Voir Batman vaincu, ça avait toujours un effet particulièrement plaisant pour les vainqueurs. Ce n'était pas quelque chose d'anodin, après tout, et avec tous ces ennemis, toutes ces années de combat, tout ce cirque, le Chevalier Noir avait depuis longtemps appris comment faire semblant d'être vaincu et comment réussir à se faire passer pour moins fort qu'il ne l'était en réalité. Ce n'était pas de l'arrogance, car il était parfaitement conscient de ses capacités et de ses limites. Il était pragmatique, et il savait quand baisser la tête pouvait être une meilleure solution que de continuer à se battre. Courber l'échine... pour mieux se relever et frapper là où l'adversaire ne s'y attends pas.
Covent Garden était l'ombre de ce qu'il fut jadis.
« Avec les autres, allez. On a pas de temps à perdre, avant qu'elles n'arrivent. »
Une première voix, indéniablement féminine. Bruce garda les yeux fermés pour continuer de faire semblant d'être évanoui.
« Et qu'en est-il de ça ? Il le portait sur lui. »
La seconde voix, celle d'un homme, provenait de juste à côté de Batman. Ce devait donc être l'Atlante qui l'avait capturé, pensant réussir à vaincre le célèbre Chevalier Noir. Il l'entendit faire un geste, comme s'il lançait quelque chose. Probablement le masque, qu'il avait pris comme un trophée.
« Encore un ? Décidément, ils ont beau avoir peur de lui, ils sont nombreux à vouloir l'imiter. Mets cet humain avec les autres, on ne va pas tarder à bouger. J'attends simplement le retour de Xaerin. »
Bruce se retint de sourire, alors qu'on l'emmenait. Le dénommé Xaerin, un Atlante qui servait d'espion local à ses congénères, avait été méchamment neutralisé une heure auparavant par une attaque foudroyante et imprévue. Une attaque dont il était évidemment l'auteur... mais il se gardait bien de le revendiquer. Il avait de la chance que ses ennemis aient pensé comme il l'espérait ; vu leur animosité générale, ils auraient pu simplement le tuer.
Il ouvrit de nouveau les yeux, constatant de ses propres yeux qu'il allait, effectivement, avoir un peu de mal à s'en sortir seul. Le fait de ne plus avoir son masque le dérangeait un peu, car il se sentait nu, vulnérable, diminué. Pas à cause de la perte de ses gadgets, mais parce qu'on pouvait voir qui il était. Heureusement, la foule de visages hagards, tous des prisonniers des Atlantes, était bien en peine de le reconnaître. Personne ne semblait connaître Bruce Wayne, ici.
Ce qui était tant mieux.
Mais ses yeux s'attardèrent alors sur une silhouette recroquevillée en position fœtale, les mains et les pieds attachés solidement. Il la reconnut aussitôt, et cela lui mit autant de baume au cœur que cela ne lui serra les entrailles d’inquiétude. Cat semblait avoir morflé, car un côté de son visage était couvert de saleté et de sang séché, et son costume était lui aussi en piteux état. Mais avec son armure cabossée, sa cape déchirée, et l'absence de son masque, Bruce n'était pas dans un meilleur état.
Il se retint de nouveau de sourire quand les Atlantes l'attachèrent avec Selina. Ils s'éloignèrent, et le Chevalier Noir put alors agiter doucement les mains – autant que possible avec les liens – pour toucher celles de sa fiancée.
« Je savais bien que tu serais là. Tu vas bien ? »
Une question anodine, taquine presque, mais qui témoignait aussi toute son inquiétude.
Found you on the battlefield Terre 4 est une Terre en guerre. Une Terre où deux puissances aussi impitoyables l'une que l'autre essaient de prendre l'ascendant, de détruire ce qui reste de l'ennemi pour mieux assujettir. Sans se soucier des victimes collatérales ou de ceux refusant leurs envies d'oppression. Et quelqu'un, ou quelque chose avait cru bon de les débarquer là. De les jeter en pâture dans un univers où ils doivent faire face à des versions autres des gens qu'ils ont pu connaître, ou cru reconnaître. C'est là que le bas blesse. Lors de ses premières semaines dans cet univers de batailles et de douleur, Selina avait cru retrouver Bruce, au détour de rames de métro à moitié englouties sous l'eau. Pour au final être frappée par l'évidence même que Lucas Fox, alias Batwing, ne faisait que ressembler au chevalier noir. L'inquiétude, comme la déception ne cessaient de la ronger et la rendre d'autant plus désagréable face aux forcing que lui imposait les rebelles. Était-il ici, ou restait-il sur leur terre, leur réalité ?
Enfermée dans cette pièce, attachée, la joue la lançant encore après le coup de poing qu'elle s'est pris, Catwoman attend. Elle attend, en gardant de moitié ce qu'elle a réussi à couper des liens la retenant, recroquevillée, les mains à présent nues de ses gants à griffes. Le combat a été rude, violent, sanglant, pour qu'elle en arrive aux mains des atlantes. Pour sauver des rebelles, dans une mission qui semblait vouer à l'échec. Un désespoir de cause, pour rapatrier armes et hommes capables de se battre. Car les atlantes avaient pris des réfugiés en bouclier, pour que le groupe de rebelles passe pour des tueurs. Ça s'était fini en retraite forcée et encore dans le sang d'innocents. Catwoman avait réussi à s'échapper, voir à montrer qu'elle était capable de retourner la situation face à cette escouade de pieds palmés et bébés requins extrémistes. Ça, c'était il y a trois jours, et elle en gardait encore les traces.
Quand soudain, alors qu'elle est dos tourné, alors qu'elle ne comprend qu'à moitié qu'une personne a été encore faite prisonnière, une sensation familière vient réchauffer son dos. Puis, viennent ses doigts, s'entrecroisant tant bien que mal aux siens. Ça lui fait un bien fou, même si, elle hésite encore, par peur de se fourvoyer une nouvelle fois. C'est sa voix qui finit par lui faire lâcher priser. "C'est toi ... c'est vraiment toi." Elle déglutit. Serre un peu plus les doigts de son fiancé contre les siens. Sa tête vient se poser contre son dos, puis presser, pour le sentir un peu plus contre elle. Pendant un instant, Selina ne peut lui répondre, car son coeur bat à vive allure et ses pensées ne se focalisent que sur celui qu'elle vient de retrouver. Même si ce n'est que de dos. "Disons que j'avais besoin de prendre quelques jours de congés. Je suis tombée sur ce super centre de vacances tenu par des atlantes et ... j'apprends que tu viens aussi y passer du temps." Se moquer lui fait du bien, comme de sentir ce petit jeu entre eux, bien plus silencieux et amoureux se confondant en caresses et serrés de doigts. Un long soupir d'aise finit par sortir de la bouche de la voleuse, qui se presse alors un peu plus contre lui. Pour le rassurer même si certaines choses ne vont pas vraiment. Des choses qu'elle taira pour le moment. "Tu m'as manqué." Car l'heure n'est pas aux plaintes. Ils doivent s'enfuir. Tous. La lime en diamant qu'elle avait cachée dans ses bottes finit par faire sauter les liens la retenant jusqu'alors. Et, elle se met à faire de même pour Bruce, bien plus rapidement. Et, lorsqu'enfin cèdent ce moyen sommaire de rétention, alors qu'il s'apprête à se retourner une fois ses poignets libres, Selina s'empare de son visage pour l'embrasser. Un premier baiser, furtif, suivi d'un second plus profond, le demandant, l'incitant, suivi ensuite d'un troisième qu'elle arrête brusquement pour le regarder droit dans les yeux. "Je voudrai bien continuer à te brusquer, mais je pense qu'il est temps qu'on quitte ce camp et ses odieux animateurs." Et, autant dire qu'avec le petit comité de témoins les regardant d'un air surpris face à leur libération soudaine, Selina préférait se réserver une occasion de concrétiser leurs retrouvailles. Elle avait changé physiquement. Que ce soit de costume, ou de coupe de cheveux. Des cheveux bien plus longs, lui tombant sur la nuque, une combinaison quelque peu changée par les rebelles, au vu de sa taille serrée parce qui semble être un bustier. Ce fameux coup à la joue, faisant un bel hématome sur sa peau. Mais elle restait la même dans le fond. Toujours le même sourire goguenard, la même lueur dans l'oeil. Elle se redresse, et commence à sonder la pièce de ses mains, chose qu'elle n'avait pas pu faire jusque là. "Rassure-moi. Tu n'es pas venu ici parce que tu as eu vent de ma capture ?" Finit-elle par dire, en couvrant d'un tissu traînant par là la seule caméra de la pièce.
