Jason Blood n’était pas homme à garder un carnet d’adresses très fourni – même s’il mettait un point d’honneur à se tenir au courant des agissements des uns et des autres dans le monde très fermé des méta-humains et autres bizarreries de la nature s’étaient pu à peu révélé au grand jour ces dernières années. Jason Blood était encore moins du genre à avoir des amis, et encore moins du genre à leur rendre des visites de courtoisie, privilégiant la solitude choisie et délectable du Stratford’s Arms. Il était plus facile de vivre une vie d’hôte à démon sans s’encombrer des précautions usuelles à prendre quand on a un cercle d’amis que l’on veut préserver, après tout. Pour une fois, pourtant, l’hôte d’Etrigan allait faire une entorse à sa règle si savamment observée en temps normal. Après tout, la vie était bien plus amusante avec ses petits imprévus et ses petits écarts, non ?
Le quartier d’Otisburg ne faisait pas souvent partie des terrains de jeu de Jason – bien trop peuplé de super-vilains et autres personnages hauts en couleur qui pourraient le tirer de son cher et relatif anonymat à son goût. Heureusement, il avait quelques cordes à son arc pour ne pas se faire remarquer : un sortilège d’effacement, par exemple, était toujours d’une remarquable utilité pour se faufiler dans les rues dangereuses de Gotham sans que les passants n’aient l’impression de croiser plus que leur simple reflet dans une vitrine, ou d’attraper une silhouette indistincte du coin de l’œil, avant d’oublier tout à fait l’incident. On avait souvent des idées préconçues erronées de la magie : quoi de plus pragmatique et terre-à-terre que de tricher pour éviter l’inconvenance d’ennuis si facilement évités avec une petite formule magique ?
Aussi discret qu’un chat rentrant chez lui après la chasse, Jason dissipa le sortilège une fois arrivé à destination et contempla la façade insipide de l’immeuble dressé en face de lui, les mains dans les poches de son pantalon impeccablement repassé et katana suspendu dans son fourreau à son épaule. S’il ne se trompait pas, c’était là la bonne adresse. En mage consciencieux et amoureux du travail bien fait, il sortit son pendule de la poche intérieure de sa veste, et laissa l’objet s’orienter avant de pointer décidément vers le troisième étage de l’immeuble. Parfait. Un demi-sourire satisfait au coin des lèvres, Jason rangea le précieux objet et, d’un geste un peu travaillé, manipula une petite dose d’énergie magique pour déverrouiller la porte d’entrée.
La méditation était un outil de travail précieux pour le spécialiste de l’occulte de Gotham, en ce qu’elle lui permettait de garder Etrigan sous contrôle, mais aussi de se mêler aux énergies de la ville, à accéder à un autre pan de réalité qu’un peu de divination transformait en formidable carte vivante pour qui avait les connaissances pour la lire. Humains, sorciers, tous avaient une signature énergétique différente et identifiable. Les Amazones ne faisaient pas exception à la règle. Et avec l’aide d’articles de journaux rapportant les derniers incidents inhabituels à Gotham, et un peu de divination plus poussée grâce à du sable ramené de Jordanie d’un temple visité à deux, Blood n’avait guère eu de peine à confirmer l’identité de l’Amazone qui avait élu domicile si près de chez lui après ces quelques années sans entendre parler l’un de l’autre.
Quelle coïncidence, aurait-il pu se dire si la vie ne s’était pas acharnée à lui apprendre que les coïncidences n’étaient qu’un banal surnom pour les coups tordus du destin.
Laissant son intuition le guider, Jason grimpa prestement jusqu’à l’étage approprié et s’arrêta, après une courte hésitation, devant une porte sans sonnerie, sans nom, sans aucune distinction la séparant des autres si ce n’était son intime conviction de l’identité de sa locataire. Décidant de couper court à l’attente, il frappa à la porte, et attendit patiemment. Diable, il pouvait déjà deviner qu’elle n’attendait pas sa visite le moins du monde. Ou la moindre visite, à en juger par le silence qui lui répondit et les journaux accumulés sur le paillasson comme si personne ne vivait là. Après un moment d’attente, Jason frappa une deuxième fois.
Enfin, la porte s’ouvrit ; et Jason offrit à Artemis son sourire le plus courtois en guise d’excuse pour son intrusion. Il avait une réputation à tenir, après tout. « Artemis de Bana-Migdhall. Je savais bien que je reconnaîtrais cette présence n’importe où. Même dans le vivier de Gotham City. » Quel drôle de sentiment, de lui faire face à nouveau alors que la dernière fois qu’il avait eu l’honneur de se tenir à ses côtés avait été dans le désert brûlant de Jordanie. Si ses souvenirs étaient corrects, leur dernier échange avait été… pimenté, courtoisie d’Etrigan et d’une apparition intempestive. Il espérait que leurs quelques temps passés à cheminer ensemble sous le soleil abrutissant du désert compenseraient pour cette fâcheuse dernière impression. « Serait-il présomptueux de ma part de dire que c’est un plaisir de te revoir ? Même si je ne m’attendais pas à croiser ta route hors du Moyen-Orient. Tes voyages t’ont menée bien loin. »
❝ Please allow me to introduce myself, I'm a man of wealth and taste. I've been around for a long, long year, stole many a man's soul and faith. ❞ The amazon and the demon, a sequel.Otisburg avait ceci d'intéressant que le foisonnement de sa population bigarrée et farfelue vous permettait de vous fondre dans la masse sans que l'on prête trop attention à vous. Il n'était pas rare d'entrapercevoir une silhouette familière du coin de l'oeil et l'air y résonnait continuellement de quelque chose, comme la rumeur des rires machiavéliques de ses illustres occupants ou le murmure des affaires douteuses toujours en train de se monter quelque part. C'était presque naturellement qu'Artemis avait choisit d'y établir l'un de ses nombreux point de chute se mêlant à une population bien trop occupée par ses petites affaires personnelles pour s'intéresser à elle. Tout du moins l'avait-on remarquée mais il existait comme un accord tacite entre ces regards méfiants qui se croisaient dans la rue. On ne se mêlait pas de vos affaire si vous ne vous mêliez pas des leurs. Enfin jusqu'à ce qu'un chèque bien juteux vienne bouleverser la donne.
Ce qui n'était qu'une simple planque avait finit par devenir un endroit familier. Elle n'avait pas spécialement prévu de s'y établir mais les mois avaient passé et le vieux meublé déserté avait finit par se peupler des marques familières de sa présence. Quelques affaires personnelles posées sur les plans de travail, des documents empilés sur une table. Des bricoles qui témoignaient bien de la présence de quelqu'un en ces lieux mais rien qui ne trahisse son identité, ni un séjour de longue durée. Des lieux dans ce genre, elle en avait un ou deux autres disséminés mais celui-là était celui où elle revenait le plus régulièrement. La vague odeur de cuisine froide flottant dans l'air couvrait vaguement des relents d'humidité dont on n'aurait pu se débarrasser, même en récurrent les murs du sol au plafond. L'empreinte de Gotham planait sur la ville jusque dans les interstices des murs, trop obstinée pour refuser de s'en aller. Et Artemis n'avait pas tenté de l'en chasser, se mêlant à l'atmosphère locale comme dans une drôle de tentative d'immersion.
On ne l'avait pas beaucoup vu aller et venir dans cet immeuble et l'escalier de secours grinçant qui menait à son troisième étage accueillait tout autant sa présence que le hall d'entrée. Mais la population du quartier semblait frappée d'une bien étrange amnésie qui vous poussait à vous désintéresser de ce qui pouvait bien se passer dans votre voisinage. Moins vous en saviez, mieux vous vous portiez. C'était la règle. Aussi, l'amazone se hérissa instantanément lorsque des coups furent frappés à la porte ce jour là. Délaissant ses occupations pour tendre l'oreille, la seconde salve ne tarda pas à briser le silence ambiant. Elle aurait pu faire mine de n'être pas là mais ça aurait définitivement éveillé la méfiance de celui qui se trouvait de l'autre côté. On n'était pas venu frapper par hasard à la porte d'un appartement qui conservait depuis des mois les signes ostentatoires d'une inoccupation marquée. Aussi se dirigea-t-elle en catimini vers l'entrée, ses doigts effleurant la poignée, comme hésitant à l'enclencher. Les mortels avaient inventé une de ces petites choses insignifiantes mais pourtant bien utile qui portait le nom improbable d'un de ces apôtres de la religion du livre. Elle n'en avait jamais vraiment compris le fonctionnement avant qu'un après-midi de désœuvrement profond, elle ne cède à l'ennui et actionne le téléviseur trentenaire abandonné dans l'appartement. C'était fou ce qu'on pouvait apprendre comme petites manies des mortels du monde moderne sur ce vieille écran grainé par les parasites. Le visage étrangement déformé qui lui apparu lui arracha un grondement exaspéré. La porte s'ouvrit dans un geste plus vif qu'elle ne l'aurait voulu et Artemis attrapa l'infortuné visiteur par le bras, le faisant entrer dans le hall avant que son coude ne vienne s'enfoncer brutalement contre son cou.
« Je peux te retourner le compliment, répliqua-t-elle sifflante, dois-je m'attendre à une visite de courtoisie ou c'est le sort qui t'envoie ? »
Sa réaction avait peut-être été un rien disproportionnée par rapport à la situation mais l'amazone n'avait pas apprécié de se laisser surprendre. S'il était parvenu à la retrouver, d'autres le pourraient aussi et sa précieuse planque n'en serait bientôt plus une. Et sa fierté n'appréciait pas particulièrement de ne pas avoir l'avantage. Sa prise se desserra sensible et elle libéra l'homme sans pour autant se départir de son attitude revêche.
« La dernière fois que nous nous sommes quittés je pensais que nos chemins ne se recroiseraient plus. Qu'est ce que tu fiches sur le pas de ma porte? » interrogea-t-elle
Son châtiment était peut-être mérité ; non, Jason savait pertinemment qu’il était mérité, mais bizarrement cet état de conscience n’adoucissait en rien la rude bousculade et le choc de son dos contre le mur de l’entrée de l’appartement d’Artemis. L’ex-chevalier laissa échapper un ‘oof’ douloureux, l’étui de son katana s’enfonçant entre ses omoplates alors que le coude de l’Amazone venait aimablement l’en distraire en lui écrasant la trachée avec la force et la délicatesse d’un bulldozer. D’accord. Ca n’était pas tout à fait comme ça qu’il avait imaginé leurs retrouvailles, mais à sa décharge, quelques années d’absence étaient suffisantes pour oublier que quelqu’un qu’il n’avait connu que dans un désert manquait de certaines qualités sociales que d’aucuns qualifieraient de civiles. Ca, et le fait qu’une Amazone se trouvant apparemment seule à Gotham dans un de ses quartiers les plus craignos n’avait sans doute pas envie de voir n’importe qui apparaître à sa porte sans se faire annoncer. Peut-être aurait-il dû envoyer un mot auparavant. Jason Blood n’aimait pas du tout la sensation d’avoir manqué de courtoisie, et décida donc de lui pardonner son manque de courtoisie à elle. Œil pour œil, dent pour dent, n’est-ce pas ?
