you can't take the sky from me | diana

Shiruta, la nécropole du palais. Un tombeau sous-terrain, bardé de multiples protections magiques qui en protègeraient les habitants éternels des pilleurs des siècles encore durant, une antichambre secrète à laquelle Black Adam ne permettait l’accès à personne d’autre que lui-même. Lieu de de mémoire, lieu de recueillement à des années-lumières de la richesse dorée du reste de la ville, où sable et pierre avaient repris leurs droits sous l’œil attentif et bienveillant des trois statues érigées en mémoire d’une famille disparue, oubliée dans le labyrinthe des siècles. Oubliée de tous, sauf de celui qui, quotidiennement, s’astreignait consciencieusement à son devoir de mémoire. Dans le silence intimidant de la crypte, Black Adam pliait le genou, Teth-Adam baissait la tête, et l’homme abandonnait l’image du roi pour se recueillir avec l’humilité de l’époux, du père rentré au foyer après une trop longue absence. Une absence qui leur avait tant coûté, et qu’aucune prière, aucune offrande ne pourrait plus jamais combler. Shiruta, Gon, Hurut, tous trois dépositaires d’une mémoire baignée de sang et de larmes : le passé du Kahndaq cristallisé dans trois statues de pierre, rappel éternel de tout ce pour quoi Teth-Adam était devenu ce qu’il était, de tout ce qu’il était prêt à sacrifier pour que l’Histoire, enfin, arrête de se répéter. Zehuti lui inspirait la sagesse et les plus brillantes stratégies, Mehen lui donnait la force implacable de faire ce qu’il avait à faire pour protéger son peuple, mais trois mortels, arrachés à ses bras des millénaires plus tôt, lui rappelaient sans cesse le pourquoi que le reste du monde s’acharnait à ne pas vouloir comprendre. Qu’importe. Qu’on l’appelle tyran, dictateur, monstre sanguinaire. Du royaume d’Anubis, il savait qu’ils continuaient à lui donner l’énergie nécessaire pour justifier cette croisade vieille de plusieurs millénaires.

Mais sa méditation est interrompue, sa perception magique remarquant une distorsion inhabituelle dans le tissu de la réalité. Black Adam relève la tête, se redresse et quitte la nécropole sous-terraine, Aton sorti de son sommeil pour le guider vers la source du problème. Attentif et tous sens en alerte, le dirigeant du Kahndaq se laisse guider jusqu’à la salle du trône déserte à l’exception de quelques membres du personnel, où il survole le sol en scrutant les alentours. « Tout va bien, ô Adam ? » demande Ahmed, chef du personnel du palais, en remarquant l’expression préoccupée de son souverain. « Non, Ahmed. Quelque chose se prépare. » répond-t-il en commençant déjà à charger le pouvoir d’Aton dans ses mains.

L’attaque est aussi soudaine que formidable. Une déflagration fait voler en éclats le mur ouest de la salle du trône, et quasi-simultanément un coup dévastateur envoie Adam s’encastrer dans le mur opposé sous les cris des témoins de la scène. La surprise laisse place à la rage en un quart de seconde – et le héros des dieux s’extrait des décombres les yeux brillant de colère, la foudre bouillonnant dans tout son être et menaçant de déborder d’un instant à l’autre. Immédiatement, il distingue une silhouette dans la poussière de roche et de sable, et s’élance sur elle avec un rugissement de rage.

Une femme, à la peau grise comme l’acier et aux yeux rouges comme un crépuscule de fin du monde, encaisse le choc avec un rictus insolent – du moins jusqu’à ce qu’Adam ne la saisisse par la gorge et libère la foudre d’Aton avant de projeter l’intruse dans un pilier qui céda brutalement sous le choc de l’impact. « Ahmed, va trouver Northwind et évacuez le palais ! Je me charge de cette impertinente. » aboie-t-il avant de lâcher une nouvelle rafale de foudre sur la femme qui évite l’attaque avec une rapidité extraordinaire. Et est-ce une faux qu’elle tient à la main ?

Ahmed disparaît pour suivre les ordres de son leader, et Adam parvient à garder l’attaquante à bonne distance pendant que ses sujets fuient pour se mettre à l’abri. Elle parvient à nouveau à se rapprocher à une vitesse qu’Heru lui-même n’aurait pas désavouée, et Adam doit faire appel à ses meilleurs réflexes pour bloquer les coups qu’elle enchaîne en véritable machine de guerre. Impressionnante. Mais aussi impressionnante soit-elle, elle n’en restait pas moins une créature décidée à s’en prendre à six dieux. Adam profite d’une ouverture pour lui attraper la cheville et la projeter avec force dans la paroi la plus éloignée de lui – mais alors qu’il s’apprête à fondre sur elle et lui porter le coup qu’il attendait fatal, elle se relève déjà et fond sur lui à son tour… pour voir sa trajectoire interrompue par l’intervention d’une nouvelle combattante. Combattante dont Black Adam reconnaîtrait l’aura divine et le bouclier n’importe où.