Bruce se frotte les poignets, avant de tourner son regard vers les prisonniers enfermés avec eux dans cette cellule de fortune. Ils ont tous l'air ahuri de ceux qui ne comprennent pas en présence de qui ils sont. Ou plutôt, de ceux qui savent qu'il y a là des personnes particulières, mais sans être capable de les identifier, de leur mettre un nom, de les réduire à de simples individus par une dénomination ou quelque chose permettant de les identifier. Beaucoup sont effrayés, mais pas tant par le duo que par la situation dans son ensemble.
Et évidemment, le Chevalier Noir finit par passer une main sur son visage, machinalement... avant de se rappeler qu'il n'a de toute façon plus le masque.
Il fallait qu'il le récupère.
« Je suis venu pour eux. Mais comme tu es là, je suppose qu'on peut presque dire que nous sommes venus pour eux. »
Il s'approche d'elle, avant de l'entraîner un peu à l'écart des autres. Pas dans un but privé de partager une intimité relative dans la quart de la pièce, mais bien pour pouvoir lui parler à voix basse sans que les autres ne l'entendent. Xaerin avait su se faire passer pour un humain facilement, servant d'espions à ses congénères dehors ; alors il pouvait très bien y avoir un autre espion, pour un autre camp, ici.
Autant ne prendre aucun risque. Il chuchota donc :
« On en parlera après, mais j'ai rencontré Batman. »
Il vit une lueur s'allumer dans ses yeux verts, mais elle eut évidemment la sagesse de ne rien dire. Ils revinrent vers les autres, et Bruce se dirigea de lui-même vers la porte de leur cellule. Même si elle n'était pas très solide, elle semblait avoir été verrouillée et bloquée pour qu'on ne puisse pas sortir sans devoir pousser quelque chose de très lourd et de très encombrant.
Il s'agenouilla devant la porte, et sortit de sa ceinture utilitaire de quoi faire un trou dans la porte.
« Je te propose que l'on sorte ces gens d'ici, avant de nous éclipser gentiment pour avoir une conversation. De ce que j'ai pu en voir, les Atlantes sont très agités ; ils veulent partir au plus vite car ils ne sont pas vraiment censés s'attarder autant. Ils attendent le rapport d'un de leurs espions... hélas, ce pauvre Xaerin va sans doute les faire patienter encore un peu. Il a beau être plus costaud qu'un humain, il ronfle comme eux. »
Il lui adressa un sourire, alors qu'il parvenait finalement à faire ce trou pour observer ce qu'il se passait à l'extérieur.
« Pas mal ta nouvelle tenue. Mais je te préfère les cheveux courts. Les cheveux longs ont tendance à s'emmêler partout et c'est moins pratique pour les masques. Il va falloir qu'on récupère le mien, d'ailleurs. Personne ne me connaît, ici, mais je n'aime pas trop me balader sans. »
Dehors, quatre Atlantes tentaient de se réchauffer autour d'un feu de camp. Le soir tombait à grande vitesse, et la fraîcheur avec lui ; leur chef, la femme, ne semblait pas dans les parages. Peut-être était-elle plus loin, tâchant de voir si leur espion revenait parmi eux.
Bruce se redressa alors ; il était prêt.
« Tu te sens prête ? A mon signal, j'enfonce la porte, et on les prends par surprise. »
Les Atlantes étaient forts. Mais face à deux personnes aussi ingénieuses qu'eux, il n'y avait pas de défi insurmontable. Mais pour les aider, Bruce s'apprêtait à enfoncer violemment la porte, et à lancer une fumigène qui ne manquerait pas de leur donner un avantage supplémentaire.
Found you on the battlefield Imperturbable, comme à son habitude. Quoique, le petit geste de main sur son visage sans masque met la puce à l'oreille de Selina. Il se sent nu. Dévoilé. À la bonne heure, il comprenait dans cette situation ce que cela faisait. Elle en rit intérieurement d'ailleurs, en se rappelant à quel point il pouvait avoir ce regard perçant de tout son bleu, comme cette fois lors des enchères sur ce diamant bleu. Malheureusement, son petit moment d'égarement sommes toutes plaisant est arrêté par une parole de son amant. Concernant un certain Batman. Autant dire qu'elle arque les sourcils, prête à faire une blague concernant le fait qu'elle est face à Batman. Mais ... que dans le fond, cette nouvelle ne lui plaît guère. Elle avait eu vent des agissements du Batman de Terre 4, de ce Thomas Wayne complètement barré et capable du pire pour soumettre ses ennemis. Ils en parleront plus tard, ce sujet n'est pas la priorité, pour le moment. "Tiens, ils ont oublié de retirer ta ceinture. Laisse moi deviner. Ils ont cru que tu étais un simple copycat un peu idiot." Elle croise les bras et s'adosse contre le mur près de la porte. C'est vraiment amusant de voir comment les atlantes et amazones semblent un peu sous estimer les "anomalies" qu'ils sont. Ce qui risque de vite changer, à force de petits coups d'éclats. Donc il ne vaut mieux pas trop se moquer, et plutôt rester sur ses gardes. "Comment peux-tu être aussi sûr pour ..." Les cheveux ? Sans doute pense-t-il à Batgirl ou bien Batwoman dans le cas présent. Mais elle a envie de jouer les idiotes. "Tu aurais eu les cheveux longs à une époque ? Oh ... Je comprends mieux pourquoi tu refusais d'enlever le masque durant certaines de nos rencontres." Il n'était pas le seul à vouloir récupérer ses trucs de justicier. Même si elle, ne se considère toujours pas comme une justicière. Pas comme le définit la Ligue les regroupant, en tout cas. Elle se sent nue, elle aussi. D'autant plus qu'en certains termes, les atlantes semblent l'avoir prise pour une autre. L'Oracle de cette Terre. Elle se demande d'ailleurs comment cette autre a pu se retrouver dans la position si ennuyante de Batgirl. À coup sûr, elle est handicapée et nerd, névrosée. En somme, tout son contraire.
Enfin bon, là n'est pas la question. Ils doivent s'occuper de cette porte. Exfiltrer tous les capturés hors de ces baraquements et donner une petite leçon que ces atlantes ne seront pas prêts d'oublier. Elle se met donc en place, poings serrés et en position non pas pour se battre, mais pour courir et prendre assez d'élan lors de l'ouverture de la porte. "Honneur aux hommes." Qu'il enfonce la porte. Ce n'est pas qu'une question de force dans le cas présent après tout. Non, il valait mieux se reposer sur les capacités de chacun. Bruce peut facilement éclater cette porte de bâtiment vétuste et à moitié désossé. Elle, c'est son agilité et ses réflexes qui peuvent perturber en suivant leurs adversaires. Quand aux autres prisonniers, la majorité semble se reculer devant la position agressive de ces deux olibrius en costumes noirs. Ils partent sur les côtés, s'empaquetant et se baissant au cas où des tirs fuseraient dans la salle. Et c'est on ne peut plus humain. On s'accroche aux moyens que l'on a pour survivre.
BAM ... POW ... CRAC
Tout se passe si vite. Dans la fumée, dans les ombres après la mise hors service des lumières. Des coups de poings fusent, des coups de pieds sont pris. Des cris de douleurs et des corps tombent à terre, comme tomberaient des dominos entraînés par leurs semblables. Et au final, alors que la fumée s'estompe après une dizaine de minutes, ce sont ces deux personnes qui tiennent encore debout. Ces partenaires, dos à dos, reprenant leur souffle. Dos à dos pour sentir l'autre. "Je suppose ... que trois atlantes ... c'était simplement la mise en jambes ?" Oui, seulement trois. Trois de ces porteurs de branchies qui avaient décidé de reconquérir les sols, de noyer les rames et égouts de Londres pour des histoires bien politiques et sanglantes. Aussi humains qu'ils puissent paraître, ce n'était pas ce que Selina avait l'habitude de frapper à Gotham. Encore moins en étant sans ses armes. Elle regrette d'ailleurs sur le moment ses griffes et pattes mécaniques qui lui permettaient jusque là de rivaliser face à ce genre de forces. "Ha ... !" Un gémissement sort subrepticement de ses lèvres. Des contractions viennent la prendre de court et sa main vient automatiquement se presser contre son ventre. Et c'est douloureux, furieusement douloureux. C'est comme si on lui arrachait ses entrailles, non pas en les tirant depuis l'extérieur, mais depuis son ventre. "Je n'aurai vraiment pas dû rester aussi longtemps dans cette cellule pour connaître leurs plans." Selina avait en effet placé un micro sur l'un des atlantes. Un certain Xaerin. Elle connait certaines de leurs rotations, grâce à ce qu'elle avait pu récolter via son oreillette. Elle sait aussi où sont stockées toutes les affaires vitales, ou ce qu'ils appellent avec tant d'arrogance leurs prises de guerre. Sans s'en rendre compte, et sans doute par besoin de trouver un soutien, la voleuse s'appuie un peu plus contre le dos de Bat. "Il y a un bâtiment à l'est. Environ deux cent mètres. Le deuxième étage sert de zone de stockage. Je pense ... je pense que tout est là bas." Sans doute était-ce la fatigue et le manque d'exercice de ces trois derniers jours. Le contrecoup du combat avant sa capture et le fait qu'elle ait été aux prises avec un sacré rascal précédemment. Elle finit par se redresser en soupirant d'aise quand enfin la douleur s'estompe. "Bon. C'est bien de souffler, de se parler, mais ... je me sens un peu nue sans mon matériel. Et il me semble que tu as un peu le même problème." Dit-elle, en pointant son index vers son propre visage. "Promis je me ferai discrète." Parce qu'il ne fallait pas donner l'alerte au reste de l'escouade. Parce que cela mettrait en danger les autres prisonniers. Et parce qu'elle ne se sentait pas d'attaque pour de nouveau mettre les points sur les i avec un atlante. C'est en cachant son visage à Bruce et les douleurs la tiraillant que Selina se met en marche, avec cette grâce féline qu'il connaît si bien. Il était temps de se rhabiller.
