus fort la main de Layla, et ferme les yeux pour te laisser porter vers votre prochaine destination...

...Quand tu les rouvres, le monde autour de vous a complètement disparu, et vous avez pour seule compagnie les quelques bateaux encore à quai. Un calme retrouvé, au moins en apparence. D'un signe de la tête tu leur indiques le ponton de bois à quelques mètres de là où vous vous trouvez : « Je vous rejoins. » Et à contre-coeur, tu t'obliges à lâcher la main de Layla, et à presser le pas vers une destination que toi seul connait. Pas très loin, là où les néons d'un magasin côtoient la lumière factice des lampadaires encore allumés. Tu rentres dans la boutique, et en ressors quelques minutes plus tard avec un pack de bières pour tout le monde et un bandage pour ta main abîmée. Bien sûr, ça n'effacera pas la méfiance qui vous lie, mais disons que c'est ta façon de faire un effort, et de lutter toi aussi contre les démons qui t'habitent. Parce que tu n'es pas mieux que Zatanna et ses erreurs de ce soir. Ou que Layla et les fantômes qui la suivent. Quand tu les retrouves, tu te mets assis sur le bois un peu froid, mais toujours préférable à la folie du parc. « Y avait pas de calumet alors j'ai pris de la bière. » Tu poses le pack, incertain sur la suite des événements, mais au moins convaincu d'être là où tu es supposé être. Et c'est déjà pas si mal, pour un paumé comme toi.

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Je suis plutôt fière de moi. Même si les choses ont menacé d'exploser, même si Zatanna est dans les airs en train de déverser la colère, nous n'avons pas totalement perdu le contrôle. Et j'imagine que les choses auraient pu être bien pires... C'est loin d'être un super pouvoir mais je suis plutôt heureuse de l'avoir... La capacité de garder le calme et d'essayer de bien faire les choses. Même en situation de crise, même si tout semble s'effondrer autour de nous. Même en étant parasitée par d'autres démons. En effet, le fait d'essayer de calmer les choses ne m'empêche pas d'avoir cette envie ardente qui me ronge le ventre. Ce besoin complètement irrationnel de rentrer à Washington pour me jeter sur Luka, mais là, maintenant, je suis là et c'est ce qui compte. Bien sûr, si l'occasion se présentait d'apaiser à nouveau cette soif ardente en me glissant contre un corps, je dirais oui sans hésitation. Sans aucune résistance, incapable de faire autrement tant le besoin d'apaisement est important et violent. Assouvir cet incendie qui brûle en moi devrait être mon seul but, ma seule quête. Mais dans la fébrilité qui est la mienne, je ne peux m'empêcher de me dire que cela ruinerait tout ce que j'ai tenté de construire si je faisais cela avec quelqu'un d'autre. Et d'une certaine façon, je n'en ai pas envie. C'est même sûr... Je me sens bien avec lui. Même s'il est abîmé par son passé, j'apprécie passer du temps avec l'italien plus qu'avec les autres hommes que j'ai déjà pu connaître. Et puis, je sais que ce n'est pas ce qui me contenterait le plus. Je pourrais bien plaquer Zatanna contre cet arbre pour lui voler un baiser et laisser exploser l'incendie pour tenter de ne pas me consumer, ses mains sur mon corps n'aideraient pas totalement. Cela me fournirait peut-être un peu de répit. Beaucoup de répit avec de telles jambes et de tels yeux... Dans lesquels on se noierait avec plaisir. Mais il n'y a que les mains de Luka qui semblent en mesure de m'apaiser, ce qui ne fait qu'augmenter la souffrance causée par cette soif ardente de contact, ce besoin de proximité physique. Et plus elle me ronge, plus je me rends compte que ce n'est pas normal. Je ne devrais pas être aussi fébrile. Je l'ai toujours été un peu, étant facilement grisée par le contact physique, mais pas à ce point. Pas au point de me jeter à corps perdu dans une foule pour tenter de contenir ce qui déborde. Je ne suis pas comme ça normalement. Layla retrouve le contrôle d'elle même. Alors que j'essaie de faire redescendre Zatanna sur terre, elle me regarde. Je baisse mes yeux et soutient son regard lui offrant un sourire simple. Elle aurait pu éviter de me balayer de la sorte, mais je sais que ce n'était pas sa faute, alors je ne lui en veux pas. Je suis même heureuse et soulagée de la voir à nouveau maître d'elle-même.