« Wonder Woman. » siffle-t-il. Un bref instant, le protecteur du Kahndaq est d’idée de les prendre de front toutes les deux – et de débarrasser définitivement ses terres de leur présence, mais Zehuti veille et tempère la rage aveugle de son protégé. Jamais l’Amazone ne s’était aventurée sur les terres du Kahndaq, et si leurs affrontements et désaccords avaient été nombreux, elle n’avait jamais enfreint les bans qu’Adam avait mis en place, jamais elle n’avait cherché le conflit ouvert. Pour qu’elle le fasse aujourd’hui, la situation devait être particulièrement exceptionnelle ; et son intervention prouvait, plus que n’importe quelles paroles, que les deux incidents ne faisaient qu’un. Au dehors, à travers les trous béants laissés dans les murs endommagés, Adam pouvait voir les troupes ailées de Northwind et ses frères Featheran s’activer à l’évacuation du palais et de ses alentours. Ses citoyens seraient en sécurité entre ses serres : il pouvait se concentrer sur le problème lui-même. Fumant de colère, il profite de ce moment de battement pour apostropher Diana. « Que signifie ce cirque, Amazone ? Qui ose attaquer le Kahndaq en ma présence ? »  

Des alliés, Teth-Adam n’en avait pas. Le Kahndaq n’en avait pas non plus. Malgré sa participation à l’Injustice League fomentée par Lex Luthor, il devait bien en venir à la conclusion que rien ne voyait le jour, aucune proposition concrète, aucun véritable projet n’émergeait de cette alliance faite avec ce que les héros comptaient de pires ennemis. Tout ce qu’il avait pu en tirer de valable à ce jour tenait dans une promesse d’alliance entre le Kahndaq et Atlantis, si jamais son estimé homologue atlante parvenait à reprendre son trône des mains d’un frère renégat. Une promesse d’alliance qu’il ne peut pas invoquer aujourd’hui alors que cette femme attaque par surprise et que Black Adam se doit d’improviser, et de faire face à la menace, seul. Comme toujours. Seul contre tous, seul face à un monde qui s’évertuait, chaque jour, à lui fournir toujours plus de raisons de le mépriser. Black Adam ne voulait d’aucune autre stratégie. Alors oui, l’intrusion de Wonder Woman dans son palais, son intervention dans ce combat qui ne concernait pourtant que lui, il ne peut la voir autrement que comme une intrusion, une tentative d’invasion, même si ça ne lui ressemblait, à priori, pas. Mais que pouvait-il attendre d’autre de la Justice League ? De ces héros qui se dressaient en parangons de moralité et imposaient leur loi au monde, prétendument pour le protéger, avant de lui reprocher de faire la même chose pour son pays ? Leur hypocrisie le faisait bouillir de rage – et Diana de Themyscira, peut-être, était à la fois la plus acceptable et la pire de tous. Parce que quelque part, il la respectait. Parce qu’elle aurait dû comprendre. Elle aurait dû savoir, mieux que quiconque parmi ces prétendus héros, les sacrifices qu’un héritier des dieux se devait d’être prêt à faire pour accomplir sa mission, et protéger ses gens. Quel gâchis.

Mais tout en furie soit-il, Teth-Adam se force à garder un calme relatif et à écouter, méfiant, mais pas assez imprudent pour ne pas laisser sa chance à la princesse de Themyscira de s’expliquer. Et ses explications ne sont pas exactement ce à quoi il s’attendait. Black Adam fronce les sourcils, circonspect, et son regard se darde sur l’ouverture béante par laquelle cette fameuse Graal a disparu après avoir été envoyée bouler par Diana. Une tueuse de dieux. Ou plutôt, la fille d’une aberration dont l’arrogance n’avait d’égal que les méthodes. Darkseid voulait s’arroger les pouvoirs des dieux de ce monde ? Ses pouvoirs ? Les doigts de Black Adam s’enroulent en deux poings serrés à s’en blanchir les phalanges, et son regard sombre se consume du pouvoir d’Aton, qu’il sent en rage en son royaume. « Je ne vois aucun danger pour nous. Juste un danger pour mon royaume. » siffle-t-il entre ses dents, avant de s’approcher de l’ouverture pour regarder au dehors. Là où Graal a atterri s’élève un filet de fumée – et il voit les Featheran s’agiter au-dessus de cette même zone. Graal devait être en train de se débattre. Il fallait qu’il intervienne, et vite. Black Adam marque un bref instant d’hésitation, et tourne la tête pour dévisager Wonder Woman. Méfiant. Soupçonneux. Mais aussi avisé. Si Wonder Woman disait vrai – et il croyait en sa parole, déesse de la Vérité de l’Olympe – il allait avoir besoin de son assistance pour faire cesser cette crise au plus vite avec le minimum de dégâts. Sa résolution était prise. « Je crois savoir de quel artefact tu parles. Il n’est pas dans le palais. Soit cette Graal ne l’a pas encore compris, soit sa mère est déjà là-bas. » D’un bref mouvement de tête, il l’invite à le suivre. « Elle veut la puissance des dieux ? Si tu te sens de taille, voyons comment la fille de Darkseid se mesure à sept d’entre eux. »

