What we do in the shadows || Diana

What we do in the shadows

Zee avait remarqué que quelque chose de bizarre se passait avant même qu’Andrew vienne lui en parler. En même temps, Washington avait toujours l’air bizarre, aux yeux de Zatanna. Elle avait grandi à Gotham, sous son ciel lourd et noir, dans ses rues jamais assez éclairées même dans le centre d’affaires, ses buildings vieux et qui semblaient former un couvercle oppressant au-dessus de la tête, sa faune nocturnes furtive et dangereuse, son architecture schizophrène et son ambiance toute particulière. La première fois que Zee était venue à Washington, enfant, elle avait été déboussolée par les immenses avenues et des tours de verre de downtown qui semblait percer les nuages cotonneux et créer elles-mêmes du ciel bleu. Bien sûr la ville était grande et ses quartiers différents, mais tout de même. Elle avait toujours trouvé, même maintenant qu’elle avait plusieurs fois fait le tour du monde, que Washington dégageait une ambiance étrange, à la fois proprette, comme une vitrine de magasin vendant au monde l’image d’une Amérique idéale, avec ses cafés, ses allées fleuries, ses monuments, sa populations jeune et branchée, et à la fois crépusculaire et atmosphérique, surtout la nuit. Ici comme ailleurs, la nuit, les sirènes de police hurlaient et les gens, attachés à leur cité, avaient leur identité propre.

Malgré tout, cette fois, Zee était sûre que quelque chose de bizarre se tramait, au moins sur 14th Street dans le centre ville. Elle s’était promenée dans les rues en damier bordée d’immeubles de briques colorées et les avais vus. Des silhouettes de farfadet se faufilant entre les passants avec la discrétion de léopard. De petites créatures qui n’avaient rien à faire sur Terre traversant les murs et les gens. L’ombre des promeneurs qui ne suivaient pas leurs mouvements. Une vieille femme assise à une terrasse, qui l’avait regardée passée avec du feu dans les yeux, littéralement. Elle avait repéré deux sorciers dans une ruelle en train d’échanger des sorts dans une ruelle sombre, leur énergie se mélangeant l’une à l’autre de manière si visible que Zee en avait rougi. Elle avait même croisé un vampire – en plein jour ! Mais croisé au sens littéral du terme, parce qu’il lui était passé à travers. Quand elle s’était retournée, outrée, il avait semblé se rendre compte qu’elle le voyait et s’était évaporé dans l’air. Donc oui, franchement, des trucs bizarres se passaient dans le coin. Cela ne faisait que quelques mois qu’elle donnait des spectacles seules. Elle avait mis plus d’un an réunir une équipe, grandement composée des anciens employés de son père. Ils la connaissaient tous et n’avaient pas hésité à se lancer dans ce projet une fois qu’elle avait été prête à se lancer elle-même. Andrew Sinclair était un ami de John Zatara, qui avait accepté de s’occuper avec elle de la scénographie. Lui-même était un prestidigitateur de haut vol, quoiqu’un peu voleur et arnaqueur sur les bords. Ils avaient passé la journée à répéter sur la scène Milton du Studio Theatre de Washington downtown. Puis Andrew était venu lui dire que deux de leurs techniciens s’étaient fait happer par des trous invisibles et qu’il avait fallu à Andrew toute sa magie et beaucoup de Xanax ensuite pour récupérer et rassurer les pauvres bougres, qui n’avaient rien compris à ce qui leur était arrivé.

La nuit n’allait pas tarder à tomber, et Zee avait décidé de retourner traîner un peu sur 14th Street. Elle sentait quelque chose dans l’air. Un picotement, un frémissement, comme si la magie emplissait les lieux. Les passants ne semblaient pas le remarquer – quelques-uns se retournaient parfois sans raison, un ou deux enfants sanglotaient en se laissant traîner par leurs parents. La magicienne s’arrêta devant le café où la vieille l’avait regardée tout à l’heure. Elle était toujours là. Zee se planta devant elle, les mains sur les hanches. « Qu’est-ce qu’il se passe, ici, grand-mère ? La magie éclate de partout comme du papier-bulle ! » La vieille ricana sans dire un mot et Zee retint un soupir agacé. Collant le bout de ses pouces et de ses index, elle observa la femme à travers la loupe magique ainsi créée : une fourrure douce, des pattes de bouc, deux cornes enroulées de chaque côté de sa tête aux traits à peine humains et une aura pourpre qui lui donnait l’impression d’être en feu. Zee laissa retomber ses bras le long de ses flancs et la vieille qui n’en était pas une ricana encore. « C’était notre ville avant d’être la tienne, enfant de Maewyn Succat. L’Eóganachta l’a clamée pour nous, elle nous appartient, désormais. » Zee, sans relever l’insulte, écarta les mains, attendant la suite, qui ne vint pas. La vieille s’était remise à fixer le vide. La magicienne tapa du pied sur le trottoir. « Lequel, d’Eóganachta ? J’aurais deux mots à lui dire, mais y en a plein ! » Mais la créature ne réagit pas. En revanche, Zee entendit un « psssst ! » sur sa droite, et capta une petite silhouette qui disparut aussitôt au coin d’une rue perpendiculaire. Elle s’approcha, hésitant une minute. La ruelle était une impasse on ne peut plus normale – pas éclairée, jonchées des poubelles des cafés alentours, parfaite pour se faire égorger.

« Pssst ! »

Avec une exclamation de frustration, Zee s’avança dans la ruelle. Et sentit aussitôt le sol se dérober sous ses pieds. Elle tenta de reculer mais se heurta à un mur : l’impasse était désormais dans son dos, et la sortie de la ruelle loin là-bas devant elle, alors que le sol, pavé par pavé, semblait s’effondrer dans un néant absolu. La magicienne s’envola au moment ou une petite créature poilue s’agrippait à sa jambe en ricanant, puis une autre à son bras, et une autre à son cou. Elle les chassa comme des mouches, mais il y en avait toujours plus qui jaillissaient de nulle part, toutes en lançant des « psssst » agaçants. La jeune femme réussit à s’agripper à une pierre saillant du mur, mais la masse de petites créatures pesait son poids et elle sentait qu’elle allait lâcher prise.