La pluie commence à se calmer progressivement. Zatanna repose un pied au sol. Je la regarde. Impressionnée par ses capacités mais soulagée qu'elle soit revenue sur terre et qu'elle soit à nouveau à peu près calme. Il faut que ça dure. Il faut qu'on puisse rester maître de nous-même. Enfin... Moi je n'ai pas envie de frapper les autres, plutôt de leur sauter dessus. Ce qui pourrait me valoir autant d'ennuis qu'une bonne bagarre. L'abus sexuel est passible d'emprisonnement, je le sais mieux que quiconque. Et je sais aussi que je pourrais attraper des maladies graves, malgré tout mon esprit ne cesse de chercher avec qui je pourrais partager un moment plus convivial que ce que nous venons de traverser. J'emboite le pas de Zatanna pour rejoindre Floyd et Layla et entend la magicienne parler de magie et assurer que ce n'est pas la sienne. Donc, leur état n'est pas normal. Cette colère si intense... Et je me dis que peut-être le mien ne l'est pas non plus du coup. Que je suis aussi sous l'effet d'un sort. Assez vite, nous nous retrouvons sur le port et je vais jusqu'au ponton en bois pendant que Floyd s'éclipse. Une fois sur celui-ci je regarde les bateaux autour de nous. Tout est calme, il ne semble y avoir personne. J'aimerais dire que c'est la première fois que je me téléporte, mais ce n'est pas le cas. Je suis habituée à présent, puisque c'est comme ça que je me rends sur mon nouveau lieu de travail. Je souris un peu et je profite de l'accalmie pour sortir mon portable et envoyer quelques messages. Notamment à Jason, mon nouveau collègue, pour signaler que nous sommes sous les effets d'un sort. Juste au cas où ils ne seraient pas encore au courant. Lorsque Floyd revient avec de la bière, je souris un peu et je dis : « Ça devrait faire l'affaire... ». Je me sens soulagée de voir que lui aussi est un peu redescendu et qu'il ne compte pas égorger Zatanna. « Merci ! ». Je range mon téléphone. Dans mon état, je ne suis pas convaincue que boire soit une bonne idée. Même si une seule bière ne fera pas grand mal, l'alcool aidant à lever les inhibitions... j'imagine que je n'ai pas besoin de ça. Je ne suis pas mécontente d'avoir quitté cette foutue soirée, le calme est salvateur. Le silence est agréable et j'ai l'impression de pouvoir réfléchir à nouveau. Une partie de mes ressources mentales étant déjà prises pour résister à cette envie charnelle qui déferle par vague, la musique et l'agitation n'aidaient définitivement pas. Je fais quelques pas sur le ponton avant de demander à l'adresse de Zatanna : « Tu avais déjà vu ça ? A ton avis qu'est-ce que c'est comme magie ? ». Toujours cette façon de me mêler de ce qui ne me regarde pas. Enfin... j'ai bien l'impression que ça me regarde quand même. Même s'ils ne s'en rendent pas forcément compte. J'essaie de penser à autre chose. De détourner mon attention de mon problème principal. Et si on pouvait trouver une solution, cela serait parfait. « Les autres convives sont touchés aussi ? On... On ne devrait pas faire quelque chose ? ». Je n'ai pas très envie d'y retourner ceci dit. Mais imaginer que d'autres personnes pourraient perdre le contrôler et blesser les autres. Floyd a un bandage. Et je lui aurais bien passé autour de la main, mais j'imagine qu'il vaut mieux que je laisse faire Layla qui n'avait pas l'air très heureuse de savoir que nous nous connaissions, même si ce n'est pas réellement le cas. Autant ne pas tenter le diable et laisser les choses retomber tranquillement.

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Oof, il n’aimait pas ça. Elle le voit bien dans son expression butée et renfrognée, alors que Floyd se mure dans un silence obtus, mâchoire serrée et regard sombre. Exactement l’expression dont elle se souvenait à chaque fois qu’ils s’étaient retrouvés dans une situation difficile au milieu du désert ou dans les ruines d’une ville bombardée. Et le regard qu’elle lui retourne, elle, était ce regard qui pouvait très bien se traduire par ‘arrête de faire la gueule, serre les dents, on va s’en sortir’. Peut-être que c’était lui qui avait raison, peut-être qu’ils auraient dû se barrer, juste tous les deux, mais il était trop tard pour le savoir, maintenant. Il s’agit là de sa première téléportation, et dès qu’elle retrouve pied sur la terre ferme, Layla se jure que ce sera la dernière. Avait-elle jamais ressenti sensation plus désagréable que celle d’être absorbée dans un trou noir et recrachée juste derrière ? Elle en doutait. Heureusement, le parfum reconnaissable entre mille du port la distrait alors que Floyd libère sa main pour disparaître quelques minutes. Pieds nus sur le bois de l’estuaire, elle s’avance au bord et ferme les yeux pour inspirer profondément et profiter du calme revenu. Enfin. Zatanna n’aurait pas pu choisir de meilleur endroit pour les regrouper loin de la foule en ébullition, même si elle avait opté pour le port pour éviter d’autres dégâts collatéraux si jamais quelqu’un venait encore à… perdre le contrôle. Ses yeux balaient le port et les quelques bateaux amarrés devant eux, principalement des bateaux de pêche industrielle, et quelques yachts de plaisance. Entre ses dents, elle laisse échapper un soupir agacé. Calme, Layla. Elle venait de manquer de blesser Tracy dans une explosion de colère, elle préférait éviter de réitérer l’expérience. Même si Zatanna avait réussi à renvoyer Amy dans ses limbes habituelles – une pointe de culpabilité lui perce le cœur de part en part à cette pensée. Assez. C’est Floyd, encore, qui détourne son attention en revenant, en excellente compagnie. Pour la première fois de la soirée, elle réprime un petit sourire. Un pack de bières pour résoudre leurs problèmes. Voilà une stratégie derrière laquelle elle se rangeait volontiers. Mais si elle a un début de sourire, il s’efface bien vite en remarquant enfin la blessure à sa main. Shit. C’était arrivé quand, ça ?