Sans attendre la réponse de Wonder Woman, Black Adam s’envole à la vitesse de l’éclair, poussé par Heru qui le conduit à Graal en une seconde à peine. Le son du tonnerre l’accompagne alors qu’il touche terre avec force, et c’est sans attendre sa compagne d’un jour qu’il fonce sur sa cible repérée au milieu des débris d’une école, fort heureusement fermée ce jour-là. Autour d’eux, les forces de Northwind interviennent pour faire évacuer les civils dont les cris terrifiés et la panique sont autant de lamentations déchirantes aux oreilles de leur leader, qui parvient à saisir Graal par la gorge et relâcher une décharge foudroyante qui la fait hurler de rage – avant qu’elle ne parvienne à échapper à son emprise. Ce n’est que de justesse, et grâce à Heru encore, qu’il parvient à esquiver son rayon Omega. Loin derrière eux, le puissant rayon désintègre un haut minaret dans une terrifiante explosion. « Assez. » grogne-t-il en parvenant à nouveau à attraper la fille de Darkseid – et cette fois, il s’envole droit vers les cieux, en l’entraînant avec lui. « Si nous devons nous battre, ce ne sera pas ici ! » s’exclame-t-il, plus à l’adresse de Diana qu’à celle de Graal dont l’avis lui importe encore moins. Dans son poing, son bras tendu comme un arc, le pouvoir d’Aton, frère de Zeus d’un autre panthéon, se charge si bien que d’épais nuages noirs s’accumulent au-dessus de leur tête dans un grondement de tonnerre. Et avant que Graal n’ait le temps de réagir, Black Adam la porte au-devant de lui, et frappe.

Le tonnerre déchire le ciel en même temps que Graal est catapultée à des kilomètres de là par la puissance du choc, et disparaît dans le désert kahndaqi, loin de la ville et de sa population exposée. D’un regard, il intime à Diana qu’ils ont enfin le champ libre, et sans perdre plus de temps, il s’envole à la suite de leur cible, la princesse amazone à ses côtés. « Je l’ai envoyée au sud, à quelques heures de marche des Chambres de la Sagesse. » A quelques secondes de vol pour eux, donc. « C’est là-bas que nos historiens enferment nos artefacts les plus sacrés, et les plus secrets. Il en est un parmi eux dont nous n’avons jamais pu déterminer l’origine ou la fonction – je soupçonne que c’est celui-là qui intéresse la fille de Darkseid. » Il adresse un regard de côté à Diana. « Et l’avantage au milieu de ce désert… nous n’aurons pas besoin de retenir nos coups. » Une bénédiction comme une autre. Graal avait cherché la guerre. Elle allait l’avoir.

Black Adam est prêt à lui reconnaître ça : la fille de Darkseid est particulièrement coriace. Les êtres qui auraient pu se relever après avoir encaissé un tel coup se comptaient sans doute sur les doigts d’une main, présente compagnie incluse, et s’en relever aussi vite, encore moins. Wonder Woman a raison, même si ça lui arracherait la bouche de l’admettre si facilement à voix haute : Graal n’est pas une adversaire à sous-estimer. Black Adam se pose à son tour dans le sable, la foudre d’Aton crépitant encore dans ses yeux et tout autour de lui, la magie bouillonnant dans ses veines et ne demandant qu’à se déchaîner contre leur adversaire, si bien que le champion doit presque la retenir à la manière d’un chien enragé. Patience, s’admoneste-t-il, renonçant temporairement à son approche habituelle consistant à pulvériser d’abord, poser des questions ensuite. Ou jamais. Et surtout, même si Graal est venue pour lui, pour ses pouvoirs, ses dieux, son mot magique, il devine bien, en filigranes dans ce combat de titans, que l’intervention de Wonder Woman n’est pas qu’une question de prévenir un potentiel désastre pour un pays dont la Ligue et le reste du monde n’ont que faire, et ne se sont jamais préoccupés. Le Kahndaq n’a point d’amis – mais Wonder Woman a des ennemis. Et entre les lignes, le champion croit deviner que toute cette histoire lui est bien plus personnelle qu’il ne lui a semblé au premier abord. La fille d’une Amazone renégate – une déserteuse, une traîtresse, en somme. Des Amazones, Adam ne connaissait guère que les légendes et ce que Zehuti lui avait soufflé, mais s’il avait bien cru comprendre quelque chose dans le fonctionnement de leur société remarquablement martiale, c’était l’importance de la loyauté dans leurs rangs. Comme lui, les Amazones ne toléraient pas, ou difficilement, qu’on les attaque de l’intérieur. Alors pour une fois, Adam accepte de ne pas repartir immédiatement à l’attaque, alors que Diana, elle, serre le pommeau de son épée, un véritable feu tout droit sorti de la forge d’Héphaïstos dans le regard, pendant que leur adversaire se relève péniblement de sa mésaventure. Bras croisés sur son torse, Adam veille, Adam observe, Adam attend. Maintenant que Shiruta et ses habitants sont en sûreté, il a tout le loisir de se concentrer sur cette aberration des nouveaux dieux, et sur le drame qui se joue sous ses yeux, et dont il s’est fait malgré lui spectateur accidentel.