« Aouch. L’un dans l’autre, j’en conclus que tu n’es guère ravie de me voir. » articula-t-il d’une voix étranglée, avant qu’elle ne le relâche – alors seulement remarqua-t-il qu’elle avait si bien maintenu que seule la pointe de ses pieds avait touché le sol. Jason s’éclaircit la gorge et, machinalement, se frotta le cou où la désagréable sensation de son coude persistait encore. Mais, malgré sa dignité éraflée par cette petite incartade, il choisit de ne pas lui en tenir rigueur. Au fond, l’eut-elle accueilli avec les yeux écarquillés de surprise, il en aurait presque été déçu. Artemis de Bana-Migdhall lui avait fait une forte impression lors de leurs quelques semaines de voyage en commun – il eut été malvenu qu’elle ne vive pas à la hauteur de la légende qu’il s’était amusé à se construire pour lui-même afin de ne pas l’importuner avec ses pourtant nombreuses questions. Enfin – Jason rajusta le col de sa veste et décocha à son ancienne compagnonne un regard de côté, la jaugeant comme pour la mesurer face au reflet de ses souvenirs. A première vue, elle n’avait pas changé d’un pouce : toujours formidablement grande, plus grande que lui, sa crinière rousse toujours bien trop longue pour les règles d’un combat équitable sans qu’elle n’ait ‘air de s’en préoccuper, elle qui tranchait joyeusement dans le tas avant que quiconque n’ait l’occasion d’en effleurer une mèche, et toujours cette mine revêche et indomptable qui avait tenu même Etrigan en relatif respect.
Du haut de ses 1500 ans, Jason avait appris à apprécier les constantes de la vie, autant que ses changements bienvenus. Artemis, ou du moins, cette première impression après une poignée d’années disparues avec l’aisance de grains de sable, en faisait partie. Malgré ses petits problèmes d’agressivité.
« Cesse donc de t’inquiéter, je me suis assuré de ne pas être suivi. J’ai repéré ta signature énergétique lors d’une session de méditation, je me suis simplement étonné de ta présence. Mistress n’est pas exactement du genre discrète non plus, si tu sais repérer un artefact magique. » Inutile de se perdre en explications plus détaillées. La divination était un art plutôt complexe et particulièrement obscur pour les non-initiés, et il doutait qu’elle s’intéresse aux spécificités de la chose.
Lui non plus ne s’était pas attendu à croiser à nouveau son chemin – tout comme au VIIIème siècle il avait très vite renoncé à tout espoir de re-croiser ses compagnons des Demon Knights après leur séparation, même une fois sa colère et celle d’Etrigan retombées. Pourtant, Xanadu et Vandal Savage n’avaient eu de cesse de réapparaître au cours des siècles, tels des fantômes au coin de son œil. Peut-être s’était-il attendu à ce qu’Artemis suive la même voie. Etonnant comme le sort leur réservait parfois des surprises.
« Je ne pensais pas te revoir non plus – encore moins à Gotham. Notre escapade en Jordanie n’était qu’un voyage un peu prolongé, cette ville m’héberge depuis le début des années 1900. Si le sort a envoyé quelqu’un, c’est toi plutôt que moi. » fit-il remarquer sans la quitter des yeux, une curiosité polie brillant dans ses yeux clairs.
Il marqua une courte pause – s’amusant presque de leurs postures presque en chiens de faïence, à se dévisager comme deux surprises dont ils ne savaient encore si elles étaient de bonne ou de mauvaise augure. Lui se sentait plus optimiste qu’elle n’en avait l’air, aussi finit-il par lui tendre la main en arquant un sourcil.
« On la refait sans hostilité ? Que tu puisses m’expliquer ce qui a pu t’amener dans un des quartiers dépotoirs de Gotham alors que je t’avais abandonnée dans un désert. D'expérience, personne ne s'installe à Gotham volontairement, à moins d'y être forcé par de puissants ressorts du destin. »
❝ Please allow me to introduce myself, I'm a man of wealth and taste. I've been around for a long, long year, stole many a man's soul and faith. ❞ The amazon and the demon, a sequel.Un haussement de sourcil vers son plafond jauni par le temps lui échappa à sa réponse. Il fallait avouer que l'accueil avait été un peu plus rude que ce qu'elle avait prévu mais n'étant pas connue pour s'adonner aux effusions, il aurait dû se douter que sa petite visite à l'improviste allait faire des vagues. Mais l'anonymat dans lequel elle s'était murée depuis son arrivée dans cette ville commençait doucement à s'effriter et son apparition n'était que l'un des signes annonciateurs de cet état de fait. D'autres viendraient qui seraient loin de se montrer aussi avenants et alors elle serait bien obligée de mettre carte sur table. Adieu la tranquillité. Et en même temps, l'amazone ne pouvait pas dire que poser les yeux sur un visage familier soit un complet déplaisir. L'histoire remontait à quelques années mais ces quelques semaines de voyage en Jordanie avaient été une parenthèse pas désagréable quoique inattendue dans sa vie. Sa nonchalance lui arracha un sourire entendu. Certaines choses n'avaient pas changé et il y avait une certaine aisance chez lui qui confinait à la légèreté. Mais il n'y avait jamais rien de vraiment léger chez Jason Blood et il ne faisait rien au hasard.
« Ne fais pas l'indigné, le réprimanda-t-elle, si tu as pu le faire, qui me dit que d'autres ne viendront pas également en employant les mêmes méthodes ? Si j'ai choisi l'anonymat c'est bien parce que je ne voulais pas attirer l'attention. »
Bien sûr, il aurait été illusoire de penser qu'une étrangère venue de nulle part, à la carrure sortant de l'ordinaire et armée d'une lame peu commune n'éveillerait pas la curiosité. Elle avait bénéficié d'un sursit bienvenue après ces histoires de réalités alternatives mais le temps de sa tranquillité était révolu. Cette apparition était comme un signal qu'il était temps de redoubler de vigilance. Non pas parce qu'elle le craignait particulièrement mais plutôt tout ce qui viendrait après lui. Sa question lui arracha un pincement de lèvre. On reviendrait toujours à ce drôle de hasard qui avait guidé ses pas jusqu'en Amérique. La route avait été longue et sinueuse depuis qu'elle avait posé le pied sur le pont du Dawn Seeker quelques années auparavant. Et les surprises nombreuses.
« Je cherche quelqu'un, répondit-elle sans plus élaborer, et sa piste m'a menée jusqu'à Gotham. »
Il n'avait pas tord sur un point. On ne venait pas à Gotham à moins d'avoir une excellente raison. Les cités d'orient n'étaient rien comparé à ce dédale de bruit et de chaos. Et Artemis ne pouvait pas dire qu'elle avait apprécié sa première visite dans la ville Américaine. Il y avait une conscience dans ces rues, quelque chose de quasiment vivant, un pouls qui battait sous le bitume et vous faisait vous sentir comme un étranger tant qu'elle ne vous avait pas ouvert les bras. Gotham était une maîtresse exigeante et Artemis résistait à ses appels, préférant son statut de marginale à l'idée de se laisser complètement engloutir par ses ténèbres.
« Reprenons. » Concéda-t-elle d'un signe bref de la tête
Le plafonnier de la cuisine s'éclaira pour plonger la pièce dans une faible lumière orangée qui éloigna les ombres. L'un des tabourets de l’îlot central grinça sur le parquet lorsqu'elle le tira vers l'arrière avant d'aller s'accouder au plan de travail, dans l'expectative.
« Tu as raison, Otisburg est bien différent des ruelles de Beyrouth. Mais le quartier à ça d'avantageux que personne n'a fait attention à moi jusque là. Il y a de plus gros poissons dans les parages. »
Entre l'autre face de lune au complet mauve et sa copine adepte de la chlorophylle, personne n'aurait songé à se retourner sur elle. Mais il fallait avouer qu'on était loin du charme de ce qu'elle avait connu autrefois. Rien à voir avec la pauvreté. Beyrouth, même jusque dans ses quartier les plus populaires battait d'un rythme presque enivrant, charriant des senteurs étranges au parfum d'orient. On y entendait la rumeur des rires et des mélodies lointaines et le soleil, quoique impitoyable, baignait de ses rayons la belle libanaise qui se baignait au bord de la Méditerranée. Ses mains se croisèrent sur le plan de travail et elle esquissa une grimace.
« Comme je te l'ai dit, je cherche quelqu'un. Elle est quelque part dans cette ville. Mais Gotham garde jalousement ses secrets et ne se livre pas facilement aux étrangers. Mais je ne t'apprends rien là dessus ?»
Ses réprimandes lui arrachèrent enfin le sourire teinté d’inhabituelle malice qu’il retenait depuis qu’elle avait relâché sa prise sur sa gorge – lui si sérieux et solennel en toutes circonstances, mais que 1500 longues années d’existence avaient si bien détaché du danger que représentait ce genre d’incident qu’il en était venu à les brosser du revers de la main. Oh, il comprenait parfaitement les inquiétudes d’Artemis, entièrement justifiées, et qu’il venait joyeusement de piétiner sans y réfléchir à deux fois, mais il mentirait s’il disait se sentir particulièrement coupable. Lui qui passait chaque instant de chaque jour de son immortalité à marcher sur des œufs, l’haleine brûlante de son démon sur la nuque, cédait parfois à certains caprices déraisonnables, parce qu’il fallait bien se laisser aller de temps en temps sur cette route austère et solitaire qu’était la sienne. La pauvre Artemis, toute rage et ressentiment qu’elle était, faisait ce jour-là partie de ces caprices. Caprice d’une nostalgie sur fond de désert et de ruines majestueuses, d’une camaraderie tissée à même le sable en fils de sang et de poussière d’étoile, une amazone en exil et un hôte à démon en quête de quelque chose, ils ne savaient quoi, qui redonnerait un sens à leur nom.
Artemis ne pouvait pas réellement lui en vouloir de s’être laissé aller à un fol élan d’impulsivité, pour une fois dans sa vie faite de contrôle et de mesure, quand la curiosité avait été si forte.