Heureusement pour eux deux, la discrétion était sans aucun doute possible l'un de leurs points forts. Habitués à se faufiler, à se dissimuler, à entrer et sortir de lieux hautement gardés sans être repérés, à ne faire qu'un avec les ombres qui les entourent, à se mouvoir sans le moindre bruit, ni Batman ni Catwoman n'était inquiété de leur petit exercice. En vérité, pour Bruce, il n'y avait qu'un seul sujet d'inquiétude, désormais : retrouver son masque et les quelques affaires que les Atlantes lui avaient pris, ainsi que celles de Selina. Et surtout, il était décidé à ne plus la lâcher, désormais.
Parce qu'il avait noté sa douleur, et qu'il l'avait enregistrée.
Et qu'au cas où, il se devait de veiller sur elle. Et ce même si elle détestait et adorait ça à la fois, et ce même si cela l'agaçait et l'attendrissait à la fois. Il connaissait sa fiancée, mieux que quiconque, et elle le connaissait, mieux que quiconque. Elle s'offusquerait qu'il l'examine, qu'il veuille la protéger et l'aider, qu'il lui dirait de faire attention. Mais elle saurait qu'il avait raison. Tout comme, lorsque c'était lui qui était dans cette situation, elle savait faire de même. Parce que c'était comme ça, entre eux.
Ils parvinrent facilement et sans surprise à se faufiler jusqu'au bâtiment de stockage, dans lequel Bruce eut une nouvelle fois la preuve que cet endroit, cette autre Terre, n'était pas un lieu acceptable. Que jamais il ne pourrait supporter d'y rester, et qu'il ne pourrait certainement rien construire ici. Car tout ici respirait la haine, le désastre, et la destruction pure et simple. Alors, après s'être assuré qu'il n'y avait qu'eux deux dans les lieux, Bruce attrapa le bras de Selina. Avec délicatesse.
Puis il la força à se retourner et la serra contre lui, l'embrassant comme s'il ne l'avait pas vu depuis des lustres. Ce qui était un peu le cas. Une étreinte qui dura longtemps, plu longtemps que ce que la prudence recommandait, mais il n'en avait cure. Ils étaient eux, et personne ne pouvait leur enlever.
« Tu m'as manqué. »
Il lui sourit doucement, puis ils se remirent à chercher leurs affaires. Ici, les gens avaient abandonné beaucoup de choses, toutes plus insignifiantes les unes que les autres, mais qui témoignaient de l'importance de la dévastation. On avait laissé ici tout ce qui n'était pas utile, tout ce qui ne pouvait plus servir, et on était parti en toute hâte. Bruce se mura dans le silence pour chercher son masque, envahi d'un étrange sentiment.
C'était la seule fois, réalisait-il, où il avait agi ainsi sans le porter. D'ordinaire, il avait toujours trouvé un substitut pour dissimuler quand même son identité ; était-ce un manque de prudence ? Avait-il été négligent, cette fois, absorbé par son inquiétude pour Selina ? Non. Car il avait perdu son masque avant de la retrouver, et il aurait probablement agi de la même façon sans sa présence. Mais il se sentait quand même terriblement vulnérable.
Enfin, il finit par le retrouver, et il le prit entre ses mains... et s'arrêta là, à le fixer. La protection était fendue, et il y avait sans aucun doute la plupart des systèmes à réparer. Mais surtout, c'était une vision étrange, comme s'il se voyait vaincu. Son esprit vagabonda pendant un petit moment avant de finalement réussir à se focaliser sur ce qui comptait vraiment : s'en aller, maintenant qu'ils avaient leurs affaires.
Il remit alors le masque en place sur son visage. Non, Batman n'était pas vaincu. Jamais. On ne pouvait pas vaincre un symbole.
« Allez, ne traînons pas. »
Et ils filèrent, dans le but de trouver un autre lieu pour se retrouver et parler.
Found you on the battlefield Se retrouver à nouveau dans ses bras était reposant. Cette sensation, elle l'avait ressentie auparavant dans la tension du moment, quand Bruce la chassait, l'attrapait. Quand ils se disputaient pour ensuite s'étreindre. Ici, pas de dispute, pas de jugement sur le bien ou le mal. Selina ne peut s'empêcher de sourire et de se serrer un peu plus contre lui, alors qu'ils sont techniquement en danger. Peut-être que dans le fond aussi, elle trouve cela amusant, excitant, comme nombre de leurs émois. Elle sent aussi, au delà du baiser échangé, cette force, cette envie et ce soulagement mélangés dans la pression que chacun exerce sur l'autre, pour exprimer clairement le sens de ces retrouvailles. Malgré cette chaleur échangée, il n'était pas difficile de remarquer le trouble secouant Bat. De voir à quel point, le fait d'être sans masque, de se l'être fait arracher le mettait à mal. Sur Terre, leur Terre, cela aurait signé son arrêt de mort, une cabale sans précédent de ses ennemis et un fouillis médiatique au vu de ses réputations en tant que millionaire et justicier. En le voyant bouger aussi rapidement son regard, sa tête, s'accrocher à cette idée, Selina voit à quel point cette idée que représente Batman tient à au coeur de son amant. Sera-t-il un jour capable de passer le flambeau entièrement à Batgirl ? Elle finit par soupirer et se remettre à la recherche de son propre matériel. Ses genouillères, fouet et ses pattes mécaniques, ainsi que ses griffes sont dans une caisse, mais pour ce qui est de sa capuche et de ses lunettes ... "Mh ..." La voilà donc à découvert à son tour. Cela la gêne moins que Bruce à vrai dire, mais ces lunettes avaient quand même des systèmes utiles sur lesquels elle avait pu compter depuis son arrivée ici. "Tant pis. J'ai déjà le plus important."