Et comme Diana, Adam hausse un sourcil peu impressionné face aux déclarations de Graal. Ces néo-dieux dont elle se fait la porteuse de bannière, il se souvient en avoir eu un bref aperçu lors de la première invasion de Darkseid – et n’en avait gardé qu’un souvenir chargé de mépris et de colère dédaigneuse. Quelle arrogance, et quelle vacuité, Darkseid et sa fille manifestaient-ils face à leurs panthéons. Black Adam n’était qu’un homme, mais imbu des meilleurs attributs de son panthéon ; et dans son âme résonnaient celles des six dieux qui s’étaient proclamés ses protecteurs et qui l’avaient proclamé champions, et dans son âme vibrait leur colère et leur combativité face à ces nouveaux ennemis qui échoueraient, eux aussi, là où tant d’autres avaient échoué avant. Shu, Heru, Amon, Zehuti, Aton et Mehen prenaient corps à travers lui, et derrière eux il pouvait sentir le reste du panthéon égyptien, Anubis, Horus, Bastet, tous, pousser à une nouvelle guerre pour se débarrasser de ces impies. Et peut-être, quelque part, Wonder Woman ressentait-elle la même chose. « Quelle arrogance. » se contente-t-il de commenter pour lui-même en ancien kahndaqi. Son opinion de Graal est désormais faite. Une enfant, destructrice et dangereuse, mais rien d’autre qu’une enfant aveuglée par les ambitions démesurées d’un père pétri d’illusions de grandeur. Un prétendu dieu, et rien d’autre que deux opportunistes et usurpateurs. Deux de plus. Deux à rajouter sur sa liste. Son regard glisse brièvement vers Diana alors que Graal s’autorise à menacer sa famille – et elle se prétendait fille d’un dieu, à menacer ainsi une enfant ? Pathétique. Un rictus aussi bref que discret vient ourler le coin de ses lèvres alors qu’enfin, les deux Amazones se jettent l’une sur l’autre à bras le corps ; et la force titanesque du choc suffit à déplacer les dunes centenaires autour d’eux. Extraordinaire. Même Adam doit lutter pour garder son équilibre, et à travers la tempête de sable, il parvient à distinguer l’affrontement remarquable entre les deux ennemis mortelles – mortelles, car Graal frappe pour tuer. Mortelles, parce que pour la première fois peut-être, Adam voit dans les yeux de Wonder Woman, une résolution similaire à la sienne. Que disait ce proverbe moderne, déjà ? Ah oui. Ne jamais dire jamais.

Adam s’apprête à intervenir, quand l’air se charge d’une électricité qui lui semble familière – tellement différente de celle d’Aton, mais semblable en nature. Extraordinaire, assassine, divine. La foudre de Zeus s’abat soudainement sur le désert, et sur Graal, et sur Diana qui triomphe, et l’espace d’un instant, Adam croit presque que la bataille est gagnée et va s’arrêter là. Mais contre toute attente, Graal, bien que terriblement ébranlée par la colonne de pouvoir qui s’abat encore sur elle, résiste, puisant dans des réserves d’énergie insoupçonnées. Si proches du but. Déchaînée, la foudre de Zeus a cessé de fendre le ciel, mais continue ses ravages, nourrie par Diana – Graal se débat, tente de s’arracher à la prise de son adversaire, et y parvient presque. Presque. Parce que jusque dans les tréfonds de son âme, Black Adam sent vibrer l’énergie d’Aton, qui brûle de participer à la démonstration de puissance de son alter-ego grec. Rejoins-le, Teth-Adam. Rarement le champion avait-il senti le pouvoir d’Aton aussi vibrant et vivifiant, et au-dessus de leurs têtes, alors que l’électricité déborde par tous les pores de Black Adam, le ciel se charge des nuages les plus noirs que le Kahndaq ait vus depuis des siècles. Les relations entre les panthéons grecs et égyptiens étaient pour le moins complexes et chaotiques, mais à cet instant, la marche à suivre lui paraît limpide. Le pouvoir de Zeus devrait, aurait dû suffire à achever leur adversaire. Mais Graal était peut-être trop forte, et le désert, ce désert, n’était pas le territoire de Zeus. Aucune croyance ici, si ce n’était celle de Diana elle-même, ne venait nourrir son pouvoir comme il l’aurait mérité. Aton, en revanche… Aton pouvait peut-être lui donner la poussée nécessaire à accomplir sa mission. Alors, en bon seigneur des lieux, en véritable roi en son royaume, Aton tonne au-dessus de leurs têtes, gronde sa combativité. Et pour la première fois depuis des millénaires, tend la main à ce rival, ce frère, cet opposé, dans une lutte commune unissant leurs deux champions.