Renfonçant les mains dans les poches de son costume, une lueur presque triomphante au fond de ses yeux aussi gris que le métal mystique de Mistress (elle ne l’avait toujours pas jeté par la fenêtre : le danger était écarté, estimait-il de façon peut-être un tantinet optimiste), Jason suivit l’amazone dans sa cuisine, observant le décor sans même chercher à dissimuler sa curiosité. Oof, qu’Otisburg était loin des vues mirifiques auxquelles la Lybie, le Liban et la Jordanie les avaient habitués. Artemis, toute renégate soit-elle, restait une amazone, et son allure détonnait dans ce décor miteux et pathétique qui lui sied à peu près aussi bien que l’eau sied au feu. Jason tira à lui un autre tabouret et grimaça lorsqu’il grinça alors qu’il s’assit dessus (le mobilier était décidément à refaire, lui aussi), avant de croiser les bras sur le comptoir et de reporter son attention sur Artemis.
Ainsi donc elle cherchait quelqu’un ?
« Te cacher au milieu des requins pour passer inaperçue. Tactique dangereuse, mais judicieuse. D’autant que le danger, je suppose, est une notion somme toute très relative pour quelqu’un de ton calibre. » commenta-t-il avec un sourire en coin. Sourire qui disparut alors qu’enfin, il retrouvait contenance plus sérieuse, devinant sous ses non-dits le sérieux de la situation. Pour qu’Artemis ait dévié ainsi de sa trajectoire initiale, il soupçonnait que le motif fut particulièrement puissant – et plus puissant encore s’il avait réussi à la garder à Gotham. Gotham la jalouse, Gotham la vorace, qui avalait encore et encore et ne rendait que les ossements de ses malheureuses victimes, au sens propre comme au figuré. Autant dire que dès lors que cette ville était concernée, l’optimisme très relatif de Jason fondait comme neige au soleil.
« Gotham aime à garder ses secrets près d’elle. Le plus souvent, il faut les lui arracher et payer le prix du sang pour en défaire les liens. Depuis un siècle que j’y habite, je pense parfois en avoir fait le tour, mais elle ne cesse de me surprendre. » La raison pour laquelle, peut-être, Jason l’éternel ne l’avait pas encore quittée, cette maîtresse capricieuse et vénéneuse, qui mordait au sang quiconque osait l’approcher de trop près. Lui qui était censé garder Etrigan bien à l’abri au fond de son âme, savait très bien que Gotham avait cette façon d’exciter la bête, de titiller son intérêt tant et si bien que Jason pouvait sentir la bile acide du démon faire bouillonner ses veines, ses griffes lacérer sous sa peau lorsqu’il tentait de forcer son hôte à le libérer. Mais quelle ville mieux que Gotham pour accueillir deux personnages de leur envergure ? Les ténèbres étaient leurs meilleures alliées – et Gotham lui permettait, presque littéralement, de combattre le feu par le feu.
Oh, qu’il pouvait la comprendre.
« Ce quelqu’un doit être tout à fait remarquable pour t’avoir fait venir jusqu’ici. Serait-il présomptueux de ma part de t’offrir mon assistance ? » proposa-t-il – et il s’empressa d’ajouter, avant qu’elle ne puisse rétorquer : « Mon aide, pas celle d’Etrigan. » Hors de question de laisser sortir le démon de sa cage de sitôt. Même pour Artemis, même pour celle qu’elle essayait de sauver – c’était le sacrifice ultime auquel il ne consentirait pas, ou seulement en dernier recours. « Tu penses bien que je ne passe pas mes journées à me tourner les pouces. En cent ans, j’ai eu le temps de m’essayer au curieux métier d’enquêteur – certes de l’occulte, mais j’aime à croire que je ne me débrouille pas trop mal. La preuve : je t’ai trouvée sans même te chercher. »
Petite pique aimable, orgueil teinté d’autodérision, mais proposition sincère. Parfois, les canaux de recherche habituels ne suffisaient pas. Il fallait savoir penser outside the box. Jason se redressa sur son tabouret et planta sans ciller son regard gris dans celui d’Artemis.
« Un mot, et mes ressources sont tiennes. En mémoire du bon vieux temps. Nous avons formé une bonne équipe dans le désert, je ne vois pas pourquoi les choses seraient différentes à Gotham. » fit-il remarquer – juste au moment où quelque chose, quelque chose de tout petit encore, un infime frisson sur sa nuque, planta dans son esprit l’aiguille de l’attention.
Une brise, à peine, qui soufflait au loin, et à laquelle l’hôte échoua à prêter attention.
❝ Please allow me to introduce myself, I'm a man of wealth and taste. I've been around for a long, long year, stole many a man's soul and faith. ❞ The amazon and the demon, a sequel. Retomber sur lui c'était un peu comme se replonger dans de vieux souvenirs bien éloignés d'ici. Dans une partie du monde qui ne menaçait pas de vous engloutir dès que vous aviez le malheur de baisser la garde quelques secondes de trop. Le désert avait ses propres dangers mais Gotham était une adversaire qui ne se battait pas à la loyale et c'était un fait qui entrait en contradiction totale avec ce qu'on lui avait enseigné. Elle se surprenait de plus en plus à considérer la ville en son esprit comme une espèce d'entité supérieure. Cela signifiait-il qu'elle était en train de se laisser engloutir ? La vie qu'elle avait laissé de l'autre côté de l'Atlantique lui semblait désormais bien loin, comme mise en pause. Un arrêt sur image sur lequel elle n'était pas encore certaine de pouvoir revenir.
« Je rechigne à l'avouer mais il y a dans cette ville des adversaires d'une toute autre trempe que les mortels que j'ai eut l'occasion de croiser. Et à t'entendre on pourrait croire que tu parles d'un de ces rituels dont tu as le secret. »
La plaisanterie n'en était qu'à moitié une. Et elle se rappelait alors que celui qui avait partagé sa route il y a une éternité de ça était loin de n'être qu'un humain lambda. Elle l'avait découvert de façon brutale. Aussi faisaient-ils partie de cette catégorie de gens dont les Gothamites avaient tout à craindre ? Elle n'avait jamais fait dans la dentelle mais le peu de victimes qui étaient tombées en son nom n'avaient rien à voir avec des civils innocents. Et elle était loin de pouvoir prétendre égaler la malice qui pouvait habiter certains des illustres pensionnaires d'Arkham et de Blackgate.
Son regard se perdit lorsqu'il parla d'Asma et Artemis se permis quelques secondes pour redessiner en esprit les traits de la jeune fille. Avait-elle changé depuis tout ce temps ? Leur rencontre, aussi brève soit-elle, avait chamboulé sa vie avec la force d'un ouragan et fait dévier sa route dans une direction qu'elle n'aurait pas imaginé. Et voilà des mois qu'elle lui courrait après comme on court après un mirage. Il ne croyait pas si bien dire. L'adolescente avait laissé sa marque sur elle, une empreinte indélébile qui subsistait toujours. Alors, lorsqu'il lui proposa son aide, elle marqua un temps d'arrêt, considérant sincèrement la proposition. Elle aurait pu dire non pour une multitude de raisons. Par orgueil, par fierté, par réserve. Mais étaient-ce des excuses suffisantes ? Pouvait-elle se le permettre. Et au fond, en avait-elle envie ? Les mois s'ajoutaient les uns aux autres dans une attente sans fin et Artemis se sentait parfois lasse. Aussi, sans mot dire, elle se leva vers pour se diriger vers la pièce principale, ouvrant un tiroir d'une bibliothèque bancale pour en tirer une banale boite en métal, du genre qu'on utilisait pour ranger des registres ou des documents importants. Le couvercle et son verrou sautèrent mais en fait de document il n'y avait qu'un morceau d'étoffe pourpre, replié de façon désordonnée. Un hijab jeté à terre un soir de colère comme l'adolescente en avait eut des dizaines. Elle n'avait rien d'autre. En dessous, la silhouette sombre du registre de Cobblepot donné par Curry, le seul semblant de piste qu'elle ait pu trouver.
« Elle s'appelle Asma. Elle va bientôt avoir dix-sept ans. J'ai perdu sa trace quelque part dans les Cyclades alors qu'elle tentait de rejoindre l'Europe par la Méditerranée. Ca fera bientôt deux ans et les seules pistes que j'ai pu trouver m'ont ramenée à Gotham. Impossible de remonter plus loin. »
C'était comme si la gamine s'était évaporée dans la nature. Artemis réprima un pincement de lèvre sévère lorsque l'idée lui vint que c'était peut-être tout simplement ça. Qu'elle ne trouvait rien parce qu'il n'y avait plus rien à trouver. Ses doigts se resserrèrent autour du hijab à cette seule pensée, la colère montant doucement. Cette seule idée était inconcevable.
« Le commerce d'être humain est une entreprise détestable, cracha-t-elle avec dégoût, je ne peux me résoudre à l'abandonner et pourtant c'est comme si elle n'avait jamais existé. Te sens-tu de taille à retrouver un fantôme fugueur ? »
Quelques seconde d'aveux. Artemis était lasse et en colère. Elle qui était si peu encline à laisser parler la frustration et à avouer ses échecs, n'avait pu faire autrement. Et peut-être ces minutes d'égarement étaient-elles à l'origine de son manque de clairvoyance. Toujours est-il qu'un fracas au loin sembla l'arracher à sa petite séance d’apitoiement et qu'elle leva un œil inquisiteur, comme si elle avait pu déterminer l'origine de ce qui venait de les déranger. Mais de nouveau le silence. Comme si rien n'était venu troubler la solennité de leur conversation.
« Si tu as quelques chose à me dire c'est le moment où jamais. » prévint-elle sévèrement
Perdition et mélancolie n’étaient pas des émotions que Jason aurait un jour cru lire aussi nettement sur les traits altiers d’Artemis – si bien qu’il lui fut difficile de déterminer s’il avait eu droit à ce privilège en honneur de leur amitié passée, ou s’il avait tout bonnement touché un point particulièrement sensible. Sans égards à la réponse, l’immortel vieillard adoucit sa posture droite et la curiosité dans ses yeux gris, dans une rare démonstration d’empathie et de compassion. C’était bien là la malédiction des éternels dans leur genre : être les témoins impuissants de la disparition des uns et des autres, quand eux restaient immuables dans le cours de l’Histoire. Combien de fois par le passé s’était-il trouvé dans sa position à elle, à chasser des chimères dans l’espoir d’avoir quelque chose de tangible auquel se raccrocher ? Dans l’espoir incertain mais ô combien puissant de faire une différence ? A quoi bon leurs innombrables dons, à quoi bon leur immortalité s’ils restaient impuissants face aux rouages impitoyables du destin ? Blood se souvenait nettement, quelques années plus tôt, de conversations semblables dans les déserts de Jordanie. De l’impression impérissable d’avoir enfin trouvé, après des siècles de déambulation, une âme semblable à la sienne, en la personne étonnante d’une Amazone en exil volontaire. Une compagnie de courte durée, aussi éphémère que tout ce qui passait dans son interminable vie, mais y avait laissé une empreinte bienvenue sous la forme de souvenirs qui rendaient, quand il prenait le temps de s’y replonger avec un peu de nostalgie, la solitude de sa condition un peu plus supportable. Bien sûr qu’il comprenait. Bien sûr qu’il ne pouvait que respecter sa douleur et ses tourments qu’elle gardait pudiquement pour elle, mais dont il devinait les contours tranchants. Respectueusement, Jason s’abstint de tout commentaire, et l’observa gagner sa bibliothèque pour en tirer une boîte, dont elle retira une étoffe sombre. Jason ne dit mot, mais se leva silencieusement de son tabouret pour rejoindre l’Amazone et observer le hijab froissé qu’elle tenait entre ses doigts.
