Cela faisait partie des règles du jeu. Est-ce que cela me plaisait ? Pas vraiment, j'avais la sensation de perdre mon temps. Est-ce que cela était nécessaire ? Oui, je dirais même indispensable pour assurer la pérennité de mon royaume et la paix entre celui-ci et le monde de la surface. Est-ce que cela se faisait dans les meilleures circonstances ? Possible. Bien que je garde parfois quelques doutes sur les capacités des Humains à pouvoir mener des débats censés et allant à l'essentiel. Car, si je n'ai qu'un seul déplaisir à assister aux conférences du conseil de sécurité de l'ONU, c'est bien d'entendre moults et moults tergiversations qui n'en finissent plus ! Tant de grands esprits réunis autour de table pour finalement entendre quoi ? Des ronds de jambe. Du vent. Des politesses et d'autres joyeusetés transpirant d'hypocrisie et d'un masque d'irrespect. Quiconque détient du pouvoir veut à tout prix le préserver. Et quand je vois le ridicule avec lequel certains préfèrent s'enliser dans des situations bloquées et paralysées, je ne peux que ressentir une forme de ridicule... Et parfois un peu de respect. Il est souvent dit des Humains qu'ils sont un peuple civilisé, intelligent, capable de grandes choses et possédant la sagesse des compromis. Cela est sans doute vrai... Mais pas dans cette salle, pas dans cette assemblée... Et certainement pas au sein de ce conseil de sécurité. Parfois, nous avons la chance d'assister à des accords rapides, efficaces. Mais cela demeure chose rare malheureusement. La plupart du temps, ce sont des considérations politiques discordantes ou des soucis de culture qui gèle les conversations et autres échanges. Ce qui me fait le plus de 'mal', c'est que cela se passe exactement de la même façon lorsque je suis entouré de mes conseillers royaux sur Atlantis. À croire que cela est aussi inévitable qu'universel !
Attention, je ne prétends pas que les débats sont inutiles. Derrière une critique apparente, je sais que ces réunions et ces longues sessions d'échange sont le rempart contre des guerres gratuites, stupides et inutiles à souhait. Ce sont les réunions de ce conseil de sécurité qui veillent à apporter le maintien d'une paix, peut-être illusoire en fin de compte, ainsi qu'une harmonie pour que le chaos ne gagne pas l'ensemble des peuples de la surface. C'est la solidarité de tous ces esprits, de toutes ces nations, de tous ces peuples qui maintient la Terre dans un tout cohérent où il est encore capable de vivre, et non uniquement de survivre. En tout cas, rien ne compte plus à mes yeux. Et, dans l'ennui que je peux ressentir alors, j'ai la satisfaction de savoir que cette volonté est celle partagée par la personne occupant le siège à mes côtés.
Bras croisés à hauteur du torse, je demeure enfoncer dans mon siège, fixant le centre de la pièce en laissant mon regard autant se perdre sur la personne prenant actuellement la parole, tout comme mon esprit se perdait quelque peu dans le vague, dans le vide. Je repense aux doléances de mon peuple, à l'échange que j'ai eu avant mon départ avec mes conseillers. Je repense à ma conversation avec Mera, tout comme je repense au règne de ma mère, ne pouvant alors m'empêcher de 'redouter', dans un certain sens, l'instant où le chapitre Atlantis arrivera sur la table des discussions. Et puis, plus obscur et inexplicable encore, un pressentiment taraude mon esprit. Je ressens comme une sorte de 'malaise' au fond de moi. Quelque chose que je ne peux expliquer. Une forme de tension quant à la situation présente et future. Cette petite voix qui me dit 'prudence'. Cette petite voix qui ne cesse de se manifester pour maintenir mon esprit alerte, se devant d'accepter l'idée que le danger peut arriver à tout instant. Cette petite voix qui, non stop, m'inspire recul, détachement et méfiance quant à ce qui peut se passer sur Terre, comme sous la Mer... Peut-être était-ce du à un excès de tension, de nervosité et de réflexion incessante. Peut-être que mon esprit saturait peu à peu de tout ce climat fragile, sur la sellette et instable régnant encore avec les dirigeants de la surface. Je l'ignorais. J'ignorais de quelle façon me sentir. J'ignorais pourquoi ces troubles en moi. Mais c'est comme regarder un film pour la première fois, en assistant à un climat heureux et de pur bonheur, tout en vous disant que la merde va finir par arriver. Et plus elle tarde, plus cette impression se renforce. Et croyez bien que je n'aimais vraiment pas ça !
« Au nom de Neptune... »
Soupirais-je discrètement en me tournant vers ma voisine de siège, vers mon amie, ma confidente et ma soeur d'armes.
« Ils arrivent à m'endormir encore plus que les conseillers d'Atlantis... ! »
Ironisais-je, d'un petit rictus en coin, tout en posant mon regard sur la silhouette de l'amazone. D'apparence toute aussi calme et attentive, j'avais la chance d'avoir Diana à mes côtés. La chance d'être ici avec ma meilleure amie. Mais, et surtout, la chance de ne pas être le seul représentant d'un royaume isolé et secret. La chance de ne pas être le seul à ne pas être totalement humain, ni à vivre dans leur monde, et à connaître un univers plus noble et antique.
« Et quelque chose ne va pas. Ce n'est pas spécialement dans ce qu'ils racontent. Mais, je ne sais pas... J'ai un mauvais pressentiment... Comme si quelque chose allait arriver... »
Lui confiais-je dans la foulée. Elle était, avec Mera, l'une des uniques personnes avec qui je pouvais parler et me confier dans une confiance absolument total. Voilà pourquoi je ne retenais aucunement cette mauvaise impression... Et puis, j'avais cette envie de savoir si ma soeur d'armes partageait ce même ressenti.