Graal parvient, brièvement, à échapper à la prise de Diana – mais avant qu’elle n’ait le temps de s’échapper ou de riposter, Adam poussé par la vitesse d’Heru et la force d’Amon charge immédiatement sur elle, et l’épingle au sol d’un coup de poing en plein thorax, avant de l’immobiliser pour de bon en écrasant sa gorge de son pied. Graal hurle de fureur. « Tu l’as entendue, Graal. » énonce-t-il alors que la foudre de Zeus continue de chercher et frapper sa cible, alors que le ciel est si lourd au-dessus d’eux qu’il semble sur le point d’éclater. « Tu n’as rien à faire dans ce royaume. Et les Amazones ont des comptes à régler avec toi. Le Kahndaq sera honoré d’avoir pu apporter sa modeste pierre à l’édifice. Wonder Woman ? » Le surnom de Diana résonne dans le désert du Kahndaq avec la puissance d’un coup de tonnerre. « Si tu le veux bien, je crois qu’Aton aimerait t’apporter quelque chose face à la fille de Darkseid. » Sans pitié, Adam presse un peu plus fort contre la gorge de Graal. « Shazam. » Le tonnerre libère une telle onde de choc que plus tard, les habitants de Shiruta affirmeraient l’avoir perçue – et le ciel enfin se déchire si bien que l’espace d’un instant, il semble se fissurer. La foudre vivante d’Aton s’abat sur son champion avec la férocité de milliers d’orages, et au lieu de s’arrêter à lui, l’utilise comme conduit pour aller frapper Graal dont les hurlements déchirants n’arrachent ni pitié ni chagrin à Black Adam. Et surtout, la foudre vivante d’Aton, ses étincelles bleutées d’énergie magique dans toute leur pureté, se mêlent, peut-être pour la première fois, à la foudre argentée de Zeus, ravivent ce qui a pu s’éteindre, soutiennent et amplifient le pouvoir du roi du panthéon grec au lieu de chercher à l’étouffer. Graal, Diana en avait fait son affaire personnelle, semblait-il. Il lui semblait équitable de lui donner les moyens de s’octroyer cette victoire, plutôt que de chercher à se l’approprier. A Diana, et à Zeus, d’inscrire leur victoire dans ce sable.

S’il n’en avait tenu qu’à Adam, Graal ne serait déjà plus qu’un tas de poussière à se mêler aux grains de sable du désert – ascendance néo-divine ou non, ni le champion des dieux, ni Mehen, la manifestation de leur inébranlable volonté, n’auraient su tolérer une autre issue à cette confrontation. Mais, s’il semblait devoir revêtir le masque d’antagoniste et d’ennemi à abattre pour tous ces superhéros en dehors du Kahndaq, et aller à contre-courant de son histoire à cause de son rival, il n’en était pas encore arrivé à renoncer à un certain respect de ceux qu’il percevait comme ses égaux, ou ses équivalents. Graal s’était faite un ennemi personnel de Black Adam sitôt qu’elle avait posé le pied sur son territoire, mais son histoire remontait à des temps bien plus anciens encore avec les Amazones – cela, Adam pouvait le comprendre, et l’accepter. Cette bataille était la sienne, mais la guerre, elle, appartenait à Diana de Themyscira. Alors pour une fois, le champion s’efface, se relègue au second rang, et se contente de remplir son rôle d’hôte et allié temporaire en prêtant à l’Amazone la puissance de la foudre d’Aton – ce qu’elle en fait, et la façon dont elle choisira de finir ce duel, était sa décision à elle seule. Même si, sans chercher à le cacher, Adam est bien déçu de la voir se déchaîner ainsi sur son adversaire, pour au final planter son épée magistrale dans le sable plutôt que dans son cœur empoisonné. Autour d’eux, le désert et son silence reprennent leurs droits, une brise chaude chantant presque dans les cristaux de verre laissés tout autour du champ de bataille, témoin de la fureur de Zeus et de Diana. Seule la respiration hachée des deux formidables combattantes s’élève dans le vide abyssal du Sahara, et Adam, lui, attend patiemment que Diana reprenne la parole.

Il secoue lentement la tête, trop franc pour masquer sa désapprobation, mais s’abstient pour une fois de tout commentaire, croisant les bras sur son torse en adressant une œillade peu amène à Graal désormais emprisonnée par le lasso de Vérité. Ses yeux se relèvent sur l’Amazone alors qu’elle lui révèle les dessous du différend qui les oppose, et du dilemme auquel elle fait face : la vie d’un enfant, contre une justice déjà trop longtemps différée. Et pour une fois, l’éclat dur et inflexible dans le regard de Black Adam semble brièvement s’adoucir, ou au moins, perdre de son impitoyable tranchant. Un enfant. Encore un enfant, inextricablement lié à une tragédie dépassant de bien trop loin son innocence. Adam soupira. « Graal est ton ennemie, Diana. Si je n’approuve pas ta décision, je la respecte. » se contente-t-il de dire. Ils avaient entamé une trêve, ce jour-là. Et malgré sa réputation, Adam entendait l’honorer jusqu’au bout, ainsi qu’il incombait à deux immortels chargés du poids des responsabilités du divin. Il attend donc que Diana pousse Graal, complètement soumise au pouvoir du lasso, à se relever, puis il reprend : « Si cette Myrina cherche l’artefact dont tu parles, elle n’est plus à Shiruta. Si elle et sa fille ont préparé cette expédition avec application, elles savaient où chercher. L’artefact a été enfermé dans un tombeau, la Chambre de la Sagesse – si ton ennemie est quelque part au Kahndaq, ce sera là-bas. Suis-moi. » Et, sans perdre un instant de plus, Adam décolle à nouveau, pique une pointe de vitesse vers le lieu sacré qui servait d’archives secrètes au royaume. Un véritable lieu saint, un lieu de pèlerinage sur la route duquel il s’interdisait normalement de voler – mais au regard de l’urgence de la situation, il est certain que les dieux leur garantiraient une exception pour cette fois.