« On va tous finir frigorifiés à rester trempés comme ça, et toi, tu vas t’infecter la main. Je reviens. » lance-t-elle en s’éloignant de leur petite troupe. Elle bifurque sur un ponton voisin et avise un de ces bateaux de pêche frappé du logo d’un grand groupe qu’elle honnit tant. Quitte à dérailler complètement ce soir, autant le faire dans les règles de l’art. D’un bond, elle se hisse à bord et se laisse retomber sur le point, direction la cabine. Lorsqu’elle atteint la porte, elle essaye de tourner la poignée – fermée, évidemment. Elle soupire, lève les yeux sur la lanterne éteinte qui surmonte la porte, et est sur le point de faire demi-tour quand un scintillement dans la boîte de verre attire son attention. Ils n’ont quand même pas… ? Incrédule, Layla ouvre la lanterne et en retire un trousseau de clés. Apparemment, les marins aussi avaient leurs mauvaises habitudes comme laisser la clé sous le paillasson. Ravie de sa découverte, c’est sans aucun scrupule qu’elle déverrouille la cabine et part en exploration dans les placards. Robin des Bois pouvait aller se rhabiller.

Elle revient auprès du groupe quelques instants plus tard, après avoir soigneusement couvert les traces de son raid, les bras chargés de quatre couvertures à défaut de serviettes, d’une trousse de secours, et même de deux boîtes de cookies. Face aux regards de ses camarades, elle hausse les épaules. « Quoi ? On vient de déclencher deux incendies, on n’est plus à ça près, si ? » rétorque-t-elle à tout commentaire désobligeant qu’ils auraient pu formuler à voix haute ou à voix basse. Une à une, elle distribue les couvertures, et s’assoit à côté de Floyd avec son kit de premiers soins, tout en prêtant une oreille attentive aux réflexions de Tracy – celle d’eux tous, visiblement, qui avait réussi à garder le plus la tête sur les épaules. Silencieusement, elle intime à son partenaire de lui montrer sa blessure, armée de coton et de désinfectant. Quelque part, tout au fond d’elle, elle sent encore la colère gronder comme une bête en cage – mais pour l’heure, la bête est sous contrôle. « Qu’est-ce que tu veux qu’on y fasse ? » demande-t-elle à Tracy, sans animosité malgré la formulation brut. « Tu crois vraiment qu’ils évacueraient une soirée qui va leur rapporter des milliers, peut-être des millions, parce que quatre illuminés leur affirment qu’une… magie étrange est à l’œuvre ? » Peut-être que Tracy avait les bons contacts pour ce genre de chose – la question est presque lisible dans le regard qu’elle braque sur son ancienne avocate. Quoiqu’elle fasse de sa vie maintenant, il était évident que ça allait bien au-delà de la plaidoirie. Ravalant le reste de son interrogatoire, Layla la lâche des yeux pour se concentrer sur la main de Floyd. « T’es sûre que tout le monde est touché, d’ailleurs ? » Concentrée sur son bandage, elle prend néanmoins le temps de les regarder tous les trois, un par un, perplexe. « Je pense qu’on a bien vu que Zatanna et moi étions aussi stables que des barils en feu – no offense, Zatanna - , mais vous deux ? Surtout toi Tracy. » Bandage terminé. Personne n’est mort. Allélujah. Sa prochaine question, c’est à l’experte du groupe, à Zatanna, qu’elle l’adresse en se couvrant les jambes de sa couverture. « T’as une explication ? »

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Elle comprenait que les autres n’aient pas des masses envie de lui faire confiance. Elle-même ne se faisait pas confiance, là, tout de suite. Un souffle lui traversait l’esprit en permanence – comme une voix, un murmure qui tentait de la convaincre qu’elle aurait pu les téléporter directement en enfer et offrir leurs âmes en pâture à… Le souffle s’arrêtait là et reprenait, lancinant. Heureusement, par-dessus cette atroce petite voix, il y avait le foyer rougeoyant de la colère, et tout l’agacement et le refus de plier devant quiconque qui allaient avec. Se concentrant sur elle-même, elle les emmena tous sur les docks, au port de Metropolis. L’endroit était vide, silencieux, plongé dans l’obscurité. Seuls résonnaient, quasi fantomatiques, les bruits de n’importe quelle marina la nuit : clapotis, de l’eau, lointaines cloches de bateaux, cornes de brume. Pendant que Floyd s’absentait et que Tracy envoyait des messages – et de manière confuse, Zee se disait qu’elle aussi aurait dû envoyer des messages, mais à qui, et pourquoi ? –, elle se rapprocha du bord du quai pour inspirer l’air marin et salé. Réfléchis, idiote. Réfléchis. Mais pas trop non plus, hein ? La vérité, hideuse, n’était pas bien loin, et elle aurait détesté s’y trouver confrontée. Elle était en colère et elle avait des raisons de l’être. Layla aussi, mais là encore, elle avait des raisons – une au moins, bien réelle. Floyd revint avec de la bière et Layla s’absenta à son tour. Debout au milieu de rien, Zee continuait d’essayer de mettre ses pensées en ordres. La colère à l’extrême, ce n’était pas son genre. Layla elle-même avouait ne pas être dans son état normal. Elles étaient sous influence. Pour s’aider, elle décida que Tracy et Floyd aussi. Des comportements qui étaient anormaux – mais qui n’étaient jamais que la version poussée à l’extrême de quelque chose qui existait déjà en eux. Elle se rappelait vaguement d’une histoire avec un fast-food, et cela l’avait fait sourire parce qu’elle avait trouvé ça ironique, le lien de cause à effet… Eh bien, elle souriait moins, maintenant.