Des armes, son bustier à gadgets. Elle enfile donc tout ce qu'elle a pu récupérer, en jetant quand même un coup d'oeil aux autres caisses, par curiosité. Au delà des armes des rebelles, des nécessaires de survie de réfugiés, quelques objets dénotent du reste. Comme des photos, des peluches, poupées, ou bien des bijoux. Ça peut paraître idiot de la part d'une voleuse mais, cela lui faisait mal de voir ces choses prises de force à ces gens. Sans doute parce qu'elle ne s'attaque pas à des gens dans le besoin, ou à des réfugiés. Finalement, Bruce lui rappelle qu'ils devraient filer. "J'arrive. Laisse moi une minute de plus." Selina attrape alors un sac à dos, dans lequel elle commence à entasser le maximum d'objets appartenant aux réfugiés. Elle pouvait se permettre d'augmenter la charge grâce aux pattes de nouveau calées à ses pieds donc autant en profiter. Bruce lui jette un regard, sévère et inquisiteur, voyant qu'elle a fait bien plus que prendre son matériel. Selina fait mine de ne pas comprendre, jouant sur le fait qu'elle soit équipée d'une autre manière dans ce monde. "Les changements sont assez significatifs, n'est-ce pas ?" Elle tend les bras, les déroulant de sa poitrine jusqu'à chaque côté, gracieuse dans son mouvement. "Je sais, cette tenue fait un peu trop guerrière à mon goût. J'ai dû m'adapter au terrain." Voyant que l'explication ne semblait pas suffire car Bruce fixe encore le sac, Selina abdique et lui dit la vérité ... "Oui il y a quelques bijoux. C'est du butin de guerre, je suis sûre qu'ils ne remarqueront pas la disparition de ces quelques kilos." ... en partie. Ce n'est pas faire preuve de mauvaise foi que de cacher des intentions dénuées de toute cupidité. De toutes manières, l'argent ne sert pas à grand chose dans le cas présent. Les armes cependant ... d'ailleurs, elle en lance en direction de Bruce. Des grenades à impulsions électriques. "Même si j'ai peu de doutes face au côté inépuisable de ta ceinture, qui a le don de te ressembler dans pas mal de domaines ..." Son regard se fait équivoque, alors qu'elle s'approche et pose une main sur l'épaule de son fiancé. "... ça pourra nous servir face aux atlantes, qui sait. Oh et prends aussi quelques sacs." Elle se détache, et finit par avancer avant de se rendre compte de quelque chose. D'important, qu'ils ont presque oublié. "C'est pour les prisonniers, idiot." Sans plus attendre, Selina rebrousse chemin, des lunettes thermiques en main afin de vérifier si oui ou non les capturés se sont enfuis depuis. À sa grande surprise, ils sont restés. Sans doute terrifiés par ce qu'il s'est passé plus tôt, et assez intelligents pour se rendre compte qu'ils ne feraient pas le poids face à leurs geôliers si ils tentaient de fuir. Elle descend rapidement, pour se retrouver au point de départ, voir que les trois atlantes qu'ils ont mis à terre sont toujours hors course, mais aussi tenter de rassurer les capturés. Pour cela, elle jette le sac qu'elle avait subtilisé tout à l'heure. Les gens prennent peur, frémissent et lâche de petits gémissements, croyant qu'il s'agit d'une bombe. Ce n'est qu'en voyant certains effets sortir qu'ils comprennent qu'il s'agit de quelques armes mais aussi d'effets personnels appartenant à certains. Elle vient ensuite à la rencontre de certains, pour les détacher. "Il y en a plus dans leur bâtiment de stockage. Mais avec ce que nous avons ramené, vous pourrez vous en sortir. Je vais aussi vous donner un plan vers une des caches de la Résistance." Ça pouvait sembler impulsif de sa part, mais cela lui permettait en un coup d'oeil de vérifier l'éventuelle présence d'un espion. Qu'il soit pour les atlantes, amazones pu toute autre force. Ce qui évidemment semble confirmé, au vu du regard jeté par une femme dans la direction de Selina. Une femme cachant d'ailleurs une jolie dague à sa hanche. Prête à frapper pour subtiliser le plan. Catwoman fait cependant mine de ne rien avoir vu, consciente que son fiancé et partenaire a repéré l'élément indésirable.
Batman tourna légèrement son visage de côté, son masque imperturbable faisant alors tout le travail pour lui. Il fixa la femme qui s'apprêtait à brandir son arme. Intensément, froidement, implacablement, il la détailla, la gênant au point qu'elle finit par détourner plusieurs fois le regard et poser son arme sur le sol à côté d'elle. L'effet semblait encore plus dévastateur avec la pénombre de la cellule de fortune ; une ombre immense qui fixait une simple humaine, l'obligeant à se recroqueviller. L'effet théâtral prenait alors tout son sens : le Chevalier Noir n'était pas humain, il s'agissait d'une créature trop puissante et trop dangereuse, et personne ne pouvait espérer échapper à sa vigilance.
Pourtant, une autre personne, un homme, espéra pouvoir tenter sa chance.
Il se leva prestement, ramassant l'arme posée au sol, et se rua sur Bruce. Ce dernier ne bougea pas d'un pouce, se contentant d'attendre que le coup vienne. L'humain, car il ne s'agissait probablement pas d'un Atlante, avait peut-être le fol espoir qu'il parviendrait à acheter sa liberté en abattant les ennemis des gens d'Atlantis. Peut-être qu'il travaillait vraiment pour eux, et servait d'infiltrateur dans la prison. Peut-être qu'il était juste apeuré, et pensait voir en Bruce et Selina les ennemis qu'il craignait. Peut-être qu'il n'aimait pas la Résistance, et s'imaginait avoir affaire à eux.
En un sens, difficile de lui en vouloir.
Bruce avait rencontré le Batman de cette Terre, et il comprenait aisément qu'on puisse le détester. Non content de pouvoir être un demi-tyran, il était aussi cruel, implacable et sournois que les adversaires qu'il combattait. Il ne deviendrait jamais comme lui, car ce serait alors tourner le dos à tous ses principes. A tout ce pour quoi il se battait.
Alors il bloqua le coup faiblard. L'agresseur, surpris par l'agilité soudaine du Chevalier Noir, perdit l'équilibre et faillit tomber au sol. Mais une main ferme le rattrapa, le désarma, et l'empêcha de nuire davantage en le coinçant contre un mur. Brutalement, mais sans rien lui casser, et surtout, sans chercher autre chose qu'à lui faire peur. Il était inutile de le blesser. L'intérêt était simplement de lui montrer son erreur, et surtout, d'éviter que qui que ce soit s'en prenne à Selina pendant qu'elle avait le dos tourné.
« Nous ne sommes pas vos ennemis. »
Il relâcha son agresseur, lequel roula alors au sol pour se cacher le plus loin possible.
« Nous sommes là pour vous aider, mais si vous nous attaquez, nous ne pourrons pas y parvenir. Prenez ce que vous pouvez et filez aussi loin et aussi vite que possible d'ici. Nous nous occupons des Atlantes. »
Il fallut attendre encore de longues minutes avant que le duo soit libre. Quand ce fut fait, Bruce relâcha un peu de tension en secouant un peu les épaules, puis jeta un coup d’œil à l'extérieur. Dehors, il n'y avait toujours aucun signe d'un ou d'une Atlante, mais ce n'était probablement qu'une question de temps.
« Nous devrions nous charger des derniers. Ils sont sûrement pas loin, attendant pour nous tendre une embuscade parfaite. Leur cheffe a probablement découvert ce qui était arrivé à ce pauvre Xaerin, maintenant ; nul doute qu'ils vont alors tous rappliquer ici. Tu te sens prête ? »
La question n'était pas que pour la forme. Il était réellement inquiet ; sa douleur soudaine et crispée de tout à l'heure le taraudait toujours.
Found you on the battlefield On dit qu'à force de trop tirer sur la corde, celle-ci a tendance à céder. La corde de Selina serait donc ces fameux spasmes et piques qu'elle essaie pour le moment d'ignorer. D'autant plus que, dans le cas présent, la personne l'accompagnant l'a remarqué. Il s'agit de Bruce Wayne, aka Batman, LE détective, comme dirait Ra's Al Ghul. Et quelle est l'une des plus grandes capacités et qualités du détective ? On vous le donne en mille : observer. À l'affut des moindres gestes et mimiques, d'un ton changeant dans la voix, le détective vous analyse et émet des hypothèses. Dans le cas présent, la douleur au ventre de Selina inquiète car sa cause est inconnue aux yeux de Bruce. Tout ce qu'il a pu voir, c'est cette main pressée et ce regard changeant chez son amante. Cat regrette en cet instant de ne pas avoir retrouvé ses lunettes. Cela lui aurait permis d'effacer les traces de son mal et de reporter à plusieurs jours le sujet et, connaissant l'homme derrière le masque de chauve souris, celui-ci n'en démordra pas avant de connaître le fin mot de cette histoire. "Plus prête que la fois où Joker a failli me coller une balle dans le coeur, pendant que j'escaladais les vitres d'un gratte ciel." Les atlantes sont bien plus prévisibles que ce psychopathe de clown. Joker n'est pas en guerre contre l'humanité ou des amazones. Pas besoin d'élaborer un plan d'attaque concret, de jouer sur l'imprévisible. Ce peuple s'était rompu aux plans de bataille, ce qui rendra la tâche moins ardue et intense pour les deux protagonistes, sommes toutes. Catwoman est donc confiante, et ce malgré le regard appuyé que lui lance Batman. "J'ai des grenades flash. Je peux attirer leur attention pour te donner l'occasion de les prendre à revers." Et ce que Catwoman peut, Catwoman fait. Autant dire que prendre les devants lui permet pour le moment d'esquiver cette question que Bruce n'a pas encore posée, mais aussi d'oublier ses douleurs, ses propres questionnements, en se focalisant sur ces atlantes qui ont cru bon de massacrer l'escouade dont elle faisait partie, et de la prendre pour une fille tombée de la dernière pluie.