Asma. Les yeux gris de Jason quittèrent le hijab pour se lever sur Artemis, qui même sans chercher à se tenir droite faisait facilement une demi-tête de plus que lui (un constat qui n’avait de cesse de l’amuser, mais il doutait que ce fut le bon moment pour partager cette pensée), sondant la résolution butée qu’il lisait sur son visage, la colère et la lassitude et le refus de l’impuissance qu’il y lisait sans aucune peine. Pauvre Artemis – âme sauvage, revêche, et trop noble pour les monstruosités dont l’humanité se montrait inlassablement capable. Même avec tout le pouvoir, toute la force dont elle disposait, elle se heurtait à un mur de silence et de néant, et le monde continuait sa course dans la plus parfaite froideur et la plus parfaite indifférence sans même accorder un regard à ses efforts effrénés pour sauver une fille, une seule, un grain de sable dans le grand cours des choses. Preuve traîtresse et cruelle que les dieux avaient beau évoluer parmi les hommes, désormais, leur intervention n’était pas toujours synonyme de succès. « Fais-moi confiance. » répondit-il en prenant le hijab dans ses mains, précautionneusement. « A moins qu’Asma n’ait eu affaire à des entités magiques qui aient tempéré avec son aura, je suis certain que nous trouverons au moins une piste à remonter, et… » Il s’interrompit dans son discours, interpellé lui aussi par un son distant qui aurait pu passer pour normal à Otisburg, aux oreilles de n’importe qui. Mais c’était bien là l’ennui, avec eux : ils n’étaient pas n’importe qui. Jason fronça les sourcils, et faillit s’offusquer de l’accusation à peine voilée d’Artemis. « Voyons, tu ne penses pas sérieusement que je te cacherais – oh. Oh non. » lâcha-t-il avec sur le visage l’expression de réalisation de l’homme qui réalise qu’il a oublié quelque chose d’important. Oh Jason Blood, qu’as-tu encore fait. « Par la barbe de Merlin, quel imbécile je suis. » marmonna-t-il dans sa barbe en pliant la précieuse étoffe pour la ranger dans la poche intérieure de sa veste. Sans prendre la peine de se fendre d’une explication, il attrapa son katana et le chargea sur son épaule avant de repartir vers la cuisine et d’allumer la gazinière. Son regard parcourut les rares ingrédients sur le comptoir, avant qu’il n’attrape une boîte de poivre et n’en tire une pincée qu’il jeta sur le feu en marmonnant une formule – de la magie bricolée, loin de ce qu’il privilégiait d’habitude, mais il fallait savoir improviser. L’odeur de poivre brûlé s’éleva dans l’appartement, mais fut bientôt remplacée par l’odeur doucereuse et trop sucrée de fleurs qui auraient passé trop de temps à baigner dans l’huile de parfum. Jason se mordit la lèvre inférieure. Décidément, il l’avait bien mérité, son accueil un peu rude. « Des faes. Ou fées, selon la dénomination que tu préfères. J’ai eu une rencontre malheureuse avec l’une de leurs reines il y a quelques mois, elles me pourchassent depuis – j’ai dû oublier de renouveler le sort de protection qui me dissimulait à leur vue. My bad. » A sa décharge, Jason Blood devait renouveler beaucoup de sorts de protection, régulièrement. Etait-il vraiment étonnant qu’il en oublie un, malencontreusement ? L’erreur était humaine, après tout. Jason se maudit quinze fois intérieurement (et maudit aussi Etrigan, qu’il entendait rire quelque part à l’arrière de son esprit) puis regagna la pièce principale où il avait remarqué une porte qui menait sans doute vers un cagibi ou une salle de bains. Il sortit un bâton de craie de sa poche et, sans prendre la peine de demander l’autorisation, commença à rapidement dessiner des sceaux et runes divers autour de la porte. « Je sais que tu tiens à ton anonymat, je ne t’imposerai donc pas leur compagnie – ces créatures sont particulièrement désagréables, par-dessus le marché. Toutes mes excuses pour ce petit contretemps, je ne serai pas long. » déclara-t-il en achevant ses gribouillis t en contemplant son œuvre. « Si elles ne me dévorent pas vivant, évidemment. » ajouta-t-il avant de poser la main sur la porte et de déclamer une nouvelle formule. Le transfert de magie se fit instantanément, et Jason poussa le battant de la porte. Au lieu de donner sur la pièce habituelle qu’elle devait dissimuler, elle s’ouvrit sur un hangar d’Otisburg, non loin de l’immeuble d’Artemis. Une distraction suffisante pour leur éviter de venir ruiner son logement discret. Jason sortit son katana de son étui et dédia un regard un chouïa désolé à Artemis. « Par précaution, je te conseille quand même de répandre du sel sur les rebords de tes fenêtres et de tes portes. Ca devrait les tenir à l’écart si elles s’aventuraient de ton côté. Nous pourrons reprendre cette conversation plus tard. » Comme si Artemis était du genre à éviter le combat – mais savait-on jamais, peut-être qu’elle s’était assagie en deux ans. Et, en secouant la tête alors qu’il se sermonnait encore intérieurement de son imprudence, Jason passa le portail dimensionnel qui l’emmena au hangar, sabre à la main, prêt à en découdre une bonne fois pour toutes avec ces parasites.
Je suis partie sur les faes telles que montrées dans Hellblazer, aka des trucs en apparence mignons, de toutes les couleurs, avec des jolies ailes et tout, mais en vrai totalement psychopathes (et cons, donc faciles à tuer ) have fun
❝ Please allow me to introduce myself, I'm a man of wealth and taste. I've been around for a long, long year, stole many a man's soul and faith. ❞ The amazon and the demon, a sequel. Le silence qui s'était installé s'étira, se répandit dans la pièce comme une nappe de brouillard aux accents familiers. Des moments comme celui-ci ils en avaient initié des dizaines d'autres. Le décor avait bien changé en deux ans, les enjeux aussi malheureusement. La voix qui lui souffla qu'il aurait peut-être des réponses pour elle avait cette petite note d'espoir qu'elle ne lui avait pas vue depuis des mois. Depuis cette nuit improbable sur les docks et l'intervention quasi providentielle de Curry, la lassitude faisait doucement place à l'idée qu'elle aurait peut-être bientôt des réponses. En fait de providence, l'arrivée de Jason était un coup de pouce du destin presque inespéré. Même si elle se garderait bien de le flatter en le lui disant elle-même. Il s'était montré étrangement rassurant et l'espace de quelques secondes Artemis fut tentée de faire de même. Ses doigts tapotèrent le registre d'un air pensif.
« Les dernières informations dont je dispose convergent vers Cobblepot. Ce n'est pas dans ses habitudes à ce que j'ai entendu dire mais j'ai l'intention de m'en assurer. »
Et comme bien souvent lorsque les choses tournaient un peu trop en sa faveur, le destin ne tarda pas à rééquilibrer les choses en venant mettre un terme plus que brutal à leur conversation. Elle l'avait vu s'adonner à ses petits rituels suffisamment de fois pour se rendre compte que le résultat était loin de le satisfaire. Voilà pourquoi il ne fallait jamais se reposer sur ses laurier. L'univers était comme une grande balance qui n'aimait pas beaucoup qu'on vienne déstabiliser ses plans.
« Pourquoi je m'y attendais ? Ronchonna-t-elle sous cap, existe-t-il un être vivant dans ce monde ou dans un autre qui ne veuille pas ta mort ? »
Mais trop tard pour protester et l'accuser, il s'était lancé dans une série de manipulations rapides et l'amazone ne fut qu'à demi surprise de voir le portail apparaître en plein milieu de son hall d'entrée. Comptez sur Jason Blood pour venir transformer son quotidien terre à terre, fait de chasse aux petits truands bien mortels et bien humains en course contre la montre pour échapper à des bestioles ailées.
« J'espère que tu plaisantes ? Blood ! »
Mais il était déjà passé de l'autre côté et l'amazone laissa échapper une bordée de jurons colorés devant son couloir déserté et le vacarme de plus en plus proche. Fracas de vitre. Une fenêtre déjà fissurée explosa en une pluie de verre brisé qui se répandit sur le plancher et plusieurs créatures humanoïdes pénétrèrent dans son salon, prêtes à en découdre. Lançant des regards en tout sens, par on ne savait quel tour improbable, elles eurent l'air de réaliser rapidement que l'objet de leur colère ne se trouvait déjà plus là. La lame qu'elle brandit, prête à riposter ne sembla même pas les impressionner et Artemis se sentit presque vexée d'être ainsi ignorée comme si elle n'était que du menu fretin. Scène encore plus ahurissante, ces choses l'ignorèrent superbement pour s'engouffrer dans le portail. Splendide, cet appartement n'était devenu qu'un vulgaire hall de gare où on s'engouffrait sans la moindre considération. Pestant contre son invité inattendu et sa proportion à attirer toutes sortes d'ennuis, l'amazone laissa errer son regard du portail vers sa fenêtre ouverte aux quatre vents. L'hésitation ne dura que quelques secondes. Un énième juron coloré lui échappa et comme si elle prenait finalement une décision qui lui déplaisait, elle leva les yeux au ciel. La sangle de son arc retomba sur son épaule, souvenir familier dont elle ne se servait plus aussi souvent à Gotham mais dont la longue portée pourrait s'avérer utile. Mistress n'était jamais bien loin, quelque part dans cette dimension qui la liait à sa maîtresse.