Les quelques heures de marches qu’ils auraient dû effectuer se transforment en quelques secondes de vol, et tous trois touchent à nouveau terre dans l’immense nécropole de pierre et de sable que constitue la Chambre de la Sagesse. Rapidement, Adam laisse ses sens mystiques s’ajuster aux nombreux sortilèges et sceaux de protection antiques qui hantent encore l’endroit. « Elle est ici. Hâtons-nous. » confirme-t-il, en s’envolant à nouveau pour guider Diana vers l’entrée d’une chambre, normalement scellée d’un énorme mur de pierre. Mais dans l’entrée ne gisent que les décombres de la porte, que Myrina a fait voler en éclats, brisant accidentellement le sceau magique qui avait permis à Adam de remarquer sa présence. Sans attendre, Adam pénètre le temple, et descend l’escalier menant vers la crypte et l’antichambre, leur chemin éclairé par des torches qui, par un miracle divin, ne s’éteignent jamais, veillant éternellement sur les secrets du Kahndaq. Et elles n’étaient pas les seules. « Aucune armée n’est autorisée à franchir le territoire des Chambres, pas même la nôtre. Mais cela ne signifie pas que nos secrets et notre histoire sont laissés sans défense… » Et un demi-sourire vient ourler le coin des lèvres du champion, alors que des râles indistincts et des exclamations de rage leur parviennent, échos répercutés sur les murs de l’antichambre. Et lorsqu’ils parvinrent à son cœur, Adam aurait menti s’il avait affirmé ne pas tirer une satisfaction mauvaise face au spectacle qui s’offrait à lui. « Nos morts sont d’un tempérament jaloux. Et très territoriaux. » se contente-t-il de faire remarquer, alors que lui, Diana, et Graal à moitié inconsciente contemplent la rage de Myrina aux prises avec une vingtaine de momies animées, certaines même armées, et bien décidées à bouter cette intruse hors de leur nécropole. Et, perché sur l’autel au centre de la pièce, l’artefact, rayonnant comme en réponse à la présence de la fille de Darkseid et sa terrible mère. Mais, aussi impressionnant soit le spectacle des morts-vivants de la Chambre accomplissant leur devoir sacré et éternel, Adam soupçonne qu’ils ne suffiront pas à stopper Myrina – et après avoir jeté un regard d’assentiment à Diana, il s’avance dans la crypte, laissant la magie d’Aton et du Sorcier illuminer la pièce de ses étincelles. « Abandonne, Myrina. Nous tenons ta fille. Et je crois que la patience de Wonder Woman commence à toucher à sa fin. »

Ce n’est pas sa guerre, ni celle du Kahndaq. Dans cette lutte, Adam a conscience de n’être qu’un spectateur et participant accidentel, visiblement parce qu’un artefact d’Apokolips a atterri, il aurait été bien incapable de dire quand ou dans quelles circonstances, dans une des Chambres de la Sagesse qui ponctuaient le désert kahndaqi, témoins silencieux de leur histoire et musée secret des grands moments de leur passé. Mais pour autant, Adam n’estime pas nécessaire de se retirer de la bataille, et encore moins d’adopter une attitude passive qu’il avait si souvent lui-même reproché au Sorcier. Même si les rancœurs entre Graal, Myrina et Diana ne concernaient qu’elles, leur conflit les avait amenées sur ses terres, menaçaient son peuple, et c’était lui, aussi, et son panthéon que Graal avait menacé au palais. Un affront que le champion n’oublierait pas de sitôt – et un affront qui justifiait entièrement, à ses yeux, qu’il suive cette sombre histoire jusqu’à son dénouement. Il eut été facile de les renvoyer toutes les trois hors de son royaume et d’oublier ce désagréable incident – et il était presque certain que Diana ne lui en aurait même pas voulu de chercher à éloigner la menace de son peuple. Mais l’attente, la passivité, et l’inaction étaient aussi peu inscrites dans son ADN que la lâcheté. Il n’avait pas besoin de Mehen pour décider qu’il aurait voix au chapitre sur le fin mot de l’histoire. Au diable les dissensions habituelles entre lui et Wonder Woman. Aujourd’hui, c’est côte à côte qu’ils font front commun contre la provocation aberrante d’une mère et d’une fille honteusement trompées par cette hérésie qu’elles appelaient les Nouveaux Dieux. Pour peu, il aurait presque eu pitié d’elles. Hélas, elles avaient trop provoqué son courroux pour qu’il se soucie du salut de leurs âmes. Anubis, ou quel que soit son équivalent sur Apokolips, saurait se charger de leur sort l’heure venue.