Les atlantes avancent. En groupe, afin d'éviter toute manoeuvre de la part de leurs adversaires. Il est clair à leurs yeux, qu'ils ont sous estimé cette femme, pour la pure et simple raison qu'elle se baladait dans un costume aves des oreilles de chat. Et, qu'ils se croient, de toute évidence supérieurs à la rébellion. Le dominant, dans sa définition la moins détaillée, et surtout la plus arrangeante, a le chic pour se comporter en bon salaud qu'il est. C'est d'ailleurs ce que le groupe tente de faire, en envoyant des salves violentes sur l'ombre passant près d'eux. Selina a eu de la chance, car pour peu qu'elle se soit arrêtée, elle se serait sans nul doute retrouvée désintégrée sur place par l'arme tenue par la cheffe d'escouade. Pas le temps de se remettre de cette sueur froide. La prochaine étape était de les aveugler avec ce qu'elle venait de lancer dans les airs. Ces fameuses grenades flash qui chutent entre leurs pieds, pour ensuite décharger cette lumière aveuglante et déstabilisante. Les atlantes crient de douleur, certains s'efforcent de fermer leurs yeux endoloris, sans pour autant lâcher leurs armes, en vain. Batman profite de cette opportunité pour les attaquer, rejoint après coup par Catwoman. À deux, les voilà de nouveau en train de mettre une sacrée dérouillée aux natifs à pieds palmés. Même si, Selina se prend aussi de sérieux revers. Que ce soit par les épées électriques, ou par la structure du corps de leurs adversaires, elle ressent les coups, de sa joue en sang, aux impulsions électriques mettant à mal ses muscles. "Voilà pourquoi je préfère qu'un poissonnier écaille mes truites. Quand j'essaie de le faire, ça a le don de m'agacer." Elle sort son fouet, agrémenté à son extrémité par plusieurs lanières de cuir à billes de métal. Sans savoir qu'en frappant, claquant ces armures et casques à l'aide de celui-ci, elle condamnerait dans le même temps ses adversaires, à une lente et douloureuse suffocation. Le fouet claque donc sur cet atlante chargent la femme chat. La fissure se crée, étant donné que ce métal est le même que celui sur leurs armures. L'eau s'échappe de la fissure, bloquant le soldat dans sa charge. Son seul moyen de survie hors des eaux maintenant à mal, il n'y avait que deux alternatives à sa portée. Espérer que ses camarades mettent hors d'état de nuire ce copycat de Batman, et lui, de tuer cette femme de ces propres mains, ou bien fuir comme un lâche jusqu'au point d'eau le plu proche. Selina sait au premier coup d'oeil qu'il choisit d'attaquer, ou plutôt d'espérer la tuer. Il se jette sur elle, sans lui donner la possibilité d'attaquer une nouvelle fois au fouet, la rossant de coups au visage comme il le peut, étant donné qu'elle ne se laisse pas totalement faire. Ce n'était pas la première fois qu'elle se retrouvait dans ce genre de situation, mais c'était toujours aussi impressionnant, violent et dur de voir qu'aussi entraînée qu'elle pouvait l'être, ces hommes et femmes à la physiologie particulière sont de vrais remparts. Que si elle ne réagit pas maintenant, il va pouvoir l'achever en l'étranglant de ses poignes immenses. Alors les griffes à ses pieds et mains se rétractent, bougent de leur mécanique pour lui donner la force nécessaire pour le contrer voir ... pire. Malgré elle, en voulant se débattre, Selina agrandit la fissure dans le métal. De l'eau vient frapper son visage, la faire tousser alors qu'elle lutte déjà contre une noyade, en un sens. La guerre, ce mal qui déshonore le genre humain. Qui rend certains visages abominables lorsque les portes de la mort s'ouvrent devant les âmes. Selina le voit dans le regard de l'atlante, sa rage, sa hargne. Ces veines qui jaillissent de sous la peau, cette mâchoire qui se contracte sous l'effort et cette bouche qui lentement s'ouvre, sous l'effet d'un début de manque d'eau dans l'armure. C'est horrible et pourtant, la guerre continue.
Les Atlantes sont féroces, solides, mais terriblement arrogants. Ils ont sous-estimé, dès le départ, leurs adversaires. Par habitude, sûrement. Par manque préparation face à ce duo qu'ils ne connaissent pas, à ces deux personnes qui ont l'habitude de combattre ensemble contre des adversaires plus forts qu'eux. Deux humains, mais qui ont en eux tellement plus que leur simple humanité. Qu'il s'agisse de Batman, ou de Catwoman, ils ne les connaissent pas. Les prennent sans doute pour des gens qu'ils ne sont pas. Et donc, ils perdent, évidemment.
Ils perdent même beaucoup.
Bruce est sans pitié, implacable, méthodique. Il connaît les faiblesses des Atlantes, il sait comment compenser leur agilité et leur force supérieures. Il sait également que Cat est toute aussi capable que lui de s'en prendre à ces gens-là. Toutefois, le combat est loin d'être facile : leurs ennemis sont forts, et surtout, eux n'ont pas accès à tous les moyens dont ils peuvent disposer d'ordinaire pour espérer s'en tirer. Ils sont obligés de faire avec ce qu'ils ont, et de compenser, de s'adapter, d'accuser le coup parfois. Et ça se traduit notamment, en cet instant, par Selina qui est en proie à une certaine difficulté.
Alors Bruce redouble d'efforts de son côté.
Et lorsqu'il ne reste plus qu'un seul obstacle, l'Atlante aux prises avec Cat, il n'hésite pas. Il se jette de tout son poids, de toute sa carrure, de toute son armure, sur cet adversaire. Il sait qu'il prends un risque, mais il n'a pas le choix. Il ne pouvait pas se contenter d'attendre là, de voir si sa fiancée allait réussir à s'en sortir par elle-même. Il se doutait qu'elle pouvait y arriver aisément, mais cet endroit n'était pas sûr. Ces lieux n'étaient pas les leurs, et il fallait donc éviter le moindre risque. Alors Batman chargea.
Il percuta lourdement l'Atlante, l'envoyant au sol et roulant avec lui. Ce dernier ne perdit pas de temps à essayer de se débarrasser de son ennemi plus lourd que lui ; il le frappa directement, brisant une plaque d'armure sur l'épaule gauche de Bruce. Le Chevalier Noir contre-attaqua, prenant alors le dessus. Coup après coup, il parvint à neutraliser ce dernier ennemi, et quand il se releva, le souffle lourd, il vérifia que tout était en place chez lui. Une habitude, un réflexe, qui ne prit qu'une poignée de secondes.
« Vivement que l'on retourne chez nous. J'en ai assez d'affronter ceux qui sont censés être des alliés. »
Il s'avance vers Cat, lui pose doucement une main sur l'épaule.
« Et toi, ça va ? On dirait que ce combat a été éprouvant pour toi. »
Il l'observe un instant, avant de détourner le regard. Il ne veut pas lui donner l'impression de l'analyser en permanence, de la surprotéger. Elle n'aimerait pas ça, et elle le lui reprocherait, aussi difficile que ce soit pour elle comme pour lui.
« Nous devrions nous trouver un endroit où discuter tranquillement... enfin, à l'abri des oreilles et des regards. On a besoin de repos. Et nous devons parler de tout ce qu'il s'est passé ces derniers jours. Les choses ne vont pas aller en s'améliorant, j'en ai peur. »
Found you on the battlefield Cela est arrivé plusieurs fois, alors qu'il combattaient ou se combattaient. Qu'ils s'immisçaient dans certaines histoires ou entraient dans celles-ci par la force des choses. Il y avait des morts, toujours des morts, quelles que soient leurs versions, ou la leur de la Terre considérée comme originelle. Des morts. Involontaires, accidentelles étaient ces morts, à chaque fois. Par la force des choses, des batailles et des choix, quelque chose de grave ou de mortel survenait, faisant d'eux des témoins et des coupables. Chaque héros, ou âme errante a dû faire face à cette atrocité. Voir quelqu'un rendre son dernier souffle, comme cet atlantéen suffoquant alors qu'il continuait d'étrangler Catwoman. Jusqu'à ce que le choc, rude, vienne l'arrêter. Un corps, aussi puissant que le sien, pas affaibli par la perte d'air.