Remerciant Floyd et Layla, elle se servit dans le pack de bière et entortilla une couverture entre ses mains. La réflexion de Tracy l’arracha à ses pensées, la réponse de Layla lui vrilla les nerfs – parce que maintenant, elle savait, elle savait que ce n’était pas elle. Qui donc avait osé leur faire cela ? Y avait-il pire que de se voir manipuler par une puissance contre laquelle on ne pouvait se défendre ? Elle adressa un sourire forcé à Tracy. « Ça ira. Ils sont mieux sans nous et ils ne pourront se faire du mal que dans la limite de leurs capacités, c’est-à-dire pas grand-chose. » Elle n’était pas sûre que les gens aient été touchés par ce qui les avait atteint, sinon le chaos aurait été bien pire. C’était l’influence de sa magie psychique, et la présence d’Amy, qui avaient exacerbé la foule. Ils seraient bons pour une migraine. Pourquoi toujours se rabaisser ? Tu aurais pu tous les réduire à l’état de légumes. Elle goba la moitié de sa bière et pressa une main sur son œil gauche, essayant de chasser son mal de crâne, qui commençait à l’énerver – encore. « Oui, il faut savoir si vous êtes touchés, Floyd et toi. Prenez le temps d’y réfléchir, et soyez totalement honnêtes. Au point où on en est, je pense qu’on devrait mettre notre fierté de côté. » Sauf si la fierté était un autre genre de colère. Et rien que de parler de ça, évidemment, cela l'agaçait, au point que sa voix tremblait. « Je ne suis pas dans mon état normal. J’étais en colère ces derniers temps, pour des tas de raisons, mais jamais je n’aurais fait ce que j’ai fait si je n’avais pas été poussée par une force extérieure. Cette colère qui m’habite n’est pas à moi. Je suis en colère, c’est vrai. Mais quelque chose a exacerbé ce qui était déjà là, je l’ai vu et senti. »

Rien que d’en parler, elle sentait ses sens s’échauffer et l’impatience la gagner. Malgré la conscience d’être possédée par quelque chose, elle avait du mal à lutter. Elle pointa Layla avec sa bière. « Elle est en colère. Floyd, à toi de nous dire. Tracy, tu es… » Toujours aussi adorable ? Mais bizarre, on n’allait pas se le cacher. Zee l’adorait mais devait bien avouer que Tracy ne l’avait jamais embrassé jusqu’à présent, ni dansé avec elle ou quoi que ce soit. Sa phrase inachevée était bien assez claire. « Il s’agit d’une très vieille magie, aussi ancienne que les hommes, c’est ce que je ressens. Née en même temps qu’eux. Ils ne sont pas nombreux à ma connaissance à pouvoir la manipuler. » Née avec les hommes, mythes fondateurs de leur création, inhérents à leur existence…

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Plongé dans tes pensées, peu à l'aise avec les deux femmes, c'est le retour de Layla qui te ramène à la réalité sur les docks. Ton ancre. Ta constante. La seule vers qui tu tendrais une main si tu venais à te noyer, quelque part entre la folie et le désespoir. Elle ramène des couvertures, une boite de cookies, et de quoi désinfecter ta main. Et toi, le mercenaire, l'homme borderline, tu es évidemment plus amusé qu'autre chose par sa façon de vous les avoir apportés. Faire quelque chose ? C'est là, à cet instant précis, que tu réalises que tu t'es trompé. Ta place n'est pas ici. Tu n'appartiens pas à ces gens, comme Tracy, qui cherchent absolument à régler tous les problèmes d'autrui. Tu ne te bats pas pour ce monde, ni pour cette humanité dont tu ne connais que trop bien tous les vices. Tu n'es pas un héros. T'es même pas un mec bien. Alors ce qui s'est passé là-bas, au parc, qu'importe qu'ils s'agissent d'un simple mauvais jour ou d'une magie mystérieuse, ce n'est pas toi qui interviendra pour faire quoi que ce soit. C'est vrai, souvent, tu donnes de ton énergie pour sauver un monde que tu méprises pourtant, mais c'est parce que tu n'as pas le choix. Parce que c'est une question de survie. Une question personnelle, où tu dois sacrifier ta propre personne pour obtenir ce que tu n'arrives pas à avoir de toi-même : quelques brefs instants avec Zoe. Parfois, tu te dis que c'est pour elle que tu fais tout ça. Et parfois, tu te demandes pourquoi encore te fatiguer, puisque personne, ici ou ailleurs, ne parviendra à remettre sur le droit chemin une humanité déjà gangrénée par le pire. C'est trop tard. Il n'y a plus rien à faire pour vous. Et tu ne participeras pas à un quelconque sauvetage. Pas tant que l'on ne te menacera pas de faire sauter la bombe que tu as dans la tête.