« Je sens que je vais le regretter. » grommela-t-elle avant de passer la porte sans plus se retourner
Silence dans l'appartement déserté, l'agitation s'était déportée ailleurs. Comme une vision sortie d'un rêve, on aurait juré que tout ceci n'avait jamais existé. :copyright: 2981 12289 0
Y avait-il un être vivant dans ce monde ou dans un autre qui ne souhaitait pas ardemment sa mort ? Artemis était en droit de se poser la question, et Jason lui-même se la posait régulièrement – à cet instant néanmoins, il espéra tout de même que son nom à elle n’était pas à ajouter à la liste. Attirer malgré lui dans son salon une horde de fées prêtes à le déchiqueter à pleine dents n’était pas tout à fait l’idée qu’il s’était fait de leurs retrouvailles. Moins encore au moment où il lui faisait la promesse de l’aider, plutôt que de lui attirer des ennuis. En passant le portail qui le mena au milieu de ce hangar désert, personne ne pestait plus contre Jason Blood et sa tête de linotte que Jason Blood lui-même. Voilà pourquoi il évoluait seul, la plupart du temps. Parce qu’à chaque fois qu’il se laissait aller à renouer avec quelqu’un, le monde s’assurait de lui infliger une piqûre de rappel, et de surtout rappeler à son entourage que rester dans les parages ne leur apporterait que misère et désolation. Artemis de Bana-Mighdall n’était que la dernière sur la liste, et fort heureusement la plus à même de sortir de cet incident indemne. Indemne, et sans doute furieuse. Il eut été mal venu de lui en vouloir si d’aventure il lui prenait l’envie de le décapiter d’un coup de Mistress. De l’autre côté du portail, Jason s’avança de quelques pas dans le hangar encore désert, les doigts fermement agrippés au manche de son sabre, en retenant un soupir. Une nouvelle journée dans la folle vie d’un chevalier raté. Fantastique.
Ses considérations et son pessimisme disparurent en même temps que les maudites créatures passaient à leur tour le portail dans un bourdonnement infernal : Jason laissa tomber l’étui de son sabre au sol et ne perdit pas un instant, esquivant une première attaque d’une fée à des années-lumière des petites créatures enchanteresses des contes pour enfants. Hargneuses, dotées de crocs et de griffes acérées, aussi vives que les guêpes avec lesquelles elles partageaient sans doute des ancêtres communs mais dépassaient largement en taille, les filles et fils de Titania étaient bêtes, méchants, et sanguinaires dès lors qu’ils voulaient bien s’en donner la peine. Dommage que ça soit tombé sur lui. Avec la dextérité qui incombe aux épéistes forts de plus d’un millénaire d’expérience, Jason trancha sans hésitation dans la première fée qui passa à portée de lui, puis pivota sur ses talons sans perdre un instant pour en perforer une deuxième dans l’abdomen. Rapidement, il retira son sabre de sa victime pour parer l’attaque d’une troisième et contre-attaquer, méthodique, rapide, efficace – mais seul face à un véritable essaim. Soudain, une nouvelle silhouette, plus imposante, plus familière aussi, passa à son tour le portail. Jason, qui se débattait avec une autre créature, faillit se laisser désarçonner en posant les yeux sur son ancienne compagne de voyage. « Qu’est-ce que tu fais ? » l’apostropha-t-il, plus surpris de la voir débarquer qu’autre chose. Vite, il se baissa pour esquiver un nouvel assaut. « C’est mon erreur, mon combat, pas le tien. Tu n’as pas besoin de… » Il s’interrompit brièvement pour faire danser sa lame et repousser un nouvel assaillant d’un coup de pied bien placé. « … tu n’as pas besoin d’intervenir. » En manoeuvrant, Jason s’était accidentellement rapproché d’Artemis – et au moment où leurs regards se croisèrent, il comprit que la bataille était perdue d’avance. Artemis était presque plus têtue qu’Etrigan. Dans ses yeux brillaient le feu du combat – tout ce qu’il récolterait à lui dire de partir, ce serait sans doute une flèche dans la jambe. Blood soupira. « Très bien. Mais prends garde, ces choses sont particulièrement vicieuses, et leurs crocs acérés, même pour une Amazone. » l’avertit-il – et il n’y eut plus de temps pour parler, alors que l’essaim s’attaquait à ses deux cibles.
Un chevalier et une Amazone constituaient deux adversaires largement supérieurs à l’essaim de fées qui tentait d’en faire leur dîner, mais le processus n’en restait pas moins fastidieux. Sans relâche, la lame de Jason tranchait allègrement et sans pitié la chair de ses adversaires, le métal acéré du fil de la lame chantant alors qu’il fendait l’air avec une précision mortelle. Du coin de l’œil, l’épéiste gardait un œil sur sa compagne – non sans un curieux sentiment d’émerveillement alors que l’image de la formidable Amazone en pleine action s’imprimait dans sa mémoire millénaire. Voilà bien un spectacle dont il ne se lassait pas. Mais les créatures étaient nombreuses, et un petit groupe d’entre elle rassembla l’intelligence collective nécessaire pour tenter une attaque en formation – difficile de dire si elles visaient Artemis ou si elles le visaient lui, mais il décida de ne pas se poser la question. Profitant d’un infime instant de battement, il tendit la main vers un large conteneur vide, et, réveillant ses muscles télékinétiques un tantinet endormis, propulsa l’obstacle improvisé sur le petit groupe de fées. Strike. Diable, si seulement il pouvait se contenter de magie, pour se battre, la vie serait autrement plus simple. « Dis-moi au moins que ça te rappelle de bons souvenirs de Jordanie, je me sentirai moins coupable. » tenta-t-il avant de lever à nouveau son sabre.
❝ Please allow me to introduce myself, I'm a man of wealth and taste. I've been around for a long, long year, stole many a man's soul and faith. ❞ The amazon and the demon, a sequel. La première flèche fusa avant même qu'elle ait fini de passer le portail, cueillant l'une de ces charmantes créatures à la gorge alors qu'elle s'apprêtait à suivre ses camarades face à leur cible du jour. Le sifflement du projectile la ramena bien des années en arrière et l'amazone se rappela presque une période désormais révolue, bien loin de Gotham et de ses entrepôt mal famés. Mais pas le temps de s'appesantir sur la situation alors que le responsable de la situation devait faire face à une véritable vague de ces bestioles revanchardes, toutes griffes et crocs déployés. Un véritable essaim, compensant l'ingéniosité par le nombre et une obstination à toute épreuve semblait-il. Nouvelle salve de flèches pour repousser les plus proches d'entre elles qui s'effondrèrent au sol, transpercées par ses projectiles. Mais à présent qu'elle s'était rapprochée elle ne disposait plus de la distance nécessaire pour viser à son aise. La sangle de son arc passa par dessus son épaule d'un geste et Mistress apparue, plus pratique lorsqu'il s'agissait d'éloigner ces bestioles acharnées dans un rayon d'action suffisamment large. « Ton combat ? Railla-t-elle, ce n'est plus le cas depuis que ces choses ont pris mon salon pour un hall de gare ! Ca te va bien de jouer les nobles chevaliers après coup ! »
La lame de sa hache décrivit un arc de cercle qui fit vibrer l'air d'un sifflement menaçant. Elle le sentait qui évoluait autour d'elle, aux prises avec ses propres adversaires. Un coup d'oeil qui lui valu quelques secondes d'inattention. L'une des fées, enhardie, en profita pour franchir sa zone de protection, l'une de ses griffes lui éraflant la joue au passage. Dans un grognement indigné, l'amazone se saisit d'elle pour l'envoyer valser au loin. Propulsée par sa force supérieure, la créature s'écrasa contre un mur dans un craquement sinistre et Artemis lui dédia un regard dédaigneux, vexée de s'être faite ainsi avoir. Fracas de ferraille écrasée, un conteneur s'envola sans crier gare, raflant une nouvelle vague de fées au passage, les broyant dans un vacarme qui couvrit le son de leurs cris. L'amazone éclata de rire devant ses railleries.
« Avec moins de sable et plus de béton, peut-être ! » répondit-elle en riant
Combien de fois n'avaient-ils pas vécu la même chose ? Leur périple en Jordanie avait eut son lot d'aventures improbables et ce n'était pas la première fois qu'ils en étaient réduits à affronter des ennemis inattendus. Comme de vieilles habitudes qu'elle n'avait pas vraiment oublié, elle retrouvait une certaine aisance à combattre à ses côtés, comme ils l'avaient fait trois ans auparavant. Nul besoin d'échanger à l'avance, chacun savait de façon presque naturelle ce que ferait l'autre. Un ballet silencieux où les figures s'enchaînaient harmonieusement. L'ennemi à présent diminué, ne subsistait qu'une dernière vague de ces choses, s'apprêtant à leur tomber dessus. Lui lançant un coup d'oeil par dessus son épaule, Artemis dévoila un sourire carnassier suivit d'un hochement de tête.
Le rire franc d’Artemis arracha à Jason un sourire, lui qui un instant auparavant se serait attendu à sentir le baiser glacé de Mistress sur son cou pour avoir ruiné l’appartement (aussi miteux soit-il) qui servait de planque à sa camarade. Un rire qui secouait les méandres profonds et tortueux de sa mémoire et ramenaient à la surface les souvenirs, parfois plaisants, parfois chargés de danger, de ces quelques temps qu’ils avaient passés ensemble, coupés de tout et surtout du monde. Rien qu’eux, de trop nombreuses questions auxquelles ils ne trouvaient point de réponse, et d’extravagantes aventures qui n’auraient même pas à vocation de se hisser au rang de légende. Une épopée sans témoins, sans narrateur, et sans scribe, dont la mémoire ne survivrait qu’entre eux deux. Le constat avait presque quelque chose de doux-amer. Personne pour assister à cette association bizarre et pourtant si bien ficelée, d’un démon et d’une amazone. Au fond, ça n’était peut-être pas plus mal. Jason était un homme du passé, comme une vieille relique d’une époque révolue, et songeait souvent à ce qui avait été plutôt qu’à ce qui était présentement. Même avec une mémoire s’apparentant plus à un immense puzzle Jenga depuis qu’Etrigan avait cru bon de lui triturer le cerveau dans tous les sens, il se complaisait dans ses morceaux de souvenirs désassemblés, parfois, se surprenait à reconnaître des extraits de ses aventures avec Artemis au milieu de ses exploits avec les Demon Knights. Comme si elle aurait pu y avoir sa place – comme si les deux étaient à placer sur un même et étrange piédestal. Des temps plus simples, plus insouciants, malgré Etrigan, ou plutôt, en défiance d’Etrigan. La présence d’Artemis avait ce même parfum de nostalgie et de possibles, là où l’ordinaire était plutôt fait de résignation et de fatalité.
Jason fit tourner son poignet et sa lame comme pour brièvement s’échauffer, alors qu’autour d’eux gisaient déjà nombre de ces fées maudites. C’était facile de combattre dos à dos et côte à côte quand la force de l’habitude revenait au galop, et Artemis avait toujours été l’une des meilleurs partenaires avec lesquelles il ait jamais eu l’honneur d’échanger des coups de lame – uniquement précédée, peut-être, de Sir Ystin, mais Sir Ystin se rangeait peut-être encore au-dessus d’eux dans la catégorie des êtres inhabituels et exceptionnels. Plaçant son autre main sur la garde de son sabre, l’ancien chevalier de Camelot se mit en garde, des siècles d’entraînement trahis dans sa posture impeccable et assurée. « Toujours. » sourit-il, malice et enthousiasme presque juvénile pétillant dans ses yeux gris alors qu’il lui retournait son regard. Comme au bon vieux temps. En voilà, des paroles qui sonnaient doux à ses oreilles. Les dieux et déesses seuls savaient à quel point l’éternité pouvait se faire longue, dès lors qu’on était privé de compagnie – et à part sa joyeuse bande des Demon Knights et ces braves Harry et Ranju, Artemis pouvait se targuer d’avoir été l’une des seules à réellement laisser une empreinte indélébile sur une histoire vieille de près de mille cinq cents ans.