Selina roule sur le côté, une main sur la nuque et l'autre plaquée au sol. Elle reprend peu à peu son souffle, cligne des yeux en espérant que cela fera disparaître le flou bloquant sa vue. Elle se sent planer, mais planer sans qu'un effet positif ne s'instille dans son corps. De son ventre jusqu'à son coeur, puis du coeur jusqu'à sa gorge, une désagréable sensation la prend. Pas la première, ni la dernière. C'est un va et vient incessant, dans l'effort ou au réveil, qu'elle arrive plus ou moins à contenir. Sauf que cette fois, alors qu'elle est en plein milieu d'un champ de bataille, Selina a envie de vomir. A failli, vomir. C'est petit crachat, et un bloquage du relent dans sa gorge. Assez pour que ce soit visible, si elle ne se dépêche pas d'essuyer le filet acide au coin de ses lèvres. Mêlé à la boue, à l'eau de mer, et au sang, le goût est tout bonnement atroce. Malgré tout, elle se retient en se faisant violence, en se relevant d'une traite et en faisant "gracieusement" glisser son bras et ses doigts loin de sa bouche. "Tu sais, certains n'ont pas la malchance d'être membre de la Justice League. Même si dans le cas présent, cela m'aurait sans doute aidé à me battre contre ce genre d'armoires à glace." Longue inspiration, soupir. Elle reprend peu à peu le contrôle face aux envies urgentes de son corps. "Cela me ferait presque regretter Freeze. Oh d'ailleurs. J'ai appris qu'il avait été tué ici." Elle finit par secouer chacun de ses bras, pour sentir le sang renflouer ses muscles. En évitant le regard de Bruce. Car elle sait. elle sait qu'il ne cesse de se poser des questions quand à sa condition, qu'il voudrait avoir des réponses, là où elle, n'arrive même pas à en mettre. Par peur. Par fierté mal placée, aussi. "Plus de Noël glacé à Gotham. Pourtant ... ça jette un froid, tu ne trouves pas ?" Ils ont chacun leurs secrets, des nouveaux, depuis leur séparation forcée. Des choses difficiles à avaler, et encore plus à dire, tant les changements sont brutaux et inopinés. Peut-être parce qu'ils refusent d'être les victimes de ces circonstances. Il fallait toujours, toujours un coup d'avance pour garder la tête hors de ces eaux putrides et vaseuses. Selina finit par se retourner pour lui faire face, pour venir jusqu'à lui de cette démarche fluide et féline et caresser cette épaule où l'armure s'est retrouvée fracturée. Cela lui permet de jeter un coup d'oeil vers l'atlante, en train d'agoniser durant les quelques minutes lui restant à vivre. "On peut faire un dernier effort ? La Tamise n'est pas très loin."
SPLASH
L'atlante est jeté dans les eaux, sur le ventre. Il ne se débat même pas. Était-il mort, ou juste inconscient ? Devaient-ils, malgré leur acte, payer encore pour une mort, alors que la personne commençant lentement à flotter avait voulu leur infliger son destin ? Selina croise les bras sous sa poitrine et observe sans vraiment beaucoup de compassion l'homme poisson à l'âme aussi pourrie que celle de ses dirigeants s'en aller au loin dans les eaux salies de la Tamise. "Mince, qu'est-ce que tu dis dans ces moments là ? On aura fait notre possible ? Si ça devait se passer comme ça, on ne pouvait rien y faire ? Il est mort, Selina ?" Nouveau soupir. Cette fois, cela se voit sur son visage. Elle semble contrariée. "Je ne pensais pas que plus d'un mois sans aucune de nouvelle de ta part, ou signe de vie, atteindrait autant ma mémoire." Il y avait eu des retrouvailles, brèves et intenses. Mais cela n'enlevait en rien l'absence, la longue absence entrecoupée de moments d'inquiétudes, et d'instants où faire face seul fut difficile. Et sans doute, la tension maintenant descendue joue-t-elle sur les nerfs. La voleuse commence à avancer, à laisser derrière elle celui qui est pourtant la personne à qui elle s'est fiancée. Même si ... même si elle hésite, ralentit un peu le pas et jette un coup d'oeil derrière son épaule. Même si, sa nature profonde lui intime de ne pas montrer les crocs, elle ne peut s'en empêcher. "Je peux savoir ce qui t'a pris autant de temps pour me donner des nouvelles ?"
Il laisse flotter le reproche qu'elle lui fait, car il sait que ce n'est que passager et qu'elle ne le pense pas vraiment. Que malgré le ton légèrement invectif, Cat est soulagée de le voir et qu'elle ne lui en veut pas vraiment ; d'autant plus qu'elle n'a pas fait davantage que lui. En vérité, il regrettait bien sur de pas avoir pu, de ne pas avoir su, la retrouver avant. De ne pas avoir été à la hauteur pour ça. Mais comme il le disait justement, il avait été occupé, et beaucoup. Son arrivée avec Hal ne fut pas de tout repos, et après ça, il avait été absorbé dans la recherche de camarades, d'alliés, de lieux où survivre, de moyens de survivre... puis dans la fameuse rencontre, récente et difficile, avec le Batman de cet endroit.
Il se rapproche de Cat, et, sachant qu'elle n'attends que ça, l'enserre de ses bras et les plonge tous les deux dans une longue éteinte réconfortante. Ils sont seuls ici pour le moment, dans un endroit affreux et terrible, mais ils peuvent quand même se raccrocher à cet espoir, à ce fait même, important : ils sont ensemble.
« Je suis désolé de pas avoir su te retrouver avant. Je suis arrivé avec Hal, et ce fut mouvementé et difficile. Après ça, je n'ai cessé de bouger, cherchant comment survivre, comment tenir, et surtout, tout cela sans avoir la moindre trace de toi. J'ai été inquiet à plus d'un titre, pensant que tu étais restée chez nous, sans moi, et que moi j'étais ici, sans toi. Ce fut... difficile, comme je l'ai dit. Mais surtout, après tout ça, j'ai rencontré Thomas Wayne. »
L'amertume pouvait se lire dans sa voix, sur les traits de son visage masqué, et Selina sentirait indéniablement tout ça. Car elle le connaissait mieux que personne, car elle était l'une des rares personnes à véritablement le connaître. A savoir qui il était derrière le masque, quelles étaient ses motivations, ce qu'il pensait, et surtout, tout le chemin accompli ces derniers mois. Alors, forcément, l'entendre parler ainsi de l'homme qui aurait pu être son père, c'était à la fois très révélateur de son état d'esprit et très honnête.
« Il n'était pas comme je l'aurais imaginé, et toute sa résistance non plus. Il me ressemble atrocement sur certains points, et est totalement différent sur d'autres. Nous sommes parvenus à sceller un accord plus ou moins sûr entre son camp et le nôtre... mais j'ignore si ça aboutira à quelque chose. Il cache bien des secrets, à mon instar, et il y a aussi l'histoire de ce Collectionneur. Le doute semble de moins en moins épais quant à l'identité de ce dernier, mais il manque toujours un indice, un élément, qui permettrait de s'assurer de son nom. Le savoir nous aiderait tous beaucoup, je pense. »
Il grimace, à ces pensées. Il n'aime guère l'idée que de toute façon, il n'est pas en parfaite maîtrise de la situation, et que des choses lui échappent. A lui, le meilleur détective du monde ; pas par vantardise ou arrogance, mais bien parce qu'il sait que si lui n'y parvient pas, peu le pourront.
Found you on the battlefield Elle aurait pu le frapper dans un accès de colère et de soulagement entremêlés si il n'avait pas dit qu'il était désolé. Cela aurait suffi à apaiser temporairement sa peine, à étouffer ses angoisses et la solitude qui l'a assaillie durant cette période. Survivre, rester concentrée. Ne pas se laisser accabler par les accusations, et agir quand on a tôt fait de forcer la comparaison avec celle dont vous partagez l'apparence, le caractère, mais pas le passé. Un calvaire. Ses mains qui devenaient poings abdiquent et répondent à l'étreinte de Bruce. De son amour, amant, fiancé. Et la colère est remplacée peu à peu par la fatigue et l'affection.