Mais qu'en est-il de Layla ? Alors qu'elle panse avec douceur les blessures sur ta main, tu portes ton regard sur elle. Est-ce qu'elle aimerait faire quoi que ce soit, si réellement il se passait quelque chose de pas clair là-bas ? De quel côté de la ligne se situe t-elle ? Tu l'as vue, à Morro Bay, se battre pour le bien commun. Mais n'est-elle pas fatiguée de tout risquer pour des gens qui finiront par se détruire de toute façon ? Cette cause est déjà perdue, alors à quoi bon se sacrifier. « Merci. » Tu la remercies en plus d'un sourire une fois ta main bandée. Sa prévenance t'apaise. Son attention calme la tempête qui s'était déchainée en toi. Mais pour combien de temps ? Tu portes cette fois ton regard sur Zatanna, qui s'ouvre sur son ressenti, sur ses émotions de ce soir. Tu ne la connais pas assez pour démêler le vrai du faux, mais tu fais le choix de la croire. Et puisqu'elle a joué cartes sur table, elle attend que vous en fassiez de même. Tu attrapes une bière que tu ouvres avant de la porter à tes lèvres. Tu vas en avoir besoin, si tu acceptes toi aussi de dire la vérité, la difficile vérité. La colère est facilement identifiable, elle s'exprime avec brutalité, détruisant toute subtilité au passage. Tracy, tu ignores par quel mal elle est touchée, mais toi...toi, l'avouer, serait trop risqué. Parce qu'elle est là, juste à côté de toi, la présence de ton mal. Cette envie. Cette jalousie. Ce besoin. Tout est dirigé vers elle. Tu n'expliques pas pourquoi, tu sais simplement que c'est là, une boule au creux de ta poitrine qui t'empêche de respirer, et qui tord ton palpitant dans quelques douleurs impossible à déterminer. C'est un mal qui fait mal. Voilà ta seule certitude.

Tu t'enveloppes dans le silence, en plus de la couverture, quand vient à ton tour de parler. Pourquoi tu devrais le faire ? Tu ne connais ni Tracy ni Zatanna, et tu n'as pas pour habitude de te confier à qui que ce soit. Même Layla ne sait rien de toi. Et c'est ça, qui est effrayant. De te dire que si elle savait tout de toi, peut-être qu'elle ne serait déjà plus là. « J'ai perdu quelqu'un, une fois. Une personne à laquelle je tenais vraiment, et que je ne suis pas parvenu à récupérer. » Non, ça c'est faux. Rectification. « J'ai pas réellement essayé, en vérité. » Nouvelle gorgée de bière pour faire glisser plus facilement les mots coincés dans ta gorge. « Et ce soir, tout ce que je ressens est exclusivement tourné vers elle. Comme une obsession. Comme si...» Tu fronces les sourcils, fixe le bitume, et te mords la lèvre inférieure pour trouver comment poursuivre en toute honnêteté : « ...comme si tous les regrets accumulés, toutes les peurs enfouies depuis ces cinq années, venaient de se matérialiser par une envie féroce de tout réparer. » Si féroce qu'elle en est devenue douloureuse. Si féroce que tu serais prêt à payer n'importe quel prix. L'avoir perdue et chercher à effacer les erreurs, tout en craignant que ce ne soit pas suffisant. Parce que Layla, celle à qui s'adresse ces quelques mots que les autres ne comprendront pas, elle ne sait pas vraiment quel homme se tient à ses côtés. Floyd, son partenaire, Deadshot, le mercenaire devenu leader d'un escadron du suicide. Un meurtrier. Une cause perdue. Parfois, l'envie se confond avec l'espoir, et qui a t-il de plus dangereux qu'un espoir qui ne trouve pas satisfaction ? « Ce qui s'est passé ce soir, n'est ni plus ni moins que l'expression de ce que l'on a gardé au fond de nous trop longtemps. » Magie ou pas magie, ce que tu sais, c'est que cette envie, tu la ressentais déjà bien avant. Bien sûr, tu n'oses pas la regarder. Bien sûr, tu aimerais prendre la fuite. Mais ça ne vous a pas aidé, la première fois. Alors tu restes, et tu assumes tes erreurs.

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Des bières. Et une furieuse envie de se glisser contre le corps de Luka. Alors plus je suis obnubilée par tout ce qui me traverse depuis quelques temps, plus je me dis que je ne devrais pas boire. Vraiment pas boire. Garder l'esprit le plus clair possible. Parce qu'honnêtement, je ne peux pas continuer à faire n'importe quoi sans prendre le risque de tout faire foirer. Encore une fois. A croire que je ne suis bonne qu'à ça. Tout gâcher. Et ne pas apprendre de mes erreurs. Répéter encore et encore les mêmes choses. Je fais craquer un peu ma nuque pendant que Layla s'éloigne, sans savoir vraiment où elle va. Ses paroles ont du sens. Il faut qu'ils se réchauffent. Mais comment ? Zatanna pourrait le faire. Pourquoi est-elle partie du coup ? Et où ? Je suis un peu fatiguée et un peu lasse aussi. Fatiguée de moi-même. Si j'avais eu le courage d'affronter mes actes, je n'en serais pas là. Mais je ne suis pas bien sûre de là où j'en serais. A Washington ? Planquée dans mon nouveau QG ? Enfouie sous une montagne de crème glacée ? Je ne peux même pas en parler décemment avec mon frère qui ne comprend pas cette relation et ne l'approuve pas. Je me passe une main sur le visage. Mes doigts s'attardent sur mes lèvres alors que je repense à ce moment après le vol. Et un frisson remonte le long de mon dos. Pas de froid celui-là. De désir. Et de honte aussi. Lorsqu'elle revient, elle rapporte pas mal de choses... Je penche un peu la tête, avant de la secouer. Je ne veux pas savoir d'où ça vient. Je prends la couverture qu'elle me tend et m'enroule dedans tout en la regardant désinfecter la main de Floyd et en l'écoutant. Elle n'a pas tout à fait tort. Ils ne voudront pas arrêter ça. Mais certaines autres instances peuvent peut-être les y pousser ? Qui sait. J'espère bien que S.H.A.D.E pourra contenir les dégâts. Je me sens hors course pour le moment. J'hausse les épaules et je réponds : « Je sais pas... J'espère juste que personne n'essaiera d'égorger une autre personne... ». Sous un coup de colère, de frustration ou qu'en sais-je... Je retiens un léger soupire. Peut-être qu'il faut que j'arrête de me battre contre le monde entier toute seule ? Zatanna tente de me rassurer sur les convives. J'ai du mal à y croire. Les gens peuvent être surprenant. Après tout, je peux faire exploser des choses... ou des êtres vivants.