Armée de Mistress, Artemis se faisait force de la nature, aussi dévastatrice et meurtrière qu’un ouragan – Jason, lui, tranchait dans le tas avec la force tranquille et inamovible d’un puissant courant d’eau, heureux de lui laisser la part belle et de lui servir de support, bien qu’ils échangent parfois les rôles le temps d’une passe savamment exécutée, à la manière d’un tango sanglant. Dos à Artemis, Blood s’assurait qu’aucune créature ne puisse s’aventurer trop près d’elle et de ses angles morts – et lorsqu’elle pivota pour prendre une fée à revers, il se laissa instinctivement glisser à terre et roula juste sous la lame de Mistress avant de retrouver son équilibre et reprendre le combat exactement là où il l’avait laissé. Sa lame traversa le poitrail d’une nouvelle fée, avant qu’il ne l’en retire sèchement, ignorant le sang qui gicla sur son costume. Ah ça, ils les avaient répété, ces mouvements, lors de leurs heures de creux dans le désert jordanien. Et lorsqu’ils avaient échangé quelques coups à titre d’entraînement, il s’était toujours bien défendu… mais s’était quand même quasi-systématiquement retrouvé à terre. « A ta droite. » intima-t-il en se retournant, passant son sabre d’une main à l’autre avant de se fendre en avant pour perforer un nouvel adversaire un peu trop proche de sa compagne – et l’instant après, c’était elle qui reprenait la danse en achevant une de ces monstruosités sur le point de planter ses dents dans son épaule. Oups. Merci Artemis. Un bourdonnement caractéristique attira son attention, et, remarquant trois fées alignées sagement en rang d’oignon alors qu’elles fonçaient sur eux, Jason décida de jouer son va-tout. D’un mouvement de bras, leste et calculé, il jeta son sabre comme il aurait pu jeter une dague – et coup de chance ou coup d’éclat, la lame cloua les trois créatures au mur derrière elles. Pas peu fier de sa prestation, il adressa un sourire à Artemis… juste avant qu’une dernière et ultime vague ne fasse son apparition dans le portail. « … je sors le démon de compagnie de sa cage, ou tu gères ? » demanda-t-il en adressant un regard un poil dépité à l’impressionnante Amazone.
❝ Please allow me to introduce myself, I'm a man of wealth and taste. I've been around for a long, long year, stole many a man's soul and faith. ❞ The amazon and the demon, a sequel. Leur duo s'était reformé avec une aisance quasiment naturelle mais ça n'était pas vraiment une surprise. C'était le genre de chose que vous gardiez gravé en vous pour toujours. Un langage qui vous restait chevillé au corps . Des heures innombrables en autarcie s'en étaient chargé pour elle. Ca et une alchimie quasi mystique qu'ils ne devaient qu'au hasard qui avait fait se croiser leurs routes.
Nouveau fracas de lames et elle le senti qui se plaçait dans son dos, la force du coup qu'il para envoyant une vibration déplaisante le long de sa colonne. Elle en était à se demander si ces choses leur parvenaient d'une dimension sans fin, à force de les voir surgir toujours plus nombreuses. De vrais nuisibles qui à la différence de ces fichus blattes étaient pourvues de dents. Et se montraient également beaucoup plus hargneuses.
Lorsque Jason proposa de faire appel à son encombrant colocataire, l'amazone senti malgré elle une pointe d'appréhension au souvenir de sa dernière rencontre avec le démon faiseur de rimes. Etrigan était d'une engeance bien différente de celle de l'ex-chevalier et l'échange avait été des plus percutants. Ce qui n'empêcha pas un sourire un brin carnassier de venir fleurir sur ses lèvres à cette seule idée. Voilà qui ne manquerait pas de pimenter leurs échanges. Et son intervention pourrait être une idée sacrément efficace aux vues du nombre toujours grandissant de leurs adversaires. Le tout était de pouvoir le remettre dans sa boite après utilisation.
Aujourd'hui encore, son avis n'était clairement pas fait sur cette entité. Il y avait quelque chose de purement malfaisant chez cette chose. Une aura poisseuse et désagréable. Ca vous collait à l'âme et au corps bien après que vous vous en soyez débarrassé. Sans compter qu'il faudrait le renvoyer au panier une fois fini. Artemis éprouvait une certaine ambivalence à cette idée, partagée entre l'appel du sang et les souvenirs de son dernier affrontement. Sa connaissance des phénomènes de possession était quasi inexistante lorsqu'elle avait croisé la route de Jason et elle se rappelait encore sa stupéfaction lorsqu'il lui avait confié le secret de sa libération. Après malheureusement que son compagnon n'ait perdu le contrôle de son hôte envahissant. Le mal étant fait, il n'avait eut d'autre choix que de lui révéler la vérité. Mais se voir confier un secret si crucial avait fini de dérider l'Amazone. Ce qui ne l'avait pourtant pas empêché de se montrer particulièrement revêche après ça. Question d'apparences. En vérité elle était bien consciente du poids de cette révélation et un peu honorée d'en être la détentrice. Mais ça, il n'était pas obligé de le savoir. Peut-être s'en doutait-il un peu mais il n'y avait pas de place ici pour le sentimentalisme et ils étaient de toute façon trop habitués à ces petites railleries qui avaient toujours fait le lits de leurs échanges.
Mais l'heure n'était déjà plus aux tergiversations et ces immondes bestioles se ruaient sur eux, toujours plus nombreuses. L'amazone eut tout juste le temps de voir son acolyte se saisir de son épée de l'autre main. L'esquive dans laquelle elle se lança l'amena par un mouvement qui tint plus de la chance que de l'ingéniosité à le contourner dans un tourbillon de mèches rousses qui lui enserrèrent la nuque dans un fouettement vif.
« Il m'avait presque manqué celui-là ! Railla-t-elle, à ta guise. Mais il vaut mieux pour nous qu'il se laisse remettre en boite après ! »
Y arriverait-elle de nouveau ? La théorie ne suffirait pas toujours et il était à espérer que ce fameux secret lui serve enfin à quelque chose de bien concret. Le tout était de pouvoir mettre la clé à sa serrure. D'un geste de salut de la main elle l'invita à poursuivre.
Si toute cette affaire tournait mal, ils ne pourraient vraiment s'en prendre qu'à eux-même. :copyright: 2981 12289 0
A dire la vérité, il avait espéré qu’elle dise non. Elle et Mistress auraient dû, en théorie, largement suffire à mettre la dernière vague de fées hors d’état de nuire, mais il y avait toujours ce risque, cette infime chance, terrifiante, glaçante, que ça ne suffise pas. Une raisonnement qu’Artemis avait dû suivre aussi, visiblement, puisqu’elle fit voler en éclats les espoirs de Jason en acceptant son offre de sortir Etrigan de sa prison. Pendant l’espace d’un instant, il crut même qu’elle plaisantait, et la regarda d’un air estomaqué avant de comprendre qu’elle était parfaitement sérieuse – et la surprise laissa place à l’effarement. Contrairement à elle, il ne se souvenait pas de son unique affrontement avec le démon ; pas vraiment, seulement par des bribes de souvenirs qu’il avait réussi à arracher à son encombrant locataire, et le récit qu’elle lui en avait fait par la suite. Un récit suffisamment alarmant pour qu’il lui offre, à elle, la clé pour renfermer Etrigan dans son hôte. Peu nombreux étaient ceux qui pouvaient se targuer d’accomplir cet exploit, à avoir reçu la bénédiction de l’hôte pour utiliser le sortilège, bénédiction nécessaire pour réussir si l’on n’était pas un magicien accompli. Tellement peu, à la vérité, qu’elles se comptaient sur les doigts d’une main : Sandra Kincaid, son improbable acolyte de la GCPD, et elle, Artemis, Amazone renégate qu’il associerait toujours à une quête sans fin dans un désert chargé de secrets. Jason allait protester, l’implorer, peut-être, lorsqu’une nouvelle vague de fées leur fonça dessus, et il n’avait plus d’épée pour l’aider à se défendre, et il sentit sa gorge se serrer abominablement alors qu’il avait déjà, au bord des lèvres, les vers fatidiques et sur la langue le goût âcre des flammes de l’Inferno. « Ne me laisse pas là-bas trop longtemps, dans ce cas. » se contenta-t-il de plaisanter – à moitié seulement.
Et, la mort dans l’âme, tentant tant bien que mal de croire en Artemis plus qu’il ne croyait au pouvoir de destruction de son double, il s’écarta d’elle, et prit une longue inspiration. « Gone, gone, o form of man… » marmonna-t-il, et du fin fond des enfers, s’éleva un écho ô trop familier, et toujours aussi terrifiant. Même après quinze siècles et plus de sang versé encore. Du coin de l’œil il la vit cueillir deux fées d’un revers de Mistress, mais ces choses étaient encore nombreuses, et toujours plus vicieuses. Allons. Lui ne pouvait plus l’aider – l’autre, en revanche… « … and rise the demon Etrigan ! » La colonne de feu infernale que vomirent les entrailles de la terre sous ses pieds fut assez pour carboniser une malheureuse créature qui avait cru bon de lui foncer dessus toutes dents dehors – et lorsqu’une autre fila pour finir le travail de sa sœur cuite à point, elle fut accueillie, non pas par la lame d’une épée, mais par les griffes acérées du plus grand prédateur foulant présentement ce monde. La fée laissa échapper un râle de douleur avant de s’écraser au sol, et très vite, fut réduite au silence par le pied lourd et impitoyable de son assassin. Et un rire, caverneux, cruel, et démoniaque, résonna dans tout le bâtiment.