"..." Ne rien dire, écouter. Elle ne peut faire que cela dans le cas présent, rechargeant ses batteries usées par des jours et des jours de combats avec les amazones et atlantes, mais aussi avec certains membres de la Résistance. Elle ne connaît que trop bien le nom de Thomas Wayne, le Batman de cette Terre. On le lui a rabâché en la taxant à côté de catin du chevalier noir, civils et combattants. Ça l'avait choquée, mais elle avait dû faire face à cette triste réalité : ce n'était pas sa Terre. Et même sur leur Terre, elle était une catin, pour Cobblepot ou Dent. Bruce se compare à son père, ce père qui existe ici, dans ce chaos. Celui qui est si violent et si impitoyable. Oh oui, Selina sent l'amertume du chevalier noir, la sécheresse de certains mots. Elle finit par l'obliger à rapprocher son visage du sien, pour que leurs joues se touchent. Pour qu'il ne tombe pas lui aussi dans cette spirale. "Tu sais à quel point les ennuis ont la fâcheuse habitude de me trouver et ce, quoi que je fasse." Ici, ils souffrent de la comparaison de ceux qu'ils ne sont pas. C'est un territoire inconnu, avec des règles qui dérivent de leurs habituelles. "Je suis arrivée seule. J'ai erré pendant plusieurs jours, avant de tomber nez à nez avec la Résistance et des atlantes. En volant, comme tu dois t'en douter." Quelle idée foireuse elle avait eu. Aller dans une base atlante, au moment où ma Résistance faisait une opération. Bon, elle avait pu récupérer du bon matériel et c'est d'ailleurs pour ça que l'escouade l'avait traînée jusqu'au quartier général, et, elle avait un endroit pour dormir et manger, mais les avantages s'en tenaient à ça. Ce qui était d'autant plus dur, dans sa condition. "J'ai été traînée de force dans leurs rangs. C'était soit ça, soit je vivais comme leurs prisonniers. Et je t'avoue que les conditions de vie des prisonniers sont bien en dessa de celles des membres de la Résistance. D'ailleurs tu savais que Loïs Lane la dirigeait ? Et tu n'as pas vu la tête de ton bon ami Clark. On dirait Plastic Man." Bruce sait qu'elle fait référence aux gens d'ici, pas à leur Superman et leur Loïs Lane. Qui ont l'air d'avoir quelque peu distendu leurs relations. C'est quand même drôle. Pour elle, en tout cas.
Selina se détache finalement de lui pour engager pour de bon la marche. Ils devaient trouver une des planques de la Résistance, ou un bivouac de civils au plus vite. Le soleil commençait à se coucher. "J'ai aussi rencontré quelqu'un, que j'ai pris pour toi. Un joli C3-PO noir obsidienne, qui dit ne pas être un de tes acolytes. Lucas Fox. " Sans cesser de marcher, Selina tourne la tête vers Bruce, en souriant en coin. "Je ne savais pas que tu te reconvertissais dans le don de Bat-suit aux jeunes gothamites. Tu ne cesseras jamais de me surprendre." C'était sans grande importance. Il pouvait bien recruter qui il le voulait, du moment que cela n'entrait pas dans l'échelle Booster Gold et Joker. Savoir qu'il passe le flambeau à d'autres, qu'il donne une raison d'être à Gotham via ces jeunes, c'est quelque chose d'inestimable. Une chose qu'ils auraient tous rêvé d'avoir, lors de leurs pires moments.
Ils arrivent finalement à l'abri le plus proche. Un vieux bunker caché dans l'Académie Royale des Arts. Sur leur passage, tout ce qui était pavé et drapé d'une couleur chaire propres aux pierres de ces bâtiments n'existait plus. Éventrés, des trous dans la place centrale, les jardins rasés et ôtés de toute vie. Et dans l'aile dans laquelle ils s'introduisent dès à présent, les cendres jonchent encore le sol. Des gens ont fait brûler des meubles récemment, sans doute pour se réchauffer. Avant de changer de point pour aller on ne sait où. "Nous y voici." De l'index, Selina pointe une porte métallique cabossée. "Les amazones n'ont jamais patrouillé dans ces sous sols. Tout du moins, c'est ce que l'on m'a affirmé. Tu m'aides ?" Ils ouvrent à deux la porte, au prix de quelques efforts. Des efforts qui en coûte malheureusement à Selina, épuisée, à bouts de nerfs, et le ventre en vrac. Lorsqu'ils entrent enfin et arrivent vers les quelques assises et couches de fortune, elle ne tient plus. Ses jambes la lâchent à cause du manque de nourriture et d'eau de ces derniers jours, et ses nausées la guettent à nouveau, pour lui rappeler que ce problème (si l'on peut appeler ça un problème) use aussi sa part d'énergie. "Je ne sais pas ce qu'il reste, ou si il y a eu un passage entretemps. C'est si difficile de se diriger dans Londres, ces derniers temps." Alors qu'elle réfléchit, les mains passant dans ses cheveux et les coudes appuyés sur ses cuisses, un coup de chaud vient la prendre soudainement. Rester concentrée. Ne pas faillir. Toutes ces attitudes, ces pensées, l'ont marquée depuis qu'elle fait ce boulot pour la Rébellion. "Je pense que l'on peut rester jusqu'à l'aube. Il devrait ... il devrait y avoir un passage vers les anciennes rames de métro, vers Green Park." Elle est sur les nerfs, en alerte constante et ça ne lui plaît pas. Elle sent qu'elle n'a pas le contrôle et c'est angoissant. "Bruce. Te souviens-tu de la dernière chose que tu aies vue, avant d'arriver ici ?" Changer de sujet, se raccrocher à quelque chose qui lui rappelle ce qui pourra être de nouveau leur réalité. Depuis son arrivée, elle n'avait jamais eu la chance de parler de cela avec qui que ce soit, et encore moins de lui parler. Quand la voleuse regarde cet homme, qui a vécu des guerres, des conflits, comment fait-il pour tenir ? S'est-il de nouveau lié à ce voeu ? Que se passerait-il si cela était le cas, si le voeu prévaut. Comment fera-t-elle. Est-elle seulement préparée à affronter ça ? Dans la pénombre, Selina semble si frêle, si fragile, si fatiguée. Ses yeux cerclés de gris, ses lèvres craquelées car elle n'a pas pu boire depuis un moment. Cela se voit, à présent. C'est pour ça qu'elle voulait à tout prix ces lunettes. Pour que l'on ne voit pas sa faiblesse.
Debout à côté de sa fiancée épuisée, Bruce examina les lieux autour d'eux avant de répondre quoique ce soit. Ils étaient dans un lieu inconnu, étranger, hostile, et sombre. Ils étaient à un endroit où le danger pouvait surgir du moindre recoin, et il fallait donc redoubler de prudence ici. Il ne se sentait pas en sécurité, et il se méfiait beaucoup du repos imminent et obligatoire. Il allait devoir lutter, comme d'habitude, contre le manque de sommeil.
Mais avant cela...
Il porta les mains à sa tête, et retira le masque de son costume. Son visage s'afficha alors, dévoilant ses traits fatigués et tendus, salis et vieillis par les efforts de ces derniers jours. Il avait hâte de rentrer chez lui, et de profiter d'une véritable nuit de sommeil réparateur. Il se rendait compte que c'était la première depuis de très nombreuses années qu'il souhaitait réellement se reposer ; mais ce n'était pas un mal. Il ne pouvait simplement pas le faire ici.
Il y avait d'autres choses à faire.
« Je me souviens. »
Il vint s'agenouiller à côté de la jeune femme, l'observant, l'examinant de son propre regard, et non pas d'un œil dissimulé par le masque. Elle semblait si vulnérable, si épuisée, qu'il dut se faire violence pour ne pas la scanner dans son intégralité sans sa permission.
« Je me souviens du toit du GCPD, à Gotham, et du Bat-Signal. Gordon était là, et nous parlions. Etonnamment, nous ne parlions pas de la dernière rumeur en ville, ou de la nouvelle affaire dramatique qui m'amenait. Non, nous parlions de lui, et de tout ce qu'il avait vécu depuis plus de vingt ans. De notre première rencontre, il conserve un souvenir étonnamment vivace et chagrin, car il se sent coupable de ne pas avoir cru en moi dès le départ, comme Barbara. »
Il marqua une pause, le regard dans le vague.
« Puis tout a disparu. D'un coup, je me suis senti happé par quelque chose que je ne pouvais pas contrôler... et je me suis retrouvé ici, dans les souterrains, avec Hal pas loin. Je ne crois pas, en toute honnêteté, avoir été aussi heureux de le voir qu'en cet instant. Et je pense que c'était réciproque, car nous étions tous les deux perdus et vulnérables face aux monstruosités des tunnels londoniens. »
Il s'assit alors à côté de Selina, passant un bras autour d'elle pour l'attirer contre lui. Certes, l'armure n'était pas le mieux pour qu'elle sente sa chaleur, mais l'intention était là et le geste aussi. Ils restèrent ainsi un long moment, sans rien dire, sans rien faire, simplement ensemble, et eux-mêmes. Combien de moments aussi calmes et aussi intimes allaient-ils avoir ici, sur cette Terre ? Probablement pas beaucoup plus.
Mais, n'y tenant plus, Bruce finit par rompre le silence.
« Cat ? »
Sa réponse, presque automatique, en écho, le fit presque sourire.
« Je t'aime. »
Un moment de vulnérabilité dans un monde ravagé et en proie au chaos, alors qu'ils n'étaient que tous les deux. Isolés, séparés des leurs, séparés de leur foyer, séparés de leur confort habituel... mais ensemble. Ils étaient ensemble, et c'était tout ce qui comptait. Selina avait déjà vécu dans la pauvreté, et lui aussi. Ils avaient tous les deux connus la misère et la luxure. Ils pouvaient supporter tout ça.