Lorsqu'elle reprend la parole, je fronce les sourcils. Elle reconnaît que toutes les deux, elles étaient sensibles au point d'exploser. Et elle questionne sur nous deux. Et surtout moi. Pourquoi surtout moi ? Je fronce les sourcils. « Pourquoi surtout moi ? ». J'avoue que je ne comprends pas vraiment pourquoi je suis subitement la cible d'une telle question. Qu'est-ce que j'ai bien pu faire pour mériter cela ? J'arque un sourcil en regardant Layla. Je sais bien que je ne vais pas bien. Que je ne suis pas dans mon état normal. Mais bon, quand même. Je passe finalement mes doigts dans mes cheveux pour les démêler un peu et les natter parce qu'ils ne m'aident pas à me réchauffer. Elle poursuit elle aussi sur la question de cette magie et de savoir si nous sommes touchés Floyd et moi. L’étau se resserre. Je n'aurais bientôt plus de joker à jouer. Peut-être que je peux m'en aller maintenant. Retourner à la fête ? Ou à ma chambre d'hôtel ? Mourir. M'enterrer et ne plus jamais sortir. Cela me semble être un plan viable. Lorsqu'elle reprend sur la magie, je sors mon portable et j'envoie un nouveau message à Steve avec ces précisions. Et à Jason. Au cas où. Peut-être qu'il pourra en faire meilleur usage que moi. Je l'espère en tout cas. Je passe une main sur ma nuque. Finalement, c'est à Floyd de répondre. L'envie. La colère. La luxure. Ce sont des péchés capitaux. Il ne faut pas être un génie de la police pour le comprendre. Deux éléments peuvent être une coïncidence, trois... la série devient une constante. Et là, nous en sommes déjà à trois sur sept. Et si je retournais là-bas, je ne doute pas de trouver des traces de gourmandise ou encore de paresse. D'orgueil. Ou d'avarice... J'inspire un peu. Je verrouille à nouveau mon portable. L'histoire de Floyd est presque triste en fait... Perdre quelqu'un. Essayer de le récupérer... ou ne pas le faire. Elle. Une femme. Une sœur ? Une mère ? Une fille ? Une amie ? Difficile à dire. Il ne précise pas. Il n'a pas totalement tort. Même si, je ne suis pas sûre de n'être que ça. Une nympho complètement barrée. Mais c'est à mon tour n'est-ce pas ?

Je souris un peu, mais le sourire est faux. « J'ai toujours eu peur d'aimer. De m'attacher. Pour perdre à nouveau quelqu'un de cher. Après la mort de mes parents, j'ai juste... Je crois que j'ai juste eu peur de ressentir à nouveau cette souffrance ». La peur de perdre Steve m'étreint si souvent le cœur que j'ai du mal à avancer parfois. Le savoir loin, à réaliser des missions qui pourraient s'apparenter parfois à des missions suicides, confronté à des choses qui le dépassent... Mais je dois faire avec. Juste avec ça. Sans avoir besoin de faire plus. Pas d'autre peur. Personne d'autre de réellement important. Pas à ce point. « Bien sûr, j'ai grandi... Et j'ai commencé à ressentir des désirs... Il n'y a presque jamais eu plus que ça. Des désirs charnels, assouvis quelques nuits de suite. Et rien de plus... ». Il y a bien eu une ou deux relations plus sérieux que les autres. Et ça n'a pas vraiment été très facile à supporter au final. Je n’en étais pas vraiment capable au final. Maintenant, il y a Luka. Mais les choses sont différentes à présent. Je sais ce que je veux. Je veux une famille. Ceci dit, je ne vais pas plus loin dans mes explications. Je pense avoir été suffisamment clair pour qu'ils se rendent compte de ce que cette magie a attisé chez moi. Alors je compte à voix haute : « La colère... L'envie... » au cas où il n'aurait pas encore compris. Je m'apprête à leur donner le troisième élément. Qui transforme la coïncidence en constante. Je relève le regard pour conclure : « La luxure ». Je ne suis pas sûre de comprendre ce que ça veut dire. Pourquoi quelqu’un voudrait-il exacerber quelque chose en nous ? Pourquoi vouloir jouer sur nos caractères ? Essayer de nous rendre plus colérique ou plus envieux. Comme si c’était si nécessaire ? Les hommes ne sont pas déjà suffisamment égoïstes ? Après tout, c'est bien connu n'est-ce pas ? Les hommes s'autodétruisent naturellement pour des questions de pouvoir. A quoi cela pourrait-il bien servir ? Qu’est-ce que cela aurait à apporter à celui ayant lancé le sort ? D'un côté, j'ai presque envie de me moquer. Un sort aussi basique qu'un sort qui amplifie certains aspects de nos personnalités... et en même temps je ne trouve pas vraiment ça drôle tant cela pourrait faire de ravages, surtout à grande échelle.