Les momies ne cessent leurs assauts, malgré la résistance admirable de Myrina, et Adam s’autorise même à esquisser un rictus face à sa persistance – mais la patience de Diana, elle, semble bel et bien avoir atteint ses limites. Il sourit presque, face à ces menaces, satisfait de la voir montrer les dents face à ces deux impies, et acquiesce silencieusement alors qu’elle lui accorde un regard navré en exigeant de Myrina qu’elle détruise l’artefact. Qu’importe cette boîte, qui n’a visiblement rien à faire au Kahndaq de toute façon. Certains secrets sont faits pour être bien gardés, d’autres pour disparaître à tout jamais : pour cette fois, ils savaient ce qu’ils avaient à faire. Une philosophie que Zehuti approuvait, de l’autre côté du voile. Et l’artefact, enfin, vole en éclats, et c’est vers lui que Diana se tourne pour mettre un point final à ce second acte. « Avec joie. » répond-il ; et le champion de s’envoler pour traverser la pièce en un clin d’œil et percuter Myrina de plein fouet, l’arrachant à l’emprise des momies pour l’encastrer dans un mur voisin, qui vole en éclats sous la force de l’impact. Diana la voulait vivante, certes – et dommage. Mais elle n’avait pas précisé dans quel état exactement, alors il n’allait pas se priver pour montrer à l’hérétique à quels dieux elle avait décidé de se frotter ce jour-là. Myrina encaisse admirablement le choc, les bras en croix devant elle pour absorber la force du champion, et se dégage de son emprise d’un mouvement leste avant de lui envoyer son pied à la figure.

Elle est forte, rapide ; Adam sait qu’il ferait une grave erreur d’oublier qu’elle était avant tout une Amazone. Alors il laisse Heru prendre le dessus et pare son attaque à toute vitesse, attrapant sa cheville dans sa main, avant de pivoter sur ses talons pour envoyer la malheureuse percuter le sarcophage la tête la première. Mais toutes proches, se tiennent Diana et Graal ; et même si Adam ne doute pas des réflexes de Wonder Woman, hors de question qu’il prenne le risque de donner une ouverture à Graal en perpétuant le combat ici. « Allons prendre l’air, Myrina. » siffle-t-il en fondant sur elle pour l’attraper à la gorge, avant de s’envoler en piqué droit vers le ciel, passant à travers le plafond de la crypte dans un fracas assourdissant. « Estime-toi heureuse que Wonder Woman te veuille vivante. » lui assène-t-il en vrillant son regard furieux dans le sien, à des centaines de mètres au-dessus du sol, alors que son poing libre se charge à nouveau de la foudre d’Aton, l’orage grondant encore au-dessus de leurs têtes. « Et dis à Darkseid que s’il veut mon pouvoir, il n’a qu’à venir le chercher lui-même, au lieu d’envoyer ses sous-fifres. SHAZAM ! » L’éclair vivant déchire le ciel, et vient frapper le champion au moment même où son poing entre en collision avec la cage thoracique de Myrina – et le courant magique passe du champion à la victime, qui n’a même pas le temps d’exprimer sa douleur avant de retomber au sol à la vitesse d’une météorite. Rapidement, Adam redescend, et se penche sur le corps immobile de l’Amazone renégate, gisant dans les débris du tombeau sous le regard attentif de Diana. « Elle a perdu connaissance. Tu ne devrais pas avoir de difficultés à la ramener sur Themyscira. » se contente-il de commenter. Par souci de perfectionnisme, il tend la main vers Myrina. « Aton-rabt*. » Aussitôt, des liens s’échappent de sa paume, comme de longs fils de la même texture que la foudre vivante, et viennent s’enserrer autour de la traîtresse. Le sortilège se dissiperait de lui-même d’ici quelques heures. Largement assez pour que Diana trouve un autre moyen de la restreindre. Et enfin, les deux renégates sont maîtrisées, et l’Amazone et le champion restent seule à seul, dans les décombres d’un tombeau qui n’aurait jamais dû abriter un tel artefact. Les yeux d’Adam s’égarent sur ce drôle de décor, et d’un geste, il congédie les momies, qui s’arrêtent, puis s’en retournent lentement à leurs cryptes respectives, ou s’écroulent sur place, inanimées. « Nous avons nos différends, Wonder Woman, mais le Kahndaq t’est reconnaissant de ton intervention aujourd’hui. » reprend-il en dardant son regard inflexible sur la fille de Zeus. « Graal, sa mère, et Darkseid… A quel point représentent-ils encore une menace pour nous ? » Volontairement, il laisse planer un voile sur ce qu’inclut ce ‘nous’, exactement. Le Kahndaq. L’humanité. Les dieux et leurs représentants sur terre. A elle de choisir ce qu’elle a envie d’y entendre, et ce qu’elle décidera de lui révéler de cette guerre qui, visiblement, n’a pas encore touché à sa fin.


* rabt = liens, lier.