Quand Diana a quitté Themyscira pour le monde des hommes, elle a dû apprendre leur mode de vie, leurs coutumes, leurs lois. Elle n'est pas parvenue à tout comprendre, à tout accepter. Même une décennies plus tard, elle se demande encore quels intérêts ils trouvent à se livrer des guerres interminables, à détruire des pays et faucher des milliers de vies. Pourquoi ils luttent les uns contre les autres au lieu de s'unir face à des menaces toujours plus importantes. Darkseid ne leur a donc pas suffi ? Il n'y a rien d'étonnant à ce que des seigneurs venus d'autres mondes tentent d'imposer leur tyrannie à la Terre, ses habitants en font une cible trop évidente. Hippolyte l'avait prévenue, et Diana se surprend encore à penser qu'elle aurait mieux fait de l'écouter. Mais elle est là, aux côtés d'Arthur, elle est venue représenter son peuple et participer aux nouvelles négociations de paix. Pour ne rien changer aux mauvaises habitudes, la Russie et les États-Unis sont encore entrés en conflit, et Diana peut clairement entendre les représentants des autres pays soupirer de frustration. Elle-même sent sa patience s'étioler petit à petit, elle estime qu'ils ont bien plus important à faire que discuter des routes aériennes autorisées ou non aux héros. D'autant plus qu'Arthur et elle ne sont pas venus représenter la Ligue, ils sont venus en tant que souverain et émissaire d'Atlantis et Themyscira. C'est tout juste si Diana se retient de dire au représentants russes que s'ils ne veulent pas que les héros survolent leur territoire, ils n'auront qu'à se débrouiller seuls avec les prochains aliens. Mais elle se mord la langue et jette un coup d'œil à sa montre ; elle a mieux à faire, elle le sait. Elle pourrait sauver des vies, entraîner les jeunes recrues ou même aller boire un café avec Kara. N'importe quoi de plus utile qu'écouter ces têtes de mule échanger.
Elle sourit quand Arthur lui fait part de son agacement. Elle soupire et hausse les épaules avant de croiser les bras. « Tes conseillers t'endorment ? Tu ferais peut-être mieux d'en changer. » En réalité, elle admire la patience d'Arthur. Elle est bien contente de ne pas avoir la charge de tout un peuple sur les épaules, elle laisse bien volontiers le titre de reine de Themyscira à sa mère. Loués soit les dieux, les Amazones étant immortelles, Diana n'a pas à se soucier de sa future montée sur le trône. Elle était aux côtés d'Arthur lorsqu'il fut forcé d'affronter son frère, et d'accepter la couronne d'Atlantis après l'assassinat de sa reine. Elle ne lui dit sans doute pas assez souvent, mais elle est fière de lui, fière de son règne et de ce qu'il a accompli en si peux de temps. Elle fronce les sourcils et se tourne vers lui quand il lui avoue avec un mauvais pressentiment. Immédiatement sur ses gardes, Diana se redresse sur son siège et parcourt l'assemblée d'un regard perçant. Elle remarque des visages sombres, des murmures qui s'échangent, et une étrange agitation. « Tu as raison. Quelque chose ne va pas. Et ça n'a rien à voir avec les tensions entre les Russes et les Américains. » Non, ça, c'était la norme. Un représentant Français leur lance un long et lourd regard, et Diana le foudroie du sien. Par Héra, quoi encore ? Alors qu'un Russe semble prêt à lancer son porte-documents à la tête d'un Américain, le président de séance intime brusquement le silence à l'assemblée. L'Amazone se raidit, elle serre les poings. Arthur a raison, quelque chose se trame.
« Une information de la plus haute importance vient de nous parvenir. Le Président des États-Unis vient d'être assassiné. Au sein même de la Maison Blanche. » Pendant quelque secondes, un silence parfait plane sur l'assemblée. Et puis, c'est l'explosion. De tous les côtés, on s'agite, on vocifère, on accuse son voisin. Diana, elle, est devenue blême et aussi immobile qu'une statue de marbre. Il y a trois jours, le Président Duncan a appelé au calme, et a promu l'entente et l'égalité entre les méta-humains et le reste de la population, un discours salué par beaucoup. « Silence ! Je vous en prie, silence ! » Plusieurs minutes s'écoulent avant qu'un semblant de calme ne revienne. Mais Diana le sent, ce n'est que le début d'une très, très longue journée. « Les autorités compétentes sont déjà sur place. On soupçonne un méta-humain d'être à l'origine de cet assassinat... » Diana ferme les yeux et soupire longuement. Elle sait ce que cela veut dire, vers qui on va diriger les accusations, et la responsabilité de cette mort. Diana sait que l'on accuse les méta-humains et les héros pour un oui ou pour un non, lorsque les réponses sont absentes. Les accusations ne tardent pas à fuser, et Diana rouvre les yeux lorsqu'un homme à l'accent chinois très prononcé s'adresse à Arthur et elle. « Eh bien voilà la preuve que la Ligue de Justice ne sert à rien ! Que faisaient vos précieux héros pendant que Duncan se faisait massacrer ? » Diana ne répond rien, elle se contente de se lever sèchement. Elle ne veut pas alimenter leur rancœur, et elle espère qu'Arthur adoptera la même attitude qu'elle.
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