« Si tu veux te reposer, je monte la garde. Et je peux essayer de nous trouver une couverture, ou des vivres. »
Found you on the battlefield L'entendre parler de Gotham, de ses derniers souvenir et moments alors que le monde changeait pour eux sans qu'il n'aient aucune prise, aucun moyen de se battre contre ce changement l'apaise quelque peu. Cela lui permet de se remémorer la tête de Gordon, toujours aussi sec et sérieux. De revoir les toits des immeubles, de sentir la puanteur émanant de Ace Chemicals. Et partir avec lui, dans les rues, ensemble. Combattre le crime à leur manière, ensemble. Toutes ces sensations, tous ces moments semblent si lointains. Elle avait peur d'en perdre le sens et encore plus de changer, à cause de toute cette guerre qui lui faisait oublier l'essence même de ce qu'elle a toujours été. "Mh." De nouveau le prendre dans ses bras, cette fois sans aucun jeu, sans envie de contrôler l'autre et cacher sa faiblesse, la perturbe quelque peu. Elle n'a pas envie de rire, de se montrer mesquine ou bien féline. Non, elle veut juste être avec lui pendant cette pause, au milieu du chaos. Alors, sans qu'elle ne s'en rende vraiment compte et aussi faible soit sa force en cet instant, Selina l'entoure de ses bras et le serre. Son nez comme sa bouche viennent flirter avec son visage de nouveau sans masque, avec cette nuque toujours tendue et puissante au cas où une attaque puisse survenir. "Reste ..." Elle se frotte, lentement, comme ces chats sauvages cherchant pour une fois l'affection de quelqu'un qu'ils considèrent comme un égal. Même si pour la femme, cela est bien plus profond que ce lien félin. Bruce peut sentir en cet instant à quel point elle frémit d'un simple contact. Combien elle se fiche qu'ils soient encore en costume, sales et confinés dans cet espace. Et elle hésite, à lui dire. À ce que cela sorte, alors qu'elle sent la main du chevalier noir, de son fiancé, flirter près de ses hanches et son ventre. "Bruce ?" Ses doigts remontent jusqu'à sa mâchoire et elle se perd dans le bleu de ses yeux. Happée, comme si souvent, subjuguée par cette manière qu'il a d'attendre sur le qui vive, les lèvres légèrement entrouvertes, ce que son interlocuteur va lui dire. Chaque fois que les souvenirs la dirigeaient vers lui dans ce chaos, elle interrompait sa pensée par une idée du réel, ou de ce qui pourrait être. Car elle avait peur, si peur. Elle était effrayée, incapable de comprendre ce qui pouvait arriver dans un tel cas. Et encore plus de pouvoir partager ces sentiments quand la personne qu'elle dévisage en ce moment est aussi ignorante qu'elle sur ce sujet. Elle croit sentir sur sa joue sa large main, alors qu'elle perd le courage de le lui dire. "Laisse moi faire un instant. J'ai ... j'ai besoin de te le dire." Alors qu'elle le dise. À force d'agir ainsi, ne risque-t-elle pas de créer encore plus de doute et de panique ? Mais c'est si difficile car ... en soi, quelque chose dépendait d'elle, à présent. Entièrement. "Ce n'est pas le meilleur moment pour te l'annoncer. Et je ne sais pas ce qu'il adviendra durant ces prochains mais ..." Selina prend les mains de Bruce, et les pose sur son ventre. Son front contre son front. Ses yeux dans les siens, ces larmes qui montent sans qu'elle ne puisse les contrôler ... et sa voix, sa voix qui finalement se brise sous le coup de tant d'émotions contraires. "Je suis enceinte." Rien que l'annonce de leurs fiançailles n'avaient pas forcément fait l'unanimité au sein de leur cercle respectif. Alors si en plus un enfant entre en ligne de compte ... elle pense à Damian, qu'elle a essayé de ne pas laisser de côté. Ou Holly, encore trop agitée et torturée pour arriver à s'en sortir d'elle-même.
Et lui ? Lui, elle ne sait pas. Comment prend-il la nouvelle ? Pour le moment, il reste si interdit, sans doute aussi choquée qu'elle quand elle a commencé à vomir alors qu'elle ne ressentait aucun malaise, quelques minutes plus tôt. Catwoman ferme alors les yeux, baisse légèrement la tête et soupire. "Mais ça ne change rien au fait que nous soyons impliqués dans cette guerre. Je ne te l'annonce pas comme une fatalité juste ..." ... juste qu'elle pourrait perdre cet enfant. Non pas parce qu'elle n'en veut pas, mais parce que Terre-4 les met à rude épreuve. C'est un fait qu'ils doivent prendre en compte, en sachant que déjà ce petit problème de plusieurs mois a déjà repoussé ce mariage qu'ils tenaient tant à préparer de la façon la plus simple, et la plus confortable pour tous deux.
Rares étaient les fois où il était surpris. Véritablement surpris, choqué, béat, incapable de trouver les mots. Pourtant, en pareille situation, il aurait du savoir quoi dire. Mais même le célèbre et implacable Chevalier Noir de Gotham se retrouvait dépourvu de mots, sa carapace incapable de supporter une annonce comme celle-ci. Que ressentait-il ? Il l'ignorait. Il ne savait pas comment réagir, quand même il avait déjà envisagé tous ces scénarios dans sa tête.
Des scénarios.
Oui, voilà comment ils les appelaient.
Et c'était bien dommage. Car ce qu'il vivait là, c'était probablement le moment le plus important de sa vie : l'aveu de la part de Selina, qu'elle était plus vulnérable que jamais, qu'elle devait faire attention car désormais, ils avaient une responsabilité supplémentaire sur les bras. Personne d'autre ne pouvait les aider dans cette épreuve, ils ne pouvaient compter que sur eux-même. Bruce fit alors la seule chose qu'il pouvait faire en cet instant : il serra un peu plus la femme qu'il aimait contre lui, conscient qu'elle avait besoin de cette affection. Qu'elle avait besoin qu'il soit là, aujourd'hui encore plus qu'avant.
Il finit par trouver les mots, au bout d'une éternité de silence.
« Une raison de plus de rentrer à la maison. »
Toutefois, sa conscience l'obligeait maintenant à revoir certaines priorités, et cela lui déplaisait. Il aimait Selina, et il savait que cet enfant, il allait l'aimer plus que tout au monde. C'était normal, c'était ainsi, c'était... humain. Mais comment pouvait-il continuer à faire ce qu'il faisait en sachant qu'il y aurait bientôt une raison de rester en vie, quoi qu'il arrive ? Comment...
Non.
Il ne devait pas y penser.
Ils auraient tout le temps d'en discuter, à l'abri, chez eux, au chaud, et dans un environnement qui s'y prêtait. Il ne fallait pas y penser maintenant.
« Pauvre Alfred. Il sera partagé entre la joie la plus immense et la crise cardiaque lorsque tu lui annonceras la nouvelle. Bien que je le soupçonne d'être capable de le deviner sans que tu n’ai à prononcer un seul mot... »
Il sourit légèrement. Être père, c'est quelque chose qu'il avait déjà essayé, timidement, pas à pas, en adoptant des garçons. Mais ils les avaient transformés en arme, et malgré l'amour qu'il avait pour eux, il était incapable de leur dire des mots simples et de les mettre sur un pied d'égalité avec... avec l'enfant qui allait venir. Damian était un fils naturel, mais il n'y avait jamais eu l'affection qu'il aurait du avoir, et ce malgré leurs efforts. Le Batman n'était pas un père, c'était un combattant, et il n'y avait jamais eu la place pour une famille dans cette croisade. Pourtant... pourtant, cette famille, elle s'était développée toute seule, à sa façon.
Alors, pourquoi pas avec un enfant de plus, un enfant désiré, aimé et qui avait une chance, la seule chance depuis toujours, de grandir normalement ?
« Je suis content que tu m'en parles, Cat. C'est... une nouvelle incroyable, et je crois que je ne réalise pas encore tout ce que cela implique. Mais nous sommes ensemble, et il n'est pas question que ça change. Encore moins maintenant. On va rentrer à la maison, ensemble. Alfred ne nous pardonnerait pas de mourir ici, maintenant qu'il va avoir un autre Wayne sur les bras. »
Prenant le visage de sa belle entre ses mains, il l'embrassa doucement, avant de soulever son masque. Il le fixa alors un bon moment en silence, revivant une vingtaine d'années d'un simple regard. Sa croisade, son combat, ses hauts et ses ba,s tout ce chemin parcouru pour au final en revenir à une case qu'il cherchait depuis si longtemps à éviter : se poser des questions.
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