Enfin Diana et Adam parvenaient à tomber d’accord sur quelque chose : personne n’était invincible. Et certainement pas ces maudits néo-dieux dont l’existence seule suffisait à exciter le courroux du panthéon égyptien, qui ne voyaient en eux que des usurpateurs bons à exterminer. Il semblait bien que les Olympiens nourrissent des sentiments similaires à l’égard de ces prétendues divinités qui avaient juré leur perte, et pendant un moment, Black Adam se demanda ce qu’il adviendrait, si ses dieux et ceux des Amazones pouvaient se réunir et régler eux-mêmes le problème que posaient ces hérésies de pacotille. Mais ça, hélas il était quelques millénaires trop tard pour le savoir. Les dieux s’étaient tous retranchés dans leurs monts olympes et autres royaumes célestes, à mesure que croyants et cultes avaient décliné, et que la magie s’était progressivement retirée du monde pour ne plus être que l’apanage d’une poignée. Au Roc de l’Eternité, les sièges du Conseil restaient immanquablement vides. Lui et l’enfant Baston étaient les derniers champions, les derniers représentants d’une tradition en voie d’extinction. Un champion déchu, et un enfant. La déchéance était sévère, mais pas assez pour qu’il ne constitue pas un danger pour Darkseid et ses sbires. Ses paradémons n’avaient jamais réussi à franchir la frontière du Kahndaq – mais ils avaient réussi à lui prendre Isis. Une perte et un affront dont le seul souvenir continuait de le faire bouillir de rage et de douleur. Un éclat dur passa dans son regard, alors que Diana lui racontait la façon dont la Ligue de Justice avait réussi à renvoyer Darkseid sur sa planète délétère la dernière fois, et posa des yeux froids sur les deux renégates. Il passa ses pensées sous silence ; mais si Diana disait vrai et que Darkseid revenait réellement sur Terre, cette fois, ce ne serait pas derrière ses frontières, qu’Adam mènerait la bataille.

« J’ose espérer que vous m’en garderez un morceau. J’ai mes propres comptes à régler avec l’hérésie. » lâcha Adam, alors que Diana s’éloignait de quelques pas en traînant ses prisonnières derrière elle. Celles-ci, les dieux égyptiens n’avaient aucune envie de s’en soucier. Adam pouvait sentir leur mépris pour ces deux viles créatures, et leur désir de les voir quitter leur territoire, dès maintenant. Les bras croisés sur son torse, Adam lévita de quelques centimètres au-dessus du sol et des décombres laissés par leur bataille au fond de la Chambre de la Sagesse, et hocha la tête aux propos de Wonder Woman. « Les enfants sont plus résilients qu’on ne le pense. Si tu arrives à l’arracher à leur influence empoisonnée à temps, il aura encore une chance de s’en sortir. » Le destin de cet enfant s’annonçait fort sombre. Mais peut-être qu’avec la bonne influence, et arraché aux horreurs des paradémons, il aurait une chance à une vie plus clémente. Une fois encore, il fusilla les renégates du regard. Utiliser un enfant, un bébé, d’après les dires de la fille de Zeus – il ne pouvait songer à déshonneur plus bas. Il ne faisait guère confiance à Diana de Themyscira ou à ses alliés ; mais il savait qu’elle ferait tout ce qui était en son pouvoir, et au-delà encore, pour protéger un si jeune enfant des horreurs qui l’attendaient dans une vie que d’autres avaient décidé pour lui, par cruauté, par ambition, et par égoïsme. N’eusse-t-il eu un royaume à gérer, et d’autres orphelins à protéger, peut-être même aurait-il proposé de l’accompagner. Mais il avait ses propres responsabilités ici, au Kahndaq ; cette nouvelle quête ne serait que celle de Wonder Woman afin de réparer une injustice et rétablir un équilibre trop souvent menacé.

Les dernières paroles qu’elle lui adressa, Adam les accueillit d’un silence songeur. « Ni toi ni moi ne pouvons voir l’avenir, Wonder Woman. Jamais je n’accepterai votre Ligue de Justice ni ne reconnaîtrai son autorité – mais je n’ai nul grief envers les Amazones. Peut-être devrais-tu, toi aussi, réfléchir à cela. » répondit-il, en lui adressant un bref hochement de tête en signe d’adieu. Et sans plus s’éterniser, elle prit son envol à travers le plafond détruit de la crypte, entraînant avec elle ses prisonnières pour les amener devant la justice de Themyscira. Resté seul dans le tombeau, Adam attendit encore quelques instants, songeur, puis s’envola à son tour, regagna la capitale de Shiruta en quelques instants à peine. Le passage de Graal avait fait des dégâts, mais il apprit rapidement qu’ils ne comptaient que des blessés légers, grâce à leur intervention rapide. Même si ces blessés étaient déjà de trop, au moins, le Kahndaq ne se coucherait pas endeuillé, ce soir. Une réunion d’urgence fut organisée avec son conseil, et des mesures rapidement prises pour héberger et re-loger ceux dont les habitations avaient été abîmées pendant la bataille, et de nouveaux fonds débloqués pour la prise en charge des blessés et les réparations nécessaires aux dégâts matériels. Et pendant qu’il s’affairait à aider son peuple à se remettre de cette nouvelle attaque, Adam se demandait si l’enfant retenu par Graal et Myrina avait enfin été tiré de leurs griffes.