« Une fois de plus, la fin est proche, le désastre sans nom, Et comme toujours, c’est Etrigan qu’on appelle, la paix au prix d’un démon ! » s’exclama-t-il, ses yeux carmins scannant la scène devant lui – allons bon, dans quel pétrin Blood s’était-il encore fourré, cette fois ? Des fées, bien entendu ; sales créatures, vicelardes et franchement stupides, qui laissaient un goût trop sucré sur la langue. Mais voilà quelques mois qu’Etrigan n’avait pas foulé le plan mortel de l’existence – il n’allait pas faire la fine bouche. Et enfin, son regard incandescent se posa sur la haute silhouette d’Artemis ; et aussitôt, un grognement sauvage lui échappa, ses crocs pointant sous ses lèvres retroussées. « Je te reconnais, l’Amazone du désert. Je me souviens de notre duel, et… VAS-TU ME LAISSER PARLER, MISERABLE VER ? » rugit le démon en attrapant une créature ailée par la gorge à l’instant où elle allait lui planter ses crocs dans la jugulaire – puis il en attrapa une autre au vol, et avec un grognement satisfait, leur fracassa le crâne l’une contre l’autre. Leurs boîtes crâniennes éclatèrent comme de vulgaires œufs, et le démon laissa leurs carcasses retomber par terre. Grmbl. Lui couper la parole en plein monologue – quelle impertinence. « Je disais donc – par les cornes de Belzébuth, je déteste qu’on m’interrompe ! » aboya-t-il encore, et cette fois, sous l’assaut de trois fées, le démon n’eut d’autre choix que de se taire et de les déchiqueter sous le tranchant de ses griffes, avant de bondir aux côtés de l’Amazone. Se battre à ses côtés, cette perspective lui donnait presque la nausée – hélas, il semblait bien qu’il n’ait pas le choix, pour cette fois. Maudit sois-tu, Jason Blood. « Je commence à comprendre pourquoi mon hôte m’a invoqué. Soit, sulfureuse créature, pour cette fois, tu as gagné ! Que l’Histoire m’en soit témoin, En ce jour, un démon et une Amazone se battront main dans la main ! » s’exclama-t-il – et tel un formidable dragon, convoqua une bouffée de flammes infernales qu’il projeta de sa gueule terrifiante, balayant l’essaim dans une fournaise malodorante. Artemis bénéficierait de sa sauvagerie le temps de terminer ce combat. Mais pas plus. « Que ça n’en devienne pas une habitude. » lui souffla-t-il, mauvais joueur, avant de se jeter d’un bond au milieu de l’essaim, toutes griffes et crocs dehors, les flammes du purgatoire débordant de sa gueule et brûlant tout ce qui avait le malheur de lui tomber sous la main. A eux deux, cette invasion ne serait bientôt plus qu’un lointain mauvais souvenir, vaguement embarrassant.
Spoiler:
Et histoire que tu n'aies pas à fouiller nos vieux mps, quand tu voudras te débarrasser d'Etrigan, la formule c'est "Yarva Demonicus" ou bien "Gone now, o Etrigan, and rise again, the form of man", comme tu préfères, les deux marchent
❝ Please allow me to introduce myself, I'm a man of wealth and taste. I've been around for a long, long year, stole many a man's soul and faith. ❞ The amazon and the demon, a sequel. Il y eut un moment de flottement après ça et Artemis senti ses lèvres se pincer bien malgré elle. Elle avait eut le sentiment que quelque chose ne tournait pas rond sans pour autant pouvoir mettre le doigt dessus. La situation ne se prêtait pas vraiment à un interrogatoire en règle et elle n'eut pas le loisir de tirer les vers du nez à son malchanceux coéquipier. Mais l'Amazone eut la sensation qu'il était dorénavant moins prompt à agir. Étrange puisqu'il avait été le premier à émettre sa suggestion. Mais il n'était plus temps de revenir sur sa proposition, les choses s'enchaînaient déjà à une vitesse folle. Elle l'attrapa par le revers de son vêtement, plongeant son regard dans le sien, juste avant qu'il ne se lance.
« Je te ramène aussi vite que possible. » promit-elle
Le démon fit son entrée dans un formidable déluge de flammes qui la força à prendre du recul vivement pour ne pas se trouver dans son champ d'action. Le brasier fut suffisamment grand pour emporter quelques unes de ces maudites créatures dans son sillage et Artemis senti son souffle brûlant sur son visage. Et puis Etrigan fit son apparition, tout aussi grandiloquent que le souvenir qu'elle avait de lui. Si elle avait dû mettre un mot sur sa réaction, l'amazone aurait dit que le démon se senti circonspect d'être tiré de sa prison pour affronter une horde de parasites en furie. Du menu fretin par rapport à ce qu'il devait être habitué à combattre. Quoique soumis au bon vouloir de son hôte, il ne devait pas avoir souvent le choix des armes en matière de victimes à se mettre sous la dent.
« Ne te fait pas d'illusion, cette petite alliance n'est que temporaire. » répliqua-t-elle avec un sourire un brin carnassier
Elle retrouvait quelques vieux réflexes mis de côté depuis son arrivée dans le monde des hommes. Un regain de violence, l'ivresse du sang. Peut-être que se mêler aux humains l'avait sensiblement assagie mais cette part d'elle même ne se trouvait jamais très loin, témoin de vieux souvenirs. Mais elle n'avait pas envie pour autant de s'allier à un démon plus longtemps que nécessaire. Ce qui ne l'empêcha pas de prendre quelques secondes pour apprécier l'énergie avec laquelle il se jeta dans la bataille. Tout de griffes et de crocs, il n'avait manifestement pas envie de faire traîner l'affaire plus longtemps que nécessaire. A vrai dire, il n'aurait probablement pas vraiment besoin d'elle pour repousser l'invasion. Ces fichus bestioles ne firent pas le poids face à sa force de frappe et l'amazone se tenant hors de portée, s'appliqua à abattre les quelques spécimens déserteurs qui tentaient de prendre la clé des champs. Les coups pleuvaient sans discontinuer et elle se rendait bien vite compte que le flux qui venait du portail semblait s'être enfin tarie. Pas trop tôt, ils avaient dû venir à bout de la moitié de la population féerique du coin. Ce n'était plus qu'une question de temps.
Visiblement pressé d'en finir, le démon projeta une vague de flamme qu'elle évita de justesse. Il s'en était fallut de peu pour qu'elle ne se retrouve prise dans le rayon d'action de cette fournaise et l'amazone se morigéna intérieurement. Elle ne pouvait pas se permettre d'oublier qui se trouvait face à elle.
« Ne me confond pas avec ces sales bestioles ! » protesta-t-elle en grondant :copyright: 2981 12289 0
Non, Etrigan n’était pas exactement ravi d’être sorti des flammes de l’enfer pour servir de larbin à son hôte et se débarrasser d’un essaim de fées – des adversaires bien peu dignes de ses talents, à ses yeux, et encore moins de son rang de prince infernal, et ces moments où Jason le sortait de son arsenal tel une bête féroce soumise à son bon vouloir, ne faisait que lui rappeler sa condition première. Celle d’un démon, pris au piège par la volonté de son demi-frère honni, enchaîné par un poème qui cristallisait leur malédiction commune. Mais Etrigan n’était, et ne voulait être, l’esclave de personne. Quinze siècles, que lui et Jason traversaient les continents et les âges, enchaînés l’un à l’autre comme de vulgaires personnages d’une triste farce à laquelle personne n’avait songé pertinent d’écrire un chapitre final. Ce n’était pas ça, la destinée d’Etrigan le démon. Fils de Belial, prince des enfers, il était bâti pour la gloire et le pouvoir – pas pour être traîné dans la boue, ramper au gré des caprices d’un trouillard d’humain, et se retrouver à se battre aux côtés d’une Amazone qui n’avait jamais manifesté pour lui qu’inimitié. Maudites enfants des dieux. Même s’il devait bien l’avouer, celle-là avait un feu en elle qui brûlait presque aussi intensément que les flammes de l’Inferno – et qui la lui rendait un tout petit peu plus sympathique que ses semblables. Non qu’Etrigan ait une grande expérience en matière d’Amazones, mais ce qu’il en avait vu lui suffisait largement.
Mais Etrigan était bien trop fier pour accepter de laisser le devant de la scène à une autre, aussi talentueuse soit-elle avec sa hache géante qui avait dû coller bien des complexes à quelques humains moins futés qu’elle ; et le démon s’en donnait à cœur joie, lacérant la chair de ses adversaires, leur arrachant les ailes dans de grands éclats de rires qui ressemblaient plus à des rugissements sauvages, les décapitant d’un coup de griffe sans prendre la peine de mesurer sa force. Qu’importait la sauvagerie – puisque Blood avait jugé bon de le libérer, pourquoi ne pourrait-il pas en profiter, d’abord ? L’apostrophe d’Artemis, enfin, lui arracha un nouveau rire tonitruant. « Mes excuses, ma dame ; tout cet exercice, me rend tout feu tout flamme ! » s’exclama-t-il avec une joie féroce, une vague incendiaire jaillissant à nouveau de sa gueule béante pour engloutir tout ce qui se dressait sur son chemin – excepté l’Amazone, bien entendu. Et très vite, l’afflux de créatures se tarit, comme une source épuisée, et le nombre de victimes sortant du portail ouvert par Blood s’amoindrit. A leurs pieds gisait un tapis de cadavres démembrés, contorsionnés comme de grotesques marionnettes. D’un coup de serres, Etrigan envoya la dernière créature s’écraser contre le sol dans un craquement sinistre, et enfin, le silence retomba sur le hangar, à peine dérangé par les derniers râles d’agonie de leurs victimes. Etrigan prit une profonde inspiration, humant l’air, et grimaça – trop sucrée, l’odeur de ces créatures était bien trop sucrée. Yuck.
Etrigan se redressa de toute sa hauteur, prédateur triomphant et un peu imbu de lui-même, et se tourna lentement vers Artemis, flammèches débordant encore de sa gueule comme l’écume déborde de la gueule d’un chien furieux, et un ricanement s’éleva de sa gorge caverneuse. « Le temps passe, mais les Amazones ne changent pas ; toi, surtout, restes constante, quelle que soit la voie. Déserts de Jordanie ou hangar de Gotham – à dire vrai, je comprends pourquoi mon hôte en avait le vague à l’âme ! » musa le démon en s’approchant lentement, sa lourde silhouette se mouvant pourtant avec la souplesse du lion trop longtemps gardé en cage. Sous cette forme imposée par la malédiction de Merlin, Etrigan n’était pas aussi grand qu’il aurait dû l’être, et dominait moins l’impitoyable guerrière qu’il aurait dû. Tant pis. Il n’était guère en position de faire la fine bouche. « Je n’ai guère pour habitude de porter les Amazones dans mon cœur, mais tu pourrais presque faire exception, et dans les armes, presque mériter le titre de sœur. Je crois me souvenir aussi que ce lâche de Jason t’a enseigné les vers qui scellent notre destin ; quel dommage, quelque part, de penser que notre association n’aura pas de lendemain. » Un sourire carnassier suspendu au coin des lèvres, ses yeux carmins rivés dans ceux inflexibles d’Artemis, il ajouta : « Qu’en penses-tu, chère guerrière ? As-tu d’autres ennemis à abattre, ou peut-être envie de croiser le fer ? » Essayait-il de gratter quelques minutes de plus à la surface pour tromper son ennui, ou avait-il un plan plus élaboré derrière la tête ? Cela, Etrigan seul le savait – et Jason, qui, quelque part en Enfer, essayait déjà de reprendre le contrôle, mais le démon ignora ses pathétiques tentatives, trop curieux de savoir si Artemis allait céder à l’une de ses propositions, ou opter pour la voie de la sagesse.