seven sins

Les jambes enfin recouvertes, recroquevillée sous sa couverture et une bière à la main, Layla a enfin l’impression de commencer à reprendre pied après être restée prise au piège dans un typhon impitoyable pendant des heures. Incapable de respirer. Incapable d’en sortir alors même qu’elle se débattait de toutes ses forces. Enfin le calme après la tempête, dans le port de Metropolis, qui n’avait rien à voir avec son port à elle mais qui était mieux que rien. Enfin, elle réalisait à quel point toute cette rage l’avait consumée, à la soirée. Il fait froid, mais elle se sent fiévreuse, fébrile encore de ce long incident, les os et les muscles douloureux comme si elle avait aligné six triathlons. Le brouillard qui lui étouffait le cerveau est encore bien là, mais au moins, le monde n’a plus l’air de brûler autour d’elle. Floyd allait bien. Tracy était encore entière. Zatanna était redescendue de son propre bad trip. Et maintenant… ? Maintenant que la tension retombait, il ne restait que le cœur du problème. C’était bien ça, qui l’inquiétait sans qu’elle ne l’exprime. Le fait que, malgré toute la pression retombée, malgré le retour d’Amy dans l’ombre, elle sentait encore, comme les braises brûlantes sous la cendre, le foyer d’une colère incontrôlable rougeoyer encore au plus profond d’elle-même. Dammit. En portant le goulot de sa bière à ses lèvres, elle balaye leur petite assemblée de mortifères du regard. Tous les quatre à tirer une tête de dix pieds de long, comme une triste assemblée des alcooliques anonymes. Une mise-en-scène qui lui rappelle les sessions de thérapie de groupe auxquelles Sheppard l’avait forcée à aller, et au sein desquelles elle avait tenu un mois, tout au plus. Quelle belle soirée.

Elle s’agace déjà de ses souvenirs et de son raisonnement quand Floyd, encouragé par Zatanna qui avait l’air d’avoir envie d’être n’importe où sauf ici, prend à son tour la parole avec la tête d’un condamné à mort. Et elle évite de le regarder, même après tout ce qu’il vient de se passer. Parce qu’une fois que la tempête de feu retombe, il ne reste que la hantise de leur dernière rencontre. Même avec leurs quelques contacts depuis, comment oublier les paroles qu’ils avaient échangées ce soir-là ? L’étau dans sa poitrine se resserre douloureusement, le tisonnier attise les flammes qui brûlent encore à l’intérieur alors qu’elle comprend, entre les lignes, de qui il parle ; et l’effort qu’elle doit faire pour ne pas se relever d’un bond et éclater sa bouteille contre la coque d’un bateau en hurlant lui paraît surhumain. Un effort qu’elle ne fait qu’à cause de la présence de Zatanna et Tracy, qui ne comprendraient pas, qui n’auraient aucun intérêt à comprendre de toute façon. Mais la culpabilité est là, bête aux dents acérées qui plante ses crocs dans sa chair et la pousserait, s’il n’y avait pas de témoins, à hurler à s’en arracher les cordes vocales. Être en colère contre lui bêtement, c’était une chose. En vouloir au monde entier pour trop de raisons pour les lister toutes, c’était une chose. S’en vouloir au point de ne plus pouvoir en respirer, c’était être dos à une impasse, et devoir déployer des trésors de créativité pour se punir soi-même. Se savoir encore une fois la source de son tourment, au centre de cette… obsession qui l’habite ? Elle sent à nouveau son cœur chuter très bas dans sa poitrine et la tête lui tourner. Layla ferme les yeux et presse sa bière contre son front, comme ça allait l’aider à contenir la multitude d’explosions qui faisaient rage derrière sa boîte crânienne.

C’est au tour de Tracy de prendre la parole, distraction bienvenue dans cet enfer personnel – et Layla rouvre les yeux pour la sonder du regard, sourcil arqué pour marquer son étonnement. Tracy, si sérieuse, si dévouée à son travail. Elle avait un peu honte d’avouer qu’elle en avait occulté toute considération pour sa vie privée, pour qui elle pouvait être sous le masque de l’impeccable working girl. Une fille. Une sœur. Il fallait bien qu’elle l’ait oublié, pour que cette simple pensée l’étonne. Décidément, peut-être que ce n’était pas les autres le problème. Juste elle. Layla soupire, et presse sa bière froide contre son front un peu plus fort. « Colère, envie, luxure ? C’est quoi, ces trucs de la Bible ? Comme le film avec Morgan Freeman et Brad Pitt ? Sérieusement ? » C’est l’exaspération, plus que le scepticisme, qui suinte dans sa voix. Elle n’avait plus de place dans sa vie pour le scepticisme, en ce moment. Des fantômes, des atlantes, des créatures des abysses, des dimensions parallèles, des guépards-humanoïdes, et maintenant, ça. Layla décolle sa bière de son front et la porte à ses lèvres pour noyer ses pensées dans de longues gorgées d’amertume bienfaitrice. « Donc on est tous ensorcelés. Fun. » soupire-t-elle. Au sol, ses yeux tombent sur un caillou, qu’elle ramasse de sa main libre et jette de toutes ses forces, d’un geste rageux, en direction de l’entrée du quai. Le caillou rebondit sur une bitte d’amarrage et finit pitoyablement sa course dans l’eau. You and me both, buddy. « Peut-être qu’ils en viendront à s’égorger les uns les autres. S’ils sont malins, ils feront peut-être des combos intéressants. Comme les escargots qui se plantent des dards dedans pour s’annoncer qu’ils veulent copuler. Ce sera pas tellement plus dingue que ce qu’on a vu ce soir. » Too soon pour ce genre de plaisanterie peut-être, mais est-ce qu’elle avait l’air de s’en soucier ? « On a bien réussi à ne pas le faire, nous, miraculeusement. » tempère-t-elle, plus pour la forme qu’autre chose – sentant déjà le regard réprobateur de Tracy sur elle. « Qu’on se concentre donc sur nous, et qu’on laisse les autres se débrouiller. Zatanna, t’as quelque chose à nous préconiser, à part une bonne séance de yoga par jour pour nous calmer les nerfs ? »

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AVENGEDINCHAINS

Seven Sins

Ce soir, elle n’avait que peu d’intérêt pour les histoires des uns et des autres. C’était plus la forme qui l’intéressait que le fond, pour pouvoir confirmer les doutes qu’elle avait depuis un moment. D’ordinaire, sa sensibilité – sa sensiblerie, même – l’aurait rendue empathique aux parcours personnels évoqués à voix basse, avec pudeur, dans cet endroit incongru. Quatre étrangers ou presque, en tout cas ce soir étrangers à eux-mêmes, forcés de se faire des confidences pour surmonter l’épreuve commune qui sinon aura leur peau… Et qu’est-ce que c’était qu’une histoire personnelle, sinon l’histoire banale de n’importe qui ? Bien sûr, c’était terrible, et bien sûr, la douleur n’était rien d’autre que personnelle et ne pouvait en aucun cas se comparer à celle d’un autre. Mais ce soir, il ne s’agissait pas d’une séance de thérapie collective, et Floyd avait bien résumé le cœur du problème : oui, ils avaient chacun des faiblesses, pas plus ridicules, stupides ou extraordinaires que d’autres, mais c’était bien d’elles que se nourrissait cette stupide magie. Les sept péchés capitaux, libérés sur le monde ? Comme si l’humanité avait besoin de ça, comme si les humains n’étaient pas déjà prêts à se jeter à la gorge les uns des autres pour un rien. Mais de mémoire, ce ne serait pas la première fois.

Au fond d’elle, peut-être restait-il encore quelques miettes de cette empathie qui la gênait tant d’habitude, mais la colère avait tout brûlé en elle, et même salé les terres, et elle avait l’impression que plus rien n’y pousserait jamais, que sa personnalité était transformée à jamais. Elle termina sa bière et lança le récipient vide dans les airs par-delà la digue, mais avant que le déchet n’atterrisse dans l’eau, d’un geste rageur, et sans un mot, elle le fit disparaître, avant de reporter son attention sur les autres, les mettant presque au défi du regard de lui reprocher quoi que ce soit. Il fallait qu’elle libère la pression, et ils ne pouvaient plus prétendre ne pas se sentir exactement comme elle. Il n'y avait qu'à voir Layla qui semblait à deux doigts de perdre les pédales, apparemment. « Ça n’a rien à voir avec la Bible, ni avec les escargots, et tout avec une magie bien plus ancienne que cela. Les péchés capitaux sont bien réels et ils existent depuis que l’homme existe. Ils ne sont rien d’autre que la manifestation exacerbée de nos propres faiblesses. » Elle songea quelques secondes à ses proches, se demandant si eux aussi étaient affectés. « Le yoga ne servirait à rien, et ce n’est pas non plus en nous y abandonnant que ça règlera le problème. C’est sans fin, tant que les péchés ne sont pas de nouveau emprisonnés. »

Elle jeta un regard morne à l’eau noire qui clapotait non loin. Tous s’étaient pris un sacré coup de vérité derrière la nuque. « Plusieurs sorciers sont capables de jouer avec des forces pareilles j'imagine… » S’il y avait eu un huitième péché capital nommé « aveuglement total pour cause de sentiments », elle en aurait été la fière championne. Quelqu'un, quelque part, travaillait-il à trouver une solution ? La pensée d’un Superman ou d’une Wonder Woman sous l’emprise d’un péché la fit frémir. « En ce qui nous concerne, je pourrais vous couper de vos émotions, faire en sorte que votre péché n’ait plus rien pour se nourrir, mais je ne l’aurais pas fait même dans mon état normal. À part vous assommer littéralement, je ne vois pas de solution, là tout de suite, et le mieux que vous puissiez faire, c’est de vous isoler, de vous éloigner des gens. Ainsi, vous ne causerez du tort qu’à vous-même. Et vu ce qui nous habite, les uns et les autres, ça ne sera pas une nouveauté. Mais sur le long terme, ça sera tout aussi inutile, voire pire, à mon avis. » Elle haussa les épaules. C’était à elle-même qu’elle offrait cette glorieuse porte de sortie.

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