❝ Please allow me to introduce myself, I'm a man of wealth and taste. I've been around for a long, long year, stole many a man's soul and faith. ❞ The amazon and the demon, a sequel. L'affaire fut pliée en quelques minutes à peine. Elle n'en avait pas douté une seconde mais c'était toujours quelque chose de voir le démon à l'oeuvre. Celui-ci ne s'était pas fait prier pour se débarrasser de ce qu'il considérait comme de vulgaires parasites. Et le fait qu'il ne fasse même pas mine de refuser aurait presque pu faire naître le doute dans son esprit si elle avait eut le temps de s'y attarder. Mais son attention était focalisée sur les dernières fées occupées à déserter. Ce ne fut pas bien long et bientôt ils se firent face dans le silence des entrepôts. Artemis eut tout à coup conscience de qui se trouvait face à elle et il fallait admettre qu'il en imposait par sa seule présence. L'Amazone n'était pas prête à baisser sa garder maintenant que leur ennemi était à terre. Face à ce qui ne pouvait être rien d'autre qu'un compliment, elle se contenta d'incliner le buste dans une parodie de révérence.
« Je me suis fait une spécialité d'être là où on ne m'attend pas. »
Et ce n'était pas peu dire. Même si elle se garderait bien d'approuver ce qu'il disait, elle savait néanmoins que ces mois passés dans le désert auraient toujours une place particulière dans le drôle de voyage qui l'avait menée là où elle était. Un voyage à tout point de vue, d'autant plus métaphorique à présent qu'elle avait plus de recul sur la situation. La Jordanie ne reviendrait plus jamais mais les images étaient pour toujours gravées dans sa mémoire. Et tout ce qui allait avec.
« Prends garde, on pourrait croire que tu as fini par te laisser attendrir. Je ne te manquerais pas bien longtemps, je n'en doute pas ! » railla-t-elle le ton badin
Peut-être bien qu'elle n'aurait pas dû répondre sur le ton de la taquinerie. Etrigan n'était pas une créature avec qui on pouvait parler à la légère. Mais il savait d'ors et déjà qu'elle n'avait pas l'intention de prolonger leurs échanges. Elle avait promis et il valait mieux ne pas se trouver trop longtemps au contact du démon.
« Tu m'en vois bien désolée mais j'ai promis à quelqu'un de faire vite, répondit-elle pas déçue pour un sous, mieux vaut ne pas trop profiter des bonnes choses, tu en perdrais la saveur. »
Et elle ne lui laissa pas d'avantage le temps de tergiverser. Elle n'avait jamais eut l'intention de le laisser à la surface plus que nécessaire et elle n'eut qu'à faire appel à se souvenirs pour faire remonter à sa mémoire la formule apprise bien des années auparavant.
« Gone now, o Etrigan, and rise again, the form of man ! »
Les mots lui semblèrent une langue étrangère, tant elle n'avait pas eut l'habitude d'en user. La magie était une force si mystérieuse et capricieuse, qu'en dépit de ses origines, l'amazone l'avait toujours traitée avec un certain respect mâtiné de méfiance. Quelque chose sembla répondre à son incantation. Comme une voix dans les tréfonds de sa conscience qui répondit à son appel. Ca monta avec force et l'amazone senti comme une vibration intense qui emplie tout son être, la terrassant comme une lame de fond. Artemis fut frappée quelque part au fond de sa poitrine et sous la violence du choc, l'amazone ferma brièvement les yeux, sentant une bouffée d'un air brûlant lui fouetter le visage. Ce fut comme un raz-de-marée invisible qui la terrassa elle et la pièce autour d'elle avant de disparaître en un clin d'oeil. Le silence retomba brutalement et on n'aurait presque pas cru ce qui venait de se passer, si ce n'était l'étrange atmosphère électrique qui persistait et une bizarre odeur de souffre, signature de son visiteur du soir.
Son regard se planta instantanément vers son comparse récemment libéré et ses yeux prirent une lueur dangereuse. Elle n'avait pas oublié ces quelques secondes d'hésitation qu'elle avait perçu juste avant qu'il ne cède la place à son infernal colocataire. Et l'idée d'en être la responsable l'emplissait d'un doute désagréable qui ne lui plaisait guère.
« La prochaine fois qu'il te prends l'idée de jouer les agneaux sacrificiels, ne me demande pas d'être ton bourreau. » lâcha-t-elle sans ambages
Mais elle eut beau prendre son air austère, la lueur de soulagement au fond de son regard démentait le mordant de ses mots.
Il les avait parcourues, ces étendues incandescentes – combien de fois exactement, il serait incapable de le dire, les souvenirs fondant les uns dans les autres pour ne former plus qu’un désagréable marasme au fond de son esprit chaque fois qu’il refaisait surface. Et pourtant, si l’on s’habituait au voyage, il n’avait toujours rien d’agréable, même après des centaines d’escales. Le souffle court, sa haute silhouette pourtant bien insignifiante comparée à celle imposante et monstrueuse de ses compagnons de captivité cachée derrière un rocher en fusion, Jason se risqua à jeter un œil hors de sa cachette, se demandant s’il avait échappé à ses poursuivants. L’enfer qu’il connaissait, celui avec lequel il était familier, était l’enfer le plus primaire qui soit – celui que dont les démons avaient fait leur royaume, plutôt que celui dans lequel les damnés passaient leur éternité. Quelques malheureux finissaient dans ces bas-fonds à servir de larbins aux seigneurs locaux jusqu’à la fin des temps, mais globalement, il devait être l’un des rares êtres humains à fouler ces terres – et il doutait que les démons apprécient de le trouver là. C’était comme ça à chaque fois. Etrigan remontait à la surface, et lui, le malheureux hôte, devait faire de son mieux pour ne pas finir entre les griffes de Belial ou de Lucifer en attendant que le démon ne consente à intervertir à nouveau leurs positions. Un exercice auquel il était désormais habitué, mais tout de même fondamentalement épuisant. D’autant qu’il n’était, d’expérience, vraiment pas agréable de tomber nez-à-nez avec le père d’Etrigan, ou le seigneur des lieux.
Mais surtout, il avait laissé Artemis seule avec son démon de compagnie, et c’était ce souci-là qui lui causait le plus d’inquiétude. Bien sûr qu’il lui faisait confiance pour lui tenir tête si les choses venaient à déraper, mais avec Etrigan, qui pouvait vraiment dire de quel côté la balance allait pencher ? Il était fort – remarquablement, malgré la malédiction de Merlin. Il était fourbe, et retors, et sans pitié. Le cœur de Jason se serra dans sa poitrine. Il n’avait pas vraiment réfléchi avant de proposer à Artemis de lui prêter son alter-ego le temps de la bataille, trop confiant, trop… Oui, trop confiant. En elle, et en sa supériorité sur Etrigan. Parce qu’elle l’avait déjà défait une fois, il n’avait pas réfléchi avant de se demander si elle pouvait ou non le refaire. Et s’il lui arrivait quelque chose à cause de sa propre imprudence, et qu’Etrigan était ensuite lâché sur le monde, il ne se le pardonnerait pas. Mais soudain, un choc s’échappa de sa poitrine – et dans les tréfonds de son esprit, il entendit une voix, bien familière, et pourtant pas celle de son cher démon, réciter les vers fatidiques. Gone, now, o Etrigan… Une vague de soulagement le submergea, et Jason serra les dents alors que sous ses pieds, les flammes infernales faillirent en cascade. Son corps devenu brasier se scinda en millions de morceaux – seigneur, que le processus restait désagréable, même quinze siècles plus tard – et l’instant d’après, il avait réapparu, titubant sur ses jambes et sonné par le choc, mais bien en un seul morceau, dans ce hangar désert. Presque désert.
Hébété, Jason balaya l’espace des yeux, contemplant le tapis de cadavres de fées à ses pieds, puis releva le regard vers Artemis, déjà prêt à la remercier – mais ce qu’il lut dans son regard lui cloua le bec bien avant qu’il ne l’ouvre. Oups. Elle était fâchée. Bien joué Blood. Mais sitôt qu’elle ouvrit la bouche pour le sermonner, il sentit ses épaules se détendre, et laissa échapper un soupir de soulagement. « Je sais. Pardon. La démarche était fort peu galante de ma part. » répondit-il, bon perdant. Il l’avait placée dans une situation difficile malgré elle, l’avait forcée à endosser une responsabilité qu’il ne souhaitait pourtant à personne. Et elle s’en était tirée avec brio. Il n’en avait jamais attendu moins d’elle. Se raclant la gorge, il ajusta le col malmené de sa chemise, et enfonça les mains dans les poches de son pantalon pour masquer sa gêne. « Vous vous en êtes bien sortis tous les deux on dirait. J'en serais presque jaloux. » commenta-t-il, champion de l’euphémisme, en désignant vaguement le carnage tout autour d’eux. Si toute la population féérique de Gotham n’avait pas été décimée, il voulait bien changer de place avec Etrigan pour toujours. L’ancien chevalier enjamba quelques dépouilles et alla tirer son sabre de là où il s’était encastré, puis revint se poster aux côtés de sa compagne. « Nettoyons ça avant que quelqu’un ne débarque. » suggéra-t-il avant de frotter ses mains l’une contre l’autre, puis de les tendre devant lui, paumes tournées vers le sol – et il ferma les yeux, et murmura une incantation, et aussitôt une énergie ancienne et noire émana de lui et emplit la pièce. Et en un instant, le tapis de cadavres se transforma en poussière de cendre ; et alors qu’il rouvrait les yeux, un courant d’air commença déjà à balayer l’incident bien loin d’eux. Satisfait, il osa reporter ses yeux gris sur Artemis, et lui adressa un sourire amical. « Allons, il y a bien quelque chose que je dois pouvoir faire pour me faire pardonner, non ? L’intrusion et l’invocation. Mais rentrons chez toi d’abord – je crains que garder ce portail ouvert trop longtemps ne finisse par encore attirer l’attention des mauvaises personnes. » Et, alors qu’il s’apprêtait à retraverser le portail en question, il s’autorisa même une plaisanterie. Parce qu’à quoi bon l’immortalité, si on ne pouvait pas vivre dangereusement ? « Et je crois qu’on a un petit problème de fenêtre à régler, non ? »
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j'espère que je me suis pas trop foirée